grandbag / open art revue #23

Page 1

JANVIER 2013

23

Mensuel gratuit

Photo : Š Antoine Bouillot


Vorsprung durch Technik

Tenez bon ! Texte / Morgane

P

artout on bâillonne, et on sur-écoute. Les Pussy Riots ont été bouclées, les journalistes kidnappés (au mieux), les opposants muselés, les radios contrôlées, les TV achetées, les artistes censurés. Il y a dans ce constat affligeant, une bonne nouvelle : la prise de parole est prise au sérieux. Le pouvoir ne se soucie que de ce qui semble avoir un pouvoir contraire. Ces oligarques, spécialistes endurcis des subtilités politiques, rompus aux jeux de stratégie, n’ont d’ailleurs pas compris que faire taire revient à amplifier ! Et amplifier à résonner ! La seconde bonne nouvelle : il y a une solidarité mondiale, chacun de nous peut aider d’une manière ou d’une autre, signer une pétition, manifester, se mobiliser pour des causes qui se trouvent à l’autre bout du monde… afin de défendre, résister, réagir et faire reconnaître le droit de la liberté d’expression. C’est une question de survie pour l’espèce en général, le monde de l’art en a fait son blason et les journalistes, qui ont pour essence la liberté d’informer, une question d’éthique et de nécessité. TENEZ BON ! L’essentiel, face à un système qui demande aux individus d’œuvrer en un sens décidé (autoritaire ou consensuel), c’est qu’un certain nombre d’entre nous œuvre en des sens divers, et ouvrent quotidiennement des voies de liberté, par l’expression de visions personnelles. TENEZ BON ! L’essentiel, face à un tel système, c’est qu’un certain nombre

Exiger plus avec moins. Audi Q3 2.0 TDI

À partir de

349 €

Tschiember • Photo / © Morgane Tschiember

/mois*

Entretien** et garantie inclus

CONCRETE KNIVES

Audi Q3. Inspirée d’exigences futures.

*LOA 36 mois 45 000 km. Ex. : Audi Q3 2.0 TDI 140 ch Attraction au prix spécial pour ce financement de 29 682 € TTC (tarif au 06/12/2012 avec garantie 2 ans + 1 an de garantie additionnelle obligatoire au prix de 370 € incluse dans les loyers). En fin de contrat, option d’achat : 15 713 € ou reprise du véhicule suivant engagement sous conditions de votre Distributeur. Offre réservée aux particuliers chez tous les Distributeurs présentant ce financement, sous réserve d’acceptation du dossier par Audi Bank division de Volkswagen Bank GmbH – SARL de droit allemand – Capital social : 318 279 200 € - Succursale France : Paris Nord 2 – 22 avenue des nations 93420 Villepinte - RCS Bobigny 451 618 904 - ORIAS : 08 040 267 (www.orias.fr) et après expiration du délai légal de rétractation. Assurance facultative Décès - Incapacité Perte d’Emploi : à partir de 6 €/mois souscrite auprès de Cardif Assurance Vie SA au capital de 688 507 760 €, N° 732 028 154 RCS Paris et Cardif Assurances Risques Divers SA au capital de 14 784 000 €, N°308 896 547 RCS Paris, Siège social : 1 Boulevard Haussmann - 75009 Paris. Ce montant s’ajoute au loyer en cas de souscription. Montants exprimés TTC, hors prestations facultatives. **Forfait Service Entretien aux particuliers obligatoire souscrit auprès d’OPTEVEN SERVICES - SAS au capital de 365 878 € - Siège social : 109 bd Stalingrad - 69100 Villeurbanne - RCS Lyon N° B 333 375 426. Coût mensuel du Forfait Service Entretien aux Particuliers : 16 € inclus dans les loyers, coût hors financement : 576 €. Modèle présenté : Audi Q3 2.0 TDI 140 ch BMV6 Attraction, au prix de 30 600 € TTC avec options (non incluses) peinture métallisée (750 € TTC), jantes en aluminium coulé 5 bras partiellement polies 7J x 18” (1750 € TTC), projecteurs Xénon Plus (1 200 € TTC), rampes de pavillon en aluminium poli(100 € TTC) et Pack Aluminium extérieur (190 € TTC). Tarifs au 06/12/2012. 1er loyer de 3 899 € suivi de 35 loyers de 429 €. Montant total dû en cas d’acquisition : 35 862 €. Consommations en cycle mixte (l/100 km) : 5.2. Rejets de CO2 (g/km) : 137. Volkswagen Group France S.A. – RC Soissons B 602 025 538. Audi recommande Castrol EDGE Professional. Vorsprung durch Technik = L’avance par la technologie.

LIU YUE

Le Vignoble SAS Cité de l’Automobile - ZAC Croix-Blandin - rue Lena Bernstein - Reims A34 direction Charleville Mézières - sortie Croix-Blandin - Tél. 03 26 79 83 33

04.01.2013 17:21:39

+ Le luxe en réflexion +

+ Lorsqu’une montagne sommeille +

CHAD WYS

+ L’art en appropriation +

MARIANNE MARIC BRUIT FANTÔME DAVID LIOT

Q3Fast_LOA_APSP_V2.indd 1

+ En riffs aiguisés +

ANTOINE BOUILLOT

Location avec Option d’Achat sur 36 mois. 1er loyer de 3 899 € suivi de 35 loyers de 349 €. Montant total dû en cas d’acquisition : 31 817 €. Offre valable du 1er janvier au 31 mars 2013. Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager.

d’entre nous remettent en cause les fonctionnements établis et cherchent à emprunter des voies non explorées par les conventions sociales ou des situations politiques abusives. TENEZ BON ! L’essentiel, face à une telle situation, c’est que certains d’entre nous réveillent les autres, et nous rappellent que nous avons le devoir, souvent négligé, de dire haut et fort les maux de notre société. Le 16 janvier 2013, le tribunal examinera la demande de report de peine déposée par les avocats de Maria Alekhina afin qu’elle puisse élever son jeune fils : cette journée sera une journée de solidarité internationale pour Maria ! Nous vous demandons à tous, à travers le monde, de soutenir Maria en organisant des actions de solidarité. L’audience aura lieu sur le territoire de la colonie de détention où Maria est actuellement emprisonnée (IK-28Berezniki, région de PERM). Organisez des lectures de soutien, des concerts, des manifestations devant l’ambassade de Russie, toutes vos actions seront utiles et peuvent amener le tribunal à se prononcer en faveur de Maria ! TENEZ BON ! Nous serons tous ensemble le 16 janvier et les jours suivants afin que Justice soit faîte. Il est plus difficile de soutenir quelqu’un en étant à l’intérieur du pays concerné, Merci à tous ceux qui soutiennent les Pussy Riots au sein de la Russie, et je pense particulièrement au directeur du centre d’art de Perm qui a signé la pétition en leur faveur.

+ Clichés écorchés +

+ Musique d’outre espace +

+ Un musée des Beaux-Arts modernisé +

TIMOTHY OULTON

+ Un intérieur de gentleman +

SIMON DELÉTANG

+ En théâtre charnel et concret +

05 08 16 18 26 31 33 39 41


MUSIQUE

CONCRETE KNIVES Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © DR

bulthaup bulthaup b3 suit des convictions, et non des tendances éphémères.

bulthaup unit précision et cuisine hautement personnalisée. L’amour du détail joue un rôle tout aussi important que le concept architectonique global, ce qui fait de chaque cuisine bulthaup une œuvre absolument unique, pour un travail sur mesure authentique, parfaitement adapté à l’espace et à tous ses occupants.

À

l’écoute de Concrete Knives, on se dit que la pop, ici onctueuse et pétillante, s’exprime parfaitement au fil des créations de ces jeunes Normands (Morgane Colas au chant, Guillaume Aubertin à la batterie, Augustin Hauville, Basse. Adrien Leprêtre aux claviers, Nicolas Delahaye Guitare/ Chant). Avec ce premier Album « Be your Own King », sorti chez le label londonien Bella Union (Midlake, Beach House,…), on se prend à voyager, on stage, avec ces musiciens amoureux d’un son pop qui se voudrait universel. Loin des productions léchées, voire aseptisées, l’album nous offre une multitude de circonvolutions musicales, parfois brutes, parfois tristes, et s’élevant en joyeuses envolées lyriques. Libre et non guindée, c’est une pop qui se boit, jusqu’à l’ivresse, comme un bol de cidre frais.

Intérieur Actuel 40 rue de Buirette 51100 Reims Tél. : 03 26 47 41 13 bulthaup@interieuractuel.com

VIE1_410x285_4c_C.indd 1-2

16.07.12 13:40

CONCRETE KNIVES

05


MUSIQUE

MUSIQUE

« Prenez ça dans les gencives, tocards ! » Comment vous êtes-vous rencontrés ?

On s’est rencontrés au lycée, puis avons migré par la suite à l’université à Caen, ville où le projet s’est installé.

Comment avez-vous travaillé pour Travaillez-vous dans l’urgence, dans Quels artistes appréciez-vous particuconcevoir votre premier Album « Be l’instinct et l’instant ? lièrement aujourd’hui ? your own king » ? Un peu des deux. L’urgence te contraint à faire appel Zun Zun Egui, Beak, Kouyaté Neerman, Le Vasco,

«Prenez ça dans les gencives, tocards !»

On a bossé avec Dan Levy de The Do et aussi seuls. On louait des gites où l’on pouvait s’enfermer et être relax, mais également faire autre chose que de la musique.

à ton instinct et à trouver des solutions rapidement. C’est se mettre en danger, faire le meilleur choix, garder l’instant intact.

Hop Pop bordelique.

le meilleur moyen d’être honnête avec soi.

musicale et l’essence même de notre musique. L’anglais permet d’aller directement à l’essentiel, avec un instantané sur la forme.

Que signifie le nom de votre groupe ?

Anika... Ce sont des artistes singuliers et fascinants, n’ayant pas forcément un lien direct avec notre musique mais qui ont tous chacun, un son et une attitude particulière à travers leur musique.

L’emploi de l’anglais est-il un choix ou Comment qualifieriez-vous personnel- Que signifie ce titre ? une nécessité ? Pouvez-vous nous parler de vos projets lement votre musique ? Il signifie que tu dois faire les choses par toi-même, Les deux également. Il est en lien avec notre culture à venir ? Comment apprécier au mieux l’écoute Et la pochette de l’album avec ce perde votre musique ? sonnage dans une quasi-steppe urComme bon vous semble. baine qui, au vent, contemple des tours Avez-vous quelques anecdotes à propos au loin ? de la conception du disque ? La contemplation d’un espace, un au revoir ou une quête nouvelle. Un espace à construire, un modèle à suivre ou sa remise en cause : chacun interprète ça avec ses propres codes.

06

CONCRETE KNIVES

Nous allons défendre notre disque en Europe à partir de février. C’est très excitant pour nous, de nouvelles rencontres, de nouvelles cuisines, de nouvelles chansons !

On s’est fait viré de certains gites car on faisait trop de bruit. Alors on démontait toute la nuit et on s’installait dans l’urgence dans un autre le plus vite possible. Ça a nourri le caractère de ce disque !

SÉBASTIEN TELLIER

05


ART

ART

ANTOINE BOUILLOT Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © DR : Page 8 : DR • Page 9 : Gucci (Opposites belong together ©Antoine Bouillot - Gucci, 2011 Ceramic sculpture) • Page 10 haut : The beginning of something wonderful (2011, Silk twill Hermes scarves. Wood &, mirror structure with 24 carats gold leafed bars) • Page 10 bas : Feed your addiction (2011 ©Antoine Bouillot) • Page 11 : Louis Love Overcomed our Depression (2012, Hand painted resin hands, tattoos, two Swarovski rings, fur, approx. 45x35x25cm) Pages 12-13 : This beautiful pain inside (2011, Dark grey taxidermied donkey with natural markings from Deyrolle, 24 carats gold leafed wood branch, black and gold velvet straps with metal clips, crystal sculpture with rare butterflies from around the world, 205x40x130cm.) • Page 14 haut : The most powerful position is on your knees (2011, Hand painted resin hands, gold serigraphy on host, Chanel N°5 perfume bottle 75ml, Cotton and silk, 150x70x43cm.) • Page 14 bas et page 15 : Cockfight Player #1 (Bernard) ” “ Cockfight Player #2 (François) (White & grey Taxidermied rooster from Deyrolle.)

« Je joue avec la sacralisation du luxe, tout en y participant »

Q

uand le monde du luxe, ses codes et son amour du travail artisanal d’exception rencontre le monde de l’art, qui ajoute à la forme un fond, une réflexion sociétale, l’on trouve, à l’intersection, les œuvres d’Antoine Bouillot. Ces œuvres sont à la fois luxueuses et satires du luxe, à la fois critiques et subversives : elles donnent l’impression d’être partie prenante des conventions et des codes dont elles se jouent.

Qui est Antoine Bouillot ?

Après avoir été directeur artistique et avoir passé pas mal de temps derrière une caméra à réaliser des clips et des pubs, j’ai maintenant la chance de pouvoir dire que je suis artiste contemporain. Je suis Français, j’ai été élevé en Angleterre et la culture anglosaxonne est prépondérante pour moi, c’est ma base pour tout.

Comment êtes-vous arrivé à l’art ?

J’ai travaillé dix ans dans la mode et le luxe. Au cours d’un Festival du Film à Cannes, j’ai rencontré Alice van den Abeele, qui a fondé la galerie du même nom

08

ANTOINE BOUILLOT

à Bruxelles. C’est elle qui m’a fait confiance et qui m’a prévenu qu’elle avait bloqué 2 mois d’exposition, un an plus tard, ce qui me laissait assez de temps pour créer des choses. Elle fut visionnaire car je n’avais jamais approché l’art contemporain avant ça. J’étais libre et excité de faire quelque chose qui me hantait depuis longtemps.

