Ibilka #6

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ibilka

le magazine

numéro 6 - 2014 uda/été

Fêtes

Les fêtes de la Virgen Blanca de Gasteiz ont su garder l'esprit et l'intimité que bien d'autres ont laissé s'égarer au fil des ans. Une belle occasion aussi de découvrir la capitale de la Communauté autonome d'Euskadi.

Un Éden entre ciel et Océan

Les pieds dans l'Océan, la tête à quelque 543 mètres d'altitude, le massif de Jaizkibel, trait d'union entre Hegoalde et Iparralde, représente bien plus qu'un simple paradis pour randonneur. Cette montagne palimpseste raconte aussi toute une partie de l'histoire d'Euskal Herria.

Culture

Quand la culture permet de faire vivre une langue et une identité menacées par le totalitarisme. C'est l'aventure unique d'Eresoinka.


zapi, mokanes edo pañuelo gaztelaniaz, arroparen elementu garantzitsu bat da gure bestetan. haien koloren arabera herri bat, elkarte bat edo gertakari bat ospatzen dira.

Le foulard, comme un air de fête zapia, bestaren itxura bat bezala t e x t e txomin laxalt / photographie Cédric Pasquini

z

apia en euskara, pañuelico en castillan, dans évangélisateur du Limousin mais saint patron d’irun, à les zones de navarre où le basque n’est pas saint mateo, évangéliste et ancien collecteur d’impôt, prioritaire, le foulard est un attribut essentiel mais surtout patron de Logroño, la distance ne fait rien à du participant à toute célébration festive en l’affaire pour les athlètes de fond, les plus en cannes vont euskal herria. parcourir l’écliptique festif et on en sait des maîtres dans on le porte, c’est selon, pointe devant ou la discipline. pointe derrière, plutôt serré sur le cou ou plutôt lâche. Par mais revenons au foulard. À Fermin, évêque de toulouse contre, il existe des règles auxquelles il serait malvenu de et patron d’irunea (Pampelune) qui mourut décapité — un déroger. ainsi, on ne l’attache qu’à l’heure où les fêtes sont paradoxe quand, dans la capitale de la navarre, la deuxième officiellement ouvertes — lâcher de clés à Bayonne, Xupinazo semaine de juillet, la migraine relève de la pandémie — à iruña (Pampelune). Le contrevenant s’expose au mieux revient le foulard écarlate. au regard noir, au pire à une déconsidération en fait, la couleur rouge est réservée à la seule le ramenant au rang de kospei (touriste) à navarre, c’est la couleur de la province, l’adopter Bayonne, de guiri à iruña. ailleurs et c’est ce qu’on fait les hestayres (amaMots-clés/Hitz gakoak on le noue comme on le fait d’une cravate, teurs de fête) du grand sud-ouest et la majorité Populaire : herrikoi avec soin. zapia est soigneusement rangé des bestazale (amateurs de fête) bayonnais — vêtement, costume : sur l’étagère réservée à la tenue des fêtes que parole de puriste — relève sinon du plagiat, arropa, soineko, jantzi l’on sort à la fréquence de son tempérament d’une forme d’hérésie. donibane Lohitzun À l’occasion des fêtes : festif. d’aucuns, durant les mois sans r, se (saint-Jean-de-Luz) a adopté depuis longtemps contentent, de la laisser, après lavage et repasle splendide rouge et noir comme Bilbao a besten karietara sage systématiques s’entend, sur le dossier son foulard bleu et nombre de nos bestazale d’une chaise. on le sait, à compter du mois d’iparralde comme tous ceux d’hegoalde, le de mai, les saints ont l’heureuse habitude de se rappeler très rural mokanes, le foulard à quadrillages bleus, un beau au bon souvenir de ceux qui les ignorent superbement le référent identitaire. enfin et trêve de polémique, il y a celui restant de l’année mais qui, vers le solstice d’été, se ratqu’arborait etxahun, le koblakari d’iruri (trois-villes), le très trapent largement dans leurs dévotions… À compter du souletin et distingué (presque) châle, rouge et or, armorié mois de mai donc, les Glorieux, la plupart anciens martyrs, de visages d’amañis et d’aitañis, de chisteras, de fereta et de se bousculent au portillon, on les comprend l’éternité c’est lau buru ; ne le porte pas qui veut. Les gaiteros, xirulari et long, pour partager des canons (non plus de l’église ceuxceux admis dans le cercle, l’ont fait leur… quand on honore là) avec nous, pauvres humains. alors, de saint martial, ses saints, l’habit se doit de faire le moine !


ÉdITORIaL

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courage et solidarité

Société éditrice : Bami communication rond-point de maignon, avenue du 8 mai 1945 BP 41 - 64183 Bayonne bami-communication@bami.fr Directeur de la publication : Jean-Paul inchauspé Coordination : Jean-Paul Bobin Textes : txomin Laxalt, Jean-Paul Bobin Direction artistique : sandrine Lucas Fabrication : Patrick delprat iru errege Le Forum 64100 Bayonne N° ISSN 2267-6864 Photos : P. 19 : Pierre alechinsky : « coBra de transmission » 1968. © adaGP saBam Belgium 2014/Photo mixed media. musée d'ixelles, Bruxelles. P. 20 : cédric Pasquini. P.16-17 : dr. (photos tirées du livre de Philippe régnier « eresoinka, de sara à Paris », ed. iru errege)

comme vous l'avez certainement remarqué, Ibilka n'était pas au rendez-vous du printemps. Les meilleures excuses ne restant que des excuses, nous vous devons donc une explication. Pour la fin de l'année, nous vous réservons une surprise, sous la forme d'un numéro double, consacré à… Préservons la surprise ! c'est pour réaliser ces reportages qui, je l'espère, vous passionneront, que notre petite équipe, rédacteurs et photographes, est partie très loin sur le terrain et n'a pas eu le temps de boucler le numéro d'udaberri, c'est-à-dire celui du printemps.rendez-vous donc au mois de novembre pour un très beau voyage, dans le temps et dans l'espace. mais avant, nous vous convions à une surprenante découverte, celle d'un endroit familier, comme un voisin, mais dont l'incroyable richesse, l'extraordinaire variété et l'incommensurable poésie restent pourtant, le plus souvent, inconnues. cette montagne aux pieds dans l'eau, cette terre entre ciel et océan, comme une île au trésor, c'est le Jaizkibel, aussi visible que la rhune mais à la différence que ses pieds s’illuminent tous les soirs grâce aux lueurs d'hondarribia. après la nature, place à la fête ! Bien sûr chacun connaît les célèbres Sanfermines

d'iruña (Pampelune), sans parler de leurs petites sœurs bayonnaises. mais c'est dans la capitale de la communauté autonome d'euskadi que nous vous invitons à découvrir les fêtes de la Virgen Blanca. vous y ferez la connaissance de zeledon, un personnage dual, mais surtout vous découvrirez une fête intime et grandiose, une belle occasion aussi de baguenauder dans vitoria-Gasteiz et de sentir le pouls d'une cité qui a su rester fidèle à elle-même… et puis ne vous trompez pas de foulard, à chaque fête le sien comme vous le rappelle txomin Laxalt, qui vous donne aussi tous les conseils nécessaires à son bon usage. avant de vous souhaiter un bel été, nous voudrions rendre hommage à néstor Basterretxea, l'immense artiste qui vient de nous quitter et auquel le musée des Beaux arts de Bilbao avait consacré une rétrospective l'an dernier. toutes nos pensées vont également vers tous les sinistrés, particuliers et entreprises, des intempéries du début du mois juillet et pour lesquels cet été s'est transformé soudainement en un difficile chemin. À cette occasion, le Pays basque a su montrer, une fois de plus, ses valeurs de courage et de solidarité. Jean-Paul inchauspé, directeur de la publication


PORTRAIT

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qui marche

avec ses racines


PORTRAIT

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2004

1973 Naissance à Beskoitze/ Briscous.

Frontière du Tibet passée clandestinement par la montagne.

