La Gazette de la Lucarne n° 46 - 15 mars 2012

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La gazette de la

lucarne

15 mars 2012 2 €

n  46 o

La Lucarne des Écrivains, 115 rue de l’Ourcq, 75019 Paris – tél. : 01 40 05 91 29 – http://lucarnedesecrivains.free.fr

Chers lecteurs, À dix ans, avant de connaître les affres de la puberté, et à des copains plus âgés qui me semblaient obsédés par l’amour, je disais, d’un ton docte qu’il me faudrait attendre bien des années avant de retrouver : « L’amour, l’amour ! Il n’y a pas que ça dans la vie quand même ! » Dans un roman de Jeanne ­Cordelier, La Passion selon Gatien le narrateur est un perroquet amoureux de sa maîtresse. Après bien des péripéties, dans les dernières lignes du livre, elle finit par lui apprendre à prononcer le mot Ah ! Mour ! Amour ! Sur ce thème, la Gazette de mars, pas garce, en puisant dans le Dictionnaire des Rimes et Assonances d’Armel Louis, vous propose quelques nouvelles, éparses. Il y a l’amour de la langue, par Patrick Le Divenah ; l’amour des mots, par Sylvie Hérout ; l’amour nocturne, par Fabienne Schmitt ; l’amour étincelles par Françoise Pons ; l’amour coquin, par Bruno C. ; l’amour de Naples, par Véronique Varallo, et l’amour de l’Afrique, par Zéglobo Z ­ éraphim. Enfin, plus fort que toutes les raisons de guerre, l’amour de la poésie qui clôt Le Rescapé et l’Exilé, le livre de Stéphane Hessel et d’Elias Sanbar. Marc Albert-Levin

Mots et amants Sylve Hérout Photo-Montage / Patrick le Divenah

Éditorial

I

ls sont tous morts mes amants. Morts de soif ou épuisés d’attendre. Si tu te penches, tu les trouveras tous alignés sous mon lit, par ordre de taille ou d’ancienneté, je ne sais plus. Peut-être au fond estce la même chose ? En tout cas, tous devenus de plus en plus petits au fil des ans. C’est à cause de l’illusion… La fonte de l’illusion, tôt ou tard, ça racornit, ça étrique les amants soupirants. Parfois, la nuit, je les entends se disputer. Ils se battent pour savoir qui a été mon meilleur amant, mon préféré, celui que j’aurais aimé comme on aime à vingt ans, la main dans la main, les yeux entrelacés. « À nous deux pour la vie. Nous, ça n’est pas pareil, puisqu’on s’aime vraiment. La preuve, on ne fait qu’un, on fusionne, on ébullitionne, on vase-communique tant et si bien

qu’on n’a plus besoin de communiquer. L’un pense, l’autre répond... » Moi, je les laisse causer, se disputer, se dualiser. Ça les occupe. Et leur blabla, leur petit orgueil de mec, j’en ai rien à cirer. Alors, pendant ce temps-là j’écris. J’écris des lignes et des pages, des carnets et des cahiers, je prends mon pied avec les mots. Surtout quand je pense au pied de nez que mes mots, mes lignes et mes pages feront à tous les « ils » de ma vie – maris, amis, amants, garçons – quand plus tard, moi envolée, ils ouvriront mes armoires, mes tiroirs, mes écritoires… J’espère que du haut du ciel j’aurai encore d’assez bons yeux et d’assez bonnes oreilles pour écouter-voir leur surprise. Pour le coup, cette fois, j’aurai sûrement droit à leurs regrets éternels.


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