Avant d’en venir à la création plastique, vous vous êtes investi dans la création visuelle. Pouvez-vous nous parler de vos réalisations vidéo ?

ll y a quelques années j’ai décidé de mettre entre

parenthèses mon agence de direction artistique pour avoir un peu plus de temps et poursuivre mes envies créatives avec moins de contraintes. Avec mon meilleur ami Pascal Forer, nous avons créé TheParallaxCorporation, une structure dédiée exclusivement à la réalisation de clips et de pubs. Cela correspondait pour moi à une profonde envie de créer des images, des histoires ou des ambiances, mais aussi de nous amuser. La chance avec TheParallaxCorporation est de pouvoir ne réaliser que les projets qui nous plaisent et nous excitent. À chaque projet, nous passons beaucoup de temps à réfléchir et concevoir les petits détails, ceux qui nous ferons rire et

qu’on pense que personne ne verra. Nous avons fait la quasi-totalité des clips de Datarock, un groupe norvégien qu’on adore et nous avons eu la chance d’être complètement libres de A à Z. Avec l’artiste Gonzales, pour la chanson « Working Together », c’est l’artiste lui-même qui voulait qu’on pousse son personnage le plus loin possible. C’était fantastique d’avoir un artiste qui se laisse faire à 110%, sans aucune retenue ou peur, chose un peu plus difficile avec le client en publicité.

ANTOINE BOUILLOT

09


ART

10

ANTOINE BOUILLOT

ART

ANTOINE BOUILLOT

11


ART

12

ANTOINE BOUILLOT

ART

ANTOINE BOUILLOT

13


ART

ART

De manière générale, quelles sont vos sources principales d’inspiration ?

J’aime l’idée d’être une éponge. Je regarde tout, tout le temps, peu importe où je suis. Travaillant dans le domaine du luxe, il constitue forcément pour moi une source d’inspiration très importante : le style, les gens, les attitudes et surtout le savoir-faire. Je regarde aussi beaucoup de films, des plus intéressants aux plus mauvais et j’adore ça. Mes amis proches sont aussi tellement créatifs dans leurs domaines respectifs que ça devient vraiment motivant!

Concevez-vous vos œuvres comme des En fait, vous faites de l’expression du- Les titres sont-ils un moyen, au-delà de témoignages durables, ou des installa- rable (œuvre), à partir d’une expres- nommer une œuvre, de la compléter ? tions éphémères ? sion éphémère (mode)… La dernière touche sur l’œuvre est toujours constiClairement comme des œuvres durables. J’espère faire des œuvres qui vont durer dans le temps. J’aime les finitions parfaites. Je passe beaucoup de temps avec des artisans qui maîtrisent un savoirfaire et ont un amour du travail extrêmement bien fait. J’ai toujours du mal avec les artistes qui font des œuvres à moitié ou mal finies. Personnellement, je suis beaucoup plus amoureux d’un travail comme celui d’Anish Kapoor que de ceux d’artistes plus « libres » sur les finitions.

Il y a quelque chose de radicalement anticonformiste dans vos œuvres, quelque chose de presque musical et alternatif…Loin de l’environnement propre et policé du monde du luxe. La musique fait-elle partie de vos sources Vos œuvres sont d’inspiration…celles, invisibles qui comme un miroir, imprègnent votre travail ? presque déformant Cette question est fantastique ! C’est la première renvoyant face à fois qu’on me pose cette question en interview face le monde de alors que je la trouve extrêmement importante par la mode et celui de rapport à un travail artistique. J’ai la chance d’être l’art, la religion et la marié à Ezell, merveilleuse jeune chanteuse améri- société, l’œuvre et le caine qui est en train de travailler sur un premier spectateur. Souhaialbum incroyable. Avoir une maison baignée dans la tez-vous en fait, par musique 24h/24 est magique. J’écoute beaucoup de vos détournements, choses différentes, je peux me lever avec Ryan Bin- brouiller les codes, gham, commencer ma journée avec PushaT, déjeu- l’expression artisner avec Alt-J, travailler avec FeverRay puis passer la tique contemporaine ou au contraire soirée à l’opéra pour finir par un concert de Data- les révéler ? rock. L’album d’Ezell sortira à l’automne 2013 et je pense qu’il inspirera beaucoup de gens, d’artistes et participera à la création de moments magiques.

14

ANTOINE BOUILLOT

Parfois, brouiller les codes permet de mettre en avant les choses. Je joue avec la sacralisation du luxe, tout en y participant.

Exactement. J’aime cette double lecture !

Concrètement, comment concevezvous vos œuvres ? Par quelles étapes passez-vous ? Comment sélectionnezvous vos matériaux ?

Mes œuvres sont souvent des réactions à quelque chose de fort ou sont des accumulations d’idées. J’effectue beaucoup de recherches en amont, surtout sur les matériaux. C’est souvent essentiel pour l’œuvre. J’essaie aussi de travailler avec les artisans qui sont au top de leur savoir-faire, qui souvent travaillent également avec les marques en question. C’est important pour moi, et je pense aussi pour mes collectionneurs, de savoir que l’œuvre a été bien faite, avec des matériaux de très haute qualité et dans un souci de perfection. Quand j’utilise de l’or, c’est du 24 carats, des papillons, ce sont des vrais, très rares mais magnifiques ! Ces détails-là sont importants pour moi.

tuée par le titre. Ceux-ci sont indispensables pour la double lecture de l’œuvre. Par exemple, une des œuvres de ma dernière exposition est un âne gris foncé empaillé avec une branche en or 24 carats strappé sur son dos avec, comme carotte devant lui, un attrape mouche en Crystal orné des fameux papillons rares. Le titre qui complète cette œuvre est « This beautiful pain Inside ». Avec tous ces éléments, le spectateur se fera sa propre interprétation, sa propre idée et son propre imaginaire.

Si vous deviez qualifier votre travail en une phrase, quelle serait-elle ? « Je crois qu’il faut faire venir une licorne plus grande »

Quels sont vos projets ?

Je suis sur plusieurs grosses pièces qui sont excitantes à préparer. J’ai aussi plusieurs œuvres en cours, dont certaines pour une importante exposition à Marseille (capitale européenne de la culture 2013). C’est toujours fantastique d’exposer de nouvelles pièces, j’ai hâte !

ANTOINE BOUILLOT

15


ART

ART

LIU YUE Texte / Alexis Jama Bieri • Traduction / www.ofoto-gallery.com Photos / © Liu Yue - Inkjet print on Photo Paper De gauche à droite : Mountain Blossom. 04, 2007 • Mountain Blossom. 05, 2007 • Mountain Blossom. 14, 2007 • Mountain Blossom. 17, 2007 • Mountain Blossom. 09, 2007

J

eune artiste chinois, Liu Yue vit et travaille à Shanghai. Au cours de ses études spécialisées en peinture et sculpture, il s’écarte très rapidement des conventions pour se lancer dans un projet qui lui est propre : la conception d’objets-images. Avant même d’avoir terminé son cursus, il est remarqué par les galeries émergentes de Shanghai et Pékin. Son travail est ensuite présenté dans des événements d’art contemporain internationaux, comme Scope à Bâle ou Photo LA à Los Angeles. Son œuvre s’articule autour de l’image traditionnelle chinoise du paysage et de l’édredon, apparu en Chine dans les années 50. Avec sa série Mountain-Blossom, il propose donc une relecture contemporaine de ce paysage omniprésent dans la peinture chinoise, par le prisme de l’édredon de son enfance, qui au-delà, constitue un témoin de l’évolution de la société chinoise. Que pourriez-vous nous dire sur vous ?

Je suis un jeune homme ordinaire, mais qui sort du modèle social typique, toujours à la recherche de différentes façons de voir et de confirmer mon existence. Peut-être que le monde n’est pas fictif, mais malheureusement, mon observation et ma pensée n’en deviennent que plus confuses.

Comment êtes-vous arrivée à la photographie ?

J’ai été très tôt conquis par la photographie. Toutefois, je n’ai pas réellement commencé à travailler avec la photographie avant le collège. Et puis, j’ai peu à peu eu le sentiment que la photographie était un moyen d’expression particulièrement fascinant.

Quelles sont vos sources d’inspiration ? Mon inspiration est mue par une force momentanée mais constante que je ne connais pas.

Comment travaillez-vous ?

Mon travail consiste à rechercher les indices communs entre les objets, de sentir ce qui est important mais aussi trivial dans une situation donnée, et d’en extraire l’essence à un moment précis dans le temps. Lorsque je crée, je pars d’un désir subjectif

16

LIU YUE

sans savoir comment l’image se finalisera. Même si je planifie et contrôle un maximum mon processus de réalisation, le résultat peut parfois sembler a priori bon pour être en définitive raté. Le résultat final est donc une sorte d’inconnu ordinaire, qui résulte de mon action naturelle et délibérée. Un tel mode de conception obsessionnelle et compulsive et la présentation d’éléments qui soient naturels sont ce que je souhaite obtenir. Mon processus de création et ma méthode d’expression sont les seuls moyens que j’utilise pour faire face à des problématiques multiples. En fait, la manière dont sont créées mes œuvres varie selon la situation. Je ne veux pas que mon travail soit présenté comme une manière particulièrement sûre et fiable d’expression, même s’il peut créer une atmosphère relativement apaisée et harmonieuse.

Vos séries sont-elles à la fois un regard contemporain sur la diversité du monde, une référence à l’imagerie traditionnelle de l’art chinois et une référence aux cultures traditionnelles chinoise et occidentale ?

Dans l’art traditionnel chinois le «paysage» constitue une iconographie inévitable. Il contient la

pensée et la réflexion orientales liées au «taoïsme» et au «bouddhisme». Si mon travail était uniquement considéré comme la continuité de la tradition chinoise, cela serait surestimer et mal interpréter mon intention. Il est aisé de plonger dans une rêverie en observant une simple Montagne fleurie. La triste symétrie de l’image, solennelle, sérieuse et les indices fournis par l’expérience des perceptions, donne une impression de «paysage», qui ne signifie pas pour autant une affection pour le «paysage», mais tend plutôt à être anti-traditionnelle, et «antipaysage»(le «faux-paysage»). Ces images physiques désobéissent au mode de pensée des peintures de paysage Chinois. La surface paisible ressemble à un travail de paysage Chinois appliquant un mode de composition traditionnel, mais l’image entière est créée comme une peinture à l’huile occidentale. En tant que travail de photographie, la perspective de l’objet est réelle et naturelle, à l’opposé de la perspective disséminée qu’on retrouve dans beaucoup de peintures de paysages traditionnels. Vous trouverez plus de détails «anti-traditionnels» si vous regardez attentivement. Ces montagnes matelassées qui ressemblent à des tertres ou des tombes de la Chine passée. Bien que les images soient belles, l’analyse de la série entière s’apparente plus à un produit indus-

triel, une réplique répétée. Le paysage extérieur et la pensée anti-traditionnelle sont exactement ce que cette forme du travail sur le paysage porte en lui et présente, et c’est ce qui me donne le sentiment du prodigieux.

Ces édredons ont comme un goût de souvenir, est-ce un regard enfantin et intime sur le monde ? Une façon d’anoblir la décadence ?

Beaucoup de gens peuvent avoir un tel sentiment, mais je n’en ai personnellement aucune idée. Tout le monde voit en mes œuvres une image différente, mais au moins je suis sûr que ces édredons sont étroitement liés avec mes propres expériences et mes propres émotions.

Quels sont vos projets à venir ?

Organiser des expositions où je pourrais présenter mes œuvres passées et mes concepts d’une manière plus organisée. J’ai de nombreux ouvrages et projets à réaliser.

« Mon inspiration est mue par une force momentanée mais constante que je ne connais pas » LIU YUE

17


ART

ART

CHAD WYS Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © Chad Wys Page 18 : Venus in Burka (Paint on found print - 2011 - 5,5’’ x 7,5’’) • Page 19 : Threadbare Blue boy (Thread on found needlepoint and frame - 2011 - 16’’ x 13’’ x 1,25’’) • Page 20 : Nocturne 18 (c-print - 2011 -30’’ x 24,8’’) Page 21 : Dirge 2 (c-print - 2012) • Page 23 : Nocturne 107 (c-print - 2011 - 30’’ x 24,3’’)

C

had Wys est un jeune artiste américain formé à l’université d’Etat de l’Illinois où il obtient un Master d’Arts en 2012, il participe rapidement à d’importants événements d’art contemporain à Miami, Basel et New York en 2011 et 2012. Son art s’exprime par détournements et réinterprétations du patrimoine de l’histoire de l’art au regard des problématiques contemporaines. Par le choc des esthétiques et des problématiques, il met notamment en avant la récurrence des grandes questions de société.

Qui est Chad Wys ?

Je suis un artiste, designer et écrivain vivant dans le Midwest aux États-Unis (à quelques centaines de kilomètres au sud de Chicago). Dans mes œuvres je me spécialise dans les techniques mixtes et l’appropriation des objets et des images.

Quelles sont vos sources principales d’inspiration ?

Il est difficile de définir d’où vient l’inspiration. En

18

CHAD WYS

réalité, toutes les choses ont le potentiel d’inspirer. Bien sûr, l’histoire de l’art a eu un profond impact sur moi et je suis par conséquent naturellement venu à m’approprier les motifs et les idées de l’art du passé, puis à les incorporer dans mon travail d’aujourd’hui. Je suis à la fois en adoration face à l’art mais aussi très critique de celui-ci (je veux améliorer notre compréhension collective en examinant et défiant les notions préconçues à ce sujet). Dans mon travail, je cherche donc à remettre en question

les choses que j’aime le plus, je crois que cela permet aux objets et aux images que j’utilise de prendre plus de force et de devenir plus complexes à travers ce processus de questionnement. Chaque fois que nous nous interrogeons sur quelque chose, nous gagnons la possibilité de l’améliorer.

