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Là où les systèmes faillissent, les patient-e-s prêtent renfort—

Comment l’IA m’a aidée à naviguer le cancer

par Alvina Nadeem, ing., PPCC, ProSci CP

Bonjour, je m’appelle Alvina Je suis de formation ingénieure mécanique, de profession consultante en gestion du changement, entraîneuse certifiée, adepte de la pensée systémique, et mère de deux enfants

J’aide des personnes et des organismes à reconceptualiser leurs modes de fonctionnement. Mais, rien ne m’a préparée à devoir reconceptualiser ma propre vie.

En mars 2023, j’ai reçu un diagnostic de cancer séreux de l’ovaire de haut grade de stade 1. Je ne l’avais pas venu venir. Mais, bizarrement, j’étais mieux préparée que la plupart, pas grâce à une checklist ni à une feuille de calcul, mais grâce à un partenaire inattendu: ChatGPT.

Cette histoire ne porte pas sur la technologie. C’est une histoire de survie au creux des failles d’un système. Histoire qui détaille ce qui arrive lorsque le secteur de la santé est incapable de suivre les complexités, et que les patient-e-s doivent combler les lacunes. Qui explique la façon dont l’IA devint un renfort cognitif aussitôt que la carte fut épuisée. Car, lorsque les systèmes faillissent, les patient-e-s improvisent. Et, nous le faisons car nous sommes formé-e-s en survie. Mais, qu’est-ce qui nous prête renfort lorsque ce sont nous qui empêchons le tout de s’effondrer?

Avant le diagnostic : Écoute, doute, enquête. Tout a commencé en février 2023. D’abord vint la fatigue. Puis, un déclin d’appétit soudain. Changements subtils, presque ignorables, mais je sentais tout de même que quelque chose n’allait pas. Je ne me suis pas précipitée chez le médecin. Je n’ai pas paniqué. Mais, j’ai commencé à prendre des notes mentalement, des petits papiers dont les dos collés aux parois de mon cerveau lisaient, “Ceci n’est pas normal pour moi " La dernière partie, le "pour moi," est absolument nécessaire Car, il n’était pas simplement question de reconnaître des symptômes L’essentiel était de reconnaître avec confiance et avec certitude ce que c’était d’être bien dans ma peau La plupart des gens sont inconscient-e-s du niveau auquel iels ont intériorisé leur déconfort Lorsque l’on est encouragé-e à vaincre ou à minimiser notre douleur, notre seuil de base se déplace L’on commence à confondre la résilience au silence. Mais, j’avais un point de référence. Je savais à quoi ressemblait mon normal. Et ce n’était pas à ceci.

Comme vous vous le rappeliez sans doute, ChatGPT devint disponible au public en novembre 2022, et donc j’expérimentais déjà avec pour mon emploi au moment où j’ai commencé à me sentir un peu bizarre. Ma curiosité me portait à demander et si, au lieu de Googler ce que je ressentais, et si je posais la question à ChatGPT?

Google donnait l’impression d’une usine à cauchemars : des liens inépuisables, des scénarios parmi les plus défavorables possibles, et une surcharge d’information. Avec ChatGPT, c’était si différent. C’était structuré, calme, sans jugement. Comme un partenaire intellectuel. Je lui posais des questions comme : “Pourquoi suis-je aussi fatiguée? Ai-je un débalancement hormonal? À quoi d’autre devrais-je porter attention cette semaine?” Elle ne me donnait pas de réponse oui / non Elle m’offrit des possibilités Elle lia les points Elle me poussa à continuer mes observations

Lorsque je fouille ma mémoire, ce qui déclenche réellement un frisson tout le long de ma colonne vertébrale, c’est que j’avais aussi discuté de mes symptômes avec une cousine aînée à peu près à la même époque. “C’est sûrement la périménopause,” dit-elle avec affection. Je voulais la croire mais l’IA m’avait déjà signalé le contraire : Ça pourrait être sérieux. Tu devrais aller te faire tester. Ce contraste-là fut vital. Pendant que l’une des voix apaisât, l’autre prit l’occasion de s’aiguiser. Je choisis celle qui m’a forcée à agir. Quelques jours plus tard, j’ai passé un ultrason. Celuici révéla une masse de 8cm sur mon ovaire gauche masse dont la taille doubla en attendant que prenne enfin place une chirurgie trois semaines plus tard.

