La Puce n° 105

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LA PUCE A L’OREILLE La P’tite Blan par Galou et Blan - www.laptiteblan.fr

Publication du MFPF 34 - N°105 - 1er trimestre 2010

Sommaire P.2

Droit à l’IVG sans concession !

Actualités nationales La relève féministe Portrait de Carine Favier

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P.4-5 Actualités locales Une semaine au Planning

D

P.6 -7-8 Droits fondamentaux Inégalités hommes/femmes Menaces sur l’avortement

I

P.9 Santé/Contraception Le stérilet

P.10

T

Culture Trois femmes puissantes Colloque sur la prostitution

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Ça se passe ici en France en 2010 : des centres d’interruption volontaire de grossesse (C.I.V.G) ferment, d’autres sont menacés, certains sont regroupés… Mais jusqu’où nos droits seront-ils malmenés, voire non appliqués ? Car c’est bien la question. Sous couvert de respecter le droit à l’IVG, on transfère l’activité des centres IVG qui ferment vers ceux qui restent ouverts, comme si le regroupement ou les mutualisations opérées n’avaient aucune incidence dans la prise en charge des IVG !!! Comment peut-on imaginer un seul instant que ne plus avoir de CIVG de proximité, attendre 3 semaines pour un rendez-vous n’aurait aucune incidence sur le choix et la liberté des femmes ? Veut-on que l’histoire se répète ? A-t-on déjà oublié les accouchements sous X, les départs vers l’étranger, les infanticides ou encore les avortements clandestins ? Faut-il accepter la remise en cause rampante de luttes bien difficilement remportées ? Non ! L’IVG est un droit fondamental, préservons le ! Le Planning Rhône-Alpes organise une demi-journée de débats sur les droits des femmes et l’IVG, au Centre culturel et de la vie associative de Villeurbanne samedi 6 mars à partir de 14 h. Plus d’infos : www.leplanning-rhonealpes.org


Actualités nationales & internationales

Féminisme : La relève ! Les filles d’Osez le féminisme renouvellent le genre d’un combat souvent considéré comme dépassé. LES FILLES D’OSEZ LE FEMINISME, mouvement « apartisan et laïque », se sont rencontrées il y a quelques mois, au moment où les subventions du Planning familial étaient menacées par des coupes budgétaires. Elles sont « jeunes, motivées, dynamiques » et en colère, mais ce n’est pas la génération revancharde : le mouvement est mixte, Caroline de Haas en est la fondatrice. Elles partagent les inquiétudes et les revendications des militantes historiques mais pas forcément le vocabulaire. Elles utilisent beaucoup plus facilement les armes modernes qu’offre Internet : pour elles, Facebook ou Twitter sont évidemment des outils. Elles publient un journal sur le Web, avec une chronique du sexisme ordinaire ou une rubrique idées reçues (« La parité a mis des incompétentes au pouvoir », « les féministes sont des hystériques, mal baisées »…). Elles réfléchissent à cette société où la « maternité est redevenue l’unique voie d’épanouissement » et où celles qui n’ont pas de bébés sont vues comme « frustrées, lesbiennes ou mal dans leur corps ». Elles appuient là où cela fait mal : les inégalités salariales, les violences ; sans oublier de réclamer des places en crèche. Les raisons de lutter sont toujours aussi nombreuses : Violence conjugale, salaires féminins toujours inférieurs de 25 % à ceux des hommes, manque structurel de places en crèche, parité politique insuffisante, précarité de l’emploi… Les mentalités n’ont pas tant bougé dans la réalité. La société continue, sur fond de retour à l’ordre moral, de «genrer» très tôt le rôle des filles et celui des garçons et de perpétuer les inégalités et discriminations. Depuis les anLa Puce à l’oreille n 1er trimestre 2010

Tâches ménagères par Ray Clid nées 90, et dans l’indifférence générale, les inégalités ont cessé de se réduire. On ne prend même pas la peine d’appliquer les lois sur la parité. La réflexion féministe doit se décentrer et se coupler à une réflexion plus large sur le travail, l’écologie, la société de consommation… « On est au tout début, on réseaute sur Facebook, sur notre site web (*), notre journal en ligne, notre but est d’interpeller les politiques pour faire une vraie loi sur l’égalité salariale et la fin des discriminations sexistes, mais aussi au sein des entreprises, des facs, des grandes écoles. Et bien sûr descendre dans la rue chaque fois qu’il sera nécessaire pour faire entendre nos voix. C’est un combat progressiste avec des valeurs positives et universelles. » n Françoise Michel Synthèse d’articles des Newsletters du Planning Familial n°155 (article Elle fév. 2009) - n°177 (article Libération oct. 2009) - n°181 (article Elle fév. 2009 - Le Matin Suisse nov. 2009 et Le Quotidien du Médecin nov. 2009)