Comment travaillez-vous pour créer une de vos œuvres ?

fié. J’adapte mes méthodes au projet spécifique sur lequel je travaille. En fait, mon processus est habituellement plutôt chaotique et improvisé. J’essaie souvent de me surprendre lorsque je crée. Cela rend le processus beaucoup plus intéressant (pour moi, et j’espère qu’il en va de même pour le spectateur) et charnel, et ceci me convient tout à fait, comme à mon travail.

Mon processus est loin d’être uniforme ou plani-

CHAD WYS

19


ART

20

CHAD WYS

ART

CHAD WYS

21


ART

ART

« Mon processus est habituellement plutôt chaotique et improvisé. J’essaie souvent de me surprendre lorsque je crée » Quelle place ont la dérision et le se- Quelle place/signification donnezcond degré dans vos créations ? vous à l’effacement dans votre travail ? Je n’utilise pas beaucoup la dérision en elle-même. Nous devons être attentifs à ne pas combiner la critique constructive et le mépris. Pour moi, l’appropriation est utile pour ce qui serait quasiment l’opposé de la dérision dans beaucoup de cas. L’appropriation/la critique peut impliquer la louange, ou même le fait de défendre, une chose ou une idée que je m’approprie. Une partie de mon travail fait évoquer l’espoir qu’un objet, image, ou idée va être renforcé à travers des considérations attentives de ses buts, usages et significations. Dans certains cas, je suis hostile aux choses que je m’approprie : par exemple, quand elles en viennent à l’art-production de masse. Mais mon analyse de la production de masse est plus nuancée que simplement être «contre» ou «pour», parce que je trouve que cette production de masse est plutôt utile dans beaucoup d’instances. Je demande plutôt, que l’on réfléchisse plus profondément à notre relation complexe à la production de masse, à la production des objets et des images faits à la main. Nous n’avons pas nécessairement à choisir un camp plus qu’un autre, mais nous pourrions mieux comprendre ce que la production de masse signifie. De façon ultime, mon but est de mieux comprendre les choses qui m’entourent. L’humour est certainement un composant de mon travail. Je l’utilise subtilement et en petites quantités, mais je pense que l’humour visuel est utile pour communiquer, ou souligner l’absurdité inhérente des objets et des images, que nous pourrions autrement oublier.

Par contre, il y a un esprit parfois surréaliste dans plusieurs de vos créations, qui pourrait être une évocation, avec humour, des montres de Dali ? Je pense que de nombreux artistes contemporains doivent beaucoup aux dadaïstes comme Dali, et, dans mon cas, en particulier à Duchamp (en tant que père du ready-made). Je pense que les artistes comme eux ont contribué à rehausser le rôle de l’art à un endroit où les idées, non pas seulement l’esthétisme, ont le pouvoir d’influencer le spectateur.

Vos créations détournent des œuvres anciennes. Ces œuvres, reproduites puis dégradées, vieillies, fondues, seraient-elles une métaphore de la vie qui passe, et des agressions du temps sur l’humain ?

Oui, on peut dire ça. Je laisse une grande part du sens de mon travail aux bons soins du spectateur. C’est le spectateur qui apporte ses propres expériences à l’œuvre et détermine ce qu’elle signifie pour lui. Mon travail peut être interprété métaphoriquement ou littéralement, ou les deux à la fois. En surface, mon travail consiste à se confronter à la tradition artistique, mais à un autre niveau, il consiste à savoir comment les gens interagissent avec l’art et, plus largement, comment les gens comprennent leur rôle dans le monde qui les entoure.

22

CHAD WYS

Dois-je «effacer» ou dois-je «ajouter» l’information? C’est une bonne question, mais chacun doit y répondre par soi-même. C’est au spectateur de décider.

Vos œuvres sont-elles une façon d’ouvrir de nouvelles perspectives, une nouvelle vie à l’art, que l’on pourrait vouloir « figer », sanctuariser dans les musées ?

Absolument, oui. À la base, mon travail a pour but de provoquer de nouvelles conversations autour des objets et des images que je me suis appropriés. Je demande au spectateur de considérer l’information visuelle sous un jour nouveau, et, en fin de compte, j’espère qu’ils se poseront ensuite des questions sur les usages des objets et des images dans leur propre vie.

Vous vous amusez donc à déconstruire, dégrader et à modifier des œuvres anciennes. Voulez-vous ainsi signifier que l’art est en développement continu, qu’une œuvre peut toujours être complétée, améliorée, actualisée, pour toujours jouer un rôle de miroir critique de la société ?

Je ne sais pas si l’art doit toujours être continuellement réinventé, ou s’il peut être amélioré, mais je pense que notre compréhension de l’art, les objets et les images peuvent toujours être élaborés sur un socle ancien. Des penseurs critiques de l’époque postmoderne ont, plus ou moins, déterminé qu’il n’y avait pas de «vérité ultime» à découvrir. Je suis d’accord avec eux. Nous devons tout simplement, ou de façon complexe, tenter de comprendre l’infinie complexité du monde et les systèmes culturels qui nous entourent, tout en admettant que nous n’arriverons jamais à une détermination définitive au sujet de quoi que ce soit. Comprendre une chose ne signifie pas que nous devrions en trouver la solution ultime, car la compréhension est un processus continu et pratiquement inépuisable de découverte.

toriens et critiques d’art ont créé pour eux-mêmes : la distinction entre art « supérieur » et art « inférieur ». D’une part, c’est une distinction inutile, mais, d’autre part, il y a beaucoup de pollutions visuelles qui peuvent désensibiliser un spectateur et impacter sa réception d’œuvres d’art autrement plus importantes. Il est, d’une certaine manière, élitiste de souligner les différences entre un art dit noble et un art dit pauvre, mais à un autre niveau, il est extrêmement important de le faire, car cela assure que le public puisse mieux comprendre quand et comment recevoir l’art (issu d’un travail de fond) de manière plus approfondie, et quand recevoir les objets kitsch plus superficiellement.

J’aime bien cette expression : «dandysme esthétique». Vous êtes parfaitement libre de qualifier mon travail en tant que tel ! L’expression de ma personnalité se matérialise sous la forme d’objets et d’images que je m’approprie. Souvent, ces objets comportent des ornementations criardes. Il ne s’agit pas ici de me mettre en scène ou de me valoriser car je ne suis pas obsédé par ma propre apparence, mais une partie de moi apprécie la décoration criarde, l’originalité, comme je l’imagine Oscar Wilde aurait pu aussi bien l’apprécier.

Quel doit être aujourd’hui le rapport de l’art à la beauté. Le contemporain de l’art ne se trouve-t-il pas dans la recherche de la beauté dans la laideur, de Si vous deviez décrire votre œuvre en la création dans la destruction ? une phrase, quelle serait-elle ? Je pense que l’art contemporain peut se livrer à ces choses. Par exemple, la juxtaposition des contraires (beauté / laideur, création / destruction) peut amener les gens à faire une pause et à examiner comment ces extrêmes se rapportent à leur propre vie. Mais je ne suis pas nécessairement un fan de dichotomies. Si nous pensons au monde en termes noir et blanc plutôt qu’en nuances de différentes couleurs, nous risquons de trop simplifier les choses et, finalement, la réalité. Je pense que les dichotomies sont d’utiles outils pédagogiques (aussi longtemps que nous sommes critiques sur la dichotomie ellemême), mais je pense que l’art est beaucoup plus nuancé que le rapport d’un extrême à l’autre (ou d’un extrême à la recherche de l’autre), j’ai ce point de vue car, à mon avis, la vie est beaucoup plus nuancée que cela, et je crois que l’art tend un miroir à la vie. Je pense que nous comprenons mieux ce qui est «beau» par l’expérience de ce qui est «laid». En d’autres termes, on ne peut pas avoir l’un sans l’autre. Mais, ces qualités sont tellement subjectives ... En effet, l’expérience de la beauté varie considérablement d’une personne à l’autre. Je pense en fait que l’art a le pouvoir de souligner combien des qualités comme la beauté sont subjectives.

Vos œuvres sont également une ré- Quel est votre regard sur le mouvement flexion sur les objets, notamment sur « yellowism » ? le rapport, ou la frontière entre l’art et Je ne suis pas très familier avec le « Yellowism ». Cela ressemble à un mouvement artistique, ou à le kitsch ? Oui, cette relation entre l’art contre le kitsch constitue une grande partie de mon processus conceptuel. Cette relation est semblable à celle de la production de masse par rapport à l’artisanat. Il y a un sentiment de «perte» dans les deux cas - une perte de qualité et une perte de fidélité à un processus plus intelligent et sophistiqué de la création. Personnellement, j’apprécie beaucoup d’objets et d’images kitsch, mais je sais aussi qu’ils sont d’une qualité relativement pauvre. Une partie de moi aime à se livrer à des plaisirs simples, tandis qu’une autre partie est profondément critique quant à ces objets et images kitsch. C’est un curieux, et dans une certaine mesure inutile, casse-tête que les artistes, his-

Vous avez réalisé la couverture de l’édition portugaise du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, un auteur qui personnifie le Dandysme. Peut-on dire que votre travail met en œuvre une esthétique du Dandysme ?

une idée selon laquelle l’acte d’appropriation luimême devient l’objet. C’est-à-dire que ceux qui se livrent au « Yellowism » semblent pratiquer la critique de l’acte d’appropriation, en s’appropriant les choses inutilement. Ils peuvent le faire par le biais de vandalisme, comme dans le cas de la peinture de Rothko à Londres. Je ne veux pas porter un jugement sur les mérites de ce «mouvement» dans son ensemble, parce que je n’arrive pas à le comprendre, mais je ne suis pas fan du vandalisme de l’art. C’est la destruction pour le plaisir d’être destructeur. C’est une chose que fait un enfant quand par exemple il marche sur une fourmilière.

Une technique mixte de l’appropriation, à la recherche d’une plus grande clarté culturelle à travers la désorientation esthétique.

Vos créations ne se limitent pas à l’art visuel ? Je suis un écrivain amateur et sporadique. Ceci principalement parce que j’ai été étudiant pendant un temps très long. Maintenant que j’ai obtenu mon diplôme, je n’écris pas autant, mais je donne libre cours à ma plume de temps en temps. Je réalise par ailleurs beaucoup de conception graphique. Mais comme pour l’écriture, c’est personnel et je ne le partage pas avec les autres.

Sur quels projets artistiques travaillezvous actuellement ?

Mon plus récent projet consiste en divers collages sur papier, avec quelques éléments de peinture. Je m’étais dernièrement principalement investi dans la création numérique, et c’est bien agréable de revenir à une pratique artistique où mes mains sont sales.

Avez-vous des projets d’exposition prochainement ?

Je prends beaucoup de temps pour réfléchir et faire d’autres choses, comme voyager. Cette année, je vais de nouveau pouvoir commencer à montrer mon travail, mais je n’ai pas d’opportunités immédiates pour le faire.

Chadwys.com

CHAD WYS

23


Mardi 5 février 2013 à 8h30 sur France Bleu Champagne 95.1 FM

*Retrouvez chaque mois les sujets exclusifs des artistes présentés par le Grandbag Open Art Revue. Photo / © Eric Pougeau «Camisole du petit Éric» 2005


ART

ART

MARIANNE MARIC Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © Marianne Maric : Page 26 gauche : Lighting dress n2 2012 / Page 26 droite : Fontaine 2011 / Page 27 : Milk, photographie argentique, 2012 Pages 28-29 : Jane et le chat gourmand, 2009 / Page 30 gauche : Lamp girl n8 with Jessie Evans inside, 2012 Page 30 droite : Forêt, (Pistes de Bobsleigh des Jeux Olympique de 1984, entourées de mines aujourd’hui...) Photographie argentique, 2012, galerie Duplex/10m2.

D

e l’humour, de la sensibilité, pour des témoignages artistiquement exprimés du monde des XXe et XXIe siècles, entre France et ex-Yougoslavie. Marianne Maric exprime par ses photographies, sa vision particulière, esthétique et brute de l’humain dans son environnement. Une vision presque naturaliste, qui ne peut laisser indifférent.

Peux-tu te présenter en quelques mots ? Sauvage et spontanée.

Comment es-tu arrivée à la photographie ?

Par les petites routes. C’est à 17 ans, suite à l’inscription à un « atelier photo » dans le quartier le plus « violent de France », où du coup un photoreporter russe avait été envoyé en mission culturelle, que j’ai eu une révélation... Ce que je pensais être une passion (la flûte traversière) m’est soudain apparu tellement fade face à la magie de l’image. Je ne suis alors plus sortie du labo n&b pendant pratiquement deux ans. Mis à part cela, j’ai toujours dépensé mon argent de poche dans des revues ou j’étais captivée par les photographies. Je les découpais et les regardais le soir. Dans ma tête de petite fille je connaissais intimement Salgado et Lindbergh.

Quelles sont tes sources d’inspiration ? La nature, et la façon dont elle est colorée, ordonnée, ou désordonnée. En particulier le ciel ; les nuages et l’aquarelle qu’ils représentent, tantôt Lynch avec un

26

MARIANNE MARIC

bleu azur, tantôt Hamilton avec des nuages flous, les infinis et ses dégradés... La peinture. Mais aussi les matières : le cuir, les tissus, … ainsi que les autres artistes et artisans (stylistes, architectes, ébénistes).

Comment travailles-tu ?