2005

2006

Création de l'association humanitaire Gaurishankar.

Gaurishankar construit un pont à Beding.

Xiril Alvarez,

bere sustraiekin dabilen gizona t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e Cédric Pasquini

E

st-ce pour travailler dans la canopée, cet espace circonscrit entre ciel et terre, que Xiril Alvarez, regard couleur du loup des steppes, tente de percer les secrets d’un au-delà de l’horizon ? « Ou bien à cause de cet horizon que j’ai toujours eu sous les yeux ? », tente-t-il d’expliquer alors que depuis la terrasse de la maison familiale de Beskoitze, il désigne la fresque pyrénéenne déclinant ses sommets de Larroun à l’Ossau. « Beti iparraldera so egin ohi ukan dut » (« j’ai toujours l’habitude de regarder vers le nord »), rappelle cet homme des bois ou du bois si l’on s’en tient à son métier : arboriste-élagueur. D’ailleurs, du bois Xiril en a l’allure : sec comme une souche, pareil à un arbre court de montagne. S’il fallait le comparer à un végétal, j’oserais le pin à crochets. Car là où va Xiril Alvarez, vous n’irez sans doute jamais, à moins que vous n’aimiez la solitude extrême, le thé au lait de jument, les nuits à grelotter sous une peau de yack pelotonné contre des trappeurs, chasseurs d’ours, la lente ronde des heures à pêcher dans un lac innommé, quelque part au-dessus du 49eᵉ parallèle nord, l’improbable omble arctique, indispensable ferrement si l’on veut croûter après dix heures de marche dans l’enchevêtrement de conifères de la taïga, géants effondrés, enveloppé dans les nuées de moustiques gloutons. Vous ne dormirez sans doute jamais là où Xiril déroule son sac de couchage, éclairé par le halo blême d’une lune de Sibérie, dans l’écho glaçant des hurlements d’une horde de loups, des piétinements inquiétants d’un ours noir en maraude. Il vous faudrait affectionner les longs et précieux silences d’un éleveur de rennes du peuple mongol Tsaatan, aux yeux réduits à deux fentes et aux côtés duquel, en 1999, il n’avait que 26 ans, il bivouaqua et partagea les jours de mistoufle et les oracles des chamans. Tout commença avec la montagne basque et les Pyrénées qu’il parcourt inlassablement en excellent mendizale. Dans la pure conception bouddhiste estimant que tout, dans notre monde, a partie liée, comment ne pas évoquer ce pont construit à son initiative, au sortir du village de Beding (3 700 m), vallée du Rolwaling (Népal) alors que la

mousson emportait régulièrement la précaire passerelle, isolant les habitants. Une homérique traversée à pied de l’Himalaya qui faillit se terminer tragiquement – terrassé par un œdème pulmonaire dû à l’altitude, il fut redescendu à dos d’homme – le mit en contact avec les habitants de Beding auxquels il voue désormais un attachement sans faille. Car le voyage à pied et les contrées vierges de toute forme de tourisme participent de son équilibre : « Je me nourris aussi de la rencontre avec les autres, la meilleure façon de s’assurer de ses propres racines », affirme-t-il. Le voyage représente l’aboutissement de ses rêves, un équilibre vital. Si, comme ce fut le cas, il se retrouve menotté et enfermé dans une cabane, tenu en joue par des militaires chinois pour avoir clandestinement passé la frontière tibétaine par un col (presque) oublié de l’Himalaya, il ne s’en prend qu’à lui-même et s’en sort par la seule force de sa conviction. Xiril vient de renouer, pour six mois, avec la grande aventure, celle qui le hissera à la même enseigne que les Ella Maillart, Nicolas Bouvier, Sylvain Tesson et autres pieds poudreux de haute lignée. Retournant vers ces terres nomades peuplées d’isbas et de yourtes, il se sera élancé de Severobailkask (Bouriatie, Russie) d'où il ira, en compagnie de l’himalayiste luzien, Patrick Artola (lire Ibilka n° 2) pour la première partie du voyage et avec un vieux complice, l’Itsasutar Paxkal Elgart, à pied, à cheval, « Tous les moyens seront bons sauf les engins à moteur », jusqu’aux monts Stanovoï en Sibérie orientale avant de longer le lac Baïkal. Depuis les sources de la Kirenga, ils entreprendront alors de descendre la Léna en kayak sur 1 500 km ! Soit, sans GR, ni sentiers, seulement un téléphone satellitaire pour se relier à aujourd’hui, une errance de 4 000 km. De la borde à la yourte ? Une transhumance millénaire.

Vous ne dormirez sans doute jamais là où Xiril déroule son sac de couchage

Mots-clés/Hitz gakoak

Voyage : bidaia Compagnon de route : bidaide Horizon : zeruertz Racine : sustrai


GasTEIz EN FêTE

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FÊtes de GasteIz, ai Zeledon !

GASTEIZKO BESTAK, AI ZELEDON ! ezezagunak, iniziatuei erreserbatuak izateagatik, Gasteizko bestek, abuztuaren 4-tik 9-ra, karriketan gaindi, blusak eta neskak biltzen dituzte.


GasTEIz EN FêTE

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t e x t e txomin laxalt / p h o t o g r a p h i e s santiago Yaniz

communauté, elle étire boulevards, clone de nouveaux quartiers et abrite quelque 240 000 âmes. Gasteiz a deux patrons ou plutôt une sainte patronne et une figure allégorique que l’on vénère tout autant. La première pour la foi bien chevillée et que l’on appelle familièrement La Blanca pour la Virgen Blanca (la vierge blanche) ou andre mari zuria et zeledon, le baserritar (paysan) pour la parranda (bringue). on célèbre traditionnellement les deux en même temps, du 4 au 9 août sans que l’un ne fasse de l’ombre à l’autre en une heureuse forme de syncrétisme qui donne tout son sel à une fête des plus débridées. Pour être réservées, sinon à l’initié, à celui qui bénéficie d’une forme de parrainage au sein d’une koadrila de blusak, les fêtes de Gasteiz ne se livrent pas au premier venu et pour cette raison ne se situent pas sur l’écliptique festif du touriste en goguette et c’est bonheur. c’est le 4 août 1957 que, pour la première fois, zeledon ouvrait les fêtes de Gasteiz, lesquelles existent depuis 1878. zeledon, ce n’est pas seulement ce mannequin grandeur

Zeledon depuis la tour de san miguel, zeledon s'elance sur son fil jusqu'à la place andre mari zuria, pour le lancement des festivités du 4 au 9 août.

