La Puce n° 106

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LA PUCE à L’OREILLE Publication du MFPF 34 - N°106 - 2ème trimestre 2010

Sommaire P.2 Actualités nationales et internationales La bioéthique en questions Carole Roussopoulos

P.4 Actualités locales Assemblée générale

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Le Pla nning e n c a m pa gne

Débat Maternité versus féminisme Petites annonces...

P.9 Droits fondamentaux Rapport de l’IGAS

P.10 Contraception La stérilisation volontaire

P.11 Culture

Pourquoi le Planning se lance-t-il dans une campagne d’adhésion

en 2010 ? La question est légitime quand on sait que les partis politiques, les syndicats et les associations en général ont de plus en plus de mal à convaincre les citoyens de les rejoindre. Tout simplement parce que l’adhésion est un encouragement réel pour que le Planning continue de compter : pas le Planning pour le Planning mais bien pour que l’éducation à la sexualité reste un droit suivi d’effets, pour que demain le remboursement de tous les contraceptifs soit une réalité, pour que la moralité ne prenne pas le dessus sur l’IVG. Parce que le nombre que nous représenterons fera pencher la balance (souvenez-vous, nous étions 200 000 à avoir signé la pétition de défense des missions du Planning début 2009), le premier pas de soutien pour que nos droits soient respectés, c’est l’adhésion.

Florence Aubenas

Rejoignez-nous ! Fatima Bellaredj, présidente du Planning 34


Actualités nationales & internationales

Questions de bioéthique La bioéthique soulève bien des questionnements : quelques éléments pour faire le point à la veille d’une révision des lois de 1994.

L’ASSEMBLEE NATIONALE devrait prochainement réviser les lois de bioéthique votées en I994. Il s’agissait alors d’établir des règles concernant les manipulations du vivant et de préserver les droits fondamentaux des personnes, sans entraver la recherche médicale. Les principes de cette loi énonçaient le désir d’établir le respect de la dignité de l’individu ; l’indisponibilité du corps humain (c’est-à-dire l’interdiction de la location ou de la vente de tout ou partie du corps) ; l’anonymat et la gratuité du don. En 2004, en raison des progrès de la science, la loi a interdit le clonage reproductif ou thérapeutique, et la recherche sur les cellules souches embryonnaires (sauf pour quelques expérimentations favorisant le progrès thérapeutique) et a autorisé la possibilité d’effectuer des dons d’organes à destination d’un membre de sa famille, ou de la personne qui partage la vie du donneur depuis plus de deux ans. Six ans après, en 2010, de nombreuses

questions se posent encore. Les mères porteuses sont interdites en France, mais autorisées dans nombre de pays voisins. Le combat des époux Mennesson, dont les jumelles Isa et Léa sont nées aux Etats-Unis, en 2000, d’une mère porteuse, défraie actuellement la chronique judiciaire. aL’ anonymat est exigé pour les dons de gamètes - spermatozoïdes ou ovocytes. Mais peut-on priver l’enfant de l’accès à ses origines ? aLa gratuité : le don d’ovocytes comporte pour la donneuse risques et contraintes (elle doit être sous stimulation hormonale pendant un mois avant une intervention chirurgicale lourde, avec anesthésie générale). Doit-on maintenir l’exigence de la gratuité ? aDoit-on autoriser totalement la recherche sur les cellules souches embryonnaires, comme le demandent certains chercheurs ? aLe diagnostic préimplantatoire et les tests génétiques doivent-ils être autorisés

et à quelles conditions ? aLa procréation médicalement assistée doit-elle être autorisée, et pour qui ? Pour les seuls couples hétérosexuels, ou également pour les célibataires et les couples homosexuels ? aPeut-on implanter des embryons lll

dons de sperme, dons d’embryon, mères porteuses…

embryon : organisme en développement depuis la première division de l’œuf jusqu’au stade où les principaux organes sont créés, soit à huit semaines chez l’être humain. Au-delà, on parle de fœtus.

Petit Lexique bioéthique : science des mœurs et de la morale considérée comme un ensemble de règles de bonne conduite médicale qui dépend à la fois de la déontologie, de la science et de la morale. « La bioéthique permet, par des entraves librement consenties, d’empêcher le pouvoir de l’homme de devenir une malédiction pour lui-même. » (H. Jonas) PMA (procréation médicalement assistée) : ensemble de pratiques cliniques et biologiques où la médecine intervient dans la procréation : fécondation in-vitro et transfert d’embryons, ovulation programmée, congélation d’ovaires, dons d’ovules,

DPN (diagnostic prénatal) : ensemble de pratiques médicales ayant pour but de détecter in-utero, chez l’embryon ou le fœtus, une affection grave. Parmi les techniques existantes, les plus courantes sont l’échographie et l’amniocentèse. DPI (diagnostic préimplantatoire) : ensemble de techniques permettant de connaître précocement les caractéristiques d’un embryon, lors d’une fécondation in-vitro. Il permet de sélectionner un embryon sain avant l’implantation dans l’utérus de la mère.

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cellule souche : cellule indifférenciée se caractérisant par sa capacité à engendrer des cellules spécialisées en se multipliant quasi indéfiniment à l’identique. Les cellules souches font actuellement l’objet de beaucoup de recherches, en vue de régénérer les tissus, voire de créer de toutes pièces tissus et organes. Provenant majoritairement d’embryons, elles posent des problèmes d’éthique.


