CLGB_REIMS#20

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Open Art Revue Octobre 2012

Reims

Š Baptiste Debombourg


L'accès du plus grand nombre Texte / Jean-Paul Ollivier, Directeur Régional des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne • Photo / © Crapaud Mlle

L

es dynamiques économiques, sociales et technologiques qui fondent notre époque transforment en profondeur la vie culturelle. Quelles conséquences le dérèglement climatique, la mobilité, l’allongement de la durée de la vie, l'évolution des revenus, l'innovation auront-ils sur la conservation du patrimoine, la visite des musées, le goût pour les concerts, la préférence pour les cultures numériques ou l’imprimé. Les modes d’accès aux œuvres, la formation des goûts, les mutations des rapports entre individus et sociétés que révèlent les nouveaux usages, les nouvelles pratiques sont autant de défis pour qui a la charge de décliner au plan régional les politiques culturelles de l’État, pour qui se trouve dans l’obligation de démontrer sa capacité d’anticipation et d’arbitrage, de rechercher les équilibres entre toutes les sources de légitimités, pour qui a affaire aux identités individuelles et collectives et au sens. Sans déserter le moins du monde le terrain des missions essentielles de la direction régionale des affaires culturelles au service de la langue, des mémoires, des monuments historiques et des trésors nationaux, des créateurs, des auteurs et des artistes, je voudrais insister ici et maintenant, c’est-à-dire en Champagne-Ardenne et en cette belle fin d’été 2012, sur deux enjeux qui requièrent une mise en débat, une mobilisation des compétences pour les relever, autrement dit des stratégies. Le premier de ces enjeux est celui de la transmission, du partage, celui d’une meilleure articulation entre offre et demande.

HERVÉ FORT

+ L'art du partage +

ERIC PILLOT

+ L'âme des animaux +

RÉMY BARCHÉ

+ Présenter différemment le réel +

RENAUD RIBET THE BOTS

+ Traces : Ruines du présent sur image +

+ La jeunesse du punk rock +

KAP BAMBINO

+ Énergique électronique +

MOST AGADN'T

+ Classe inclassable +

BAPTISTE DEBOMBOURG WAX TAILOR

51 rue de Talleyrand, Reims 03 26 47 49 85

Coiffure : Jean Noël • Photo : Crapaud Mlle

SINGTANK

+ Une star qui ne s'ignore pas +

+ Pop décomplexée, ironique et sensuelle +

PUNK SUR LA VILLE LEE JAFFE

+ Le souffle fragile des titans +

+ Metteur en son +

MICHEL VEDETTE

COIFFURE FILLES & GARCONS

Longtemps associée à la construction de nouveaux équipements, la structuration de l’action culturelle passe désormais par le renouvellement des formes de la médiation, notamment numériques, l’intégration des savoir-faire des publics et la prise en compte de leur curiosité, l’extension de l’éducation artistique et culturelle tout au long de la vie, l’aménagement de nouveaux espaces-temps favorisant le lien social par la culture, la valorisation des ressources du territoire. À l’heure où, de plus en plus confrontées à des contraintes budgétaires de long terme, les collectivités publiques doivent s'astreindre à dégager les grandes priorités culturelles sur nos territoires en Champagne-Ardenne, la capacité de l’ensemble des institutions publiques et privées (ministères, collectivités territoriales, Union Européenne, lieux de diffusion, associations, entreprises...) à se coordonner et à travailler en partenariat est absolument indispensable. Et c’est là le second enjeu de la période qui s’ouvre, celui de concevoir de nouvelles gouvernances de la politique culturelle fondées sur des logiques de dialogue et de partage, d’articulation des complémentarités, d’égalité. Les formes nouvelles de participation à la vie sociale corrélées à la diversité des aspirations personnelles, l’évolution de la hiérarchie des normes et l’accélération des réalités qu’elles cherchent à encadrer repositionnent les missions de l’État, en passe de devenir lui-même sur le territoire un médiateur et un intermédiaire tout en conservant naturellement sa fonction d’expertise.

+ Histoire d'un système anticonformiste +

+ Un artiste à part (entière) +

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GASTRONOMIE

HERVÉ FORT + DIRECTEUR GÉNÉRAL DU DOMAINE LES CRAYÈRES : L’ART DU PARTAGE + Texte /

Alexis Jama Bieri • Photo page 5 / © Atelier Michel Jolyot • Photos pages 6-7 / © DR

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ans l’imaginaire collectif, Les Crayères sont, par ignorance, imaginées comme un lieu luxueux et formel, réservé à une élite, un lieu fermé. Pourtant, Les Crayères c’est aujourd’hui tout autre chose. C’est d’abord un lieu exceptionnel, lové dans un parc de sept hectares avec une bâtisse de style érigée au début du XXème siècle par la famille de Polignac. C’est une adresse qui cultive un art de vivre à la française mâtiné de luxe et de légèreté, d’élégance et de décontraction. À la suite de la famille de Polignac, la famille Gardinier est devenue la gardienne de ce patrimoine et lui a donné au début des années 1980 sa vocation hôtelière, avec pour maxime « l’excellence ramenée à chaque détail ». Fin 2009, Hervé Fort est nommé directeur général du domaine, pour donner un souffle nouveau à ce lieu unique. Dès lors, le Domaine Les Crayères s’emploie à s’ouvrir sur la ville, à devenir un lieu où l’on vient, pour séjourner, se restaurer, ou tout simplement flâner dans son parc, et pour, peut-être, y écouter un concert ou y admirer des œuvres d’art. Car l’art est un univers auquel Les Crayères s’ouvrent de plus en plus, qu’il s’agisse de musique, de littérature ou d’art contemporain, indissociable de l’art de vivre que sait si bien prodiguer ce domaine à la fois classique et contemporain.

cu que les Crayères, c’est d’abord un lieu, une adresse, une position dans la ville, une histoire, un établissement connu un peu partout dans le monde et qui a été classé par Travel & Leisure comme « l’un des plus beaux hôtels du monde ». Quand on a la chance d’avoir un lieu qui dispose d’une telle image forte, il s’agit plutôt de casser la clôture qui le sépare du monde qui nous entoure. C’est ainsi que j’ai abordé le projet. Ces trois lieux fonctionnent, si l’on veut schématiser, comme un orchestre de chambre composé de plusieurs instruments mais qui jouent à l’unisson. Cela signifie que désormais il n’y a pas de séparation entre les lieux. C’est un lieu de vie envisagé comme un tout. C’est un lieu où tous les arts ont leur place et doivent s’exprimer, que ce soit la gastronomie, l’œnologie et tous les savoir-faire à la française qui composent les métiers en lien avec l’architecture classique du lieu, la musique, les arts plastiques et la littérature. C’est un lieu où chacun doit pouvoir venir pour le vivre pleinement et repartir heureux.

• Pouvez-vous vous présenter ? Hervé Fort, je suis le Directeur Général du Domaine Les Crayères depuis maintenant trois ans. J’ai 50 ans, je suis marié et j’ai quatre enfants. Je me qualifierais comme un homme libre. • Avec quel objectif êtes-vous arrivé aux Crayères ? Je suis venu relever le défi des Crayères par coup de foudre pour le lieu, afin de rendre une profondeur d’âme à cette maison qui l’avait perdue et redonner aux Champardennais le plaisir d’y revenir librement. • Qu’est-ce qui vous a attiré dans le lieu ? L’architecture de cette bâtisse, sa position dans la ville, son environnement, c'est-à-dire son parc de 7 hectares, sa distribution des différents bâtiments, la façon dont la pierre blanche prend la lumière et le spectacle du coucher de soleil tous les soirs. Ce lieu est un langage à lui tout seul ! • Vous veniez de quel domaine d’activité auparavant ? Avant de venir aux Crayères, j’étais consultant dans le domaine du conseil en marketing, en stratégie et en développement. J’avais plusieurs projets dans différents domaines. J’ai été précédemment président d’un groupe de distribution automobile (Jaguar, BMW, Audi), auparavant, j’ai été directeur général adjoint de Bang & Olufsen France. J’ai côtoyé des horizons différents : le monde de la hifi haut de gamme, l’univers de la distribution automobile. C’est à l’occasion de mes activités de consulting que j’ai rencontré la famille Gardinier, qui m’a sollicité pour réaliser un audit et observer ce qui était possible de faire avec Les Crayères. Il y avait alors beaucoup de questions qui se posaient : Qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on peut faire, qu’est-ce qui manque, qu’est-ce qui pourrait être le futur de ce lieu ? Ce qui est drôle, c’est que je n’avais pas prévu de venir m’installer et vivre ici. C’était une mission comme une autre et j’ai véritablement eu un coup de foudre pour le lieu, mais aussi pour la région, que je ne connaissais pas, avec comme langage international le champagne qui est lui aussi extrêmement attirant.

• Quelles sont les choses que vous avez modifiées dans le lieu ? Nous avons changé beaucoup de choses aux Crayères : Tout d’abord le Chef. Il s’agit d’un acte très fort dans une maison qui aura 30 ans de gastronomie en 2013 de changer un Chef, d’accepter de perdre 2 étoiles et de repartir à zéro. Pour moi c’était un passage obligé car cette maison avait besoin de se réinstaller en Champagne-Ardenne, de repartir d’une feuille blanche. C’était donc une sorte de stop and go. Aujourd’hui, il s’agit de réécrire les fondamentaux des différents métiers de cette adresse : l’hôtellerie, la brasserie, la gastronomie et de remettre à plat le savoir-faire de ces métiers : que met-on en place, est-ce qu’on a les bonnes personnes aux bonnes places, est-ce que la maison plaît toujours, est-ce que l’on vient facilement aux Crayères, comment est-on perçu, comment la société, la Champagne-Ardenne nous perçoit ? C’est toutes ces questions qu’il a fallu se poser pour retrouver notre identité et redonner envie aux gens de venir, je dirais même, redonner envie à nos

équipes de venir travailler. À partir du moment où l’on part d’une feuille blanche, on réécrit l’histoire. Il s’agit aussi de réécrire cette histoire sans la déformer ni la détourner de la Champagne-Ardenne. J’ai pourtant un peu l’impression que c’est ce qui avait, hélas, été fait dès la fin de la période Boyer. Venant de Paris, j’ai souvent pris l’exemple de la tour Eiffel. Pour un parisien, on la voit de jour et de nuit positionnée dans la ville et à force de passer devant on n’y va plus. C’était un peu la situation des Crayères, car c’était un lieu où l’on n’allait plus que pour des célébrations formelles comme une communion, un baptême ou un mariage. Mais si nous ne devions vivre qu’avec ça, nous serions mort ! • À cette adresse, il y a trois entités. Quelle est la spécificité de chacune et à quel type de clientèle s’adressent-elles individuellement ou collectivement ? Si j’avais pris comme stratégie d’aborder classiquement le futur du Château Les Crayères, je pense que cela aurait été une erreur. Je suis convain-

• C’est donc dans cette optique d’ouverture que vous organisez des concerts dans le parc lors de la fête de la musique et des flâneries musicales ? Tout à fait ! Notre métier c’est avant tout de donner du plaisir, de partager des émotions à cette adresse. Mais il faut que les événements soient de grande qualité et en adéquation avec le lieu. Par exemple, nous n’avons pas souhaité accueillir de concert des nouvelles flâneries musicales en 2011 car, en accord avec l’architecture du château, le lieu, je désirais que soit proposé un concert de quatuor à cordes, tandis que le programmateur d’alors avait décidé d’y faire jouer un concert d’accordéon et de percussions. Pour les flâneries musicales 2012, le nouveau programmateur du festival nous a proposé un concert du violoniste Nemanja Radulovic, et ce fut un très grand moment d’émotion musicale, en symbiose avec l’écrin dans lequel il s’exprimait ! Il n’empêche que nous organisons aux Crayères des événements de tous types de musiques : jazz, rock et musiques électroniques à d’autres moments. Ce qui me fait plaisir à chaque événement, à travers la musique,

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GASTRONOMIE

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« Notre métier c’est avant tout de donner du plaisir, de partager des émotions. » des choses extraordinaires en Champagne-Ardenne. C’est notre métier de le faire savoir et dans cette mission, nous sommes soutenus par le président de la Région.

à travers la culture, c’est de partager des émotions, et c’est surtout de voir l’étonnement des gens de pouvoir facilement venir aux Crayères. Avec notre politique d’ouverture, de plus en plus de personnes viennent pour vivre le lieu, simplement prendre l’air dans le parc, se photographier, ou prendre un verre. • Quelle est votre définition de la générosité ? Le langage de la générosité, au-delà des actes matériels, c’est le langage des hommes et de l’échange. C’est quelque chose de comportemental et d’humain. Par exemple, lors d’un recrutement, si j’ai la possibilité de choisir entre deux personnes, je vais prendre celle qui est dans le don de soi, le sourire, la générosité de ces métiers du service qui passent d’abord par le partage, le plaisir de vivre le lieu, la fonction avec une aisance naturelle autour de l’échange et du sourire. C’est très difficile à trouver car nous n’avons pas le temps, dans notre métier, d’expliquer à des gens comment ils doivent être. L’humain est la clé de la réussite de cette adresse. Je crois que la première chose que l’on voit sur le visage des personnes qui viennent ici, c’est ce sourire, ce plaisir qu’ils ont d’être là. Le collaborateur doit aussi porter ce message à travers son visage et son émotion. Depuis trois ans, nous avons réalisé un travail formidable qui est de redonner de l’attachement au lieu à nos collaborateurs. Nous le sentons et le vivons à travers les messages que nous laissent les clients sur les questionnaires de satisfaction qui sont très souvent en direction du personnel. Ce qui me fait plaisir c’est lorsque nos clients nous appellent pour être à la table « de », c’est-à-dire pour être servi par l’un de nos collaborateurs en particulier, car c’est créer un lien, un échange, une confiance. C’est un travail, que d’être au service du client, car je crois qu’on a plus que jamais envie d’être cocooné, de se sentir aimé et compris. J’interviens à Sciences Po Reims sur le sujet de la fidélisation dans le luxe. C’est un vrai langage. Effectivement, c’est facile d’avoir tous les outils, mais l’essentiel, c’est de vérifier que l’ADN de l’entreprise soit compris par chaque collaborateur pour que l’outil soit à la bonne place, au bon moment. Et puis, la générosité, c’est aussi offrir des événements à nos visiteurs, prévus ou imprévus, des moments uniques et des instants magiques de partage. • Vous avez gagné une seconde étoile pour le restaurant le Parc en 2012. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur Philippe Mille, le Chef du Domaine Les Crayères depuis décembre 2009 ? J’avais envie de tourner une page de cette maison, de la rafraichir. Philippe était second du Meurice, un grand palace parisien. Il venait de collaborer pratiquement huit ans avec un Chef avec lequel il était passé de une à trois étoiles. L’expérience de Philippe était là, car un Chef et un second, c’est un binôme. Par ailleurs, il était à l’époque le dernier Chef le plus titré de France en gagnant le concours national de cuisine artistique et il était (et l’est encore au-

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• Combien de personnes sont accueillies au Domaine Les Crayères chaque année ? Les deux restaurants accueillent environ 70 000 clients par an. Il faut ajouter à ce chiffre 2 000 personnes pour la soirée blanche lors de la fête de la musique et autant lors des flâneries musicales, sans compter les clients des vingt chambres de l’hôtel et le public des autres événements que nous organisons. Pour une ville de la taille de Reims, c’est énorme, mais ce volume de clientèle correspond à ce qu’offre cette demeure, qui emploie 120 salariés.

