ibilka
le magazine
numéro 1 - 2013 negu / hiver
Bayonne
Découvrir la ville en compagnie des mouettes, s'autoriser un regard disruptif, revisiter l'espace, bref, parcourir Bayonne depuis ses toits, une belle manière de traverser son histoire.
Tolosa
Si février est le mois des carnavals, au Pays basque comme ailleurs, celui de Tolosa, en Gipuzkoa, est unique. Plongée dans son intimité.
Donostia
Combien de générations se sont repues du bonheur simple offert par le parc d'attractions du Monte Igeldo ? Retour sur une histoire vieille de 100 ans.
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Makilaren itzulera
Makila, le retour du bâton
Euskaraz, munduko edozein lekutik etortzen den makil bat, beti makila izendatua izanen da. Nahiz eta gaur makila norbait ohoratzeko izan, noizean behin, gure artisau famatuek neurrian makilak egin ditzakete, erromesentzat adibidez eta gaur, ekai garaikideak erabiltzen dituzte. t e x t e Txomin Laxalt
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les uns parallèles, les autres se coupant sous des angles n euskara sa désignation même variés. Ils proclamaient avec éloquence un passé de banalise l’objet : makil, bâton, combats épiques. De sacrés coups ! L’os avait dû être makila, le bâton. Qu’il soit de entamé chaque fois. Mon regard ne pouvait plus s’en noisetier, de buis, de frêne, penndétacher, fasciné. Achaïta s’en aperçut : “Tu vois ça, me baz, bâton de marche breton, de dit-il, désignant un enfoncement de sa bosse pariétale bois exotique quand il vient du gauche, c’est à Lacarry… Il y a longtemps… Je devais pays zoulou, de chêne pour la avoir vingt-cinq ans… Ils étaient deux, mais j’ai tenu rédemption du pèlerin, d’olivier tête : je ne suis pas tombé. Et ça… Il avait enfoncé le pour, à l’injonction de Moïse, faire s’ouvrir les eaux médius dans une fosse terriblement profonde à cheval de la mer Rouge, de maréchal quand on l’a gagné sur l’occipital et le pariétal… C’est à Atherey. La nuit de haute lutte, ou de néflier ouvragé quand on l’ofétait noire et j’avais un peu bu. Je n’y voyais pas clair. fre, à celui qu’en Euskal herria on veut honorer, le Il y voyait, lui, et il ne m’a pas raté” ». Basque le nommera toujours makila, le bâton. Le Aujourd’hui le makila, pour reprendre la terminologie nôtre de makil, fait toujours grand effet quand, devant adoptée, n’est plus qu’objet d’apparat le visiteur, on en dévisse lentement le et ne résisterait pas au choc d’une de manche gainé de cuir de chevreau tressé Mots-clés/Hitz gakoak ces mêlées d’un XIXe siècle finissant, et qu’apparaît l’impressionnante pointe bâton : makil forgée et effilée comme un aiguillon et sur les chemins souvent chaotiques le bâton : makila dont on dit, du reste, qu’elle pouvait être du retour de marché. utilisée à cet effet. Le sympathique bâton Aujourd’hui, quelques fameuses familles néflier : mizpira d’hommage se mue alors en une redoud’artisans, Ainciart -Bergara à Larressore pèlerin : erromes table canne épée qui, généralement, finit ou Harispuru à Ibarolle, perpétuent l’art honorer : ohoratu suspendue au mur et, surtout, hors de de travailler le néflier, coupé il behera, à portée des enfants. Nos biraitona (arrièrela lune descendante. La marche, la rangrands-pères) ont disparu qui pouvaient témoigner, donnée, le pèlerinage, ayant repris force et vigueur, la et ne s’en privaient pas du reste en s’accordant le beau destinée du makila n’est plus le mur du salon mais la rôle, de mémorables pamphaka au makil, parties de vie nomade. D’ailleurs Xabaltz, le poète compositeur, pampe, traduirait-on aujourd’hui en français du Sudl’a compris lequel, en renonçant à ciseler le vers au Ouest, et il m’est souvenir de ce savoureux passage profit du kevlar, a joliment fait entrer le makila dans tiré du livre de Jean de Jaureguiberry Baxabürü (1952) : le XXIeᵉ siècle. Apprêté à la mesure du chemineau « Pour la première fois il m’apparaissait son crâne, dans d’aujourd’hui, le makila retaille la route. « Bidaide, toute la gloire de ses cicatrices. Sur l’ivoire de la voûte ibiliz bidea egiten da » (marcheur, c’est en marchant allumée par les rasades, des sillons s’accusaient, proqu’on trace le chemin), affirme la devise du mien qui, fonds, impressionnants. J’en comptais bien cinq à six par deux fois, m’a accompagné à Compostelle.
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Éditorial
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Un voyage dans le temps et dans l'espace
Société éditrice : BAMI Communication Rond-point de Maignon, Avenue du 8 mai 1945 BP 41 - 64183 Bayonne bami-communication@bami.fr Directeur de la publication : Jean-Paul Inchauspé Coordination : Jean-Paul Bobin Textes : Txomin Laxalt, Jean-Paul Bobin Direction artistique : Sandrine Lucas Fabrication : Patrick Delprat Iru Errege Le Forum 64100 Bayonne Photos : Cédric Pasquini ; 1, 2, 4-5, 10-15. Santiago Yaniz : p.6-9. Txomin Laxalt : p. 18. P.16-17, 19 : DR. Couverture : Michel Hacala « Le quai du Large »
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En ce début d’année nouvelle, j’ai le plaisir de vous adresser le premier exemplaire de votre magazine : Ibilka/Le magazine. Son but est uniquement de vous donner de l’information sélectionnée, de vous offrir des reportages uniques et originaux, et aussi de vous faire voyager dans le temps, par des sujets historiques passionnants, comme dans l’espace, en suivant les traces de la diaspora basque éparpillée mais toujours solidaire et fidèle à ses racines. Peut-être serez-vous surpris par une telle publication qui répond non pas à un besoin de communiquer mais plutôt à une envie de partager. En ces temps modernes ou l’information est immédiatement accessible, trop importante, trop envahissante, il m’est apparu utile et enthousiasmant de réunir des compétences affirmées et des plumes talentueuses pour tenter de vous permettre de vous évader de temps en temps. Ibilka, le nom de votre magazine, signifie « en cheminant ». ÒC’est là notre proposition : vous entraîner hors des sentiers battus en suscitant auprès de vous, un intérêt nouveau au gré des saisons.
Mais ce projet, ce pari que nous nous sommes lancé, s’inscrit également dans la durée, dans le temps voire même dans la succession des générations. Depuis près de 150 ans, la Maison Inchauspé œuvre en s’impliquant dans la vie économique et politique locale. La génération actuelle, aux commandes de l’établissement familial, ressent les mêmes convictions et motivations. Son ambition reste comparable : s’inscrire à son tour dans ce développement en laissant une empreinte qui s’appuie sur une histoire riche, sur une culture forte et sur des valeurs certaines, comme le pèlerin qui s’appuie sur son bâton, sur son makila, car il sait que la route est longue. Non gogoa, han zangoa, « vers où va ta pensée, vont tes pas », affirme joliment un proverbe basque. Bonne lecture, bonne promenade et bon voyage en notre compagnie.