Actualités nationales & internationales

lll après

le décès du père ? Et si non, pourquoi ? aFin de vie : peut-on stopper une alimentation artificielle et dans quelles conditions ? Cela peut concerner les personnes âgées ou les malades très graves, mais aussi les nouveau-nés très prématurés. aActuellement, la législation est contournée par de nombreux couples qui vont chercher à l’étranger ce qu’on

leur refuse en France (mères porteuses aux U.S.A, ovocytes en vente en Grèce ou en Espagne,fFécondation in vitro pour les couples homosexuels en Belgique…) Doit-on maintenir l’intransigeance actuelle ? Sur quels principes ? n Marianne Loupiac

L’héritage d’une féministe AUTEURE de plus de cent vingts films documentaires, notre amie, la féministe Carole Roussopoulos, est décédée d’un cancer en octobre 2009. Née Carole de Kalbermatten à Lausanne en 1945, elle fonda en I971, avec son compagnon le peintre Paul Roussopoulos (réfugié de la Grèce des colonels), le collectif de vidéo militante Vidéo Out. Caméra au poing, elle a combattu pour les droits à la contraception et à l’avortement, contre le silence du viol et de l’inceste, les mutilations sexuelles : Et y’a qu’à pas baiser, L’inceste : la conspiration des oreilles bouchées (I988), Le Viol conjugal, viol à domicile (2003), Femmes mutilées, plus jamais (2008)... sont autant de jalons d’une lutte collective forte et joyeuse. Sa haute silhouette et son sourire énergique sont inséparables des actions de cette époque. Avec Delphine Seyrig, elle avait créé en I982 le centre audiovisuel Simone de Beauvoir. Entre I986 et 1994, elle avait dirigé et animé l’Entrepôt, cinéma d’art et d’essai dans le 14ème arrondissement de Paris, créé

par Frédéric Mitterand. Elle voulait « faire comprendre que c’est un grand bonheur et une grande rigolade de se battre ! Nous avons toutes à gagner à lever la tête, tout le monde, tous les opprimés de la terre». n Marianne Loupiac

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Etats-Unis : séropos autorisés L’interdiction d’entrer sur le territoire américain faite aux séropositifs depuis vingt deux ans est enfin levée. Le président Obama a annoncé la disparition de cette restriction au début de l’année 2010. « Si nous voulons être à la tête du combat contre le Sida dans le monde, nous devons nous comporter comme tels. » Il existe encore une dizaine de pays dans le monde qui refusent l’entrée aux séropositifs. Poisson soluble ? En février 2010, face à la levée de bouclier de nombreuses associations conservatrices, Luc Chatel, ministre de l’Education Nationale, a tranché : le film d’animation à vocation pédagogique Le baiser de la lune, qui aborde les relations amoureuses entre personnes de même sexe, ne sera pas diffusé dans les écoles élémentaires. Réalisé par Sébastien Watel, il était destiné aux élèves de Cm1 et Cm2. Dans un communiqué de presse, le Planning familial a déploré cette interdiction. « L’âge des élèves a été invoqué pour justifier cette interdiction : nous pensons au contraire que l’école élémentaire est un moment idéal pour aborder ces questions ! L’éducation à la sexualité ne peut, ne doit pas commencer seulement à l’adolescence. Le rapport à l’autre, le respect des différences, le questionnement des normes sont autant de thèmes qu’il est essentiel d’aborder dès l’école primaire. (…) Pas plus que l’éducation à la sexualité n’est un encouragement à avoir des relations sexuelles, l’information sur l’homosexualité n’est une incitation à avoir des pratiques homosexuelles ! (…) Pouvons-nous faire de l’éducation à la sexualité en passant sous silence les différentes formes sous lesquelles elle peut être vécue ? L ‘éducation à la sexualité doit-elle être la promotion du modèle idéal : un homme, une femme, s’unissant pour procréer ? www.le-baiser-de-la-lune.fr

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Actualités locales

Au rapport ! L’assemblée générale du Planning 34 s’est tenue le 26 avril 2010. L’occasion de faire le point sur nos activités et de débattre du Plan stratégique pour les trois prochaines années. Éléments quantitatifs Dans les trois centres de planification (Agde, Montpellier et Lunel), 4 626 Personnes ont été reçues en entretien dont 2 208 mineur(e)s. Parmi l’ensemble de ces personnes, 3 258 ont été reçues en consultation médicale (dont 1 316 mineur(e)s). Dans le cadre des permanences des Hauts cantons (à Clermont l’Hérault, Ganges, Gignac, Lodève, Pézenas et St Pons de Thomières), 764 personnes ont été reçues, dont 482 mineur(e)s. Au total donc, en 2009, l’activité de planification, nous a permis de rencontrer 5 390 personnes. Accès des jeunes majeurs à la prévention 60% du nombre total des personnes reçues en consultation dans les centres de planification sont des majeures, dont 90% sont des filles, pour la plupart âgées de 18 à 20 ans. Nous observons les signes d’une dégradation des conditions sociales et d’une précarisation économique de plus en plus prégnante, en particulier des jeunes sans emploi et/ou salarié(e)s précaires, mais aussi des étudiant(e)s. La précarité est un facteur de vulnérabilité auquel se rajoute souvent celui de la domination sociale. Au-delà, la mobilité géographique ou professionnelle de certaines (alternance de statuts) fragilise d’autant leur protection sociale, la continuité de leurs droits n’étant pas assurée. Les jeunes majeures s’adressent au Planning familial parce qu’elles n’ont plus ou pas d’accès à une couverture sociale et que leur situation économique ne leur permet pas d’avancer les frais médicaux indispensables. Les dépassements d’honoraires, le refus fréquent affiché de recevoir des personnes bénéficiaires de la CMU, et/ou des délais de rendez-vous très dissuasifs de la part de certains professionnels, renforcent l’ensemble. Elles sont de fait privées du choix d’être suivies en médecine de ville. L’impossibilité pour les jeunes majeures

Le Planning 34 a accueilli 5 390 personnes en 2009. de bénéficier de la gratuité et de la confidentialité peut conduire à un effet contreproductif en terme de prévention et de réduction des risques sexuels. Le Planning familial de l’Hérault entend défendre l’accès des jeunes majeur(es) à la prévention et à la réduction des risques et en particulier pour les plus démuni(e)s, entre autre en demandant le remboursement de tous les moyens de contraception. Les accueils individualisés Dans le cadre de ses activités d’entretiens individuels, Le Planning de l’Hérault a ouvert, au fil du temps, divers espaces d’écoute Au local de Montpellier et dans les villes moyennes, sur plusieurs créneaux hebdomadaires, sont proposés des entretiens de conseil conjugal et familial (difficultés de couples, sexualité, identité sexuelle, parentalité...), d’écoute des violences conjugales, ou intrafamiliales (mariages forcés, jeunes en rupture familiale, viol,