jourd’hui) le dernier français médaillé aux Bocuses d’or. C’est donc un Chef dont je connaissais la qualité, qui était connu du milieu gastronomique, mais pas connu du public. Pour moi, il avait la maturité pour prendre une maison. Il correspondait à l’objectif que je m’étais donné pour cet établissement : un Chef qui a une maîtrise classique, mais avec une main d’aujourd’hui, capable d’avoir sa vision, ici en Champagne-Ardenne. Le cahier des charges était simple : on a du temps, vous êtes libre, on veut une cuisine française autour du produit et du goût. Pour Les Crayères, c’est une chance d’avoir Philippe Mille car c’est quelqu’un qui a un potentiel incroyable, proche des équipes, proche de cette région et qui s’y est investi (Les Crayères travaillent aujourd’hui avec près de 100 producteurs régionaux). Philippe était la seule et unique réponse à ce que nous souhaitions en matière d’excellence culinaire pour Les Crayères. • Pensez-vous avoir réussi à donner la même notoriété aux Crayères qu’à l’époque de Gérard Boyer ? Gérard Boyer, c’est vingt ans aux Crayères, et nous sommes dans ce projet depuis seulement trois ans. J’ai envie de dire que nous sommes au début d’une belle histoire. Nous n’avons pas oublié ce qui a été fait ici, et mon rôle est de le préserver. Aujourd’hui, c’est une richesse et un cadeau de s’appeler Les Crayères, car ce nom a longtemps impacté le monde de la gastronomie. Tous les ans, pour célébrer l’histoire des Crayères, Gérard Boyer vient cuisiner en novembre, jusqu’à la fermeture de décembre le « Menu des quatre chefs », appelé « Transmission et Partage ». Gérard Boyer a formé des grands Chefs comme Alain Passard (3*) ou Frédéric Anton (3*). Tous les ans, Gérard Boyer, Alain Passard, Frédéric Anton et Philippe Mille se réunissent pour élaborer le menu d’une soirée magnifique qui aura lieu cette année le 13 novembre. Et puis, aujourd’hui, comme je le disais précédemment, j’ouvre un peu plus le Domaine Les Crayères à l’art, notamment contemporain, en exposant des œuvres. Également à la musique, en accueillant des concerts. Nous sommes dans un rythme plus rapide que prévu, car

nous n’avions pas imaginé avoir une deuxième étoile si rapidement au restaurant gastronomique Le Parc. En tout état de cause, ce qui importe, c’est d’avoir chaque jour des clients satisfaits, et c’est un long travail, d’autant plus qu’un nouveau phénomène est arrivé avec internet et qui révolutionne la communication, l’échange, et qui nous impose de développer notre e-marketing. Cela n’existait pas il y a vingt ans. • En étant de plus en plus novateurs dans le domaine des traditions gastronomiques régionales ? La région s’inscrit ici. Nous travaillons avec toutes les maisons de champagne, aussi bien les grandes maisons que les vignerons indépendants. La volonté du Domaine Les Crayères est d’être l’ambassadeur de La Champagne. Nous nous devons d’avoir ici les grandes maisons de champagne connues et reconnues à l’échelle internationale mais également les vignerons indépendants qui créent leur propre vin avec leur propre vision, une jeunesse et une volonté de partage de leurs émotions en produisant des vins de qualité. Le Domaine Les Crayères est un lieu qui vit sa vie tout doucement, au cœur de son territoire, et qui a mis en place un marché avec près de 100 producteurs de la région : nous avons par exemple une femme qui produit du safran, un homme qui a réintroduit les écrevisses à pattes rouges…Ces gens-là sont aussi des artistes dans leur domaine, sauf qu’on en parle jamais ! Nous avons par ailleurs mis en place notre jardin où nous faisons pousser nos propres légumes et nous y organisons chaque année un événement autour des producteurs, avec la mise en place d’un village constitué d’éventaires loués à la ville de Reims. Cet événement aura lieu pendant la semaine du goût. C’est une vraie fête de la Champagne-Ardenne, de son terroir et de sa richesse. Nous avons déjà doublé le nombre d’exposants en deux éditions. Ceci correspond à notre conception de la générosité, car nous offrons à ces producteurs la possibilité de s’exprimer et de se rencontrer aux Crayères. Nos clients sont ravis de partager ce rendez-vous, ravis de voir que l’on produit

• Qu’avez-vous prévu dans le domaine artistique au Domaine Les Crayères pour la saison culturelle 2012-2013 ? Lorsqu’on installe une œuvre d’art contemporain forte sur la terrasse, les clients ont une réaction de surprise et d’admiration, et c’est cette réaction que l’on veut susciter chez nos clients et visiteurs. Nous avons créé à la rentrée de septembre le « Jardin des Arts » avec Gérard Lemarié. C’est un événement mensuel qui accueille un philosophe, un chanteur, un auteur … qui viennent à la rencontre du public à la Brasserie le Jardin. Des dates sont d’ores et déjà programmées avec Luc Ferry, Victor Lazlo, Bernhard Weber et Alain Chamfort. Aux Crayères, nous souhaitons que l’art puisse s’exprimer librement, sans frontières ni obstacle, qu’il soit question d’œnologie, de cuisine, de musique, de littérature ou d’art contemporain. C’est dans cet état d’esprit de partage impromptu que Thomas Dutronc vient ici jouer en off trois ou quatre concerts par an, avec juste une contrebasse et sa guitare, en acoustique sous le péristyle du Château Les Crayères. C’est une volonté que de le faire ainsi, pour les amis, les clients et les partenaires de notre maison. C’est un énorme succès à chaque fois, avec jusqu’à 200 personnes pour ce cadeau qui nous est offert et nous passons des moments extraordinaires ! Nous organisons également des soirées cabaret à la Brasserie Le Jardin, c’est un cabaret à la Parisienne, car on monte une scène, on dresse les tables en arc de cercle avec de petites bougies pour les éclairer et le public participe. C’est également dans cet esprit de partage sans frontières que nous avons mis en place un menu spécial en 2012 imaginé par Philippe Mille autour des titres du nouvel album de Barcella « Charabia ». Le Domaine Les Crayères est un lieu qui vit de toutes ces émotions !

www.lescrayeres.com

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ERIC PILLOT + L’ÂME DES ANIMAUX + Texte /

Alexis Jama Bieri • Photos / © Eric Pillot

« Ce pouvoir que peut

avoir la photographie de provoquer l’imaginaire par une représentation très directe du réel me fascine

»

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e prix HSBC pour la photographie récompense chaque année deux photographes qui bénéficient alors chacun d'une exposition itinérante de leurs œuvres dans plusieurs lieux culturels en France et/ou à l’étranger et de la publication d'une monographie éditée aux Éditions Actes Sud. Par ailleurs, HSBC France fait l’acquisition de six œuvres minimum de chacun des lauréats pour son fonds photographique. À l’occasion du prix 2012, 500 photographes ont participé au concours et ont envoyé près de 10 000 photographies. Le photographe Éric Pillot est l’un des deux lauréats de l’édition 2012 de ce prix prestigieux. Né en 1968 dans le Pas-de-Calais, il vit et travaille à Paris. Après des études dans un tout autre domaine que la photographie (École polytechnique et agrégation de mathématiques), il acquiert les techniques de la photographie auprès de Bernard Plossu, Paul den Hollander et Jean-Claude Bélégou. En 2004, il effectue sa première série sur l'animal, en photographiant des ours polaires évoluant sous l'eau. Il s'intéresse ensuite à l'architecture et aux installations des parcs zoologiques, dans une approche beaucoup plus poétique que documentaire. En visitant de très nombreux zoos en Europe, il effectue ainsi les séries « Zoos », en noir et blanc, et « In Situ », travail commencé en 2010 et toujours en cours, réalisé en couleur. Ses images sont très régulièrement exposées et publiées depuis 2009. Une attention particulière est accordée au travail de tirage. Éric Pillot est représenté pour le thème animal, pour la France et l'Asie, par la galerie Pierre Dumonteil, Paris et Shanghai. Ses œuvres sont visibles dans les prochaines expositions organisées dans le cadre du prix HSBC pour la photographie : « Leonora Hamill & Éric Pillot, Lauréats 2012 du Prix HSBC pour la photographie », Maison de la Photographie, Toulon du 5 au 27 octobre 2012 ; Galerie Arrêt sur l´image, Bordeaux du 8 au 30 novembre 2012 ; Le Lieu Unique, Nantes - du 8 décembre 2012 au 6 janvier 2013.

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• Comment êtes-vous arrivé à la photo ? Je suis venu à la photographie tardivement. Alors que je m’étais engagé dans une tout autre voie, scientifique, j’ai ressenti un jour le besoin et une envie très forte de mener une recherche artistique. Cela m’est arrivé d’abord par la musique, notamment le jazz que j’ai pratiqué, puis via la photographie, qui l’a emporté. Le fait d’avoir vu enfant mon père, photographe amateur, effectuer des tirages en chambre noire, un moment magique, a certainement dû également laisser des traces, même si je n’ai fait quasiment aucune photo pendant trente ans. J’expose régulièrement maintenant depuis plusieurs années, en France et à l’étranger. L’animal occupe pour l’instant une place majeure dans mon travail. Je pense qu’il constitue notamment pour moi une figure de l’«autre » et une porte d’entrée privilégiée vers l’imaginaire. • Votre bestiaire, placé dans un décor naturel factice et un décor urbain réel est-il un moyen de placer la société contemporaine devant ses contradictions (entre préservation et destruction) ? Mes images ne sont pas à prendre dans un sens littéral, mais il y a de cela : l’homme fait partie de la nature,

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mais on en doute parfois… Ce que nous allons faire dans les années qui viennent de notre environnement est vraiment une question d’actualité. • Est-ce un hymne à la liberté ? Quelle marge de manœuvre avons-nous sur cette terre, au sein de la culture dans laquelle nous avons grandi, vis-à-vis des autres et pour nous-mêmes ? C’est une question très importante pour moi. Par ailleurs, le fait de représenter une série d’êtres aussi différents qu’un ours polaire et un gibbon par exemple est également un hymne à la diversité. • Vos photos, par le cadrage et une esthétique très froide, accentuent l’idée d’isolement, de solitude de ces animaux sauvages. Alors si la solitude est le premier sentiment auquel l’on pense face à l’enfermement, ne peut-on aussi imaginer un parallèle entre liberté et solitude ? Je souhaitais effectivement que la personne qui regarde les images de cette série soit confrontée à un animal seul, comme à elle-même. Les enclos sont pour moi aussi comme un monde intérieur, celui de nos pensées, de nos doutes, de nos espoirs. Enfin, on peut penser que « l’enfer, c’est les

autres », mais ça ne semble pas si simple, heureusement. L’empathie, l’amitié, etc… nous sont, je pense, tout à fait indispensables. Et j’essaie, via mes images, de trouver une forme de proximité avec ces animaux sauvages. • Dans vos photographies on ne sait pas très bien s’il s’agit d’un reportage sur les animaux « conservés » au zoo ou de mises en scène. Le regard semble perdu, déstabilisé entre réel et irréel… Il n’y a aucune mise en scène dans mes images, mais je souhaitais cet entre-deux. Ce pouvoir que peut avoir la photographie de provoquer l’imaginaire par une représentation très directe du réel me fascine. J’aime beaucoup et j’espère toujours au moment de la prise de vue ce moment où les choses basculent, en restant ancrées dans une sorte de réalité ordinaire. • Cette vision de la nature nous raconte toutefois quelque chose de très poétique. Quelle place lui donnez-vous ? Occupe-t-elle une place majeure dans votre univers ? Elle occupe en effet une place privilégiée dans mon travail, alors que beaucoup de photographes travaillent plutôt actuellement sur des

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choses urbaines. La nature, avec ses plantes, ses animaux, fait l’objet chez moi d’une certaine fascination, par ses formes et son infinie variété. Elle résonne sans doute aussi avec la question de nos origines, et d’un espoir possible pour le futur. Mais je ne saurais le définir encore précisément par des mots : « Si on peut le dire, pourquoi le peindre ? » disait Francis Bacon. • Les zoos, de par leurs programmes d’élevage, cherchent à maîtriser la disparition des espèces en voie d’extinction, pensez-vous que cela soit indissociable du côté « Parc d’attractions » ? N’est-ce pas une contradiction ? Vous avez sans doute déjà parcouru, au Jardin des Plantes à Paris, la galerie où sont présentés des spécimens empaillés d’animaux maintenant disparus. Ça a quelque chose de terrible et de très émouvant. Je trouve bénéfique que les zoos, largement financés par leurs entrées, puissent à leur manière contribuer à la préservation de certaines espèces. Il semble aussi, d’après les spécialistes, que depuis une vingtaine d’années les zoos évoluent, et dans un sens plutôt favorable aux animaux. Les plus gros efforts pour les animaux sauvages sont sans doute à faire aussi par d’autres ailleurs, sur le terrain, « in situ ».

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• L’évocation de ce paradoxe n’est-elle pas une critique du voyeurisme de la société du spectacle ? Il est vrai que dans les zoos, en général, les enclos sont faits pour que l’animal y soit visible, et ne lui offrent que très peu de possibilités de se cacher (même si certains zoos présentent aussi maintenant de grands enclos extérieurs boisés, pour des fauves par exemple, mais alors on peut presque passer la journée à scruter les branchages sans voir l’animal…). En tout cas, dans mon esprit, je donne via mes images une certaine dignité, une certaine prestance à l’animal vu dans cet environnement créé par l’homme. Je ne sais pas si nous, les hommes, sommes toujours aussi dignes dans ce que nous montrons de nous, dans certains spectacles télévisuels par exemple, mais je connais mal ces programmes.

• Quels sont vos projets à venir ? Je compte poursuivre ma série « in situ » avec d’autres animaux et aussi dans des pays plus éloignés, qui ont une perception de l’espace ou un rapport à l’animal différents du nôtre, par exemple aux États-Unis, dans les pays de l’Est ou en Asie. Par ailleurs, je travaille en ce moment sur une série de portraits de poissons, en noir et blanc, et je recommence à photographier des plantes.

• La protection implique-t-elle nécessairement un assujettissement ? Ou dans quelle mesure confort (plus de prédateurs, une nourriture assurée,…) et liberté sont-ils compatibles ? On peut espérer que pratiquée dans un profond souci d’autrui, la protection laisse une place à l’être qui en bénéficie. Et il y a des réserves en Afrique…. www.ericpillot.com

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COMÉDIE DE REIMS

COMÉDIE DE REIMS

PUBLI-RÉDACTIONNEL

RÉMY BARCHÉ + PRÉSENTER DIFFÉREMMENT LE RÉEL + Texte /

Alexis Jama Bieri • Photo / © Jonathan Michel

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ouvel arrivant dans le collectif artistique de la Comédie de Reims, Rémy Barché a étudié les arts du spectacle à l’université de Bordeaux III puis la mise en scène à l’école supérieure d’art dramatique du Théâtre National de Strasbourg. Après avoir mis en scène un premier spectacle de sortie des classes de la Comédie en juin 2011, il intègre la maison de théâtre rémoise en 2012, avec la mise en scène des Boulingrin de Courteline, un spectacle présenté dans le cadre de l'opération « Du théâtre près de chez vous » de la Comédie. Sa mise en scène s’applique à créer un rapport palpable avec l’humain, celui imaginé du plateau, celui réel de l’artiste, dans une dimension particulièrement plastique.

• Comment as-tu découvert le théâtre et qu’est-ce qui t’a conduit à la mise en scène ? J’ai commencé le théâtre lorsque j’étais au CM2. Je jouais un rôle dans le spectacle de l’école, et j’ai adoré ça, alors ma maman a créé une troupe de jeunes amateurs de théâtre dans le village où j’ai grandi et j’en ai fait pendant des années en tant que comédien. Je me souviens très précisément du moment où la mise en scène a commencé à m’intéresser. Plus tard, au lycée, j’ai vu Sleepy Hollow de Tim Burton au cinéma, et j’ai pris conscience que la mise en scène pouvait être un moyen d’expression. Jusqu’alors, je l’envisageais surtout comme un art de l’agencement, mais dans ce film, il était évident que le réalisateur donnait accès à un monde intérieur profond et étonnant. C’est là aussi que j’ai commencé à aimer voir plusieurs films du même réalisateur, et ça m’a passionné de mettre en lien des récurrences, des obsessions. Mais je ne me suis vraiment mis à la mise en scène qu’à la fac, lorsque mes professeurs m’ont dit que j’étais un mauvais comédien. • Quel est le théâtre que tu apprécies particulièrement ? Je peux aimer des types de spectacle très différents, mais je me rends de plus en plus compte qu’il est essentiel pour moi de voir un théâtre qui accorde de l’importance au travail d’acteur. C’est quand même ce qui reste le plus troublant au théâtre, ce qui lui donne une fragilité exceptionnelle qu’aucun autre art ne peut provoquer. Deux metteurs en scène morts dont je regarde en boucle les captations de spectacle : Klaus Michael Grüber et Giorgio Strehler. Deux metteurs en scène vivants que j’aime beaucoup : Daniel Jeanneteau et (c’est bête à dire mais c’est vrai) Ludovic Lagarde. Ce sont quatre metteurs en scène qui ont en commun d’avoir construit une esthétique raffinée et personnelle, qui utilise tous les moyens du théâtre pour suspendre le réel et transporter le spectateur dans un monde particulier, mais cette esthétique est toujours au service de l’acteur. Elle sert au final à projeter sa présence encore plus fort. • Quelles collaborations artistiques as-tu déjà réalisées ? Eh bien, j’ai justement eu la chance de pouvoir assister Daniel Jeanneteau et Ludovic Lagarde, dont j’aimais le travail longtemps avant de les rencontrer. • Au-delà, as-tu envie de travailler en liaison avec d’autres esthétiques et d’autres formes d’art ? Le lien avec les autres arts se fait toujours assez naturellement, dans la mesure où le théâtre implique un langage d’images, de sons, de mots, de mouvements… Mais je compte bientôt m’intéresser plus particulièrement au lien entre la peinture et le théâtre.