(*) www.osezlefeminisme.fr

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LUTTER, OUI MAIS PREVENIR AUSSI Dés sa création, Le Planning Familial a été confronté aux violences contre les femmes. Beaucoup de celles qui venaient parler contraception, avortement, sexualité, étaient victimes de violences sexistes et sexuelles. Depuis Le Planning a développé des actions d’écoute et d’accompagnement et des partenariats avec les structures dans la prise en charge des victimes. La parole libérée permet de sortir les violences de la sphère privée et d’en faire une question sociale et politique. Dans son approche des violences, Le Planning Familial considère qu’il faut aller au-delà de la dimension individuelle d’un homme auteur de violence et responsable de ses actes, et d’une femme victime. Il y a en effet une responsabilité collective de nos sociétés qui restent fondées sur des relations inégalitaires entre les sexes, sur la domination du masculin sur le féminin. Cette domination d’un sexe sur l’autre n’est pas « naturelle », elle est construite socialement et a des conséquences sur les comportements individuels, sur les rapports sociaux et politiques. La lutte contre les violences faites aux femmes implique de remettre en question ces stéréotypes et ces rapports de domination tant au niveau individuel que collectif car ils engendrent et légitiment ces violences. Elle exige aussi un travail avec les auteurs comme partie intégrante de la lutte contre les violences (...) Ce n’est qu’en adoptant le triptyque prévention, protection des victimes et punition des auteurs que notre société peut lutter efficacement contre les violences faites aux femmes tout en se ré-interrogeant sur la place qu’elle assigne à chacun des genres. Encore faut-il une réelle volonté politique… Extrait du communiqué de presse du MFPF du novembre 2010


Actualités nationales & internationales

Construire collectif Carine Favier, militante de l’AD 34, a été élue présidente nationale du Planning lors du Conseil d’administration de septembre. Portait d’une femme éprise de liberté. L’ENVIE DE FAIRE BOUGER les choses : voilà ce qui la porte depuis les bancs du lycée Jean Lurçat, à Perpignan. Carine Favier, présidente nationale du Mouvement français pour le planning familial depuis septembre 2010, n’a pas reçu la fibre militante en héritage : elle l’a tissée elle-même. « Très tôt, je voulais qu’on me laisse faire ce que je voulais et je ne voyais pas pourquoi il y aurait une place déterminée pour les femmes : c’était un sentiment très fort mais pas construit politiquement. » Elle se voit prof de sport… mais cela implique de rester à Perpignan. Elle fera médecine, à Montpellier. « C’était important de quitter le foyer familial ; et puis le rôle social du médecin me paraissait plus évident. » Militante du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) dès sa création en 1973, la jeune étudiante pratique des IVG alors que la loi l’interdit encore. « On faisait cela dans un appartement de la cité U. Les permanences pour les départs en Hollande avaient lieu dans les locaux du MFPF, à l’époque rue Chaptal. J’ai toujours considéré que la question du droit à l’avortement était centrale pour l’autonomie des femmes. » Mais à l’époque, le MFPF lui paraît un peu « plan-plan ». Après le vote de la loi Veil, Carine préfère s’engager dans son quartier, le Petit Bard jusqu’en 1979, puis la Paillade ensuite, aux côtés des Mao. « J’étais une militante très soucieuse de la «base», de la lutte contre les rapports hiérarchiques : l’important, c’était de donner leur place aux gens. » Chose qu’elle aura à cœur de porter dans sa pratique médicale, en cabinet de ville comme à l’hôpital. Licenciée en 1983 par le centre anti-

La nouvelle présidente nationale est une militante de l’AD 34 cancéreux pour «activité syndicale», elle s’installe dans un cabinet à Restinclières, alors que l’épidémie de Sida commence à se développer et revient au MFPF en 1985. « C’était la fin d’une époque, la fin de l’extrême gauche, j’avais envie de lier ma pratique professionnelle à un engagement plus concret. » Pour mieux répondre aux demandes de ses patients infectés, elle suit en 1990 une formation VIH et intègre l’année suivante le service des maladies infectieuses du CHU Gui de Chauliac. Activité qu’elle poursuit tout en assurant des consultations médicales pour l’AD 34 et la coordination du programme Réduction des risques sexuels (RRS), créée avec Nicole Roussel en 1998. « L’AD 34 était en pointe sur les questions homosexualité, PACS, réflexion sur la réduction des risques. » Engagée au niveau local et confédéral (Bureau national, C.A confédéral,

commission Sida et commission Développement du mouvement), cette « féministe à l’approche genrée » se présente en septembre à la présidence du Planning. Saluant le travail amorcé par sa prédecesseur Françoise Laurant, notamment sur la représentation politique, elle note : « il nous reste beaucoup de progrès à faire sur le fonctionnement interne et la communication. Il faut changer notre manière de fonctionner, être davantage dans l’éducation populaire, le collectif et développer la question du genre. » Son objectif prioritaire ? Le renouvellement des générations. « Il faut construire la relève et les jeunes sont l’avenir de notre mouvement. » Si cette nouvelle fonction lui impose de sacrifier ses activités au sein de RRS et des formations internationales, elle lui apporte la grande satisfaction de « construire collectivement un projet ». n Marion Danton