Jean-Paul Inchauspé, Directeur de la publication
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PORTRAIT
Margolaria eta Euskotarra edo alderantziz, berdin da, Michel Hacalak artistaren funtzioaz, aldi berean lekuko eta bitarteko gisa, lekukotasuna ematen bultzatzen duen inspirazio bat bere sustraietan ateratzen du.
mais pas trop 24X33OKIMP13decOK.indd 4
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ncore un portrait sur le peintre marin ? », raille-t-il gentiment en nous recevant dans sa maison de Sare. On le rassure, on vient pour évoquer son travail, sa peinture, on l'interroge sur l'acte déclencheur, sur l'évolution de son œuvre, sur ses projets, ses ambitions… Alors Michel Hacala raconte. Son enfance autour du port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure, les odeurs mêlées, d’embruns, de poisson et de gaz oïl. « Mes racines, c'est la mer. J'ai grandi dans la nostalgie des années 50, celles de l'âge d'or du port de Saint-Jean-de-Luz. » Les marins, il les voyait depuis bâbord, du côté laborieux, celui des travailleurs. « Je regardais Saint-Jean depuis Ciboure. Historiquement les matelots étaient socotars ou cibouriens et les armateurs luziens ! » Une enfance au bord du grand large et un petit garçon qui largua très tôt les amarres de ses rêveries pour embarquer sur quelque gabarre de la mémoire, celle des aînés, tous « arrantzale », travailleurs de la mer… « J'étais le seul gosse du port, je n'ai vécu qu'avec des vieux qui
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PORTRAIT
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1962
Naissance à Saint-Jean-de-Luz
1984
Première exposition au cinéma Utopia à Bayonne à 22 ans
2011
Exposition de fresques et œuvres monumentales au Musée basque à Bayonne
2013
dates clés
Expédition sur le Saint-Laurent
Michel Hacala
Inozo baina ez sobera t e x t e Jean-Paul Bobin / p h o t o g r a p h i e s Cédric Pasquini
racontaient leurs histoires évoquaient leur nostalgie… » Celle d'un temps où les retours de pêche étaient synonymes de liesse, celle d'une époque où le métier de marin était respecté de tous. Lui le fils d'un Luzien et d'une fille d'Hondarribia, lui baptisé au sel de l'Océan, lui qui comme Ferré pourrait chanter « La marée je l'ai dans le cœur… », tourna le dos à ce monde halieutique, affirmant même « J'ai commencé la peinture en réaction à la pêche. » Et le succès n'a pas tardé. « Dès l'âge de 21 ans j'ai commencé à en vivre, j'ai toujours été assez gâté par la vie, les collectionneurs se sont rapidement intéressés à ce pêcheurpeintre. » Un an plus tard c'est la première exposition à Bayonne au cinéma Utopia. Il n'a que 22 ans, pas encore conscient d'être un artiste « ce sont les autres qui me renverront cette image plus tard », mais il sait que son voyage personnel sera intérieur. Un itinéraire bordé de convictions : « ce que j'ai toujours revendiqué dans l'art, c'est l'espoir, l'amour et la naïveté. » Il refuse de se définir comme « militant », confessant trop de respect pour ceux qui agissent sur le terrain. Pourtant, l'artiste reste au service des autres. Ainsi cette opération menée durant l'été avec l'association Itsas Ama qui soutient la pêche traditionnelle de Ciboure et Saint-Jean-deLuz, notamment par la vente directe et la restauration au restaurant Xoko Ona à Ascain. Il y a exposé ses œuvres pour inci>> ter le public à s'y rendre. C'est que l'artiste n'est jamais très éloigné de l'homme et de ses racines, basques et…berbères. « Ma palette change, c'est une évolution flagrante, tout cela est dans ma tête. » Et dans l'environnement aussi de sa maison Oxanda-Etxeberria, entièrement refaite de ses mains, etxe à l'extérieur, ryad à l'intérieur. « Le monde arabe fait partie de mon inspiration, sinon ce ne serait pas honnête envers ma femme marocaine et berbère, et envers mes enfants. Cette culture c'est aussi celle de ma mère. » Au fil de son travail Michel Hacala visite son roman familial. Ainsi au début de l'automne, est-il parti, accompagné d'une équipe du magazine Thalassa, sur les traces des pêcheurs basques de baleines dans les eaux du SaintLaurent au Québec : « Il y a toujours une dimension historique dans mon travail, une mission de conservation. » Michel s'imagine en passeur, « mon travail c'est de créer du lien. » Il projette ainsi d'offrir à Sare une txalaparta de
Je suis un naïf, mais réfléchi. Dans l'art il faut du travail, mais aussi beaucoup de naïveté
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place « elle sera faite avec les matériaux du village. » Depuis sa montagne labourdine l'artiste continue à témoigner, et son œuvre devient de plus en plus protéiforme : peinture, sculptures, mosaïque, vidéo, photo…, comme pour mieux épouser les contours d'un monde qu'il a parfois du mal à comprendre, et dans lequel il sait qu'il joue un rôle de témoin, « j'ai la chance de pouvoir présenter mon pays. » D'autres auraient dit représenter. Il est tout là Michel Hacala, tendre et réservé, et il s'étonne encore aujourd'hui de son succès. « Qu'on m'achète une œuvre, c'est un honneur, comme un miracle ! » Et quand se définit lui-même, il choisit l'oxymore, « Je suis un naïf, mais réfléchi. Dans l'art il faut du travail, mais aussi beaucoup de naïveté », pour ajouter aussitôt, « Le monde m'inquiète. »
Mots-clés/Hitz gakoak :
peintre : margolari mer : itsaso naïveté : tolesgabetasun pêche : arrantza baleine : balea
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Le carnaval
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de Tolosa Tolosako ihauteria, munduko ifrentzua
Izigarria, dionisakoa, Tolosako ihauteriak ez ditu euskal mitologiako pertsonaia tradizionalak erabiltzen. Beharbada oso hiritarra delakotz. Sei egunez eta bost gauez, Tolosa karrikako antzoki bat bihurtu da, bakoitza birmoldatuz aktore anonimo bat izateko. Dena neurrigabetasunean, errokerian.
Représentations Aucun moment de la vie sociale n’échappe à la caricature du carnaval qui fonctionne comme une thérapie collective, dans laquelle chacun puise une occasion de transcender les représentations conventionnelles.
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uand depuis le balcon de la mairie, le maire de Tolosa, revêtu de son frac impeccable, clame : « Gora ostegun gizena ! » (Vive le jeudi gras !), c’est manière de démission, comme ouvrir la bonde ou mieux encore, frapper les trois coups pour lever le rideau sur la scène d’un théâtre à ciel ouvert. Une représentation de six jours et cinq nuits pour une pièce de choix qu’on appelle Carnaval et qui, bien que reconduite chaque année, n’offre jamais le même livret. Un carnaval authentiquement citadin, impertinent, le plus déjanté de la péninsule, taillé à la mesure d’une
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ville inspirée et un peu rebelle, son histoire en fait foi. La dictature, on le sait, n’aime pas les masques, les siens lui suffisent et pourtant, malgré l’interdiction formelle de toute célébration carnavalesque, le franquisme ne parvint pas à empêcher le rituel qui, pour passer outre le veto, avait pris le nom de Fête du printemps. Même l’Église qui avait bien essayé, au début du XXe siècle, de le canaliser en interdisant d’ouvrir les bistros « avant d’allumer les lumières » et de les fermer à minuit, (les cidreries à 11 heures) en a perdu son latin. Énorme et dionysiaque, le carnaval de Tolosa n’emprunte en rien aux personnages mythiques du traditionnel Ihauteri (carnaval) basque, seul l’euskara, pratiqué ici au quotidien, vient rappeler que cette pantalonnade gigantesque se déroule en Euskal herria.