En mode « narration intuitive ». Je fonctionne comme une voiture diesel ; je mets du temps à démarrer, j’observe beaucoup et puis je fonce ! Je fais beaucoup de recherches, mais j’aime ne pas les mettre en avant et que ce soit subtil. Lorsque mes amies posent : tout d’abord je mets très longtemps à les observer, à imaginer mentalement une scène, à trouver les vêtements qu’elles porteront et le lieu où je sévirai. Puis je leur demande de poser. Elles acceptent ou pas. Je ne suis pas gentille lorsque je fais poser. Je donne des ordres, je fais pleurer, mais je mets à l’aise, j’invente des blagues stupides. Mon modèle doit se laisser aller, même en culotte dans la neige à moins dix degrés! Lorsque je commence à apercevoir l’esquisse d’une bonne image, je suis toute excitée, je deviens animale, dictatrice, mes ordres se précisent : JE L’AI CETTE PUTAIN

D’IMAGE !

Qui sont les modèles que tu mets en scène. Comment les choisis-tu ?

Ce sont toujours des amies/connaissances. Je vois le modèle comme une toile vivante. Le maquillage comme palette chromatique, le monde entier comme décor. Tout cela m’appartient. Charline, Elli, Caroline, Audrey, etc... sont les héroïnes de ma vie ordinaire, ce sont des étudiantes, infirmières, psychomotriciennes, des filles banales évoluant dans mon paysage. Mon identité personnelle devient collective. « Considérer les paysages urbains comme des fondations sur lesquelles on peut bâtir quelque chose » nous dit Jeff Wall et bien moi je lui en construis des échafaudages. Cadrer, donner l’illusion d’une autre réalité. J’ai volé quelque chose dont elle n’est pas consciente, la garce !

Quelle place donnes-tu au second degré ?

Tu photographies des sujets féminins. Tes mises en scène envisagent-elles, audelà des personnages, ces sujets comme des éléments architecturaux de l’image que tu réalises ?

Bien sûr, je peux me qualifier « d’architecte corporelle ». Je considère le corps comme une matière à travailler, le corps humain comme une architecture magnifique et fascinante. Mes photographies, performances et objets éprouvent le corps dans des œuvres visuellement référencées, entre peintures baroques, avant-garde et glamour, quand le vernaculaire devient SM et réciproquement on a de beaux déplacements. Par exemple, pour ma série dans le métro Parisien (chorégraphie / micro-performance improvisées), mon inspiration de départ provenait de la polémique « RATP design Anti-Clochards » avec ces nouveaux sièges ultra design, mais ayant comme but inavoué de contraindre la position agréable couchée du corps humain.

Une grande place et heureusement. Mais toujours subtile, intellectuelle, intelligente.

MARIANNE MARIC

27


ART

28

MARIANNE MARIC

ART

MARIANNE MARIC

29


ART

MUSIQUE

« Mes photographies, performances et objets éprouvent le corps dans des œuvres visuellement référencées, entre peintures baroques, avant-garde et glamour »

BRUIT FANTÔME Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © DR

Il y a une forte notion de matérialité Et peut-être une référence à l’esprit très important pour moi. La danseuse était au bord dans ton travail : le corps/objet. Quelle féminin, par la « Lumière » (un rappel de l’évanouissement mais c’est ce qui était sublime ! est ta relation à l’objet, au matériel ? caché des femmes d’esprit du XVIIIe Lorsque l’on prend une photographie, cet instant siècle qui tenaient salon pré et post Que t’a apporté ton expérience artisest mort, donc forcément tu fais de ton sujet un ob- révolutionnaire) ? tique avec Nick Knight ? jet. Mais bizarrement, chez moi, ce sont des corps qui « se donnent à voir ». Je tue d’un clic (comme avec un revolver imaginaire) ces objets vivants. Je domine mon entourage et le paysage, avec ma façon de cadrer et les couleurs, selon les films utilisés. La photographie comme art funéraire ? Sûrement ! Dans presque toutes mes photographies, la tête est coupée, le regard évité, évidé. La perte d’identité ? Comme nous le dit la marquise Casati « les yeux sont le reflet de l’âme ». La peur de rendre mes photos vivantes ? Si quelque chose veut devenir image, c’est pour mieux disparaître. Comme une petite mort.

Dans cette idée-là oui, tout à fait ; des femmes intelligentes et conscientes.

Le côté surréaliste de tes photos est-il la métaphore d’une utopie ? Comme le refus d’une réalité qui passerait par une caricature gênante et crue mais tellement belle ? La caricature permet d’exorciser la réalité ? Plutôt un grand écart. Non ! Nous savons très bien que la lumière divine vient des femmes. Je plaisante ! Plus sérieusement, des « filles-lampes » évoluant dans le monde actuel ce ne serait pas une utopie.

Tu as notamment réalisé une série de En fait, ne peut-on pas considérer que photographies intitulée « Lamps girl ». tes créations se rapprochent de la perEst-ce un moyen de critiquer la place formance artistique ? que la société traditionnelle a souvent Les « lamp-girls » constituent une interaction avec le tendance à donner ou souhaite impo- public. C’est une performance, car il y a une série de 10 photographies (hommage d’ailleurs aux Swans ; ser aux femmes ? C’est un clin d’œil aux surréalistes et à plusieurs films, avec un caractère sous-jacent par rapport au sublime et aux choses inexplicables comme ce qui provoque les sensations que donnent l’excitation, avec cette lumière inexplicable qui vient de l’entrejambe. Ce sont toujours des filles timides, et non des modèles qui font la performance. Ceci provoque un malaise. En effet, la plupart du temps les spectateurs hommes, surtout les beaux parleurs dans la société, n’osent pas tirer sur une ficelle (alors qu’elle dépasse des genoux), geste qui provoque la lumière. C’est une œuvre étrangement amusante, du point de vue sociologique, en somme.

30

MARIANNE MARIC

Soundtrack for the Blind), mais aussi une collection de robes/sculptures abat-jours faits avec un des derniers abat-jouristes français, un artisan incroyable. C’est une œuvre réalisée aux Arques (Résidence les Arques, dans le Lot). Telle la « dame blanche », une femme se tient debout au bord de la route en robe réfléchissante. Ce n’est que lorsque l’on passe en voiture que nous la voyons nous éblouir. Ce qui nous renvoie au fait que ce que nous somme passe par notre regard et non par ce qui nous est « donné à voir ». Puis lorsqu’au Centre d’Art Contemporain de Brétigny j’ai réalisé une chorégraphie de shibari à base de positions de supplices japonais, ceci à été

Que les plus grands artistes sont les plus adorables, et humbles. Et aussi la nécessité de se remettre en question tout le temps et de toujours travailler/aller plus loin.

Tu as par ailleurs réalisé les photographies de la pochette de l’album de THE DO. Comment as-tu vécu artistiquement ce projet, pont entre art et musique ?

Ceci a été une superbe expérience. En premier lieu, ce qui m’intéressait chez eux c’est que ce sont de véritables artistes qui ont une approche artistique globale et repoussent leurs limites et leurs genres, notamment en travaillant aussi bien avec de grands noms de la danse que du cinéma. Ils me ressemblent dans leur façon de ne jamais rechercher la facilité, et prendre des paris. La synesthésie pour Wagner représentait l’Art Total, pourquoi pas... J’ai d’abord écouté la maquette en boucle jusqu’à l’apparition d’un univers dans ma tête. Puis j’ai emmené des accessoires en Finlande et nous avons rejoint nos impressions. Je ne savais pas, par exemple, que pour eux Onibaba ( film réalisé par Shindo Kaneto) avait été une source d’inspiration, alors que j’avais amené de mon côté le peignoir japonais de ma grand-mère, car dans ma tête, m’était apparu, avec leur musique, un monde magique, tribal, Japonais, repoussant des limites. Sur la pochette, la réalité est qu’ils sont en pleine nuit dans la mer sur un rocher, moi sur une barque branlante. Ces masques qui cachent leurs visages, alors que je les ai découpé dans de la matière réfléchissante juste avant, me sont apparus comme

une évidence, car ils ont une telle beauté physique puissante qui peut-être perçue « facile d’accès » qu’une pochette avec leurs visages n’aurait jamais été « ratée ».

La musique joue-t-elle justement un rôle important pour toi ? Est-ce un vecteur d’inspiration ?

Dans les clips, je me rappelle plus des images que de la musique. Quand j’en écoute, j’écoute des sensations, et dans les deux courts-métrages que j’ai réalisés ; j’ai mis deux ans à les finir, mais j’ai voulu tout contrôler/diriger, j’ai recherché mes sons par rapport à des sensations précises que j’avais visuellement.

Quelles sont pour toi les limites du « beau » ? « à la mode »

Quelle est l’œuvre ou l’action que tu ne voudrais jamais réaliser ? être maniaque.

Quels sont tes projets à venir ?

Une résidence en Serbie. Une exposition à la galerie Duplex/10m² à Sarajevo ce printemps, suite à la résidence effectuée là-bas, avec le partenariat du CAC Brétigny. Des photographies ainsi qu’une vidéo y seront présentées. Mais aussi une édition de photographies de nus (hommage à Henner) avec l’Atelier 9 à Sélestat. Et enfin, des collaborations, bien évidemment !

B

ruit fantôme a débuté en 2010. C’est un projet électro constitué de sons vintage et inspiré par la science-fiction. Solo en studio, il s’est vu adjoindre un Vj depuis le festival Elektricity où il se produit en 2011. Après Elektricity, ont suivi plusieurs live, notamment au festival Reims Scène d’Europe en 2011, au festival Reevox à Marseille, et une prestation remarquée à la Cartonnerie le 30 novembre 2012. Bruit fantôme, c’est également un ensemble de titres studio groupés sous l’intitulé « Futur Noir ».

mariannemaric.tumblr.com mariannemaric.com

BRUIT FANTÔME

31


MUSIQUE

Comment es-tu venu à la musique, notamment à l’électro ?

Pour moi la musique a plus été au départ une histoire d’ordinateur que de clavier. Je joue de la guitare en parallèle, mais ce n’est pas forcément l’instrument qui me sert pour faire de la musique. La première fois que j’ai commencé à faire de la musique, c’était il y a très longtemps, avec un ordinateur Amstrad. Pour faire de la musique avec cet ordinateur, il fallait modifier des lignes de code en basic, c’est-à-dire qu’il fallait programmer l’ordinateur. Il fallait donc s’y connaître un minimum en informatique et bricoler avec des choses qu’on trouvait çà et là. J’ai donc commencé à faire du son de cette manière. Ensuite, je suis passé à un autre ordinateur qui s’appelait l’Amiga. Il comportait alors un petit tracker pour faire de la musique. On pouvait donc commencer à créer des samples après avoir entré des chiffres dans l’ordinateur. C’est comme ça que j’ai commencé à bidouiller des samples. Un jour, il y a plus de 10 ans, j’ai préparé une démo sur cassette que j’ai envoyée au magazine Trax qui l’a chroniqué. À l’époque, j’ai trouvé ça assez amusant. Après, je suis passé au pc. Depuis peu, je m’éloigne de plus en plus de l’ordinateur en essayant de l’oublier au maximum, même s’il fait partie intégrante de mon histoire et de mes habitudes. J’ajoute beaucoup de claviers à mes créations, en intégrant de plus en plus de synthés.

Que signifie ton nom ?

J’en avais marre du nom de mon précédent projet qui s’appelait Roswell conspiracy. Je voulais prendre le nom d’Acouphène, car au moment où je changeais de nom j’avais un acouphène qui m’avait empêché d’écouter de musique durant cinq jours. Ce fut une expérience angoissante, une vraie torture. Sauf qu’il y a déjà un groupe qui s’appelle Acouphène. En fait on peut aussi utiliser l’intitulé de bruit fantôme en équivalent du mot acouphène. J’ai trouvé que ce nom sonnait relativement bien et français. Après, il y a peut-être une signification qui tient, d’une part, au côté discret qui consiste à s’effacer derrière la musique, d’autre part, à l’intégration du bruit dans ma musique, avec beaucoup de saturations, de bruits de fond ou de choses qui ne s’entendent pas forcément. Je trouvais que mon univers pouvait bien coller avec ce nom et ça fonctionne bien.

Est-ce aussi un rapport au silence qui est une composante de la musique ? Peut-être, mais je n’y ai pas forcément pensé. Il faudrait que j’y réfléchisse…

Comment qualifierait tu ta musique ?

C’est plutôt une musique introspective qui n’a pas un caractère très dansant ni trop extraverti. Je ne le suis pas non plus, donc je pense que c’est la musique qui me ressemble le plus. C’est une musique souvent mélancolique, malgré le fait que qu’elle soit rythmée. En fait, je suis un grand fan de cold wave et ça transparaît dans ce que je crée. Ma musique s’écoute dans une ambiance un peu calme. J’utilise la partie dansante et plus orientée électro dans mes remix.

Ta musique fait, sur certains aspects, penser aux anciennes musiques de films composées par Vangelis pour Midnight Express ou Blade runner… Toute cette scène des années 70-80 avec Vangelis, Jean-Michel Jarre sur le début, Kraftwerk, Richard Pinhas, ce sont des choses que j’écoute énormément. Ça fait partie de mes influences. Kraftwerk, même si c’est facile de dire qu’on aime; Vangelis avec son travail sur la musique du film « Blade runner » qui est une bande originale et un film que je trouve magnifiques, ont été parmi les grandes claques que j’ai eues en musique en général et en électro en particulier et font partie des choses qui alimentent durablement mon inspiration.

Comment adaptes-tu musique pour le live ?

Pour le live, je joue ma musique dans une version différente, beaucoup plus rythmée et musclée car ce qu’attendent les gens quand ils sortent, c’est bouger

32

BRUIT FANTÔME

MUSÉE

avec un rythme qui soit bien présent pour que « les murs vibrent un peu ».

