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Agriculture, élevage et Agro-Industries
Le Gabon dispose d’un important potentiel pour le développement d’une agriculture moderne et compétitive pouvant, à terme, permettre de réduire les importations alimentaires voire d’établir une autosuffisance en produits vivriers et d’élevage et devenir exportateur net de produits agroindustriels.
Banquier de formation et de carrière, ancien Ministre en charge des PME chargé de l’Entrepreneuriat national, l’actuel Ministre de l’Agriculture, de l’Élevage, de la Pêche et de l’Alimentation, Biendi Maganga-Moussavou, entend réduire la dépendance alimentaire extérieure du Gabon à 50% à l’horizon 2022 en engageant une véritable révolution agricole.
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Quelles sont les grandes lignes de la nouvelle stratégie de développement agricole ?
Depuis de nombreuses années, le Gabon importe des denrées alimentaires qui engloutissent chaque année plus de 400 milliards FCFA avec une facture particulièrement élevée sur certains aliments clés : le riz, la volaille et la viande porcine. Pour réduire ces importations en forte augmentation, à +11% en moyenne par an, le gouvernement s’est fixé avec le lancement en 2014 du programme GRAINE de développer localement ces filières.
Si les résultats ont été probants avec l’huile de palme, le programme s’est heurté dans le développement des cultures vivrières à de nombreuses difficultés principalement liées à l’accès au foncier, à l’éparpillement des producteurs qui n’a pas facilité la collecte des produits et au conflit Homme –Faune qui a conduit à la destruction de plus de 95% des plantations. Afin de résoudre ces difficultés, un nouveau programme GRAINE a été revisité et reformulé avec l’élargissement à d’autres spéculations et à l’élevage. Il prendra également compte des spécificités des bassins de production dans le cadre des zones agricoles à forte productivité (ZAP). Une autre ligne de la stratégie agricole, c’est de prôner le retour à la terre avec les programmes « vacances agricoles » et « classes vertes » afin de susciter chez les jeunes des vocations agricoles. De même, la création des certificats de formation professionnelle en alternance dans les filières agricoles va améliorer l’employabilité des jeunes dans le secteur.
Pouvez-vous nous parler du Programme GRAINE et des autres projets agricoles prioritaires ?
Afin d’amplifier les résultats obtenus et de gommer les difficultés rencontrées dans sa phase expérimentale, le Gouvernement a sollicité et obtenu l’appui de la Banque Africai ne de Développement (BAD) pour la mise en œuvre du Projet d’Appui au Programme GRAINE phase 1 (PAPG1) à hauteur de 100 millions d’euros. Ce programme d’appui que nous avons lancé le 4 octobre 2019 en présence du Premier Ministre, va permettre de créer les meilleures conditions d’accès au marché des produits agricoles et d’améliorer socialement la vie dans les zones rurales à travers la construction d’infrastructures routières, d’écoles et de centres de santé, l’approvisionnement en eau et énergie l’amélioration de l’offre de formation.
L’ambition est d’apporter un soutien massif à tous les petits producteurs agricoles. Il s’exécutera sur une durée de 5 ans dans six provinces du Gabon et impactera 630 000 personnes, dont 45% des femmes. Pour assurer la réussite du PAPG1, il est indispensable d’associer le monde de la recherche au développement agricole. C’est dans ce cadre que nous lançons bientôt le programme West African Virus Epidemiology for food security (WAVE) financé par la fondation Bill et Melinda Gates. Ce programme, qui a connu un succès significatif en Afrique de l’ouest, vise à lutter contre les maladies virales du manioc, une de nos principales ressources vivrières.
Il permet le renforcement des capacités des infrastructures de recherche et les échanges entre scientifiques africains. Nous travaillons, par ailleurs, à finaliser des programmes avec le FIDA, la BAD, l’AFD et d’autres bailleurs de fonds pour soutenir l’agriculture périurbaine, développer la provenderie et les filières volaille et porcine en impliquant la grande distribution locale. Si les petits producteurs isolés, les jeunes et les femmes sont visés, ces projets sont également formulés pour soutenir les agripreneurs.
Par quelles actions comptez-vous promouvoir le « Made In Gabon » ?