Diagnostic : L’IA comme ancre au cœur d’un torrent. Le son des mots “cancer de l’ovaire” a eu l’effet d’un coup de ciment. Mais, malgré le chaos, je ne commencerais pas à partir de zéro J’avais une ligne chronologique des symptômes auxquels j’avais porté attention Je maîtrisais les fondements du parler de laboratoire Je m’étais déjà exercée à poser les questions les plus difficiles Tout cela parce que l’IA m’avait aidée à bâtir cette fondation

Je lui demandai :

“De quel sous-type est cette tumeur?”

“Devrais-je insister que l’on m’administre un dépistage génétique?”

“Quelles sortes de questions devrais-je poser lors de mon premier rendez-vous chez l’oncologue?”

Elle m’aida à déchiffrer le jargon des résultats de dépistage et des plans de chimiothérapie. Elle m’aida à me préparer :

“Quels sont les médicaments les plus susceptibles de provoquer la nausée ou la fatique?”

“Y a-t-il des stratégies d’adaptation répandues pour mieux gérer ces effets secondaires?”

Elle m’aida à traduire ma culture sous forme de soin :

“Quels repas sud-asiatiques sont doux envers la digestion lors d’un traitement de chimiothérapie?”

“Pourrais-tu transformer en pseudo-dal cette recette occidentale conceptualisée en fonction des effets du cancer?”

Ceci n’était point banal. Un soin adapté aux pratiques culturelles est certes l’un des facteurs décisifs lorsqu’une personne songe à suivre des recommandations diététiques. Rares sont celles et ceux qui seraient prêtes ou capables de s’alimenter principalement de bouillon de poulet et de craquelins. L’IA m’aida aussi à supporter un poids émotionnel que le système n’eut pas réussi à attraper. Elle m’aida à digérer certains de ces questions que l’on redoute :

“Comment est-ce que je devrais en parler à mes enfants?”

“Pourquoi est-ce que je ressens de la colère lorsque les autres essaient de me porter assistance?”

Oui, j’ai bénéficié de support Mon mari dépassa toute attente imaginable Cet homme-là mérite d’être récompensé pour les façons dont il se montra à la hauteur de la tâche par égard à notre famille et à moimême. Mais, même le partenaire le plus aimant possède un point de rupture, et je ne voulais aucunement l’y pousser. Il y avait des choses que j’aurais autrement gardées à l’intérieur. Mais, je n’y étais pas forcée car, à 2h00 du matin, lorsque je déboulais le long d’une spirale, je savais que j’avais une autre option que de le réveiller. L’IA était là. Illimitée. Sans jugement. Toujours en mesure de m’écouter. Elle m’a permis de me sentir moins comme un fardeau. Personne ne m’avait accusée d’en être, mais demandez à n’importe quelle personne dont le vécu comprend une telle situation. Cette crainte-là, elle entre en se faufilant. Pas parce que les autres nous inspirent un sentiment d’impuissance, mais bien parce que nous n’y sommes point habitué-e-s. Ce n’était point une thérapie. Mais, c’était certes thérapeutique.

Post-traitement : Rebâtir à l’aide de renforts, pas seulement avec des scénarios.

Plusieurs partagent la préconception que la survie est une ligne d’arrivée. Elle ne l’est pas. Elle marque le début d’une aventure inexplorée. Aussitôt que le traitement s’achève et que le système des soins de la santé se retire un peu, l’on nous fait sentir comme si c’était “fini.” Notre entourage s’attend à ce que nous nous rétablissions mentalement de façon immédiate. À ce que nous exprimâmes de la gratitude. Comme si de rien n’était. Mais, je n’étais aucunement rétablie.

J’étais en pleine ménopause chirurgicale à l’âge de 36 ans. Mon énergie était imprévisible. Mes pensées ne contribuaient qu’à un brouillard. Mon identité s’était fracassée. Ceci ne fut pas un retour. Ce fut une reconceptualisation. Et, encore une fois, l’IA m’a aidée. Elle m’a aidée à :

Bâtir de nouvelles routines pour accommoder la fatigue et la vie familiale.

