1. Macrocéphalie chez le nouveau-né, le nourrisson et le jeune enfant
2. «La vitamine D, essentielle jusqu’à 18 ans ?»
DOSSIERS
1. La santé des grands prématurés à l’âge adulte
2. Trisomie 21
3. Le sommeil (partie 3)
CAS CLINIQUES
1. Quel est votre diagnostic ?
2. Une éruption bulleuse
CHRONIQUES
• «Côté Psy»
• Symposium
• Topo : École Palo Alto
• DocLili
ACTUALITÉS
• Actualité professionnelle
• Comité éthique de l’AFPA
• Questions Mpédia
• Pédia Santé
• Pédiatres du Monde
Chers adhérents, chères adhérentes,
Sandra Brancato Bouet
C’est avec une grande joie que je m’adresse à vous aujourd’hui dans ces premières lignes en tant que nouvelle Présidente de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire.
Je suis honorée de la confiance que les pédiatres ambulatoires me portent en me nommant à ce poste, et j’entends bien remplir cette fonction avec enthousiasme et ferveur pour poursuivre l’ensemble des missions de l’AFPA, défendre la pédiatrie ambulatoire et faire valoir les droits de l’Enfant.
Je suis pédiatre à Brignon, près de Nîmes, spécialisée en gastroentérologie pédiatrique et passionnée par la pédiatrie. Je suis tombée dans la marmite de l’AFPA dès mon installation en 2005, au sein de cette immense et très belle famille. Elle m’a permis de grandir, de me former pour exercer ce magnifique métier auprès des enfants et de leurs familles. L’AFPA m’apporte d’année en année l’expérience nécessaire pour continuer de progresser dans mon exercice.
À ce poste, avec un bureau administratif des plus motivé et un conseil d’administration dynamique, soutenue par des personnalités emblématiques de l’AFPA, nous continuerons d’élever notre association, société savante pédiatrique, vers l’excellence.
Ensemble, nous aurons à cœur de vous rencontrer dans nos formations, nos webinaires, nos congrès nationaux. L’AFPA est présente sur le plan national mais également dans vos régions, grâce à vos délégués élus, qui consolident chaque jour les liens entre pédiatres.
Je vous remercie de votre confiance et vous adresse mes salutations les plus sincères.
Sandra Brancato Bouet, présidente
Réunion du Bureau - Nîmes les 6 et 7 septembre 2025
Sur la photo de haut en bas et de gauche à droite : Anne Sylvestre Michot Cottias, François Vie Le Sage, Anne Beguin, Christophe Batard,Sylvain Duchene,Georges Thiebault Sylvie Hubinois, Fabienne Kochert,Anne Chevé, Nadège Delavie, Christine Magendie, Nellie Houeto Liliane Cret,Catherine Salinier, Jérémie Bled, Sandra Brancato Bouet, Véronique Desvignes, Fabienne Cahn Sellem
Absents de la photo : Cécile Allioux, Hean-François Delobbe, Anne Auvrignon, Michel Navel, Andreas Werner, Brigitte Virey, Robert Cohen
Fabienne Kochert, Ex-présidente de l'AFPA, SG du CNPP, FSM
Emmanuel Cixous, PH Seclin, président du CNPP, vice-président SNPEH, FSM
Liliane Cret, Bureau et commission scientifique de l'AFPA, CNPP
Bonjour à toutes et à tous,
ÉDITO
Véronique Desvignes
Pour ce numéro de rentrée, nous vous proposons un ensemble d’articles variés autour de thématiques qui nous concernent tous : le devenir des grands prématurés, le suivi des enfants porteurs de trisomie 21, les liens entre sommeil et stress, la conduite à tenir face à une macrocrânie, ou encore la délicate question du recueil de la parole chez l’enfant et l’adolescent traumatisés.
Vous retrouverez également les chroniques de Doc Lili et d’Emmanuelle Piquet, deux nouveaux cas cliniques, la rubrique questions/réponses de nos experts Mpedia, sans oublier la toute dernière fiche consacrée aux premiers pleurs. Ce numéro vous propose aussi les premières informations partagées par le Comité National de Pédiatrie concernant la recertification.
Cette richesse de contenus reflète la complémentarité indispensable entre pédiatres de ville, pédiatres hospitaliers et autres professionnels de l’enfance, une synergie essentielle pour faire progresser nos pratiques et améliorer toujours davantage la qualité de notre exercice pédiatrique.
C’est dans cette dynamique que nous souhaitons continuer à travailler. L’AFPA, par son énergie et son engagement constants depuis plus de trente ans en faveur de la pédiatrie ambulatoire, demeure l’un des moteurs les plus actifs de notre spécialité. Un grand merci à Andréas Werner, qui a présidé l’association ces trois dernières années, et toutes nos félicitations à Sandra Brancato qui prend désormais le relais jusqu’en juin 2029.
Dans l'attente de vous retrouver aux 22ème journées d'automne de pédiatrie ambulatoire les 7 et 8 novembre à Vichy.
Très bonne lecture à toutes et à tous.
Véronique Desvignes et le Comité de rédaction
Pour recevoir chez vous les prochains numéros de
Pédiatre / Directrice de la publication
La reproduction totale ou partielle des articles, études et informations publiés dans cette revue est interdite sauf autorisation préalable et écrite de la Société le Pédiatre. La responsabilité n’engage que les auteurs.
Revue de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire, du Syndicat National des Pédiatres Français (SNPF)
Vassel graphique - 69500 Bron www.vasselgraphique.com
Mise en ligne sur le site AFPA
Georges Thiebault
Association Française de Pédiatrie
Ambulatoire – AFPA
Zone de la Fouquetière 155 rue Édouard Branly 44150 Ancenis Saint-Géréon pediatres@afpa.org
RÉDACTION
Pédiatrie Ambulatoire
Tél. 06 25 67 34 62
ABONNEMENT
Secrétariat administratif de l’AFPA
Emmanuèle Grassin 15, rue Maurice Berteaux – 33400 Talence pediatres@AFPA.org
Numéro papier à l'unité : 10 € TTC (frais de port non inclus)
Abonnement papier annuel (4 numéros) : 40 € TTC (frais de port inclus)
Adhésion AFPA et abonnement : www.afpa.org
SOMMAIRE
N° 328 / Année 2025.3 juillet / août / septembre
EDITO
SOMMAIRE
3
4
6
13
CAS CLINIQUE N°1
Quel est votre diagnostic ?
CAS CLINIQUE N°2
Une éruption bulleuse
DOSSIER 1 : La santé des grands prématurés à l'âge adulte
1. Le devenir respiratoire des grands prématurés
2. Le devenir cardiovasculaire, métabolique et rénal
3. Qualité de vie de l’adulte né grand prématuré
DOSSIER 2 : Trisomie 21
1. Accueil à la maternité, pathologies des premiers jours et examens nécessaires
2. Suivi des enfants porteurs de trisomie 21 dans l’enfance : examens indispensables, pièges et urgences
3. Troubles du comportement
Distinguer le somatique du psychiatrique
20 Nutrition de l'enfant (SFNS)
24
28
DOSSIER 3 : Le Sommeil (partie 3)
Mise à jour 1 : Macrocéphalie chez le nouveau-né, le nourrisson et le jeune enfant
31 Mise à jour 2 : " La vitamine D, essentielle jusqu’à 18 ans ? "
35 "Coté PSY" : Recueillir la parole de l’enfant ou de l’adolescent traumatisé en cabinet
38
41
42
44
46
47
48
48
Symposium : Les premiers mois de bébé : quel parcours de soins, entre réseaux et choix nutritionnels ?
Topo : Ecole Palo Alto en questions
DocLili :
Comment aborder l’usage des écrans avec les enfants ?
Actualité professionnelle :
Les pédiatres et la Certification Périodique
Comité éthique de l'AFPA :
Charte des droits de l'enfant défendus et garantis par le pédiatre ambulatoire
Questions Mpédia
Pédia Santé
Pédiatres du Monde
Cas cliniques
Dr Chloé Lemaître, pédiatre à Montpellier
Marius, 11 mois
Première consultation
Marius, 11 mois, est né à terme avec un poids de naissance de 3,3kg. Il est suivi pour un SEIPA1 au lait, à l’œuf et au poulet au CHU. Sa croissance staturo-pondérale et son développement psychomoteur sont normaux. Aucune histoire infectieuse notable. Il est gardé en crèche. Il n’a pas encore reçu les vaccins des 11 mois.
Depuis quelques jours il a une rhinopharyngite et depuis 24 heures une fièvre bien tolérée mais des pleurs nocturnes.
À l’examen, il a une otite moyenne aigue (OMA) qui est traitée par amoxicilline (90 mg/kg/j en 2 prises par jour).
À J2, après 3 prises d’amoxicilline, les parents prennent la photo suivante car ils suspectent une réaction à l’antibiotique mais ne consultent pas car Marius n’a plus de fièvre, mange et dort mieux.
48 heures plus tard la rougeur rétro-auriculaire a disparu et l’œdème a diminué. Les parents reconsultent car le pavillon reste encore légèrement décollé. Marius est toujours apyrétique, son état général est excellent. Le tympan est congestif et partiellement opaque mais n’est plus bombé.
Quel diagnostic évoquez-vous et que faites-vous ?
Le tableau clinique initial faisant évoquer une mastoïdite, l’enfant est adressé aux urgences pédiatriques.
Le scanner des rochers montre un comblement complet de l’oreille moyenne et des cellules mastoïdiennes à droite sans abcès sous-périosté, sans condensation, lyse osseuse ou thrombose veineuse.
La numération formule sanguine était normale et la CRP à 11 mg/litre.
Devant le bon état général et après avis des ORL, l’enfant est rentré à domicile sous amoxicilline per os avec une posologie majorée à la dose de 150 mg/kg/j en 3 prises pour une durée de 14 jours au total. L’évolution a été rapidement favorable.
Incidence et diagnostic des mastoïdites
La mastoïdite est une complication rare des OMA (1 cas sur 400 OMA soit entre 0,12 à 0,24% de risque de développer une mastoïdite en cas d’OMA) (1,2). L’incidence globale est estimée dans les pays développés à 1,2 à 6,1/100 000 enfants/an (2).
Les mastoïdites atteignent préférentiellement les enfants de moins de 2 ans avec une prédominance masculine (2, 3, 4).
Le diagnostic doit être évoqué devant l’évolution défavorable d’une OMA même traitée (persistance de la fièvre, de la douleur, altération de l’état général) et/ou devant des signes cliniques en faveur d’une mastoïdite extériorisée (2).
Ces signes sont liés à la propagation du processus infectieux dans l’os mastoïdien et parfois dans les structures adjacentes : comblement du sillon rétroauriculaire, décollement du pavillon de l’oreille qui est œdématié et douloureux, parfois accompagné d’une rougeur péri-auriculaire.
Mais attention : dans près de la moitié des cas, les mastoïdites sont inaugurales, non précédées de signes ou symptômes évocateurs d’OMA (mais avec toutefois une OMA à l’otoscopie).
Le scanner injecté des rochers confirme le diagnostic et recherche d’éventuelles complications
Devant une suspicion clinique, l’enfant doit être adressé aux urgences afin de réaliser un scanner injecté des rochers pour confirmer le diagnostic et dépister les complications :
La complication la plus fréquente est l’abcès souspériosté (2,4). La lecture des images peut être difficile. Ne pas hésiter à les revoir ou à demander un avis spécialisé.
Épidémiologie
◄ Abcès sous-périosté
Abid W et al. Management of acute mastoiditis in children. A retrospective study and literature review. Egypt J Ear Nose Throat Allied Sci
L’épidémiologie est dominée par Streptococcus pneumoniae, le streptocoque du groupe A (SGA) et dans une moindre mesure Fusobacterium necrophorum. Une étude française récente montre une augmentation transitoire du nombre de mastoïdites à SGA dans les années post-Covid ainsi qu’une légère augmentation des mastoïdites à Fusobacterium necrophorum(4).
Prise en charge
Il est nécessaire d’informer les ORL du centre de référence et de leur demander leur avis sur la prise en charge qui reste médicale dans la grande majorité des cas (2,5).
● L’antibiothérapie
L’antibiothérapie initiale des mastoïdites non compliquées cible actuellement en France le pneumocoque et le SGA.
Les dernières recommandations du GPIP (Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique) publiées en 2023 positionnent en première intention l’amoxicilline en perfusion intraveineuse à la posologie de 150 à 200 mg/kg/jour en 3 à 4 prises (cette posologie est justifiée pour couvrir les pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline).
Dans les formes traînantes (>5 jours), la possibilité d’un
Fusobacteriumsp. justifie l’association amoxicillineacide clavulanique (avec amoxicilline à la posologie de 150 mg/kg/j).
Enfin, pour les formes compliquées (atteinte neurologique, thrombose), l’association céfotaxime et métronidazole est recommandée.
La durée du traitement est de 10 à 14 jours avec un relais peros envisageable après amélioration des paramètres cliniques (diminution de la fièvre et des signes locaux) et biologiques (diminution du syndrome inflammatoire).
Messages essentiels
• Infection ORL grave venant compliquer une OMA.
• Recrudescence transitoire après la pandémie.
● La paracentèse
La paracentèse uni ou bilatérale ou la mise en place d’aérateurs trans-tympaniques peut se discuter également avec les ORL.
● La chirurgie
La mastoïdectomie est nécessaire en cas d’évolution défavorable sous antibiothérapie bien conduite. Elle l’est rarement d’emblée.
Dans le cas clinique présenté ci-dessus, la mastoïdite était probablement due à un germe sensible à l’amoxicilline ce qui a permis aux antibiotiques de contrôler puis de commencer à juguler l’infection à la dose de 90 mg/kg/j. La décision de maintenir le traitement per os a été prise sur la bonne évolution clinique et l’absence de syndrome inflammatoire à 3 jours du début des symptômes.
Toutefois le traitement per os ne doit pas être proposé en première intention car la mastoïdite est une infection ORL grave nécessitant une prise en charge hospitalière et une antibiothérapie par voie intraveineuse.
• 3 germes : pneumocoque, streptocoque du groupe A et Fusobacterium necrophorum.
• Risque de complications extra-crâniennes (abcès sous-périosté, etc..) et intra-crâniennes (thrombophlébite, etc…).
• Prise en charge coordonnée avec les ORL :
- Antibiothérapie IV avec relai PO (Amoxicilline 150-200 mg/kg/j). Augmentin si résultats insuffisants ou si Fusobacterium necrophorum,
- Paracentèse ou ATT selon la clinique,
- Mastoïdectomie si échec ou complications.
¡ Bibliographie
1 Syndrome d'entérocolite induit par les protéines alimentaires
(1) Natural history of untraded otitis media. Rosenfeld RM, Kay D. Laryngoscope. 2003; 113: 1645-1657
(2) Acute mastoiditis in children. Cassano P, Ciprandi G, Passali D. Acta Biomed 2020;91:54-9. https://doi.org/10.23750/abm.v91i1-S.9259
(3) Acute mastoiditis in children: a retrospective study of 188 patienis. Quesnel M, Nguyen S, Contencin P,Manach V, Couloigner V. Int J PediatrOtorhinolaryngol 2010;74:1388-92. https://doi.org/10.1016/j.ij-porl.2010.09.013
(4) Changes in Clinical and Microbiological Characteristics of Acute Mastoiditis in Children: A Comparative / Study Between 2001-2008 and 2021-2024. Chebib E., Ok Vichita, Cohen Jérémie F, Léger M., Lecuyer H., Bille, E., Simon,F., Couloigner V., Ferroni A., Luscan, R. The Journal of Pediatrics, 2025, https://doi.org/10.1016/j.jpeds.2025.114672
(5) Anti-microbial treatment of ENT infections. Cohen R, Madhi F, Thollot F, Hau I, Vie le Sage F, Lemaître C, et al. Infect Dis Now. 2023;53(8S):104785. https://doi. org/10.1016/j.idnow.2023.104785
Dr Sylvie Hubinois, pédiatre à Saint-Germain-en-Laye
Arthur, 10 ans
Une éruption bulleuse
2
Arthur, 10 ans, vit près de Marseille dans un petit village et à l’habitude de courir en short dans la garrigue qui commence juste au bout du jardin familial.
