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Petites histoires, grands menteurs
PETITES HISTOIRES DE GRANDS MENTEURS
Qu’on l’admette ou non, notre quotidien est parsemé de moments où mentir nous rend la vie un peu plus facile. Du classique «Je vais très bien» au délicat «Cette réunion de trois heures était très intéressante», ces phrases anodines nous permettent de naviguer dans les eaux grises des interactions humaines, où parfois, toute vérité n’est pas bonne à dire. THOMAS EDISON
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Ceci dit, l’Histoire nous a aussi montré que le mensonge peut aller beaucoup plus loin, surtout lorsqu’il est question de protéger sa réputation, ou simplement de s’enrichir. Et question de s’amuser un peu (ou de se déculpabiliser!) La Quête a recensé quelques cas de ces fabulateurs notoires qui ont réussi à en tromper plus d’un… avant de se faire pincer.
HÉRODOTE
Selon l’Encyclopédie Universalis, Hérodote est le premier historien grec, aussi appelé le «père de l’histoire occidentale» par certains. Bien que Hérodote ne se qualifie pas comme un menteur professionnel, plusieurs de ses observations ont été contestées avec les années. Il faut dire qu’il a beaucoup voyagé, rapportant dans ses écrits les mythes et rumeurs circulant dans la population à l’époque. Un article consacré à Hérodote dans le numéro 264 de la revue française L’Histoire affirme que l’on «ne prend plus pour argent comptant tout ce qu’il dit», car il aurait plutôt relaté ce que l’on considère comme de la propagande provenant de l’empire athénien. À tout le moins, toujours selon L’Histoire, les écrits d’Hérodote demeurent «une mine irremplaçable de renseignements», notamment sur les Égyptiens et les Perses vivant au 6e siècle av. J.-C.
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Eh oui! Ce grand inventeur américain à qui l’on attribue l’invention de l’ampoule électrique et du phonographe, pour ne nommer que celles-là, est quelque peu contesté aujourd’hui. Pendant longtemps, M. Edison a été considéré comme celui qui a amené l’électricité au grand public, celui grâce à qui nous vivons dans un monde totalement électrifié. Cependant, c’est l’inventeur Nikola Tesla, un ancien employé d’Edison, qui aurait véritablement été «le génie qui a éclairé le monde». Le journaliste scientifique Yanick Villedieu a expliqué sur les ondes de l’émission Samedi et rien d’autre du 24 février 2018, à Radio-Canada, que la distribution de masse de l’électricité est due à la facilité de transport du courant alternatif, une invention de Tesla.
Et comme c’est Edison qui avait le contrat d’électrifier la ville de New York, ce dernier a beaucoup travaillé pour discréditer le courant alternatif, le qualifiant de dangereux, pour mettre de l’avant le courant continu, son propre projet. «La guerre des courants», comme on appelle cette rivalité entre les deux méthodes, a été gagnée par le riche Edison. Et même si le courant alternatif a fini par dominer, c’est tout de même Thomas Edison et sa compagnie, très connus à l’époque, qui y ont été associés, faisant sombrer Nikola Tesla dans l’oubli… jusqu’à aujourd’hui, où plusieurs scientifiques et historiens travaillent pour lui redonner ses lettres de noblesse.
CHARLES PONZI
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Cet immigrant italien établi à Boston a donné son nom à une fraude célèbre appelée «Ponzi Scheme», ou «Chaîne de Ponzi», selon le Bureau de la concurrence du Canada (BCC). On pourrait l’associer à la vente pyramidale, un mode de financement qui consiste, grosso modo, à «emprunter à Pierre pour payer Paul». Un article de Mary Darby, paru en décembre 1998 dans le Smithsonian magazine, explique que les mensonges bien tissés de M. Ponzi lui ont permis d’amasser (en 1920!) 15 millions de dollars en huit mois. Ce vendeur né attirait de nouveaux investisseurs en promettant d’incroyables retours — de 50 % à 100 % — alors qu’il n’y avait pas de réel produit dans lequel investir.
En fait, sa technique est très simple: l’argent provenant de nouveaux investisseurs sert à payer les anciens. Et si tout ce beau monde a pour mission de recruter d’autres investisseurs, les profits deviennent exponentiels. Bien
Wikimedia Commons sûr, dans ce concept, c’est le sommet de la pyramide, ici Charles Ponzi, qui se paie en premier. Mais comme toute bonne pyramide, le succès de ce coup repose sur l’afflux constant de nouvelles recrues, et sur la confiance aveugle des participants. Autrement, les fonds s’amenuisent, et la pyramide s’écroule. C’est entre autres grâce au travail d’enquête de journalistes du Boston Post que la fraude de M. Ponzi a été découverte, et, selon l’article, non sans provoquer la faillite d’une demi-douzaine de banques. L’arrestation de Charles Ponzi n’a toutefois pas empêché sa méthode de se répandre. Encore aujourd’hui, «Au Canada, promouvoir un tel système de vente pyramidale, et même y participer, constitue un acte criminel», avise le BCC dans sa publication «Le petit livre noir de la fraude».
