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Télécommunications
Avec un taux de pénétration de la téléphonie mobile de plus de 80% et 12% pour internet à partir de support mobile, le Gabon est aujourd’hui un des pays africains présentant une forte dynamique dans le secteur du numérique. L’ANINF, l’agence en charge des questions numériques, porte la Stratégie Gabon Numérique.
Entretien avec Rigobert Ikambouayat Ndéka, nommé le 10 juin 2019, Ministre de la Communication et de l’Economie Numérique, porte-parole du gouvernement.
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Un ministère qu’il connait parfaitement pour y avoir été ministre délégué en 2007.
Ancien Directeur général de l’Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG), il était avant sa nomination gouverneur de la province de l’Estuaire.
Quel est le bilan de la politique de modernisation des télécommunications destinées aux entreprises notamment en accès optiques stables et haut débit ?
Il nous plait de souligner d’entrée de jeu que le bilan du gouvernement gabonais en la matière est des plus enviables de notre sous-région.
En effet, notre pays a réalisé des investissements importants depuis 2010 dans le développement de son économie numérique conformément à son plan Stratégique Gabon Emergent dans lequel se décline le Plan Gabon Numérique.
Après avoir mis en place un écosystème constitué de plusieurs acteurs tels que l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF), maitre d’ouvrage délégué de l’Etat pour la construction des infrastructures, la création d’une Société de Patrimoine (SPIN) chargée d’exploiter les infrastructures pour le compte de l’Etat en présence d’une Autorité de régulation (ARCEP), l’Etat Gabonais a réalisé plusieurs investissements importants dans le secteur parmi lesquels :
• Capacité internationale : le renforcement à la capacité internationale avec le Câble ACE exploité par la SPIN. Cette stratégie a permis de baisser de plus de 80% les prix pratiqués dans le secteur. Cette politique permet aussi au Gabon de sécuriser sa connectivité internationale car les câble ACE (exploité par Axione via la SPIN) et le Sat3 (exploité par Gabon télécom) font l’objet d’une convention de sécurisation mutuelle.
• Réseau fibre optique : la construction du Backbone National Gabonais (BNG) et la mise en place d’un Réseau de l’Administration Gabonaise (RAG) permet aujourd’hui d’exploiter un réseau de plus de 1.500 Km de fibre optique. La frontière avec le Congo est reliée à Libreville par Fibre optique tandis que le Cameroun et la Guinée équatoriale le devront avant la fin de cette année 2019. En complément à ces investissements de l’Etat, une licence a été accordée à un opérateur pour déployer la fibre optique en aériens. Ce projet rencontre un vif succès et les prix de la connexion internet haut débit à domicile on chuté de plus de 80% en moins d’une année ;
• Le point d’échange internet (GABIX) : la construction du point d’échange internet a favorisé la baisse du trafic international et donc une diminution des coûts de connectivité. Ces différentes actions ont pour objectif de facilité l’accès d’internet aux entreprises et aux populations ;
• Le Datacenter : dans un premier temps, l’Etat a mis en place le Datacenter pour les besoins de l’administration. Il s’apprête à construire prochainement un Datacenter National plus moderne. Des études ont été réalisées et d’autres sont en cours ; Les différents projets évoqués, en dehors des financements sur la promotion des services numériques sont de l’ordre de 130 millions d’euros (85 Milliards de FCFA). Ce qui prouve la volonté de l’Etat à moderniser le secteur des télécommunications et du numérique en général.
La Banque mondiale a exprimé son satisfecit sur l’état d’avancement du Projet eGabon. Pouvez-vous nous décrire les objectifs de ce projet ?
Le projet eGabon s’articule principalement autour de deux composantes qui sont :
• La composante n°1 relative au renforcement du système national d’information sanitaire. Elle est donc basée au Ministère en charge de la Santé avec pour objectifs d’améliorer la rapidité et la disponibilité des informations pour appuyer la prestation et la gestion des services de Santé Publique ; de favoriser le développement et le déploiement d’application et de services de cyber-santé.
• La composante n°2 qui se rapporte au développement d’un écosystème axé sur l’innovation dans le domaine du numérique en République Gabonaise. D’une manière générale, cette composante, qui est du ressort de notre département ministériel, a pour objectif d’accélérer le développement de l’écosystème numérique gabonais en vue de bâtir une économie numérique au service des citoyens. En termes plus spécifiques, la composante 2 du Projet eGabon vise entre autres à :
1. Mettre en place trois incubateurs spécialisés dans le numérique à Libreville, Port-Gentil et Franceville ;
2. Dynamiser l’écosystème numérique par :
- les formations qui visent de réellement outiller les porteurs de projets d’acquis théoriques et pratiquent nécessaires pour la conduite de leurs projets. C’est donc une politique d’incitation et d’encouragement à l’entreprenariat national chez les jeunes et les femmes ;
- l’accompagnement qui vise à développer une bonne brochette de néo-investissements ; favorisant ainsi la croissance du marché et autodynamisant l’employabilité de la jeunesse gabonaise.