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inceste...), mais aussi beaucoup d’entretiens d’information sur la contraception et l’IVG, ainsi qu’une aide aux femmes désirant obtenir une IVG en délais dépassés. Au service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Gui de Chauliac, une écoute des femmes vivant avec le VIH est assurée tous les mercredis matin par une militante du MFPF. Dans ce même service, deux permanences de sexologie, à l’écoute des hommes et des femmes vivant avec le VIH, sont assurées par des sexologues les mardis et jeudis après-midi. Au local du 48 bd Rabelais, depuis avril 2008 des personnes en questionnement identitaire et leur famille sont reçus par une militante du Gest. Enfin, notre association départementale assure des heures d’écoute téléphonique dans le cadre du dispositif régional mis en place en 2001. Au total, en 2009, 1 941 personnes ont bénéficié d’un accueil individualisé en face à face.


Actualités locales

Les animations 5 823 jeunes de moins de 25 ans et 1 659 adultes ont été rencontrés en 2009 dans le cadre d’animations à l’extérieur, auprès de divers publics (jeunes scolarisés, mineurs incarcérés, jeunes en insertion, jeunes ou adultes en situation de handicap, personnes migrantes ou issues de l’immigration). Au-delà de ces publics directement ciblés, nos actions touchent aussi le personnel encadrant (animateurs/trices, enseignant(e)s). Le Prodas C’est en 2009 qu’a été lancé le projet pilote Je et les autres. C’est une adaptation locale du Programme de développement affectif et social (Prodas) conçu au cours des années 80 par des enseignants et chercheurs en psychopédagogie et qui vise à améliorer l’estime de soi et la confiance en soi des enfants, ainsi que leurs compétences relationnelles. Il permet aux enseignants une meilleure compréhension et une connaissance plus fine des élèves. Il contribue également à apaiser les relations et les conflits, favorisant ainsi une bonne relation pédagogique. Il est considéré comme un programme de prévention précoce de la souffrance psychique. Pour le Planning familial, il s’agit de mettre en œuvre un travail de fond avec les enfants plus jeunes, pour participer à la réflexion sur les mécanismes de socialisation qui favorisent les inégalités et les exclusions. Par ailleurs, selon les enquêtes nationales, il contribue à la prévention des violences au sein du couple. On sait que l’incapacité à exprimer des émotions est bien souvent rencontrée chez les auteurs de violences. Les formations Elles visent à outiller les acteurs (ou futurs acteurs) de l’action sociale et médico-sociale sur les questions de genre et sexualité et à transmettre une conscience politique, en travaillant sur la posture professionnelle et les idéologies sous-jacentes aux différents dispositifs d’aide. Il s’agit de permettre de questionner ses valeurs personnelles ainsi que celles des institutions, tout en diffusant la promotion de l’égalité et de la lutte contre les discriminations. Au total, 194 professionnels ou futurs pro-

Plan stratégique : se recentrer sur nos priorités Débattu lors de l’Assemblée générale 2010, le plan stratégique de l’AD 34 fixe les orientations à prendre et/ou à conforter en précisant des objectifs à atteindre en trois ans. Il veut donner une plus grande lisibilité à notre action politique et vise à une plus grandes cohérence de nos actions au service de nos missions. Notre préoccupation est de nous recentrer sur nos priorités, en direction des populations à risques, à savoir les femmes et les jeunes. éducation à la sexualité : être plus visible auprès des jeunes des établissements scolaires ; réaliser un état des lieux de l’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires; définir la liste des établissements prioritaires d’intervention accès à la contraception : assurer un accès à tous les modes de contraception dans le cadre des consultations médicales du Planning ; dresser la liste noire des pharmacies qui refusent de délivrer la pilule du lendemain aux mineures ; assurer des formations aux futurs médecins, sages-femmes et infirmières. accès à l’I.V.G : devenir un observateur des conditions proposées aux femmes pour une I.V.G (accueil, méthode, délais...) ; proposer l’I.V.G médicamenteuse dans le cadre de nos permanences médicales ; se faire connaître auprès de l’Agence régionale de santé comme interlocuteur pertinent. lutte contre les violences : redynamiser la commission violences ; former les relais Prodas ; réinsuffler une dynamique positive dans le Réseau des mariages forcés femmes et VIH : dresser un bilan du désengagement de l’Etat sur les trois dernières années ; établir un état des lieux des actions menées avec nos partenaires ; soutenir les initiatives portées par les femmes séropositives.

fessionnels ont participé en 2009 à une des formations organisées (Réduction des risques sexuels, Adulte-relais, Conseillèr(e) conjugal(e) et familial(e)...). Les femmes sans papier En collaboration avec la Cimade, le Planning a relancé ce groupe constitué de quarante cinq personnes, qui a été mis en place en 2007, à la demande des femmes elles-mêmes. Le Planning investit ce champ d’action dans le cadre de sa mission de lutte contre les violences faites aux femmes et pour l’universalité des droits. La déconstruction des rumeurs et des fausses informations nécessite des interventions permanentes. Le poids des réseaux informels, qui profitent de la détresse des femmes, est important. Le fait d’être persécutée en tant quefemme est malheureusement rarement pris en compte par les lois relatives au droit de séjour. Celles-ci sont restrictives et frappent de plein fouet les femmes qui sont particulièrement fragilisées dans le

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parcours migratoire du fait de leur statut. Fuir la famille, le mari, le pays, le proxénète ou le poids des traditions, selon qu’il s’agisse de violence conjugale, de mariage forcé, d’exploitation sexuelle, de mutilation, d’esclavage ou de privation de liberté, n’est pas considéré comme un fait politique et représente une autre forme de violence. La vie associative Réseau national, le MFPF est présent dans soixante dix départements et trois départements d’Outre-mer. Il est structuré en vingt fédérations régionales. Le MFPF 34 est impliqué dans la vie et l’administration de la fédération Languedoc Roussillon Aveyron. Les différentes commissions (« Puce à l’oreille », « C.O », « Communication », « Formation »…) sont des espaces de réflexion, d’élaboration et d’analyse de la pratique autour d’un pôle d’activité. n Pour plus de détails, voir le rapport d’activité complet sur www.leplanning34.org (rubrique «qui sommes-nous?»)

