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Le déclin de l'authencité

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La vérité existe

La vérité existe

LE DÉCLIN DE L’AUTHENTICITÉ

HRONIQUE

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Vrai; adjectif, nom masculin et adverbe en usage depuis la fin du XIe siècle. Extrait du latin populaire Veracus renforcement de Verus, Véracité et Vérité. Faux; adjectif et nom masculin, extrait du latin Falsus, famille de fellare, «tromper» passe à l’usage à la même période que son pendant «Vrai». L’un ne peut exister sans l’autre.

UNE ÉPOQUE VRAIE

La première fausseté remonte selon la Bible au mensonge qu’Adam fait à Dieu. À cette époque, les faussetés ne pouvaient être que verbales, car tout le reste était vrai: si Ève portait une fourrure, elle n’était pas synthétique. Les imitations n’existaient pas, tous les produits étaient extraits de la nature. Il n’y avait que la parole qui pouvait être vraie ou fausse.

RÉFLEXIONS SUR LE VRAI

Plusieurs auteurs ont exprimé leur perception du vrai. Ainsi Gide écrit, concernant l’exactitude et la justesse «Rien n’est vrai pour tous, mais seulement par rapport à qui le croit tel.» Concernant la fidélité, la véridicité, et l’authenticité historique Voltaire dira «L’histoire est le récit des faits donnés pour vrai.» Et Boileau ajoutera, «Rien n’est beau que le vrai». Enchéri par Courteline «L’avantage qu’il y a d’être dans le vrai, c’est que, toujours, forcément, on finit par avoir raison.»

DEMI-VÉRITÉ

Certains auteurs s’expriment parfois de façon très particulière, comme Chateaubriand qui lance «Bonaparte n’est plus le vrai Bonaparte, c’est une figure légendaire.» Cependant, Bonaparte mort ou vivant est toujours Bonaparte. Ou cette scène au sujet de Mozart. À l’entracte d’un concert deux personnes échangent. Le monsieur: «L’harmonie et la vivacité qu’il met dans ses œuvres me transportent littéralement.» La snobinette: «Et ce Mozart, il compose toujours?» Le monsieur: «Depuis pas mal de temps, il décompose.» La snobinette: «Mais voyons mon cher monsieur, Mozart vit toujours par ses œuvres.» Dans cet échange très court, on entend une opinion émotive, une interrogation farfelue, une vérité incontestable rachetée par une demi-vérité: beaucoup d’œuvres survivent à leur créateur.

FAUX

Plus l’être humain avance dans ce qu’il convient d’appeler la civilisation, plus il y a de faux. Il y en a dans tous les domaines. J’en énumère que quelques-uns. II y a sur le marché une panoplie d’objets et de produits qui vous donneront tout ce que vous voulez avoir comme apparence. Vos cheveux sont clairsemés, voire tout tombés: vous pouvez recourir à la greffe ou la perruque «le couronnement de la fausseté» de la couleur que vous désirez. Pour quelques rides au visage, vous avez le choix: crème si vous êtes patient ou injection pour une action plus rapide. Il manque une dent, solution: une prothèse. Enfin, avec tout ce qu’il y a comme pièce de remplacement et de produits, l’être humain peut modifier son apparence au gré de ses désirs. Mais oui, aussi étonnant que cela puisse paraître le faux peut lui aussi produire des miracles.

LE FAUX À SON PAROXYSME Il existe une boutique où l’on vend des téléphones, des tablettes, des portables et des ordinateurs, tous C ourtoi sie: Phili ppe Bouchard factices d’une marque très connue internationalement. L’artifice est tellement au point que même la boutique est une reproduction des boutiques officielles et les commis qui y travaillent portent sur leur veston un petit badge qui lui aussi imite la marque. Presque tout a été essayé au niveau de la contrefaçon: billets de banque, monnaie, timbres, œuvres d’art, bijoux, pierres précieuses, passeports, faux documents, et même, certaines autos. Sans oublier les grands couturiers qui se font copier leurs créations. Il n’y a pas de limite à la fabrication de faux. Et à la fin, pour démêler le vrai du faux, il faut référer à des spécialistes pouvant identifier l’original.

RENCONTRE D’UN SAGE

Vers le milieu des années 1960, encore étudiant, j’habitais un minuscule logement près des Plaines d’Abraham. Le matin lorsque je sortais, neuf fois sur dix je rencontrais V. D. qui vivait sur le même étage que moi. En me saluant, il me donnait le journal qu’il venait d’acheter. De toute évidence, il ne l’avait pas lu. Le manège était toujours le même. J’étais dans la vingtaine et lui, probablement dans la soixantaine. Puis, un jour, par curiosité je lui ai demandé, «Mais vous monsieur V. D., vous ne lisez jamais le journal.» C’est alors qu’il me fit cette révélation étonnante: «Philippe, si tu ne veux pas te tromper dans la vie, ne crois rien de ce qui est écrit, ne crois rien de ce que tu entends, et seulement la moitié de ce que tu vois. Comme ça tu vas être à peu près certain de ne pas te tromper.» Seule la page des variations de la bourse manquait dans les journaux qu’ils me donnaient.

«In memoriam.» En toute vérité, Respectueusement,

PHILIPPE BOUCHARD

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