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« Le théâtre

est là aussi pour provoquer de la discussion, rendre moins seul

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D’abord dans le cadre d’un stage que vais donner à la Comédie, puis dans un projet que je mettrai en scène en 2014. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’il peut y avoir de théâtral dans la peinture : pas forcément l’image, le résultat, mais l’acte de peindre. Il y a du théâtre dans la façon dont Pollock travaillait, ou dans les performances d’Yves Klein. • Quel est le propos de Boulingrin de Courteline, qui fait partie de la programmation hors les murs de la Comédie de Reims ? C’est un vaudeville très court de la fin du 19ème siècle. Un pique-assiette nommé Des Rillettes est invité à prendre le thé chez les Boulingrin, un couple qu’il a rencontré quelques jours plus tôt à un repas mondain. Il espère pouvoir profiter à l’excès de leur hospitalité et compte bien revenir régulièrement pour manger gratis. Sauf que le couple charmant qu’il a cru rencontrer vit en fait un véritable enfer conjugal, et Des Rillettes se retrouve très rapidement au milieu d’un champ de bataille. Il se fait martyriser et la soirée devient une torture pour lui. • À l’occasion de cette mise en scène, comment astu appréhendé le sujet de la pièce et le chantier à mener ? Je n’avais jamais travaillé sur une pièce qui repose ouvertement sur un ressort comique. Lorsqu’on aborde le genre du vaudeville, on a dans la tête toute une série de clichés et de préjugés dont il faut se défaire pour atteindre le cœur du texte. Le danger c’est de jouer un genre de théâtre avant de s’intéresser à l’histoire qu’on raconte. J’ai donc tout de suite dit aux acteurs que ce n’était pas grave si on

n’était pas drôles tout de suite, qu’il fallait vraiment jouer le sens des répliques, avec toute la noirceur et la violence qu’elles contiennent. On s’est fixé un petit rituel pour nourrir le travail : chaque soir, on regardait un épisode de Scènes de la vie conjugale, la série réalisée par Ingmar Bergman (qui n’est pas l’homme le plus drôle du monde !). On en reparlait tout le temps en répétition pour nourrir les rapports très tendus du couple Boulingrin. Une fois que le travail sur le sens nous a paru assez dense, on a veillé à devenir plus légers, parce que cette légèreté raconte quelque chose aussi. Ce n’est pas seulement une manière de divertir, elle fait partie de la vision du monde qu’a Courteline. • Était-ce comme un défi de monter une pièce dans la rue, ou du moins dans un espace qui abolit le rapport scène/public ? Ce qui est le plus difficile je trouve, c’est de jouer pour des publics très différents. Lorsqu’on joue dans un théâtre, le public peut être très hétérogène, mais le lieu fait « autorité » et crée automatiquement une réunion éphémère. Cette petite forme va tourner dans des lieux très divers, et il est évident qu’il n’aura pas le même sens dans une école de design qu’au Café du Palais ou dans une maison de quartier. Il me semble que c’est un exercice très difficile pour les acteurs : faire avancer chaque représentation avec le public, quand celui-ci diffère tellement à chaque fois dans sa composition. • Tu as par conséquent mis en place un dispositif innovant pour la scénographie ? Ce qu’on amène est très simple : une table, deux chaises et un tapis

(pour ne pas salir les endroits où l’on joue !). L’idée est de faire en sorte qu’à chaque fois la situation de la pièce résonne avec le lieu où l’on se produit. La première a eu lieu dans une salle de ventes aux enchères : un endroit rempli de vieux meubles, de tableaux et de lustres suspendus. L’endroit faisait vraiment rêver et penser à l’intérieur bourgeois du couple Boulingrin. Le lendemain, nous avons joué lors de l’inauguration d’un centre culturel. Nous nous sommes installés juste devant le buffet abondant, et il était tout à fait crédible qu’un pique-assiette débarque là-dedans ! Et à chaque fois, nous jouons très près du public, dans une fragilité de rapport qu’il serait difficile de retrouver dans un théâtre. • Qu’est-ce qui t’influence spécialement dans ton travail de mise en scène ? C’est une question difficile parce que je crois que beaucoup de choses qui m’atteignent se retrouvent forcément sur le plateau, mais ça n’est pas toujours conscient. Il est évident que certaines œuvres, qui m’ont bouleversé, me servent de compagnes de route à chaque projet : je ressors Bergman à chaque fois, je ne peux pas faire autrement. Certains épisodes marquants dans ma vie, pas forcément des choses spectaculaires d’ailleurs, mais aussi des moments infimes qui ont déterminé mon rapport au monde peuvent avoir une influence. Ce qu’il faut dire aussi, c’est qu’au théâtre, on n’est pas tout seul : l’imaginaire que l’on crée sur un plateau, c’est celui d’une équipe. Je pourrais donc dire que ce qui m’inspire d’abord, ce sont les gens avec qui je travaille, et particulièrement les acteurs, quand je les regarde dans la vie. • Quel rôle y jouent les costumes, la bande-son et la lumière ? L’économie de certains projets fait qu’on ne peut pas toujours pousser cet aspect du travail. Mais lorsque j’en ai les moyens, j’aime creuser une esthétique, fabriquer un monde. Le théâtre est un endroit d’où l’on peut regarder le réel de manière un peu différente, décalée, et la lumière, le son… sont des moyens pour déplacer la perception du spectateur. • Quel rapport avec le public souhaites-tu justement développer ? Avec les Boulingrin, c’est un rapport au public très proche, qui dans certains lieux entoure les acteurs. J’aime de plus en plus cette proximité parce qu’elle crée de la vie, du présent, un rapport immédiat avec le spectateur. C’est plus difficile de trouver cela dans une salle avec un rapport frontal, qui anesthésie parfois le rapport à la représentation. Mais j’essaie toujours de faire en sorte que les spectateurs aient accès à quelque chose de vivant, c’est-à-dire aux acteurs !

• Quelle est l’importance que revêt, pour toi, la médiation autour du théâtre ? Elle est essentielle. Il ne s’agit pas de dire que l’on peut tout expliquer du travail que l’on fait, car beaucoup de choses sont inconscientes et sont belles tant qu’elles restent informulées. Mais je crois aussi que si l’on s’intéresse au public, il faut savoir l’accompagner dans le regard qu’il peut porter sur les spectacles. Je crois que l’art est grand quand il bouscule, provoque, interpelle. Pour beaucoup de gens, cette idée n’est pas simple à accepter. Pourquoi se faire bousculer ? Je comprends tout à fait que certains spectateurs aient l’impression que c’est parfois gratuit, arbitraire, et je pense que la parole des artistes peut aider à comprendre la nécessité de certains gestes qui semblent parfois difficiles à recevoir. Et puis, le théâtre est là aussi pour provoquer de la discussion, rendre moins seul. • Si tu devais traduire en une phrase ta mise en scène des Boulingrin, quelle serait-elle ? Nous avons humblement essayé de restituer la manière violente et gaie qu’a Courteline de saisir la bêtise et la méchanceté humaine.

• Peux-tu nous parler de ton projet, que tu évoquais plus tôt, de mise en scène à la Comédie en 2014 ? J’aimerais mettre en scène une pièce de Werner Schwab qui s’appelle Le Ciel mon amour ma proie mourante. Schwab est un auteur autrichien très étonnant qui a écrit tout son théâtre au début des années 90. C’est un sculpteur-punk-bûcheron qui a inventé un langage, à la fois poétique et vulgaire, et créé un monde d’obsessions très drôle et émouvant. La pièce raconte le parcours d’un peintre qui perd son inspiration à partir du jour où il tombe amoureux et qu’il rencontre le succès. Elle tourne autour de la question suivante : est-ce qu’un artiste a le droit d’être amoureux et d’être aimé ? Elle est aussi une magnifique réflexion sur la création, la peinture et l’écriture. C’est une pièce complètement folle, un voyage dans l’histoire de la peinture, une confession intime bouleversante. C’est un des plus beaux textes que j'aie jamais lu et je serais très heureux si le projet pouvait se faire.

Les Rendez-vous de la Comédie

"DU THÉÂTRE PRÈS DE CHEZ VOUS" Du 14 septembre au 30 octobre, la Comédie s’installe aux quatre coins de la ville et de la région avec deux créations inédites et légères : petites formes décalées et théâtre tout terrain. Mises en œuvre par le Collectif artistique de la Comédie, vous pouvez découvrir ces propositions dans des lieux et décors très différents : un café, une bibliothèque, un centre culturel, un lieu historique rémois, une maison de quartier ou encore un restaurant universitaire… Le théâtre vient à votre rencontre !

LES BOULINGRIN

De Georges Courteline • mise en scène Rémy Barché

MUSIC-HALL

De Jean-Luc Lagarce • mise en scène Chloé Brugnon

Et aussi ...

L’ENCYCLOPÉDIE DES GUERRES se délocalise à la médiathèque Jean-Falala Représentation exceptionnelle le mercredi 17 octobre à 20h00

Retrouvez toutes les dates sur www.lacomediedereims.fr Réservation conseillée au

03 26 48 49 00

rp@lacomediedereims.fr

RÉ MY BARCHÉ - 15


EXPOSITION

EXPOSITION

« Faire partager

RENAUD RIBET

une curiosité pour ces lieux insolites parce que laissés à l'abandon

+ TRACES : RUINES DU PRÉSENT SUR IMAGE + Texte /

Alexis Jama Bieri • Photo / © Renaud Ribet

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es espaces urbains en dégradation, des bâtiments abandonnés, une impression de fin de civilisation dans des lieux désertés, qui ont laissé place aux fantômes d’un monde pratiquement révolu. Perspective effrayante, qui interroge sur la fin des civilisations, leur déclin, notamment à la suite de la crise économique, leurs

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apports et leurs travers. On perçoit une société qui jadis vécut en ces ruines, avec ses perspectives, ses joies et ses souffrances. Ces photographies nous lèguent un instantané figé de cette plongée presque archéologique dans les entrailles des XXe et XXIe siècles. Ces visions des vestiges d’un monde disparu ont déjà été brillamment fixées à travers

l’objectif des photographes Yves Marchand et Romain Meffre à propos de Detroit, ville postindustrielle du nord des États-Unis, imprégnée des stigmates de la crise de son industrie, jadis prospère. En France, le photographe Renaud Ribet fixe en images ses diverses explorations de lieux désaffectés et difficiles d’accès. Il réalise de l’art urbain, brut et sans

concession, qui se joue des limites qu’il défie pour témoigner, entre reportage de terrain « en guerre » et recherche d’une esthétique artistique. Du 26 octobre au 3 novembre 2012, la Galerie du Cardo à Reims expose les photographies de Renaud Ribet. • Pouvez-vous nous parler de l'exposition "Traces" que vous présentez dans votre lieu du 26 au 3 novembre 2012 ? Pascale Loufrani : L'exposition "Traces" est une série de photogra-

phies 30x40 sur Dibon de Renaud RIBET, un jeune photographe de 23 ans qui vit en région parisienne et qui est membre d’URBEX. URBEX est un collectif de 50000 personnes en France (et d’autres dans le monde) qui munies d’un appareil photo et d’une certaine éthique vont explorer des lieux désaffectés difficiles d’accès et parfois dangereux. Leur éthique vise à ne rien prendre sauf des photographies, et à ne rien laisser sauf des empreintes de pas. Les images sont brutes et quelquefois mises en scène. Elles peuvent nous convier à l’exploration d’une ancienne papeterie, d’un vieux sanatorium, d’une centrale électrique, d’une usine à savon, d’un centre aéré, d’un château ou d’un vieux théâtre. C’est toujours une visite de groupe de ces lieux désertés par l’homme, à la fois nostalgie, à la fois prise de risque, à la fois désir de découverte du «caché». Odeur particulière de ces lieux, violents contre-jours, poussières en suspension, quantité et diversité des objets caractérisent ces friches. Le désir de ces explorateurs amateurs est insolite : souvent fan de lecture et film de SF et Post-Apocalyptique, ils savent voir la beauté de

l’abandon, de l’usure du temps et de la destruction progressive de ces lieux à grande puissance d’évocation. • Comment est né ce projet ? Une ancienne exposition photo présentée à la galerie, intitulée "inside" et consacrée aux halles d’époque art déco du boulingrin avant restauration a suscité mon intérêt pour les lieux abandonnés. Par ailleurs la galerie avait exposé les productions de Willy Bihoreau et Éric Allain qui avaient des similitudes quant au questionnement vraisemblable sur l'âme d'un lieu ou d'un objet, les notions de consommation et d'abandon, de vestige de civilisation, de lieu de vie ou de mort. La rencontre avec un photographe d'Urbex a par conséquent déclenché ce réflexe d'exposition thématique. • Quels en sont les objectifs culturels ? Il s’agit de faire partager une curiosité pour ces lieux insolites parce que laissés à l'abandon, et pour tout ce qu’ils véhiculent comme interrogations face à la disparition de l'humain de lieux construits

par lui où seules subsistent ses traces, interrogations et sensations face à ce patrimoine éphémère dont la perception poétique n'est pas absente. Un patrimoine voué à la destruction, une mémoire à abattre qui ramène à la condition humaine. Enfin, il s’agit de faire découvrir l'univers de Renaud Ribet qu’il exprime au travers de ses photographies. .

est le reflet de la société du XXIe siècle. Chaque époque est subtilement différente, l'artiste la met en scène de façon si flagrante qu'il induit un questionnement : quand l'homme sera-t-il plus sage ? Pourra-t-il maîtriser les technologies avancées ? Ces visions photographiques de post-fin ne posent elles pas la question du mérite de la survie de notre humanité ?

• Quels sont les partis pris de la scénographie ? Il n’y a pas de parti pris scénographique car l'artiste shoote au feeling et essaye de donner à son image le sentiment du moment. Il choisit sans doute inconsciemment certaines traces laissées plus que d'autres. C'est une histoire de ressenti, pour donner un supplément d'âme au sujet. • Quel est votre regard sur la photographie contemporaine : Y-a-t-il une esthétique, une démarche, qui selon-vous crée un réel apport artistique, un réel questionnement sur la société du XXIe siècle ? Il y a un réel apport artistique dans la photographie contemporaine, hormis la technicité de prise de vue et de présentation. Elle

Galerie du Cardo Quartier Boulingrin 27 rue Henri IV 51100 Reims renaud-r.over-blog.com flickr.com/photos/renaud_ribet www.galerie-du-cardo.fr

RE NAUD RI BE T - 17


MUSIQUE

MUSIQUE

« Nous jouons

THE BOTS

ce que nous voulons, et parfois les gens aiment ça !