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Débat

Maternité versus émancipation de la femme ? Laissons de côté les polémiques écologiques, naturalistes, lobbyistes, et autres provoquées par la parution du dernier pamphlet d’Elisabeth Badinter pour nous intéresser aux points de vue quant à l’influence de la maternité et de l’allaitement sur l’émancipation de la femme. ALORS QUE LA CONTRACEPTION, l’avortement et la conquête progressive de l’égalité au travail ont permis à la femme de choisir ses périodes de travail et de maternité, ou de non maternité, une pression et une culpabilisation des femmes apparaît depuis une dizaine d’années, mettant la maternité au premier plan et poussant au retour de la mère au foyer. Voici ce qu’en dit Elisabeth Badinter dans son dernier essai Le Conflit, la femme et la mère : «Une bonne mère aujourd’hui, c’est une mère qui revient aux fondamentaux. Elle allaite pendant six mois, ne met pas son bébé à la crèche ou pas trop tôt, parce qu’un bébé a besoin d’être avec sa mère et non dans un nid à microbes, elle se méfie de ce qui est artificiel et a des préoccupations écolo. Le petit pot est devenu un signe d’égoïsme, on revient à la purée écrasée par maman. Une bonne mère est constamment à l’écoute doit veiller au bien-être physique et psychologique de l’enfant ; c’est un full time job. (…) On est passé de : Vous avez le droit d’allaiter, à Vous devez (…) La crise économique a rendu le travail plus dur, plus précaire, plus stressant. Les femmes sont les premières touchées. C’est l’origine du bouleversement. Dans les années 90, la droite a proposé une allocation maternelle qui a renvoyé les femmes à la maison avec comme seul potage un demi-Smic. Tout cela a engendré de nouveaux comportements, de nouvelles peurs, propices à un retour aux fondamentaux.» Elle conclut : «La majorité des Françaises concilie la maternité et la vie professionnelle, elles sont nombreuses à travailler à temps plein quand elles ont un enfant. (…) La France est d’ailleurs le pays industrialisé où le taux de femmes qui travaillent à temps complet avec un enfant est le plus élevé. Les Françaises bénéficient d’une histoire unique. Depuis le XVIIe, et surtout le XVIIIe siècle, la société française a posé le principe que la femme ne peut être réduite à la maternité.(…) Elles résistent au modèle de mère parfaite, mais pour combien de temps ? D’autant qu’on assiste à un règlement de comptes entre générations. Certaines filles disent à leurs mères : Je ne serai pas comme toi à courir entre le travail et les enfants, toujours pressée, et stressée, heurtée au plafond de verre. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, on est peut-être à un tournant.»

Allaiter : une injonction naturaliste et anti-féministe ?

travail. Aujourd’hui, on est dans un contexte beaucoup plus tendu. Celles qui, pour des raisons personnelles, choisissent leur activité professionnelle plutôt que l’allaitement sont culpabilisées. Il faut laisser aux femmes le choix d’allaiter ou non. Là-dessus, je rejoins Elisabeth Badinter, qui a le mérite de dresser ce constat. Même si je trouve qu’elle va trop loin, dans son ouvrage, sur d’autres points, comme le naturalisme radical.» Clémentine Autain, fondatrice du mouvement féministe MixCité, a également un point d’accord avec Elisabeth Badinter : « Je suis hostile aux thèses essentialistes qui considèrent que les femmes ont, par nature, des qualités particulières. Ces considérations ont contribué, pendant des siècles, à enfermer les femmes dans leur rôle traditionnel, cantonné à la sphère privée. J’ai l’impression, comme elle, que cette idéologie revient en force dans un monde bouleversé par la révolution féministe du XXe siècle, c’est parfois réconfortant de se couler dans les schémas anciens...» Dominique Meda, sociologue du travail, elle aussi «partage l’idée que, depuis une dizaine d’années, l’on assiste à une offensive qui défend la répartition traditionnelle des rôles fémininmasculin. Ces discours, qui émanent souvent de pédopsychiatres, de psychologues ou tout simplement d’auteurs masculins, sont sans doute une façon de résister aux avancées du féminisme, qui ont été réelles jusqu’à la fin des années 1980. Ils redoutent la fin de l’autorité, la confusion des rôles père-mère et l’indifférenciation hommes-femmes. Ces discours très normés sur le rôle lll

Le retour des normes traditionnelles Marie-Pierre Martinet, du Planning Familial national, interviewée par Libération, s’exprime ainsi «c’est vrai qu’on constate une injonction de plus en plus forte à rentrer dans un schéma de survalorisation de la maternité. Aux yeux de la société, les femmes ne sont vraiment femmes que si elles sont mères. Pour preuve, le regard suspect sur celles qui n‘ont pas d’enfant et qui n’en veulent pas, et le désintérêt vis-à-vis de celles qui ne peuvent plus en avoir. On voit bien aussi que c’est lié à un contexte économique : il y a vingt ans, quand on a promu l’alimentation artificielle des bébés, on avait besoin des femmes sur le marché du LA PUCE à L’OREILLE n 2ème trimestre 2010

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Débat

lll des mères ont contribué à peser sur le travail des femmes et à culpabiliser les mères. Car la maternité contribue indiscutablement à peser sur l’emploi des femmes : lorsqu’ils sont seuls et sans enfants, les hommes et les femmes ont les mêmes taux d‘emploi, alors qu’il y a plus de 20% d’écart lorsqu’ils deviennent parents ! Qu’elles le veuillent ou non, l’arrivée d’un enfant handicape donc lourdement les femmes sur le marché du travail et elles seules. (…) et encore plus les femmes fragilisées des milieux modestes qui optent souvent pour un congé parental : le faible montant de l’allocation peut concurrencer les bas salaires des smicardes ou le travail à temps partiel mal rémunéré, surtout dans des conditions de travail difficiles avec de plus en plus d’horaires atypiques. Après une absence de trois ans, ces femmes peu diplômées ont énormément de mal à revenir sur le marché du travail.»