Le rythme des habaneras C’est sans doute l’esprit des konpartxak (groupes) qui insuffle le rythme de ce carnaval, tout autant que les fameuses habaneras, interprétées par les multiples
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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Santiago Yaniz
un envers du monde txarangas, ces musiques au style syncopé scandant jusqu’aux petites heures cette semaine un peu folle. Ne pas y chercher à tout prix quelque origine caraïbe, ce genre chaloupé typiquement tolosarra, n’a de cubain que le nom mais se révèle idéal pour les reprises en chœur dans les mille bistros de la ville. La parenthèse tolosarra possède un calendrier à la terminologie particulière. Elle débute osteguna gizena (jeudi gras), se poursuit avec ostiral mehea (vendredi maigre), zaldunita bezpera (samedi), son zaldunita (dimanche) et ses Astelenita et asteartita (petit lundi et petit mardi), pour s’achever par le traditionnel enterrement de la sardine. La ville suspend toute activité économique, ses 18 000 habitants, dans
leur ensemble étant passé de l’autre côté du miroir. Durant cette semaine de cinq jeudis, la seule de l’année où les montagnes se rencontrent, les fumées existent sans feu et les bateaux ont des jambes, l’imagination transforme la cité en un génial théâtre de rue, une ville de dessin animé où des avions tombés d’un ciel toujours bleu, sont encastrés dans des réverbères avec pilote (saucissonnant) à bord, des saunas finlandais fument au mitan des avenues, faisant luire des embonpoints satisfaits ou des ertzainak (policiers de la Communauté autonome basque) auxquels il ne manque pas un bouton d’uniforme, font souffler les conducteurs aux carrefours dans des ballons qui leur pètent au nez. On aura >>
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La musique chaloupée se révèle idéale pour les reprises en chœur dans les mille bistros de Tolosa !
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Quarante jours avant Pâques, le Jeudi Gras à midi, le coup d’envoi du Carnaval de Tolosa libère la liesse populaire.
Une seule limite : la fête Une règle unique à Tolosa, la créativité. Pour les masques, pour les déguisements, chacun laisse libre cours à son imagination sans aucune limite. Un moment privilégié pour se libérer du quotidien.
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vu des chirurgiens équipés de la panoplie complète, avec écrans de contrôle, s’il vous plaît, dans une gestuelle outrée mais accomplie, opérer dans des bistros, dans des flots d’hémoglobine. Il n’y a pas de place pour l’improvisation, chacun s’est pénétré de son rôle pour jouer un sketch peaufiné, on le devine, de longue date. L’irrévérence et la provocation jouant à fond, on aura vu encore certain pape à midi sonnant, dans l’impossibilité d’assurer l’angélus, pris dans une >> épouvantable quinte de toux tandis que la moitié du boulevard, sur deux rangs, dansait impeccablement sur une chorégraphie de John Travolta. La récurrence n’étant pas de mise, chaque jour les koadrilak changent de thème et donc de déguisement. Iñaki Goikoetchea, txantxoen maisua (le maître des masques), enfant de Tolosa, concepteur de profession, s’est fait une spécialité du carnaval. On lui soumet les idées assez tôt dans l’année et il s’efforce de donner forme aux idées
les plus folles. Chaque année, on attend sa fabulation laquelle, préparée dans une discrétion sépulcrale, se déroulera sur des lieux inattendus mais généralement élevés et plutôt officiels de la ville. La
semaine de la démesure En enfilant son txantxoa (masque), ici on ne l’appelle pas mozorroa, Tolosa entretient la tradition et le souvenir des anciens qui ne se font pas prier pour participer à cette authentique fête des Fous. Il y a quelques années, l’association Txinparta qui a fêté ses presque 80 ans d’existence, a remis à l’honneur le grand bal de salon, une habitude ancrée dans les années trente et surtout, maintient vive la coutume de sokamuturra, cette course de vaches tenues par une corde et qui remplit quotidiennement les arènes pour un spectacle bigarré et du plus haut comique. Ce temple de la drôlerie s’impose des
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événements clefs que pas un Tolosarra ne manquerait pour tous les Carême du monde, en particulier le spectacle offert le vendredi par ses habitants les plus turbulents. Qui oubliera la parodie des plus réalistes jouée à guichets fermés, sous les ors de la salle Leidor, du mariage du prince d’Espagne. Un budget de 6 000 euros aura été nécessaire. Le chargé de mission dut s’armer de ruse et de patience pour acheter à Madrid, sans éventer la destination finale, les uniformes, médailles et autres atours princiers nécessaires à l’entreprise, le carnaval de Tolosa et le Pays basque en général, n’étant pas en odeur de sainteté du côté du palais de la Zarzuela. La vénérable association de montagne Oargi, comme bien d’autres, accueille les ventres affamés. Camp de base après le défilé du matin et le flexueux circuit apéritif, les koadrilak viennent s’y sustenter et renforcer les maquillages pour la parade du soir, beaucoup plus ébou-
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riffée, on s’en doute. « Chaque jour on adopte un thème différent, un jour la politique, un autre jour la religion, un autre le sport. Le but c’est d’être acteur car être spectateur nuit à un carnaval », nous avait expliqué Joxe Manuel, gaitero et luthier de son état à l’endroit du décor. Au soir d’asteartita (mardi gras) sonnera le glas de l’enterrement de la sardine, une mystérieuse et vieille dénomination signifiant l’épilogue du carnaval. La ville portera le deuil, ira même de sa larme à l’instant funeste de la mise en… bière bien plus qu’en terre, on s’en doute, et comme il se doit en grande pompe, du minuscule clupéidé, sans se décider vraiment à faire figure de Carême. À Tolosa il y a longtemps que l’humour a su prendre le pas sur le gris industriel et autres matins sombres, les masques dénoncent à leur manière les fausses apparences.
Chaque jour le carnaval de Tolosa adopte un thème différent jusqu’à l’enterrement de la sardine qui sonne la fin de la fête.
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Mots-clés/Hitz gakoak : carnaval : ihauteri masque : mozorro carême : garizuma mardi gras : astearte ihautea folie : erotasuna
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Ville
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Les faĂŽtes
DE Bayonne
Hiriari begiratzeko manera batzuk badira, teilatuz teilatu adibidez. Nahiz eta modu hori edozein pertsonak ezin erabili, kontatuko dizuegu nola Baionako teilatuetan zehar ibili garen berdeskubritzeko bere geografia, bere historia.
t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s CĂŠdric Pasquini
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ou comment changer la perception
Baionako teilatuak que l'on a d'une ville lorsqu'on la regarde différemment
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l n’est pas tout à fait minuit sur les toits de Bayonne. La flamme du camping gaz tressaille sous les sollicitations d’un vent de sud comme seul sait en offrir le Pays basque au mitan d’octobre. Le café avant l’enfouissement dans le duvet posé sur un couvre-joint zingué suspendu du côté de la Monnaie, a le goût indéfinissable du bivouac d’un bout de monde. À presque la toucher, emmaillotée de lumière cuivrée, ses flèches fichées dans le ciel où cliquettent les étoiles, la cathédrale Sainte-Marie, nef de pierre, axe de la cité, est ancrée dans la
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nuit. Pareille à des essaims d’étoiles filantes, des fulgurances de mouettes. Ce sont les dernières images que nous emportons dans le sommeil. L’écrivain Julien Gracq parlait volontiers de la forme des villes laquelle, précisait-il, « changeait plus vite que le cœur d’un mortel », et Bayonne en est l’illustration évidente. Ses métamorphoses, étroitement liées à son histoire, la rendent particulièrement attachante, lui conférant cet inestimable esprit des lieux que ne possèdent pas toutes les villes. C’est en user son pavé qui autorise, certes, toutes les découvertes, les surprises, à goûter à sa charge affective mais souvent le lot du piéton c’est de ne pouvoir regarder qu’à fleur du pavé, au mieux, à fleur de façade ou de vitrine. Partant du principe que, pour qui n’est pas au fait de l’urbanisme, c’est le plan de la ville plutôt que l’aspect de ses maisons qui renvoie plus aisément à son passé, à son évolution, il semble logique que, mieux qu’en déployer sa projection graphique, évoluer sur ses toits se révèle une bonne lecture. C’est à son troupeau de vieux toits qu’appartient quelque part la poétique de la ville et sa carte n’est que rarement sujette à une mise à jour. Au-delà de sa symbolique : emblème de la protection, du foyer, ligne de démarcation entre terre et ciel, la toiture reste le périmètre préservé de la ville, un lieu réservé, ouvert à l’espace et entrouvert à l’intimité. N’y sont censés évoluer que les pigeons, des chats circonspects, une poignée d’artisans
funambules et fantomatiques autant qu’invétérés stégophiles, le terme désignant, eh oui ils existent, les amoureux des toitures dont, l’écrivain Sylvain Tesson, en est leur remarquable ambassadeur.