+ LA JEUNESSE DU PUNK ROCK + Propos recueillis par /

Claire Beheyt et Razmo Ducrot • Texte / Alexis Jama Bieri • Photo / © DR

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ertes ce sont des gamins, mais des gamins qui déploient déjà une culture musicale et une énergie que leurs ainés pourraient leur envier. Nul n’est besoin d’être affublé d’un vieux blouson de cuir et de boire de l’alcool frelaté pour flirter avec le punk rock. Les deux frères Mikaiah et Anaiah Lei sont deux prodiges, Mozart à leur manière en ce XXIe siècle. Quand ils prennent leurs instruments pour 1 8 - T H E B OTS

enregistrer leur premier album Self-Titled Album, ils comptabilisent à eux deux moins de 27 ans. Faisant exploser toute leur jeune énergie en Live, ils se font particulièrement remarquer sur les scènes qu’ils imprègnent de leur sueur et qu’ils font trembler aux vibrations de leur son énervé, que ce soit au festival Afropunk, au festival de Dour ou au festival du Cabaret vert.

• Pourriez-vous vous présenter ? Anaiah et Mykaiah Lei, nous sommes The Bots, groupe de Rock n Roll de Los Angeles. • Comment êtes-vous venus à la musique ? Quand nous étions plus jeunes, nous voulions essayer différents instruments de musique. Nos parents nous ont acheté des guitares, des basses, etc. et nous avons alors développé une passion pour la composition. Nous avons monté notre groupe il y a environ sept ans. Cela fait 3 ans que nous rencontrons du succès un peu partout. Mais il nous a fallu beaucoup de travail, de galères et de sacrifices pour arriver là où nous sommes aujourd’hui. Quand on était jeunes, quand les autres sortaient, on restait à la maison travailler notre musique et on subissait de nombreuses humiliations quant à notre musique, car les jeunes ont la critique facile et sont parfois cruels. En persévérant dans nos efforts on a fait en sorte que notre rêve se réalise. • Comment faites-vous entre la musique et vos études ? La priorité c’est pour l’instant la musique. Les études supérieures ce sera pour plus tard…des études en musique, pour continuer à développer des sons. • Comment décririez-vous votre musique et

votre univers musical ? Le genre de musique que nous jouons est assez bruyant, avec beaucoup de son et de jolis passages mélodieux. À vrai dire, c’est assez varié car nous sommes un « jam band », un groupe qui fait des bœufs, de l’improvisation. Nous jouons ce que nous voulons, et parfois les gens aiment ça. • Pourquoi avoir choisi l’univers punk ? Les gens utilisent le mot ‘punk’, mais ce n’est pas vraiment cela… La mentalité, l’apparence, peuvent bien sûr être assimilées au Punk Rock, mais pas la musique que nous jouons et surtout pas la musique que nous enregistrons qui est assez éloignée de cela. Il s’agit plutôt de rock, de rock métal… En fait, nous sommes simplement un groupe rock. Les gens aiment bien mettre des étiquettes sur tout, mais il s’agit simplement de rock, tout le rock : rock métal, punk rock, bref, tout ! • Vous êtes si jeunes (15 et 19 ans). Est-ce que faire du rock est une manière de se souvenir des origines de la musique moderne, comme l’avait fait la génération précédente avec la musique pop il y a 20 ans ? C’est une question très difficile, la musique, les sons que nous jouons aujourd’hui ont tellement évolué…! Il peut en effet sembler que nous fassions revenir quelque chose du passé

en jouant la musique que nous aimons. Surtout, il nous semble que nous apportons une contribution à un genre lui-même déjà existant… • Pour vous, qu’est-ce que le rock ? C’est la guitare et la batterie, comme tout le monde le joue. Que ce soit à la mode ou non, c’est le rock, on aime le rock ! • Est-ce que le rock a une signification particulière pour vous ? Oui, on a grandi en écoutant du reggae et d’autres genres de musique, même de la mauvaise musique, qui était bonne à l’époque, comme Green Day, Avril Lavigne. Mais le rock a imprégné notre vie, forgé notre tempérament. C’est cela la signification du rock. • Où trouvez-vous l’inspiration ? On trouve notre inspiration un peu partout : par exemple dans la musique classique avec Beethoven, dans l’art abstrait avec Picasso, dans le cinéma, mais également dans les petites choses de la vie comme le réveil au matin ou dans notre passé. On y puise des idées, des concepts et de la connaissance et on essaie d’interpréter et d’utiliser ce qu’on ne connaît pas pour construire notre musique et élaborer des sons. • Y a-t-il des anecdotes à partager concernant

l’enregistrement de votre dernier album ? C’était assez malsain, on a mal mangé et on a regardé beaucoup la télé… Pas une bonne hygiène de vie ! Et puis, comme nous étions à L.A, nous avons pu visiter les studios Universal d’Hollywood. Au début de notre travail sur cet album, c’était : on se branche, on joue et on s’en va. Au studio on a joué et rejoué les mêmes morceaux en utilisant une seule guitare. On est même allé jusqu’à jouer en pyjama lors de notre dernière session d’enregistrement (enfin, pour l’un de nous deux !). • Vous avez gagné le prix de « Best Punk Artist » at the“All Ride Indie Music Awards Hollywood”. Est-ce que c’est “rock” de gagner un prix ? Oui, c’était rock même si gagner des prix n’est pas trop dans l’esprit du rock’n’roll. Mais être reconnu pour notre travail acharné et remarqué parmi tous les groupes qui étaient là, c’était assez cool et plutôt rock’n’roll, en effet ! • Quelles sont vos limites ? Ne jamais prendre de drogues dures comme la cocaïne, ne jamais aller sur scène tout nu et ne jamais faire de la techno. • Je sais qu'aux États-Unis, le dubstep, ce style mélangeant hard rock et électro devient très populaire, êtes-vous adepte de ce style de mu-

sique ? C'est devenu populaire notamment grâce à Skrillex qui fait partie, comme vous, d'une nouvelle génération de musiciens, le connaissezvous ? On le connaît, mais s’il nous voyait, il ne nous connaîtrait probablement pas, car il rencontre tellement de monde tous les jours… Et puis, le Dubstep, ce n’est pas vraiment notre truc. • Avez-vous des icônes ou des artistes préférés ? La musique d’aujourd’hui avec des artistes comme Beyoncé qui est très bien mais qui est hélas vue essentiellement comme un sex symbol, et d’autres comme Arcade Fire ou Little Dragon • Que pensez-vous du rock en général et de la musique punk en particulier ? On ne peut pas dire que ce n’est pas bien, mais ce n’est plus pareil. De nos jours, le punk semble un peu fabriqué. Beaucoup de ce qui est aujourd’hui qualifié de musique punk est radicalement différent de celle des années 70-80 car le son a changé. Les années passent et les définitions changent. Les enfants deviennent adultes, tout change, c’est obligatoire. • Pensez-vous que la musique peut être profondément rénovée, ou s’agit-il simplement d’une réinterprétation de ce qui existe déjà ? On essaie de garder l’esprit ouvert. Ce qu’on entend actuel-

lement consiste plus en une réinterprétation, mais cela dépend de qui joue. Il y a quelques très bons groupes qui font la musique comme on aime l’entendre. Il existe beaucoup de mouvements et il y a un renouveau perceptible dans tous les genres. Certains ont une nouvelle approche de la musique qui est très intéressante. • Y a-t-il des artistes avec qui vous aimeriez travailler ? Nous allons enregistrer et passer du temps avec Damon Albarn. C’est formidable, nous sommes certains de travailler avec lui ! Nous aimerions également travailler avec Jack White. Cela serait incroyable. • Pouvez-vous parler de vos projets ? Nous travaillons avec un groupe Hip Hop et nous allons peut-être faire quelque chose avec notre ami Mika, ce serait très cool. Nous allons effectuer une tournée en Espagne, UK et en France. Puis nous irons jouer aux USA en décembre. Nous aurons par ailleurs à enregistrer un nouvel album et cela prendra du temps pour bien travailler afin de créer quelque chose que les gens puissent aimer : C’est ce qui nous tient à cœur actuellement. Enfin, on pourrait avoir quelques projets individuels aussi. www.thebotsband.com

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MUSIQUE

MUSIQUE

« On fait de la

KAP BAMBINO

musique tous les jours, on enregistre comme on veut, quand on peut

+ ÉNERGIQUE ÉLECTRONIQUE + Propos recueillis par /

Claire Beheyt et Razmo Ducrot • Texte / Alexis Jama Bieri • Photo / © Clementine la Pieuvre

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uo rageur originaire de Bordeaux, explosif et frondeur, Kap Bambino s’est d’abord fait connaître aux ÉtatsUnis, puis en France. De par leur musique électro-rock puissante teintée de son vintage 8 bits, Caroline Martial (chant) et Orion Bouvier

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(machines) s’illustrent particulièrement en lives énervés. Avec 5 albums à son actif et de nombreux remix, Kap Bambino s’est produit sur les scènes des grands festivals français et internationaux (Eurockéennes de Belfort, Cabaret Vert, Glastonbury…).

• Pouvez-vous vous présenter, à ceux qui ne vous connaîtraient pas encore ? On est Kap Bambino, un groupe français d’électro noise. Je suis Caroline, la chanteuse. • Comment vous êtes-vous rencontrés ? Nous nous sommes rencontrés avec Orion dans un club à 5 heures du matin, à Toulouse. • Que signifie le nom de votre duo ? Notre nom fait référence à une histoire que m’a racontée ma grand-mère, qui est italienne. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, des enfants, dont les parents avaient été tués, se sont échappé de Milan et sont allés vivre dans les bois avec toute une bande d’enfants. Ils ont réussi à survivre sans se faire emprisonner ni envoyer en camp jusqu’à la fin de la guerre où ils sont sortis des bois, à la libération. • Comment qualifieriez-vous votre musique ?

Notre musique, c’est de la musique électronique avec une énergie profondément rock ! C’est un électro rock avec du punk, de la noise. • Comment avez-vous travaillé pour concevoir votre nouvel et 5ème album ? Comment vous vient l’inspiration ? Travaillez-vous dans l’urgence, dans l’instinct et l’instant ? Nous sommes partis habiter pendant un an en Angleterre en colocation avec des copains. On s’est enfermés dans l’appartement, on a fumé beaucoup de cigarettes et bu beaucoup de bière. Pour résumer, on a fait de la musique comme on fait d’habitude, c'est-àdire pas en studio, mais dans notre chambre avec nos posters de films d’horreur et nos vieux synthés. • D’où vient votre inspiration ? Elle nous vient d’un peu partout. On vit avec notre temps, avec nos amis, on aime sortir et faire des conneries.

• Vous travaillez dans l’urgence, l’instant, l’instinct ? Un peu les trois. J’ai envie de dire dans l’hyper activité. C’est vraiment sur le moment qu’on crée. On fait de la musique tous les jours, on enregistre comme on veut, quand on peut, et si les morceaux nous plaisent, on les garde, sinon on les jette. • Avez-vous quelques anecdotes à propos de la conception du disque ? À Londres, on avait des voisins qui étaient une famille très sage et typique. Lorsqu’on eut presque fini l’album, ils sont venus nous voir plusieurs fois en nous demandant ce qu’était cette musique de fous, qu’ils ne connaissaient pas, et pourquoi on faisait ce son toute la journée. Et puis, curieux, ils nous ont demandé si on était connus. Pour leur faire découvrir notre musique, on leur a joué un peu de l’album en live dans notre appartement. Ces Anglais typiques ont apprécié l’album, ce qui pour nous était de bon

augure pour sa diffusion ! • Pouvez-vous nous expliquer le choix du titre et de la pochette ? L’album s’appelle Dévotion parce que lorsqu’on a commencé Kap Bambino, il y a dix ans, on était très jeunes et notre son était hors mode et plutôt précurseur à cette époque où l’on écoutait en France des groupes de baby-rockers ou de l’électro lounge. On est un groupe électro français qui ne fait pas de musique pour des bars lounge ni de rock’n’roll léché et on existe toujours ! On a toujours fait nos pochettes tout seul car on dessine beaucoup, on réalise de nombreux croquis et on prend une multitude de photos. Pour Dévotion, on avait envie d’avoir un visuel avec une espèce de masque vaudou, un peu bizarre. • Avez-vous des icônes et des maîtres à penser ? On s’intéresse à tout. On n’est pas du tout fermés ou ghettoïsés dans un style fermé, que ce soit cultu-

rel, artistique, littéraire ou musical. En musique, Lemmy Kilmister de Motörhead est pour nous un exemple de dinosaure du milieu du rock et qui est encore là à 70 ans ; en cinéma on apprécie le film Anna de Pierre Koralnik interprété par Anna Karina en 1967 et les œuvres du réalisateur italien Dario Argento, en littérature on aime les textes de Rimbaud… Et beaucoup d’autres encore. • Quel est votre regard sur la scène musicale française en général et électro en particulier ? En matière de musique électro, hormis les sentiers battus des grands djs électro et techno comme Laurent Garnier, Daft Punk ou Justice qui ont ouvert la voie, je trouve que ça bouge mieux depuis cinq ans et qu’on est de plus en plus ouverts. Les programmations de festivals sont plus variées et on s’ennuie moins. C’est une réelle avancée culturelle d’avoir, sur les festivals, autre chose que les artistes qui passent sur les grosses radios françaises.

• Avez-vous des artistes français avec qui vous aimeriez travailler ? Pas vraiment pour travailler, mais pour faire la fête et se retrouver sur des festivals parce qu’on cautionne leur musique : Il y a notamment les Birdy Nam Nam, La femme, Surkin, Para One… • Pouvez-vous nous parler de vos projets à venir, de vos futures collaborations, remix…? Nous n’avons pas de remix en vue, du moins avant deux mois. Nous avons en outre de futurs projets de concerts en octobre-novembre 2012, car on repart aux États-Unis et en Amérique du sud pour la tournée de promo de notre album.

www.kap-bambino.com

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MUSIQUE

MUSIQUE

« L’important

MOST AGADN'T

pour nous est l’émotion que l’on fait passer par notre musique

+ CLASSE INCLASSABLE + Propos recueillis par /

Claire Beheyt et Razmo Ducrot • Texte / Alexis Jama Bieri • Photo / © DR

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l est des duos, inclassables, novateurs, qui éveillent irrémédiablement la curiosité. Des duos à la chanteuse d’une explosivité sensuelle et au musicien d’une énergie impassible. Avec Most Agadn’t, tout est dans l’explosion que sous-tend une flegmatique retenue. Depuis la fondation du groupe en 2009, Flora (chant, 2 2 - MOS T A GADN'T

clavier, guitare) irradie les intimistes en scènes de œuvres de Most Agadn’t de festivals (Transmusicales sa voix so(m)bre et de sa 2011, Cabaret vert 2012). plastique parfaite quand Baptiste (guitare, batterie), • Pouvez-vous vous présenter ? On fait de la place des notes en lames de musique à deux. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Baptiste rasoirs, Pygmalion de cette •jouait déjà dans un groupe que j’allais écouter en concert. J’étais particulièrement attirée par sa muunion artistique, brisant sique. À force d’aller sur ses concerts, il m’a pronos vaines certitudes posé de faire un duo dans lequel je serais la voix. Le concept était de faire de la musique avec la voix musicales. Un duo, à féminine de quelqu’un qui n’avait jamais fait de consommer jusqu’à l’ivresse, musique pour avoir quelque chose de neuf. celle qui irrémédiablement • Que signifie le nom Most Agadn’t ? Nous avons ce nom, à première vue compliqué et inenvahit le public lorsqu’il choisi trigant, car une fois qu’on l’a retenu, il ne nous s’exprime en Live, de scènes quitte plus. Il pourrait signifier « encore plus que

ça n’était pas avant » et plein d’autres choses à imaginer.

le mouvement no wave, post punk et par la scène allemande qu’on redécouvre.

• Comment qualifieriez-vous votre musique, votre univers ? Notre musique est une musique de l’instant, constituée d’un fond revival et vintage, mais conçue dans l’intention du moment changeant. C’est de la musique minimaliste avec du sample, une batterie, un synthé et un chant qui reste garage dans l’idée générale et dans l’explosion du moment, dans un univers qui peut être pop, new wave, électro, rock garage, et même no wave…

• Comment avez-vous travaillé pour concevoir votre premier EP ? Notre premier EP était un EP promotionnel non commercialisé, qu’on a réalisé lors de notre résidence à la cartonnerie de Reims à destination des Transmusicales de Rennes 2011. C’était un premier disque non abouti, mais qui a beaucoup plu. L’EP, qu’on peut entendre sur Internet, c’est ce qu’on joue en live, mais en moins énergique, car c’est sur scène que notre musique exprime toute sa quintessence.