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Actualités locales

Une semaine au Planning Le Planning serait-il devenu inutile dans un pays où tout le monde a accès à la contraception, où l’I.V.G est un droit ? Que non ! Il suffit pour s’en convaincre de passer quelques jours dans les locaux du Planning de Montpellier. LUNDI, 9 H C’est Annie qui ouvre la porte la première, mais elle ne reste pas seule longtemps. Parfois même, quelques jeunes l’attendent déjà. A peine a-t-elle enlevé son manteau et remonté les volets, que déjà le téléphone sonne : des demandes de rendez-vous avec un médecin ou une conseillère ; des renseignements urgents : « J’ai oublié ma pilule ce weekend », « le préservatif a craqué », « j’ai peur, je n’ai pas eu mes règles ce moisci », « j’ai besoin d’un rendez-vous aujourd’hui... » Annie répond patiemment : « Non madame, je suis désolée, il n’y a plus de place cette semaine mais si vous m’en dites un peu plus, je peux peut-être vous aider… » La fonction d’accueil, en particulier au téléphone, est difficile et très importante, c’est toujours une conseillère qui répond. De nombreuses personnes n’ont que peu d’idées sur le fonctionnement du corps, sur la sexualité, les risques de grossesse : il faut savoir leur expliquer patiemment et simplement, sans les noyer sous les détails, les rassurer… « C’est la personne elle même qui doit venir au rendez-vous. Bien sûr, si elle le souhaite, elle peut être accompagnée. Non, on n’en dit rien à personne, nous sommes astreints au secret professionnel. Non, une mineure n’est pas obligée d’en parler à ses parents…» Des membres de l’équipe qui travaillent dans les locaux administratifs voisins viennent chercher de la documentation pour leurs interventions dans les établissements scolaires. Le téléphone sonne à nouveau : c’est un établissement scolaire qui organise une journée de prévention sur la santé des jeunes. Il voudrait emprunter une exposition sur l’IVG, La Puce à l’oreille n 1er trimestre 2010

Dans les locaux du 48 bd, Rabelais les IST… LUNDI, 16H30 L’heure de la première consultation de la semaine approche, le premier C.O (Consultation d’orthogénie) comme nous l’appelons dans notre jargon planning : c’est un accueil collectif animé par une ou plusieurs conseillères. La consultation médicale est individuelle et assurée par un gynécologue ou un généraliste. Tout le monde a rendez-vous à 18h. Les personnes arrivent dès leur sortie du travail, du collège ou du lycée. La conseillère les installe dans la salle, autour d’une grande table. On rappelle à ceux qui viennent pour la première fois ce qui leur a déjà été expliqué lors de la prise de rendezvous : le pourquoi de cet accueil collectif. Le Planning n’est pas un dispensaire public, mais une association qui veut permettre à chacun de

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s’approprier les informations utiles à ses choix en matière de sexualité : cycles, désir, contraception, plaisir, risques… Il est important de pouvoir en parler et ce moment collectif permet de poser ses questions, d’obtenir des explications, d’échanger avec d’autres qui rencontrent les mêmes situations. Suivant le nombre de consultantes, le C.O peut se prolonger assez tard, mais dès 20h, un autre groupe arrive : aujourd’hui, c’est la réunion mensuelle du conseil d’administration de l’A.D 34 ! MARDI APRES-MIDI A partir de 14h, une conseillère reçoit les personnes qui ont pris rendez-vous pour un entretien individuel. Un(e) stagiaire, qui suit la formation Conseillère conjugal et familial dispensé par le Planning, peut l’accompagner : elle est en observation et tenue lll


Actualités locales

se met ?, combien ça coûte ?) et les réponses s’échangent, tandis que le groupe diminue au fur et à mesure que chacun(e) passe dans le cabinet médical.

lll au même secret professionnel.

Lors de ces permanences, on rencontre des situations très variées, parfois très pénibles et compliquées. Les questions liées à la contraception et à l’avortement sont souvent abordées, mais on y parle aussi des questions de couple, des relations parents-enfants. Toutes les personnes trouvent ici une écoute attentive et bienveillante, mais ni jugement ni solution « clé en main ». La conseillère les encourage à parler, et, en reformulant leurs propos, leur permet d’entendre ce qu’elles disent elles-mêmes de leur situation : cela peut les aider àprendre du recul, pour avancer ensuite. Certaines personnes viennent aussi nous voir parce qu’elles sont victimes de violence, souvent dans leur propre famille. Elles peuvent se sentir humiliées et même coupables. Nous les aidons à comprendre qu’elles ont des droits, qu’elles peuvent refuser ces violences, porter plainte éventuellement et en tout cas, en parler. MERCREDI C’est le jour des jeunes. De 14h à 19h, ils affluent au 48 boulevard Rabelais. Les accueils collectifs sont très riches : les questions fusent, les débats sont vifs. La discussion s’amorce à partir d’une demande d’information ou d’une question d’actualité : divers sujets sont abordés. Au Planning de Montpellier, nous sommes très attachés à cet accueil collectif qui nous permet bien sûr de transmettre des informations mais qui permet surtout aux personnes participantes d’expérimenter une parole libre sur la sexualité, sans jugement, avec des mots simples. Le rôle des conseillères est plutôt de susciter une conversation générale qui favorise la circulation de l’information des uns aux autres, d’animer une discussion. JEUDI, 9 H Ce matin a lieu la réunion mensuelle du Réseau des jeunes filles confrontées aux mariages forcés, créé il y a

neuf ans. Une vingtaine de personnes représentant les associations ou les institutions publiques membres de ce réseau se retrouvent ainsi régulièrement pour partager les informations sur les travaux en cours, discuter des projets et de leur mise en œuvre. JEUDI, 19 H Voici le quatrième C.O de la semaine. Aux adolescentes du mercredi succèdent des jeunes femmes au sortir de leur journée de travail ou des étudiantes en fin de cycle , qui cumulent souvent études et travail et apprécient ce rendez-vous tardif. Les situations sont variées et les débats aussi. Quelques hommes, qui accompagnent ou viennent eux-mêmes consulter, participent à la discussion. La conseillère a apporté les affiches distribuées en ville par les associations de lutte contre l’homophobie. Tout le monde n’est pas d’accord mais on en parle. Au centre de la table, une corbeille contient divers objets contraceptifs : stérilet au cuivre ou hormonal, anneau vaginal, diaphragme, patch, implant, préservatifs… La question classique : « qu’est-ce qui est le mieux ?» et la réponse, tout aussi classique : « qu’en pensez-vous vous-même ? ». La meilleure, ce sera celle qu’elles et ils choisiront. « Quand on n’est pas satisfait d’une méthode, on peut revenir en parler et en changer éventuellement… » Les questions se poursuivent (comment ça s’utilise ?, comment ça