Deux patrons avec sa sainte patronne, la Virgen blanca et la figure allégorique de zeledon, Gasteiz s'abandonne à une heureuse forme de syncrétisme.

nature qui, baluchon sur l’épaule, blusa couleur de ciel et abrité sous son parapluie, descendant le long de son fil depuis la tour de san miguel jusqu’à la place de andre mari zuria est censé allumer les feux des festivités. La foule qui se presse s’identifie totalement au personnage mais est-ce un hasard ? sitôt que le mannequin achève sa course et disparaît derrière un rideau, comme par magie le même zeledon apparaît

>>

v

itoria. À sa désignation castillane nous préférerons Gasteiz ou, pour ne déplaire à personne, vitoria/Gasteiz. La terminologie euskarienne, dérivée de l’adjectif gazte (jeune) est d’ailleurs attestée par la chronique qui affirme : « Quæ ante uocabatur Gasteiz » (déjà avant, on l’appelait Gasteiz). quoi qu’il en soit, la plus jeune des capitales, sinon d’alaba, du moins de la communauté autonome d’euskadi, porte bien ses mille ans. Le fait de revendiquer fièrement ces deux titres, ne l’empêche pas d’entretenir des façons de campagne, que souligne le bronze fêlé de quelques carillons dégouttant les heures. encore atlantique et déjà méditerranéenne, vitoria/Gasteiz, la très méconnue, s’identifie au sol qui l’a vue naître en une forme de mimétisme qui la repeint aux chaudes couleurs de blé mûr de la plaine alavaise. Les plus anciens se souviennent de Gasteiz des années soixante-dix, une grosse ville assoupie de quelque 100 000 habitants et dont les avenues qui donnaient directement sur la campagne, accueillaient encore charrettes et les fragrances des labours. depuis le 20 mars 1980, devenue capitale administrative de la

Réservées surtout à l'initié, les fêtes de Gasteiz ne se livrent pas au premier venu.


gasteiz en fête

Initiés Ici, on est parrainé pour entrer dans la fête. On se connaît, on s'apprécie, ce qui renforce encore davantage le caractère intime et personnel des fêtes de la Virgen Blanca.

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Acteurs et spectateurs Bien sûr, il y a les comptoirs où coulent à flot les célèbres vins navarrais, mais aussi une multitude d'activités qui font des tous les acteurs des fêtes…

en chair et en os, toujours baluchon sur l’épaule, blusa couleur de ciel, et abrité sous son parapluie. Blusa parmi les blusak, il se mêle alors dans une joyeuse cohue aux Gasteiztarrak — nommés à l’occasion babazorroak (sacs à haricots ), tout un programme — pour, en ouvrant avec eux la bonde, laisser effuser, cinq jours durant, de jubilants débordements. Zeledon est des leurs parce qu’il naquit de la volonté de neuf blusa, eux-mêmes inspirés par un personnage authentique, un certain Celedonio Alzola, maçon de son état, né à la fin du XVIIIe siècle à Zalduendo de Àlava et qui vécut dans la rue Zapatería de 1796 à 1866. Connu pour sa propension à fréquenter les tavernes, à inviter généreusement ceux qu’il croisait à le suivre durant la célébration de la Blanca, il fut le personnage tout désigné pour être l’ambassadeur des blusak et neskak qui n’en finissent pas de sillonner les rues de la capitale entre le 4 et le 9 août en de réjouissants cortèges. D’autres, d’un caractère >> plus rassis, affirment que Zeledon n’est autre que la mémoration de Celedonio Iturralde Armentia né à Bitoriano (Alaba) en 1810, compagnon de

Aucune sono ne vient polluer les échos naturels de la fête. À Gasteiz, les txistus sont rois.

combat, durant la première guerre carliste (1833-1840), de Pedro Fernandez de Retana Ruiz de Azua, organiste de la ville de Gasteiz, lequel créa en son honneur, à l’occasion des premières fêtes, le passe rue demeuré célèbre : Celedón. Pour étayer cette dernière thèse ses vétilleux défenseurs rappellent volontiers que Celedonio Iturralde Armentia vécut à Andagoia (Alaba) où il fit construire la maison de la fameuse chanson qui court de la Cuchi (rue Cuchillería) à la Zapa (rue Zapatería) et de bar en bar durant les cinq jours : « Ay Celedón, ha hecho una casa nueva, ay Celedón, con puerta y balcón… » Toujours est-il que depuis 1957, quatre Zeledon se sont succédé dont l’emblématique José Lui Isasi Montalbán, premier de la dynastie, lequel ouvrit les fêtes de 1957 à 1975 et de 1977 à 1979. Enrique Orise Galindo le remplaça pour raison majeure en 1976 puis ce fut le tour de Iñaki Landa de 1980 à 2000 et en 2007. Depuis, la lourde charge — Zeledon se doit d’être présent de jour comme de nuit dans le plus d’animations possibles — incombe à Gorka Ortiz de Urbiña. Tous s’accordent à dire, respect oblige, qu’il ne conviendrait pas d’occuper le rôle plus de 21 ans, nombre d’années durant lequel José Luis Isasi incarna Zeledon premier du nom, un laps de temps suffisant pour pas-


GasTEIz EN FêTE

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ser dans la mémoire collective. Finalement les fêtes de Gasteiz sont une aubaine pour découvrir la ville et ses habitants, sachant que l’épicentre du maelström se situe au cœur même de l’almendra (amande) ainsi que les Gasteiztarrak se plaisent à désigner le centre ancien et dont la cosse, dit-on dissimule l’essentiel. en suivant les errances d’une koadrila, menée par quelques txistus — ici cet instrument est roi et aucune sono, ni dans les rues ni dans les tavernes, ne vient polluer les échos naturels de la fête — on aura loisir de déchiffrer la configuration du quartier qui épouse les escarpements de la butte sur laquelle il s’érige. instants idoines pour lire entre les encoignures et, au passage frissonner au brusque courant d’air qui sourd d’un sombre vestibule. À

partir du pédoncule de l’amande, autour de la place de la mairie ourlée d’arcades, toutes les rues font la part belle aux corporations d’un moyen Âge dont on suppose qu’il fut fastueux. La célèbre Cuchillería bien sûr mais aussi la Pintorería, la Herrería, la Zapatería, toutes tracent un léger mais parfait arc de cercle comme dans une volonté d’éviter l’axe de la rue santa maría, pour se rejoindre sur le pavé de la place de la Burullería. Les bistros et restaurants ne connaissent pas la crise et, au gré de ses affinités gourmandes, voire politiques, de l’anboto au Garraxi, on y cabotera le temps d’un beltz — foi de zeledon, les comptoirs offrent de ces vins dont seule la rioja alavesa a le secret — d’un casse-croûte aux allures de repas de noce, de trois chansons ou d’un concours improvisé

de banako, cette danse aussi brève que virile qui demande jarrets et reins d’acier, une périlleuse gageure aux heures avancées… depuis 2005, José Luis isasi, pardon, zeledon, baluchon au pied, s’appuyant d’une main sur son parapluie, de l’autre sur la rambarde du parvis de san miguel, dans une immobilité de bronze, veille à l’entrée de l’amande, il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’il vous invite à le suivre.

Mots-clés/Hitz gakoak Bande d’amis : koadrila ample chemise de paysan : blusa Bringue : parranda Fêtard : parrandazale, bestazale


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t e x t e txomin laxalt / p h o t o g r a p h i e s santiago Yaniz aramendia

nahiz eta bere altuera apala izan, Jaizkibel mendikatea altxor ekologikoa da eta ibiltariari, eskaintzen dizkio oroitzapen ahantzezinak.

