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Caméra multispectrale pour la criminalistique
from Blaulicht 3/2025
by IV Group
Une start-up suisse révolutionne la criminalistique
L’imagerie multispectrale présente un potentiel considérable, tant pour l’analyse d’œuvres d’art rares que pour la criminalistique. La start-up MATIS SA, basée à Neuchâtel, a développé un système pratique basé sur un appareil photo Canon.
Au-delà du spectre que notre œil est capable de percevoir, il existe un univers invisible pour nous, êtres humains. Des outils techniques tels que l’imagerie multispectrale ouvrent les portes de cet univers caché et rendent visible ce qui ne peut être vu autrement.
Cette technologie est utilisée depuis longtemps dans les domaines de la science, de la technologie, de la médecine et dans d’autres domaines spécialisés. Le CSEM, centre d’innovation technologique public-privé à but non lucratif fondé en 1984 à Neuchâtel, est à la pointe de cette technologie. Il a développé un système polyvalent d’imagerie multispectrale qui pourrait bientôt révolutionner la criminalistique.

Comment fonctionne l’imagerie multispectrale
En termes simples, l’imagerie multispectrale fournit des informations enrichies provenant de différentes longueurs d’onde du spectre électromagnétique, dont la lumière visible, l’ultraviolet et l’infrarouge. Ces informations peuvent être traitées par un pipeline de données IA. La spectroscopie en constitue la base physique. Elle analyse les interactions de la matière avec la lumière. Les matériaux ayant pratiquement tous une signature spectrale individuelle, comparable à une « empreinte spectrale », il est possible d’obtenir des informations détaillées sur la composition chimique des matériaux. En combinant la spectroscopie avec des techniques d’imagerie, les propriétés physico-chimiques de différentes zones d’un échantillon peuvent être visualisées et cartographiées. Il est ainsi possible de déterminer quelles zones de l’échantillon sont composées de quels matériaux.
Domaines d’application de l’imagerie multispectrale
L’imagerie multispectrale permet, par exemple, d’analyser les eaux usées sans tests en laboratoire, de détecter des anomalies cutanées et tissulaires dans le cadre du dépistage précoce du cancer de la peau ou d’examiner les aliments afin de détecter des impuretés, leur degré de maturité et leur teneur en humidité. Un autre domaine d’application est l’étude de manuscrits anciens, de livres et d’œuvres d’art pour rechercher des contenus cachés ou même des contrefaçons ciblées.
La start-up MATIS SA, issue du CSEM et basée à Neuchâtel, s’est spécialisée dans ce dernier domaine. Son équipe a développé un système d’imagerie multispectrale basé sur l’IA qui révèle les couches cachées des œuvres d’art et analyse la composition des matériaux utilisés pour ainsi démasquer les contrefaçons.

Ce qui est nécessaire pour l’imagerie multispectrale
Au cœur de cette technologie se trouvent la caméra multispectrale conçue par MATIS et, élément indispensable, la solution basée sur l’IA pour l’analyse des signatures spectrales.
Pour la partie caméra, un Canon EOS R5 hybride et sans filtre IR, équipé d’un éclairage annulaire, est utilisé. Le système couvre 16 bandes spectrales (longueur d’onde de 365 à 1 050 nm) et enregistre des séquences d’images en rafale, le déclenchement de la lampe annulaire étant assuré par la fonction flash intégrée de l’appareil photo, ce qui garantit une grande précision. Les fichiers RAW obtenus sont ensuite transmis au système d’analyse IA et évalués. Les résultats de l’analyse, tout comme les images, sont stockés de manière cryptée dans une base de données sécurisée.

L’imagerie multispectrale en criminalistique
Révéler ou rendre visible ce qui est caché, tel est également l’objectif de la criminalistique. L’imagerie multispectrale est donc tout aussi intéressante dans ce domaine. Le système de MATIS est particulièrement adapté à la visualisation de substances organiques ou contenant du carbone. Celles-ci ont en effet une signature IR très distinctive. Grâce à cela, l’analyse multispectrale permet de détecter des substances telles que le sang, le sperme et d’autres fluides corporels, les graisses et les acides cutanés (donc les empreintes digitales), mais également les traces de pneus et de poudre.
Associé à un logiciel d’analyse basé sur l’IA, le système développé par MATIS permet de rendre visibles à l’œil nu les traces d’un crime ou d’un délit, de manière rapide, simple et surtout non destructive.
Cette idée n’est pas nouvelle, mais elle est enfin applicable de manière compacte
Au cours des dix dernières années, divers efforts ont été déployés dans le domaine de la science médico-légale, notamment par le National Institute of Justice des ÉtatsUnis, afin de développer un système d’analyse multispectrale abordable et maniable pour la criminalistique. Mais les instituts de recherche impliqués, dont le New Jersey Institute of Technology, n’ont pas réussi à relever les défis en termes de poids, de coût, de complexité, de robustesse, de portabilité et de convivialité.
C’est désormais chose faite grâce à MATIS SA. Développé en Suisse, le système est léger, compact et convivial. De plus, grâce à ses méthodes d’analyse IA performantes, il surpasse largement les possibilités existantes et pourrait ainsi changer la donne. Une condition préalable essentielle est l’entraînement de la solution IA, qui nécessite, comme on le sait, une grande quantité de données à partir desquelles l’IA peut « apprendre » à reconnaître ce qu’elle doit rechercher. À cette fin, l’équipe de MATIS SA collabore avec des spécialistes de l’Institut de médecine légale de l’Université de Zurich.
Il est donc probable que, dans un avenir proche, les experts en criminalistique suisses se rendront sur les lieux d’un crime équipés d’une caméra multispectrale, et que la poudre d’empreintes digitales, les pinces, les bandes adhésives et d’autres outils de collecte de preuves perdront de leur importance.

Pour en savoir plus et découvrir les caractéristiques techniques, contactez Sébastien Blanc, directeur technique de MATIS SA, Rue Jaquet-Droz 1, 2002 Neuchâtel, www.matis.art, sebastien.blanc@matis.art