Le débat ne date pas d'hier ! André Léo, de son vrai nom Léodile Béra (1824-1900), journaliste et militante socialiste, a beaucoup écrit sur les droits des femmes et des travailleurs. Elle a publié son premier roman Un mariage scandaleux en 1862. Dans son traité en six parties, La Femme et les mœurs (1869), la quatrième est dédiée à la maternité. Elle y dénonce l'alibi de la maternité utilisé pour éloigner les mères du marché du travail. Extraits : "Pensons-y bien : ce serait à cause de l'importance de la sainteté de la fonction maternelle que la femme devrait être privée d'une large culture intellectuelle ? de cette dignité qui résulte de la possession de soi ? de la responsabilité de ses actes, qui seule constitue la moralité ? C'est à cause de la maternité que lui seraient interdites les fortes études ? ainsi que les grands bénéfices du travail sérieux ? La femme serait d'autant plus mère, c'est-à-dire d'autant plus propre à élever ses enfants, à développer leur âme, à préserver leur santé, qu'elle prendrait moins de part et d'intérêt à la vie sociale ! qu'elle serait plus ignorante, plus atténuée comme personne morale et intellectuelle ! La grande fonction du renouvellement de l'humanité, serait le mieux remplie par un être privé de son développement normal, et atrophié dans une part de sa vie, la plus importante ? (…) La vie normale de chaque être est de soixante à soixante dix ans. Doit-elle être sacrifiée toute entière à cet espace de dix ou de quinze années ? (…) Enfin, s'il est reconnu en démocratie que droit et devoir s'impliquent et sont les deux faces du même fait moral, qu'on cesse de faire du devoir le plus étendu et le plus sacré, un titre d'esclavage. Qu'on cesse d'élever les devoirs de la femme contre ses droits. » Ça vous rappelle quelque chose ? Dessin de Mai-Lan www.mai-lan.fr

La maternité sans l’aliénation? Les femmes qui souhaitent allaiter sont-elles forcément manipulées ? Ce n’est pas le point de vue de Clémentine Autain : «On peut être féministe et allaiter. La maternité n’est pas forcément synonyme d’aliénation. Si elle repose sur un libre choix, la maternité peut être un véritable épanouissement. Le seul pari pertinent et durable, c’est la recherche conjointe de la liberté des mères - et plus généralement des parents - et du bien-être de l’enfant. Mais pour cela, il faudrait construire un véritable service public de la petite enfance - seul un enfant sur dix est accueilli en crèche - combattre les stéréotypes et encourager un partage des tâches parentales.» Avis partagé et complété par Dominique Meda : «Il serait sans doute bénéfique de réfléchir à une organisation des temps de vie qui laisse à tous - aux hommes comme aux femmes - la possibilité de s’occuper de leurs enfants. Il faudrait donc repenser l’articulation famille-emploi, afin que le temps familial cesse de peser uniquement sur l’emploi des mères, et de répartir différemment la prise en charge de l’enfant entre les pères, les mères et des modes de garde de qualité. Les femmes assument aujourd’hui 80% des tâches parentales et domestiques, un déséquilibre qui n’a quasiment pas bougé depuis vingt ans» L’ouvrage d’Elisabeth Badinter a suscité de très nombreuses réactions sur internet. En voici deux particulièrement intéressantes. La première, signée Simone Tourné, mère et militante féministe à l’association Femmes solidaires: «Elisabeth Badinter se veut féministe ; moi aussi. Elle se veut femme libérée ; moi aussi. Elle revendique un meilleur partage des tâches ménagères dans le foyer ; moi aussi. Mais là où je dis halte, c’est quand elle s’en prend à l’allaitement maternel, quand elle prône les petits pots contre les repas maisons etc, etc…. Mme Badinter, avez-vous allaité vos enfants ? Moi, oui. Et je ne me suis jamais sentie menacée dans ma féminité, au contraire. Savez-vous Madame, le plaisir physique que l’on peut avoir en allaitant ; équivalent à celui du plaisir avec son compagnon ? Et ça, malheureusement, c’est un argument souvent passé sous silence quand on allaite car trop connoté sexuellement.(…) Mme Badinter avez-vous préparé vous même des petites soupes pour vos enfants ? Moi, oui ! Et à aucun moment, je ne me suis sentie femme-esclave ou femme-bobonne. Il suffit de faire les actes que l’on veut quand on veut. (…) Mais que savez-vous des milliers de femmes qui travaillent pour un salaire de misère, qui doivent subvenir à lll

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Débat

Petites annonces...

lll la nourriture, à l’éducation de leurs enfants, au logement, et au calcul de fin de mois difficiles ? Avez-vous seulement idée de savoir comment elles se débrouillent ? Croyez- vous qu’elles ont la possibilité de réfléchir à une certaine culpabilité ou pas de donner le sein ? Elles font ce qu’elles peuvent avec les moyens qu’elles ont. (…) Alors, votre féminisme n’est pas le mien. Le mien, c’est : une loi-cadre contre toutes les formes de violences faites aux femmes ; de la prostitution au harcèlement moral et sexuel, de l’accès à la santé pour toutes avec une véritable politique de prévention, d’une égalité professionnelle et salariale entre femmes et hommes, dans une véritable société laïque. Voilà, pour moi, les vrais enjeux d’une société qui tendrait vers l’égalité. Ensuite, donner le sein ou pas, des soupes ou des petits pots, des couches jetables ou des couches à laver, c’est un choix personnel.»