• Votre musique, pour son côté synthétique, sobre et pop est comparée à celle d’Elli et Jacno. Qu’en pensez-vous ? Si on nous compare un peu à eux, c’est d’abord parce que c’est un duo, et qu’au fond, ce sont des punks, comme nous. En fait, Elli et Jacno furent un duo plutôt révélateur et une influence, car c’est un groupe qui est arrivé à son époque tel un ovni. Mais nos influences vont bien au-delà, car nous sommes inspirés par

• Comment vous vient l’inspiration ? On compose en se proposant mutuellement des idées, en partant d’un son et on y ajoute chacun nos propres éléments : un son, une batterie, etc… pour donner une texture, une couleur, une émotion au tout, après de nombreuses pauses-café. • Comment élaborez-vous les textes ? On invente notre propre parlé avec les textes et notre

propre sonorité avec les mots. Au départ, lorsqu’on compose notre musique, on y ajoute des sonorités de voix sans signification, bref, on fait ce que l’on appelle du « yaourt ». Ensuite, on les remplace par des paroles qui comportent la même sonorité. • Quels sont les thèmes abordés ? Les textes sont juste un son comme un autre. On ne cherche pas à faire passer un message. L’important pour nous est l’émotion que l’on fait passer par notre musique. • Pourquoi avoir choisi l’anglais pour vos paroles ? L’anglais c’est quand même plus facile à utiliser, car on peut dire n’importe quoi, ça passe ! Par ailleurs, ceux qui écrivent en français écrivent souvent mal, et du coup nous avons encore quelques réticences à écrire dans notre langue natale. Pourtant, notre répertoire comporte un texte qui s’appelle « encore », à moitié en anglais et à moitié en français. Nous allons de plus en plus tendre vers ce mélange, car l’on prend malgré tout un réel plaisir à écrire en français. Peut-être même que de prochains titres seront 100% en français.

• En fait, l’emploi de l’anglais est t-il pour vous une référence aux sources de la new wave anglaise de la fin des 70’s début 80’s ? Effectivement, car nous écoutons beaucoup de musique anglo-saxonne. Il n’empêche que nous écoutons de plus en plus de musique française du début des 80’s, ce qui influence également nos sonorités. • Vous fixez vous des limites ? Aucune ! Mais on essaie de ne pas trop boire avant les concerts pour pouvoir proposer un bon live. • Avez-vous quelques anecdotes sur Most Agadn’t ? Un jour, la police est venue nous chercher sur scène et nous avons fini en garde à vue… Mais notre plus belle anecdote fut la rencontre avec notre collaborateur chargé du son. • Avez-vous des icônes et des maîtres à penser ? Un peu de tout : des amis, des gens du cinéma, des politiques… Et puis l’abstrait, les couleurs nous inspirent.

• Quel est votre regard sur la scène musicale française ? Il y a de jolies choses en ce moment, comme Philippe Katerine, Sébastien Tellier, La femme… • Avez-vous des artistes français avec qui vous aimeriez travailler ? Si Sébastien Tellier nous appelle, oui ! Et puis il y a aussi Katerine, Charlotte Gainsbourg… • Pouvez-vous nous parler de vos projets à venir ? On va s’enfermer, en mode laboratoire, pour sortir un prochain EP début 2013. L’objectif est de faire un bel objet pour proposer notre musique ailleurs, de créer un support qui nous permette d’aller à la conquête de l’ouest (Rennes, Nantes, La Rochelle…) pour y faire plusieurs dates. Par ailleurs, nous allons envisager des concerts à Paris car nous y sommes particulièrement demandés et y avons paradoxalement peu joué jusqu’à aujourd’hui. http://mostagadnt.tumblr.com

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SCULPTURE

SCULPTURE

BAPTISTE DEBOMBOURG + LE SOUFFLE FRAGILE DES TITANS + Texte /

Alexis Jama Bieri • Photos / © Baptiste Debombourg, courtesy Galerie Patricia Dorfmann - Paris

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vec ses sculptures conceptuelles, Baptiste Debombourg, artiste de 34 ans, réécrit sa propre réalité. Un monde hybride et customisé, aux accents titanesques d’un instant dompté, figé, comme un arrêt sur image, une superposition de temps et d’espace. On pourrait même, derrière ces représentations, ressentir la présence d’un super héros de comics imaginaire. C’est une réflexion sur l’usage quotidien de l’objet standardisé et l’impact sur notre développement. Ses œuvres, puissantes, sont en réalité, et au-delà de la performance qu’elles représentent, une mise en poésie du monde contemporain.

« J’explore la psychologie

de notre rapport aux objets, et cherche à induire l’espace possible entre la réalité et l’idéal que l’on tente d’atteindre

»

• Comment êtes-vous arrivé à la sculpture et à l’installation ? J’ai commencé mes études avec le dessin et la peinture, mais très vite, les questions de format furent contraignantes. Je le ressentais comme une limite, ce qui m’a naturellement amené au volume : s’inscrire dans le réel et le partager. Cependant, la question de la représentation est omniprésente dans mon travail et je m’y confronte à nouveau…notamment avec les Aggravures. • Comment décririez-vous votre travail ? Tous mes projets sont liés d’une manière ou d’une autre à un aspect des relations humaines : nos erreurs, nos doutes, nos désirs, nos perceptions de certaines réalités. J’explore la psychologie de notre rapport aux objets, et cherche à induire l’espace possible entre la réalité et l’idéal que l’on tente d’atteindre. Mon travail se déploie dans l’espace et s’inscrit dans notre environnement.

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• Vos choix de matériaux et les lieux de leur installation sont-ils les vecteurs d’un questionnement sur l’environnement et le monde industriel ? J’envisage ma pratique artistique comme un vecteur de rencontres, au sens propre comme au sens figuré. La possibilité de relier des domaines habituellement étrangers, des cultures dites «nobles» et d’autres «populaires». C’est également, pour moi, une manière d’interroger sur la place et la fonction de l’art aujourd’hui. Ce qui m’intéresse, c’est d’observer ce que l’homme construit autour de lui de manière industrielle ou artisanale par rapport à son image. Le matériau et l’objet sont une représentation, une tentative de satisfaire un désir. En ce sens je ne travaille pas à partir de la matière ni à partir des objets mais les utilise comme témoins…

de super héros et de mangas ? Depuis la mythologie jusqu’aux super héros de comics rien n’a fondamentalement changé. Cette quête de toute-puissance et de perfection est un schéma qui se répète depuis la nuit des temps. Je m’intéresse aux tentatives individuelles répétées qui se révèlent êtres parfois porteuses d’échec. Le trait d’impuissance qui se détache alors des situations laisse apparaître, en toute simplicité, la nature fragile et attachante de l’Être.

• Votre regard nous plongerait presque dans un univers de cartoons,

• Lorsque l’on voit vos œuvres, on a l’impression que le temps est suspen-

• Plus qu’hyper réaliste, n’êtes-vous pas, quelque part, avec votre regard grave et teinté de dérision, un peu surréaliste ? Même quand le sujet est grave, je dirais que d’une façon générale, l’humour, la dérision peuvent être des armes pour faire passer un message. Je suis de nature plutôt optimiste mais cependant très réaliste.

du entre le moment du choc et celui de la prise de conscience. Comme un arrêt sur image… Peut-on créer un lien avec la photographie ? C’est un rapport à la temporalité : passé, présent et futur se croisent... Je le conçois comme une représentation du passé en mouvement. Celle avec laquelle on construit l’avenir. • Et dans quel champ vous situezvous le plus ? Je ne me situe pas dans un champ en particulier, même si d’une manière générale j’ai un rapport intime à l’espace. Chacun de mes projets existe dans et avec le contexte dans lequel il est exposé, qu’il s’agisse de dessins, de photos et vidéos, ou encore de sculpture, d’installation ou de performance. J’aime remettre en question ma pratique et les matériaux. En ce sens je qualifie ma pratique de « contextuelle ».

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SCULPTURE

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SCULPTURE

• Vos œuvres, par leur force, par leur mise en œuvre presque titanesque, ne se rapprochent elles pas de la performance ? Complètement, mon choix de travailler de manière éphémère rejoint mes préoccupations sur la vie en société : celle de remettre en question un modèle, de voir au-delà d’une proposition plastique ou architecturale. Mais c’est aussi par leur disparition et l’énergie déployée lors d’un projet que mon travail prend tout son sens. • Comment opérez-vous pour concevoir une œuvre ? C’est une opération spéciale… Un croisement entre la performance et l’installation. Tout est conçu pour un lieu spécifique, je viens en repérage, puis dans un second temps, je reviens prendre des mesures, je travaille en plan, maquette, je pars à la rencontre de personnes, d’entreprises, et de spécialistes du domaine concerné. Une fois que le projet est élaboré, c’est une phase de réalisation qui s’ouvre, souvent courte et très intense. Avec le temps, j’arrive à maitriser la situation… également grâce au fait que le projet est aussi réalisé avec des partenaires… il y a une sorte d’énergie globale qui nous réunit et avec laquelle on se dépasse… c’est la réussite du projet. • Vos réalisations sont-elles scientifiquement, à la limite chirurgicalement conçues, ou bien, laissez-vous une part plus ou moins importante au hasard et à l’improvisation ?

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SCULPTURE

Toutes mes pièces sont conçues avec l’exigence du détail, même si l’on est à chaque fois dans le prototype, c’est une véritable mécanique de précision, je ne supporte pas l’approximatif ou l’aléatoire. Je ne laisse jamais le hasard s’installer dans ma manière de travailler, tout est très contrôlé. Je ne crois pas au hasard, ni plus à l’improvisation, mais je parle davantage d’intuition et de sensibilité, surtout en matière d’approche du sujet, dans l’observation et l’analyse des éléments. • Collaborez-vous souvent avec d’autres plasticiens ou artistes, réalisez-vous des projets communs, d’œuvres ou d’expositions, comme ce fut le cas notamment pour votre exposition avec Artus il y a quelques années ? L’esprit de collaboration fait partie intégrante de mon travail, que ce soit avec des artistes, des personnes, ou des entreprises. J’ai réalisé des projets dans lesquels des partenaires, privés et publics se sont investis tels Darty, Esselte, la Redoute, Carglass, la Mairie de Paris, Futura-Karlin Studio (CZ), Duplex/10m² (BOS)… C’est dans cette logique d’échange que je réalise mes installations. J’y crois et c’est dans la rencontre que l’on grandit… Artus m’a présenté à la galerie Patricia Dorfmann, j’ai à mon tour présenté d’autres artistes comme par exemple l’excellente Rada Boukova et son art conceptuel émotionnel. Par ailleurs, depuis 2006, je travaille sur des projets

internationaux en étroite collaboration avec Pierre Courtin, directeur du Duplex/10m², à Sarajevo, un des meilleurs Centres d’Art Contemporain en Europe. • Et flânez-vous vers d’autres horizons artistiques, d’autres esthétiques ? Audelà de l’art, ce qui m’intéresse c’est d’échanger avec des personnes passionnées, qu’elles soient pêcheur, militaire, ou poète… Quand on a une passion et que l’on peut la communiquer, c’est dans ces moments que je me sens vivre. • Quelles approches différentes de l’art trouvez-vous à l’étranger, comme par exemple en Bosnie ? Un art engagé radical et vivant. • Vos œuvres ont toutes des noms qui les titrent, presque publicitairement. Comment imaginez-vous les noms de vos œuvres ? Et quel en serait le rôle ? C’est une caricature de cette tentative chez l’homme de se hisser en permanence vers un idéal. Les titres de mes travaux jouent avec cette idée du rêve. • Quels sont vos projets pour la fin 2012 et ensuite ? Développer les échanges entre l’est, l’ouest et l’international, avec des résidences d’artistes, des expositions, investir dans le vivant, notamment au travers du Duplex10m2. Il faut réinventer d’autres systèmes, déployer des énergies, croire en des idées.

Expositions à venir : • 07 septembre / 20 octobre 2012 Exposition personnelle à la Galerie Krupic Kersting de Cologne qui s'inscrit également dans le DC open Galleries (événement d'ouverture de la rentrée conjointement entre les galeries de Düsseldorf et de Cologne). • 09 / 20 octobre 2012 Nominé pour le prix Meurice. Exposition collective au Palace Meurice à Paris. • 13 octobre / 17 novembre 2012 Exposition personnelle à la galerie Patricia Dorfmann à Paris. • 16 / 20 octobre 2012 Exposition personnelle présentée lors de la Foire YIA à Paris. • 26 octobre / 18 novembre 2012 Exposition personnelle au Centre d'Art le Lieu à Québec au Canada.

www.baptistedebombourg.com

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MUSIQUE

MUSIQUE

« La scène

WAX TAILOR

électro, je ne suis plus sûr de comprendre ce que ça veut dire en 2012 et c’est sûrement bon signe !

+ METTEUR EN SON + Texte /

Alexis Jama Bieri • Photo / © Hadrien Denoyelle

»

A

vec la sortie de son élégant quatrième opus, intitulé « Dusty Rainbow from the Dark », en septembre 2012, conçu sous forme d’album concept en conte musical dédié au thème de l’enfance et un nouveau live, dont un passage à la Cartonnerie de Reims le 24 octobre, Wax Tailor

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confirme qu’il est, à 37 ans, un des artistes emblématiques de la scène dite trip-hop. Sa musique particulièrement travaillée nous entraîne, entêtante, dans un voyage au cœur du son, entre orchestrations éclectiques osées et samples sur mesure.

• Pouvez-vous vous présenter à ceux qui ne vous connaîtraient pas encore ? Wax Tailor, compositeur, arrangeur, producteur, manager, enfin un peu de tout ça, que je résume souvent à «metteur en son».

vocabulaire. J’utilise en effet beaucoup d’expressions liées au 7e art parce que j’ai le sentiment de « réaliser » la musique. Enfin, les dialogues constituent la musicalité des mots, et ceci a souvent un rôle important dans mes morceaux.

• Si vous deviez décrire votre musique en une phrase, quelle serait-elle ? Je suis très mauvais pour ce genre d’exercice… On me parle souvent de hip hop orchestral ou d’électro cinematic, alors que je dirais de ma musique qu’elle est « une musique sous influence ».

• Mis à part le cinéma, quelles esthétiques, formes d’art, références…aimeriez-vous intégrer à votre travail ? Si je devais en citer une juste après le cinéma, il s’agirait de la danse parce qu’il y a ici beaucoup de choses à expérimenter et peutêtre aussi à mélanger.

• Quel rôle joue l’image, les références aux classiques du cinéma, les dialogues, les voix, les sons, les rythmes…dans votre musique composite ? L’image n’a pas un rôle premier, elle arrive souvent dans un second temps, mais j’aime beaucoup la confrontation. Le cinéma est plus présent dans mon travail au travers de la citation et dans le

• Comment vous vient l’inspiration ? L’inspiration vient de mon vécu et du quotidien, c'està-dire qu’elle provient souvent de la musique elle-même et des choses qui me nourrissent et me touchent en bien ou en mal. • Comment avez-vous travaillé pour concevoir

votre dernier album « Dusty Rainbow from the Dark » ? C’est un peu particulier car c’est un disque que j’avais en tête de longue date. Je l’ai construit en déterminant un axe autour duquel j’ai décidé de composer la musique en premier et d’écrire l’histoire dans un second temps. Pour compléter l’ensemble, j’ai ensuite eu un troisième moment que je qualifierais de réalisation où j’ai enregistré toutes les voix. • Comment trouvez-vous les titres de vos albums et de vos morceaux ? Que signifient-ils, ou plutôt quel univers symbolisent-ils ? Je porte beaucoup d’importance au titre. J’aime particulièrement l’idée que le titre véhicule une touche de poésie, mais aussi une grosse part d’énigme qui laisse le public se demander de quoi peut-il être question. Pour les titres des morceaux, ma logique est différente car je suis peut-être un peu plus terre à terre.