Le lendemain d’un week-end ensoleillé de printemps son papa m’envoie une photo de ses jambes :
Arthur, qui a un phénotype blond, n’a pas été longtemps exposé au soleil. Il est en pleine forme, n’a aucun autre signe, pas de fièvre, mais il se plaint un peu de douleurs locales et de prurit.
Aucun traitement local, hormis une douche et un savonnage, n’est entrepris. Les bulles ne sont pas percées. L’évolution a été spontanément régressive, sans autre traitement qu’une crème cicatrisante après asséchement des bulles quelques jours plus tard.
Aucune cicatrice résiduelle à distance.
Quel est votre diagnostic ? 1. IMPETIGO ? • 2. ALLERGIE DE CONTACT ? • 3. COUP de SOLEIL ?
Il s’agit d’une allergie de contact provoquée par la sève de l’euphorbe.
L’explication a été donnée par le papa qui, quelques jours plus tôt, avait débroussaillé et porté des brassées d‘euphorbes des garrigues. Il avait présenté sur les avant-bras des lésions identiques qui, elles aussi, ont complètement régressé en quelques semaines.
Les euphorbes
Ce sont des plantes très répandues en France dans les jardins et les espaces publics,surtout dans la moitié sud de la France. Originaire du bassin méditerranéen, il en existe plus de 2000 espèces de formes et d’inflorescences diverses.
L’euphorbe des garrigues pousse dans de nombreux espaces publics dans les régions du sud. La floraison se produit en mai juin.
Les euphorbes produisent une sève laiteuse ou latex. C’est la sève qui est toxique et irritante pour la peau, les muqueuses et les yeux.
Une seule variété d’euphorbe n’est pas toxique : le poinsettia ou « étoile de Noël ».
Réglementation :
L’achat de végétaux susceptibles de porter atteinte à la santé humaine fait l’objet d’une réglementation obligatoire. L’euphorbe fait partie de la liste de végétaux de l’arrêté du 4 septembre 2020
Quels sont les signes cliniques d’une allergie de contact ?
● En cas de contact avec la peau, des rougeurs, une sensation de brûlure et des phlyctènes peuvent apparaître 8 à 12 h après le contact.
● En cas d’ingestion, une sensation de brûlure, une hypersalivation, un œdème de la gorge et parfois des signes digestifs évoquant une gastroentérite sont possibles.
● En cas de projection dans l’œil ou de contact de la main avec l’œil, un gonflement des paupières, des douleurs intenses, une rougeur peuvent être observés (conjonctivite).
Que faire ?
● En cas de contact cutané : laver très rapidement et abondamment la peau au savon. Le traitement est celui d’une brûlure avec pansements hydrocellulaire si nécessaire, antihistaminique PO puis crème cicatrisante.
● En cas d’ingestion : enlever de la bouche les restes éventuels de plante, nettoyer la bouche et faire boire de l’eau.
● En cas de contact oculaire : laver immédiatement les yeux : 10 à 15 min sous l’eau courante tiède. Si les symptômes irritatifs persistent, une consultation ophtalmologique urgente est conseillée.
Comment éviter les problèmes ?
● Apprendre aux enfants à ne pas toucher ou lécher une plante inconnue.
● Ne pas se frotter les yeux, le nez ou la bouche après avoir touché une plante toxique.
● Se laver immédiatement les mains avec de l’eau et du savon en cas de contact avec une sève potentiellement toxique.
● Porter des gants, des vêtements couvrant les bras et idéalement des lunettes de protection quand on taille des euphorbes. Laver les vêtements qui ont été en contact avec la plante.
● Éloigner des enfants (et des animaux) les tiges fraîchement coupées dont suinte le latex toxique.
● Éviter les euphorbes dans un jardin où jouent des jeunes enfants ou des animaux de compagnie.
¡ Sources
https://plantes-risque.info/plantes/euphorbe/ site du ministère de la santé et de la prévention https://www.centreantipoisons.be/nature/plantes/les-plantes-toxiques/euphorbe-euphorbia https://www.toxinfo.ch/
DOSSIER
La santé des grands prématurés à l’âge adulte
Pr Alice Hadchaouel, Pneumopédiatre
Congrès SFP Marseille juin 2024
Une enquête britannique menée en 2012 auprès de pneumologues d’adultes a révélé que plus d’un tiers d’entre eux n’interrogeaient pas les patients sur leur terme de naissance.
Poids et terme de naissance font rarement partie des données de l’interrogatoire des patients adultes. Or la grande prématurité affecte durablement la santé des adultes aux plans pulmonaire, cardio-vasculaire, métabolique et rénal. Elle retentit également sur leur qualité de vie.
Il est important que ces données soient prises en compte par les médecins tout au long de la vie des patients, notamment pour les inciter à mettre en place et maintenir des mesures préventives d’aggravation des risques : surveillance médicale, activité physique adaptée, prévention des expositions au tabac et aux polluants environnementaux, notamment en milieu professionnel…
D’après une communication du Professeur Alice Hadchouel pneumo-pédiatre à l’Hôpital Necker-enfants malades, Paris.
Rédaction : Sylvie Sargueil
1. Le devenir respiratoire des grands prématurés
La très grande prématurité (naissance avant la 28ème semaine d’aménorrhée) et la grande prématurité (naissance entre la 28ème et la 32ème semaine d’aménorrhée révolue) interfèrent avec le développement et la croissance pulmonaire en période néonatale (dysplasie bronchopulmonaire) mais aussi tout au long de la vie. Elles constituent, notamment la très grande prématurité, un facteur de risque de BPCO à l’âge adulte. Le suivi respiratoire de ces patients est indispensable. Des mesures préventives visent à protéger la fonction respiratoire notamment la pratique d’activité physique dès l’enfance et la prévention des expositions environnementales néfastes, notamment le tabagisme passif et actif.
Rappels
Le développement pulmonaire normal
Le développement pulmonaire débute dès la 3ème semaine de grossesse et se poursuit pendant l’enfance. Les premiers signes de différenciation épithéliale alvéolaire apparaissent aux alentours de 24 semaines au sein des bronchioles terminales. Les futures alvéoles se forment ensuite progressivement, d’abord sous la forme de canalicules puis de saccules. Les pneumocytes commencent à sécréter du surfactant.
Les alvéoles matures se forment principalement après la naissance par subdivision des saccules distaux avec formation de la barrière alvéolo-capillaire définitive.
En cas d’accouchement prématuré
La naissance prématurée induit une interruption du développement pulmonaire in utero et à une exposition trop précoce de poumons immatures à un environnement agressif : augmentation du débit sanguin pulmonaire, exposition à l’air ambiant et aux différents facteurs d’agression (ventilation mécanique, oxygénothérapie)... Plus le terme de naissance est bas, plus l’immaturité pulmonaire expose à des anomalies significatives du développement pulmonaire et à des conséquences respiratoires à long terme1
La dysplasie bronchopulmonaire (DBP)
La DBP correspond à une interruption du développement pulmonaire distal avec des alvéoles
moins nombreuses et plus larges responsable d’une insuffisance respiratoire prolongée. Elle s’associe à des anomalies de croissance des voies aériennes qui vont se traduire par des diminutions plus ou moins importantes du VEMS chez l’enfant ou l’adolescent.
La prématurité n’explique pas tout et des facteurs génétiques et environnementaux jouent aussi certainement un rôle dans la survenue d’une DBP.
La grande prématurité, facteur de risque de syndrome obstructif
Chez les enfants et adolescents
Dans la cohorte française EPIPAGE de prématurés nés en 1997 avant le terme de 33 SA, et évalués à l’âge de 15 ans, 43 % des adolescents ont un VEMS inférieur à la limite inférieure de la normale (–1,64 Z score)2
Chez les enfants avec DBP une amputation moyenne de 16,1 % du VEMS a été constatée sans modification selon l’âge du test, témoignant de l’absence de rattrapage avec l’âge 4
Chez les enfants prématurés sans DBP, la baisse est de 5,8 %, toujours sans modification selon l’âge du test3
Chez les adultes
Peu d’études ont été consacrées aux adultes anciens grands prématurés et celles qui existent concernent essentiellement des enfants nés avant les années 90, c’est-à-dire avant l’avènement du traitement par surfactant.
Les quelques études exploitables sont des cohortes longitudinales. Elles peuvent cependant inclure un biais de sélection car l’acceptation d’un suivi régulier de la naissance à l’âge adulte est plus souvent le fait de personnes symptomatiques.
Une vaste étude récente4 basée sur les registres de santé nationaux finlandais et norvégiens fournit des données intéressantes. Elle a inclus deux millions d’enfants nés de 1987 à 1998, dont 180 000 nés prématurément avant et après l’accès au surfactant.
Cette étude a révélé que plus l’enfant est prématuré et plus le risque relatif de développer un asthme ou une BPCO (VEMS < 70%) à l’âge adulte augmente Avec un odds ratio (lien de causalité) plus élevé pour la BPCO que pour l’asthme et un rôle aggravant de la dysplasie broncho-pulmonaire.
Ces patients développent-ils une BPCO plus précocement en raison d’un déclin accéléré de leur fonction respiratoire ou présentent-ils déjà une BPCO en devenir à la naissance ?
Des chercheurs australiens5 ont effectué des EFR à 8, 18 et 25 ans chez 164 enfants nés à moins de 28 semaines d’aménorrhée au début de l’ère du surfactant.
Ils ont constaté que leur capital maximal de fonction respiratoire était inférieur à celui des personnes nées à terme, sans rattrapage possible mais sans pour autant être systématiquement pathologique.
Seule une petite proportion d’entre eux souffre d’un syndrome obstructif.
Cette caractéristique développementale représente toutefois un facteur de vulnérabilité expliquant qu’en cas d’expositions environnementales néfastes comme le tabagisme passif et actif, le seuil pathologique de la BPCO est atteint plus rapidement.
Un compartiment alvéolaire altéré chez les grands prématurés
L’impact ne se limite pas aux voies aériennes. Il concerne également le compartiment alvéolaire. C’est ce qu’a montré une étude néerlandaise6 qui a inclus deux groupes d’enfants anciens prématurés de moins de 28 semaines, certains nés avant le traitement par surfactant et d’autres après. Il s’agissait de jeunes de 18 à 25 ans pour la cohorte la plus ancienne et de 10 à 18 ans pour les plus jeunes. Dans les deux groupes la diffusion est affectée de façon stable, sans rattrapage mais sans déclin accéléré.
On ne retrouve pas d’impact significatif sur le volume alvéolaire. En effet le poumon reprend sa croissance après la naissance. Toutefois l’hypothèse la plus couramment admise aujourd’hui est que celle-ci se fait surtout par distension et non par augmentation du nombre des cloisons alvéolaires et avec des anomalies de croissance en calibre des voies aériennes.7
L’évolution de la prise en charge a-t-elle permis des progrès ?
Les progrès de la prise en charge sont réels. Toutefois la réanimation de nouveau-nés de plus en plus immatures explique probablement que, malgré l’amélioration des
traitements néonataux, le risque d’altération respiratoire fonctionnelle demeure, quelle que soit la prise en charge ultérieure.
Des évènements pulmonaires postnataux qui influencent la fonction respiratoire
Deux études se sont intéressées à la manière dont le parcours de vie des anciens prématurés influe sur leur fonction respiratoire. L’une réalisée par l’équipe de Necker concernait des adolescents de 15 ans issus de la cohorte EPIPAGE 1 (300 anciens prématurés vs 47 contrôles) et l’autre8 de jeunes adultes de 16-23 ans.
Elles ont confirmé l’altération du VEMS chez les patients avec DBP.
Dans l’étude française, en dehors de la dysplasie, le seul facteur associé de façon indépendante au VEMS à 15 ans, était un asthme précoce (avant l’âge de trois ans).
En revanche l’allergie n’avait pas d’impact chez les prématurés avec ou sans dysplasie.
Les chercheurs des deux équipes n’ont pas mis en évidence d’impact du tabagisme environnemental ni de l’asthme maternel.
Une prédisposition à l’hypertension artérielle pulmonaire
Un certain nombre d’enfants nés grands prématurés présentent une hypertension pulmonaire néonatale ou dans les premières semaines ou mois de vie, probablement liée en partie à une atteinte vasculaire pulmonaire (le développement des vaisseaux se déroule en parallèle du développement pulmonaire au cours du développement fœtal) mais surtout à l’hypoxie. Certaines prises en charge jouent également, paradoxalement, un rôle délétère, en participant à un remodelage vasculaire.
Moins d’activité physique et plus de gêne à l’effort
Une étude néozélandaise 9 menée sur une cohorte d’adultes âgés de 26 et 30 ans, nés prématurément avant l’ère du surfactant, s’est basée sur un auto-questionnaire pour recenser leurs symptômes respiratoires pendant l’activité physique.
Globalement ces patients pratiquaient moins de sport et à un rythme moins important que dans le groupe contrôle de jeunes adultes nés à terme. A l’épreuve d’effort, la consommation maximale d’oxygène était inférieure.
Plusieurs facteurs peuvent intervenir dans ce phénomène : l’inadéquation de croissance entre voies aériennes et alvéoles, l’activité physique moindre des anciens prématurés (cause ou conséquence ?), une masse musculaire moins importante, etc.
Toutefois concernant l’adaptation à l’effort, il ne semble pas y avoir de différence significative entre les anciens prématurés sans DBP et les individus contrôles nés à terme10
Faut-il traiter préventivement ?
Faut-il se contenter de suivre ces enfants anciens grands prématurés, éviter le tabagisme et le risque d’expositions toxiques ou faut-il les traiter préventivement ? Quel est le risque d’impact de maladies symptomatiques dans l’enfance ?
On manque encore d’études chez l’adulte pour répondre à ces questions.
Deux études récentes11/12 , chez l’enfant donnent de premières orientations. Elles concernent des enfants petits, préados ou jeunes ados. Dans la 1ère, un groupe recevait un traitement de fond avec une combinaison de corticoïdes et bronchodilatateurs de longue durée d’action, un second groupe recevait des corticoïdes seuls et un troisième groupe, un placebo.
Après 12 semaines de traitement, les EFR montrent une amélioration significative du VEMS dans les deux groupes traités par rapport au groupe placebo. La 2éme étude avait le même design mais avec seulement 2 groupes (un groupe placebo et un groupe corticoïdes inhalés) et des résultats similaires.
Il faudrait désormais des études pour savoir ce qui se passerait au-delà de 12 semaines de traitement.
Grande prématurité, suivi au long cours et prévention
Le suivi respiratoire des anciens grands prématurés est indispensable pour dépister la survenue de manifestations cliniques, les anomalies fonctionnelles, évaluer la réversibilité d’un syndrome obstructif et proposer des traitements.
Messages principaux :
Des mesures préventives sont essentielles pour protéger la fonction respiratoire de ces enfants nés prématurément :
• Favoriser l’adaptation à l’exercice et le conditionnement physique dès l’enfance afin de leur permettre une adaptation optimale à l’effort et une vie normale.
• Veiller au rattrapage staturo-pondéral.