choisir en conscience La seconde, d’une anonyme : «Je suis mère de quatre enfants, et je les ai allaités par choix. Il se trouve que cela me correspondait, et cela ne fait pas de moi une mère parfaite, loin de là. Je pousse aujourd’hui mes collègues enceintes à faire... ce qu’elles veulent. On assume mieux ses choix, que ceux des autres, et le fait d’être une bonne mère ne dépend pas du sein ou du biberon. Je crois fermement qu’une mère mieux dans sa peau vaut mieux pour le bébé qu’une mère qu’on pousse dans une voie qu’elle n’a pas toujours envie de suivre... et je reconnais qu’aujourd’hui, beaucoup de gens poussent les futures mères à allaiter. (…) Je crois qu’il faut que chacune choisisse en connaissance de cause : on peut rester à la maison, à s’occuper de ses enfants, mais cela implique un certain nombre de contraintes dont il faut absolument être consciente, parce qu’hélas ce sont des contraintes que les femmes risquent de payer cher si les choses tournent mal dans le couple... Mais au moment où on fait un enfant, on n’a pas envie de penser que les choses peuvent mal finir. Alors que choisir de travailler, de continuer à travailler, même et surtout lorsque le travail n’est pas épanouissant, et pas très bien payé... Là, les contraintes sont visibles immédiatement, et c’est au contraire les bénéfices de la situation qui semblent lointains. Alors, à chacune de réfléchir, et d’assumer son propre choix. Mais oui, il me semble important, dans une société où, globalement, les hommes répondent si facilement que maintenant les femmes sont les égales des hommes, et ont

u Homme, bonne situation, cherche femme commode pour meubler sa solitude. u Homme sans problème

cherche femme même profil. u Homme chauve cherche femme rasée. u Homme cherche femme pas

Elisabeth Badinter a déclenché une vive polémique avec son dernier essai.

les même droits... il me semble important que des voix s’élèvent pour rappeler certaines vérités, certains risques. Non pas pour obliger tout le monde à suivre la même voie, mais bien pour éclairer nos choix... Vive la tolérance!» n Françoise Michel Le conflit. La femme et la mère, Flammarion (2010), 270 p., 18€ Sources : Newsletter du Planning n°190 - 192 194 - Extraits des articles de Charlotte Rotman dans Vous du 10/02/2010 ; d’Anne Chemin dans Le Monde du 18/02/2010 ; de Marie-Joelle Guillaume dans Famille Chrétienne du 27/02/2010.

LA PUCE à L’OREILLE n 2ème trimestre 2010

Une question sur la contraception ? l’I.V.G ?

trop intelligente, mais pas trop bête non plus, enfin comme il faut quoi, sachant tout faire, pour vie commune. u Homme petit, moche et gros, cherche femme élégante, grande, jeune et surtout très belle. Femmes vénales s'abstenir. u Homme divorcé, ayant fait son deuil, cherche celle qui lui fera oublier sa première femme. u Macho cherche blondasse. Pétasses s'abstenir. u Jeune quinqua, encore très séduisant, épicurien, libertin, recherche jolie jeune femme coquette, coquine, féminine et très sensuelle pour aller boire un café. u Homme riche et insatiable

cherche femmes vénales. Annonce sérieuse.

Appelez le 04.67.99.33.33 Permanence téléphonique régionale d’information sur la contraception et l’IVG, du lundi au vendredi.

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Humour et textes de Béatrice et Sophie Cascales


Droits fondamentaux

L’IGAS en phase avec le Planning L’Inspection générale des affaires sociales a remis en février un rapport sur la prévention des grossesses non désirées : ses constats et ses préconisations rejoignent ceux du Planning. REMIS A LA MINISTRE DE LA SANTE, Roselyne Bachelot, en février, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), sur la mise en oeuvre de la loi du 4 juillet 2001, fait plusieurs constats qui rejoignent les problématiques posées par le Planning depuis des années. Il souligne ainsi le paradoxe de la France qui affiche une couverture contraceptive forte (95% des femmes ayant une activité sexuelle et ne souhaitant pas avoir d’enfants ont recours à la contraception dont 60% à la pilule et 23% au stérilet) et une efficacité contraceptive réelle très endeça de ce que l’on pourrait en attendre. Conséquence ? Une grossesse sur trois est encore qualifiée «d’imprévue» et donne lieu, dans 60% des cas, à une interruption volontaire de grossesse (I.V.G). Dans un contexte de diffusion massive des méthodes de contraception médicalisées (pilule, stérilet), pourtant bien plus efficaces que les méthodes dites «naturelles», le recours à l’I.V.G reste relativement stable. Ces nombreux échecs contraceptifs peuvent s’expliquer par des difficultés d’observance (prise régulière et sans oubli de la pilule) et par le manque d’informations des femmes quant aux différents modes de contraception, qui les empêche de choisir celle qui leur conviendrait le mieux. Convaincus que «les questions relatives à la santé sexuelle et reproductive constituent un enjeu essentiel de santé publique», les rapporteurs déplorent que l’approche préventive revendiquée par les pouvoirs publics ne soit pas appliquée dans les faits. Ainsi, «les obligations légales concernant l’éducation sexuelle dans les établissements scolaires ne sont que partiellement et inégalement appliquées.» Un certain nombre de préconisations sont proposées parmi lesquelles la nécessité de corriger l’inadéquation des méthodes contraceptives à leur mise en pratique, en privilégiant l’informa-

Le counseling, qui reconnaît les personnes comme expertes de leur propre vie, peut aider à «éclairer» les choix en présentant les différentes options possibles en matière de contraception. tion et l’implication des utilisateurs(trices). « Les études réalisées sur le sujet montrent que plus les femmes sont impliquées dans le choix de leur méthode de contraception, plus elles sont satisfaites et moins elles connaissent d’échecs. Mais la prescription contraceptive procède trop rarement d’un véritable choix en partenariat entre le médecin, la patiente et le couple. » Le rapport recommande également de développer des actions dans les lieux extra-scolaires pour atteindre une population de jeunes plus importantes, et de porter une attention particulière aux jeunes en formation professionnelle et à ceux relevant de la Protection judiciaire de la jeunesse ; ainsi qu’aux femmes en situation de précarité, confrontées à un cumul de handicaps, et pour qui l’accès à l’information et à la contraception ne constituent pas une priorité. n

Convergences Le rapport de l’IGAS confirme les constats du Planning et appuient ses propres préconisations (in Remarques et propositions du Planning familial à propos du rapport de l’IGAS) m remboursment de l’ensemble des moyens de contraception prescrits et mise à disposition gratuite des préservatifs dans les endroits stratégiques ; m développement d’une réflexion sur la place de l’Education Nationale et sur les partenariats ; m développement de la formation des sages-femmes, médecins, pharmaciens et des professionnels du social ; m répondre aux difficultés rencontrées pour faire financer les interventions en milieu scolaire.