Le JaIzKIBeL n

ous marchions depuis plus de trois heures et Pasai donibane (Pasajes san Juan) se trouvait déjà à quelque six criques et autant de ravins derrière nous. Le soleil était presque à son zénith et la salubre fringale de la méridienne nous avait mis l’estomac dans les brodequins. c’est au lieu-dit Grankanto, quand le sentier le plus acrobatique du Jaizkibel s’avise de s’abaisser jusqu’au rivage, que nous avions décidé de nous atteler à un hamarretakoa (casse-croûte) qui ici aurait des allures d’agapes somptueuses. qu’on imagine une anse d’île au trésor accessible par une dalle à 45° perchée six mètres au-dessus du rigodon atlantique. et sur la grève, sortie d’un roman patagonien de Francisco coloane, s’abandonnait une txabola (cabane) bancale, ancien abri de ramasseurs d’algues, faite d’espars délavés par les embruns, rongés par le sel et liés par du cordage et du vieux clou, avec terrasse déhanchée et lattes disjointes.

matrice océanique du Gr11

une inestimable déglingue tournée vers la grande baille d’où, brisant soudainement la bonasse de sa surface scintillante, jaillissaient les disques argentés d’immenses poissons-lunes. Le jeune couple qui y flemmardait, devinant notre hésitation, après un chaleureux « Kaixo ! » (salut !) nous convia à marquer la pause car ici, entre Pasaia et hondarribia, la loi est tacite et s’apparente à une fortune de mer : la cabane n’appartient à personne ou plutôt à tout robinson d’un jour ou d’un bivouac. Bastion familier, il barre notre horizon le plus occidental d’où, généralement, nous viennent les courroux atmosphériques. Pour cette raison, à l’occasion, il prête mainforte à nos conjectures météorologiques. Le Jaizkibel, modeste massif montagneux dont

la genèse provient de l’atlantique, à l’image du Gr 11 qui commence ici sa course pyrénéenne (ou l’achève si on préfère marcher le soleil dans le dos), n’est pourtant pas une montagne convenue. cette courte ellipse orographique qui, de hondarribia à Pasai donibane étire, ses quinze kilomètres sans jamais dépasser, ou à peine, la côte d’altitude des 500 m, est fascinante pour plus d’une raison. elle possède un envers et un endroit ou, comme la lune, sa face cachée accessible seulement à qui se risque sur ses pentes. quand un versant plonge vers la frénésie industrielle, l’autre se perd vers les infinitudes marines et on peut imaginer que pour les habitants du Gipuzkoa, le Jaizkibel fut longtemps un de ces termes atlantiques, un authentique finisterrae. son nom, Jaizkibel, une contraction de haizkibel ou haitz gibel et que l’on pourrait traduire par le rocher en arrière-plan, évoque bien cette situation d’ultime maillon du chaînon cantabrique s’appuyant à la mer. Jesús maria alquezar, membre de l’inestimable club de montagne de donostia, Vasco de camping, et à qui l’on doit d’avoir réveillé sa mémoire, écrivait à

Tel Janus quand un versant plonge vers la frénésie industrielle, l'autre se perd vers les infinitudes marines…

propos de ce lieu exceptionnel : « La rive maritime enferme et conserve jalousement un territoire naturel d’une beauté inouïe qui stupéfie celui qui s’y aventure. » et c’est bien sur ce versant-là que nous vous invitons à nous suivre pour une authentique aventure atlantico-montagnarde où, à l’histoire, se mêlent géologie, ornithologie, botanique, dans une incomparable déflagration de lumière, de couleurs et de son. il y a plusieurs façons d’aborder ce temple naturel, le plus simple restant la route que l’on emprunte depuis hondarribia. dans un époustouflant panorama, elle permet d’embrasser la baie de txingudi qui de flux en reflux, de flot en jusant, célèbre les perpétuelles noces de la vase et des vives-eaux,

Jaizkibel, bitxigileren lantegian bisita

DanS L’aTeLIer D’OrFÈVre


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nature


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La HOULe aTLanTIQUe VIenT CareSSer OU BaTTre Un rIVaGe HÉrISSÉ De CaPS eT PÉnInSULeS une partie de son exil. un bras de mer sépare Pasai donibane de Pasai san Pedro, la sœur ennemie quand il s’agit de tirer sur la rame. Le ton… et le rythme sont vite donnés ; une fois passé le promenoir qui conduit à l’extrémité du goulet de Pasaia, le sentier se relève pour vite accéder sur le chemin de ronde de cette citadelle. Le panorama est décoiffant qui déroule la côte cantabrique loin vers la Biscaye et vers le nord jusque vers les plages landaises mais avant, un incalculable alignement de criques, de falaises, de promontoires, de sentiers suspendus dont on se demande bien si on en verra la fin et, sous le vol erratique et criailleur des mouettes, la houle atlantique qui vient, selon les jours, caresser, battre, fesser ou satonner à déferlantes que veux-tu la guipure d’un rivage hérissé de pointes, caps et péninsules.

un fjord du meilleur effet

Joyau naturaliste membre du réseau européen natura 2000, le Jaizkibel est classé comme zsc (zones spéciales de conservation), un classement censé assurer la protection de la biodiversité, terrestre et marine ainsi que de la géodiversité.

dessinant d’incertaines démarcations entre hendaye la blanche, hondarribia la fortifiée et irun la ténébreuse. La route seule permettra la visite du sanctuaire de Guadalupeko ama Birjina (notre dame de Guadalupe), l’une des sept vierges noires du Gipuzkoa dont la représentation date du Xve siècle. et puis il y a l’autre manière, à pied, la voie royale, une randonnée qui s’apparente à une course de haute montagne. rude, brise guiboles pour qui veut se l’enquiller dans la journée mais modulable à souhait grâce à la morphologie même du Jaizkibel. Le marcheur au petit pied y trouvera matière à satisfaire un dimanche de baguenaude comme le montagnard un vrai crapahut qui demande mollet d’airain, pied de chèvre pour un dénivelé à quatre chiffres. tout commence à l’ombre de l’étroite et unique rue de Pasai donibane. nous aurons tout loisir de nous arrêter aux splendides maisons de pierre brute de ce village de pêcheurs où, en 1843, victor hugo déclina

aux meilleurs jours, un brin menaçante, une dentelle d’écume le festonne, histoire de rappeler que l’atlantique, entre deux coups de gueule, halète encore. dans notre dos, le goulet de Pasaia s’est métamorphosé en un fjord du meilleur effet et à peine vers le large, les grands navires à la panne attendent l’autorisation d’entrée au port. nous funambulons sur cette corniche dressée 500 m entre ciel et mer ; ici c’en est fini du bourdonnement de la ville, seule la rumeur océane nous accompagne, pérenne et sourde. certains ne se sont pas trompés qui veillent sur ce joyau minéral et végétal mais le label européen natura 2000 qui lui est attaché, a bien failli ne pas décourager certains prédateurs qui avaient déjà anticipé sur un invraisemblable port artificiel de 1 320 000 m², agriffé comme anatife à ce qui est considéré aujourd’hui comme l’une des plus importants conservatoires européens de la biodiversité. La crise a eu raison d’un projet pharaonique estimé à 800 millions d’euros. Puffins, sternes et autres guillemots ont encore de belles migrations gipuzcoannes devant eux. Pareille à une sculpture exécutée par quelque artiste démiurge, la crénelure de cette citadelle aux teintes de sienne sculpte dans le flysch, de fragiles rosaces, y creuse fenêtres et fenestrons, alvéoles, arcs et voûtes qui s’ouvrent sur le grand large. Battue par la bruyère et la fougère, la crête de arando haundia suit son chemin, le cédant par moments à des pâturages où s’ébattent chevaux et betisoak au regard vétilleux. comme nous avons décidé de suivre au


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Partage La trace de l'homme est partout présente, de fermes abondonnées en caserne délitée, sans pour autant entraver la majestueuse beauté de la nature.