FRANK ABAGNALE JR. LANCE ARMSTRONG
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Si ce nom ne vous dit rien, pensez au film de Stephen Spielberg, Attrape-moi si tu peux, sorti en 2002, qui raconte son histoire. Ce fraudeur professionnel, joué dans le film par Leonardo DiCaprio, est tellement talentueux qu’il a réussi à échapper au fameux FBI américain un grand nombre de fois durant les années 1960. Et attention au divulgâcheur: M. Abagnale a fini par être consultant pour le Bureau durant 40 ans après s’être fait pincer, devenant un expert respecté en matière de vol d’identité et de fraude. Selon le magazine Wired, sa carrière criminelle a commencé à 16 ans, alors qu’il se fait passer pour un pilote de la Pan Am Airlines. Jusqu’à l’âge de 21 ans, où il se fait arrêter en France, il assumera, entre autres, l’identité d’un médecin et d’un avocat. Ses aptitudes exceptionnelles pour la falsification de chèques lui ont permis de récolter des millions de dollars.
Le monde du sport compte aussi son lot de tricheurs. C’est le cas bien connu du champion du monde de cyclisme sur route, Lance Armstrong, qui a avoué s’être adonné au dopage dans une entrevue accordée à Oprah Winfrey en 2013. Il faut dire que Lance Armstrong était adulé dans les années 2000 pour avoir remporté durant sept années consécutives le Tour de France, de 1999 à 2005. C’est d’abord un travail journalistique de longue haleine de la part de David Walsh et de Pierre Ballester qui a contribué à la chute de l’athlète. Selon Radio-Canada, qui s’est entretenu avec M. Ballester, Armstrong a eu du mal à se faire détrôner, et il aura fallu des années avant que les preuves de ses années de dopage soient reconnues par les diverses fédérations sportives chargées de réguler le cyclisme aux États-Unis et à l’international. Il s’est ultimement fait enlever tous ses titres de 1998 à 2012, et s’est même fait bannir de son sport à vie, rapporte la chaîne américaine ESPN. Lance Armstrong est récemment revenu sur le sujet dans un documentaire sorti en mai 2020, également produit par ESPN. Il y avoue avoir commencé à se doper dès l’âge de 21 ans.
CHEZ NOUS: JEAN-CLAUDE APOLLO ET FRANÇOIS BUGINGO
Le Québec n’est pas exempt de supercheries célèbres. C’est le cas de Giovanni Apollo, un restaurateur basé à Québec qui s’est bâti une réputation de chef cuisinier populaire grâce à ses origines italiennes… complètement fausses. Un article dans La Presse «Giovanni Apollo: un parcours jalonné de mensonges» révèle que Jean-Claude Apollo (son vrai nom) est un français d’origine italienne qui n’a jamais vécu à Naples ni été formé par le célèbre chef Paul Bocuse. Les murs de son restaurant de la Capitale, aujourd’hui fermé, étaient ornés de photos d’enfance ayant été prises «près de 20 ans avant la naissance du chef cuisinier», rapporte l’article. Et bien qu’il nie avoir menti pour faire mousser sa carrière, La Presse a réussi à récolter plusieurs preuves de sa supercherie. Dans la même veine, le quotidien montréalais a également enquêté sur le journaliste François Bugingo, qui «prétend avoir visité 152 pays et couvert la majorité des grands conflits qui ont ravagé la planète au cours des deux dernières décennies, notamment en Irak, en Afghanistan, au Liberia, au Rwanda, en Algérie, en Sierra Leone, en Colombie, au Liban, en Bosnie, au Sri Lanka», rapporte La Presse dans un article intitulé «François Bugingo: des reportages inventés de toutes pièces».
Cependant, bien qu’il ait parlé ouvertement de ses expériences, il semble que les reportages tangibles de ces conflits signés par M. Bugingo sont rares. Après avoir contribué à plusieurs grands médias de la province, dont Le Journal de Montréal, RadioCanada, TVA, Télé-Québec, Le Devoir et même La Presse, l’enquête de Isabelle Hachey révèle que «ses faits d’armes journalistiques sont parfois très romancés, quand ils ne sont pas carrément faux».