• Lutter contre le tabagisme passif puis actif et prévenir les expositions environnementales néfastes.
• S’assurer de la mise à jour du calendrier vaccinal. Proposer la vaccination antigrippale.
• Conseiller l’éviction des modes de garde en collectivité les 2 premières années en cas de symptômes respiratoires sévères et précoces et/ou de DBP sévère à 36 SA.
Aujourd’hui, l’impact des améliorations de prise en charge des nouveau-nés prématurés est peu visible, notamment parce que les limites de viabilité ont été poussées à l’extrême avec des naissances au stade canaliculaire du développement pulmonaire. Il est nécessaire de mener des essais cliniques prospectifs supplémentaires pour déterminer l’impact à long terme des interventions thérapeutiques chez l’ancien prématuré.
• La grande prématurité affecte le développement des voies aériennes et des alvéoles pulmonaires entraînant des altérations sans rattrapage possible.
• La grande prématurité est un facteur de risque de BPCO à l’âge adulte.
• Prévenir les expositions environnementales délétères, essayer de prévenir les épisodes infectieux (vaccinations, mode de garde…) et pratiquer une activité physique adaptée dès l’enfance et tout au long de la vie sont des facteurs protecteurs.
• L’opportunité de traitements préventifs est encore insuffisamment documentée.
¡ Bibliographie
1 Croissance pulmonaire normale et pathologique : ce qu’on sait aujourd’hui. https://www.realites-cardiologiques.com/wp-content/uploads/sites/2/2012/01/RP165_hadchouel.pdf
2Hadchouel A, Rousseau J, Rozé JC et al. Association between asthma and lung function in adolescents born very preterm: results of the EPIPAGE cohort study. Thorax, 2018;73:1174-1176.
3Kotecha SJ, Gibbons JTD, Course CW et al. Geographical differences and temporal improvements in forced expiratory volume in 1 second of preterm-born children: a systematic review and meta-analysis. JAMA Pediatr, 2022 ;176:867-877.
4Preterm birth and asthma and COPD in adulthood: a nationwide register study from two Nordic countries. Pulakka A, et al. EurRespir J. 2023. PMID: 369904
5Lex W Doyle et al. Expiratory airflow in late adolescence and early adulthood in individuals born very preterm or with very low birthweight compared with controls born at term or with normal birthweight: a meta-analysis of individual participant data; The Lancet; 2019
6Emma Satrel et al. Development of lung diffusion to adulthood following extremely preterm birth; Eur. Respir.J 2022
7Matérialisée par une baisse de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO)
8Elizabeth F Smith et al. Risk factors for poorer respiratory outcomes in adolescents and young adults born preterm; BMJ 2019
9Yang J, Epton MJ, Harris SL, Horwood J, Kingsford RA, Troughton R, Greer C, Darlow BA. Reduced Exercise Capacity in Adults Born at Very Low Birth Weight: A Population-based Cohort Study. Am J Respir Crit Care Med. 2022 Jan 1;205(1):88-98. doi: 10.1164/rccm.202103-0755OC. PMID: 34499592.
10Edwards MO, Kotecha SJ, Lowe J et al. Effect of preterm birth on exercise capacity: A systematic review and meta-analysis: Systematic Review of V˙O2max in Preterm Born Survivors. PediatrPulmonol, 2015;50:293-301.
11Goulden N, Cousins M, Hart K, Jenkins A, Willetts G, Yendle L, Doull I,Williams EM, Hoare Z, Kotecha S. Inhaled Corticosteroids Alone and in Combination With Long-Actingβ2 Receptor Agonists to Treat Reduced Lung Function in Preterm-Born Children: A Randomized Clinical Trial. JAMA Pediatr. 2022 Feb 1;176(2):133-141. doi: 10.1001/jamapediatrics.2021.5111. Erratum in: JAMA Pediatr. 2023 Feb 1;177(2):213. doi: 10.1001/jamapediatrics.2022.5481. PMID: 34902004; PMCID: PMC8669602. 12Urs RC, Evans DJ, Bradshaw TK, Gibbons JTD, Smith EF, Foong RE, Wilson AC, Simpson SJ. Inhaled corticosteroids to improve lung function in children (aged 6-12 years) who were born very preterm (PICSI): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet Child Adolesc Health. 2023 Aug;7(8):567-576. doi: 10.1016/S2352-4642(23)00128-1. Epub 2023 Jun 26. PMID: 37385269.
2. Le devenir cardiovasculaire, métabolique et rénal
D’après une intervention du Professeur Jean Christophe Rozé, service de néonatalogie du CHU de Nantes, chercheur à l’Inserm, Université de Nantes
Rédaction : Sylvie Sargueil
La prématurité majore le risque de morbi-mortalité chez les jeunes adultes, notamment d’hypertension artérielle, de diabète, d’ischémie myocardique, ainsi que d’insuffisances cardiaque et rénale, et ce d’autant plus que l’âge gestationnel est bas. Les mécanismes à l’œuvre sont encore mal expliqués. Des études plaident en faveur d’une altération structurelle des vaisseaux sanguins.
Un risque cardiovasculaire majoré chez les grands prématurés
Une surmortalité avérée
Une étude a été menée sur une cohorte d’adultes nés en Norvège1 entre 1967 et 1997. Dans ce pays, comme en Suède, l’enregistrement de la population dès la naissance dans un système de santé global au fil de la vie, permet de mieux appréhender les risques relatifs en fonction du temps et de l’âge gestationnel. L’évolution des enfants nés prématurément a été comparée à celle de la population générale d’une part et d’autre part à celle de leur fratrie afin de s’ajuster au mieux sur les conditions socio-économiques, génétiques et plus globalement l’environnement familial.
Cette étude montre, avec un niveau de preuve élevé, une surmortalité en fonction de l’âge gestationnel à l’âge adulte en Norvège. Notamment en raison d’un excès de risque cardio-vasculaire par rapport à la population générale et aux fratries.
Les auteurs observent également, une légère augmentation du risque de mortalité lié à des causes externes (accident, suicide...).
En revanche, ils n’observent pas de sur-risque de cancer. Des données similaires ont été retrouvées en Suède dans une étude de cohorte2 menée de 2020 à 2023 et incluant plus de deux cent cinquante mille personnes.
L’effet de l’âge gestationnel s’est révélé d’autant plus fort que la naissance est plus prématurée.
La surmortalité, majorée en période néonatale, persiste dans l’enfance et jusqu’à 40 ans. Les facteurs de risque associés sont l’hypertension artérielle, le diabète de type 1 et 2, l’ischémie myocardique, l’insuffisance cardiaque et rénale et plus généralement toutes les causes de mortalité. Il n’y a pas encore de consensus concernant les mécanismes en cause.
Des mécanismes encore méconnus
Des chercheurs canadiens de Sainte-Justine 3 ont comparé 2 cohortes de jeunes adultes de 25 ans, nés à terme et prématurément. Ils ont retrouvé des hypertensions plus graves (stade 2, déjà traitées) chez les anciens prématurés. Chez les enfants nés à terme, les cas d’hypertension étaient liés de façon significative aux facteurs d’adiposité et d’intolérance au glucose, ce qui n’était pas le cas chez les anciens prématurés.
Les auteurs formulent l’hypothèse qu’une anomalie structurelle propre des vaisseaux sanguins liée à la prématurité pourrait expliquer ces hypertensions graves et précoces
D’autres études sont nécessaires pour élucider les mécanismes à l’œuvre.
Par ailleurs, plusieurs études montrent chez d’anciens grands prématurés, même sans hypertension, la présence d’anomalies cardiaques structurelles du cœur gauche ou droit sans phénotype caractérisé.
Un risque majoré d’atteinte de la fonction rénale et de syndrome métabolique
Avant 37 SA, la néphrogénèse n’est pas achevée et il existe donc une oligonéphronie. Chez les enfants avec RCIU, il existe aussi une relation entre le poids de naissance et le nombre de néphrons.
Brenner et ses collègues, en 1981, ont décrit une corrélation positive entre le nombre réduit de néphrons et l’apparition d’une hyperfiltration glomérulaire, secondaire à une sclérose glomérulaire, avec l’apparition d’une protéinurie et à plus long terme d’une HTA et d’une insuffisance rénale chronique (IRC)4 .
Cette théorie n’explique toutefois pas tout et la physiopathologie est certainement beaucoup plus complexe associant des atteintes des podocytes et des anomalies de la vasculogénèse.
La néphrocalcinose est aussi très fréquente chez le grand prématuré ou en cas de retard de croissance intra-untérin 5 . Une amélioration spontanée est généralement observée dans 85 % des cas la 1e année de vie 6. Le volume des reins d’anciens prématurés avec néphrocalcinose est généralement inférieur à celui des contrôles.
Bien que la littérature chez l’adulte soit moins abondante à ce sujet, l’existence d’un risque majoré de maladie rénale chronique chez les anciens grands prématurés est avérée. En 2005, dans une étude prospective, chez 422 adultes de 19 ans nés avant 32 SA, les auteurs avaient mis en évidence un risque accru d’HTA, d’obésité, de protéinurie et de progression vers la maladie rénale chronique7.
La prématurité (entre 25 et 35 SA), le retard de croissance INTRA-utérin (poids de naissance < 2,5 kg) et le retard de croissance EXTRA-utérin sont 3 situations à risque d’HTA, de protéinurie et de maladie rénale chronique. D’où l’importance d’éviter les sur-risques de la prématurité en s’attachant à obtenir une bonne croissance staturopondérale chez les grands prématurés.
La néphroprotection élémentaire enfin est peu contraignante et doit être expliquée aux enfants et aux adultes. Attention tout particulièrement aux médicaments néphrotoxiques (AINS en particulier) et au maintien d’une alimentation normosodée et normoprotéique.
Un risque majoré de syndrome métabolique
De nombreuses études ont démontré l’existence constante d’une diminution de la sensibilité à l’insuline qui, au fil du temps, peut conduire au syndrome métabolique.
Dans le travail d’une équipe nantaise8 effectué à partir des cohortes EPIPAGE et d’une cohorte régionale, le poids de naissance, la prise de poids pendant le séjour néonatal et l'augmentation de l'IMC entre la sortie et jusqu'à l'âge de 2 ans ont été associés positivement au surpoids ou à l’obésité à 15 ans. Il est donc possible par la prise en charge des enfants, de modifier leurs caractéristiques métaboliques quinze années plus tard.
Une alimentation hyperprotéinée durant les sept premiers jours de vie semble améliorer le QI mais majore le risque d’hypertension et d’atteinte rénale.
En conclusion
Il existe une surmortalité d’origine cardio-vasculaire, métabolique, parfois rénale dans la population des anciens grands prématurés mais aussi une importante hétérogénéité dans les phénotypes à l’âge adulte.
Ressenti des anciens prématurés devenus adultes
Une équipe canadienne de Sainte-Justine a analysé le ressenti de jeunes adultes nés prématurément entre 24 et 31 semaines comparé à celui de témoins nés à terme, en fonction de la prise en compte ou non de la prématurité, en particulier par les médecins9
Les recours aux soins de santé étaient comparables. Les anciens grands prématurés déclaraient un moins bon état de santé que le groupe contrôle et identifiaient des facteurs spécifiques, notamment concernant leurs habitudes de vie, qui devraient être pris en compte dans le cadre d'un suivi médical de routine.
10 % des anciens prématurés seulement, avaient été interrogés par les médecins concernant leurs antécédents périnataux.
Des études et réflexions doivent continuer à être menées pour poursuivre l’amélioration de la prise en charge des grands prématurés, la difficulté étant que la plupart d’entre elles se poursuivent pendant plusieurs années durant lesquelles les pratiques médicales ne cessent d’évoluer.
Messages principaux :
La prévention par l’activité physique dès l’enfance et tout au long de la vie est primordiale.
• L’interruption du processus de développement in utero et certains soins d’hospitalisation en néonatalogie concourent au développement de pathologies cardio-vasculaires, rénales et métaboliques à l’âge adulte.
• Lutter contre le retard de croissance au cours de l’hospitalisation en néonatalogie réduit le risque métabolique et de dysfonctionnement rénal à 15 ans.
• Une alimentation hyperprotéinée durant les sept premiers jours de vie améliore le QI mais majore le risque d’hypertension et d’atteinte rénale.
• Les médecins doivent davantage prendre en compte les antécédents néonataux.
• L’activité physique est un déterminant important de l’amélioration de l’état de santé des anciens grands prématurés.
¡ Bibliographie
1Kari R Risnes ; Premature Adult Death in Individuals Born Preterm: A Sibling Comparison in a Prospective Nationwide Follow-Up Study ; PLoS One ; 2016 Nov
2Casey Crump ; An overview of adult health outcomes after preterm birth Early Hum Dev ; 2020 Nov
3Adrien Flahault et al. , Increased Incidence but Lack of Association Between Cardiovascular Risk Factors in Adults Born Preterm; Observational Study Hypertension ; 2020 Mar
4Brenner B.M. , Meyer T.W. , Hostetter T.H. Apport en protéines ali- mentaires et nature progressive de la maladie rénale : rôle des lésions glomérulaires à médiation hémodynamique dans la pathogenèse de la sclérose glomérulaire progressive liée au vieillissement, à l’ablation ré- nale et à la maladie rénale intrinsèque. N Engl J Me , 307 ( 11 ) ( 1982 ) , pp. 652 – 659. 5Nephrocalcinosis in very low birth weight infants: incidence, asso- ciated factors, and natural course. Fayard et al. Jeanne Fayard, Pédiatre Néphrol. décembre 2022 ; 37(12) :3093-3104. 6Néphrocalcinose chez les nouveau-nés prématurés. Schell-Feith E. Pédiatre Néphrol 2010 février; 25(2) : 221-30
7Microalbuminuria and Lower Glomerular Filtration Rate at Young Adult Age in Subjects Born Very Premature and after Intrauterine Growth Retardation. Keijzer-Veen, Mandy G.*, † ; Schrevel, Marlies*, † ; Finken, Martijn J.J. †, ‡ ; Dekker, Friedo W.†; Nauta, Jeroen* ; Hille, Elyse[Combining Acute Accent]e T.M.§ ; Fro[Combining Diaeresis]lich, Marijke ‡; van der Heijden, Bert J.* on behalf of the Dutch POPS-19 Col- laborative Study Group.
8Laure Simon , Alice Hadchouel, Catherine Arnaud , Anne Frondas-Chauty , Stéphane Marret , Cyril Flamant , Dominique Darmaun , Christophe Delacourt Laetitia Marchand-Martin , Pierre Yves Ancel , Jean-Christophe Roze Growth trajectory during the first 1000 days and later overweight in very preterm infants ; Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2023 Mar
9Camille Girard-Bock , Adrien Flahault et al. Health perception by young adults born very preterm Acta Paediatr; 2021 Nov;
3. Qualité de vie de l’adulte né grand prématuré
D’après une communication du Docteur Catherine Gire, service de médecine néonatale, Hôpital Nord de Marseille
Rédaction : Sylvie Sargueil
La grande prématurité est un déterminant de qualité de vie à l‘âge adulte, c‘est à dire de bien-être physique, mental et social. Il semble que cette qualité de vie soit diminuée chez l’adulte ancien grand prématuré. Mais son évaluation dépend de très nombreuses variables.
Les médecins devraient être formés, en complément des indicateurs cliniques classiques, à l’analyse qualitative du vécu de ces patients dans leur parcours de soin, pour suivre au mieux leur évolution, les accompagner, prévenir les risques potentiels et améliorer leur vie.
Les soins de néonatalogie se sont améliorés au fil du temps, conduisant à la prise en charge de nouveau-nés de plus en plus immatures avec une amélioration nette de la survie.