La FUrIa OCÉane COnTraInT À DeS COnTOUrneMenTS D'eFFOnDreMenTS rOCHeUX plus près la batture, la progression impose de dévaler vers des ravins herbeux au fond desquels coulent des ruisseaux pissoteux qui ont l’audace de se jeter dans le grand océan. au fond de ces talwegs, se tapit la précieuse drosera au joli nom certes – eguzki ihintza ou rosée du soleil en euskara – mais vénéneuse pour l’insecte imprudent qui, attiré par ses feuilles, se prend dans le mucilage, une substance visqueuse qu’elle sécrète permettant ainsi à cette rare et incomparable plante cannibale de compenser ses déficiences minérales. arando, Porrustari, turroia, erentzingo, autant d’accidents orographiques qui permettent d’accéder à des criques chaotiques où se nichent des cabanes raboutées mais providentielles, des plages rocheuses où s’ébattent des milliers de goélands. au long de cette grève délicieusement festonnée s’égrènent des gisements de précieux paramoudras qui, ici, criblent littéralement le littoral, une exception européenne. on doit leur découverte à michel molia, médecin bayonnais passionné de cet éden atlantique. Paramoudra, une dénomination qui évoquerait quelque fantasmagorie indienne mais qui renvoie plus prosaïquement à la géologie mâtinée de paléontologie. mot d’origine gaélique, paramoudra (peura, poire, muireach, mer) désigne des concrétions de grès dues à l’érosion, qui se sont formées à l’éocène, il y a quelque 70 millions d’années, autour de terriers de vers, ambiance et spectacle garantis ! après la traversée d’une longue dalle inclinée vers l’océan et dont les impressionnantes scarifications permettent une parfaite adhérence, la furia océane contraint à des contournements d’effondrements rocheux battus par la mer, tels celui d’akerregi, et qui ne sont pas loin de rappeler quelque chaussée de géants irlandaise. nous nous prêtons de bonne grâce à ces acrobaties qu’autorisent de judicieuses cordes fixes ou échelles de bois avant de remonter de

rudes pentes par des sentiers en corniche donnant l’impression au marcheur de partager les jubilants ébats divagateurs de Jonathan Livingston, le goéland de légende. un passage obligé pour qui veut pénétrer dans les ateliers de joaillerie qui portent les savoureux noms d’azabaratza et tximistakurralua. La nature et les millénaires ici ont joué du ciseau, du poinçon, du polissoir. chaque rocher est un reliquaire, les barres schisteuses aux tons rose cerise, rehaussées de galets ocre, crèvent l’écrin végétal et le disputent à des cheminées de fées guillochées comme des pièces d’orfèvrerie, creuses comme des cloches, où se dissimulent parfois quelques pottok.

L'appel du large

L’impressionnante descente vers l’anse d’erentzingo marque la fin de la robinsonnade mais pas du voyage. on y retrouve la trace du labeur de l’homme dans les enchevêtrements de câble rouillés, les pylônes effondrés, les poulies à jamais grippées qui permettaient le halage jusqu’à la route de la précieuse algue agar agar. d’un éprouvant labeur, il ne reste plus que les tours délitées des claies géantes utilisées pour le séchage de cet inépuisable fourrage sous-marin. encore des grottes, encore des cales, le sentier s’apaise alors qu’il touche à la pointe Biosnar, une étroite et tourmentée péninsule rocheuse contre laquelle s’épuise la houle. elle fut un talaia (vigie) d’où les baleiniers de hondarribia venaient surveiller le souffle des grands cétacés avant qu’ils ne leur donnent la chasse. il nous faut obliquer alors vers hondarribia en remontant vers des terres plus humanisées. Là, des baserri (fermes) désormais abandonnés, portent de bien étranges noms : Buenos aires, Londres comme si le seul fait d’être tournés vers le grand large avait inspiré aux etxeko jaunak (maîtres), des envies de partance qu’ils auraient exorcisées par ces appellations au goût d’ailleurs. ils rappellent que longtemps,

la vocation du lieu fut l’élevage. splendides, ils évoquent davantage la maison noble que la ferme, telles la maison Justiz, blasonnée, et dont on dit que le roi navarrais sancho abarka (935-994) la choisit comme résidence occasionnelle pour s’être amouraché d’une fille de la maison.

un lieu chargé d'histoire

Le Jaizkibel, vigie baleinière, certes, mais aussi lieu stratégique par excellence, il fut champ de manœuvre de l’armée espagnole de 1950 à 1990, année où le gouvernement d’euskadi la pria d’aller jouer à la guerre hors euskal herri. Paradoxalement quarante années de présence soldatesque permirent au Jaizkibel de demeurer un poumon vert sans plus de béton que les restes délités de l’ancienne caserne. sur ce bref cordon montagneux, l’histoire, dans toute son intensité dramatique, reste bien présente. Les cinq dorretxo (petites tours), six à l’origine, qui festonnent la ligne de crête du Jaizkibel datent des années 1870. À une époque où toute frontière signifie ennemi potentiel, ils se révélèrent appropriés pour la surveillance du couloir hendaye Pasaia et pour les messages envoyés grâce au célèbre système de chappe. Fondus dans le paysage, noyés dans la végétation, les forts de alza, miracruz, et de Guadalupe, construits à l’époque des guerres carlistes (XiXe), ne firent que retarder en 1936, l’avancée inexorable des troupes franquistes vers donostia. quant aux forts de Lord John hay, surplombant la mer à 220 m d’altitude comme celui de san telmo (1598) au cap higer, ils possèdent davantage le charme épique du boulet rouge et des raids corsaires de nos lectures picaresques. Le pin le partageait désormais avec la fougère, le pâturage avec la lande à bruyère, la pente se faisait plus douce aussi comme les toits d’hondarribia apparaissaient. Le soleil amorçait sa bascule vers l’horizon ; il y avait dix heures que nous étions partis.

Mots-clés/Hitz gakoak : cabane : txabola houle : tirain écume : apar À pic : xuta


HIsTOIRE

paGE 16

José antonio de aguirre-ren borondatearen arabera, eresoinka abesbatza berria, 1937-tik 1939-ra arte, euskadi zaurituaren enbaxadore hoberena izanen da.

resoinka

le chant d’un pays blessé

eresoinKa, herri zauritu Baten Kantua

Avant le départ Grand moment : toute la troupe réunie pose avant le départ de la tournée historique.

Combat culturel choristes, danseurs, tous unis par le même souci de faire partager la culture d'un peuple qui souffre.

e

n route pour son exil, J. a de aguirre, lehendakari (président) du premier gouvernement basque, gardait en tête cette conversation tenue quelques jours avant la chute de Bilbao (septembre 1937), avec un musicien basque : « Il est possible que nous ne puissions sortir d’ici. Il ne faut pas en conclure que la lutte ne pourra pas aussi continuer sur le plan artistique… Pourquoi ne pas porter de par le monde, au travers de nos plus belles mélodies, le souvenir d’un peuple mourant pour la liberté ? » dans la filiation naturelle de iparaguirre (1820-1881) — il avait composé le « Gernikako arbola » — allégorie éloquente, la feuille de chêne aux deux glands greffés, devient le symbole d’eresoinka, le groupe musical naissant, le meilleur ambassadeur d’un pays blessé qui soit, un souvenir de Gernika rasée en avril de cette même année. un rejeton de l’arbre sacré allait planter ses racines à sara (sare) qui entretenait des relations historiques avec hegoalde. hôtels et maisons particulières sont mis à la disposition des premiers arrivants. Le village ne tarde pas à retentir des échos de vocalises et des accords du txistu, un instrument méconnu en iparralde. dans son ouvrage, Eresoinka, de Sara à Paris (ed. iru errege), Philippe régnier rappelle la phrase d’anton Bastida, txistulari du groupe : « Depuis ces années le nom de Sara est respecté et demeure le symbole de l’accueil des frères d’Iparralde, pour tous les Basques d’Euskadi ».


histoire

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t e x t e Txomin Laxalt

Gabriel Olaizola, le chargé de mission, œuvre merveilleusement depuis Paris où l’aident, dans sa lourde tache, Txomin Olano, ancien pianiste d’Eusko Abesbatza et José Etxabe, avocat et ancien directeur du chœur de Zumaia. Ils arrivent de partout… La première chanteuse, Matilde Zabalbeascoa, la merveilleuse soprano soliste de l’Orfeón Donostiarra, lance bientôt ses trilles par-dessus les maisons du village, de même l’Irunarra Pepita Embil, future mère de Placido Domingo.