La cathédrale en 3 D
Ce jour-là, nous déambulions sur la tour sud de la cathédrale, passage obligé quand on souhaite dessiner une géographie sentimentale de Bayonne. De là-haut, ce serait plutôt la carte à grande échelle, mieux que Google parce qu’ouverte véritablement aux quatre horizons, une trois D qui renverrait en plus la rumeur et l’haleine de la ville, « le murmurant Bayonne rend Bayonne
L’œil du rapace Prendre de la hauteur permet de prendre du recul. Le Bayonnais le plus averti sera déconcerté par cette promenade aérienne, surpris par une insoupçonnable courbure de rue, par la perception nouvelle de l’espace, par cette découverte originale de sa ville.
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Sentinelles du temps Là, invisible de ceux d’en bas, une terrasse, parfois de contrebande, accagnardée entre deux immeubles ; ailleurs, trois chapeaux de cheminée, marmottes de terre, semblent surveiller cet océan de briques.
murmurant », avait souligné Victor Hugo lors de son fameux voyage en Pays basque. Penchés, nos cous aussi distendus que ceux des gargouilles, nous étions tels deux Quasimodo considérant Paris du haut des tours de Notre- Dame. Victor Hugo – quelque part Viollet-Le-Duc de la littérature revisitant aussi le Moyen-Âge à sa façon – avait eu de jolis mots pour notre cathédrale : « couleur d’amadou et toute rongée par le vent de la mer. » Comme le sonneur bossu et borgne, guettant quelque Esmeralda d’entre Nive et Adour, nous nous attardions pour mieux nous repaître d’un paysage qui portait loin au sud vers les montagnes familières : le dôme de l’Artzamendi, la pente de la Rhune, pareille au toit de la maison labourdine, le chenal paisible de la Nive ; la campagne, déjà. Vers le nord, par-dessus le chinage des toits du Bayonne du XXe, le grand méandre de l’Adour au niveau de la zone d’évitage, venait rappeler les heures apocalyptiques du grand chambardement du 28 octobre 1578. Quel spectacle digne d’un récit biblique
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il faut être attentif aux couleurs, révélatrices des époques ce dut être, considéré depuis la cathédrale quand Bayonne vacilla sous les coups de boutoir de l’Adour qui, arraché de son lit naturel l’amenant vers Vieux-Boucau, fut contraint à rejoindre la mer au débouché que l’on connaît aujourd’hui. Sur ce plan grandeur nature, la ville palimpseste. On en lit son histoire accumulée sous les strates des murs et murailles. Bayonne corsetée entre ses remparts qui, de là-haut, dessinent une étoile éclatée, évocation des siècles canon quand les guerres se jouaient le plus souvent à domicile, à grand renfort de sièges affameurs. Pour le bonheur du Bayonnais, ces édifices martiaux ont obligé la ville à se développer en hauteur, empilant des étages en un heureux déhanchement, un judicieux emboîtement, une
harmonieuse gamme de couleurs. Il faut être attentif à ces rouges, ces ocres, ces gris, autant d’indices révélateurs d’une époque. Ah, ce grès jaune bayonnais qui éclabousse la ville de lumière fruitée aux fins de journée ; en délimitant les murs des bâtiments les plus emblématiques il en est son label médiéval. Le fouillis de toits ne dissimule rien de la genèse de la cité qui laisse apparaître, comme gravée au couteau dans la tuile, l’empreinte de son cardo et de son décumanus, les deux axes nord-sud et ouest- est autour desquels s’articule, sous nos cieux, toute immémoriale localité. Cet héritage du bornage étrusque, pas moins, désigne la rue d’Espagne, la rue Poissonnerie et son prolongement de la rue des Prébendés. Au croisement du décumanus et du cardo, vu de l’enfléchure, en un carré de verdure parfaitement enchâssé dans les volutes de ses arcades, le cloître rappelle qu’il ne fut pas seulement déambulatoire dévolu aux seules prières et méditations mais aussi forum populaire. Zébrant le ciel de ses piqués fulgurants ou de ses impressionnantes poursuites horizontales, il arrive que le faucon vienne semer le désarroi dans les roucoulades des pigeons. Nouveau venu dans le ciel bayonnais, hôte inespéré, le redoutable chasseur a désormais fait de la flèche sud de la cathédrale son gardemanger. Quand il ne rode pas du côté
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des silos de Boucau où il a élu domicile, ses incursions citadines qu’annoncent ses cris tantôt gutturaux, tantôt miaulants, restent la plus radicale et la plus naturelle des solutions offertes au dépigeonnage.
La clameur des siècles
Les approches étymologiques du mot toit ont retenu le mot latin tegere, couvrir mais aussi par extension, texo, tisser, entrelacer. En considérant alternativement les toits de Bayonne depuis la corniche d’un immeuble de la rue Lormand et cette carte destinée au recensement de 1730, je ne peux m’empêcher de penser au mot tissu social. Le plan décortique les principaux quartiers : ceux dits du maire, du prévôt, des chaînes et de Mousserolles, renvoyant à un temps où chaque quartier déclinait ses métiers, ses corporations. Les bouchers ? Depuis 1170 présents rue Vieille-Boucherie, on n’en comptait pas moins d’une dizaine. « Ils habitent là, ils abattent et ils vendent dans la rue qu’ils ont charge de nettoyer et d’arroser chaque semaine », précisent les documents. Les potiers et les producteurs
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de cidre étaient présents rue Passemillon, les tonneliers rue Douer avant d’émigrer, au XVe siècle, vers le Petit-Bayonne, à la rue du même nom. Les fabricants de lances officiaient place Montaut, et la rue de la Salie abritait drapiers et fripiers et aussi quelques marchands d’épices. Quant aux rues Sabaterie et Faure, elles étaient réservées aux seuls savetiers et forgerons. Courir les toits d’une ville c’est comme parcourir un temps immobile. Funambulant d’un terrasson l’autre, cette fois quelque part entre Château-Vieux et rempart Lachepaillet, nous refaisons l’histoire comme la récrivent les récits de Ducéré et Dive : « Les forgerons ou faures de Bayonne avaient donné leur nom à une rue qui longeait le rempart depuis la porte de Tarrides jusqu’à la tour de la Boucherie ou de la Carnicerie… On n’entendait dans le quartier que le joyeux bruit du marteau frappant l’enclume, on n’y voyait qu’étincelles jaillissant en gerbes éblouissantes. » L’extension moderne soulignant le tracé ancien, quand la ville est perçue de haut, les portes médiévales citées par les auteurs bayonnais nous
Les amoureux des toits publics Couvreurs funambules, félins en mal d’espace, fêtards et autres stégophiles, les amoureux des toits sont nombreux, qui y trouvent la sérénité qu’en bas, la rue n’offre plus.