On observe au cours de l‘évolution vers l‘âge adulte parmi les anciens prématurés, un grand nombre de troubles neurocomportementaux sévères et modérés ainsi qu’une prédisposition à développer certaines maladies. Ces troubles neurodéveloppementaux retentissent sur la trajectoire de développement, les apprentissages, l’insertion sociale, la gestion du changement et donc la qualité de vie.
La qualité de vie est définie par « un état complet de bien-être physique, mental et social ». Il s’agit d’un concept universel, dynamique (évoluant dans le temps), multidimensionnel, qui explore le point de vue de la personne sur son vécu. Il varie en fonction des individus et des contextes socio-culturels.
Mesurer la qualité de vie permet la description des niveaux de qualité de vie des populations et de leur évolution dans le temps, la comparaison entre populations évoluant dans des contextes socio-culturels différents, la prédiction de la survenue d’évènements de santé et les effets de deux traitements.
Les outils d’évaluation de la qualité de vie
La mesure de la qualité de vie ressentie par les patients (PROs : patient reported outcomes) correspond à l’ensemble des mesures de résultats dont la source est le patient lui-même.
À partir des données recueillies par des questionnaires tels que les PROMs (Patient reported outcome measures), les professionnels de santé peuvent développer une approche personnalisée de la prise en charge.
Les outils d’évaluation de la qualité de vie sont toujours multidimensionnels.
Le concept d’un questionnaire de qualité de vie générique, c’est-à-dire s’adressant à tous types de populations et prenant en compte l’ensemble des déterminants de qualité de vie liés à la santé, peut se construire de manière différente et modifier la signification de la mesure :
● Théorie dite de l’auto-discordance : mesure de la satisfaction concernant la façon dont la vie est par rapport à ce qu’elle devrait être (concept très qualitatif) HQOL, WHOQOL.
● Autoévaluation fonctionnelle qualitative sur une échelle de 0 à 10 : dans chacun des trois domaines : physique, psychique et social. (SF 36, SF 6, RanK, EQ-5D).
● Description de son état de santé et de son impact : physique, psychique et social (questionnaires CHQ, CHIP, HIU).
Les questionnaires de qualité de vie, préalablement validés sur une population de référence, comportent la plupart du temps des questions à réponses fermées permettant d’établir un score. Certains questionnaires de qualité de vie sont spécifiques, ciblant une pathologie particulière.
Les questionnaires intéressants pour suivre l’évolution de qualité de vie des anciens prématurés doivent être des questionnaires génériques.
Ils permettent d’effectuer des comparaisons entre populations sans pathologie particulière et avec pathologies chroniques et/ou aiguës. Une analyse qualitative faite en 2004 sur les questionnaires génériques, montrait qu’ils étaient nombreux (30), abordaient la qualité de vie avec des concepts construits de façons différentes mais analysant toujours de manière directe ou indirecte l’impact sur les dimensions du bien -être. Par exemple le contenu sur le domaine physique pouvait varier de 8 à 40 %. De même, les voies d’administration, les propriétés de validité du test et les qualités de fiabilité pour assurer la compliance différaient souvent1/2 .
Revue de la littérature : la grande prématurité peut altérer la qualité de vie des adultes
Une revue de la littérature couvrant dix ans de qualité de vie des anciens prématurés a été conduite en 2020 par une équipe néerlandaise3
Elle a sélectionné 18 études de 11 pays ; 4 montrent de manière significative une diminution de la qualité vie, trois ne sont pas concluantes et 11 ne montrent pas de différence.
Les faiblesses étaient nombreuses : les 18 études étaient difficilement comparables, certaines incluant des enfants très handicapés et d’autres avec des handicaps modérés. Les échantillons étaient de petite taille et le suivi dépassait rarement l’âge de 25 ans.
L’étude ne permettait pas de conclure à l’altération de la QV. Toutefois les études montrant une altération de la qualité de vie concernaient des enfants nés avant l’ère du surfactant.
L’auteur concluait à la nécessité de normaliser la mesure et la définition de la qualité de vie, et de prendre en compte l‘ensemble des séquelles et de s’intéresser aux périodes de transition (adolescence, différentes tranches d’âge de l’adulte jeune) pour mieux comprendre le ou les déterminants de santé influant la QV.
Pour cette présentation, le Dr Catherine Gire a effectué une revue de la littérature rapide en utilisant les mots
clés de la revue de Vander Paal3 après 2019 en utilisant le protocole PRISMA 4 et le logiciel « Covidence ». Huit études, quatre pays et une étude européenne portant sur 2500 patients5 ont été retenues. Deux de ces études avaient été conduites entre 1995 et 1997, après l’ère du surfactant. Deux études, britannique 6 et australienne7 de 2023 incluaient des patients entre 18 et 25 ans et 2 autres des anciens grands prématurés de plus de 28 ans. Les questionnaires étaient assez uniformes (HIU8, CHIP et parfois SF 12/36 ou Rank).
Toutes les études concernées montrent une qualité de vie altérée des adultes anciens prématurés par rapport aux enfants nés à terme, surtout au-delà de l’âge de 25 ans.
Les performances du jeune adulte se révélaient diminuées dans des domaines comme la vision, l’audition, la motricité, le langage, la coordination et/ou la cognition.
Une étude norvégienne de 2024 9 auprès d’anciens grands prématurés à 18 et 27 ans a également montré une tendance à la dépression, l’isolement et l’internalisation.
Des conditions socio-économiques défavorables, la présence d’un handicap sont également toujours des déterminants de baisse de niveau de la QV. De même que dans certaines études, le fait d’être une femme.
En conclusion
Mesurer la qualité de vie à l’âge adulte des anciens grands prématurés reste complexe. C’est pourquoi il est important de multiplier les questionnaires, de disposer d’un étalonnage en population des items mesurés et de faire un suivi au fil des âges en évaluant des trajectoires.
Messages principaux :
Discussion
Il semble que la qualité de vie de l’adulte ancien prématuré soit diminuée mais…
L’analyse de toutes ces études montre aussi que la mesure de qualité de vie dépend de nombreuses variables :
- Le concept utilisé : il dépend du questionnaire de Qualité de vie utilisé qui change le sens d’interprétation de la mesure3/5
- L’étalonnage de la population : les résultats diffèrent selon la tranche d’âge (18-25 / 25-30 ans).
- L’existence du surfactant ou non 9 .
- L’approche utilisée : point de vue de la personne (si c’est possible) et/ou de l’accompagnant
- Des déterminants de santé.
- Des caractéristiques sociodémographiques : genre, âge, niveau d’éducation, connaissance propre de la maladie et de sa propre expérience, manière d’appréhender les évènements, expériences personnelles antérieures (maladie, deuil), stratégies propres de gestion du stress, d’évitement, d’adaptation… (vigilance à l’adolescence et à l’âge adulte), soutien social, revenus, environnement, pays…10/11
La mesure de la QV peut permettre d’informer de façon concrète les parents sur l’impact de la prématurité. Cette évaluation peut parfois entrer dans certaines prises de décision.
• Évaluer la qualité de vie requiert des outils (questionnaires) complexes et étalonnés dont on doit connaître le sens. Les questionnaires génériques sont les plus intéressants.
• La mesure de qualité de vie dépend de très nombreuses variables.
• La grande prématurité est un déterminant de la qualité de vie à l’âge adulte.
• A l’âge adulte on retrouve une qualité de vie diminuée chez l‘ancien grand prématuré par rapport à une population de référence, même après l’ère du surfactant, notamment dans des domaines comme la vision, l’audition, la motricité, le langage, la coordination et/ou la cognition.
¡ Bibliographie
1Rajmil Luis and al. Generic Health-related Quality of Life Instruments inChildren and Adolescents: A Qualitative Analysis of Content. JOURNAL OF ADOLESCENT HEALTH 2004 ; 34 : 37– 45
2Solans M and al. Health-related quality of life measurement in children and adolescents: a systematic review of generic and disease-specific instruments. Value in Health 2008 Jul-Aug;11(4):742-64. doi: 10.1111/j.1524-4733.2007. 00293.x. Epub 2007 Dec 17.
3Sylvia van der Pal et al. Quality of life of adults born very preterm or very low birth weight: A systematic review; Acta Paediatr; 2020 Oct
4Preferred Reporting Items for Systematic reviews and Meta-Analyses, appuyé sur une recherche avec le logiciel Covidence logiciel Web partenaire de Cochrane qui simplifie la production d’une synthèse de la connaissance
5Corneliu Bolbocean Health-Related Quality-of-Life Outcomes of Very Preterm or Very Low Birth Weight
Adults: Evidence From an Individual Participant Data Meta-Analysis ; Pharmacoeconomics; 2023 Jan
6Corneliu Bolbocean Health-Related Quality-of-Life Outcomes of Very Preterm or Very Low Birth Weight
Adults: Evidence From an Individual Participant Data Meta-Analysis ; Pharmacoeconomics; 2023 Jan
7Christopher Selman et al. Health-related quality of life in adults born extremely preterm or with extremely low birth weight in the postsurfactant era: a longitudinal cohort study ; Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed ; 2023 Nov.
8Index HUI I (Health Utilities Index), élaboré à partir d’une classification d’états de santé permettant de décrire la santé d’un individu ou d’une population à un moment donné et au cours du temps, et doté d’une fonction de pondération de ces états. Cet index est basé sur deux questionnaires, l’un de santé stricto sensu et l’autre plus qualitatif.
9Merete Røineland Benestad et al. Health-related quality of life in two birth cohorts of extremely preterm born adults; Feb 2024
10Health perception by young adults born very preterm . Acta Paediatr. 2021 Nov;110(11):3021-3029. doi: 10.1111/apa.16056. Epub 2021 Aug 18. PMID: 34346114
11Outcomes and predictors of functioning, mental health, and health-related quality of life in adults born with very low birth weight: a prospective longitudinal cohort study. Wollum A. and al. BMC Pediatrics volume 22, Article number: 628 (2022)
Dr Marie Pernaudet, Pédiatre
TRISOMIE 21
Dr Emmanuelle Prioux, Pédiatre
Dr Lucie Vuillemin-Massie, Pédiatre
1. Accueil à la maternité, pathologies des premiers jours et examens nécessaires
D’après l’intervention du Dr Marie Pernaudet, E.Prioux, J.Toulas et L.Vuillemin-Massie, Pédiatres, Institut Jérôme Lejeune.
Rédaction : Dr Véronique Desvignes
En période post-natale, le diagnostic de trisomie 21 (T21) est le plus souvent évoqué dès la naissance devant un morphotype facial évocateur, une hypotonie axiale et parfois un souffle systolique. Les diagnostics différentiels prêtent rarement à discussion.
Quand faire l’annonce de la suspicion de trisomie 21 ?
Quand le diagnostic de T21 n’a pas été porté en anténatal et en l’absence de questionnement des parents, l’annonce de suspicion de T21 n’est pas une urgence. Elle peut attendre l’examen en suite de couches à J2 pour favoriser la création du lien parents/enfants. Quand les parents sont très anxieux et demandeurs, il faudra discuter plus rapidement avec eux.
Un entretien dédié pour annoncer la suspicion de diagnostic
Pour annoncer la suspicion de diagnostic, le médecin doit être disponible et les deux parents présents. L’enfant doit rester le centre de l’entretien.
La présence d’un(e) psychologue, quand elle est possible, est aidante.
L’annonce doit être claire, loyale et appropriée.
Les parents sont informés de la réalisation d’un caryotype avec FISH1 dans le même temps que le test de Guthrie (J2). Les résultats leur seront communiqués rapidement, généralement au bout de 2-3 jours.
Un premier bilan à réaliser à la maternité
● Examen clinique complet et notamment recherche d’un souffle, d’une cataracte.
● NFS, T4 et TSH.
● Dépistage auditif.
Les PEA sont à préférer aux OEA (CAE très étroits, dépistage des surdités neurosensorielles plus fréquentes en cas de T21 et non dépistables par les OEA).
● Échocardiographie à programmer si possible dans les 3 jours, avant la sortie de maternité, même si l’échocardiographie anténatale était normale et même en l’absence de souffle.
Une nouvelle consultation pour le rendu du caryotype et les premières informations sur la maladie et le suivi
Cette consultation va avoir plusieurs objectifs :
Donner des explications sur le résultat du caryotype
3 anomalies sont possibles :
● Une T 21 libre et homogène (retrouvée dans toutes les cellules) dans 95% des cas.
● Une T21 par translocation (chromosome 21 supplémentaire en partie ou en totalité fixé sur un autre chromosome) dans 2-3% des cas.
● Une T21 en mosaïque (la mutation n’est pas retrouvée dans toutes les cellules) dans 2-3% des cas de T21 libre. Écouter les parents, répondre à leurs questions
On ne peut tout aborder et expliquer. Le plus important est d’être à l’écoute des parents et d’essayer de répondre à leurs questions.
A la fin de l’entretien, il faut toujours proposer aux parents de reprendre un rendez-vous de consultation quelques jours ou semaines plus tard avec le pédiatre qui va suivre l’enfant et qui peut être ou non le pédiatre de la maternité.
Débuter les démarches administratives
● La demande de 100%.
● Le dossier MDPH (si possible mais il pourra aussi être fait plus tard).
Commencer à donner les contacts
● Le CAMSP dont dépend la famille.
● La consultation multidisciplinaire Trisomie 21 spécialisée régionale.
● Les associations de patients, les cellules d’accueil.
● L’assistante sociale.
Trisomie 21 France propose une aide au suivi via deux documents en version papier ou numérique : le guide de santé et le carnet de suivi médical.
Le conseil génétique
Bilan malformatif à programmer le premier mois
► Échographie abdominale et rénale à la recherche de malformations associées éventuelles.
► Échographie de bassin à 1 mois.
Focus sur deux pathologies possibles en période néonatale
L’hypothyroïdie congénitale
Elle est beaucoup plus fréquente chez les enfants PT21 (1/141 contre 1/2000 à 1/3000 dans la population générale).
La thyroïde est généralement en place mais peut être hypoplasique.
Entre J2 et J7, la TSH se situe entre 1,1-15,6mUI/L, et la T4 entre 11,6-36pM.
Les dysfonctions thyroïdiennes néonatales peuvent être transitoires.
Messages essentiels
Le syndrome de myélopoïèse anormale transitoire Il est fréquent (5-30%) chez les enfants PT21 et consiste en la présence, à la naissance ou juste après, de blastes à la NFS. D’évolution le plus souvent spontanément favorable, il peut évoluer vers une leucémie aiguë myéloïde avant l’âge de 5 ans dans 20% des cas.
Une thrombopénie est fréquente. Quand elle n’est pas profonde (>100 000/mm3) et isolée, elle peut être imputée à la trisomie 21 et ne justifie pas de recherche étiologique.
• Aucune urgence pour une annonce de suspicion de trisomie 21 en l’absence de demande des parents.
• Entretien dédié avec les parents, clair, loyal, approprié.
• Nouvelle consultation à prévoir pour le rendu de caryotype.
• Rechercher plus particulièrement un souffle et une cataracte.
• À la maternité, prélever en plus du caryotype, NFS, T4 et TSH.
• Échocardiographie cardiaque systématique et rapide.
• Le premier mois, bilan malformatif (rein, système digestif, hanches).
• Hypothyroïdie et myélopoïèse anormale sont plus fréquentes chez les enfants PT21.
• Blastes à la NFS : avis hématologique.
• Thrombopénie isolée >100 000/mm3 : attribuable à la T21. Pas de bilan étiologique.
2. Suivi des enfants porteurs
de trisomie 21 dans l’enfance : examens indispensables, pièges et urgences
D’après une intervention des Docteurs Emmanuelle Prioux-De Dalmassy, Lucie Vuillemin-Massie et Marie Pernaudet, Pédiatres, Institut Jérôme Lejeune.