Paris comme objectif Aux premiers jours de septembre, Miren Abrisqueta et Margarita Uzelai arrivent de Capbreton, premiers éléments féminins du groupe de danse. De la Roseraie de Bidart devenue, grâce à son maire attaché à la République espagnole, centre d’accueil des réfugiés, débarquent Karmele Urresti, contralto, Trini Ibargüen, bientôt première danseuse. Gil Iturrioz, l’ancienne basse de l’Orfeón Donostiarra, rejoint Sara avec les meilleurs txistulariak dont Jésus Elosegui, archéologue et ethnologue à qui on devra plus tard, la création de la Société des Sciences Aranzadi. Parmi eux, deuxième ténor, un certain Mariano Eusebio Gonzalez Garcia, mieux connu plus tard sous le nom de Luis Mariano. Pour les 67 choristes, la plupart professionnels, le premier objectif est Paris. Paris, 20 décembre 1937, la salle Pleyel affiche complet. Il se fait silence alors que José Antonio de Aguirre, traverse la salle de concert accompagné des membres de son gouvernement. Derrière, les représentants des corps diplomatiques d’Argentine, du Chili et les représentants de la Generalitat de Catalunya. Le danseur Serge Lifar, présent dans la salle, s’était déclaré prêt Ténor Encore inconnu, à présenter ceux qu’ils considérait comme le jeune Mariano des danseurs exceptionnels. Présent aussi Eusebio Gonzalez le monde de la littérature en la personne Garcia, futur Luis de Jacques Maritain lequel avait, aux côtés Mariano. de quelques intellectuels dont Mauriac et Bernanos, pris fait et cause pour le peuple basque. Gabriel de Olaizola entre le premier en scène et ne salue le public et le lehendakari qu’une fois les choristes sur la scène. Au signal de son chef de pupitre, Eresoinka, d’un seul souffle, d’un seul cœur, lance à quatre voix, par-delà la salle, les cintres et les combles, un poignant Agur jaunak. Le cœur des Basques présents chavira et battit encore plus fort en deuxième partie, à l’entrée du corps de danse sur Ikurriñari, le salut au drapeau, suivi du Makil dantza et de l’impressionnant Txankarrenko. Pour nombre d’entre eux, ce fut sans doute comme fouler le sol de la mère patrie quand, pour une série de tableaux évoquant une partie de pelote ou la fête au village, apparurent les décors, signés des peintres José Maria Uzelai et Antonio Guezala. Le public parisien, imitant en cela la délégation d’Euskadi, applaudit à tout rompre, répondant ainsi au vibrant Gernikako arbola final. José Antonio de Aguirre salua alors des deux mains serrées la troupe au complet. Le succès obtenu par Eresoinka lors de son concert salle Pleyel, suscite l’intérêt de nombreux organisateurs de spectacles qui proposent des tournées européennes. En février 1938, la Belgique accueille la troupe pour

Un engagement patriotique d'artistes et d'intellectuels, pour que ne meure pas l'âme du Pays basque une dizaine de représentations. La Hollande accueille à son tour le groupe. Le 4 mars, au Stadsschouwburg d’Amsterdam, Eresoinka reçoit une ovation. En juin 1938, le groupe traverse la Manche pour une douzaine de représentations à Londres. Le Havre, 27 juillet 1939, le paquebot Flandres s’éloigne lentement du quai tendant sa proue vers le lointain Venezuela. L’Europe se sait déjà condamnée à la guerre. Pour les membres d’Eresoinka, c’est le début d’un long exil. Le mot de la fin il faut le laisser à Philippe Régnier : « Eresoinka, c’est aussi la rencontre d’artistes et d’intellectuels… qui se retrouvèrent riches de leurs expériences passées, pour se mettre à la disposition de la plus belle idée artistique et du plus bel engagement patriotique pour que ne meure pas l’âme du Pays basque. »

Mots-clés/Hitz gakoak : Chœur : abesbatza Danse du coffre : txankarrenko Exil : erbeste Accueil : harrera


table

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e Céderic Pasquini

La Grange

Errobiko hegietan, La Grange jatetxeak eskaintzen du sukaldaritza tradizionala bat baina findu baino finduagoa. Eta gainera, Jacques Diharce-ren harrera ona.

Faire plaisir aux gens La Grange Jendeari plazera eman en première voisine et en prime, la plus basque des rivières ! » La raviole de foie poché et homard sur jus mousseux aux crustacés annonçait le riche parcours de Jacques Diharce. « J’ai toujours eu envie de faire ce métier et j’avais comme référence amatxi, elle tenait la benta Punperia à Dantxarinea et à l’occasion mijotait des plats pour les clients. » Punperia, vous vous souvenez ? Après la frontière de suite à droite, avec le long comptoir de bois…

Ses armes chez les plus grands

L

’adresse ? Bayonne rive droite. À partir du Musée basque comptez neuf arcades. C’est là. Le maître de céans ? Jakes Diharce, mais pour mieux le situer, songez Dantxarinea et La Pitxuri d’aita qui va avec, un endroit que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître mais dont, fatalement, ils ont entendu causer. Bref, un pur produit d’Euskal herri, à l’image des produits qu’offre sa table. Les losanges colorés du vitrage laissent à peine entrevoir les flèches rassurantes de la cathédrale d’un côté et les colombages des maisons déhanchées de la rue de Coursic de l’autre. Nous en étions aux rillettes de langoustine et maigre avec salade romaine et mayonnaise de Xérès en guise d’amuse-bouche pour évoquer le lieu, car avec Jakes Diharce c’est buruz buru (en tête à tête) qu’on parle de la maison si ce n’est du pays, un affrontement rude pour qui veut… le mettre à table. Pour ceux qui n’auront pas le temps de se détourner de leur assiette, la fresque peinte sur le mur reflète l’esprit du lieu : >> une grange bien sûr et les outils que l’on y trouve généralement entre Soule et Labourd, les produits qui scandent les saisons : le jambon au plafond, les colliers d’aulx, les korda de piments et la pendule pour faire croire qu’on est pressé. « Un environnement superbe avec

Il faut que ça émoustille les papilles !

Ses universités, Jacques les a commencées à l’École hôtelière de Biarritz puis trois ans chez Iturria à Ainhoa, étape chez Cousseau à Magescq, quatre ans à Paris, « Le passage obligé, un moment essentiel de ma vie, mais je savais que de toute façon je reviendrai. » Une étape au Royal Monceau sous les ordres de Gabi Biscay, meilleur ouvrier de France, une attelée chez Michel Rostang, enfin au Crillon, Place de la Concorde, de quoi affûter ses couteaux. Il fallait bien un Baron de Brane 2007, pour parler philosophie. Un exercice facile en abordant la première sophistique : noix de saint jacques rôties au lard sur purée de potimarron au beurre noisette, blotties contre des spaghettis de courgettes et cheveux d’ange, carottes jaunes et émulsion de jus au coquillage, magistrale démonstration ! L’œil aussi averti que gourmand ne pouvait manquer de noter la poudre de corail de homard passementant le succulent coulis. Le regard épieur du chef qui va de votre assiette à votre visage ne trompe pas : « J’aime faire plaisir aux gens, la cuisine, c’est accommoder des produits simples, des cuissons respectées, il faut que ça émoustille les papilles ». Pour moins de 30 e le client aura le choix entre trois entrées, trois plats et trois desserts. Quant aux vins, Jacques évoque les choix judicieux de son épouse, Laure, laquelle a officié onze ans chez Mouton-Rotschild. Et comme c’est pêché d’abandonner un La Grâce Dieu SaintÉmilion, largement entamé du reste, il avait opté pour un assortiment de fromages : ardi gasna, bien sûr et histoire de voyager dans les provinces : un Livarot et un Comté. Le dessert ? Ah ! Débat cornélien ! Nous vous laisserons donc choisir : raviole d’ananas coco, sorbet piña colada et gelée de fruits de la passion ou un tiramisu au speculoos. « Ce que je souhaite de tout cœur c’est que les gens reviennent ». On l’avait compris. Adiorik ez ! La Grange – 26 Quai Galuperie – Bayonne – Tel : 05 59 46 17 84