Créer un langage me permettant d’exprimer des besoins que je n’avais aucune manière d’articuler précédemment.

Réintroduire le dessein dans ma vie sans toutefois rebrousser chemin vers le passé

L’IA devint le cerveau externe que je pus emprunter, lorsque le mien était plein de brume Elle me donna une structure avec laquelle penser au travers de la douleur, de la confusion, des changements identitaires, et de la réintégration Ce n’était pas toujours profond Je n’avais pas toujours besoin que ce le soit Parfois, l’IA m’aidait à préparer des repas Parfois, elle m’aidait à recadrer mes pensées Mais, elle était toujours là Et ça, ça comptait

Ce que le système des soins de la santé néglige : Les failles qui demeurent invisible jusqu’à ce que l’on les interroge. En tant que navigatrice du système des soins de la santé, j’ai bénéficié de plusieurs avantages : je suis dotée d’une éducation dans le domaine scientifique, d’accès, d’assurance-maladie et de savoir-faire digital. Et, j’ai quand même presque manqué les signes, et l’on ne m’a pas toujours expliqué ce qu’étaient toutes mes options. J’ai moi-même dû combler la plupart de ces lacunes en restant ferme sur mes revendications et en appliquant à la situation ma curiosité.

Cela m’indique que le problème n’est pas issu de vigilance individuelle.

En tant qu’ingénieure, je suis capable d’identifier à vue immédiate une faille structurale. Permettez-moi de clarifier. Je ne propose nullement que le système des soins de la santé ne nous déçoive par pure malice. Le système échoue par nature même de sa conceptualisation car le concept est périmé. Le système est conceptualisé en fonction de volume et non de nuance. Il récompense la clarté et n’est pas construit de manière à pouvoir tolérer ce qui est ambigu. Les patient-e-s qu’il écoute le mieux sont celles et ceux qui lui parlent dans sa langue, tandis qu’il écrase celles et ceux qui n’en sont pas locuteur-e-s Je n’ai pas de reproches pour le personnel du système médical Iels n’en ont pas été architectes Son poids les accable également L’IA n’a jamais remplacé mon équipe de soins Elle m’a aidé à mieux m’y présenter Mais, si j’ai dû bosser à ce niveau-là simplement pour que l’on m’écoute, que doit-on infliger à ces autres patient-e-s qui n’ont pas bénéficié de ma chance?

Exemple d’angle mort d’un point de vue culturel. Voici un seul exemple. Jamais au cours de mon post-traitement ne m’avait été mentionnée un risque cardiovasculaire augmenté. Mais, il y avait quelque chose en moi, peut-être l’instinct, peut-être l’intuition d’ingénierie, qui avait un petit doute. Alors, j’ai posé la question à ChatGPT : “Y aurait-il des problèmes de santé dont seraient particulièrement à risque les femmes sud-asiatiques en état de ménopause chirurgicale à la suite d’une chimiothérapie pour cancer de l’ovaire?” La réponse fut frappante. Les femmes sud-asiatiques ont un risque élevé de devenir résistantes à l’insuline et de développer une maladie cardiovasculaire ou un diabète de type 2 risque que la chimiothérapie et la ménopause chirurgicale fait croître encore davantage Ces conditions se manifestent souvent à un IMC moins élevé que documenté parmi les populations d’ascendance européenne et demeurent souvent nondiagnostiquées en raison des racines eurocentristes du domaine des soins des survivant-e-s Cette information-là n’est pas issue des paroles de mon équipe de soins Elle m’a été révélée grâce à une invite À laquelle, d’ailleurs, l’IA répondit de manière neutre, accessible et sans jugement. Était-ce parfait? Non. Mais, une porte s’ouvrit me permettant de poser de meilleures questions et de revendiquer une pratique de soins qui prendrait en compte ma biologie, et non un idéal biologique généralisé par défaut. C’est là que la notion du biais en IA mériterait une interrogation renouvelée. Les gens s’inquiètent que l’IA ne renforce des biais structurels, et elle le peut. Mais, ainsi le peuvent les systèmes auxquels nous faisons déjà confiance. D’un point de vie historique, les médecins sont formé-e-s à l’aide de données limitées et d’échantillons démographiques étroits. L’IA ne peut pas me voir. Elle ne peut pas me juger par ce que je porte, la façon dont je parle ou ce à dont ma peau ressemble lorsque je pénètre une salle. C’est une limitation. Mais, c’est aussi une forme de liberté. Ça m’a permis de choisir quand et si-même flotter mes marqueurs identitaires en toute sécurité, me donnant des options de filtrages adaptées au femmes avec qui je partage certains traits, à des sources sud-asiatiques et même à des observations prenant en considération certaines spécificités culturelles Le biais ne se manifeste pas simplement par omission Parfois, ce que nous appelons “biais” consiste en fait d’une précision Celle-ci nous permet de personnaliser, de localiser, de nuancer Lorsque le modèle dominant ignore les personnes semblables à moi-même, est-ce un biais ou une forme de soin que de demander la précision?