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VENDREDI Trois rendez-vous individuels sont inscrits sur l’agenda ce matin. Un jeune homme est là pour faire un test VIH : il a eu des relations sexuelles sans préservatif et se demande si le test qu’on lui propose est fiable. La conseillère lui explique le principe du test et le médecin lui prescrit une prise de sang qu’il effectuera gratuitement dans le laboratoire voisin. Les résultats lui seront remis lors d’un autre entretien individuel la semaine suivante. Une jeune femme a effectué hier une interruption de grossesse : tout s’est bien passé, mais elle a besoin d’en parler. Elle ne comprend pas que son ami ait refusé cette grossesse ; sa famille a elle condamne l’avortement. L’écoute de la conseillère l’apaise. Une troisième personne arrive : elle n’a pu obtenir l’interruption de grossesse demandée avant le délai de 14 semaines exigé en France. n Marianne Loupiac

Une question sur la contraception ? l’I.V.G ?

Appelez le 04.67.99.33.33 Permanence téléphonique régionale d’information sur la contraception et l’IVG, du lundi au vendredi.

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Droits fondamentaux

Des inégalités qui se perpétuent Malgré un essor spectaculaire du niveau de formation des filles en France, les choix professionnels sexués demeurent un frein à l’égalité.

DANS LA DEUXIEME MOITIE du XX° siècle, la scolarité des filles a connu une évolution sans précédent en France . Celles-ci ont rattrapé, puis dépassé, les garçons sur le plan scolaire : durée moyenne des études, niveau moyen de diplômes, taux de réussite aux examens, accès à l’enseignement supérieur…. A tous les âges, les filles sont désormais plus souvent scolarisées que les garçons. En outre, elles affichent une meilleure réussite scolaire qu’eux : en 2006, la proportion d’une génération titulaire du bac est de 70% de filles pour 59% de garçons. De même on constate que des filières peu féminisées ont évolué vers plus de parité, mais dans le même temps, celles qui l’étaient déjà ont vu se renforcer encore leurs effectifs féminins. En 1999, les femmes sont devenues majoritaires en 3°cycle universitaire, mais le doctorant et l’ingénieur sont toujours plus souvent des hommes (on note qu’en 1984, 15% des ingénieurs sont des femmes, en 2007, elles sont 26%). Globalement, les deux tiers de la croissance des étudiants depuis 1990 sont dus aux femmes. Cependant, plus de 30 ans après la généralisation de la mixité dans l’enseignement, la ségrégation sexuée des études perdure. Le fait le plus marquant, en apprentissage comme dans les établissements scolaires, est le faible nombre de spécialités concernant les filles. En effet, quatre groupes de spécialités de services ( secrétariatbureautique, comptabilité, commerce-vente et spécialités plurivalentes sanitaires et sociales) regroupent près de huit filles sur dix ; La Puce à l’oreille n 1er trimestre 2010

l’offre des garçons est nettement plus diversifiée : pour regrouper huit garçons sur dix, il faut neuf spécialités. En revanche, la répartition est équitable en hôtellerie-tourisme et en gestion. Autre constat : les choix de séries en terminale divergent également. Les garçons choisissent très majoritairement la voie scientifique, tandis que les filles se répartissent entre les trois séries. En lettres, on dénombre plus de 80% de filles et 95% en sciences médico-sociales, même si la part des filles en terminale scientifique ne cesse d’augmenter (42% en 1997 et 46,3% en 2006). En 20 ans, les filles ont tout de même fait une nette percée également dans les classes préparatoires aux grandes écoles (C.P.G.E), passant de 33% en 1985 à 42% en 2006. Dans les IUT, l’effectif féminin est stable depuis 20ans et représente 38,6% de l’ensemble. MIXITE : UN ACQUIS FRAGILE A l’université, les femmes ont poursuivi leur progression et formaient 56,7% des effectifs en 2006-2007. Mais elles ne constituent que 41% des effectifs des chercheurs. Dans l’Union Européenne, les femmes sont majoritaires pour l’ensemble des formations supérieures, quel que soit le pays. Cependant, les doctorantes ne sont que 45% en moyenne. Il faut souligner que dans l’Europe du sud et une partie de l’Est, les femmes sont plus souvent docteures que les hommes. En France, le taux de 41% se situe dans la moyenne inférieure, de même pour les disciplines scientifiques, la France se situe toujours en tranche inférieure avec 28,4 % de femmes diplômées.