Mots-clés/Hitz gakoak : Homard : abakando Produits du terroir : eskualdeko ekoizpenak Entrée : hasierako Dessert : azkenburuko, deserta


culture

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Bilbao

à l'heure belge

Jumelées depuis de nombreuses années, Ixelles et Biarritz ont décidé de profiter de la fermeture temporaire, pour rénovation, du Museum Van Elsen pour offrir au public basque une partie de la collection permanente du musée de la ville belge.

Morisot, Picasso, Rodin ou Miró ,auxquels s'ajoute un fond exceptionnel d'affiches Belle Époque, notamment une série complète signée Toulouse-Lautrec. Ce sont quelques-uns de ces chefs-d'œuvre que l'exposition, L'art belge : entre rêves et réalités, accrochée au Casino Bellevue, propose, à travers un panorama original de la création d'outre-Quiévrain, de la fin du XIXe siècle jusqu'au milieu du XXe. Une centaine de tableaux permet de découvrir de nombreux artistes, certains très connus, Paul Delvaux ou René Magritte par exemple, d'autres un peu moins, tels Fernand

Créé il y a plus de 120 ans, le musée d'Ixelles possède un patrimoine centré autour de l'art belge, du XVIe siècle à nos jours, à travers des artistes tels que Vogels, Boulenger, Van Rysselberghe, de Smet ou encore quelques nonBelges parmi lesquels Berthe

Khnopff ou encore Pierre Alechinskiy et les membres du célèbre mouvement CoBrA qui rechercha des formes artistiques nouvelles et non contaminées par la culture dominante et les conventions. Concernant l'exposition présentée à Biarritz, Claire Leblanc, conservatrice du musée belge et commissaire de l'exposition explique : « L’Art belge est très ancré dans la réalité, dans les choses terriennes et a, en même temps, une capacité extraordinaire à aller au rêve. À la faveur de centvingt œuvres, nous verrons comment le rapport au réel et à l’imaginaire s’articule. » Jusqu'au 4 octobre.

agenda >>>

biarritz

Hommage à Braque

Rétrospective des étapes majeures de l'un des créateurs du cubisme. Musée Guggenheim 13 juin au 21 septembre

Saint-Jean-de-Luz

Côte basque : les années folles Hommage à la vie culturelle du Pays basque au début du XXe siècle. Jusqu'au 24 août

Lekeitio

San Antolin

Dans le cadre des fêtes traditionnelles de San Antolin, le 5 septembre sera réservé à la Journée des Oies (Antzar eguna), une tradition vieille des plus de 300 ans. 5 septembre

donostia

Bandera de la Concha

Les courses de trainières de la Concha furent organisées pour la première fois en 1879. Depuis, elles attirent chaque année, plusieurs milliers de spectateurs. 7 et 14 septembre

legazpi

Artzain Eguna Santiago Yaniz y Alberto Muro. SUA Édition 29,50 € sua@sua-ediciones.

Quand les murs parlent

Txato, agur eta ohore

Sorti à l'occasion du 25e anniversaire des Éditions SUA, l'ouvrage rend hommage à la beauté du Pays basque, sublimée par la qualité des photos signées par Santiago Yaniz Aramendia, que vous avez l'habitude de retrouver dans votre magazine Ibilka. 50 maravillas naturales de Eukal Herria.

Aitor Renteria Txato était plus qu’un journaliste dont les lucides chroniques ont scandé dix années du quotidien Berria. Victime de son cœur qu’il avait grand, ce grand euskaltzale, auteur à l’occasion, bertsolari, musicien et, pour beaucoup d’euskaldun berri, un professeur unanimement apprécié, s’est éteint à 51 ans. Hurbilekoei eta Berria-ri, gure dolumin bizienak.

Xalbador

M

8

IPARLUMA

MIXEL ITZAINA 1. IZOTZETIK IZANERA

XABIER SOUBELET “XUBILTZ”

2. REQUIEM

XIPRI ARBELBIDE

ixel Itzaina-k aitortzen du : « Lehen aldian entzun nuenetik eta betikotz isildu zen arte, Xalbadoren bertsoak beti edo gehienetan, lilura batean sartu nau. » Liburu horretan, oso titulu sinplekoa, idazleak analizatzen du Xalbadorentzat, 1976-an hil zena, halako miresmena bat. Urepeleko artzain bertsolari buruz, baita poeta paperean izan zenari buruz ere, gehiago jakitea gutizia irakurlearen baitan piztuko duen funtsezko liburu batek. 3. LUZAIDEN GAINDI 2 ANGEL AINTZIBURU

4. SORGINAK

LEHEN ETA ORAIN AFRIKAN ETA HEMEN

XIPRI ARBELBIDE

5. AHULAREN INDARRA DANIEL LANDART

6. GERTALDI LATZEAN, GERTURA LAZTAN

JEAN SAUVAIRE. JOXET LAHETJUZAN

7. JAUN MARTIN

“OTALAZT”, PEIO JORAJURIA

8. BELE XURIAK

JANBATTITT DIRASSAR

7. ENBATAREN ZIRIMOLAN DANIEL LANDART

8. XALBADOR

MIXEL ITZAINA

Xalbador

Lehen aldian kantatzen entzun nuenetik eta betikotz isildu zen arte, Xalbadorren bertsoak, beti edo gehienetan, lilura batean sartu nau.

Liburu hontan entseatu naiz lilura horren zergatia nondik zetorren edo datorren aztertzera. Bi Xalbador badira, bat-bateko bertsolaria lehena, bertso idatzietakoa bertzea. Bat-bateko bertso horietarik asko ezagunak dira. Badira horietan Amuritzak «Bat-bateko mirakuluak» deitu dituenak. Irakurleak horietarik zenbait aurkituko ditu liburu hontan.

Bainan bertso idatzietan ere maixu agertu da Xalba-­‐ dor. Odolaren Mintzoa liburua hor dugu lekuko. «Gosta gabe deusik ez» kapituluan, liburu hortako eskuizkri-­‐ buak eskutan izanez, erakusten dut nola gure Urepel-­‐ darrak bertsoaren lehen bertsio hura hobetzen zuen, mail gorenean ematen. Hona adibide bat «Amentse-­‐ tan» titulutzat daukan kantutik hartua. Lehenik ema-­‐ na zuen: «Bainan ene bi maitalariak, ene garrasien ga-­‐ tik, beren bihotzen berri emaiten ari ziren ahapetik…»; bigarren bertsioan eman du «beren bihotzen besta goresten ari ziren ahapetik!» Datu bat baizik ez zena (berri emaitea), bihotzen besta goresgarria bilakatu da. Hor ikusten da nolakoa den Xalbadorren dohaina. Liburu honen helburu bakarra hau da: Xalbadorren hurbilagotik ezagutzeko gutizia piztea irakurlearen baitan.