Rédaction : Dr Véronique Desvignes
Cas clinique :
Timéo, 4 ans, porteur d’une T21 libre homogène, est amené par ses parents parce qu’il ne marche toujours pas. Il a un très bon contact, dit quelques mots isolés, gribouille, encastre les formes simples. Il se déplace en « buttomshuffling » (avec une jambe repliée), se lève avec appui et se déplace le long des murs mais ne se lâche pas. Il est hyperlaxe. Les masses musculaires sont normales, les réflexes aussi. Il n’y a aucun signe d’irritation pyramidale.
Est-ce normal que Timéo ne marche pas à 4 ans ?
► Non car, même s’il existe un décalage dans les acquisitions motrices, l’acquisition de la marche chez les enfants porteurs de trisomie 21 se fait en général entre 1 an et 3 ans et demi.
Demandez-vous des examens complémentaires et si oui lesquels ?
1. Une IRM cérébrale et médullaire
2. Une radiographie de bassin
3. Des CPK et éventuellement un EMG
4. Un bilan thyroïdien
5. Un examen ophtalmologique
► Réponses : 2, 4 et 5
Focus sur la dysplasie de hanches et les problèmes ophtalmologiques
● Dysplasies de hanche fréquentes.
En raison de l’hyperlaxité des enfants PT21, elles peuvent apparaître pendant l’enfance et parfois passer inaperçues jusqu’à un stade avancé.
► Recommandation :
Radiographie de bassin tous les 2-3 ans entre 2 et 14 ans
● Problèmes ophtalmologiques nombreux :
- Cataracte congénitale mais aussi acquise (jusqu’à 15% chez les moins de 20 ans)
- Kératocône (5-15% versus 0,05% dans la population générale)
- Glaucome
- Nystagmus souvent prémonitoire d’un trouble de la réfraction (hypermétropie sévère), d’un strabisme ou de troubles neuro-visuels…
- Surveillance systématique tous les ans à partir d’un an avec mesure de la réfraction sous cycloplégique, LAF1 et FO.
La radiographie de bassin de Timéo est normale, En revanche il a une hypermétropie très importante. Avec ses lunettes, il n’a plus eu peur de se mettre à marcher… Timéo a maintenant 13 ans.
Il revient parce qu’il est très gêné par des fuites urinaires diurnes et nocturnes intermittentes. Il ne veut plus faire de karaté alors qu’il adorait ce sport et refuse souvent d’aller se promener. Il a tendance à tomber et se plaint d’avoir moins de force et les jambes qui le lâchent parfois. Il demande en permanence à se mettre des pansements sur les doigts. Depuis peu, ses parents constatent qu’il tousse souvent en buvant.
A l’examen les ROT sont vifs et polycinétiques aux membres supérieurs et inférieurs. Un Babinski et trépidation épileptoïde sont retrouvés.
Devant ce syndrome pyramidal, quel(s) examen(s) demandez-vous en urgence ?
1. Une radiographie cervicale avec clichés dynamiques
2. Une IRM cérébrale
3. Une IRM médullaire
4. Une ponction lombaire
Réponse : 3
Un seul examen en urgence : l’IRM médullaire. L’IRM médullaire (notamment cervicale et si possible dynamique, souvent difficile à obtenir) retrouve un début
Focus sur l’instabilité atloïdo-axoïdienne
de compression médullaire sur une luxation C1-C2 bien visible à la radio sur les clichés en flexion. La luxation C1-C2 est probablement secondaire à un traumatisme lors d’un cours de karaté.
La compression médullaire explique les troubles moteurs, les troubles neuro-sphinctériens récents, les fourmillements des doigts que Timéo tente de soulager avec les pansements et les fausses routes aux liquides. Timéo a bénéficié d’une stabilisation chirurgicale et tout est rentré dans l’ordre.
Elle est beaucoup plus fréquente chez les enfants PT21.
A l’heure actuelle :
● Consensus sur la réalisation d’un examen neurologique annuel à la recherche de signes de compression médullaire haute.
● Pas de consensus concernant des radiographies systématiques du rachis cervical de face et profil avec clichés dynamiques à 6 ans en l’absence de signe neurologique.
Selon le PNDS il n’y aurait pas de lien évident entre les aspects radiologiques, l’hyperlaxité ou l’hypotonie générale et le risque cervical (PNDS).
● Consensus concernant des radiographies systématiques du rachis cervical de face et profil avec clichés dynamiques si :
- Anesthésie générale2
- Souhait de pratique de sport à risque.
● Consensus sur les indications de l’IRM médullaire cervicale avec, si possible, clichés dynamiques en cas de :
- Symptomatologie clinique évocatrice (troubles moteurs, vésico-sphinctériens ou de la déglutition, paresthésies…).
- Syndrome pyramidal.
Le suivi des enfants porteurs de trisomie 21
La prise en charge des enfants PT21 est multidisciplinaire, médicale et paramédicale. Un suivi libéral peut être assuré par le pédiatre et/ou le médecin généraliste, idéalement en relation avec un centre de référence ou de compétence, un CAMSP (jusqu’aux 6 ans de l’enfant) ou un service de pédiatrie ou de génétique.
Le retard des acquisitions psychomotrices et la déficience intellectuelle sont constants chez les enfants PT21. La déficience reste en général modérée avec souvent de bonnes habiletés sociales et adaptatives. Le dépistage systématique des malformations et des comorbidités, souvent accessibles aux traitements, permet de prévenir ou limiter les douleurs éventuelles, les sur-handicaps ou les troubles du comportement ou de l’humeur et de préserver
Tous les ans à partir de 2 ans (plus tôt en cas de suspicion clinique).
- IgA anti-transglutaminase et IgA totales car la trisomie 21 est un facteur de risque de maladie cœliaque en elle-même, indépendamment du HLADQ2-8.
● Si TSH > 8 mUI/l : doser T3L et T4L, recherche des anticorps anti TPO et des anticorps anti-récepteurs de la thyroïde, échographie thyroïdienne et avis spécialisé selon les résultats et l’évolution au contrôle.
● Fréquence des bilans thyroïdiens en l’absence d’anomalies :
- < 3 ans : tous les 6 mois.
- > 3 ans : 1 fois/an.
Chez l’adolescent(e), uricémie et bilan hépatique.
3. Autres suivis systématiques annuels
● Suivi ophtalmologique avec mesure de la réfraction, FO et LAF.
● Suivi ORL et audiométrie PEA en cas de doute.
● Suivi bucco-dentaire
4. Suivis systématiques en l’absence de pathologie déjà identifiée
● Échocardiographie tous les 5 ans
● Radiographies dynamiques de la charnière cervico-occipitale, pas de consensus. A l’Institut Lejeune, radiographies du rachis cervivcal systématiques à 6 ans
- Si nécessité d’anesthésie générale
- Si sport à risque
● Radiographie de bassin tous les 2-3 ans de 3 à 14 ans.
● Polysomnographie (PSG). Pas de consensus. A l’Institut Lejeune, au moins une PSGdans l’enfance à partir de l’âge d’un an
● Bilan lipidique tous les 2 ans si obésité (IMC >25)
5. Examens complémentaires selon la situation clinique
● Orthophonie systématique précoce et communication alternative et augmentative
● Kinésithérapie motrice jusqu’à l’âge de la marche
● Psychomotricité
● Suivi éducatif
7. Soutien psychologique de l’enfant et de la famille
8. Accompagnement social
● ALD 30
● Dossier MDPH
● AJPP (allocation journalière de présence parentale)
● Orientation scolaire
● Mesure de protection juridique à 18 ans
Messages essentiels
• La T21 n’explique pas toujours tout.
• Il faut savoir chercher des comorbidités ou des complications devant des symptomatologies inhabituelles ou des changements de comportement.
• Ne pas oublier les urgences : diaphragme duodénal, syndrome de West, diabète, leucémie, luxation cervicale, tumeur testiculaire.
• Penser à surveiller la thyroïde, les hanches, le rachis notamment cervical.
• Vérifier que le suivi sensoriel (audition, vision)est régulièrement effectué.
• Le SAOS est très fréquent avec des expressions cliniques très variables. Y penser facilement.
¡ Bibliographie
1Lampe à fente
2Risque d’hyperextension de la tête (si intubation, chirurgie de la sphère ORL…).
3Canal atrio-ventriculaire, communication interauriculaire et communication interventriculaire
4En rapport avec une attirance par la nourriture, activité physique réduite et un certain degré d’insulino-résistance.
3. Troubles du comportement. Distinguer le somatique du psychiatrique
D’après une intervention des Dr Lucie Vuillemin-Massie, M.Pernaudet, E.Prioux et J.Toulas, Pédiatres. Institut Jérôme Lejeune.
Rédaction : Dr Véronique Desvignes
C’est l’histoire de :
Alya, 5 ans 5 mois, est porteuse d’une trisomie 21 libre homogène. Elle a été adoptée à 18 mois. Elle a un frère de 8 ans.
Antécédents : pas de cardiopathie ni de dysthyroïdie. Croissance régulière.
Prise en charge en orthophonie et psychomotricité et suivi par un éducateur spécialisé.
Développement psychomoteur dans la norme des enfants porteurs de trisomie 21 : marche acquise à 2 ans, émergence du langage avec des mots encore isolés, communication alternative augmentée (CAA) bien investie (Makaton) et bon niveau d’autonomie (continence acquise, repas et habillage en autonomie).
Scolarisation en milieu ordinaire en grande section (GS) avec une AESH individuelle 18 heures par semaine. Les acquis scolaires correspondent à un niveau de petite section (PS).
Pour autant les parents arrivent épuisés en consultation et décrivent depuis plus de 6 mois :
- Une grande impulsivité.
- Une intolérance à la frustration avec des crises de colère.
- Une moins bonne participation à l’école.
- Une sélectivité alimentaire, un refus des morceaux.
- Un sommeil perturbé avec des difficultés d’endormissement, de multiples réveils nocturnes et un lever difficile le matin.
Parmi ces hypothèses, lesquelles retenez-vous et que proposez-vous à cette famille ?
1. C’est un comportement normal dans la trisomie 21, en lien avec le retard de développement.
2. Un examen physique complet est nécessaire pour éliminer un problème somatique (ORL, douleurs dentaires, etc…).
3. Il faut être patient et revoir avec l’éducateur ce qui peut être amélioré et aménagé à l’école et à la maison.
4. Des examens complémentaires sont à prévoir en raison des comorbidités somatiques en lien avec la trisomie 21 : NFS-plaquettes, bilan martial, T3 T4-TSH, polysomnographie (pour éliminer des apnées du sommeil), consultations ORL et ophtalmologique.
Réponses : 2-4
Le bilan sanguin est normal. Les tympans sont mal vus en raison de conduits très étroits (fréquent chez les enfants trisomiques). Une hypoacousie bilatérale modérée sur otite séromuqueuse (OSM) bilatérale et une hypertrophie des végétations et des amygdales sont diagnostiquées par l’ORL. La polysomnographie ventilatoire met en évidence un SAOS sévère.
L’adénoïdectomie, l’amygdalectomie et la pose d’aérateurs trans-tympaniques permettent la normalisation de l’audition, la disparition du SAOS, une nette amélioration du sommeil et de l’alimentation. Le comportement d’Alya est amélioré mais elle garde une impulsivité et une intolérance persistante à la frustration.
Alya revient 2 ans plus tard en consultation. Elle a 7 ans et demi. Après un maintien en GS elle est entrée en Institut médico éducatif (IME). Ses capacités d’apprentissage sont bonnes. Elle progresse dans tous les domaines, notamment dans le langage. Elle est bien suivie sur le plan ORL, ophtalmologique et biologique.
En revanche les troubles du comportement se sont nettement aggravés avec une agitation motrice importante, une grande distractibilité, une hétéro-agressivité, une opposition permanente, des tentatives de fugue, des comportements destructeurs et un sommeil très perturbé avec des couchers tardifs (1 heure du matin) et de nombreux réveils.
La vie familiale et scolaire en est très perturbée : le frère veut partir en internat, le père est en burn-out. Aucune vie sociale n’est possible en dehors de la famille. L’IME a
1DiGuiseppi et al., 2010; Richards et al., 2015; Oxelgren et al., 2017
réduit son temps d’accueil et le transport collectif en taxi devient difficile.
Parmi ces hypothèses, lesquelles retenez-vous et que proposez-vous à cette famille ?
1. C’est un comportement normal dans la trisomie 21, en lien avec le retard de développement et l’immaturité.
2. Je me renseigne sur d’éventuels changements survenus à la maison ou à l’IME.
3. Elle a peut-être un trouble déficitaire de l’attention (TDAH).
Je prescris un bilan neuropsychologique.
4. Je prescris de la mélatonine pour soulager momentanément la famille sur le sujet du sommeil.
Réponses : 2,3,4
Le bilan neuropsychologique met en avant :
• Une déficience intellectuelle légère mais le potentiel cognitif peut avoir été sous-estimé car elle n’arrivait pas au bout des items proposés.
• Un TDAH avec Trouble Oppositionnel avec Provocation (TOP) et un trouble des conduites.
Au vu de ces résultats une guidance parentale, une thérapie cognitivo-comportementale(TCC), un traitement par méthylphénidate et par mélatonine à libération immédiate sont proposés. Les parents d’Alya acceptent toutes ces propositions mais ne trouvent personne pour accepter de prendre en charge Alya en TCC.
La prise de méthylphénydate nécessite de nombreuses adaptations de dosage et plusieurs changements de molécule.
Le comportement d’Alya s’améliore malgré un effet rebond en fin de journée. Le TOP est toujours très présent.
Alya revient 18 mois plus tard. Elle a 9 ans. Elle est toujours sous méthylphénidate. Le langage a bien évolué et elle a une autonomie quasi-complète au quotidien. Elle va à l’école à mi-temps et a un niveau CP en lecture et GS en numération. Elle est sociable avec ses pairs. Elle fait du tennis et du piano.
Par contre depuis quelque temps, la famille a remarqué un nouveau changement de comportement : elle paraît « éteinte », en retrait social. Elle régresse : elle ne mange plus seule, refait pipi au lit. Elle alterne des phases d’agitation et d’épuisement. Le sommeil est à nouveau perturbé par plusieurs réveils.
Parmi ces hypothèses, lesquelles retenez-vous et que proposez-vous à cette famille ?
1. Le dosage du méthylphénidate n’est plus adapté (sur ou sous-dosage).
2. Alya est épuisée par l’école, les rééducations et les activités périscolaires.
3. Elle a une déficience légère et en grandissant elle se rend compte de sa différence.
4. Elle est victime de maltraitance (à l’école ou dans la famille).
5. Il y a peut-être une cause organique à cette modification récente du comportement.
Réponses : 1,2,3,4,5
La recherche d’une cause organique, en particulier d’une maladie auto-immune, particulièrement fréquente chez les personnes porteuses d’une T21, permet de détecter un diabète insulinodépendant (DID) qui est contrôlé par une pompe à insuline.
Alya a maintenant 11 ans. Son DID est équilibré mais le niveau glycémique impacte beaucoup son comportement. L’agitation est contrôlée et l’attention correcte. Le TOP reste prédominant mais l’intégration sociale est satisfaisante. La prise en charge en TCC et la guidance parentale sont toujours d’actualité mais les parents n’ont toujours pas trouvé d’intervenant…
Les troubles du comportement chez les enfants porteurs d’une trisomie 21 (enfant PT21)
Toute modification atypique du comportement doit être considérée en priorité comme un mode d’expression d’une douleur ou d’un mal-être en rapport avec une pathologie intercurrente avant de conclure à un trouble du comportement psychiatrique. Éliminer un problème somatique aigu ou chronique
C’est la première étape du diagnostic car les enfants PT21 ont beaucoup de difficultés à exprimer et localiser une douleur.