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Une enquête qui reste pertinente. « Les mécanismes de perpétuation des inégalités sexuées d’orientation scolaire liées aux imaginaires sociaux attachés aux savoirs et aux métiers sont tenaces », souligne Catherine Marry, sociologue au Cnrs. Pour toutes ces raisons, la mixité, même si elle est devenue un outil indispensable de lutte contre les discriminations, doit être complétée par une politique volontariste pour faire évoluer les mentalités. Généralisée en 1960 (mixité de 40% des collèges en 1950, des écoles primaires fin 1960, des lycées en 1970) et obligatoire depuis la loi Haby du 11 juillet 1975 dans tout l’enseignement primaire et secondaire. Cependant, la mixité a davantage été considérée comme une modalité de fonctionnement que comme un principe et n’a en conséquence fait l’objet d’aucune réflexion préalable sur ses implications. Depuis lors, des conventions ambitieuses ont été signées rappelant les objectifs suivants « pour un sursaut lll


Droits fondamentaux

Surdiplômée... mais sous employée... (dessin de Plantu) lll d’énergie égalitaire »: améliorer l’orientatio scolaire et professionnelle des filles et des garçons en intégrant accompagnement individuel , dimension sexuée et diversification des choix professionnel des jeunes filles ; promouvoir une éducation non sexiste fondée sur le respect mutuel des deux sexes, notamment en introduisant une réflexion sur les rôles sociaux respectifs des hommes et des femmes ; renforcer les outils de pro-

motion de l’égalité et la formation des acteurs du système éducatif L’intérêt est d’avoir enclenché un processus de connaissances quantitatives et qualitatives sur les parcours comparés des garçons et des filles, en intégrant la sensibilité du grand public et spécialement des parents. Malgré les avancées constatées, la mixité apparaît donc comme un acquis fragile, qui mérite une vigilance constante. Un exemple : l’étude conduite par trois

économistes dont un directeur d’HEC, en examinant à la loupe les résultats obtenus entre 2005 et 2007 au concours d’admission en première année d’H.E.C (Ecole des hautes études commerciales), une des écoles de manageurs les plus réputées. On y observe que les filles brillent en classe, et les garçons aux concours ! Dans le système éducatif français, les femmes répondraient de manière différente des hommes à la pression générée par la compétition et la souffrance dans un système concurrentiel, d’où une nécessité de réfléchir à l’avenir à l’évolution de nos concours. n Dominique Sarrazy Suite de l’analyse, publiée dans la Puce n°104, du Rapport du Conseil Economique, Social et environnemental ( CESE) intitulé : 1968-2008, évolution et prospective de la situation des femmes dans la société française et signé par Pierrette Crosemarie ( février 2009). Deuxième partie : « La sphère de la formation ».

Droit à l’avortement : inquiétudes ! Fermetures de centres pratiquant l’I.V.G, refus de prise en charge par des médecins, rendez-vous tardifs : se faire avorter relève du parcours du combattant selon plusieurs acteurs du secteur, en particulier en Ile-de-France. dans le privé, faute de médecins, mais aussi faute d’une tarification suffisante et à la suite des restructurations hospitalières. Entre 1999 et 2005, 50 sites dédiés aux IVG ont fermé leurs portes en région parisienne, dont 14 à Paris. Depuis le printemps, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (A.P.H.P) a fermé trois de ses centres I.V.G, ceux de l’hôpital Tenon et de Broussais à Paris, et celui de Jean-Rostand à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). L’APHP envisage également de fermer celui de l’hôpital Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis), mais assure que ces structures devraient être transférées dans d’autres établissements. A Bordeaux ou Nantes, des centres sont aussi obligés de réduire leur activité du fait de restructurations lll

FATIMA LALEM, ADJOINTE chargée de l’égalité femmeshommes à la mairie de Paris, dénonce « une offre de service défaillante » dans la capitale, et même « une dégradation » de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (I.V.G). Elle montre du doigt « les tabous qui perdurent» et «un désinvestissement des médecins, les militants des années 1970 étant partis à la retraite ». Elle dénonce la fermeture de centres pratiquant l’I.V.G, notamment dans les cliniques, et des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous. « L’avortement, ce n’est pas la partie noble de la gynécologie, et il y a un problème de coût », dit encore l’adjointe. En effet, de nombreux centres ont fermé, en particulier

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Droits fondamentaux

public : 97 % des interventions sont pratiquées dans des cliniques privées. « Même dans des régions socialistes comme l’Andalousie il ne se fait pas d’I.V.G dans le public », remarque Maria Kutz, la ministre de la santé du gouvernement autonome de Navarre. Sur le territoire de la très catholique Navarre, les statistiques sont encore plus simples : on n’avorte pas du tout. Un million d’Espagnols ont manifesté en octobre contre un projet de loi qui prévoit une liberté totale d’avorter dans un délai de 14 semaines. Trente-deux pays continuent d’interdire cette pratique. Quatre femmes sur dix dans le monde, et neuf Africaines sur dix, vivent dans un pays aux lois sur l’I.V.G très contraignantes. Le recours à l’avortement clandestin provoque chaque année la mort de 70 000 femmes. L’opposition à l’I.V.G reste très vive dans certains pays. Le nombre d’avortements dans le monde est en recul : de 45,5 millions en 1995, il est passé à 41,6 millions en 2003. Un seul pays européen, l’Irlande, interdit toute forme d’avortement, comme le Chili, le Salvador, le Honduras. Le débat fait rage en Amérique latine. Le Pérou réfléchit à une dépénalisation partielle, l’Église s’y oppose. Cuba, accusé par ses voisins d’être un pays d’avorteurs, a légalisé l’I.V.G en 1965 ; l’acte y est gratuit. Aux États-Unis, une I.V.G coûte une petite fortune. n Françoise Michel