Développes-tu des projets en lien avec d’autres disciplines artistiques, d’autres univers proches du tien ou des univers complètement opposés ?

Je l’ai fait dans le cadre d’un précédent projet avec du slam où j’étais accompagné d’un slammeur en développant tout un univers autour de ce mode d’expression. C’était la première fois que je travaillais avec de la voix et ce fut un super moment. C’est d’ailleurs ce qui m’a mis sur scène, car auparavant je faisais ma musique dans mon coin. Récemment, j’ai travaillé sur la bande l’habillage sonore de l’exposition autour des enfers à la bibliothèque Carnegie, qui comporte des textures et des voix assez inquiétantes.

Ça te nourrit énormément de rencontrer d’autres artistes, d’autres univers ?

Il y a peu, j’ai effectué un petit mix lors d’une performance live de l’atelier 510 qui organisait une battle de bd sur la thématique de la science-fiction. Au cours de cet événement, plusieurs artistes dessinaient pendant que je passais du son. C’était impressionnant de voir ces personnes dessiner et réagir à la musique.

il y a tout ce que j’aime et il y a quelque chose en plus, je ne saurais pas dire quoi. C’est vraiment quelqu’un que j’admire beaucoup et qui pourrait m’inspirer, par rapport à son univers, à sa façon d’appréhender la musique, à sa façon de pouvoir laisser trainer les choses, et de se laisser énormément d’espace dans sa musique (où tu sais que ses morceaux peuvent durer des heures en live et que ça peut partir en vrille). Il y a un vrai univers qui se construit, c’est quelqu’un de très généreux avec un côté épicurien au niveau musical. Et puis, en matière de patrimoine musical, il y a des groupes que j’aime beaucoup, comme les Cure. C’est lié à mon histoire et à ce que j’ai écouté.

Quel est ton regard sur la scène musicale ?

Il y a plein de choses extrêmement intéressantes mais qui sont complètement passées sous silence comme Mondkopf qui propose une musique très intéressante et riche. À côté, il y a des choses foncièrement plates qui sont médiatisées à outrance. Là où je me reconnais moins, c’est dans le son de la scène actuelle, ultra compressé à la Ed Banger. Même si j’adore un album comme celui de Sebastian, je n’y retrouve pas mes repères. C’est assez logique, car j’ai 35 ans et les nouvelles générations ont une autre vision de l’électro différente de la mienne avec tout mon passé. C’est logique que des « vieux » comme

« Je rêve d’une révolution punk en électro comme il y a eu dans le rock » Comment travailles-tu pour concevoir ta musique ?

Je travaille plutôt dans l’urgence, suite à une idée qui me vient de l’écoute d’une musique ou du visionnage d’un film. Ensuite je brode autour. En général, je ne conserve pas les morceaux qui me prennent trois ou quatre mois de travail car une telle durée signifie pour moi qu’ils n’étaient pas bons. En général, en quatre ou cinq heures le gros de mon morceau est prêt. Après il s’agit essentiellement de temps de réglage et d’ajustement.

Par quelles étapes passes tu ?

Je pars directement d’une ligne de basse, d’une mélodie ou d’un rythme que je reproduis. Puis tout se met en place par couches successives. Tout le travail consiste ensuite à enlever les couches superflues (des touches, des lignes de synthé qui ne servent à rien), parce que j’ai tendance à en rajouter beaucoup, à être très bavard dans ce que je fais et ça donne un son très dense et pas forcément très joli. Je commence juste à me décomplexer avec les voix que j’intègre petit à petit dans mes morceaux. Pour la première fois, j’ai utilisé la voix sur scène en septembre, à l’occasion d’un concert qui s’est joué à la loge à Paris.

As-tu des icônes et des maîtres à penser ? Principalement Étienne Jaumet, car dans ses disques

moi trouvent que l’électro actuelle sonne bizarrement, que tout est trop fort, que tout est au même niveau, que le son est dégueulasse et que ça ne ressemble à rien. Tant mieux car ça bouscule les idées reçues.

Tu penses qu’il y a encore moyen d’explorer de nouvelles pistes en électro ?

Dans une précédente interview, j’ai dit que je rêve d’une « révolution punk en électro comme il y a eu dans le rock ». On est beaucoup dans le revival et je pense réellement que les jeunes actuels qui se mettent à faire un peu de musique électro doivent vraiment rentrer dedans, casser les codes, et ne pas chercher dans le passé de la musique électronique. Il faut qu’ils essaient de voir un peu plus loin, ou qu’ils puisent dans le passé pour créer quelque chose de complètement différent. Je ne sens pas ça actuellement dans la scène électro. Je redoute un revival electronica, un revival Warp et des choses du même type, même si c’est une période que j’adore et que je trouve géniale, avec de très bonnes productions comme Aphex Twin ou Boards of Canada. On dispose aujourd’hui de plein de nouveaux outils et d’outils détournés pour faire de la musique. Il faut renouveler la lutherie électronique et créer de nouvelles choses pour que les sons puissent sans cesse évoluer, à défaut de quoi on fera sans cesse des retours en arrière, sans rien créer de nouveau. En réali-

té, toute l’histoire de la musique, c’est aussi l’histoire des instruments. Par exemple, en musique classique, quand on est passé au clavier tempéré ça a été une véritable révolution esthétique. C’est la même chose pour les musiques électroniques, car ce sont à la base les instruments de la lutherie électronique qui ont fait qu’on a créé une nouvelle esthétique musicale. Je trouve notamment qu’on ne se sert pas assez de l’enregistrement sonore. Il y a un livre particulièrement intéressant sur cela de Guillaume Kosmicki qui s’intitule « des avant-gardes aux dance-floors » où il retrace l’histoire des musiques électroniques. On se rend compte qu’à partir des années 2000 il n’y a plus d’innovation en lutherie électronique et qu’on utilise ce qui existe. Tout le monde recherche de vieux synthés alors que tout le monde crachait dessus dans les 80’s, car c’était des synthés pourris. C’est pareil en rock, où l’on recherche un maximum à sonner comme dans les 70’s et 80’s et où l’on recrée même des studios vintage. C’est lié à cette culture du revival.

Quels sont les artistes avec lesquels tu aimerais travailler ?

DAVID LIOT Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / Page 33 : EVERINI Gino / La Danse du Pan Pan au « Monico » - Réplique d’artiste (1959-1960) exécutée d’après le tableau original (1909-1911) disparu depuis 1926 - Huile sur toile - 280 x 400 cm - Inv. AM4411P - Don de Mme Severini et ses filles en 1967 - Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/centre de création industrielle © Adagp, Paris 2013 © Collection Centre Pompidou, Dist RMN/Droits réservés. • Pages 34-35 : PICASSO Pablo / Grande nature morte - 1917 - Huile sur toile - 87 x 116 cm - Inv. RF 1963 – 80 - Collection Jean Walter et Paul Guillaume - Paris, musée de l’Orangerie © Succession Picasso 2012 - © RMN-Grand Palais (Musée de l’Orangerie) / Hervé Lewandowski. Page 36 : GAUDIN Félix / Épernay, MHCS, établissement Moët & Chandon - Quatre panneaux du vitrail sur le thème des vendanges avec une représentation de Dom Pérignon -Vitrail 152 x 113 cm © Christian Devleeschauwer Page 37 : BONNARD Pierre - Ancourt Edward & Cie imprimeur France-Champagne, E. DEBRAY. Propriétaire. La Haubette-Tinqueux-lez-Reims. Bureau de représentations 8 rue de l’Isly Paris - 1891 - Lithographie couleur sur papier - 78,5 x 60,5 cm Cote AFFP0226 - Lyon, bibliothèque municipale © Adagp, Paris 2013 © Bibliothèque municipale de Lyon, Didier Nicole.

Je ne pourrais pas travailler avec Étienne Jaumet car je serais paralysé et l’on n’a pas du tout les mêmes méthodes de travail. Lui travaille avec les synthétiseurs et moi je suis un geek qui a furieusement besoin d’un ordinateur. À Reims, j’aimerais particulièrement travailler avec les Most Agadn’t car j’adore ce qu’ils font avec talent. Leur univers, leurs références me plaisent énormément et me parlent ! Évidemment, j’aimerais également collaborer avec les Shoes et Yuksek car j’apprécie beaucoup ce qu’ils font.

Quels sont tes projets à venir ?

Je travaille beaucoup en studio. J’ai fait un remix pour zombie zombie qui leur a bien plu. J’ai du mal à me projeter. Si ça s’arrête demain c’est que ça doit s’arrêter…mais ça a l’air plutôt bien parti. Je travaille régulièrement sur ma partie live pour proposer quelque chose d’assez structuré. Je travaille aussi l’aspect visuel car le gros déficit des musiques électroniques, c’est que visuellement il y a un type derrière un laptop et il ne se passe rien visuellement et on a même l’impression que le mec derrière est en train de surfer sur facebook. Si ça bouge bien on ne s’en rend pas véritablement compte. Christian Fennesz dit à ce propos qu’on a déporté les musiques électroniques sur le modèle du rock en les mettant sur scène alors que ce n’est pas forcément comme ça qu’on aurait dû proposer le live de musique électronique. Quand un groupe de rock monte sur scène, il y en a un qui tape sur la batterie, un qui fait de la basse, un qui joue de la guitare…etc. Les gens ont des choses à voir. On n’aurait pas dû mettre les gens qui font de la musique électronique sur scène parce que quand on va voir un live on y va dans l’optique qu’il va se passer quelque chose sur scène. Or, avec les musiques électroniques, il ne s’y passe rien. Depuis Elektricity 2011, j’ai fait tous mes live avec Élie Rosière au vijing. Il apporte l’image au son. Il y a toute une partie en électro qu’on ne peut pas toucher (batterie, basses), par contre je rejoue en temps réel toutes mes parties de synthé. Avec la vidéo, on essaie de proposer quelque chose d’assez différent de ce qu’on a proposé jusqu’à maintenant, c’est-à-dire qu’auparavant on projetait derrière moi les vidéos qu’Élie avait conçues. C’est assez simple comme scénographie. Aujourd’hui, on projette ça sur des dispositifs assez différents, qui m’entourent, et même me masquent.

Des remix, des clips de prévu ?

J’ai remixé pas mal de monde (The Shoes, We are Knights, About the Girl). Il y a une vidéo qu’a réalisée Élie pour un titre qui s’appelle « Cloud » et qui représente un nuage image par image. On le diffuse en live et on l’a mis sur Youtube où il marche bien.

C

onstitué à partir de saisies révolutionnaires à la fin du XVIIIe siècle, le musée des Beaux-arts de Reims peut être considéré comme l’un des éléments fondateurs de la politique culturelle patrimoniale de la cité des sacres. Au départ principalement destiné à donner simplement à voir à la population les œuvres des maîtres de la peinture et de la sculpture, il s’est, au cours du temps tourné vers une véritable médiation autour des œuvres. Au XIXe siècle, Henri Vasnier, un collectionneur rémois, qui avait rassemblé une importante galerie d’œuvres dans sa demeure du boulevard Lundy, légua sa collection à la ville de Reims, pour que celle-ci intègre le musée des Beaux-arts. Le projet, en ces temps, était de construire un musée neuf, au boulingrin, sur le modèle des grands musées de la IIIe république. Le projet fut pourtant abandonné. Un siècle plus tard, sous l’impulsion de passionnés de Beaux-arts et de muséographie, notamment de l’association pour un Grand Musée au Boulingrin, et d’une nouvelle municipalité, le projet de construire un musée des Beaux-arts inscrit dans le XXIe siècle, a pu voir, enfin, le jour. En 2012, à partir du projet scientifique et culturel présenté par David Liot, conservateur en chef et directeur du musée, un architecte a été sélectionné par la Ville de Reims pour la conception du bâtiment. Le projet retenu, résolument moderne, est un geste qui s’inscrit à la fois dans la longue tradition historique de Reims et dans la modernité, entre valorisation de l’environnement patrimonial et pensée contemporaine, artistiquement exprimée. DAVID LIOT

33


MUSテ右

34

DAVID LIOT

MUSテ右

DAVID LIOT

35


MUSÉE

MUSÉE

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis directeur du musée des Beaux-arts de Reims et conservateur en chef du patrimoine. Diplômé de l’École du Louvre et de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en Arts plastiques, je me suis dans un premier temps intéressé à l’art des XIXe et début XXe siècles. Après avoir occupé un poste au centre de Recherche et de Restauration des musées de France de Versailles, je suis arrivé à Reims en 1999, année d’éclipse et de tempêtes…

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le musée des Beaux-arts de Reims ?

tions, mais aussi les chercheurs et professionnels, les enfants et les jeunes qui fréquentent les ateliers, les publics scolaires et ceux du champ social. C’est une équipe engagée et passionnée de près de 45 agents qui assure la conservation et l’exposition des collections, l’accueil et la sécurité, l’action culturelle et éducative et la gestion administrative. Nous avons à être attentifs à tous les publics car le musée a pour vocation de transmettre aux générations futures un « bien commun ». Notre vocation est universaliste et doit répondre à l’éthique de l’ICOM.

ternational, connu pour ses projets allemands d’Essen et Berlin. Le lieu choisi par la municipalité est visionnaire, extraordinaire et ses atouts indéniables ; il révèle la grande histoire de Reims : proche de la porte Mars antique, surplombant les vestiges de la porte Mars médiévale, le nouveau musée côtoiera les halles (cette « cathédrale » des années vingt vient d’être restaurée) et s’intègrera au projet urbain Reims 2020, contribuant ainsi au développement de notre territoire. Il symbolisera le XXIe siècle rémois et le nécessaire dialogue entre le passé et le futur dans un quartier vivant, joyeux et évolutif.