Par quels moyens luttez-vous contre la cybercriminalité ?
De nos jours, Internet fait partie intégrante de notre vie quotidienne ainsi que de celle de nos Etats. La qualité, l’efficacité et la fiabilité des services rendus en dépendent fortement. Cette dépendance s’accompagne de nouveaux dangers qui exigent de revoir notre conception de la sécurité des systèmes d’informations (SSI).
La SSI est l’ensemble des moyens techniques, organisationnels, juridiques et humains nécessaires et mis en place pour conserver, rétablir, et garantir la sécurité du système d’information.
Pour répondre à cette question, il faut d’abord définir ce qu’est la cybercriminalité. Cette dernière peut être définie comme l’ensemble des activités illégales effectuées par l’intermédiaire des nouvelles technologies et donc d’internet. Le Système d’Information de l’Administration Gabonaise est composé d’un ensemble de systèmes d’informations indépendants.
Depuis 4 ans, l’ANINF, par le biais de ses projets (boucle FO, DATACENTER, ACE), incite l’ensemble des administrations de l’Etat à centraliser leurs données. L’objectif de cette mutualisation est de produire des bases de données référentielles permettant d’établir des corrélations entre les données des différentes entités, de les sauvegarder et d’en assurer la protection. Un seul point d’entrée et de sortie étant plus simple à maintenir et sécuriser que plusieurs.
Ainsi, dans son processus de mise aux normes du Système d’Information de l’Administration, l’ANINF dans le cadre de son projet KEWAZINGO en 2013, a élaboré la Politique de Sécurité du Système d’Information (PSSI).
La PSSI est un ensemble formalisé d’éléments stratégiques, de directives, de procédures, de codes de conduite, de règles organisationnelles et techniques, ayant pour objectif la protection du système d’information.

Ce document renferme l’ensemble des règles et mesures permettant de sécuriser l’ensemble des ressources informatiques de l’Etat par le biais de trois grands processus :
- Le processus de sécurisation environnemental (contrôle d’accès, mise aux normes de l’environnement d’exploitation, etc.)
- Le processus de sécurisation du matériel informatique (charte informatique contenant les droits et obligations des utilisateurs)
- Le processus de sécurisation des systèmes et des services (règles et bonnes pratiques issues de la PSSI).
Existe-t-il des mécanismes de financement pour les entreprises exerçant dans le domaine du numérique ?
Aujourd’hui, plusieurs mécanismes de financement des start-ups existent au Gabon et peuvent être regroupés en deux grandes catégories : les mécanismes de financement directs et les mécanismes de financement indirects.
Les mécanismes de financement direct existants incluent les concours, la love-money, les Business Angels, le capital investissement, le capital amorçage, les subventions, le financement participatif et les banques.
Les mécanismes de financement indirect quant à eux font recours aux investissements effectués dans d’autres secteurs d’activité mais qui ont des retombées sur les start-ups du numérique.
L’offre de financement direct disponible au Gabon s’articule principalement autour de trois leviers :

• Les concours ;
• Le capital amorçage ;
• Le capital investissement.
Les concours représentent aujourd’hui la principale source de levée de fonds pour les jeunes entrepreneurs de l’innovation numérique. Il en existe deux principaux au niveau national : le Grand Prix de l’Excellence et le Challenge startupper de Total Gabon. Cependant, le Ministère en charge de l’Economie Numérique à travers le Projet eGabon envisage lancer au courant du second semestre de l’année 2019 son concours de plan d’affaires dénommé eStartUp Challenge, qui est un programme visant à développer des projets numériques ; afin de maximiser son impact auprès des cibles identifiées :
- Projets en démarrage : Les jeunes porteurs de projets souhaitant développer un produit ou un service.
- Projets en croissance : Les startups déjà existantes et ayant besoin de passer à l’échelle supérieure.
Par ailleurs, le capital investissement est le second levier important dans l’écosystème de financement des jeunes entreprises innovantes évoluant dans le numérique. Il n’existe cependant pas une pléthore de capitaux d’investissement au niveau national et un seul, en l’occurrence Okoumé Capital, avec un fonds de 20 milliards de FCFA dédié au financement de l’entreprenariat et au développement des PME et start-ups, propose des tickets d’investissement compris entre 30 millions de FCFA et 1 milliard FCFA en contribution directe sous forme de fonds propres et quasi-fonds propres dans le capital des sociétés qu’elle accompagne.
Un seul fonds de capital amorçage a été identifié lors du diagnostic des mécanismes de financement existants. Il s’agit du fonds de 30 millions FCFA mis à la disposition des jeunes entrepreneurs par un partenariat entre l’institution de méso finance CSG et l’incubateur JA Gabon.
Au sein de mon département ministériel, un diagnostic des mécanismes de financement des startups a mis en exergue une carence de fonds disponibles pendant la phase de prototypage et d’amorçage. En l’absence de Business Angels, le moyen le plus direct d’apporter une réponse à cette situation est de mon point de vue de constituer un fonds spécialement dédié à financer l’amorçage.