Avorter : un parcours de combattante ? (dessin de Pakman)

lll ou de manque de personnel. Les cliniques pratiquent de moins en moins d’avortements. Cette pratique n’est pas jugée rentable par les établissements privés, qui rechignent à accueillir les femmes en demande. Or, en Ile-de-France, contrairement à la province où les I.V.G se font principalement à l’hôpital, la moitié des femmes se font avorter dans le privé. Or, une faussecouche coûte 600 euros, le double environ d’un avortement. De nouveaux forfaits viennent d’être fixés par un arrêté en date du 4 août 2009, publié au Journal officiel du 22 août 2009. Pour une I.V.G sans anesthésie générale durant douze heures au plus, le forfait passe par exemple de 228,46 à 306,14 euros et de 286,06 à 383,32 euros lorsqu’il y a anesthésie générale. Mais cette revalorisation est jugée insuffisante. Une femme ne devrait pas avoir à faire des kilomètres pour avorter, mais du fait des regroupements de centres, il est de plus en plus dur de pratiquer une I.V.G près de chez soi. Les délais d’attente sont de plus en plus longs. Il faut actuellement attendre deux à trois semaines pour avorter en Ile-de-France, alors que la Haute autorité de santé recommande une prise en charge sous cinq jours. Les fermetures et fusions de services font craindre aux associations un risque d’allongement des délais de recours à l’I.V.G dans les mois qui viennent et placer ainsi des femmes hors délai légal. Chaque année, 5 000 Françaises partent à l’étranger se faire avorter, selon le Planning familial.

Affiche du MFPF de 1978

Synthèse d’articles des Newsletters du Planning Familial n°171 (article AFP Août 2009 et Le Quotidien du Médecin Sept. 2009) - n°177 (article Le Monde Oct. 2009)- et n°181 (article Le Quotidien du Médecin Nov. 2009)

ET DANS LE MONDE ? En Espagne, malgré la loi de 1985 qui a dépénalisé l’avortement en cas de viol, de malformation du foetus et de risque pour la santé physique ou psychique de la mère, la quasi-totalité des interruptions de grossesse se font à la marge de la légalité sous couvert du fameux risque psychique. Impossible ou presque d’avorter dans un hôpital La Puce à l’oreille n 1er trimestre 2010

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Santé/Contraception

Les préjugés plombent le stérilet Moyen de contraception discret et efficace, le stérilet est pourtant peu utilisé en France, en particulier par les jeunes-femmes. La faute aux préjugés qui ont la peau dure. « AH BON ? ON PEUT METTRE un stérilet même quand on a n’a pas eu d’enfant ? » Méthode contraceptive discrète, fiable, efficace, le dispositif intra-utérin (D.I.U), ou stérilet, a encore mauvaise réputation, particulièrement chez les nullipares (les femmes n’ayant jamais eu de grossesse). Il faut dire que le terme « stérilet » prête à confusion, faisant peser sur les utiliatrices la menace d’une stérilité future. Menace souvent relayée par les médecins. Les recommandations de la Haute autorité de santé (ex ANAES) sont pourtant claires : « Les dispositifs intra-utérins ne sont pas uniquement destinés aux femmes ayant eu un ou des enfants. Il s’agit d’une méthode contraceptive de première intention très efficace, de longue durée d’action et pour laquelle aucun risque cancéreux ou cardio-vasculaire n’est établi. » (*) Alors pourquoi cette réticence ? « Il y a encore quelques années, il existait une contre-indication relative pour les nullipares, qui a été levée depuis, explique Sylvie Pellenc, gynécologue au Planning, On s’est aperçu que le risque infectieux n’était pas dû au stérilet en tant que tel mais à des microbes déjà présents lors de la pose. » Quand aux risques de grossesse extrautérine, ils ne sont pas plus élevés que chez les non-utilisatrices. En revanche, le diagnostic est souvent posé trop tardivement, les femmes sous D.I.U ne réagissant pas assez vite à leur retard de règles. Pour les jeunes-femmes, le stérilet a beaucoup davantage : invisible (contrairement à la plaquette de pilules), sûre (pas d’oubli possible), c’est aussi la méthode la moins coûteuse sur le long terme. Les médecins res-

Dessin publié sur le site de l’INPES: www.choisirsacontraception.fr

tent cependant prudents, préférant éviter de poser un D.I.U à une jeunefemme sujette aux infections sexuellement transmissibles (I.S.T), qui risquent de dégénérer en infections génitales hautes. Reste que ce n’est pas le stérilet qui crée l’infection et qu’il n’y a pas de raison de ne pas en poser à une jeune-femme nullipare, qui a une relation stable. A moins d’être mal à l’aise avec le geste médical… Ce qui ne devrait pas être le cas des gynécologues. UN D.I.U ADAPTE La pose du D.I.U nécessite en effet quelques précautions. Elle se fera de préférence pendant les règles, lorsque le col est le plus dilaté : cela permet aussi de s’assurer qu’il n’y a pas de grossesse. Chez une femme nullipare, on préfèrera un D.I.U adapté à la petite taille de son utérus. Certains stérilets au cuivre sont disponibles en modèle short ; ce qui n’est pas le cas pour le stérilet hormonal. Sylvie Pellenc le regrette : « le Mirena, pourtant très efficace et qui permet de supprimer les règles douloureuses, n’est pas adapté pour les femmes qui n’ont pas eu d’enfants : il est un peu gros et la pose peut être très douloureuse. »