sont encore plus évocatrices et laissent monter vers nous la clameur des siècles. Si vers le nord les toits se perdent à l’horizon butant contre le ciel, vers l’ouest les bâtiments s’éparpillent, libérés de l’heureuse contrainte imposée par l’intra muros. Brisant avec la joyeuse anarchie faîtière, le brisis d’ardoise à pentes raides, participe d’une certaine austérité, dissuade de toute tentative d’acrobaties, comme si du seul fait de rattraper le quartier des institutions publiques, Bayonne s’assagissait. Les maisons adoptent alors une sévérité bourgeoise, alignent leurs toits, redressent les balcons, troquent l’arlequinade contre la sévère et uniforme couleur muraille. L’architecture adopte ce style anonyme dit « éclectique, lequel, au XIXeᵉsiècle, ali-
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gnera sur une même ligne de toits la plupart des villes de l’Hexagone. Non, c’est vraiment dans son enceinte historique que Bayonne dégage tout son suc. Avec les deux rivières qui la traversent, elle dessine des archipels avec ses pointes, ses criques, ses bras d’eaux mortes. Une invite à observer aussi la ville en levant le nez pour mieux se pénétrer de ses colombages, ses fenêtres à meneaux, ses allégories haut perchées, et ses balcons ouvragés. Un monde dissimulé au regard du terrien. Marcher sur les toits c’est autre chose. S’encadrer dans la trappe, la tabatière, l’imposte ou l’oculus pour y accéder, c’est se sentir comme le personnage de cette fameuse gravure du Moyen-Âge qui, passant de l’autre côté du ciel, découvre les rouages compliqués de l’univers. Une fois sur cet envers de décor, on est contraint d’adopter une démarche particulière qui s’apparente à celle du monte-enl’air, du fuyard, c’est se sentir quelque part hors-la-loi parce qu’enfin, me direz-vous, que peut- on bien f… sur les toits quand on n’y travaille pas, si ce ne sont des choses illicites, inaccessibles au simple citoyen ? On
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y adopte par prudence une démarche de dahu qu’oblige la pente du toit. Elle s’apparente à la marche sur des œufs parce que la tuile, plate ou canal, ce n’est jamais que de la terre cuite et qu’il convient, comme il se doit lors de toute visite, de respecter les lieux. Une fois que l’on a appréhendé les techniques de déplacement, toujours le pied à cheval sur deux tuiles, en évitant les rives comme on évite une corniche de neige, en s’aidant du zinc et des retours de toit, on remonte les rues ou, latéralement
on passe de l’une à l’autre. Sans plus rien percevoir de la rumeur de la ville, seulement le grelottement de la tuile ébranlée, on devine pourtant que dans le monde d’en bas la vie suit son cours. Le plus Bayonnais des Bayonnais aura du mal à se repérer, à identifier une rue. S’attarder sur les toits c’est ressembler au montagnard qui, sur son pic, s’attache à deviner les sommets alentours. Parfois, une soudaine estafilade, autorise une plongée vers une rue familière, une terrasse de café, une enseigne de magasin, copeaux d’existences entrevues. De même, cette merveilleuse et insoupçonnée terrasse, acagnardée entre Gosse et Poissonnerie. Elle permet de comprendre la position stratégique du Bayonne d’origine, le vieux castrum romain dominant les deux rivières. On saisit mieux pourquoi poètes et écrivains ont comparé les toits d’une ville à la mer. Pareils à ces marins manœuvrant dans les haubans, nous y avons croisé des charpentiers qui, dans l’anonymat, ravaudaient les combles, escamotant les inesthétiques gouttières au profit d’un surfilage invisible de canaux d’écoulement s’étonnant,
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Verrières Zénithales, elles chevauchent comme l’écume cet océan faîtier, scintillant de mille soleils, renvoyant sans fin le ciel bayonnais, cueillant, ici le reflet d’une corniche, là le détail d’un arêtier.
au passage, de l’adresse de leurs prédécesseurs. Nous y avons vu les traqueurs de pigeons, trappeurs modernes et citadins, ourlant les avant-toits de dissuasives bandes cloutées.
La retraite par les toits
Le regard se perd entre les plantations d’antennes, vient buter sur quelque chienassis, cette écoutille à rêves, un retour de mur oublié, plaqué de bois noirci, patiné par les décades et les intempéries. Il s’attache à d’invraisemblables rideaux, des plantations bonsaïs, autant que discrètes, d’herbe à vagabondage ou, se glissant par une fenêtre ouverte, saisit une bribe d’intimité. Comme autant de défis à l’équilibre, d’extravagants balcons, rouille sur rouille, parfois grimés en bow-windows du meilleur effet, s’agriffent à des façades chagrines que le géranium console, se suspendent à la pente étonnamment douce d’un toit. Invisibles du sol, ils hébergent souvent des objets hétéroclites, sublimes brocantes
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le regard vient buter sur quelque chien-assis, cette écoutille à rêves patinée par les intempéries à frotte ciel. Parfois, fugace, la silhouette de la ménagère apparaît sur un terrasson pour y étendre son linge, là, entre une flèche de la cathédrale et une tour du Château- Vieux. Le toit a une texture, le zinc est un matériau tendre qui capte la chaleur diurne, on y évolue à l’aise, on stationne volontiers sur cette coulée grise. Au hasard de sa baguenaude, le rôdeur de toits, cultive l’art trouble de voir sans être vu, découvre la magie des terrasses bayonnaises, les officielles, de petits jardins suspendus, merveilles d’adaptation au mitan de cet univers bancal. On sait une piscine à ciel ouvert au Petit- Bayonne comme on a admiré un jacuzzi perché à Saint-Esprit, à deux carillons de l’horloge de la gare. Et puis, il y a les autres, sauvages, improvisées, le temps d’un apéro, d’un soir de bringue. Elles se calent entre cheminée et pignon, sur le moindre espace plan et zingué ; on y a croisé des fauteuils, des guéridons, des canapés, prêts à accueillir la cuadrilla, le lecteur d’un septième ciel. Ce jour-là nous évoluions sur les toits du Petit, à observer sur une Nive indolente le reflet tremblotant du dandinement des maisons du quai, colorées comme des guirlandes de fêtes. Je ne pouvais m’empêcher de songer aux principes d’Aristote selon lesquels les rues tortueuses, favorisant la défilade, étaient préférables aux rues droites en cas d’invasion. Resurgit le souvenir, aujourd’hui amusé, d’un membre de la corporation des gens d’armes. Il m’avait évoqué comment, au jour d’une de ces manifestations agitées scandant l’histoire de toute cité de caractère, une déterminante charge fébrile et bleue de nuit, s’était heurtée perplexe… au vide soudain de la rue Pannecau, les manifestants ayant opté pour une sage retraite… par les toits, preuve indubitable d’une connaissance parfaite du terrain. C’était un temps où les digicodes n’avaient pas fait la nique aux bonnes vieilles clenches. Mais que seraient les toits de Bayonne sans leurs verrières, à rendre jaloux le Louvre. Géniaux mais fragiles puits de lumière, elles furent indispensables à partir du moment où l’habitat, garrotté par les remparts et une contraignante structure parcellaire héritée du Moyen-Âge, se doublait de nou-
velles constructions derrière la cage d’escalier, sans fenêtres sur rue. Quelque 800 de ces pyramidions plongent sur des tourbillons d’escaliers ouvragés, pièces inestimables du trésor patrimonial bayonnais. Quand vivre à fleur de toits n’était que l’apanage des gueux, des bonnes et des poètes, aujourd’hui revendiquer la soupente, l’ascenseur y fut pour beaucoup, c’est affirmer sa notabilité. À l’aube, audessus de Saint-André, un ciel rouge a incendié la ville. Les immenses verrières de la gare et des Galeries Lafayette, éclairées a giorno, ont été les premières à s’habiller de vie. La jeune matinée a esquissé d’abord paisiblement les contours crayeux des toits environnants. Alors que le carillon de la cathédrale finit de dégoutter les huit heures, Bayonne est redessinée dans ses moindres détails. Il nous faut retrouver le pavé, recouvrer une démarche de terrien, buter contre des murs, considérer l’autre dans les yeux, et ne plus voir désormais que des lambeaux de ciel, éprouvant ce mal de terre que les marins connaissent après un séjour en mer. Il reste le délicieux malaise de ne plus savoir si l’on a foulé l’endroit ou l’envers de sa ville. Peut-être parce qu’ils sont une part de nous-mêmes, il y a des endroits que l’on habite charnellement. Bayonne en fait partie.
Mots-clés/Hitz gakoak : toit : teilatu lucarne : eki-zulo : verrière : berinetxe charpentier : zurgin tuile : teila remparts : harresiak perspective : ikuspegi
Nous adressons nos chaleureux remerciements à Isabelle Joly, architecte à Bayonne, pour nous avoir ouvert la porte des toits de la ville.
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onte Igeldo,
un siècle d’émotions t e x t e Txomin Laxalt
Igeldoko mendia, mende bat emozioan 2012. eko abuztuaren 25ean, Igeldoko jolas-parkea eta bere funikular bereiztezina inauguratuak ziren. Donostiarrentzat, badia famatuko altxoraren pipitateko bat, diademak osatutakoa.