Vous pouvez télécharger l’intégralité du rapport sur le site de la Documentation française : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000049/index.shtml

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Santé/Contraception

La stérilisation comme contraception La stérilisation est reconnue comme contraception depuis quelques années. Pourtant peu de femmes osent en faire la demande.

ANS LE QUOTIDIEN DE TRAVAIL d’accompagnement médical et psychologique des femmes enceintes, en consultation en centre de planification et d’éducation familiale, ou lors des visites à domicile, est abordée la contraception du post-partum. On sait le nombre important de grossesses non désirées qui surviennent dès le retour de couches. Le temps de la grossesse est un temps favorable pour y réfléchir, en discuter, informer sur les différents moyens de contraception, parmi lesquels la stérilisation à visée contraceptive. Les patientes osent peu en parler spontanément ; mais quand on énonce la possibilité, il n’est pas rare d’entendre « j’y pensais depuis longtemps… ». Pour nombre de femmes, il est difficile d’exprimer cette demande de « ne plus vouloir d’enfants » à un professionnel de la périnatalité. Il y a une auto-censure de la femme qui n’ose affirmer qu’elle ne veut plus être mère après cet enfant-là. Afficher un désir d’enfant est beaucoup plus facile dans notre société que de dire un non-désir d’enfant. D’autant que les médecins sont souvent réticents, arguant du caractère irréversible de l’intervention. L’information sur la stérilisation, encore couramment appelée « ligature des trompes », concerne le cadre légal et l’acte chirurgical lui-même. un acquis récent La loi du 4 juillet 2001 (article 26 – L 2123 du code de la santé publique) indique que la ligature des trompes ou des canaux déférents ne peut être pratiquée sur une personne mineure (l’article 27 précise le cadre juridique pour les personnes sous tutelle ou sous curatelle). L’acte chirurgical est précédé de deux consultations médicales : lors du premier rendez-vous avec l’obstétricien ou le chirurgien, celui-ci informe des risques médicaux et des conséquences de l’intervention et remet le livret d’information. Une attestation de consultation préalable doit être remplie et signée par le patiente, puis re-

mise au médecin. La deuxième consultation médicale est prévue après un délai de réflexion de quatre mois, avec une confirmation écrite de sa demande de « consentement à la réalisation d’une stérilisation à visée contraceptive». L’acte chirurgical est réalisé en ambulatoire, par la technique ESSURE, par hystéroscopie (en passant par les voies naturelles) sans incision donc, et sans anesthésie générale. Il réalise une occlusion progressive des trompes grâce à un micro-implant inséré dans chacune des trompes de Fallope. L’obstruction ne sera définitive que trois mois après la pose, d’où la nécessité d’un autre moyen de contraception pendant cette période. Un contrôle radiographique est nécessaire à trois mois pour vérifier la position des implants. Le 31 octobre 2007, la Haute autorité de santé a reconnu ESSURE comme méthode de stérilisation permanente « présentant un intérêt en santé publique dans la prévention des grossesses non désirées » et pouvant être proposée comme technique de stérilisation en première intention pour les femmes autour de ou après quarante ans. Rappelons qu’avant la loi de juillet 2001, la stérilisation féminine n’était possible en France que pour raison médicale, quand une nouvelle grossesse mettait en péril la vie de la femme. Comme pour la réalisation des IVG, il existe une clause de conscience : « un médecin n’est jamais tenu de pratiquer un acte à visée contraceptive mais il doit informer l’intéressée de son refus dès la première consultation. » La stérilisation à visée contraceptive est un droit d’acquisition récente : ne devrionsnous pas le faire mieux connaître et recenser les chirurgiens qui la pratiquent dans notre région afin d’en informer les femmes désireuses de mettre un terme à leur vie procréative ? n

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Marie-Jo Maguer (sage-femme en PMI)

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Remboursées ! Varnoline, pilule de troisième génération, et Leeloo, pilule de deuxième génération, sont désormais remboursées par l’assurance maladie. Elles coûtent respectivement 7,28 € et 5,98 € la boîte de trois plaquettes (soit trois mois de contraception). Le combat pour que toutes les pilules soient remboursées continue. Norlevo bat Ellaone La nouvelle pilule du lendemain Ellaone (30mg d’ulipristal) coûte 30,70 € (prix conseillé) et n’est délivrée que sur ordonnance. Sa promesse ? Une efficacité jusqu’à cinq jours après le rapport à risque. La revue Prescrire (seule publication médicale indépendante des laboratoires pharmaceutiques) a comparé son efficacité avec le Norlevo (1,5 mg de lévonorgestrel), délivré sans ordonnance et gratuitement aux mineures, et remboursé par l’Assurance maladie. Le verdict est limpide : « Pour la contraception postcoïtale, jusqu’à cinq jours après un acte sexuel non protégé, il n’est pas démontré que l’ulipristal soit plus efficace que le lévonorgestrel. Le profil d’effets indésirables n’est pas apparu plus favorable. Mieux vaut en retser au lévonorgestrel, mieux éprouvé. » Ellaone, un peu rapidement désignée comme « la pilule du surlendemain », serait donc surtout un joli coup commercial. Lire le numéro 314 de La revue Prescrire (décembre 2009).


Culture

Une journaliste auprès de ceux qui vivent la crise Avec Le Quai de Ouistreham, Florence Aubenas fait une plongée dans la crise et nous y entraîne au fil d’un récit humain et bouleversant.