Les produits gabonais sont très largement concurrencés par ceux issus de l’importation dont la production ne génère ni emplois, ni ressources et dont l’acquisition déstabilise nos avoirs extérieurs. Nous souhaitons particulièrement soutenir le « Made in Gabon » dans les principaux produits d’importation que sont le riz, la volaille et les autres produits carnés. A cet effet, le projet de loi d’orientation agricole que nous souhaitons voir prospérer, permettra une meilleure maitrise des conditions d’importation en encourageant les géants de la distribution à soutenir la production locale. Il sera bientôt plus aisé de produire localement que d’importer.

Quel est le potentiel de la filière café-cacao ?
La filière cacao fait aujourd’hui partie intégrante de la stratégie de diversification économique lancée par le Gouvernement. L’ambition du pays est de relancer cette filière d‘autant plus que le pays dispose d’un immense potentiel. Avec près de 5 millions d’hectares de terres arables, et à la faveur d’un climat équatorial propice, le Gabon a assurément des atouts à faire valoir. Ces dernières années les niveaux de production ont été plutôt faibles mais un programme de réhabilitation des plantations semencières notamment le centre de multiplication de cacaoyers d’Oyem et le centre de bouturage du Café d’Okondja est en cours en vue d’approvisionner les agriculteurs locaux. Des ressources supplémentaires seront mobilisées pour la création de nouvelles plantations.
Dans cette optique, le gouvernement vient d’élaborer une nouvelle stratégie dans la filière Café-Cacao qui vise à atteindre 10 000 tonnes de cacao à l’horizon 2023. Une zone agricole à forte productivité (ZAP) de plus de 13 000 ha devrait être implantée à Bitam dans la zone nord du pays pour accueillir de nouveaux investissements.
Secteur stratégique dans le processus de diversification de l’économie, de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, qu’envisagez-vous comme objectifs stratégiques pour le secteur de la pêche ?
Près de 25 % du total de la pêche qui se fait dans l’océan atlantique se fait au Gabon. Estimé à plus de 50 000 tonnes de thons par saison, ce volume énorme de poissons a pendant longtemps échappé à notre contrôle et ne bénéficiait ni à l’Etat, ni aux populations. Nous souhaitons nous réapproprier nos richesses aquatiques en application de la vision du Président de la République, S.E.M Ali Bongo Ondimba, par la protection des écosystèmes, en promouvant une pêche durable et en bénéficiant du débarquement de 100% des productions issues de la haute mer.
Je rappelle que le Gabon dispose de 20 aires marines protégées et accorde une attention particulière à la surveillance pour lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée comme le démontre notre collaboration avec l’ONG Sea Sheperd dans le cadre de l’opération Albacore. Nous entendons être intraitables dans la protection de notre patrimoine. Notre objectif est d’équiper l’ensemble des navires et pirogues pêchant dans nos eaux en matériel de géolocalisation pour être encore plus efficaces dans notre action. En développant la transformation, gage de valeur ajoutée et en boostant la production aquacole, nous disposons d’un cocktail devant garantir une prospérité durable. Nous devons l’asseoir sur une parfaite connaissance de nos écosystèmes marins. Nous lancerons ainsi très prochainement en collaboration avec l’Institut de recherche et d’océanographie d’Espagne une campagne d’évaluation de nos stocks halieutiques.
Quelles sont les opportunités d’investissement dans le secteur agroindustriel ?
Nous avons l’ambition de réduire nos importations de denrées alimentaires hors CEMAC. Nous savons que nous devons pour cela conjuguer les efforts des nationaux à ceux des étrangers pour un meilleur résultat.
Les zones agricoles à forte productivité (ZAP), notre code agricole très attractif qui sera complété par une loi d’orientation très volontariste et le soutien des bailleurs de fonds pour partager le risque avec les investisseurs sont des atouts majeurs.
Plusieurs opérateurs économiques sont engagés à nos côtés à l’instar du groupe Olam qui a permis en moins de 10 ans de faire du Gabon un pays exportateur net d’huile de palme avec des lendemains encore plus prometteurs. Nous avons une volonté politique ferme et inflexible de fonder notre révolution économique sur l’agriculture comme l’a affirmé le Premier Ministre Julien Nkoghe Bekale dans son discours de lancement du nouveau programme GRAINE le 4 octobre 2019 : « si les 60 premières années ont été pétrolières et minières, les 60 prochaines seront agricoles ».
Il y’a donc encore beaucoup de places pour ceux qui souhaitent investir au Gabon.