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our Donostia, 1912 demeure une date clé. Il est révolu le temps des baleines harponnées, presque oublié celui des sièges à répétition, des incendies, des occupations napoléoniennes et autres, des sacs incessants, bref le lot des villes de garnison trop insolemment situées aux marches d’un pays. Comme si le seul fait d’abattre des murailles rendait la cité portuaire à la quiétude, à l’orée du XXeᵉsiècle, la décision d’une poignée de notables de la rebâtir, envoya l’écho des bruits de bottes se faire entendre ailleurs pour le remplacer avantageusement par celui du froufroutement subtil des crinolines et du crépitement des bottines à boutons. Le parfum du cigare à la place du fraîchin, bref, la pierre hausmannienne plutôt que le mœllon humide, l’avenue lumineuse plutôt que le chemin de ronde, les trilles du bel canto plutôt que les marches militaires. En 1912, le trolleybus ferraille, le canotier côtoie le béret voire la prolétaire casquette, dans les bassins du vieux port, les derniers trois-mâts accostent aux côtés des premiers vapeurs tandis que les voiles de très aristocratiques yachts de teck profilé, croisent dans les eaux paisibles de la Concha. Pour les têtes couronnées, nouveaux riches, demi-mondains et toreros qui, de Biarritz à Donostia, ont fait leurs la houle et le sable atlantiques, il faut bien pour les loger, un hôtel à leur mesure, ce sera le Maria-Cristina, un théâtre pour meubler leur oisiveté, ce sera le Victoria-Eugenia, une thalasso royale pour soigner leurs maux réels ou prétextes, ce sera la Perla, un train pour aller flamber à Hendaye, ce sera le Topo et pour charlestonner et claquer des dividendes, un impératif Casino ; le mont Igeldo fera l’affaire. Et tout ça pour la seule année
Désuet Toute la magie du parc d’attractions du Mont Igeldo réside dans sa désuétude comme dans la symbiose parfaite et étroite qu’il forme avec un environnement à la fois citadin et terriblement maritime.
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Le panorama vers le grand large, s'apparente à une carte marine déployée au loin vers la Bizcaye.
1912 ! L’âme du projet sera Evaristo San Martin, un avocat navarrais qui, aux côtés d’Angel Galé Hualde, un entrepreneur au sens noble du terme, originaire d’Isaba (Navarre), prendra en mains la mutation de ce lieu jusqu’alors ignoré et presque inaccessible. Des associés privés engagent des capitaux pour la création des cinq monuments emblématiques qui bouleverseront l’histoire de la capitale du Gipuzkoa. Igeldo ? Alors un vague quartier composé d’une poignée de fermes accrochées à cette colline pelée que l’on nomme à ce titre Mendihotza, la montagne froide, dressée au-dessus de l’historique quartier Antiguo. Les Donostiarrak ont certes l’habitude de se promener sur les pentes des monts Ullia et Urgull lesquels, Le Parc d’attractions s’ils offrent des vues intéressantes sur du Mont Igeldo Donostia, sont loin du panorama excepIl est intimement lié au Funiculaire. tionnel qu’Igeldo propose sur la baie. Construit par les établissements suisPour l’heure, aucune route n’y accède, ses Von Roll, il est le même qu’à l’oriseul le Torreón, une antique vigie de gine. Monovoie avec un évitement cenpierre veille depuis le XVIIIe sur le large tral pour croiser le deuxième convoi, mais le phare à combustion de bois ne le funiculaire fonctionne avec deux suffit plus à diriger les navires quand wagons selon le principe d’un câble une méchante brumasse emmaillote tracteur. Il met trois minutes et 20 le Golfe. secondes pour effectuer les 312 m de Avec la révolution industrielle, les débuts son parcours sur une pente maxi de du transport ferroviaire, la mode est au 58 %. Une route permet d’accéder au funiculaire, souvent des défis aux lois de Parc et chaque année, ce sont en tout, la gravité. Donostia s’y colle à son tour. 400 000 visiteurs qui se rendent à Les ingénieurs s’attellent à un chantier Igeldo. Le tracé du chemin de Saintpharaonique, une improbable gageure : Jacques côtier transite par Igeldo. Il vaincre une pente de 32 % au départ qui fut un temps où le parc abrita deux atteint 58 % à l’arrivée, pour un parcours cinémas, une ourse, Ursula, et une linéaire de 312 m ! La construction du colonie de singes. Une patinoire exista Casino va de pair qui devient le rendezquelques années au pied de l’actuel vous de la bonne société. L’ensemble est Torreón, lequel abrite aujourd’hui une inauguré le 25 août 1912 par la reine Doña belle exposition de photos de DonosMaria-Cristina. Le succès est immédiat, tia à travers l’histoire. on y vient pour claquer les jetons mais Dans les années quarante, à l’heure aussi pour pratiquer les nouvelles danses où l’exotisme alimentait une douteuse de salon. La dictature de Primo de Rivera curiosité, une authentique tribu séné(1923-1930) survient qui interdit les jeux galaise y installa un village. de hasard et il en est fini du Casino. En
1925, roulette et baccara le cèdent alors au Labyrinthe, au Fleuve mystérieux, aux Montagnes Suisses, et à l’Étang aux canots ; 80 années après, on s’en délecte encore.
La montagne magique La végétation épaisse, la forêt qui a gagné sur les flancs de cet atalai - elles permirent de soutenir une montagne fragile - enveloppent désormais Igeldo. Depuis la gare, le funiculaire dont les mêmes compartiments de bois, en enlevant chaque année 180 000 voyageurs au long de la pente prodigieuse et invraisemblable, invite à passer de l’autre côté du miroir. Le spectacle qui s’offre à la vue du visiteur est époustouflant sur Donostia et son exceptionnelle baie. Jamais la ville ne mérite autant son nom de Perle du Cantabrique. J’y vins la première fois alors que je n’avais que sept ou huit ans, le franquisme battait son plein qui, par négation de tout ce qui pouvait avoir comme référence le régime soviétique, raconte l’anecdote, déniait au train le terme même de « montagnes russes » pour lui préférer celui on ne peut plus… neutre, de « montagnes suisses ». L’anecdote est trop savoureuse pour la passer sous silence ! J’ai souvenance de mon cœur qui se décrochait lorsque le train déboulant dans une pente abominable, porté par son seul élan, dans un fracas diabolique, semblait se précipiter dans la mer sans plus de protection latérale que la fragile chaîne bouclant l’accès du brinquebalant chariot de bois. J’eus peur de semer mon père ( je me plais aujourd’hui à l’imaginer aussi paumé que moi) dans l’effrayant labyrinthe de bois branlant, peint de criardes couleurs et dont les effets de miroirs, renvoyaient mille fois nos images, allongeant d’autant une délicieuse errance. Quant au Fleuve mystérieux, dans une maligne obscurité peuplée de poussives et poussiéreuses figures de cauchemars, il entretenait une délicieuse frayeur, autant d’enfantines émotions qui attisent aujourd’hui certain goût de madeleine. Été 2012. Bien sûr, par endroits, le béton se délite, les poulies grincent, les embruns dessinent des traînées de rouille sur les hauts murs, l’hôtel quatre étoiles Monte Igeldo a remplacé depuis 1967, le Casino. Certes, les « Jurassikparqueries » ont la préférence de nos enfants, cependant le chariot de bois du train attend toujours son voyageur, l’effet miroir connaît toujours son franc succès. Pilar Pascual, la directrice, ne s’y est pas trompé qui sut lire dans mon regard une soudaine nostalgie. Elle me dit : « Chiche ! » et je vous assure, la magie opéra à nouveau.