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Dans tous les cas, il faut aider la personne à se détendre et pour cela, il est nécessaire qu’elle soit en confiance. Sylvie Pellenc prend le temps d’accompagner ses patientes, surtout les jeunes, de leur expliquer comment fonctionne le D.I.U, parce que « diminuer l’anxiété, c’est diminuer la douleur ». « La question fondamentale, rappelle Sylvie, c’est la liberté de choix. » Les enquêtes GINE (Grossesses Interrompues, Non prévues, Evitées) et COCON (COhorte CONtraception) de l’Inserm menées entre 1999 et 2004 révèlent que 74% des femmes de 18 à 44 ans utilisent la contraception en France, dont 46% la pilule et 16% le stérilet. Pourtant le nombre d’IVG reste élevé et 65% des femmes y ayant recours sont sous contraception. Des chiffres qui laissent à penser que les méthodes contraceptives ne sont pas bien utilisées, sans doute parce que pas réellement choisies et/ou adaptées à la situation des femmes. Alors, si on essayait le stérilet ? n Marion Danton (*) Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femmes – Recommandations pour la pratique clinique, Anaes, Afssaps, Inpes, 7 décembre 2004.

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Culture

Marie Ndiaye, une femme puissante Le prix Goncourt 2009 a été attribué le 3 novembre à Marie Ndiaye pour son roman Trois femmes puissantes. GOOGLE N’Y ENTEND RIEN EN LITTERATURE. Dès l’attribution du prix Goncourt à Marie Ndiaye, j’ai tapé son nom sur Google pour lire des articles sur son œuvre car je ne la connaissais pas. Quelle surprise de voir que les premiers articles ne concernaient pas l’attribution du prix, ni l’art de Marie NDiaye, mais ses déclarations sur la France qui avait élu Sarkozy et sur son choix de partir vivre à Berlin. Dans un entretien paru l’été dernier dans l’hebdomadaire Les Inrockuptibles, Marie N’Diaye explique pourquoi elle s’est installée à Berlin en 2007, avec compagnon et enfants : «nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy (...) Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux. Je trouve cette France-là monstrueuse». Ces propos, à l’époque de leur publication, ne provoquent aucune réaction. Mais lorsque Marie Ndiaye reçoit le prix Goncourt ses déclarations prennent du même coup un relief particulier. Alors, question sur le site de Courrier International : « Pourquoi lancer un scud à son endroit ? C’est idiot et franchement inutile. Marie Ndiaye n’est pas un écrivain politique, elle pratique une langue française de haute volée, est lue dans le monde entier. L’attaquer ainsi revient à flinguer une grande romancière qui vit depuis peu à Berlin tout en offrant l’une des plus envoûtante prose française. » On fait l’impasse sur son œuvre, sur son style très personnel, sur ses récits poignants … Aurait-on eu ce manque d’égard pour un homme écrivain ? LA CONSCIENCE AU MILIEU DES DECOMBRES Cette œuvre est composée de trois micro-romans en apparence sans lien entre eux. Rappelons qu’il ne s’agit pas d’un roman stricto sensu, mais de trois histoires reliées par leur thème : la dignité est un combat. Trois récits, trois femmes dans la solitude et qui disent non. La première, Norah, a environ quarante ans lorsqu’elle revient chez son père en Afrique. Le tyran égocentrique de jadis est devenu mutique, boulimique, et passe ses nuits perché dans le flamboyant de la cour. La deuxième, Fanta, est jeune enseignante de français à Dakar, mais elle a été obligée de suivre en France son compagnon Rudy. Rudy s’avère incapable d’offrir à Fanta une vie riche, joyeuse, meilleure. Puis vient le destin de Khady Demba, qui nous serre le cœur. Rejetée par sa belle famille à la mort de son mari, La Puce à l’oreille n 1er trimestre 2010

Marie Ndiaye écrit depuis l’âge de 12 ans. elle subira la prostitution, la trahison de son ami et l’oppression de tous pour tenter de rejoindre, en vain, l’Europe. C’est elle qui semble la plus fragile et qui pourtant ne doute jamais, au cœur des épreuves et des humiliations, du fait qu’elle est un être humain unique. D’un récit à l’autre, nous sommes confrontées à deux courants souterrains. L’un descendant marquant l’invasion du malheur qui emprunte la plupart du temps le chemin du mensonge. L’autre courant s’amorce au point le plus bas du malheur, et c’est l’émergence d’une conscience au milieu des décombres. On s’interroge sur le titre Trois femmes puissantes car chacune se bat pour préserver sa dignité contre les humiliations que la vie lui inflige avec une obstination lll