Sa collection d’une grande richesse, parmi les plus importantes sur un plan national, et le fait que la ville de Reims souhaitait le rénover. Il était l’un des derniers à ne pas l’avoir été en France après la « fièvre des musées » initiée par Jack Lang.

Quelle était la situation du musée à votre arrivée ? N’était-ce pas un musée qui s’était figé avec le temps, sans véritable projet, presque comme un simple élément du « décor » du Reims endormi de l’époque ?

Depuis les années 80, mes prédécesseurs avaient cherché, en vain, à convaincre leurs élus qu’il fallait que la Ville de Reims, compte tenu de sa riche histoire, soit au plus vite dotée d’un musée modernisé : un établissement qui puisse assurer la mise en valeur et la conservation de ses collections inestimables et répondre aux normes internationales. Ce qui était loin d’être le cas. La situation du musée était catastrophique, voire désespérée… Vétusté généralisée, collections en péril, absence de stratégie de communication et budget très faible. Les décideurs semblaient se suffire des 27 Corot, des Cranach, des impressionnistes… et croyaient à la proximité de la cathédrale pour faire venir les publics. Pourtant la fréquentation était l’une des plus faibles de France pour un musée des Beaux-arts, deux à trois fois moins importante qu’aujourd’hui.

Comment ce projet s’articule-t-il avec les autres institutions liées à l’art contemporain et au design ?

Quelles ont été les objectifs qui très tôt vous sont apparus comme des impératifs et des évidences ? Et quelles furent vos premières actions, vos premiers choix ?

Bien que très sensible aux collections du XIXe, je me suis vite rendu compte que le XXe siècle était inexistant alors que l’histoire de la ville est à ce sujet d’une richesse inattendue. Les Rémois percevaient mal leur histoire récente et paraissaient ne pas l’aimer… Ils ne bénéficiaient d’aucun lieu présentant les arts plastiques de cette période. Avec mon équipe, nous avons proposé aux élus un nouveau projet culturel et scientifique, validé naturellement par l’État, dont l’un des objectifs était de mettre en valeur les arts et la création du XXe siècle. Bien que détruite par la Grande Guerre, Reims a toujours su rebondir avec faste, effervescence et originalité ; une ville ouverte aux artistes et architectes de son temps. Le musée avait à s’interroger sur l’inconscient collectif de cette cité et se devait d’être la vitrine des arts qui ont accompagné la résurrection de ce territoire depuis presque un siècle. J’ai donc souhaité qu’un espace permanent sur l’art moderne soit créé (aucune salle spécifique à mon arrivée) et qu’une programmation pluriannuelle d’expositions, modestes ou importantes, rappelle la place indéniable de Reims dans l’histoire nationale et internationale des arts : Grand Jeu et surréalisme, L’Art déco de Reims à New York, de Corot à l’art moderne, Foujita monumental, le vitrail au XXe siècle…

« Notre projet culturel est ouvert à la transdisciplinarité et à l’art total »

Pouvez-vous nous parler du futur mu- Quels en sont les partis pris ? Et les obsée des Beaux-arts qui sera bâti sur la jectifs des espaces d’accueil résolument Quelle équipe vous accompagne au place du Boulingrin, à proximité des ouverts ? quotidien dans votre passionnante Halles et de l’antique porte Mars ? Les publics seront au cœur de ce projet laboratoire: La Ville de Reims a mis en évidence son ambition ce nouveau musée sera résolument ouvert à son activité ? Un musée doit pouvoir répondre aux attentes de ses usagers qui ne sont pas seulement les visiteurs et touristes des espaces permanents ou des exposi-

36

DAVID LIOT

tramway et enfin ouvert aux autres régions et pays limitrophes grâce au TGV tout proche. Espaces d’accueil faisant la part belle aux nouvelles technologies, boutique avec ouverture sur la rue, bibliothèque, ateliers, salle de conférences… L’idée est, qu’au-delà des touristes, les Rémois, les usagers des halles par exemple, éprouvent le désir d’y entrer, même pour un court instant, afin d’y découvrir l’actualité de notre richissime patrimoine présenté parfois dans des espaces modulables. La présentation des collections ne sera plus figée comme maintenant mais porteuse de surprises et en partie renouvelée chaque année. Plusieurs espaces expérimentaux de petite taille, au fil du parcours, rythmeront la visite et pourront favoriser la compréhension de nos chefs-d’œuvre par des exposition-dossiers ou par la présentation d’œuvres contemporaines destinées à percevoir l’art ancien autrement. J’espère profondément que les Rémois s’approprieront au plus vite, bien avant son ouverture, ce nouveau lieu de vie tels les Roubaisiens avec leur musée La Piscine, les Lensois avec le Louvre-Lens ou les Montpelliérains avec le musée Fabre… Les enquêtes récentes prouvent le succès croissant des musées et de leurs expositions, des lieux de vie ouverts à tous les publics, des sites symboles de « vivre ensemble ».

culturelle en validant lors du conseil municipal de mai 2012 le choix de l’architecte David Chipperfield qui est l’un des plus importants sur un plan in-

quartier par sa transparence et ses espaces permettant d’entrer et sortir librement, ouvert aussi au centre-ville et à ses quartiers périphériques grâce au

Comme je l’indiquais précédemment, déjà le musée ne présentait pas l’art du XXe siècle en 1999. Il fallait donc développer cette période sans plagier les musées d’art moderne que nous connaissons tous ailleurs. La chance pour moi est de diriger le musée d’une ville qui, malgré les chaos de l’histoire, a toujours été réactive au présent. Une cité liée à des démarches artistiques souvent méconnues, longtemps marginalisées : des démarches devenues maintenant incontournables pour l’histoire des arts par les historiens et rarement présentées en permanence par les grands musées. Depuis près d’un siècle, les avant-gardes ( le Grand Jeu, les abstractions des années soixante, les sculptures urbaines, récemment les vitraux d’Imi Knoebel…) cohabitent naturellement avec l’art officiel, l’art sacré - celui de Foujita par exemple ou la cathédrale - et l’évolution urbaine depuis les années 20. Ici à Reims, l’avant-garde et la tradition se font sereinement écho. Grâce au soutien de l’État et de la Région – celui entre autres du Musée national d’Art moderne/ Centre Pompidou, du Fonds national d’Art contemporain, du Mobilier national… et du Fonds régional d’acquisition des musées -, nous avons pu constituer une collection inédite sur le XXe siècle, unique en France, destinée au futur musée : un patrimoine dont les œuvres sont parfois monumentales. Pensons par exemple à l’immense Matta déposé par le MNAM dans la grande salle du premier étage ou aux panneaux de céramiques de Zadkine de 1937 récemment restaurés et déposés. L’objectif est atteint concernant le XXe siècle historique ! Notre collection d’arts décoratifs est maintenant exceptionnelle et nous réfléchissons dans le cadre d’une démarche collégiale avec l’ESAD à son ouverture au design. Par ailleurs, nous accueillons naturellement l’art contemporain dans le cadre de démarches partenariales. En ce moment, nous bénéficions de prêts du FRAC qui enrichissent notre exposition temporaire. De même, après avoir acquis une sculpture de Christian Lapie dès 2002, nous avons récemment acheté une œuvre d’Armelle Blary à la galerie rémoise Degrelle, l’an dernier un vitrail d’Imi Knoebel et reçu en donation des œuvres de Simone Boisecq. Autour du vitrail contemporain, Aurélie Nemours, David Tremlett et Gérard Titus-Carmel sont entrés au musée. Toutefois, il nous faut attendre le nouveau musée et ses espaces adaptés pour pouvoir mettre en œuvre cette évolution incontournable qui devra être le fruit d’échanges nourris avec les élus, les institutions et partenaires privés durant les prochaines années.

DAVID LIOT

37


PUBLI-RÉDACTIONNEL

MUSÉE

D É C O R AT I O N

TIMOTHY OULTON Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © DR

Comment imaginez-vous le musée idéal ?

Nous espérons un nouveau musée inventif qui prendra en compte les comportements des visiteurs du XXIème siècle friands de nouvelles technologies, qui effleurent leurs nombreux écrans tactiles et prennent rarement le temps de contempler... Un espace où chacun se sentira libre de « picorer » ou d’approfondir l’art ; un lieu capable d’offrir à ceux qui le souhaitent le contexte historique, politique, sociologique, littéraire… Un lieu qui, en période de crise, procure du plaisir, rassure et permette à chacun de se construire, voire de se reconstruire et de se projeter dans le futur à partir des œuvres : les témoins indéniables et matériels de notre humanité et de ses valeurs si souvent ébranlées. Bien loin des murs imposants, couverts d’œuvres inamovibles de beaucoup de musées. Ce qui ne nous interdira pas de reconstituer la muséographie du XIXe siècle dans certains espaces afin de rappeler l’évolution du goût et sa dimension aléatoire et d’adopter un parti pris chronologique où les chefs-d’œuvre seront à l’honneur.

Si vous deviez décrire votre musée en un mot, quel serait-il ? Agora

Reims, c’est ce désir partagé de travailler ensemble.

Quels rapports avez-vous développés avec le monde de l’entreprise, notamment dans le cadre du mécénat ?

Le musée est soutenu par un Cercle des mécènes depuis 2009 et parallèlement par la Mission mécénat de la ville de Reims. Depuis que le nouveau musée a été lancé, on sent un intérêt croissant que notre exposition actuelle révèle avec évidence. Tout le monde connaît le rôle indéniable d’un nouveau musée, s’il est ambitieux et médiatisé, dans le développement économique d’un territoire. La presse s’en fait l’écho quand elle dresse le bilan muséal de l’année 2012.

Et avec le monde associatif lié aux musées et au patrimoine ?

En fait, le musée est soutenu par 3 associations : le Cercle que je viens de citer, la Société des Amis des Arts et des musées (SAAM) et l’association pour un Grand Musée au Boulingrin (GMB). Ce qui est exceptionnel et rare, porteur de belles et réconfortantes rencontres humaines, vecteur aussi de démarches citoyennes originales et efficaces. Le musée a besoin d’ambassadeurs de terrain, sensibles aux publics qui ne fréquentent pas spontanément nos institutions ou qui en sont empêchés.

Menez-vous des actions avec d’autres lieux culturels qui interviennent dans Revenons à votre actualité. Pouvezd’autres disciplines artistiques ou sec- vous nous parler de l’exposition « Les teurs culturels (musique, théâtre…) ? arts de l’effervescence. Champagne ! » Notre projet culturel est ouvert à la transdisciplina- que vous présentez au musée des rité et à l’art total. Depuis le XIXe siècle, plasticiens, Beaux-arts jusqu’au 26 mai 2013 ? écrivains, acteurs, photographes, chorégraphes… dialoguent naturellement. Notre programmation se construit avec les autres acteurs culturels qui nous entourent. Les actions de l’exposition Les Arts de l’effervescence, avec la Comédie ou le Conservatoire à Rayonnement régional, le prouvent. Nos sujets font sens par rapport aux collections des autres musées, bibliothèques, archives et nous conduisent à réfléchir sur un plan transversal. Notre atout à

38

DAVID LIOT

C’est la première fois qu’une exposition pluridisciplinaire est organisée sur ce thème. Nous avons bénéficié de l’expertise d’Alice Thomine Berrada, conservatrice au musée d’Orsay et spécialiste d’architecture. Ensemble, nous construisons ce projet depuis plusieurs années. Dans le sillage du musée parisien, ce projet expérimente et révèle des partis pris muséographiques qui seront assumés dans le prochain musée. Différents domaines de création

dialoguent en effet les uns avec les autres, sans hiérarchie, avec l’objectif de mettre au même niveau peintures, sculptures, arts décoratifs, cinéma et musique. Nous avons souhaité rappeler que le champagne est vecteur de mythes, de plaisirs et parfois d’interrogations sur le sens de l’existence ; ce qui explique son omniprésence dans les arts. Prendre comme sujet le vin effervescent pouvait a priori paraître risqué. Ce thème se révèle en fait d’une grande richesse car il permet de croiser différents domaines autour des arts, du goût et de la société : l’évolution des mœurs, le rôle des femmes, la place de l’économie, les valeurs humanistes, le sacré… Trois siècles d’histoire sont ainsi présentés au travers de 370 œuvres prêtées par les collectionneurs, les musées français et étrangers et les maisons de champagne. Œuvres fortes, souvent inédites, parfois burlesques et difficiles à obtenir des musées étrangers quand elles sont d’artistes célèbres et très recherchées par les grandes institutions internationales. L’inadaptation et l’exiguïté du musée actuel ne jouent évidemment pas en notre faveur et nous conduit à fermer certains espaces permanents; d’où l’importance d’un nouveau musée. Pour la première fois, nous mêlons des objets et meubles illustrant l’élaboration et la dégustation du champagne à des démarches artistiques emblématiques de l’histoire de l’art. Ainsi est présentée, pour la première fois depuis 1907, la salle à manger Art nouveau réalisée par Émile Gallé pour Henry Vasnier, donateur à l’origine de notre musée ouvert en 1913. Ces meubles sont des trésors nationaux pour les experts du ministère de la Culture. Ils révèlent que la Champagne a joué un grand rôle pour ce mouvement artistique à la fin du XIXe siècle ; ils sont inestimables car ils conservent la mémoire d’une nature sauvage et cosmique et suggèrent la fragilité du vignoble à l’époque du phylloxera. Assurément, ils font partie de la mémoire collective des Champenois, ont une dimension universaliste et font sens par rapport à la candidature à l’Unesco « Coteaux, maisons et caves de Champagne ». Cet ensemble pourrait passer en vente publique : il serait vraiment désolant qu’il

sorte de nos frontières… Ce serait une atteinte à notre mémoire collective aux niveaux local et national. Je suis en tout cas ravi que cette exposition soit lancée au moment de cette candidature et espère de tout cœur une issue favorable. Notre région le mérite car son potentiel est énorme.