• Comment adaptez-vous, modifiez-vous vos compositions entre le format enregistré et l’interprétation en live ? Ce sont deux temps très différents et complémentaires : Le disque, c’est un instantané figé où l’on a cherché à capter ce qui nous semble être le meilleur, alors que le live, c’est réinventer en direct chaque soir quelque chose avec la donnée humaine qui varie et la communion directe avec un public. Et puis, le studio c’est aussi un temps solitaire de travail tandis que le live c’est un moment ou tu te retrouves avec une équipe à repenser ta musique, ce qui crée plus d’échange, même si c’est toi qui fais la direction artistique. Enfin, dans le live, il y a une part importante qui revient à la dimension visuelle avec la scénographie et le travail sur les images. Pour ce nouveau live j’ai travaillé en amont avec 20 réalisateurs.

• Quelles ont été vos meilleures satisfactions musicales, meilleures impressions et souvenirs ? Je pense que mon meilleur souvenir reste l’expérience où j’ai joué accompagné sur scène d’un orchestre symphonique. J’étais comme spectateur de mon propre concert !

• Avez-vous des artistes avec qui vous aimeriez travailler ? Des tonnes ! Il y a de grands réalisateurs pour qui j’aimerais travailler et des chanteurs avec qui j’aimerais collaborer. Mais pour cela, il me faut une idée claire, sinon je ne préfère pas en parler avec eux…

• Avez-vous des icônes et des maîtres à penser ? Il y a notamment Kubrick, pour son degré d’exigence et pour son talent.

• Pouvez-vous nous parler de vos projets à venir ? Dans le proche immédiat, mon actualité est occupée par la route, avec une tournée aux ÉtatsUnis et au Canada, en France et en Europe, puis un retour aux États-Unis début 2013, avec ensuite l’Europe de l’Est, la Grèce, la Turquie, l’Italie et plusieurs festivals enfin durant l’été 2013. Après, on verra, mais j’aimerais bien travailler sur une bande originale de film…

• Quel est votre regard sur la scène musicale française en général et électro en particulier ? La scène musicale française a beaucoup évolué ces dix dernières années. J’ai par exemple le sentiment que les nouveaux réseaux lui permettent d’être moins complexée et de s’exporter. Quant à la scène électro, je ne suis plus sûr de comprendre ce que ça veut dire en 2012 et c’est sûrement bon signe !

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DANSE

DANSE

MICHEL VEDETTE + UNE STAR QUI NE S’IGNORE PAS + Texte /

• Entre branché et ringard, de qui se moque Michel Vedette ? Après observation et réflexion, en vivant

Jessica Piersanti • Photos / © DR

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uand on ne connaît pas encore Michel Vedette, le croiser au hasard, lors d’une soirée ou d’un dîner, cela a forcément, toujours, quelque chose d’un peu déroutant. Selon son bon vouloir, sa bonne ou sa mauvaise humeur, Michel Vedette se présentera peut-être d’abord en donnant son vrai nom : Frédéric Casse, et cela ne surprendra personne. Mais lorsque ce grand garçon caustique vous dira qu’il est chorégraphe, un léger soupçon d’incompréhension pourra se lire sur votre visage. Alors commencera ce jeu, un peu comme celui que nous jouons maintenant, où pour masquer votre embarras ou simplement par curiosité, vous lui poserez quelques questions, auxquelles il aura toutes les réponses. Alors Michel Vedette vous agacera surement, énoncera des vérités, remettra en question tout ce que vous lui direz, et puis finira sans doute, sur un malentendu, par vous faire une petite démonstration de ses dernières créations. C’est à ce moment précis qu’il abattra, non pas sa dernière, mais sa première carte, en vous proposant de le suivre sur un pas de danse. Illuminations garanties…

• Quand et dans quelles circonstances est né Michel Vedette ? Michel Vedette est né officiellement lors

de ma deuxième exposition le 15 septembre 2001 à Paris. Voilà pour les chiffres et pour Wikipedia. Plus précisément, il est né au tournant 2000 quand je traînais à la fois dans le Paris branché de l'époque, la French Touch, les grosses fêtes fashion, en même temps que je faisais le chauffeur pour bouffer et que, dans ma voiture, j'écoutais à fond les ballons Karen Cheryl, Mike Brant, Joe Dassin ou Michel Fugain et le Big Bazar. Le passage du troisième millénaire, c'était pour moi un juste équilibre paradoxal et ensoleillé de branchitude absolue et de ringardise vintage ultime. • Était-il chorégraphe dès le départ ? Comme dans

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les fêtes je dansais beaucoup, lorsque j'ai créé Michel Vedette je l'ai affublé d'un statut de prof de danse. À cette époque, ma créativité s'exprimait surtout dans le dessin, je travaillais un peu, en faisant par exemple des T-shirts et des posters pour le Japon. En mars 2001, l’artiste Artus qui avait organisé ma première expo, m'avait demandé de tourner des vidéos pour les projetées en boucle dans un lieu, un concept store Levi’s dans le Marais, qui faisait un peu office de club de jeu pour adulte, une sorte de mini Factory warholienne. À cette époque aussi, un autre pote de la bande, Daniele Tedeschi, faisait ses apéritivos, et on y projetait aussi des vidéos. Comme ça marchait bien, on a organisé un spécial Michel Vedette, avec vidéos, dessins etc, et, à la demande de la patronne du bar l'OPA, créé une chorégraphie

pour la soirée, et aussi un concours de slow. Voilà en gros comment est né le personnage Michel Vedette et ses attributs de danseur ambianceur et artiste génial. Après j'ai créé Jean-Paul Starre, parce que Michel Vedette devenait trop paillettes, et j avais besoin d’un retour à des choses plus chiantes. Puis en 2005, par désœuvrement j’ai créé un club de danse au Baron (célèbre club parisien NDLR), et Michel Vedette est devenu grand. • Pourquoi dis-tu par désœuvrement ? C'est mon club de danse qui s'était créé par désœuvrement. Le baron lui (même si "c'est un lieu de perdition où on aime se retrouver tous ensemble" comme dirait JeanPaul Starre) était un endroit phare et il a surtout été choisi parce que je n'en connaissais pas d'autre où

question : « est-ce que ce que fait Michel vedette est bon ou mauvais, classe ou pas classe. » Et ça bien sûr, ce sont des notions subjectives.

on m'accueillerait gratuitement, me laisserais 100 % libre et me donnerait quelques bouteilles de vodka en gage de sympathie. D’ailleurs, je remercie Lionel, le taulier du lieu, qui sait très bien comprendre le rôle de l'artiste dans le système. • Il est impossible de savoir si Michel Vedette est un personnage au premier ou au second degré. Qu'en est-il réellement ? Michel Vedette est classiquement

un masque, comme au théâtre, pour poser des postulats de départ, un rôle pour pouvoir jouer des situations, un peu comme Charlot, Pierre Richard ou, pour être dans l'art contemporain, Gilbert et George par exemple. Et bien sur il est très proche d'une partie de ce que je suis vraiment. Je pense que le premier et le second degré a plus à voir avec la

à Paris, je me suis rendu compte de la valeur d'un mot : "wannabe"(quelqu’un qui veut être, NDLR). Paris est totalement rempli par cette catégorie d'humains. Dans beaucoup de milieux professionnels, et évidemment les arts, les médias et sûrement dans le métier ultime pour ça, la politique, c'est Wannabeland. Nous venons tous à Paris, symbole en France de la réussite sociale et intellectuelle, en quête de devenir un des "one wonder". Et c'est souvent pour pouvoir ensuite revenir au pays et être le nouveau baron local. Michel Vedette, qui est parisien, exprime peut-être la moquerie du ringard et du branché hérité de ce constat et au final se moque sûrement du déracinement de chacun et du fourvoiement de cet acte. Un truc vachement profond donc, héhé.

• Pourquoi passer par Michel Vedette si ton envie est de faire danser tout le monde ? Même si au départ

ce n'était pas fait exprès, j'ai vite constaté que le coté kitsch, un peu bedonnant, un peu vulgaire et quand même un peu branché du personnage, dégageait un sentiment d'empathie, et rassurait tout les coincés potentiels, tous les fêtards aussi, et qu'il donnait le prétexte à danser tous ensemble sans trop se poser de questions. Danser tous ensemble est quand même un de ces rares moments que l’on vit à la fin d'une histoire, d'une lutte, d'un travail important, pour le fêter, oubliant nos divergences et nos différences. Danser tous ensemble est un acte artistique connement simple et efficace, qui à la lumière de la morale est rempli des valeurs de tolérance, solidarité, partage, etc. J'ai d'ailleurs parfois le sentiment d'être tout seul à défendre, comme une andouille, cette pratique de la danse en opposition à la dictature de la « danse spectacle » qui occupe tout l'espace économique et culturel : la danse est un art qui ne vaut que par la pratique, car c'est un art d'expression et de socialisation avant tout et sa vertu esthétique (qui est certes importante) devient nuisible si elle les étouffe; ce qui est le cas actuellement, sans doute du fait que l'on vive vraiment dans cette fameuse "société du spectacle".

• La danse de Michel Vedette est assez unique. Quels sont ses mouvements phares ? En Angleterre on

m'avait dit que mes danses s'appellent des « routine dance », des pas de danse du quotidien. Certes, je crée des pas à partir des gestes de la vie de tous les jours, comme pour le « Cruiser » où l’on conduit une voiture, mais pas que. Je pique dans toute l'histoire de la danse, celle du XXe siècle mais aussi les danses folkloriques et traditionnelles du monde entier. Je n'existerais pas sans Internet, sans lui je n'aurais pas accès aussi facilement à toute la planète danse. Et enfin, surtout : je labellise. Tous mes steps (pas de danse, NDLR) et mes chorégraphies ont des noms, souvent très imagés. Et même si ce sont des steps qui existaient auparavant et que j'ai réadapté, comme par exemple le « Crab wallk » qui est très proche d'un step de MC Hammer dans « Can't touch this ». Du coup on peut dire que mes mouvements phares c'est « l'inconscient collectif» de la danse: des gestes que tu as l'impression de déjà connaître. • Quelle est ta définition de la danse ? Ce que j'ai dit auparavant le définit déjà pas mal mais pour être concis je dirais que : "ce sont des gestes du corps fait

sur de la musique, souvent avec d'autres personnes, pour exprimer le rythme de sa joie de vivre". Quand on est triste, on a aucune envie de danser, ni d'être avec les autres. C'est d'ailleurs pour ça que les danses trop sérieuses sont un contresens ridicule. • Michel Vedette chorégraphe, c'est de l'art ? Cette questions est beaucoup trop vaste car elle implique de se mettre d'accord sur ce qu'est l'art. Descartes dit « je pense donc je suis ». Voilà qui me permettra de faire une réponse simple et concise : « je pense que je fais de l'art, donc je suis sûrement en train de faire de l'art ». Et j'ajouterais que si l'art est rare et cher, à l'Agessa (organisme d'état qui regroupe les photographes, vidéastes et chorégraphes), il y a 80 % de photographes, qui pour la plupart n'en vivent pas, et il y a très peu de chorégraphes, qui pour la plupart en vivent. Administrativement et économiquement Michel Vedette c'est de l'art, mais j'avoue que je me referais bien une période artiste maudit et sans le sou. • Justement, comment gagnes-tu ta vie ? Il y a

quelques années j'ai pris cette décision ferme : « dorénavant je gagnerais ma vie uniquement avec mon

« Je me dis que si "Le Caravage" vivait

aujourd'hui il travaillerait sans doute pour des grosses marques dans les moments difficiles

»

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DANSE

MUSIQUE

SINGTANK + POP DÉCOMPLEXÉE, IRONIQUE ET SENSUELLE + Texte /

Alexis Jama Bieri • Photos / © DR

S

ingtank, c’est le duo formé par Alexandre et Joséphine de La Baume. Accompagnant son frère, Joséphine, déjà connue pour sa carrière de mannequin (pour la marque de lingerie Agent Provocateur), d’actrice, et pour son mariage avec Mark Ronson (producteur, entre autres, de feu Amy Winehouse) donne sa voix suave aux compositions du groupe. La pop aime les fratries, mais, contrairement aux Gallagher, il est improbable que leur collaboration se termine en pugilat, parce qu’Alexandre et Joséphine, un demi-siècle à eux deux, sont complices et se nourrissent de leurs différences. Leurs goûts musicaux se sont forgés, pour Alexandre avec la scène rock anglo-saxonne (the Kinks, Bowie, les Pixies, Blur, Pulp, Radiohead, …), pour Joséphine, après une période hip-hop, avec l’électro et le rock (White Stripes). Complices, ils partagent à chaque fois leurs coups de cœur musicaux avec l’autre. C’est donc dans le prolongement logique de cette connivence que le duo se forme. De cet équilibre créatif est né leur premier album In Wonder, avec la complicité de musiciens chevronnés comme Alberto Cabrera (Scénario Rock) et du producteur Nellee Hopper (qui a collaboré avec Massive Attack, Björk).

art », ne plus avoir de boulot alimentaire à côté. Le risque étant bien sûr de se marginaliser, pour ne pas dire clochardiser. Et je me suis vite rendu compte que c'était finalement la condition sine qua non à toute carrière artistique. N'étant pas rentier je suis malgré tout obligé de faire des concessions, et donc par exemple des pubs. Mais je me dis que si "Le Caravage" vivait aujourd'hui il travaillerait sans doute pour des grosses marques dans les moments difficiles. Pour l'instant, je ne vis pas de mes droits d'auteur, donc je mouille encore le maillot à chaque fois, en bon prolétaire de l'art. Je gagne ma vie avec les "dérivés commerciaux" de mon activité artistique: je fais danser, je fais des pubs, je crée des chorégraphies, tout ça pour des marques, des entreprises. • Où peut-on voir Michel Vedette ? Je fais de la danse comme je vis, c'est-à-dire au hasard, donc on peut me croiser au hasard. En tout cas, ne rentrant pas dans les cases du show biz, je suis rarement dans une salle de concert ou un festival. Le plus simple est de surfer sur le Web: quelqu'un qui cherche bien peut se faire une après-midi entière de vidéos, de textes et de musiques Michel Vedette. • Es-tu représenté par un agent, une galerie, et comment véhicules-tu ton message ? Je n'ai pas d'agent

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mais tous ceux qui aiment mon travail le sont et c'est pour ça que je bosse quand même régulièrement. Quant aux galeries c'est un peu comme les églises, je trouve ça sympa mais j'ai pas grand chose à y faire n'étant pas de cette obédience. Pour ce qui est de mon message, comme tous ceux qui n'ont pas signés, je le véhicule un peu à l'arrache, genre "autostop". • Peux-tu nous parler de Michel Vedette chanteur ?

Si je fais l'artiste aujourd'hui c'est parce que je n'ai jamais abandonné mes rêves d'enfance. Et le rêve « être chanteur » reste un must. Je tiens absolument à rater une carrière de chanteur. Autant je suis doué pour danser, autant je n'ai pas le truc pour chanter, ça ne marche pas. Mais je continue, comme un débile. Car je sais, comme Jean-Claude Duss, que "sur un malentendu on ne sait jamais". • Et les textes de tes chansons ? Je suis encore moins doué pour les textes de chansons que pour le chant… J'adopte donc la même politique. • J'ai beaucoup aimé tes livres d'aphorismes, comment est né ce projet ? Ah, ça, les aphorismes c'est

mon truc, la petite phrase qui, en quelques mots fait des étincelles chatoyantes. Un jour je me suis rendu

compte que j'étais en permanence en train de réfléchir à des tas de sujets, que ça avait l'air pas con dans mon cerveau et que ce serait bien de le rendre accessible, avant tout à moi-même. Il s’agissait de savoir ce que je pensais vraiment en fait. Du coup je me suis acheté un carnet de poche, souple et à spirales, et j'ai noté ce que je pensais. Au bout d'un certain temps, je l'ai relu, et des phrases ressortaient. Je les ai compilées dans des éditions en photocopies, et ça fait 15 ans que ça dure. D'ailleurs, comme au début, je trouvais le concept super cool, j'ai voulu le faire partager et j'ai organisé « Le mois du carnet ». J'ai proposé à quelques amis de se trouver un petit carnet et de l'avoir en permanence avec eux pendant un mois et de noter tout ce qu'ils voulaient. Le mois suivant on a organisé une sorte de cérémonie, on a lu les sélections de chacun et décerné des trophées (des moulages d'œufs dorés). Comme dans un festival : le prix « Moquette » pour la pensée la plus débile, le prix « Céleste» pour la plus classe, et le grand prix pour la meilleure sélection. Un des plus beaux moments de ma vie ! Et pourtant je n'ai remporté aucun prix. Bizarrement, ce projet n'est toujours pas sur la liste des grands rendez-vous de notre société de penseurs. • Peux-tu nous livrer quelques-unes de tes pensées ?