POUR ECRIRE LE QUAI DE OUISTREHAM, Florence Aubenas s’est mise en disponibilité en 2009, a quitté Paris pour s’implanter durant six mois – incognito - à Caen et rechercher un emploi de femme de ménage. Elle a conservé son nom, ses papiers, tiré ses cheveux en arrière après les avoir teint en blond et pris l’habitude de garder ses lunettes. L’expérience a fonctionné : à deux exceptions près, personne n’a reconnu la journaliste dont le portrait s’affichait sur les murs de l’hôtel de ville de Paris quatre ans plus tôt, à l’époque où elle était détenue comme otage en Irak. De cette expérience de la précarité (périodes d’essai, CDD à temps partiel), elle a rapporté un reportage intègre et précis, documenté, et surtout vécu. Au bout d’un mois et demi, la voilà employée à bord d’un ferry pour l’Angleterre, à Ouistreham, à récurer les cabines et les toilettes. Une heure par jour, de 21h30 à 22h30. Viendront s’ajouter d’autres boulots, quand ce ne seront pas quelques heures attribuées au dernier moment. Au total, elle ne gagnera jamais plus de 700 € par mois, dans un monde où une prime de licenciement de 200 € fait figure de parachute doré et un CDI de 5h30 à 8 heures du matin, de passeport pour le paradis. On ressent son angoisse de ne pas décrocher ce CDI, sa grande fatigue et les douleurs dans les mains et les articulation à force de frotter. Elle raconte sa sympathie et son inquiétude pour ses collègues, qui cumulent souvent les difficultés. Elle a partagé leur quotidien instable, mais aussi des moments de solidarité et de bonheur. Il y a celles et ceux qui lâchent prise et perdent pied dans la dépression. La vulnérabilité oblige à subir en silence. Etre invisible et sans reconnaissance dans son travail est difficile à vivre, ne pas « tenir le rythme » est souvent une humiliation. On devrait renvoyer à cette lecture tous ceux qui disent « quand on veut, on peut ». La grande force de Florence Aubenas est de nous faire ressentir qu’elle est démunie. Ses capacités d’analyse et de compréhension ne l’aident pas dans la course aux pe-

tits contrats : seule, peut-être, la certitude de revenir à une vie normale après l’expérience peut la soutenir. Pourtant, on la sent suffisamment touchée par le sort de ses compagnes et atteinte dans sa dignité. La galère des travailleuses pauvres Florence Aubenas ne se sera rien épargné : du parcours de la combattante au pôle emploi (faire un bon CV pour « se vendre ») au stage « propreté » pour apprendre à travailler vite et ne pas être radiée du pôle emploi, en passant par l’agence d’intérim qui la renvoie en lui disant « vous êtes plutôt dans le fond de la casserole, madame», elle est prise en main par une conseillère de cabinet privé qui tente de « caser » les clients de pôle emploi. Comme toutes ses compagnes de recherche, elle court après les petits Florence Aubenas s’est glissée dans la peau contrats, découvre la solidarité, les em- d’une travailleuse précaire pendant six mois plois du temps impossibles des mères de famille (sans véhicule, sans modes d’ac- partiels sont des femmes et 80 % des smicueil). Souvent, on perd deux heures de cards sont des femmes. déplacement pour une heure de travail, Contrairement à d’autres pays européens, on se nourrit mal, on est épuisé physique- l’histoire du travail féminin en France ne ment et nerveusement car on doit faire le s’est pourtant pas construite autour du nombre de cabines, de bungalows, de bu- temps partiel : c’est à temps plein que les reaux prévus au contrat. Le temps partiel femmes ont afflué sur le marché de l’emest un bon calcul pour l’employeur et le ploi salarié dans les années 1960. Le traclient car, au-delà de quatre ou six heures, vail à temps partiel n’a fait irruption qu’au les salariées sont épuisées et il n’y a plus début des années 1980, à la faveur de la le même rendement. crise, et sous l’incitation des politiques Florence Aubenas constate aussi que les publiques. Il a fini par s’installer jusqu’à femmes sont toujours dans les situations devenir un mode de gestion des entreles plus difficiles : les corvées de chiottes prises, même quand les aides ont été supdu ferry sont épargnées aux hommes, primées dans les années 2000. même au syndicat on propose à une « Aujourd’hui, ce sont massivement les femme de ménage de « passer le femmes qui travaillent moins pour gagner balai dans les locaux » car pour représen- moins » constate Margaret Maruani, soter les précaires « il faut un intellectuel. ciologue et directrice de recherche au On ne peut tout de même pas envoyer une CNRS. n caissière ou une femme de ménage aux Marie-Christine Vion-Leclerc réunions ». Trois chiffres déterminent aujourd’hui le Le quai de Ouistreham, Editions de l’Olivier, 274 p., 19 € sexe de la pauvreté laborieuse en France : 80 % des salariés gagnant moins que le Sources : Le nouvel Observateur n° 2362 et smic sont des femmes ; 80 % des temps Télérama n°3136

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l Le Mouvement français pour le planning familial (M.F.P.F) est un mouvement d’éducation populaire. Il lutte pour le droit à l’information et à l’éducation permanente et pour créer les conditions d’une sexualité LA PUCE à L’OREILLE est une revue éditée par l’association départementale du M.F.P.F de l’Hérault. Directrice de publication Fatima Bellaredj Comité de rédaction Marion Danton, Marianne Loupiac, Françoise Michel,Dominique Sarrazy, Marie-Christine Vion-Leclerc Un grand merci à Mai-Lan Tran-Bernaud, qui nous a généreusement autorisées à reproduire un de ses dessins (p.7).

vécue sans répression ni dépendance, dans le respect des différences, de la responsabilité et de la liberté des personnes. l Le M.F.P.F inscrit ses objectifs dans le combat contre les inégalités sociales et les oppressions et agit pour le changement des mentalités et des comportements. l Il entend développer les conditions d’une prise de conscience individuelle et collective pour que l’égalité des droits et des chances soit garantie à toutes et

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M.F.P.F 34 48, boulevard Rabelais 34000 Montpellier Tél. 04 67 64 62 19

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tous. l Il défend le droit à la contraception et à l’avortement. l Il lutte contre l’oppression spécifique des femmes, contre toutes les formes de discriminations et de violences, notamment sexuelles, dont elles sont l’objet. En cela, le M.F.P.F est un mouvement féministe. Extrait des statuts de l’association départementale du M.F.P.F de l’Hérault

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