Quels sont vos partenaires pour cet événement ?

Beaucoup de partenaires et de mécènes ! Notre programmation l’atteste, fruit de l’engagement des acteurs culturels de notre territoire mais aussi Parisiens comme l’École du Louvre ou le musée d’Orsay. Notons aussi le nombre important de mécènes que je ne peux citer ici, et rappelons le rôle essentiel et le soutien des organismes interprofessionnels du champagne qui se sont associés à la mission Mécénat de la ville et à notre Cercle. Tous contribuent à l’enrichissement scientifique et pédagogique de cet évènement et favorisent l’éducation artistique des enfants et des jeunes, mais aussi celle des adultes. Les maisons de champagne nous ont chaleureusement ouvert leurs portes et leurs historiens ont été formidables et incontournables.

Enfin, avez-vous prévu de décliner cette exposition par l’édition de produits dérivés ?

Pour cette exposition, de nombreux produits dérivés sont en vente ; ce qui est nouveau. Dans le cadre d’un partenariat avec quelques viticulteurs, nous vendons avec succès des coffrets de capsules ornées de détails d’œuvres ainsi que des pendentifs… Par ailleurs, un magnifique catalogue coédité par Somogy, le musée et la Ville de Reims et soutenu par l’Union des Maisons de Champagne - dont la couverture se décline en deux couleurs. Il est le fruit d’une collaboration scientifique avec des auteurs renommés et est destiné à conduire le lecteur dans les interstices infinis de la saga détonante du champagne…

L

à où la décoration italienne recherche les matériaux et les formes les plus modernes, la décoration anglaise poursuit une longue tradition caractéristique d’un mode de vie classique et élégant. Un mode de vie où chacun reste à sa place, du gentleman au supporteur de foot. C’est une décoration cosy, un peu comme un plaid de tartan sur un Chesterfield en cuir tanné par les siècles, une décoration de gentleman, pour les gentlemen, une décoration qui s’exprime, comme art de vivre, dans chacune des créations de Timothy Oulton. TIMOTHY OULTON

39


D É C O R AT I O N

PUBLI-RÉDACTIONNEL

PUBLI-RÉDACTIONNEL

« Ce que nous faisons est d’inspiration audacieuse et élégante, classique, mais aussi moderne » Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis le fondateur et le directeur créatif de Timothy Oulton. J’ai grandi au Royaume-Uni, à Manchester où j’ai commencé à travailler dans l’entreprise d’antiquités de mon père quand j’ai quitté l’école à l’âge de 18 ans.

Comment êtes-vous venu à la conception d’univers de décoration ?

Lorsque j’ai commencé à travailler dans l’entreprise de mon père, j’ai rapidement été fasciné par l’artisanat, et tout a commencé à partir de là.

Quels sont les thèmes qui vous inspirent ?

Je suis passionné de marchés aux puces et je peux passer des heures à parcourir les marchés en GrandeBretagne et partout dans le monde afin de trouver des pièces uniques qui me serviront d’inspiration.

À quel public s’adressent vos univers de décoration ?

Nos clients cibles sont des gens qui se soucient de l’authenticité des choses qu’ils utilisent, et qui apprécient la qualité et l’audace de ce que nous réalisons. Fondamentalement, nos clients sont aussi

40

TIMOTHY OULTON

passionnés que nous de vivre avec des choses qui sont belles, authentiques et utiles.

Si vous deviez décrire votre univers en 1 phrase, quelle serait-elle ?

Je ne suis pas sûr que nos meubles puissent être décrits par un terme générique. Certaines pièces sont inspirées par les styles traditionnels, comme les chaises du Club du Gentleman en cuir. D’autres sont très tranchantes, comme les chaises Tom Cat, qui sont fabriquées à partir d’aluminium riveté. Si je devais choisir un mot ce serait faire preuve d’audace et d’authenticité. Ce que nous faisons est d’inspiration audacieuse et élégante, classique, mais aussi moderne.

Pour vous, que signifie « décoration » ?

Un bon design doit être pertinent par rapport à votre personnalité et à votre style de vie. S’entourer de créations, car les autres vous disent qu’elles sont de bonne facture n’a pas de sens pour moi. Ou acheter des choses juste parce que quelqu’un vous indique sa valeur est irraisonné. Je conçois des objets tels que je les aime – et je pense que c’est un bon concept si c’est quelque chose que vous aimez aussi. Je crois au design classique, qui dure dans le

temps, car beaucoup de vieux modèles classiques ont prouvé leur pertinence et sont encore nombreux aujourd’hui.

Quel rôle joue le vintage et les matières naturelles dans vos créations ?

Les matériaux utilisés sont extrêmement importants car nous voulons rendre nos produits aussi authentiques que possible. Toutes les pièces sont fabriquées à la main avec des matériaux naturels tels que le bois récupéré, les cuirs les plus beaux... En ce qui concerne le vintage, je suis constamment inspiré par les objets du passé qui ont une histoire. Toutefois, nous apportons notre propre touche de créativité pour les rendre pertinents pour le mode de vie actuel, ce qui rend les pièces très authentiques, mais aussi audacieuses dans leur conception.

Pouvez-vous nous parler de la création de vos boutiques ?

Nous voulons proposer les meilleures boutiques et pas seulement un endroit pour acheter des meubles. En ces lieux, nous voulons offrir une expérience d’une marque tout entière en essayant de lui donner vie le plus fidèlement possible.

SIMON DELÉTANG

Quel en est le concept, quelles en sont les particularités par rapport aux échoppes traditionnelles de décoration ? L’achat de mobilier doit être une expérience plaisante et ludique, un moment unique. Nous essayons donc de créer de nouveaux contextes, de suggérer des façons différentes d’associer les choses, et d’accentuer l’expérience de la visite.

Où peut-on trouver ces boutiques ? Pouvez-vous notamment nous parler de votre corner qui vient de s’ouvrir à Reims ?

Cette année a été une année incroyablement riche pour la marque avec des ouvertures à travers le monde à Hambourg, Amsterdam, Anvers et Manchester, à Beyrouth, Hong Kong et Dallas. Désormais, nos produits sont disponibles en France, en exclusivité chez DP Home à Reims.

exclusivité Chez DP HOME 24 rue Thiers • 51100 Reims 03 26 09 20 84

COMÉDIE

Texte / Alexis Jama Bieri • Photo / © Céline Gaudier

Q

uand art du comédien et de la mise en scène se rencontrent. Simon Delétang, jeune membre du collectif artistique de la Comédie de Reims, propose cette saison plusieurs interprétations. Soit en tant que comédien dans les œuvres de la trilogie de Büchner, joué en début de saison, soit en tant que metteur en scène, avec Le Guide du démocrate, à voir à la Comédie en janvier et février.

SIMON DELÉTANG

41


COMÉDIE

PUBLI-RÉDACTIONNEL

Comment as-tu découvert le théâtre et qu’est-ce qui t’a conduit à la mise en scène ?

J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont emmené très tôt au théâtre. Et même si je n’y prenais pas de plaisir au début j’ai progressivement acéré mon regard. Dès l’âge de 14 ans mon désir de théâtre s’est forgé, notamment à l’occasion de mon stage en entreprise de collège que j’ai effectué au Centre Dramatique National de Limoges. Je voulais d’abord devenir régisseur plateau… Ensuite j’ai intégré l’option théâtre du lycée. C’est en voyant «Richard III» de Shakespeare mis en scène par Matthias Langhoff, que j’ai découvert ce que pouvait être une mise en scène spectaculaire et politique et je me suis vraiment dit que si la mise en scène pouvait être comme cela, je voulais absolument en faire. À partir de ce moment-là, la tension entre devenir comédien ou metteur en scène n’a eu de cesse de grandir, pour finalement aujourd’hui m’amener à continuer à pratiquer les deux.

Quel est le théâtre que tu apprécies particulièrement ?

J’apprécie le théâtre qui défend une vision des œuvres, qui offre un point de vue sur les textes et sur le monde et qui met tous les éléments de la représentation au service du spectacle. Un théâtre où les acteurs sont engagés dans le jeu, où le plateau vibre et où notre regard est sans cesse sollicité. C’est pourquoi j’ai un goût particulier pour le théâtre allemand qui est dans une tradition spectaculaire avec des décors imposants et des comédiens enragés (même si une nouvelle génération passionnante développe de nouveaux outils aujourd’hui). Je recherche toujours le choc en tant que spectateur, et j’aime la radicalité. J’aime qu’on m’oblige à me situer face à une œuvre.

Et celui que tu n’apprécies pas ?

Je n’ai plus envie d’aller au théâtre pour écouter un texte sur un plateau nu avec des acteurs qui se parlent de loin sans bouger, un théâtre qui cherche à rendre le texte dans sa nudité… Le théâtre est pour moi tout sauf de la littérature, tout sauf de l’analyse littéraire, c’est un art vivant, charnel et concret. Et il y a une tradition en France de ce théâtre gentiment désuet « au service » du texte qui pourtant à mon sens ne lui rend pas service. J’aime sentir le travail derrière un spectacle et malheureusement beaucoup de metteurs en scène ne savent pas travailler dans le sens du plateau. Le théâtre pour moi, c’est aussi du son, de la lumière, bref un univers avant tout.

Quelles collaborations artistiques astu déjà réalisées ?

J’ai eu la chance de travailler avec Matthias Langhoff et ce fut la meilleure manière de tuer le père en réalisant les vertus du travail au plateau et ne plus savoir le fantasme du maître.

Au-delà, as-tu envie de travailler en liaison avec d’autres esthétiques et autres formes d’art ?

Je suis un passionné d’art contemporain et toujours curieux de découvrir de nouveaux artistes, de nouvelles démarches mais je ne suis pas forcément pour les aventures transdisciplinaires. J’aime faire la synthèse seul de toutes ces influences. Je suis également très réservé quant à l’utilisation de vidéo au théâtre. Et puis, à titre personnel, je rêve de mettre en scène des opéras, la musique étant fondamentale dans mon travail. Faire appel à un artiste comme Her-

mann Nitsch pour réaliser une scénographie d’opéra m’exciterait énormément. Travailler avec des artistes comme Erwin Wurm ou Mounir Fatmi serait, par ailleurs, extrêmement enrichissant.

Qu’est-ce qui t’influence spécialement dans ton travail de mise en scène ?

Tout ce que je vois, vis, découvre. La recherche du beau. Le réel. Je suis un recycleur de sensations exigeant. L’art contemporain et le cinéma sont des influences majeures : Je suis influencé par des cinéastes comme Tarkovski, Cronenberg, Kubrick même si leur influence n’est pas directement visible dans mon travail. Ensuite toutes mes lectures enrichissent mon rapport au monde et influencent ce que je souhaite défendre sur scène : les écrits de Slavoj Zizeck notamment.

Quel rapport avec le public souhaitestu développer ?

Je suis un fervent défenseur du rapport traditionnel scène/salle, quelle que soit la salle, que ce soit un

pose à moi comme mise en scène, que j’entends une musique ou plusieurs qui auront leur place dans le spectacle, ce sont des éléments qui donnent le « La » de la création. Ensuite la conception de l’espace est primordiale. Le décor est toujours en place dès le premier jour des répétitions ce qui veut dire que je ne cherche pas avec les acteurs, c’est-à-dire que je sais où je vais avant le début des répétions et que l’univers du spectacle est déjà en place. C’est à l’intérieur de ce cadre que je vais être créatif avec les comédiens. Le temps de la répétition est vraiment pour moi un temps pour faire, non pour chercher. C’est pourquoi la scénographie est souvent la traduction plastique de mes recherches antérieures pour qu’elle offre le plus de possibilités à la mise en scène.

port à l’écrit en recyclant le langage dominant pour en montrer la vacuité ou la violence. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, toutefois, comme d’autres citoyens, je m’interroge sur le monde dans lequel je vis, tout en pointant dans le spectacle certains de mes nombreux travers. C’est un véritable miroir grossissant. Mais l’enjeu du chantier est que le texte d’origine « Le Guide du démocrate» n’a pas été écrit pour le théâtre et qu’il fallait le rendre vivant, ce qui nécessite l’ajout d’autres textes afin d’avoir une matière plus vivante. J’ai par conséquent effectué un gros travail de montage du texte pour lui donner corps, rythme et raconter quelque chose qui serait intéressant au plateau et qui m’offrirait la possibilité de mettre toute ma fantaisie au service de ce propos.

Quel est le propos du « guide du démocrate », qui fait partie de la programmation de la Comédie de Reims en Janvier-février ?

Comment as-tu choisi la distribution ?

Il s’agit d’une satire de notre société contemporaine

« J’aime la radicalité. J’aime qu’on m’oblige à me situer face à une œuvre. » grand théâtre ou une salle des fêtes, mais j’ai besoin du rapport frontal avec le public. Je développe depuis 6 ans un travail en décentralisation où j’apporte du théâtre dans des zones où il n’y en a pas, car je crois beaucoup aux vertus de ce rapport au public, plus simple, humain et généreux, où le public a vraiment un visage. Mon principal moteur vis-à-vis du public est de le surprendre, de lui faire découvrir des textes, de l’interpeller et de le faire réfléchir tout en lui offrant des vrais moments spectaculaires. Je fais tout pour combattre l’ennui du spectateur.

du tout communiquant, du tout divertissant et du rien pensant. C’est un faux guide qui pointe toutes nos habitudes de vie quotidienne, tous les travers de la mondialisation, de notre rapport au monde. C’est un constat mais ce n’est pas un pensum, c’est une façon très légère d’aborder des sujets pourtant fortement anxiogènes. C’est un vrai appel à ce que nous devons faire dans nos vies pour que les choses changent et pour qu’on arrête de subir. Le spectacle n’apporte pas de réponse mais ouvre la voie à une prise de conscience par le rire.