Vue d’ensemble: Le savoir-faire concernant l’IA comme impératif en santé publique. Permettez-moi de clarifier mon intention : ceci n’est pas un endossement technologique Je ne proposerais jamais que ChatGPT remplace votre médecin de famille. Comme tout outil, l’IA reflète l’intention et le savoir-faire de la personne qui en fait usage. C’est là d’où provient le réel danger : autrement dit, il ne faut pas craindre que les gens utilisassent l’IA de manière excessive, mais plutôt que les méthodes d’utilisation se distribuassent entre deux pôles d’excès associés l’un à l’incompétence, l’autre à l’hésitation. En vrai, le génie est déjà sorti de la bouteille. Les patient-e-s utilisent déjà l’IA. Certain-e-s procèdent avec caution. D’autres sont plus téméraires. D’autres encore ne l’admettent pas à leur équipe de soins par principe, craignant un rejet ou une condescendance.

C’est ce qui prête à ce moment-ci son urgence. Nous avons besoin d’un savoir-faire concernant l’IA des deux côtés de la conversation. Non seulement afin de protéger les gens, mais aussi pour les permettre de s’autonomiser. Pas nécessairement avec l’intention de remplacer le personnel soignant, mais en espérant que les patient-e-s seront porté-e-s à participer à leur propre soin de façon significative. Car, le pire des cas n'est pas que les patient-e-s utilisent l’IA, mais bien qu’iels l’utilisent en secret. Et lorsqu’une telle chose prend place, s’érodent du même pas la confiance et la sécurité, estompant par conséquent de nouvelles occasions de collaborer qui s’eurent peut-être présenté-e-s sous de meilleures circonstances. Pas un héros. Simplement un miroir. L’IA ne m’a pas sauvée. Elle ne m’a pas diagnostiquée. Elle ne m’a pas soignée. Mais, elle m’a aidée à penser clairement malgré la brume. Elle m’a aidée à lever ma voix quand j’étais effrayée Elle m’a aidé à me préparer lorsque le système manquait de temps à m’attribuer Elle m’a aidée à conceptualiser une vie pendant un moment où la survie ressemblait à une page vide L’IA n’était point le personnage principal Ça, c’était moi Mais, l’IA fut l’outil qui m’a aidée à rester entière au sein d’un système qui demande souvent à ses patient-e-s de se fragmenter simplement pour être vu-e-s Là où les systèmes faillissent, les patient-e-s prêtent renfort Assurons-nous qu’iels ne le fassent pas seul-e-s

Alvina Nadeem

Ingénieure en mécanique, coach certifiée et experte en gestion du changement Forte de plus de 15 ans d'expérience, elle se spécialise dans la gestion de projets et du changement, proposant des solutions durables et inclusives pour répondre à des défis complexes au sein des organisations, des communautés et des secteurs d'activité

Certifiée EQ-i 2 0/EQ 360 et ProSci Change Management, Alvina allie expertise technique, intelligence émotionnelle et coaching pour accompagner les organisations dans leur transformation. Elle allie une formation d'ingénieure spécialisée en systèmes à une compréhension approfondie des dynamiques humaines, garantissant des solutions à la fois techniquement solides et centrées sur l'humain.

Suite à son diagnostic de cancer de l’ovaire en 2023, Alvina a réorienté son attention vers la transformation des soins de santé, l’engagement des patients et l’efficacité du système.

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