IPARLUMA

9

Festival International de Cinéma 19 au 27 septembre

Donostia

Gastronomika-Euskadi

Le congrès « Gastronomika-Eukadi Basque Country » réunit certains des meilleurs cuisiniers du monde et consacre une journée au vin. 5 au 8 octobre au Kursal.

sarako bestak Comme une conclusion aux grands rendez-vous estivaux, les fêtes de Sare nous plongent pendant cinq jours dans dans l'intimité du village labourdin, comme pour se ressourcer entre nous.

1933ko azaroaren 19an Aldude Mentan sortua, Xalbadorrenetik hiruzpalau kilometroetan. Xalbador, arras gaztea zela oraino, ezagutu zuen. Lehen aldikotz oroit da ikusi zuela Aldudeko eliza eta Ballea ostatuaren arteko plaza hortan. Eliza eta ostatua, Urepeldarrarentzat biak etorri leku. Mixel bera ere bertso idazten saiatu da. Aljerian zelarik euskaraz idazten arizan da berak sortu Euskal Herria aldizkarian bai eta gero, Herria eta Gazte kazetetan. Bertsolaritzaren mundu horretan lan asko egin du Mixelek: Saio antolatzaile izan da, gai emaile eta epaile. Euskaltzaleen Biltzarraren lehendakari egon zen zortzi urtez, 1980. urtetik goiti Mixel Labéguerie zendu eta. Bestalde Euskaltzaindiko urgazle da. Hogeita hamar urtez lan egin du Kanboko herriko etxean, parte bat Mixel Labéguerie horko auzapez zelarik. Orai Itsasun bizi da bere andrearekin. Lau haurren aita da: hiru mutiko eta neska batena.

ISBN 978-84-9027-258-9

Xalbador – Mixel Itzaina – Elkar argitaletxea

Donostia

MIXEL ITZAINA

MIXEL ITZAINA t XALBADOR

Les merveilles du Pays basque

À partir de photographies, ce livre traite de l'iconographie contestataire en Corse, au Pays basque et en Irlande du Nord. L'auteur, universitaire et spécialiste de la violence politique, s'intéresse au nationalisme d'État. Ce livre est le fruit de l'exposition Murs Rebelles qui montrait comment les tags, graffs et fresques murales, ancrent la mémoire identitaire militante. Entre le street art et le combat politique, l'ouvrage met en évidence la permanence de la révolte contre la violence étatique. Murs rebelles. Iconographie nationaliste contestataire : Corse, Pays basque, Irlande du Nord. Xavier Crettiez, Pierre Piazza. Ed. Karthala. 22 €.

Ce Jour du Berger (Artzain eguna) est l'occasion de découvrir le travail du berger, de rencontrer des brebis Latxa, d'assister à un concours de tonte et à un autre de chien de berger et, bien sûr, de se restaurer à la foire aux fromages ou au concours de viande de mouton. 7 septembre

788490 272589

IPARLUMA

13 au 17 septembre


diaspora

t e x t e Txomin Laxalt

D

ans son Dictionnaire des idées reçues, au chapitre Basques, Gustave Flaubert proposait déjà, de manière aussi laconique qu’ironique, cette définition : « Le peuple qui court le mieux » , ce qui pourrait justement s’appliquer au thème qui nous intéresse aujourd’hui, le Basque possédant la réputation de courir la planète. Parmi les idées reçues il est de bon ton d’évoquer ce peuple de grands voyageurs, d’entrepreneurs établis aux quatre coins du monde et de s’attendrir à ces grands rassemblements basques aux USA, quand l’ikurriña côtoie la bannière étoilée, le béret rouge la casquette de base-ball et où notre zikiro a davantage des allures de barbecue géant venant clore tout événement heureux à l’ouest du Pecos. Au-delà de la diaspora, il est admis aujourd’hui, ainsi que le précise Oscar Alvarez Gila, spécialiste de la diaspora basque, que « Euskal herri est un pays trans dans tous les sens du terme. En plus d’avoir des implantations particulièrement actives dans divers pays d’Amérique et en Europe, la Terre mère est un monde séparé par une frontière et l’identité basque serait comme à cheval sur ce monde hispano-français. » La vénérable association Eusko Ikaskuntza – la société d’études basques œuvre depuis 1918 à la diffusion de la culture basque – souhaite à la fois s’affranchir des clichés, bousculer les lignes et retendre des liens avec les Basques de par le monde, d’autant plus que la deuxième génération des Basques d’ailleurs comme ceux qui choisissent aujourd’hui l’émigration, ont une tout autre vision de la présence basque à l’étranger. Du reste, le terme désuet de diaspora est petit à petit délaissé au profit de la plus dynamique désignation de « Communauté basque globale », laquelle suscite un nouvel intérêt. Le projet qu’entend développer Eusko Ikaskuntza a pour objectif de promouvoir des relations entre le Pays basque et sa communauté extérieure dans divers domaines de la vie sociale mais surtout des relations qui iraient dans les deux sens. L‘économie, le terroir, la langue, l’université, la jeunesse, le

Le terme désuet de diaspora est peu à peu remplacé par la désignation de Communauté basque globale

La diaspora,

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la nouvelle page à écrire

Diaspora, orrialde zuria idazteko

Eusko Ikaskuntza elkartea ekimen interresgari bat garatzen ari da : diasporarekin harremanak sendotu nahi lituzke, bi norabideetan, empreseen babesen bidez besteak beste.

sport, l’intergénérationnel, l’interfamilial, la généalogie, bref aucun des domaines censés mobiliser une communauté ne seront négligés. Ainsi que le précise Jean-Michel Larrasquet, président de la représentation d’Eusko Ikaskuntza en Iparralde : « aujourd’hui l’outil Internet est indispensable, les technologies actuelles rendent facile la base technologique nécessaire pour construire les réseaux et la connectivité nécessaire. » Eusko Ikaskuntza entend aussi créer l’événement physique par la mise en œuvre d’une intermédiation sur plusieurs types d’activités grâce à l’échange de représentants de la diaspora issus des entreprises, de >> l’université, de clusters. Pour concrétiser le projet il aura fallu établir des partenariats notamment avec des institutions et des acteurs économiques soucieux d’entretenir, voire d’établir, de nouveaux liens avec les différentes communautés basques. Maialen Zanponi est chargée de coordonner le projet ou plutôt d’en écrire les premières lignes. Anthropologue – elle-même diasporique pour reprendre un néologisme utilisé par Jean-Michel Larrasquet – Maialen a passé cinq années sur l’altiplano péruvien afin d’étudier une communauté indienne d’éleveurs de lamas. « Dans le projet d’Eusko Ikaskuntza

tout est à construire, aussi nous nous sommes axés d’abord sur certains territoires : en Amérique du Nord en Californie, Idaho, Nevada et Québec et en Amérique latine en Argentine et bientôt au Chili. Nous ne négligerons pas plus tard, l’Afrique et l’Asie. » Maialen évoque la présence aux USA d’ambassadeurs non négligeables de la cause, en la personne de l’artiste Zoé Bray et de l’anthropologue Sandra Ott, auteur de l’extraordinaire Le cercle des montagnes (1993), une incomparable étude sur le village souletin de Santa Grazi. Il faut également signaler le travail de la cinéaste Audrey Hoc qui s’attache à la réalisation de portraits significatifs de la diaspora basque de ce jeune XXIe siècle. La viabilité du projet passe par sa mutualisation et l’engagement d’acteurs économico culturels dont les entreprises, conscientes des enjeux et de l’intérêt d’une heureuse initiative prise pour la première fois en Iparralde.

Mots-clés/Hitz gakoak : Événement : gertakari Initiative : ekimen Développement : garapen Communauté : erkidego


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