"L'art c'est l'intimité dévoilée." "J'aurais pu être pédé mais j'ai pas le temps." "Les théories sont d'abord faites pour prouver que j'ai raison." "Le chagrin d'amour c'est quand on mange et qu'on pleure en même temps." "S'asseoir par terre et sentir le monde qui tourne." • Quels sont tes projets, sur quoi travailles-tu en ce moment ? Je travaille principalement sur deux

choses: la musique et mon changement de paradigme. Comme j’adore être assis devant de la technologie, pour la musique, ça se passe beaucoup sur le logiciel Logic pro 9, et pour le paradigme sur mon Kindle 4. Mais j'ai quand même un ukulélé et des vieux bouquins introuvables. C'est un peu comme cette interview par email, je l'ai faite en écrivant à la main et je l'ai retranscrite à l'oral avec l'application « Dragon ».

www.michelvedette.com

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MUSIQUE

MUSIQUE

« On veut

simplement se reconnaître dans ce qu'on fait...

...On ne sortira jamais un titre qui ne nous plaît pas ou ne nous ressemble pas

»

• Comment vous présenteriez-vous à ceux qui ne vous connaîtraient pas ? Nous sommes un frère et une sœur qui avons grandi ensemble en faisant de la musique. Nous nous sommes retrouvés après des années dans des villes différentes pour écrire un album pop nourri de nos goûts musicaux très éclectiques allant de la pop à la française de Jacques Dutronc et des Rita Mitsouko à la britpop des années 90 en passant par le hip-hop, l'électro, etc. • Depuis quand faites-vous de la musique ensemble ? Depuis presque toujours ! Mais le projet de vraiment prendre les choses en main et de composer un album cohérent date d'il y a trois ans. • Vous êtes frère et sœur. Qu’est-ce que chacun de vous apporte à Singtank ? Joséphine : j'ai des goûts musicaux plus agressifs, dans l'adolescence j'écoutais beaucoup de hip-hop, puis du rock et de l'électro, tandis qu'Alexandre avait des inclinations plus rêveuses, de Radiohead à Nick Drake. On a vite réalisé que la rencontre de ces deux mondes fonctionnait bien musicalement et c'est comme ça que Singtank est né. • Comment est venu le choix du nom Singtank pour votre groupe ? Quand on a commencé à travailler sur l'album, il a bien fallu trouver un nom. Et on a eu beaucoup de mal, passant par mille idées plus mauvaises les unes que les autres. On s'est donc peu à peu transformés en un "Think Tank" de "trouvage" de nom de groupe, ce qui nous a donné l'idée de Singtank, le laboratoire à chanson. • Comment vous vient l’inspiration ? Travaillez-vous dans l’urgence ? On travaille moins dans l'urgence que dans la durée. On compose et écrit tout le temps, parfois sans résultat, mais parfois il y a ce moment magique où l'on sent que l’on tient quelque chose et alors on le façonne jusqu'à en tirer le meilleur. En général Alexandre a une idée musicale qui va inspirer un texte à Joséphine et on va ensuite travailler ensemble à créer la meilleure chanson possible. • Quelles sont les limites que vous vous fixez ? On veut simplement se reconnaître dans ce qu'on fait, on ne sortira jamais un titre qui ne nous plaît pas ou ne nous ressemble pas. En dehors de ça, on ne se ferme aucune porte. • Comment s’articulent vos activités et créations pour Singtank avec vos autres activités artistiques et professionnelles ? Jusqu'à maintenant très bien, c'est enrichissant de travailler dans plusieurs domaines, et ça fait du bien de sortir du bain musical pour y revenir avec des oreilles plus fraîches. Entre la composition, l'enregistrement, le mixage et le mastering, on écoute un titre d'album un nombre inimaginable de fois, c'est donc très important de sortir parfois de ce contexte pour pouvoir revenir avec d'autres idées et une vision plus claire des choses. • La mode, l’image, jouent-elles un rôle important dans l’univers de Singtank ? Elles sont des moyens enthousiasmants de s'amuser, d'être créatifs dans d'autres domaines, et de communiquer de façon diversifiés sur l'univers du groupe. • Le fait d’enregistrer à Londres et à Los Angeles a-t-il influencé votre album ? Les villes pas réellement car on sort peu des studios en période d'enregistrement, mais les studios eux-mêmes, totalement. À Los Angeles nous avons enregistré dans le studio du clavier de Beck, ce qui nous a donné accès à une hallucinante collection de claviers de toutes les époques et donc à une gamme de sonorités incroyables avec

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laquelle on a adoré travailler sur l'album. À Londres on a enregistré aux studios RAK, où ont notamment travaillé certaines de nos idoles comme les Cure. Il y a un appartement à côté que le studio loue aux artistes qui y enregistrent, donc pour le coup, on a vraiment vu très peu de Londres pendant cet enregistrement ! • Quels sont, selon vous, les titres les plus représentatifs de votre album ? Il n'y en a pas en particulier, on a voulu faire un album aux humeurs et ambiances variées, représentatives de l'état qu'on voulait y décrire : ce sentiment au sortir de l'adolescence et plus tard dans la vie d'être à la lisière entre rêve et réalité, de se projeter dans plein de vies possibles et de devoir choisir la route qui est la sienne. Donc ça passe par des moments d'enthousiasme juvénile (I don't wanna die, Give it to me), mais aussi par des moments de doute, de contemplation (Blue, Sirens). • Comment s’effectue l’adaptation de vos titres studio pour le Live ? Sont-ils pensés à l’origine pour être joués sur scène ? C'est vraiment un album qu'on a pensé et réalisé en studio, et ça a été un vrai défi de le retranscrire sur scène. On a vite réalisé qu'on n’arriverait pas à retrouver le son de l'album, et que ça n'avait, en plus, pas d'intérêt. Donc peu à peu on a adapté les morceaux pour la scène, on les a beaucoup réarrangés, retravaillés, pour finalement y trouver une énergie plus rock et plus immédiate. On y trouve du coup un plaisir toujours renouvelé car on ne cesse d'y réinventer les chansons, et le contact direct avec un public est un plaisir indescriptible. • Quelles sont les icônes, les maîtres à penser qui vous influencent ? On aime tous les deux beaucoup Jarvis Cocker du groupe Pulp, pour sa capacité à raconter avec un subtil mélange de tendresse et d'ironie des histoires qui décrivent avec beaucoup de justesse notre génération, ses doutes et ses aspirations. • Et quel regard portez-vous sur la musique d’aujourd’hui ? Un regard très enthousiaste. Quand on voit des groupes aussi géniaux qu'Arcade Fire, qu'on avait vu dans des petites salles à Paris à leurs débuts, prendre la tête des ventes aux États-Unis et remporter un Grammy, on se dit que les choses vont dans le bon sens. Internet permet d'accéder en direct à la dernière sensation du fin fond de l'Oregon dont on n’aurait sûrement jamais même entendu parler en France il y a 15 ans. • Avez-vous des artistes français avec qui vous aimeriez travailler ? Jacques Dutronc ou Catherine Ringer ce serait incroyable, mais ça relève du domaine du rêve ! On aimerait bien faire des collaborations avec des artistes hip-hop aussi. • Comment vous est venue l’idée du clip The Party ? On voulait un clip qui réponde à cette phrase dans The Party "somewhere between the alleys of dreams and reality", et les trois très talentueux membres du collectif de réalisateur AB/CD/CD nous ont fait cette proposition dingue d'une course-poursuite Lewis Carrollienne dans un monde de portes de toutes les couleurs. On a tout de suite adoré, depuis les premiers très jolis croquis qu’ils nous ont envoyés et on est très heureux du résultat ! • Quels sont vos projets à venir ? On entame une tournée française dont on se réjouit énormément !

www.singtank.com

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EXPOSITION

EXPOSITION

PUNK SUR LA VILLE + HISTOIRE D’UN SYSTÈME ANTICONFORMISTE + Texte /

Jessica Piersanti • Visuel / © DR

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n anglais, Punk signifie voyou. Il est vrai que l’arrivée du punk a bousculé une société bien pensante, qui avait réussi à domestiquer le mouvement rock en le réduisant à une chose sans saveur, dégoulinante d’une guignolesque mièvrerie post hippie, le faisant entrer dans une sorte de « variété » policée…mis à part quelques exceptions. Reprenant l’énergie de groupes garages New-Yorkais habitués du CBGB, les jeunes « révolutionnaires » de la musique ont alors exprimé leur rage d’une société en crise à l’époque Thatchérienne, avec ses fermetures d’industries de grande ampleur. Alors, se saisissant de guitares et de basses, souvent sans jamais avoir joué une note, les jeunes rageurs anticonformistes ont hurlé leur rejet d’un système dans lequel ils ne se reconnaissaient pas, en construisant malgré eux leur propre système. Ce qui primait alors c’était de jouer, bien ou mal, peu importait. Le tout était de s’exprimer, et tout contester dans l’instant : No futur, en Angleterre, en France, en RFA et ailleurs. À l’occasion de l’exposition « Punk sur la ville » (jusqu'au 27 octobre 2012) aux médiathèques de Reims, Stanislas Adry, bibliothécaire en charge des collections musicales, vidéos et chargé du développement du numérique et Arno, ancien activiste de la scène punk, investi dans cette scène par le biais d'un fanzine, d'un label, d'organisations de concerts et membre de divers groupes, témoignent de ce mouvement culturel marquant du siècle passé.

« En 1977, des milliers de jeunes Anglais ont

séché les bancs de l'école, préférant la rue, les concerts, la défonce... Pourquoi construire un avenir lorsque les seules perspectives sont le chômage ou l'usine ?

»

• Pouvez-vous nous parler de l'exposition "Punk sur la ville" qui est présentée aux Médiathèques Falala et Laon-Zola jusqu'au 27 octobre ? Stanislas Adry : L’exposition « Punk sur la ville » est, pour la Bibliothèque Municipale, l’occasion de revenir sur un mouvement musical et culturel majeur du XXe siècle. L’équipe «musique» des médiathèques souhaitait proposer également un focus plus particulier sur la scène locale en Rappelant que la ville fut également un lieu d’ancrage du mouvement punk au travers de fanzines, de concerts et d’acteurs emblématiques. Valoriser la vie musicale locale fait partie de nos projets en cours et cette exposition, même si elle revient sur le mouvement Punk de manière générale, est l’occasion de mettre en lumière une scène locale finalement peu connue des non-initiés : aller plus loin que la crête, l’épingle à nourrice, dépasser les lieux communs. C’est là tout le cœur de notre action quotidienne de médiation de la musique et de la culture auprès de nos usagers : rendre accessible, défricher, éveiller la curiosité et casser les préjugés. Cette exposition en est l’exemple le plus fort. Nous sommes ravis de pouvoir la proposer et la partager avec le plus grand nombre.

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• C'est quoi le punk ? Arno : À l'origine, le Punk est un mouvement qui est né Outre-Manche vers la fin 1976. En Angleterre, on a parlé d'explosion car en quelques mois une multitudes de groupes et toute une partie de la jeunesse s'étaient engouffrés dans la brèche ouverte par les SEX PISTOLS, CLASH, DAMNED, X RAY SPEX, 999, RUTS, PENETRATION, SIOUXSIE and the BANSHEES, ADVERTS... Les valeurs traditionnelles liées au respect de la religion, de l'Etat, de la royauté, de la famille, du travail, volaient en éclat. Le Punk Rock offrait d'autres alternatives, un autre esthétisme, une autre vision de la société. Par la suite, ce mouvement s'est exporté à travers l'Amérique du Nord, et l'Europe de l'Ouest. À la fin des années 90, la scène Punk s'est propagée à travers l'ancien bloc communiste, ainsi qu'en Asie, Amérique du Sud... • En quoi le punk a-t-il été une révolution dans les années 70 et 80 ? Arno : Le punk a surtout été une révolution sociale en Angleterre car il a été un véritable foyer de la contestation. En 1977, des milliers de jeunes Anglais ont séché les bancs de l'école, préférant la rue, les concerts, la défonce... Pourquoi

construire un avenir lorsque les seules perspectives sont le chômage ou l'usine ? No futur! On peut aussi parler de révolution culturelle. En pleine période disco, de pseudo rock planant, de pattes d'eph, et autres hippies parfumés de patchouli, le Punk Rock ne pouvait que prospérer. De nombreux pays ont connu ou connaissent des périodes propices à cette culture, mais pas avec la même virulence. En Angleterre, il n'y a pas eu d'équivalent à cette période. • Peut-on parler de punk français ? Arno : Oui, mais chez nous c'est toujours resté une «sous-culture». La seule exception se trouve dans le rock alternatif des années 1987 à 89 avec des groupes comme les BERURIER NOIR, LUDWIG VON 88, NUCLEAR DEVICE, LES GARCONS BOUCHERS, PARABELLUM, OTH, THUGS, SHERIFF... Là, il y a eu un vrai engouement populaire, mais le phénomène s’est concentré sur quelques groupes, et quelques labels comme BONDAGE, BOUCHERIE Prod, ou encore GOUGNAF MOUVEMENT. En 77, on a eu METAL URBAIN, un vrai groupe punk français énergique et talentueux qui a dû s'expatrier à Londres... Pourtant, sous Giscard, il y a avait de

quoi avoir envie de foutre un peu le bordel ! • Ce punk français était-il réellement révolutionnaire et novateur, ou une simple réinterprétation de ce qui se passait outre manche ? Arno : Heu... Hormis METAL URBAIN, OLIVENSTEINS, ou encore GAZOLINE, il n'y avait pas vraiment de scène Punk française en 77. Tout juste quelques groupes de gros graisseux qui se prenaient pour des durs avec leurs tiags, leurs bagouzes et leurs perfs à franges. Tout juste bons à faire mouiller les pucelles dans les baloches de campagne. Dans les années 80, on a eu des groupes comme OBERKAMPF, GOGOL 1er, WUNDERBACH, CAMERA SILENS, REICH ORGASM, TROTSKIDS, LSD, de bons groupes certes, mais pas vraiment novateur. Il faudra attendre la percée des BERURIER NOIR et de la scène dite "Alternative" pour avoir quelque chose de vraiment novateur par rapport à l'Angleterre, et même vis-à-vis du reste de la scène Punk mondiale. • Le punk a-t-il bien vieilli ? Arno : En France, je dirai que non, il ne représente rien. Le Punk rock est un truc de jeunes. Le Punk au sens révolutionnaire

du terme existe dans certains pays comme en Russie avec les PUSSY RIOT, en Malaisie, en Chine, en Indonésie, au Mexique, au Kenya... Mais en Europe de l'Ouest, il ne représente plus rien, sauf en Allemagne. En Angleterre, tous les groupes se sont reformés, et ils traînent leurs carcasses bedonnantes dans les festivals comme celui de "Holiday in the

sun". Tu as 3 scènes avec 60 groupes sur 3 soirs... Un peu comme les tournées "Âge tendre et tête de bois", sauf que là c'est "Gros ventre et crête en bois", et qu'à la place de Richard Anthony, on te balance Jimmy Pursey, c'est le même principe. Aux ÉtatsUnis, il y a de très bons groupes comme RANCID, DROPKICK MURPHYS, BAD RELIGION, mais

ils sont tous professionnels, c'est un business ni plus ni moins. • Malgré tout, où retrouve-t-on encore le Punk aujourd’hui ? Arno : À Reims, on le retrouve sous forme d'expo dans des médiathèques, genre Falala, ce qui, avec le recul est un drôle de pied de nez à

l'histoire locale. C'est aussi une preuve que les choses ont évolué car je ne pensais pas que ce genre de projet pourrait voir le jour dans une ville comme Reims. Les Punks sont mêmes dans C.L.G.B... C'était donc ça "L'anarchie au palace".