Mots-clés/Hitz gakoak : parc d’attractions : jolas-parke funiculaire : funikular Saint Sébastien : Donostia pente : aldapa, patar vigie : atalai
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Aldaburua plateran herria
Aldaburua, un pays dans l’assiette
Antxon Amilibia, Laresoroko Aldaburua jatetxeko arduraduna, sukaldari atipikoa da. Hegoaldeko sukaldaritza deskubriarazten du eta batez ere, ezohiko edo ahantzitako jakiak dastatzera gomitatzen gaitu. e jour-là, l’arrière-saison se concentrait dans l’assiette. Depuis la terrasse du restaurant Aldaburua de Larressore, le regard embrassait les pentes du Baigura et de l’Artzamendi incendiées aux couleurs de l’automne. Bardée de ventrèche sur son lit de choux braisés et généreusement mouillée d’une sauce au vin, la palombe, victime propitiatoire de notre plus triomphante saison, évoquait de gracieuses échancrures de cols, quelque part entre Napale et Lizarrieta. Antxon Amilibia, sans doute le plus atypique des cuisiniers d’Euskal herria s’attache aux saisons et surtout joue sans tricher avec les produits que le Pays basque offre. « La cuisine d’Iparralde est assez pauvre en plats, comparée à celle d’Hegoalde, capable de décliner viandes et poissons de multiples façons », confiait-il à l’heure du café. « Peut-être l’utilisation des légumes, dont là-bas ils ont fait un art, est-elle aussi pour quelque chose, une tradition peu connue ici », précise Antxon, lequel ne saurait renier ses racines navarraises. Il faut absolument goûter à ses potées de haricots rouges de Tolosa, avec boudin, ses pois chiches coustons ou txistorra, laquelle ne saurait venir d’ailleurs que de Donostia. « Autant de plats simples, que l’on ignore ici et que l’on se doit de manger à la cuillère. » Antxon a des exigences qui permettent au gourmet de découvrir la Navarre, le verger du Pays basque, comme il se plaît à
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À la maison, il y avait ma mère et surtout j’avais trois sœurs, il était hors de question que je mette la main à la pâte.
dire. Les asperges, les piquillos ou les pochas ? N’en doutez pas, ils proviennent de Lodosa comme pour le reste l’agneau de lait vient de Garazi, le confit de canard d’Osses, l’ardi gasna d’Itxassou. Il n’a de cesse de faire découvrir l’authentique cuisine d’Hegoalde, celle dont beaucoup usurpent le nom pour n’en proposer qu’un triste ersatz. Ainsi de la morue à l’espagnole, une dénomination qui a le don de hérisser les moustaches les plus célèbres entre Bidasoa et Adour. « Elle n’existe pas, il y a la morue à la biscayenne, ou al pil-pil mais à l’espagnole jamais, pas un restaurant de la péninsule n’oserait l’afficher ! » assène-t-il. À Aldaburua, nous avons pu faire l’expérience du merlu koxkera dont la sauce verte, « ail et persil, fumet du merlu et pour l’accompagnement palourdes, petits pois, asperges, œufs durs, rien de plus ! » vous tirerait des larmes tant elle évoque tous les ports, les familles et les elkarte de la côte. Justement, ces elkarte, ces académies du bon goût, Antxon Amilibia y a fait ses classes.« Je suis de l’ancienne génération. À la maison, il y avait ma mère et surtout j’avais trois sœurs, il était hors de question que je mette la main à la pâte. Mais sans doute, j’ai vu faire. »
À l’école des sociétés gastronomiques C’est la société gastronomique, en l’occurrence Or-Konpon de Bayonne, qui a vraiment tout déclenché. Antxon s’y est fait la main et on y a vu quelques fameuses toques locales trancher le lard à ses côtés avant de s’abandonner aux heures tardives.C’est ainsi qu’à Aldaburua Antxon sera à même de concocter une de ces morues al pil pil précisément, à l’onomatopée évocatrice d’un petit feu, l’euskal pil pil équivalant au très français gloub gloub. Une élaboration requérant patience et surtout un coup de main particulièrement sûr, garant de la réussite de cette géniale alchimie d’où procède, par évacuation de la gélatine émanant de la >> morue, une goûteuse émulsion avec l’huile d’olive. Question prix, Antxon a adopté un juste équilibre. De 12 € pour un menu du jour complet, vin de Rioja à la carafe compris s’il vous plaît, jusqu’à 40 € pour une randonnée gastronomique avec chemins de traverse où le traditionnel côtoie l’inédit ; ah ! ces palourdes sauce verte aux cœurs d’artichaut ou cette morue aux pochas de Lodosa ! Et puis pour le casse-croûte entre copains vite fait, il y a toujours l’assiette de l’auberge : œufs frais, saucisses, piperade, frites, salade, fromage ou l’omelette aux cèpes ou pourquoi pas, une queue de bœuf… Et les desserts me direz-vous ? Sans hésiter, le riz au lait crémeux façon ama ou les pains perdus, avec du vrai pain, à base de lait fermier et avec ce qu’il faut de rhum. « Sukaldaritza, gure kulturaren zati garantzitsuetako bat da » (la cuisine est une des composantes importantes de notre culture), affirme Antxon dans cet euskara qui lui est cher. Le type aime la culture basque sous toutes ses formes et par bonheur, Pascale, sa compagne et précieuse complice jusqu’en cuisine, lui permet aux heures des copains de rejoindre Txarangaita, un groupe musical où il tient pupitre et dont l’exigence de qualité des membres n’a d’égale que leur appétit. Antxon, je vous assure, y a encore fort à faire. Aldaburua - Pascale et Antxon Place de la Mairie - Larressore - Tél/Fax : 05 59 63 59 17
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pablo Tillac Un précieuxtémoin Anthropologue du quotidien
Dessinateur, graveur, illustrateur et peintre, Pablo Tillac (1880-1969) fut un infatigable voyageur. Après des cours à l’École des beaux-Arts à Paris, il parcourt le monde : États-Unis, Angleterre, Espagne où il représente les scènes de la vie populaire locale. Un « traqueur d’images » selon l’expression de Claude Dendaletche qui lui consacra un livre. Pour des raisons familiales il s’installe à Cambo en 1919. À partir de 1924 il commence à donner certaines de ses œuvres au tout jeune Musée Basque de Bayonne. Le livre que lui consacre Pierre Mienvielle revient sur le parcours et la vie du peintre, notamment sur sur sa quête des origines du peuple basque. Peintre au talent reconnu, Tillac, à l’instar de Toulouse-Lautrec, aura été le témoin de la société basque de son époque, église, trinquets, cabarets, un travail au contenu ethnographique évident et passionnant. Pablo Tillac. Pierre Minvielle. Éditions Atlantica.
Mémoire(s)
Peux-on dissocier notre mémoire de celle de notre terre ? Pour Philippe Etchegoyen qui publie le deuxième tome de ses Mémoires souletines,
la réponse est évidemment négative. « Ce voyage dans la mémoire est aussi avant tout un voyage dans ma mémoire. » En conteur il sait que les petites histoires, celles des gens simples, celles de tous les jours font la grande histoire. Alors il tisse les témoignages pour mieux tricoter la mémoire du quotidien. Mémoires Souletines. T.1 Villages de la vallée.T.2 Bergers et cayolars. Philippe Etchegoyen. Elkar
Convention pour soutenir l’euskara
Le ministère de l’Éducation Nationale et l’Office public de la langue basque (OPLB) ont signé avec l’association Seaska une convention qui attribue davantage de moyens à l’enseignement de l’euskara en Iparralde. Des efforts encore très éloignés de ce qui se pratique en Hégoalde, mais une reconnaissance tout de même du travail mené depuis de très nombreuses années par les défenseurs de la langue basque. Aujourd’hui l’association Seaska regroupe vingt ikstola, trois collèges et un lycée d’enseignement général. Un deuxième sera construit à Biarritz, et la construction d’un établissement technologique et professionnel est également prévue par la convention. Selon une étude publiée par l’Institut Culturel basque 25,7 % de la population basque est bilingue et 15,4 % se considère « bilingue passif ». C’est dans la Communauté autonome d’Euskadi que le pourcentage des bascophones est le plus élevé, puisque les bilingues (30,1 %) et bilingues passifs (18,3 %) représentent environ 50 % de la population. En Navarre, seules 11,1 % de la population est bilingue.