L’examen clinique doit rechercher une douleur dentaire, une otite, une constipation…
Les maladies auto-immunes (diabète, maladie cœliaque…) et les pathologies thyroïdiennes, plus fréquentes chez les enfants PT21 sont à rechercher, tout comme un déficit sensoriel, un SAOS ou une épilepsie…
Il est donc important d’éliminer une pathologie avant de conclure à un trouble comportemental psychiatrique, même si ceux-ci sont plus fréquents chez les enfants PT21.
Rechercher des difficultés familiales et environnementales
Les difficultés de communication peuvent générer de la frustration, à l’origine de troubles du comportement. C’est tout l’intérêt de la communication alternative augmentée (CAA) qui permet aux enfants et à leurs parents de communiquer avant la mise en place du langage oral. Des troubles du comportement de l’EPT21 peuvent aussi être secondaires à des changements ou des inadaptations dans la vie familiale et/ou l’environnement scolaire mais aussi à de la maltraitance.
Messages essentiels
Les comorbidités psychiatriques fréquentes chez l’enfant PPT21 : TDAH / TSA
Le diagnostic de trouble du neurodéveloppement est difficilement observable et quantifiable avant trois ans chez les enfants porteurs de trisomie 21 en raison du retard des acquisitions. Toutefois ce décalage de développement ne doit pas retarder le diagnostic.
Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité
Le trouble déficitaire de l’attention-hyperactivité (TDA/H) est l'un des handicaps les plus fréquents chez les enfants PT21, avec une prévalence allant de 33 à 44%. Dans la trisomie 21 aucune corrélation n’a été trouvée entre le niveau de déficience intellectuelle et le TDAH.
Le diagnostic précoce du TDAH est important pour améliorer la qualité de vie, des apprentissages, l’inclusion et la socialisation des enfants PT21.
Les comorbidités médicales chez les enfants PT21 ayant reçu un double diagnostic de T21 + TDAH sont fréquentes : allergies, hypothyroïdie, syndrome d'apnées obstructives du sommeil, difficultés auditives et visuelles, épilepsie. Elles peuvent impacter l’attention et/ ou l’hyperactivité/impulsivité et doivent donc être prises en considération lors de l'évaluation et du diagnostic différentiel d’un TDAH.
Un traitement multifocal est recommandé, comprenant la guidance parentale, la collaboration avec l'école et les traitements psychotrope et psychothérapeutique. Le méthylphénidate est efficace et sûr dans le traitement du TDAH dans la trisomie 21. Les posologies doivent être très progressives avec une surveillance rapprochée des effets secondaires pour adapter le traitement.
Les troubles du spectre autistique
Le TSA est beaucoup plus fréquent chez les PPT21 que dans la population générale. Des estimations récentes suggèrent que la prévalence est élevée, allant de 16 à 42 %.1
Ce diagnostic conjoint d’autisme a tendance à être sous-évalué.
Il est vrai que les stéréotypes d’une « personnalité trisomique 21 décrite comme une personne sociale, empathique, affectueuse, de tempérament facile en dépit de ses difficultés cognitives et sans trouble psychiatrique », éloignent la possibilité et le dépistage d’un TSA.
Il est aussi souvent considéré que les comportements autistiques peuvent s’expliquer par la déficience intellectuelle.
Il est pourtant important que ce double diagnostic de TSA et trisomie 21 soit posé le plus tôt possible pour faire bénéficier ces enfants de la fenêtre d'une intervention précoce intensive, qui s'est avérée conduire à de meilleurs résultats développementaux
C’est le plus souvent l’observation directe de l’enfant par un clinicien (pédiatre, pédopsychiatre, psychologue ou neuropsychologue), spécialisé en déficience intellectuelle, qui permet le repérage précoce des TSA chez les PPT21. Des questionnaires spécialisés aident au dépistage comme le M-CHAT-R/F ou le SCQ.
Les enfants PT21 identifiés « à risque de TSA » doivent être référés pour une intervention rapide sans attendre qu'une évaluation diagnostique formelle de TSA ait eu lieu.
• Un trouble récent ou persistant du comportement chez un enfant PT21 doit faire rechercher en tout premier lieu une pathologie organique et /ou des difficultés environnementales (familiales, scolaires…).
• La prévention des troubles du comportement en lien avec les troubles de la communication repose sur l’orthophonie et la mise en place précoce de la communication alternative adaptée.
• Certains troubles psychiatriques sont plus fréquents chez l’enfant PT21 (TDAH, TSA…). Leur diagnostic est difficile et doit tenir compte du décalage des acquisitions. Leur prise en charge est globalement la même que chez l’enfant sans T21 mais reste souvent plus complexe.
# 33 — Septembre 2025
Nutrition de l’enfant
L’alimentation du nourrisson et du petit enfant
Nouvelles recommandations de la HAS concernant le RGO chez les nourrissons de moins de 1 an
Page 2
Effets de différentes proportions de DHA et d’ARA sur le développement cognitif des nourrissons
Page 3
De l’esprit au lait : l’influence des facteurs psychologiques sur la com- position du lait maternel humain
L’allaitement maternel est l’aliment de référence du nourrisson les premiers mois de vie. Il est recommandé de façon exclusive durant les 6 premiers mois de vie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et pendant les 4 premiers mois par l’European Society of Pediatric Gastroenterology HepatologyAndNutrition(ESPGHAN).
Les différentes phases de la lactation
Lors des premiers jours de vie, le lait maternel, ou colostrum, est très riche en sels minéraux et facteurs immuno-actifs aidant le nouveau-né à s’adapter à la vie extra-utérine et à la rencontre avec de nombreux microorganismes. Après les 5 premiers jours d’allaitement, le lait est dit de transition, puis mature après 15 jours de lactation. Ce lait mature est alors riche en micro et macronutriments permettant la croissance et le développement de l’enfant (1). Pour les mères, la grossesse et le post-partum sont des périodes particulièrement intenses sur le plan émotionnel et la dépression post-partum concerne jusqu’à 15 % des femmes (2). Plusieurs travaux ont montré que l’état mental de la mère pouvait modifier la composition du lait maternel (3).
La figure 1 illustre le lien entre l’état psychologique maternel et la composition du lait maternel. En cas de stress, d’anxiété ou de dépression post-partum, plusieurs composés du lait sont modifiés : baisse du DHA et des oméga-6, hausse ou baisse du cortisol, diminution de la prolactine ou de la lactoferrine, et modifications des immunoglobulines comme le SIgA. Le microbiote et la balance minérale (notamment le sodium) sont aussi affectés. Ces altérations peuvent impacter la croissance, le développement cérébral et le comportement de l’enfant, notamment via l’axe intestin-cerveau.
• Stress
• Anxiété
• Dépression post-partum
Altération du lait maternel
Acides gras
Microbiote
• Croissance
• Développement
• Comportement
Hormones
Minéraux Mg Zn Ca Facteurs immunitaires
Figure 1 - La relation entre l’état mental de la mère et le développement de sa progéniture passent par le lait maternel.
Avec la collaboration du Pr Camille Jung (gastro-pédiatre, CHI de Créteil) Document destiné aux professionnels de santé. Édition EXPRESSIONS SANTÉ. ISSN : 2117-279X. En partenariat avec le SFNS (Syndicat Français de la Nutrition Spécialisée).
RÉFÉRENCES
Nutrition de l’enfant
# 33 — Septembre 2025 02
De l’esprit au lait : l’influence des facteurs psychologiques sur la composition du lait maternel humain
Stress, anxiété et dépression post-partum : quelles conséquences sur le lait maternel ?
C’est dans ce contexte que Skowron et al. ont récemment publié une revue de la littérature des facteurs psychologiques influençant la composition du lait maternel (4).
Concernant les apports énergétiques totaux, les données de la littérature sont hétérogènes : certaines études rapportent une augmentation, d’autres une diminution, et d’autres encore ne montrent aucune différence. De plus, il semble que la dépression post-partum ne modifie pas de façon majeure les apports en lactose, mais possiblement la composition en oligosaccharides (Human Milk Oligosaccharides, HMO) (5).
Par ailleurs, une étude récente a montré que les femmes traitées par inhibiteurs de la sérotonine pour traiter la dépression avaient une composition du lait différente de celles des femmes non traitées, ce résultat ne modifiant pas les recommandations de prescription de ces médicaments (6).
Enfin, il semble exister une association forte entre des niveaux élevés de DHA dans le lait maternel et une consommation élevée de poisson, avec un risque réduit de dépression postpartum (7).
De façon très intéressante, plusieurs études ont montré un lien entre le stress maternel et le microbiote du nourrisson.
La dysbiose liée au stress se caractérise par une baisse de la diversité bactérienne, et par des modifications des capacités métaboliques du microbiote intestinal, pouvant jouer un rôle sur le neurodéveloppement (8). Cette connexion ouvre de nouvelles perspectives quant à l’utilisation des biotiques dans le traitement des troubles psychiatriques.
Concernant les taux de facteurs immunologiques, de cortisol ou de sodium, les études donnent des résultats très hétérogènes et peu concluants.
Au total, le stress, l’anxiété ou la dépression maternelle peuvent modifier la composition du lait maternel. Ce lien est maintenant bien établi. L’impact à court et long terme de ces modifications et en particulier celles du microbiote de l’enfant n’est cependant pas encore connu.
RÉFÉRENCES : 1. Zhang Y, Zhang X, Mi L et al. Comparative Proteomic Analysis of Proteins in Breast Milk during Different Lactation Periods. Nutrients 2022 ; 14 : 3648.
2. Liu X, Wang S, Wang G. Prevalence and Risk Factors of Postpartum Depression in Women: A Systematic Review and Meta-analysis. J Clin Nurs 2022 ; 31 : 2665-77.
3. Kawano A, Emori Y, Myagawa S. Association Between StressRelated Substances in Saliva and Immune Substances in Breast Milk in Puerperae. Biol Res Nurs 2009 ; 10 : 350–5.
4. Skowron K, Lichocki I, Godziszewski F, Orczyk-Pawiłowicz M. From Mind to Milk: The Influence of Psychological Factors on the Composition of Human Breast Milk. Nutrients 2025 ; 17 : 1093.
5. Riedy H, Bertrand K, Chambers C, Bandoli G. The Association Between Maternal Psychological Health and Human Milk Oligosaccharide Composition. Breastfeed Med 2024 ; 19 : 837–47.
6. Whaites Heinonen E, Bertrand K, Chambers C. Macronutrients in Human Milk Exposed to Antidepressant and Anti-Inflammatory Medications. JAMA Netw Open 2025 ; 8 : e2453332.
7. Hibbeln JR. Seafood Consumption, the DHA Content of Mothers’ Milk and Prevalence Rates of Postpartum Depression: A CrossNational, Ecological Analysis. J Affect Disord 2002 ; 69 : 15–29.
8. Fernández-Tuñas MDC, Pérez-Nuñuzuri A, Trastoy-Pena R et al. Effects of Maternal Stress on Breast Milk Production and the Microbiota of Very Premature Infants. Nutrients 2023 ; 15 : 4006.
Nouvelles recommandations de la HAS concernant le RGO chez les nourrissons de moins de 1 an
Le taux de prescription d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) chez les nourrissons a beaucoup augmenté ces 15 dernières années, et environ 6 % des nourrissons de moins de 1 an sont traités par IPP alors qu’ils n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette tranche d’âge (1). Comme pour l’adulte et le grand enfant, la majorité des indications de prescription des IPP chez le nourrisson est le reflux gastro-œsophagien (RGO). Pourtant, le RGO non compliqué du nourrisson est très différent de celui de l’adulte, car il est physiologique, peu fréquemment acide, et n’est, dans la majorité des cas, pas amélioré par les IPP. Bien sûr, certains nourrissons ont un RGO compliqué d’œsophagite (dont le diagnostic est endoscopique),
d’hématémèse ou de syndrome de Sandifer (ou dystonie paroxystique) justifiant une prescription d’IPP, mais ces situations cliniques sont peu fréquentes.
En parallèle, les effets secondaires des IPP sont de plus en plus décrits. Certains sont bénins, mais d’autres sont graves (pancréatite, hépatite fulminante, agranulocytose, épisodes de confusion mentale, etc.) ou tardifs (augmentation de la susceptibilité aux infections respiratoires et digestives à Clostridioides difficile, augmentation du risque fracturaire, majoration du risque d’allergie alimentaire chez des enfants) (1).
C’est dans ce contexte que la Haute Autorité de santé (HAS) a émis en 2024 des recommandations sur le traitement du
Nutrition de l’enfant
Nouvelles recommandations de la HAS concernant le RGO chez les nourrissons de moins de 1 an
RGO du nourrisson, dans l’objectif de réduire le mésusage, ou la prescription inappropriée, au regard des connaissances scientifiques, des IPP.
La HAS rappelle qu’il faut distinguer les RGO non compliqués (régurgitations simples, sans signes d’alerte), des RGO pathologiques (2). Il faut au moins deux signes cliniques d’alerte (refus alimentaire, retard de croissance, changement de comportement [cris/irritabilité] ou symptômes ORL/respiratoires récurrents) pour suspecter un RGO pathologique. Attention, les pleurs, l’irritabilité, le mâchonnement, les cambrements en arrière lors de l’alimentation ne sont généralement pas liés au RGO et ne répondent pas aux IPP.
Dans les situations de RGO du nourrisson, la HAS préconise dans un premier temps de vérifier la reconstitution des biberons et les volumes proposés à l’enfant. L’utilisation d’épaississants exogènes ou déjà intégrés dans les laits infantiles (laits anti-reflux) est efficace pour diminuer le nombre de régurgitations. On peut aussi conseiller aux parents de maintenir l’enfant en proclive dans les bras après le repas. Il doit en revanche être couché à plat sur le dos lors des périodes de sommeil. En cas de suspicion d’allergie non-IgE médiée aux protéines du lait de vache (PLV), un test d’éviction de 2 à 4 semaines des PLV suivi d’une réintroduction est la méthode diagnostique de référence.
En revanche, la HAS recommande la réalisation d’examens complémentaires (pH-métrie ou impédancemétrie) avant toute prescription d’IPP pour un RGO. La survenue d’une hématémèse doit faire soupçonner une œsophagite et un avis spécialisé est nécessaire.
Lorsque la prescription d’IPP est requise, la posologie recommandée est de 1 mg/kg en une prise/jour pendant 4 à 8 semaines maximum
Ainsi, la HAS insiste sur une utilisation raisonnée et limitée des IPP qui sont dans la grande majorité des situations non nécessaires chez le nourrisson. En cas de suspicion de RGO compliqué, l’enfant doit être adressé à un pédiatre, voire à un gastropédiatre. Enfin, une mise à jour des recommandations internationales sur le traitement du RGO du nourrisson est prévue prochainement.
RÉFÉRENCES
1. Lassalle M, Zureik M, Dray-Spira R. Proton Pump Inhibitor Use and Risk of Serious Infections in Young Children. JAMA Pediatr 2023 ; 177 : 1028-38.
2. Jung C, Clouzeau H, Nedjadi KB et al. Gastroesophageal reflux within first year of life: What new recommendations from French National Authority for Health (HAS) tell us. Arch Pediatr 2025 ; 32 : 2-3.