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ART

ART

LEE JAFFE + UN ARTISTE À PART (ENTIÈRE) + Texte /

Nicolas K. • Photo / © DR / Lee Jaffe

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ee Jaffe est un artiste américain pluridisciplinaire, photographe, harmoniciste, producteur, réalisateur et peintre qui en 1973, suite à une rencontre fortuite avec Bob Marley à New York, est parti vivre en Jamaïque pendant plusieurs années. Devenu un membre à part entière des Wailers, il a organisé les premières tournées américaines du groupe avant de repartir s’installer aux États-Unis en 1976. Il a par ailleurs produit une dizaine d’albums de reggae, y compris le célèbre Legalize It de Peter Tosh - il est l’auteur de la photo de couverture sur laquelle le plus rebelle des trois Wailers pose au milieu d’un champ de cannabis, défiant le monde de son regard la pipe à la bouche. Au début des années 1980, il a aussi fait partie du cercle très fermé des artistes new-yorkais influents de cette époque comprenant (excusez du peu !) Andy Warhol, Keith Haring, Julian Schnabel ou encore Jean-Michel Basquiat qu’il a d’ailleurs beaucoup fréquenté entre 1983 et 1986. Aujourd’hui âgé de soixante-deux ans, Lee Jaffe vit à San Diego, poursuivant sa carrière artistique tout en ayant repris dans l’intervalle des études universitaires. Rencontre avec cet avant-gardiste aux talents multiples qui, de passage en France, nous a fait l’honneur de nous accorder une de ses rares interviews.

« Je suis en dehors du système, je suis un marginal » • Bonjour Lee Jaffe, comment se passe ton séjour en France ? Très bien, j’adore ce pays. La France, c’est un pays fantastique ! • Ce n’est pas la première fois que tu viens ici ? Non, je suis déjà venu plusieurs fois en France. J’y ai même vécu au début des années 1970 lorsque Maria Schneider tournait dans Le Dernier Tango à Paris au côté de Marlon Brando. À vrai dire, j’ai assisté à la fin du tournage de ce film et j’ai même bu un thé avec Marlon dans un petit café près de la Seine. À l’époque, Maria Schneider devait jouer dans mon prochain film. Je devais le tourner au Chili. Mais ce projet ne s’est pas fait à cause du coup d’État orchestré par la C.I.A. qui a renversé Salvador Allende… Plus tard, je suis revenu à Paris pour y exposer mes peintures. Mais la dernière fois que je suis venu en France remonte à 1989. • Cela fait déjà bien longtemps… Pourquoi ce retour après plus de vingt ans ? La France te manquait-elle ? On peut dire ça (rires)… C’est vrai, j’adore la France comme je t’ai dit, mais je ne suis pas là uniquement pour faire du tourisme, je suis aussi là pour travailler. En fait, j’écris un livre avec un universitaire rémois qui a écrit une thèse sur l’histoire de la musique jamaïcaine. • Intéressant… Tu peux nous en dire plus ? Oui. Je suis en contact avec Jérémie [Kroubo Dagnini, NDLR] depuis plusieurs années et récemment on a décidé d’écrire un livre en commun sur mon expérience jamaïcaine. Je suis donc en France pour l’écriture de ce livre. • Quand as-tu vécu en Jamaïque ? Entre 1973 et 1976-77 environ. Pendant cette période, je vivais

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chez Bob Marley. J’ai été l’harmoniciste des Wailers, j’ai enregistré plusieurs morceaux avec eux comme « Roadblock » ou « So Jah Seh » présents sur l’album Natty Dread. J’ai aussi produit l’album Legalize It de Peter Tosh. • La célèbre photo de la couverture de cet album, elle est de toi, non ? C’est exact ! J’ai pris toute une série de photos de Peter [Tosh, NDLR] dans ce champ de ganja. Cette série de photos apparaîtra dans le livre. • Que pourrons-nous apprendre d’autre dans ce livre qui semble captivant ? Il traitera d’énormément de choses, de ma vie à Hope Road ou à Bull Bay chez Bob [Marley, NDLR], de mes enregistrements avec les Wailers, des premières tournées américaines que j’ai organisées pour le groupe, de la conception de certains morceaux comme « Roadblock », « Talkin’ Blues » ou « I Shot The Sheriff », de la création et de la production de l’album Legalize It, de Chris Blackwell, de plein, plein de choses. Et on évoquera aussi ma carrière artistique en amont de cette expérience jamaïcaine, notamment les années que j’ai passées au Brésil en 1969-1970, ainsi que ma vie à mon retour aux États-Unis. • « I Shot The Sheriff » est un morceau légendaire qui a même été repris par Eric Clapton. Comment cette chanson a-t-elle été conçue ? Bob a écrit cette chanson sur une plage où on avait l’habitude d’aller, une plage appelée Hellshire, située près de la ville de Portmore en Jamaïque. Je jouais de l’harmonica et Bob jouait de la guitare. Bob a dit: « I shot the Sheriff», et j’ai répondu: « But you didn’t get the deputy ». C’est comme ça que la chanson est née. Yeah. On était juste en train de faire

un bœuf et je me souviens que deux grosses filles se sont mises à danser. Il n’y avait pas grand monde sur la plage, mais la chanson était tellement marrante qu’un petit groupe de personnes s’est ensuite mis à danser dessus. Puis, j’ai noté les paroles que Bob chantait. J’étais très excité parce que je savais que c’était un tube et j’étais conscient que je contribuais intégralement à sa création. • Dis-moi, on va en apprendre des choses dans ce livre. Quand sa sortie est-elle prévue ? En 2013 normalement. (Éditions Camion Blanc) • Pourquoi avoir décidé d’écrire ce livre avec Jérémie Kroubo Dagnini ? Ça c’est fait naturellement. On a bien sympathisé tous les deux et c’est un universitaire qui a écrit un livre somme de 768 pages sur l’histoire de la musique jamaïcaine, [Vibrations jamaïcaines, NDLR]. C’est aussi un Franco-Africain qui connait bien la Jamaïque, la Caraïbe en général, et le monde anglophone. Il a donc une vision du monde plurielle, très large. Pour toutes ses raisons, il m’a paru évident qu’il était l’homme de la situation. • Tu as aussi côtoyé le peintre Jean-Michel Basquiat au début des années 1980... Oui c’est exact, mais plus au milieu des années 1980. En fait, avec Jérémie, on est aussi en train d’écrire un autre livre sur mes années passées aux côtés de Jean-Michel. J’ai collaboré avec lui sur différentes œuvres artistiques et on a beaucoup voyagé ensemble, en Asie et en Suisse notamment. Cet autre ouvrage parlera entre autres de tout ça. • Quand et comment l'as-tu rencontré exactement ? Je l’ai rencontré durant l’été 1983 à Los Angeles lors de l’exposition d’un artiste avec qui j’ai

fait pas mal de collaborations et qui a été mon professeur à l’Université de Pennsylvanie : Italo Scanga. Il est mort il y a une dizaine d’années. Jean-Michel était présent au vernissage de l’expo et il y avait aussi un marchand d’art, Fred Hoffman. Je venais de rencontrer Fred ; quelqu’un l’avait amené dans mon atelier à New-York quelques semaines plus tôt. À cette époque, il travaillait avec Jean-Michel et lorsqu’il a vu que nous étions tous les deux présents à l’expo il m’a dit : « Oh, j’aimerais te présenter à Jean-Michel, je suis sûr que vous allez vous entendre tous les deux », et il m’a présenté à lui. Jean-Michel avait déjà exposé, je savais qui il était et je connaissais son travail. On a échangé, je lui ai dit que j’étais en Jamaïque avant, je lui ai parlé de mon implication dans la musique jamaïcaine, et ça l’a tout de suite intéressé. C’est pour ça en fait qu’on est devenu amis. • Finalement tu es un artiste touche-à-tout. Comment te définirais-tu ? Effectivement je touche à différentes formes d’art : de la musique à la photographie, à la peinture, au cinéma... En fait, dans les années 1960-1970 je me considérais comme un artiste conceptuel. En 1970, j’ai d’ailleurs travaillé avec le vidéaste Vito Acconci, l’un des leaders de l’art conceptuel. On a réalisé une petite vidéo ensemble baptisée Impact, inspirée de la scène de la course de voitures dans La Fureur de vivre (avec James Dean). Dans ce film, James Dean (alias Jim Stark) et l’acteur Corey Allen (Buzz) se lancent un défi : au volant de voitures volées, ils roulent à tombeau ouvert vers une falaise et le plus courageux est celui qui tarde le plus à sauter du véhicule. Celui qui saute en premier est une « poule mouillée », c’est pourquoi on appelle ce genre de course « Chickie Run ». Notre court métrage était sensiblement simi-

Lee Jaffe (à gauche) et Jean-Michel Basquiat, NY, 1983

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ART

publi rédactionnel

AGENDA

ACTUALITÉS DU S.U.A.C.

Du 10 au 14 octobre 2012, c’est la fête de la science ! Un village des sciences est installé au campus Moulin de la Housse, rue des Crayères à Reims, ouvert le mercredi 10 octobre de 14h00 à 18h00 et du jeudi 11 au samedi 13 octobre de 09h00 à 18h00. Ce village invite à découvrir gratuitement en famille, entre amis ou en solo des thématiques riches et variées permettant de comprendre la recherche et ses applications, notamment les nanotechnologies, l’histoire sous l’œil scientifique, l’astronomie, l’analyse des œuvres d’art, les automatismes, les séismes et épicentres, la biodiversité aquatique, la chimie amusante, des ateliers de fouilles archéologiques, la police scientifique. Ici, pas de Nerd no life portant blouse blanche et grosses lunettes cheap au discours voulu incompréhensible. Les thématiques sont animées par plus de 100 médiateurs : chercheurs, techniciens et spécialistes.

Les conférences

la thermographie infrarouge » / "Le contrôle des oeuvres d'art par des méthodes optiques infrarouges" par J-L Bodnar, chercheur au laboratoire GRESPI. Mercredi 10 à 18h à l'hôtel de ville de Reims.

Du 15 au 18 octobre, Goût, Culture et Design en Champagne-Ardenne aux 10èmes rencontres du goût

• « Du musée à la fouille : à la découverte de la porte Mars » par le service archéologique de Reims Métropole. Le jeudi 11 octobre à 18h30, Hôtel de Ville de Reims.

• Les moines et le vin : Conférence à l’Hôtel de Ville le lundi 15 octobre 2012 à 17h30 (entrée libre)

Les spectacles

du Moyen Âge.

• « L’aide à la conservation des peintures murales du patrimoine :

• « Les spécimens » par la compagnie Succursale 101. Les jeudi 11 et vendredi 12 octobre à 11h00, 14h00, 15h00. Des marionnettes ! Du suspense ! Une enquête de l’inspecteur Valtarin.

"Vanity" • Collaboration entre Jean-Michel Basquiat et Lee Jaffe

laire. On devait courir à fond l’un vers l’autre et se rentrer dedans ; celui qui évitait la confrontation en fin de course était une « poule mouillée ». Tu sais, c’était l’époque de la guerre du Vietnam et on percevait l’art conceptuel comme une manière de faire de l’art sans créer d’objets, parce que les objets pouvaient être achetés par les riches et si tu faisais des objets pour les riches, ça sous-entendait que tu nourrissait le système et qu’au final, tu soutenais la guerre. Donc, en refusant de créer des objets artistiques matériels, on était en dehors du système et donc contre la guerre. On essayait de se positionner en dehors du système qui attribuait une valeur monétaire à l’art. Mais par la suite, l’art conceptuel a implosé et a été récupéré par le monde de l’art.

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Donc désormais je me considère plus comme un créateur marginal appartenant au courant artistique appelé «art outsider ». Ce courant n’appartient pas au système. À l’Université, par exemple, si tu étudies les beaux-arts, il n’y a aucun cours sur ce courant artistique tandis qu’il y en a sur l’art conceptuel. Moi, je suis en dehors du système, je suis un marginal...

Whitechapel à Londres. On a toujours essayé de me marginaliser parce que mes œuvres traitent de questions sociales ou raciales. Je dénonce par exemple le colonialisme dans plusieurs de mes peintures. Et les gens qui contrôlent le système n’aiment pas ça. Ils se sentent mal à l’aise avec ce type de questions, donc ils préfèrent m’éviter.

• Être en dehors du système, c’est un choix personnel ? Oui et non. Oui, parce que ce système capitaliste ne m’a jamais convenu. Et non, parce que de toute façon le monde de l’art de m’a jamais véritablement accepté. Par exemple, lorsque j’ai exposé en Angleterre, c’était à la Ikon Gallery à Birmingham et non pas à la Tate Modern ou à la

• Que de projets… et tu as choisi récemment de retourner à l'Université ! Mais lorsqu’on voit ton parcours comme musicien, producteur, photographe ou peintre, on peut se poser des questions sur l’intérêt de reprendre des études à ton âge… Il n’est jamais trop tard pour apprendre. Je suis un artiste au sens propre du terme, je pratique l’art

depuis plus de quarante ans. Il est à présent temps que j’en sache plus sur la théorie, c’est pourquoi je suis retourné à l’Université pour obtenir un master en beaux-arts. La plupart des gens apprennent la théorie avant de s’exercer à la pratique. Moi, j’ai fait l’inverse ! • Le mot de la fin ? One Love.

• « Un phénomène tout à fait ordinaire » par la compagnie Pseudonymo. Le samedi 13 octobre à 11h00, 14h00, 15h00, 16h00. Une rencontre étrange avec le professeur Korchounov pour s’interroger sur la réalité de l’existence.

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La fête de la science est une manifestation nationale initiée par le Ministère de l’Enseignement

Vie Étudiante et du Service Universitaire d’Actions Culturelles de l’Université de

Supérieur et de la Recherche, en partenariat avec le Conseil régional de Champagne-Ardenne et

Reims Champagne-Ardenne.

le FEDER, avec la participation de la DRAC et du Conseil Général des Ardennes. Le village des

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sciences est organisé par l’UFR Sciences Exactes et Naturelles et STAPS, le CNAM Champagne-Ar-

Les Rencontres du Goût sont organisées par La Fondation Alfred Gérard et ses partenaires, avec le

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ÉPILOGUE !

LA PLANCHE À BROUILLARD, À DÉFAUT DE BILLET

« Le temps et mon humeur ont peu de liaison ; j'ai mes brouillards et mon beau temps au-dedans de moi »

OCTOBRE I NOVEMBRE I DÉCEMBRE

(Blaise Pascal)

T

raversant les étendues planes et désolées qui entourent la ville, j'observe ce blanchâtre brouillard comme un voile mariant l'été à l'hiver. Un mur vaporeux et

froid qui masque les imperfections et que l'on traverse, vers un VEN

monde fantasmé, nous invitant dans une réalité arthurienne.

OCT

Une réalité où l'on peut s'inventer, en délaissant nos lunettes,

19 ALDEBERT ZABEL

pour voir enfin juste. Le brouillard encore, est un allié du

1995 20 OCT LA COHÉSION SAM

spectacle, car, comme un rideau, il ouvre librement sur de multiples pièces inconnues de nos demeures encéphales. Ainsi, au concert ou en club accompagné d'une pénombre salutaire,

JEFFERSON STARSHIP 23 OCT PREMIÈRE PARTIE MAR

il estompe les personnalités pour mieux en r(ê)véler la face cachée. Un peu comme dans un jeu de pile ou face, l'on jette ces visages en masse pour gagner au jeu individuel

WAX TAILOR 24 OCT DR FLAKE MER

du rapport humain, à quitte ou double. On double et on quitte, pourrait-on dire. Bref, à camoufler le gouffre de nos désespérances, le brouillard serait notre salut, un

TREPALIUM 25 OCT KLONE I HACRIDE I INNER FEAR JEU

salut qui redessinerait les contours de nos barrières, abolissant les perspectives, comme pour mieux nous offrir un salut, qu'on danserait, gothique romantique sur un fond

CARTE BLANCHE À HIGHLIFE RECORDINGS 25 OCT AVEC REMO I HUBWAR I JADORE I SYNAPSYS KREW JEU

de lutheries aux sons saturés. Je conclurais ici cette facile pensée à la manière d'un post placardé sur le web, ou plutôt d'un post punk, sous forme d'un curtisien salut ! Alors Salut à toi...à la manière des alternatifs du siècle passé. (Alexis Jama-Bieri)

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