Les tambours de l’ironie
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omment mieux célébrer son saint patron qu’en lui réservant une grande parade festive jusqu’au bout de la nuit ? Chaque année, dans la soirée du 19 janvier, veille de la saint Sébastien, les Donastiarrak envahissent les rues de leur ville pour converger vers la plaza de la Constitution où, à minuit pile, est donné le coup d’envoi des festivités. Alors, pendant 24 heures, petits et grands, parcourent les rues et l’histoire de la ville en tapant sur
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des tambours ou sur tout ce qui y ressemble. Une célébration, toute particulière, de l’histoire locale, et de la libération de la ville de l’occupation napoléonienne. Et qu’importe si certains grincheux viennent à remettre en cause ces vérités mitonnées autour de quelques comptoirs du Casco viejo, et enrobées des volutes de fumées de cigares, l’essentiel est bien de faire la fête, qu’on appartienne, ou non, à l’une des dizaines de compagnies qui sillonnent les rues. Les plus petit ont leur propre tambo-
rada, que tous regardent fiers de constater que la relève est assurée. Tout comme Donostia, Azpeitia déroule, elle-aussi sa tamborada le 20 janvier. Et comme le bonheur attire le bonheur, le 20 janvier est synonyme d’ouverture des cidreries. Le parcours, non fléché, pour en déloger quelques-unes planquées au mitan de nulle part, n’est pas le moindre des plaisirs avant de célébrer l’omelette aux cèpes et la côte de bœuf, au doux bruit du txotx.
Bayonne Galerie des Corsaires Exposition de l’aquarelliste, Michel Chalot Du 23 février au 8 mars, 16 rue Pontrique.
Donostia Musée San Telmo
Exposition Badu Bada consacrée à la langue basque, une parmi les 68 langues européennes. Une occasion d’entendre, de lire, d’écouter l’euskara, et de comprendre que les langues sont des systèmes vivants, perméables et sans cesse en évolution. Jusqu’au 17 février.
Biarritz Les Surréalistes
Man Ray, Dal, Roberto Matta, Magritte, le Paris d’après guerre a fortement été marqué par l’esprit surréalistes d’artistes venus des USA et de toute l’Europe. Jusqu’au 27 janvier à la Crypte Sainte-Eugénie. Tél. : 05 59 24 67 93
carnavals Si ceux de Navarre et d’Hégoalde restent les plus prisées, Iparralde réserve quelques beaux rendez-vous. Urrugne, le 2 février ; ihauteriak de StJean-de-Luz, le 9 février ; Hendaye, le 16 ; Bayonne, le 1er mars ; carnaval de la Haute-Soule (Basabürüko ihauteriak, le 10.
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diaspora Gaurko euskal
La diaspora basque aujourd'hui
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armi les poncifs qui ont cours dès lors que l’on évoque les Basques, celui de la diaspora vient en bonne place. Les analyses ne sont pas évidentes et bien des questions demeurent. Est-ce que l’émigration ne signifie pas quelque part l’échec d’une société ? Les Basques de par le monde répondent-ils à la définition de la diaspora ? Enfin, qu’en est-il aujourd’hui ? D’abord, le terme diaspora ; bien qu’il puise ses origines dans la langue grecque (dia, au-delà et speiro, semer), et fait référence à l’implantation des colonies juives en dehors de la Palestine après l’exil babylonien, n’est utilisé dans le langage courant que depuis une vingtaine d’années. Spécialiste de la diaspora basque, Oscar Alvarez Gila rappelle qu’en Pays basque, le monde académique comme les représentants des communautés basques éparpillées de par le monde, récusèrent le terme, parce qu’ils le percevaient de manière négative. Si l’on admet l’interprétation donnée par le sociologue Robin Cohen, à savoir qu’une diaspora « définit un peuple disséminé à travers plusieurs espaces géographiques avec un sentiment identitaire commun », la communauté basque de par le monde ne répondrait pas à cette définition parce que,
La diaspora c'est un peuple disséminé dans l'espace avec un sentiment identitaire commun
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lau haizetara Badakigunez, topikoek luzaz iraunten dute, hala diasporari dagokionez. Gai horri buruzko galdera batzuk bururatzen zaizkigu. Oscar Alvarez Gilak, unibertsitateko irakaslea, gakoak ematen dizkigu.
selon Oscar Alvarez Gila, beaucoup de Basques d’Euskal herria ne sont pas encore conscients de la force et de la vitalité des collectivités basques de l’extérieur. « Ces dernières années, les initiatives dédiées à la connaissance de la diaspora : études et publications mais aussi programmes de télé, expositions, les sites Internet ou des associations, ont contribué à donner un nouvel éclairage. Les Basques de l’intérieur ont ainsi appris à mieux connaître les Basques de l’extérieur. » Le grand public ne retient que la saga du XIXeᵉ siècle en Amérique latine ou l’épopée, souvent douloureuse, des bergers d’Iparralde. Bien sûr, il y a ces pays de « vieille diaspora » comme l’Argentine ou l’Uruguay où l’émigration s’est définitivement tarie mais aujourd’hui, moins connus, de nouveaux foyers voient le jour en Chine, en Inde, au Brésil, en Russie, en Australie… La diaspora basque possède-t-elle ses propres caractéristiques ? Si longtemps l’émigration fut considérée comme un déshonneur, une affaire de pauvres, il demeure qu’elle réduit à néant l’argumentaire des tenants d’une société basque fermée, isolée, refusant tout progrès. « En fait, que nous dit l’émigration ? Qu’être Basque, maintenir la culture et la langue ne fut jamais un obstacle pour être ouvert au monde et présent en tous lieux tout en maintenant des liens étroits avec la terre des origines », estime Oscar Alvarez Gila. On peut distinguer plusieurs modes d’adaptation. L’émigration du XIX eᵉ siècle vers l’Amérique latine fut massive, celle vers les USA plus limitée en nombre. >> L’isolement des bergers basques aux USA rendit leur intégration, leur socialisation plus difficile. Si en Amérique latine les tâches assignées aux nouveaux arrivants ne les hissèrent pas d’entrée sur le haut de l’échelle sociale, leur adaptation fut plus rapide, les pays concernés étant encore à construire. De plus, depuis les temps de la colonisation, la
présence des Basques y était effective. Les familles purent ainsi rapidement accéder à un statut social valorisant tout en assurant une bonne éducation à leurs enfants. La diaspora « mûre », serait représentée par les descendants de plusieurs générations d’expatriés comme c’est le cas en Argentine, au Chili ou en Uruguay ; il s’y maintient un sentiment identitaire fort. Aux États-Unis, par contre, on assiste à phénomène nouveau : les nouvelles générations qui y sont nées aspirent à un authentique retour aux racines. La plus récente diaspora suit les nouveaux courants économiques qui la conduisent vers la Chine certes, mais aussi vers Paris, Bruxelles, Madrid ou Barcelone, tissant un jeune et intéressant tissu migratoire. JeanMichel Larrasquet, président de l’association Eusko-Ikaskuntza en Iparralde, y voit de nouvelles nécessités économiques qui poussent, aujourd’hui, les jeunes à s’expatrier. Il tient à souligner l’importance du phénomène inverse dont on ne parle pas assez qui amène les jeunes issus de la diaspora à venir étudier en Pays basque. À la question de savoir si la présence des coopératives basques dans les pays émergents est compatible avec les principes présidant à ce modèle d’économie sociale, Jean-Michel Larrasquet rappelle que « délocaliser n’a aucun sens dans le fonctionnement coopératif, il vaut mieux parler d’objectifs partagés, un produit fabriqué dans l’un de ces pays étant destiné à être vendu sur place. » Autant de thèmes dignes de débats.
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01/01/13 17:51