Effets de différentes proportions de DHA et d’ARA sur le développement cognitif des nourrissons
Les acides gras insaturés à très longues chaînes sont composés d’une chaîne d’au moins 19 carbones et d’au moins deux doubles liaisons carbone-carbone. On distingue la famille des omégas 3 et celle des omégas 6. Les précurseurs de ces familles, l’acide α -linolénique (ALA) pour les omégas 3, et acide linoléique (LA) pour les omégas 6, sont dits essentiels, car l’organisme humain ne peut les synthétiser alors qu’ils sont indispensables à la vie. Leur apport doit donc être exogène, par l’alimentation. Ces précurseurs vont être transformés en différents métabolites par des séries de désaturations, d’élongations et de β -oxydations. Parmi ces dérivés, l’acide docosahexaénoïque (DHA, oméga 3) et l’acide arachidonique (ARA, oméga 6) ont un rôle clé pour le développement cérébral et neurosensoriel du nourrisson. Ils sont dits semiessentiels, car même s’ils peuvent être synthétisés à partir de leurs précurseurs, l’efficacité de conversion d’ALA en DHA pour les omégas 3 et de LA en ARA pour les omégas 6 est très faible (inférieure à 5 et 3 % respectivement) et ce, d’autant que l’activité de la Δ-6 désaturase (enzyme qui
convertit les acides gras essentiels LA et ALA en acides gras polyinsaturés à longue chaîne) du nourrisson est beaucoup plus faible que chez l’adulte. Pendant la grossesse, DHA et ARA s’accumulent dans le système nerveux du fœtus, puis sont apportés après la naissance par le lait maternel à des taux cependant très variables d’une femme à l’autre.
Actuellement, il n’y a pas de consensus sur les apports adéquats en DHA et ARA dans les formules infantiles premier âge. Les laits deuxième âge sont moins concernés, car les apports en DHA et ARA sont fournis par la diversification alimentaire. L’Académie européenne de pédiatrie et la Fondation pour la santé des enfants ont récemment recommandé que les teneurs en DHA et ARA atteignent de préférence un ratio de 0,5 dans les préparations pour nourrissons (1).
L’Union européenne impose des apports obligatoires en ALA, DHA et LA dans les formules infantiles, mais pas en ARA, même si en pratique beaucoup de laits infantiles en contiennent. Ces obligations découlent de l’absence de
Nutrition de l’enfant
# 33 — Septembre 2025 04
Effets de différentes proportions de DHA et d’ARA sur le développement cognitif des nourrissons
niveau de preuve suffisant sur l’intérêt de l’ajout d’ARA dans les formules infantiles.
C’est dans ce contexte que Tian et al. ont réalisé une méta-analyse des études ayant évalué les effets de la supplémentation en DHA et en ARA sur le développement cognitif des nourrissons, dans l’objectif notable de déterminer un ratio optimal DHA/ARA (2).
Les auteurs ont retenu neuf études randomisées contrôlées parmi plus de 26 000 publiées jusqu’en juillet 2024. L’une des difficultés pour réaliser ce type d’analyse est l’hétérogénéité des méthodes de mesure des performances cognitives : certaines études ayant utilisé le score de Bayley et d’autres celui de Brunet-Lézine. C’est pourquoi les auteurs ont recalculé un indice de développement mental (MDI) et un indice de développement psychomoteur (PDI) et ont ensuite utilisé la valeur de la différence à la moyenne pour grouper et comparer les études.
Cette méta-analyse montre un effet positif de la supplémentation en DHA et ARA sur le PDI, mais pas sur le MDI. Par ailleurs, un ratio DHA/ARA entre 0,5 et 1 semble le plus favorable entre 4 et 24 mois.
Déterminer les taux adéquats en DHA et ARA dans les laits infantiles est sujet à débat. Cette méta-analyse suggère qu’un ratio DHA/ARA entre 0,5 et 1 serait le plus pertinent. Cependant, les études retenues dans cette méta-analyse sont hétérogènes dans leur design et anciennes, datant toutes de plus de 10 ans et pour quatre d’entre elles d’avant l’an 2000. Cet article souligne l’importance, mais aussi la difficulté, d’avoir des données issues d’études randomisées de bon niveau de preuve pour émettre des recommandations fiables.
RÉFÉRENCES :
1. Koletzko B, Bergmann K, Brenna JT et al. Should formula for infants provide arachidonic acid along with DHA? A position paper of the European Academy of Paediatrics and the Child Health Foundation. Am J Clin Nutr 2020 ; 111 : 10-6.
2. Tian A, Xu L, Szeto IM, Wang X, Li D. Effects of Different Proportions of DHA and ARA on Cognitive Development in Infants: A Meta-Analysis. Nutrients 2025 ; 17 : 1091.
Nouvelle série de vidéos !
Démêlons le vrai du faux sur le lait
infantile !
● Il faut arrêter le lait infantile quand on commence la diversification
● Il est possible d’utiliser toutes les eaux minérales pour reconstituer les biberons de bébé
● Les laits de croissance n’apportent rien de plus que le lait de vache entier
LE SOMMEIL
partie 3
Troubles psychiques et altérations du sommeil, des liens en voie d’élucidation
Dr Sylvie Sargueil, Journaliste médicale
Congrès du sommeil Lille 20-22 novembre 2024
Pathologies psychiques et troubles du sommeil sont étroitement associés. Dans les laboratoires du sommeil, on cherche à élucider les liens biologiques et neuroanatomiques qui unissent ces symptômes et pourraient modifier notre approche des troubles mentaux.
La recherche clinique montre que le stress perturbe directement le sommeil et les rythmes circadiens et engendre des troubles psychiatriques. Les altérations du sommeil sont une dimension centrale des pathologies psychiques. Il est nécessaire d’affiner les différents phénotypes pour mieux comprendre les processus physiologiques sous-jacents.
A partir de l’intervention du Professeur Pierre-Alexis Geoffroy, responsable du centre CHRONOS, psychiatrie, chronobiologie et sommeil, du GHU Paris Psychiatrie Neurosciences à l’hôpital Bichat à Paris.
Longtemps méconnus, les mécanismes biologiques qui relient le sommeil, ses altérations et le développement de pathologies psychiatriques, sont de mieux en mieux compris.
L’activation du système de stress entraîne une production de cortisol et une dysrégulation glutamatergique au niveau central. Des processus de neuro-inflammation avec activation de la microglie en découlent. Ces processus ont un impact sur les systèmes de neuroplasticité.
Dans les pathologies psychiques chroniques dont les premiers symptômes apparaissent dès l’enfance, on observe des phénomènes de neuro-progression avec présence de stress oxydatif et accumulation de protéines toxiques. Des déficits de neuroprotection apparaissent avec notamment une réduction des facteurs neurotrophiques tels que le BDNF1 et une altération de la sécrétion de mélatonine au niveau mitochondrial.
Au centre CHRONOS on étudie le sommeil des patients avec traumatismes, cauchemars, insomnie ou dépression.
Le stress post-traumatique et ses conséquences sur le sommeil.
Activation de l’amygdale, du système nerveux autonome et troubles du sommeil
La confrontation à un évènement traumatique intense entraîne une sensation de mort imminente. L’amygdale (système limbique) activée, déclenche une réponse de stress dite de « fight or flight »2, avec activation de l’ensemble du système nerveux autonome qui permet de réagir au danger.
Le même processus est observé dans l’insomnie et la dépression.
Cette activation se maintient dans le temps et entraîne des modifications du sommeil : sommeil fragmenté par des micro-réveils, sommeil lent profond perturbé et altérations du sommeil paradoxal.
Le trauma sleepdisorder (TSD)
Les observations menées avant et après un stress (mission opérationnelle), sur des militaires d’en moyenne 35 ans, ont permis de définir un nouveau type de troubles du sommeil baptisé « trauma sleepdisorder » (TSD).
Ce trouble est défini cliniquement au regard des critères suivants : cauchemars traumatiques, comportements nocturnes complexes avec activation du système sympathique, perte de l’atonie musculaire en sommeil paradoxal.
Les symptômes apparaissent tardivement, dans les semaines voire les mois suivant l’évènement traumatique.
Les cauchemars, un processus de digestion du stress
Les cauchemars correspondent à un processus physiologique de « digestion » du stress et des émotions. Ils sont nécessaires pour éteindre le signal amygdalien et diminuer le stress.
Ce processus implique l’activation de l’hippocampe (souvenir vécu), qui à son tour active l’habenula, puis le cortex préfrontal et d’autres localisations afin de tenter de revivre les situations qui posent un problème. Les zones activées au moment du cauchemar sont les mêmes que celles qui ont été activées au moment du vécu traumatique.
On a longtemps pensé que les cauchemars se produisaient essentiellement en sommeil paradoxal. Des études récentes3 ont montré qu’il en existe dans toutes les phases de sommeil et particulièrement en milieu et en fin de nuit.
Un sommeil de mauvaise qualité avant le stress augmente le risque de stress post-traumatique
Les militaires qui avaient déjà un sommeil de mauvaise qualité se sont révélés plus à risque de développer un TSD et il a été démontré qu’un sommeil de bonne qualité avant le stress crée un environnement protecteur.
De ces constats est née l’idée qu’il serait souhaitable de créer ce terrain protecteur en amont de l’exposition au traumatisme, par une éducation à l’hygiène du sommeil, des techniques de relaxation, voire un recours à la médecine du sommeil, chez les personnes exerçant des professions exposées à des situations particulièrement stressantes comme les pompiers, les militaires, les policiers ou encore les médecins intervenant sur les catastrophes.
Des interventions précoces au cours des missions militaires : gestion des rythmes par des systèmes de quart durant le déploiement des opérations, sas de décompression et si besoin recours à un psychiatre, sont susceptibles d’améliorer la récupération posttraumatique et d’éviter l’évolution vers un trouble de stress post-traumatique constitué.
Les troubles du sommeil et troubles de l’humeur
Toutes les situations susceptibles de perturber les rythmes de sommeil peuvent induire des troubles de l’humeur
Le post-partum, les jet-lags (surtout au-delà de trois fuseaux horaires), le travail de nuit 4 et les veillées nocturnes peuvent être des pourvoyeurs de vulnérabilité et d’entrée dans les troubles du sommeil puis de l’humeur5. C’est aussi le cas de traumatismes, infections ou même changement de saison chez les personnes sensibles. Dans le trouble bipolaire, 25% des patients ont des patterns saisonniers.
L’incidence est plus importante chez les personnes qui présentent plus de trois épisodes d’insomnie par semaine ou qui sont somnolentes le jour.
Les troubles du sommeil, une composante commune des troubles dépressifs
La plainte de sommeil (92% des patients dépressifs), est un symptôme central de la dépression 6 . Ils souffrent d’insomnie pour 85% d’entre eux et/ou d’hypersomnie pour 48%, isolées ou associées.
Conclusion
Dépression et architecture du sommeil
Au cours d’un épisode dépressif, l’enregistrement polysomnographique objective un allongement de la latence de sommeil, des réveils nocturnes plus fréquents, des réveils matinaux précoces (classiques dans la mélancolie) s’accompagnant d’une douleur morale intense le matin qui s’améliore avec la journée. On observe également une diminution du temps total de sommeil et une réduction de l’efficience du sommeil.
En sommeil paradoxal, on enregistre classiquement un raccourcissement de la latence, une prédominance en début de nuit (ordinairement en deuxième partie de nuit) et une augmentation des mouvements oculaires rapides. Ces modifications du sommeil paradoxal sont probablement les altérations de l’architecture du sommeil les plus spécifiques.
Elles sont retrouvées dans d’autres pathologies : le TOC, le stress post-traumatique et l’insomnie mais, plus de la moitié des patients qui présentent ces pathologies sont également déprimés. Elles peuvent également être présentes chez des sujets sains.
Traduisent-elles un facteur de risque d’évolution vers la dépression ou sont-elles une cicatrice de dépression ?
L’augmentation des mouvements oculaires rapides semblerait prédire la conversion en trouble dépressif majeur, en particulier chez les hommes7
Hypersomnie et dépression
Les études montrent un temps total légèrement augmenté (> 10 heures/24h) chez 80 % des patients déprimés et seulement chez 50% des patients non déprimés8.
Les chercheurs concluent qu’il faut cesser de parler de clinophilie (aimer rester coucher) pour les personnes déprimées car la réalité de l’hypersomnolence est clairement objectivée par l’enregistrement.
Troubles du sommeil précurseurs des troubles de l’humeur et du risque suicidaire
Plus de 80% des patients rapportent des troubles du sommeil à type d’insomnie (« je dors mal »), d’hypersomnie et/ou de parasomnies avant un épisode dépressif et 76% avant un épisode maniaque9 Chez les patients déprimés, en proie au désespoir, le fait de ne pas dormir la nuit peut précipiter les conduites suicidaires.
80% des patients font état d’une altération de leurs rêves10 avant une crise suicidaire. Cela se traduit pour 67,5% par de « mauvais rêves », c’est-à-dire des rêves dysphoriques qui ne les réveillent pas forcément et sont présents en moyenne quatre mois avant le passage à la crise suicidaire. 52,5% font mention de cauchemars les réveillant, environ trois mois avant la crise suicidaire. On sait que le dépistage du suicide n’est pas efficace puisque la moitié des personnes suicidaires a rencontré un professionnel de santé dans le mois précédant le passage à l’acte. Interroger les patients sur leurs rêves 11 par une question très simple, comment rêvezvous ? permettrait de mieux dépister le risque suicidaire.
Le stress entraîne des perturbations directes du sommeil et peut provoquer des troubles psychiatriques.
Dossier : Le Sommeil
Étudiants : relation entre sommeil et pensées suicidaires
Travaux d’Omela Adjahou du laboratoire de P.A Geoffroy, centre CHRONOS
Le suicide représente la deuxième cause de décès chez les 15 à 29 ans.
Les pensées suicidaires, première étape vers le suicide, sont fréquentes chez les jeunes.
Les chercheurs suspectent que des perturbations du sommeil seraient des facteurs de risque de survenue de pensées suicidaires.
La présente étude, vise à estimer l’association entre sommeil et pensées suicidaires chez les étudiants de France.
6400 étudiants au total, majoritairement âgés de 18 à 21 ans, principalement des femmes, ont répondu.
- Un sur cinq rapportait avoir eu des pensées suicidaires dans les douze derniers mois et 4,6% de façon fréquente.
- Un sur cinq rapporte au moins trois épisodes insomniaques par semaine et 17,5% plus de trois épisodes de somnolence par semaine.
- La moitié de ces étudiants évoque des privations de sommeil au moins hebdomadaires et 45% signalent une mauvaise qualité de sommeil.
L’analyse statistique montre une corrélation significative entre la fréquence des pensées suicidaires et les troubles du sommeil, quelle que soit leur nature.
Cette association persiste après ajustement à la santé mentale et concerne les quatre dimensions du sommeil étudiées (insomnie, somnolence, privation et qualité).
Cette étude confirme que le sommeil représente un marqueur clinique facile à évaluer du risque suicidaire.
Messages principaux :
• Le stress post-traumatique se traduit par des altérations du sommeil.
• Un sommeil de bonne qualité crée un environnement protecteur vis-à-vis du stress.
• Des interventions préventives : éducation à l’hygiène de sommeil, protection du sommeil des professionnels exposés (systèmes de quart des militaires, limitation des années de travail nocturne…) sont nécessaires.
• Les altérations du sommeil sont prédictives de la survenue de troubles de l’humeur.
• Il est important d’analyser les liens entre troubles du sommeil et troubles de l’humeur pour comprendre comme se fait la bascule.
• Une mauvaise qualité de sommeil est un facteur prédictif de risque suicidaire.