Comment procèdes-tu pour concevoir À l’occasion de cette mise en scène, une mise en scène ? comment as-tu appréhendé le sujet de Je conçois vraiment la mise en scène comme un tout la pièce et le chantier à mener ? qui inclut tous les éléments du spectacle. Je travaille énormément en amont, seul, je fais moi-même tout le travail dramaturgique et les montages de textes (quand il y en a car c’est déjà pour moi un acte de mise en scène). Dès que je lis un texte et qu’il s’im-

LE GUIDE DU DÉMOCRATE

du 29 janvier au 1er février D’après Éric Arlix et Jean-Charles Massera Mise en scène Simon Delétang

J’ai lu tout d’abord beaucoup d’écrits sur la démocratie, comme celui de Jacques Rancière, « L’insurrection qui vient », des essais, des romans de la nouvelle génération littéraire à laquelle appartiennent Massera et Arlix qui tentent de renouveler le rap-

Il y a trois comédiens dans cette pièce. Un des personnages, que j’ai baptisé le Démocratiseur, est celui qui nous guide, qui analyse, qui nous explique de quoi cette société est faite, dans un registre de communiquant séduisant. J’ai engagé un comédien avec qui je travaille depuis dix ans, François Rabette et qui a la singularité dans son parcours d’avoir fait l’École Centrale, il est donc ingénieur de formation et a travaillé au service informatique financier de la Société générale à la Défense avant de tout plaquer pour faire du théâtre… Il porte donc naturellement en lui ce langage et cette séduction effrayante du discours financier. Les deux autres comédiens qui jouent les démocrates Lise Chevalier et Steven Fafournoux sont deux jeunes comédiens que j’ai découverts au Conservatoire de Lyon. Ce sont les deux natures comiques et généreuses dont j’avais besoin pour mettre de la vie dans l’illustration de ces chapitres du Guide.

Tu es également comédien. Peux-tu nous parler de ton travail dans la trilogie de Büchner ?

J’ai la chance, cette saison, de participer en tant que comédien à la reprise de la trilogie Büchner avec toute l’équipe du collectif que j’ai côtoyé jusqu’à présent plutôt en tant que metteur en scène, et c’est pour moi un vrai plaisir et un bain de jouvence de retrouver le plateau de ce côté-ci. Une reprise de rôle est un exercice particulier car l’on reprend en trois jours un travail qui a eu lieu en huit semaines. C’est très agréable, même s’il faut travailler beaucoup seul en amont sur vidéo. Je suis vraiment très heureux de défendre ce spectacle, dans lequel il y a un univers et une vraie identité théâtrale. C’est un beau défi de théâtre comme on en voit rarement sur les scènes françaises !

Si tu devais traduire en une phrase ta mise en scène, quelle serait-elle ? Du rythme toujours du rythme !

Quels sont tes projets futurs ?

Je travaille à l’adaptation d’un roman d’Ödon Von Horvath, « Un fils de notre temps », pour la saison prochaine. Ce texte concerne la question de l’individu au moment de la montée du nazisme en Allemagne. Par ailleurs, en mai de cette année, je mets en scène « Chef-d’œuvre » de Christina Lollike avec de jeunes comédiens issus de l’école du Théâtre national de Bretagne. Il s’agit d’une réflexion sur l’art contemporain et le terrorisme à travers la surexposition médiatique des attentats du 11 septembre…

Nouvelle initiative cette saison ! Les rendez-vous Studio•Théâtre La Comédie ouvre son Studio à de jeunes artistes issus du Collectif artistique pour une programmation alternative, un théâtre laboratoire, des expériences, ou des premiers pas dans l’art du théâtre. En janvier :

Pour les plus rapides d’entre vous !

5 places à gagner pour deux personnes, le jour de votre choix. Répondez à la question suivante par mail à : rp@lacomediedereims.fr

Dans quel autre spectacle présenté dernièrement à la Comédie Simon Delétang a-t-il joué ? 42

SIMON DELÉTANG

MUSIC-HALL

Du 29 janvier au 7 février De Jean-Luc Lagarce, mis en scène par Chloé Brugnon L’histoire, drôle et pathétique, d’une chanteuse de music-hall sur le retour qui déroule le fil de ses mésaventures scéniques. Un récit émouvant et insolite sur une carrière ratée et sur des désirs intacts où le rêve et le fantasme du passé ont la part belle.

Retrouvez toutes les dates sur www.lacomediedereims.fr Réservation conseillée au

03 26 48 49 00


AGENDA

PUBLI-RÉDACTIONNEL

SIMPLE-expo-MONS.pdf

1

20/12/12

15:25

S.U.A.C. ÉVÈNEMENTS EN JANVIER 2013

Mardi 15 janvier à 17h30

exposition

C

M

17 JAN ➜ 22 FÉV

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

La Villa Douce / Reims vernissage jeudi 17 JAN 19h

SIMPLE-CPLP.pdf

1

Explorer l’invisible

Université de Mons

20/12/12

15:38

+ Conférence-débat autour de Carlos Sorin + Conférence-débat autour de Carlos Sorin et dédicace du livre de Françoise Heitz sur le cinéma de Carlos Sorin, «Sorin, filmer pour rêver» édité aux Presses de notre Université.

BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE ROBERT DE SORBON

Mardi 15 janvier à 20h30

+ Jours de pêche en Patagonie + Un film de Carlos Sorin Suivi d’un débat animé par Françoise Heitz et Emmanuel Le Vagueresse.

CINÉMA OPÉRA

Jeudi 17 janvier à 19h00 - vernissage de l’exposition

+ Explorer l’invisible + Exposition du 17 janvier au 22 février L’Université de Mons vous invite à découvrir des images surprenantes qui sont le reflet du monde tel que l’explorent, dans ses moindres recoins et à toutes ses échelles, les scientifiques de l’ UMONS.

VILLA DOUCE

Mercredi 23 janvier à 20h00

+ Les Invisibles + projection/lecture

C

M

31 JAN ~ 19h

J

CM

MJ

CJ

La Villa Douce / Reims

CMJ

Passages Etat Data

N

CP & LP

Un film de Sébastien Lifschitz. Des hommes et des femmes, nés dans l’entre-deux-guerres ; ils n’ont aucun point commun sinon d’être homosexuels et d’avoir choisi de le vivre au grand jour, à une époque où la société les rejetait. Ils ont aimé, lutté, désiré, fait l’amour. Aujourd’hui, ils racontent ce que fut cette vie insoumise, partagés entre la volonté de rester des gens comme les autres et l’obligation de s’inventer une liberté pour s’épanouir. Ils n’ont eu peur de rien.

CINÉMA OPÉRA

Jeudi 31 janvier à 19h00

+ CP & LP : PASSAGES ETAT DATA 2007/2012, « état des lieux » + Soirée projection, lecture, dédicace à l’occasion de la parution du catalogue de CP & LP

« Un passage passe, une sorte d’arche tendue entre 2 camionnettes. Sur 2 véhicules dans l’instance du départ, en les retenant, il le rend un moment impossible, le retarde, le suspend dans ce suspens, il est virtuellement ici ou là, introduit un hors lieu dans le lieu, un hors temps dans le temps »

VILLA DOUCE

INFORMATIONS et RÉSERVATIONS INDISPENSABLES : S.U.A.C. (Service Universitaire d'Action Culturelle) Villa Douce Présidence de l'Université de Reims Champagne-Ardenne • 9 Bd de la Paix, 51100 Reims • www.univ-reims.fr • 03 26 91 84 15

44

S.U.A.C.


ÉPILOGUE !

Texte / Alexis Jama Bieri

Du haut des sommets « La dispute alimente la dispute et engloutit ceux qui s’y plongent » Sénèque, La Colère (première moitié du Ier siècle).

A

JANVIER

u grand air, observant les reliefs escarpés des Alpes, je songe aux forces titanesques qui ont donné naissance à ces arêtes de rocs. Peut-être que certains ont pu s’imaginer une fin du monde déployant une similaire fureur. Le monde est toujours là, semblable, différent, terrain de découvertes. C’est dans cet esprit de découverte que je me suis rendu, en joyeuse, et tumultueuse (serait-ce l’effet du vin blanc de Savoie ?) compagnie au ski. À chaque instant, j’avais en tête le monument cinématographique populaire qu’est « Les Bronzés font du Ski ». En descente en téléski, j’eus une révélation, au moment où l’engin stoppa à mi-descente, le frêle siège se balançant dangereusement de haut en bas. Le vide, comme un gouffre blanc sous les pieds, je pensais soudain à JeanClaude Dusse, qui de modèle de couardise (et de ringardise), prit soudain une toute autre dimension humaine. Car pour sauter dans le vide d’un téléski, il en faut, un peu, du courage ! « Quand te reverrais-je, pays merveilleuuuux… ? ». Pour la découverte du ski, disons qu’il ne suffit pas, à mon avis très extérieur à ce sport, de chausser des skis, et enchainer de très probables chutes, pour aimer ou non dévaler les pentes dans la poudreuse. Prudent, et suivant de très réalistes et avisés conseils, je m’attellerai, lors d’un prochain séjour, à quelques heures de leçons. Reste que la découverte de la montagne, les frissons effrayants du vertige, les moments entre amis devant une crêpe l’après-midi ou une fondue en auberge rustique, la poésie de lanternes volantes et même les différences de points de vue très (trop) animés de la Saint Sylvestre… Sont des instants qui permettront à ce début d’année 2013 alpin de survivre dans mon esprit. Revenu à la civilisation urbaine après avoir (non sans quelque réel soulagement) abandonné les sommets enneigés, je rejoins l’Olympe auprès d’Aphrodite qui telle l’Edelweiss illumine mes instants d’une blancheur céleste. En fait, tout est affaire de sommets. Happy new year 2013 !

KIDZ#13 16 CARTO LE VILLAGE DES PETITES BOUCLES M ER

JAN

BARCELLA 18 JAN PREMIÈRE PARTIE

COMPLET

V EN

VADER I ABORTED 25 JAN BONDED BY BLOOD I FHOBI I BLOODSHOT DAWN V EN

TOURNÉE EUROPAVOX 26 JAN GREAT MOUNTAIN FIRE I EWERT AND THE TWO DRAGONS I FUNERAL SUITS S AM

FÉVRIER CABARET POP 02 FÉV THE SPINTO BAND I BADEN BADEN I WE ARE KNIGHTS S AM

SHARIVARI BY INNER CORNER 08 FÉV MEKANIK KANTATIK I I.W.S. I NGC777 V EN

LIVE

LIVE

LIVE

LES NUITS DE L’ALLIGATOR 09 FÉV THE HEAVY I THE SKINS I THE COMPUTERS S AM

BOOGAERTS 14FÉV MATHIEU FRANÇOIZ BREUT JEU

CONNEXION 15FÉV SCRED LA SCRED I LA JONCTION I NEFAST V EN

EL GUSTO 20 FÉV PROJECTION DANS LE CADRE DU CYCLE MUMA M ER

MARS

Journal à parution mensuelle. Prochain numéro : Février 2013 (#24)

LILLY WOOD & THE PRICK 08 MARS OWLLE V EN

MARS

20 SUPERBUS MARS PREMIÈRE PARTIE M ER

21 BALTHAZAR PREMIÈRE PARTIE JEU

gratuit pour les abonnés (dans la limite de 100 places)

LOIZEAU 13 EMILY PREMIÈRE PARTIE

M ER

gratuit pour tous

S AM

22 PSY 4 DE LA RIME MARS PREMIÈRE PARTIE V EN

23 INDUSTRIAL INVASION MARS VOMITO NEGRO I VIGILANTE I LARVA I DARK CONTROL OPERATION I ANNA BOGEN S AM

ÉQUINOXE 27 30 ELEKTRICITY MARS MARS PLUS D’INFOS SUR WWW.ELEKTRICITYFESTIVAL.FR M ER

S AM

LA CARTONNERIE I MUSIQUES & CULTURES ACTUELLES 84 RUE DU DOCTEUR LEMOINE 51100 REIMS I T. 03 26 36 72 40 Locations : la Cartonnerie*, fnac, sur fnac.com, au 0 892 68 36 22 (0,34€/mn), Carrefour, Leclerc, Cora, Auchan, Virgin Mégastore, Cultura, www.digitick.com *sans frais de location

WWW.CARTONNERIE.FR

pour les abonnés, une place achetée = une place offerte

MARS

À Reims, GRANDBAG Open Art Revue est disponible gratuitement dans plus de 330 points partenaires. À Monaco, GRANDBAG Open Art Revue est disponible gratuitement dans plus de 220 points partenaires, avec le soutien de la Fondation Prince Pierre et de la Fondation Albert II.

Pour devenir diffuseur, partenaire ou annonceur, contactez-nous : • GRANDBAG Reims

2 impasse JB de la Salle • 51100 Reims • GRANDBAG Monaco 29 rue de Millo • 98000 Monaco, MC

clgb.presse@gmail.com • grandbag.fr

Conception et réalisation graphique : Romuald Gabrel - Post Computer

GREMS 09 MARS NEMIR I KELIB I ASHKEN

GRANDBAG Open Art Revue est édité par l'association CLGB. GRANDBAG Open Art Revue est une marque déposée. Tous droits réservés. Toute reproduction même partielle est interdite sans autorisation. GRANDBAG Open Art Revue décline toute responsabilité pour les documents remis. Les textes, illustrations et photographies publiés engagent le seule responsabilité de leurs auteurs et leur présence dans le magazine implique leur libre publication.


MINI Store Reims Philippe Emond SAS ZAC Croix Blandin • Cité de l’automobile 03.26.08.63.68 philippe-emond.com


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.