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Culture

lll méthodique et incompréhensible. Marie Ndiaye dit qu’elle avait envie de donner une matière littéraire à des faits de société : « il me semble tellement évident que ces gens qui bravent des souffrances extraordinaires dont nous n’avons qu’une idée très vague, qui font montre d’une vaillance folle, sont des héros. Des héros tristes, des héros obligés, mais des héros des temps modernes. » Dans cette œuvre la romancière s’éloigne de son univers empreint de magie. Marie NDiaye continue d’épurer son style, son écriture est un vrai coup de poing littéraire. Même si dans ses pages, les anges gardiens veillent sous la forme d’oiseau et que les hommes s’endorment dans les branches des arbres tropicaux, les images oniriques ne cachent pas une réalité qui nous coupe le souffle. Le merveilleux nous permet, fugitivement, de surpasser la trivialité. UNE ECRITURE PLUS SIMPLE Marie-Ndiaye écrit depuis qu’elle a 12 ans. Elle rencontre le succès à 17 et avoue qu’à l’époque elle aurait été incapable d’écrire de manière simple. Avec l’expérience, cela lui semble, non seulement possible, mais souhaitable. Dans une interview, elle affirme qu’elle imagine mal un écrivain qui n’aurait pas lu. Dans les auteurs qu’elle admire, dont les milliers de phrases la précèdent, elle cite Faulkner : or son deuxième récit par son rythme et l’expression de la vie intime du personnage de Rudy, nous rappelle in-

tensément les romans de Faulkner (Le bruit et la fureur, Tandis que j’agonise). Ce qui rassemble vraiment ses trois récits, qui leur donne leur cohérence et leur force, c’est de façon lumineuse, l’écriture de Marie Ndiaye. C’est une écriture introspective et précise, ouvrant sur le monde des pensées les plus secrètes, là où nichent le surnaturel et la magie qui naissent à l’intérieur des femmes et des hommes et non pas en dehors d’eux. Lorsqu’on demande à Marie NDiaye, quelle couleur donneriez-vous à votre travail, elle répond : « Jaune, jaune acide, jaune citron ». C’est cette luminosité qui demeure en refermant le livre. n Marie-Christine Vion-Leclerc Bibliographie Trois femmes puissantes, 2009, Editions Gallimard Rosie Carpe, 2001, Editions de Minuit Autoportrait en vert, 2006, Mercure de France Sources Le Monde.fr Telerama.fr www.republique-des-lettres.fr

La prostitution : un job comme un autre ? UN COLLOQUE sur la prostitution, initié par le Mouvement du Nid, réunissait le 17 novembre acteurs du monde associatif et professionnels du social et de la santé, pour échanger sur cette question. L’occasion de marquer le 60éme anniversaire de la convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, signée le 2 décembre 1949 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Parmi les interventions, celle de Judith Trinquart, médecin légiste et de santé publique et aussi militante, a été remarquée. Elle traite de la « décorporation » des prostituées, explorée dans le cadre de sa thèse. « C’est un mécanisme de défense involontaire qu’elles développent pour se protéger », dit elle, tant sur le plan corporel que psychologique. « Cela se traduit notamment par une insensibilité sur le plan génital, qui s’étend peu à peu à tout le corps, une hypoesthésie, seuil qui précède l’anesthésie complète ». De ce fait, poursuit elle, « les prostituées développent une plus grande tolé-

rance à la douleur et ne ressentent plus les coups ». Les conséquences sanitaires et mentales peuvent être sévères. Lorsque l’on constate que nombre de jeunes (diplômés ou non) soumis à une paupérisation croissante banalisent parfois le recours à la prostitution occasionnelle, on souscrit à la volonté des professionnels médico-sociaux et des militants de prévenir ces risques. Autre intervention remarquée, celle du sexologue JeanClaude Piquard, qui a évoqué « le retour de l’obscurantisme sexuel. En 1900, le clitoris était connu et même décrit dans les dictionnaires d’anatomie médicale. En 1948, il était représenté, mais plus nommé. En 1960, il avait disparu ! » En clair, « la prostitution reste avant tout une entreprise commerciale, fondée sur la domination : homme-femme, Nord-Sud, riche-pauvre », a souligné le procureur général Bernard Legras. Pas vraiment un job comme un autre, puisque la marchandisation du corps est une atteinte fondamentale à la dignité humaine. n Dominique Sarrazy

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l Le Mouvement français pour le planning familial (M.F.P.F) est un mouvement d’éducation populaire. Il lutte pour le droit à l’information et à l’éducation perLa Puce à l’oreille

est une revue éditée par l’association départementale du M.F.P.F de l’Hérault. Directrice de publication Fatima Bellaredj Comité de rédaction Marion Danton, Marianne Loupiac, Françoise Michel, Dominique Sarrazy, Marie-Christine Vion-Leclerc

manente et pour créer les conditions d’une sexualité vécue sans répression ni dépendance, dans le respect des différences, de la responsabilité et de la liberté des personnes. l Le M.F.P.F inscrit ses objectifs dans le combat contre les inégalités sociales et les oppressions et agit pour le changement des mentalités et des comportements. l Il entend développer les conditions d’une prise de

Maquette Marion Danton Imprimerie La Souris verte 15, rue de Belfort 34000 Montpellier M.F.P.F 34 48, boulevard Rabelais 34000 Montpellier Tél. 04 67 64 62 19 m-f-p-f.montpellier@wanadoo.fr wwww.leplanning34.org

conscience individuelle et collective pour que l’égalité des droits et des chances soit garantie à toutes et tous. l Il défend le droit à la contraception et à l’avortement. l Il lutte contre l’oppression spécifique des femmes, contre toutes les formes de discriminations et de violences, notamment sexuelles, dont elles sont l’objet. En cela, le M.F.P.F est un mouvement féministe. Extrait des statuts de l’association départementale du M.F.P.F de l’Hérault

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