2.Ce que nous apprennent les expérimentations animales
Influence du cortex cérébral sur la régulation du sommeil en situation de stress aigu
D’après une intervention de Thierry Gallopin, Chercheur en neurophysiologie au laboratoire Plasticité du cerveau CNRS, maître de conférences à l’ESPCI Paris Tech.
Le stress est identifié comme un facteur influençant le sommeil. Des processus corticaux, notamment au niveau du cortex préfrontal, sont susceptibles d’intégrer des informations et de moduler l’activité de neurones situés dans le noyau pré-optique ventrolatéral (VLPO) de l’hypothalamus déjà identifié comme contenant des neurones promoteurs du sommeil.
En résumé
• Le cortex préfrontal envoie des projections excitatrices monosynaptiques sur les neurones promoteurs du sommeil du VLPO.
• La voie cortex préfrontal-VLPO est sélectivement recrutée en condition de stress et induit un raccourcissement des épisodes de sommeil paradoxal au profit du sommeil lent (chez la souris).
• Un état de défaite sociale peut provoquer une insomnie suivie d’une diminution prolongée de la durée des épisodes de sommeil paradoxal.
• Il reste à comprendre quel centre régulateur du stress active les neurones VLPO.
Pour en savoir plus :
Stress chronique, sommeil et activité cérébrale
D’après une intervention de Pierre-Hervé Luppi Directeur de recherche en neurophysiologie Sleep Team CNRS/INSERM. Université
Claude Bernard Lyon1.
Rédaction : Sylvie Sargueil
Mots clefs : dépression ; stress chronique ; habenula latérale
En résumé
L’augmentation des durées du sommeil paradoxal observée dans la dépression en est-elle la cause ou la conséquence ?
Un modèle de souris transgénique mimant symptômes et troubles du sommeil de la dépression humaine a été validé. L’analyse du cerveau entier est en cours pour déterminer l’effet du stress chronique sur l’activation neuronale pendant le sommeil paradoxal. La prochaine étape consistera à manipuler en optogénétique les
structures activées pendant le sommeil paradoxal afin de déterminer leur effet sur la dépression.
Pour en savoir plus :
Stress has been identified as a factor influencing sleep. Cortical processes, particularly in the prefrontal cortex, are likely to integrate information from the external or internal environment and modulate the activity of neurons remotely located in the ventrolateral preoptic nucleus (VLPO) of the hypothalamus, which has already been identified as containing sleep-promoting neurons.
Vous invite à participer à
¡ Bibliographie
2 Combattreoufuir
Journée Ville-Hôpital
1 Brain-derived neurotrophic factor
3 E. Saguinet al.; An ecological approach to clinically assess nightmares in military service members with severe PTSD ; Sleep Medicine ; 2023
4 Recommandations : pas plus de cinq ans de travail de nuit
5 Geoffroy Soleihacet al. ; Sleep disturbances and incident risk of major depressive disorder in a population based-cohort; Psychiatry Research ; 2024
6Geoffroy et al. Prevalence of sleep complaints in 3773 participants with major depressive disorder between the two waves of the NESARC ; 2017
Thème : Syndrome Activation Mastocytaire (SAMA) chez l’enfant
7Soleilhac G. et al. Sleep disturbances and incident risk of major depressive disorder in a population-based cohort Psychiatry Res 2024
8 P.A Geoffroy et al. Major depressive disorder with hypersomnolence complaint: a comparison study with non-depressed individuals examining objective biomarkers Journal of affective disorders
9Basquin L, Maruani J, Leseur J, Mauries S, Bazin B, Pineau G, Henry C, Lejoyeux M, Geoffroy PA. Study of the different sleep disturbances during the prodromal phase of depression and mania in bipolar disorders. Bipolar Disord. 2024
10P.A Geoffroy et al.Bad dreams and nightmares preceding suicidal behaviors ; J Clin Psy 2022
11Geoffroy et al. How are you dreaming? A very simple question to screen for suicide risk ; Bipolar Disorder 2023
Le 20 novembre 2025 à 14H00
Necker
Amphithéâtre
Robert Debré
Vous invite à participer à
Inscriptions limitées – gratuites et obligatoires avant le 16 novembre 2025 via le QR code ou https://www eventbrite fr/e/1425062082049?aff=oddtdtcreator Journée Ville-Hôpital
Thème :
Syndrome Activation Mastocytaire (SAMA) chez l’enfant
Le 20 novembre 2025 à 14H00 À L’hôpital Necker
Amphithéâtre Robert Debré
Vous invite à participer à
Journée Ville-Hôpital
Thème :
Syndrome Activation Mastocytaire (SAMA) chez l’enfant
Le 20 novembre 2025 à 14H00 À L’hôpital Necker Amphithéâtre Robert Debré
Dossier : Le Sommeil
Macrocéphalie chez le nouveau-né, le nourrisson et le jeune enfant
Pr Olivier Klein, Neurochirurgien CHRU Nancy
La macrocrânie ou macrocéphalie, est définie par un périmètre crânien (PC) ≥ 2 DS. La démarche diagnostique est clinique avec étude du PC à la naissance, de sa cinétique (décrochage de la courbe vers le haut) et du contexte clinique (macrocrânie isolée, signes de gravité ou anomalies cliniques). Elle dictera la réalisation d’éventuels examens complémentaires, parfois en urgence.
Nous remercions vivement le Professeur Olivier Klein pour sa contribution par une relecture experte.
Rédaction : Véronique Desvignes
Définitions et courbes
La macrocrânie ou macrocéphalie se définit par un périmètre crânien (PC) ≥ 2 DS.
La mesure du PC se fait avec un mètre-ruban et tient compte du plus grand périmètre passant au-dessus des oreilles au niveau des bosses frontales et occipitales.
● En cas de valeur anormale, il est conseillé de vérifier le PC à 3 reprises et de retenir la mesure intermédiaire.
● En cas de macrocrânie, il est conseillé de toujours mesurer le PC des parents et de la fratrie.
La cinétique de la courbe de PC permet de savoir s’il existe ou non un changement de couloir vers le haut (décrochage).
Les courbes de périmètre crânien suivent une certaine variabilité selon les pays.
Les courbes de Nellhaus font référence mais elles sont légèrement différentes de nos courbes françaises.
En France les dernières courbes de PC ont été introduites en 2018 dans le carnet de santé.
En pratique, que faire devant une macrocrânie chez un nouveau-né nourrisson ou un jeune enfant ?
3 questions à se poser :
► Est-ce que la macrocéphalie est présente en anténatal et/ou à la naissance ?
► Ya-t-il un changement de couloir vers le haut de la courbe de PC ?
► Ya-t-il des signes de gravité ?
- Des signes d’hypertension intracrânienne (HTIC) : fontanelle bombante et large, sutures disjointes, vomissements répétés, hypotonie, somnolence ou l’irritabilité, veines du cuir chevelu apparentes, apparition brutale d’un strabisme convergent (paralysie du VI uni ou bilatérale) ou d’un regard en coucher de soleil…
- Des signes neurologiques focaux (déficit moteur, convulsion …).
Attention : il faut aussi se souvenir que les signes d’HTIC peuvent rester discrets chez le nourrisson en raison de la disjonction des sutures et l’élargissement de la fontanelle, même en cas d’HTIC d’installation rapide.
Orientation diagnostique : Voir annexe
Focus sur quelques pathologies
Les causes principales de macrocéphalies d’apparition secondaire sont les épanchements péri-cérébraux, l’hydrocéphalie et les processus intracrâniens. Dans tous ces cas, l’hypertension intracrânienne peut engager le pronostic vital de l’enfant.
Les hématomes péri-cérébraux
► L’hématome sous-dural est de loin le plus fréquent. Il doit immédiatement faire penser au syndrome du bébé secoué en rapport avec l’arrachement des veines-ponts de la convexité.
► Les hématomes extra-duraux sont plus rares. Ils se produisent toujours dans un contexte traumatique clairement identifié.
L’hydrocéphalie
► L'hydrocéphalie non communicante ou obstructive
C’est la cause la plus fréquente d'augmentation pathologique du périmètre crânien chez le nourrisson avant la fermeture des fontanelles. L'obstruction, le plus souvent située au niveau de l'aqueduc de Sylvius, plus rarement du 4ème ventricule, provoque la dilatation rapide du 3ème ventricule puis des ventricules latéraux. C’est une vraie urgence thérapeutique.
Les causes les plus fréquentes en sont :
● La sténose de l'aqueduc, primitive (de plus en plus de causes génétiques sont identifiées) ou beaucoup plus rarement secondaire à une méningite, un hématome compressif, un abcès ou une exceptionnelle tumeur des plexus choroïdes…
● Les hydrocéphalies malformatives : Dandy-Walker, malformation de Chiari.
● Les tumeurs de la fosse postérieure.
► L’hydrocéphalie communicante
Dans l’hydrocéphalie communicante post-méningite ou post-hémorragie intra-ventriculaire les ventricules sont dilatés par défaut de résorption du LCR mais ils communiquent entre eux. L’augmentation de pression est moindre que dans les hydrocéphalies non communicantes mais elles justifient un avis neurochirurgical rapide et souvent une intervention.
L’épanchement extra-axial bénin du nourrisson ou élargissement des espaces péri-cérébraux
Le tableau clinique est très différent. Cliniquement les enfants ont souvent un front large et bombant. La
fontanelle antérieure est large mais ne bombe jamais quand l’enfant est en proclive.
Le développement psychomoteur est normal, en dehors d’une tenue de tête souvent un peu difficile les premiers mois compte-tenu de son poids et de quelques difficultés transitoires en motricité fine.
Une macrocrânie familiale est souvent retrouvée.
L’ETF retrouve généralement un élargissement des espaces péri-cérébraux. La physiopathologie n’est pas encore clairement identifiée. Elle correspondrait à diminution de la résorption du LCR dans les espaces sous-arachnoïdiens en raison d’une immaturité des granulations de Pacchioni qui disparaît avec la fermeture des sutures crâniennes.
La courbe de PC se stabilise dans le courant de la 2ème année dans son couloir.
Le pronostic est excellent.
Les processus intracrâniens
Ils sont souvent diagnostiqués désormais en anténatal.
● Les tumeurs
Sus et sous-tentorielles, elles peuvent être malignes (médulloblastome) ou bénignes (astrocytomepilocytique).
● Les kystes arachnoïdiens
Il s’agit de cavités extra-parenchymateuses et intraarachnoïdiennes contenant du liquide céphalo-rachidien. Souvent asymptomatiques, ils peuvent parfois augmenter ou diminuer de volume.
Les kystes arachnoïdiens situés dans la région temporosylvienne et découverts plus tardivement sont toujours des kystes acquis.
La mégalencéphalie
La mégalencephalie est caractérisée par un volume excessif du cerveau qui ne présente pas d’anomalies à l’imagerie.
● Dans sa forme bénigne ou idiopathique, l’enfant a une macrocrânie isolée harmonieuse, sans décrochage vers le haut et un développement psychomoteur parfait. L’ETF est normale. La courbe de PC se stabilise vers 18 mois. On retrouve souvent une macrocrânie chez l’un des parents faisant évoquer une transmission autosomique dominante.
En conclusion
Un PC entre 2 et 3 DS avec un examen clinique rassurant, sans décrochage de la courbe de PC, chez un enfant dont l’un des parents a lui-même « une grosse tête », est rassurant.
● Mégalencéphalie syndromique
La mégacéphalie est parfois un des signes cliniques de pathologies plus complexes. Elle n’est alors souvent pas au premier plan du tableau clinique.
- Pathologies génétiques
Certaines pathologies génétiques associent par exemple une macrocrânie avec une cinétique du PC régulière, une dysmorphie, et/ou une déficience intellectuelle et des symptômes neurologiques. C’est le cas de l’achondroplasie, du syndrome de l’X fragile, du syndrome de Sotos, de certains syndromes neurocutanés comme la neurofibromatose ou la sclérose tubéreuse de Bourneville.
Le syndrome de Cowdenest responsable d’environ 10% des mégalencéphalies. Il est particulier en raison de l’existence d’hamartomes multiples dans divers tissus et surtout un risque accru de tumeurs malignes du sein (85% des cas), de la thyroïde, de l'endomètre. Un conseil génétique et une surveillance sont essentiels pour ces enfants et leurs parents chez lesquels le diagnostic peut parfois ne pas avoir été posé.
- Des maladies métaboliques
Certaines leucodystrophies, mucopolysaccharidoses (Hurler, Hunter…), de l’acidurie glutarique, etc…peuvent aussi s’accompagner d’une augmentation progressive du PC souvent associée à des anomalies neurologiques qui vont aller en s’aggravant.
Les examens complémentaires
L’échographie trans-fontanellaire est rapide et fiable. Elle est systématique.
En cas d’urgence (HTIC ou examen neurologique anormal).
- L’IRM cérébrale (non irradiante) est indiquée. A défaut le scanner (irradiant).
- Le fond d’œil recherche un œdème papillaire (HTIC) ou des hémorragies rétiniennes (HSD). Sa réalisation ne doit pas retarder une prise en charge urgente.
En revanche, quand la macrocrânie est associée à des signes cliniques alarmants (HTIC), un décrochage de la courbe de PC, des troubles du neuro-développement et/ou un syndrome dysmorphique une recherche étiologique est nécessaire et souvent urgente.
Messages essentiels
• La macrocrânie est définie par un PC ≥ 2DS.
• 3 questions à se poser :
- Était-elle présente avant la naissance et/ou à la naissance ?
- Y a -t-il eu décrochage de la courbe de PC ?
- Y a-t-il des signes de gravité : HTIC, signes neurologiques, cutanés, neuro-développementaux ?
• L’échographie trans-fontanellaire est très performante et facile d’accès. L’IRM ou à défaut le scanner reste souvent nécessaire.
• L’hématome sous-dural doit en tout premier lieu faire évoquer un syndrome du bébé secoué jusqu’à preuve du contraire. Penser à faire le FO avec photos rapidement (dans les 72 heures) par un médecin thésé.
• L’hydrocéphalie est une urgence neurochirurgicale absolue quand elle est non communicante et relative quand elle est communicante.
• Des pathologies complexes et plus rares doivent être évoquées en présence de signes associés.
• L’épanchement extra-axial bénin du nourrisson (ou élargissement des espaces péri-cérébraux) est d’excellent pronostic.
• La macrocrânie isolée est souvent familiale et non pathologique.
Macrocéphalie
Annexe : Macrocranie Arbre décisionnel
Macrocéphalie
" La vitamine D, essentielle jusqu’à 18 ans ? "
La vitamine D joue un rôle clé dans la santé osseuse et le métabolisme. Le rachitisme, conséquence de son déficit et bien qu'historique, refait surface dans les pays industrialisés. Malgré des recommandations claires de la Société Française de Pédiatrie (SFP), publiées en 2022, pour une supplémentation systématique chez les enfants, ma thèse menée en 2024 révèle une application insuffisante de ces directives. De nombreux enfants, entre 0 et 18 ans, ne bénéficient pas d’une supplémentation adéquate. Cet article revient sur les résultats de cette thèse, en rappelant les recommandations actuelles, en analysant les facteurs influençant la supplémentation en vitamine D et les erreurs de prescriptions fréquemment commises. Il met également en lumière la nécessité d’une information renforcée auprès des parents et des professionnels de santé pour garantir la santé des jeunes générations.
Dr Emma Albert, Pédiatre
Réflexion sur les recommandations, leurs applications et les enjeux de santé publique autour de la supplémentation en vitamine D chez les enfants et les adolescents.
Introduction
La vitamine D est essentielle à la croissance osseuse et au bon fonctionnement de l’organisme. Pourtant, malgré sa reconnaissance et la publication de recommandations précises, de nombreux enfants ne reçoivent pas la supplémentation nécessaire. Ce manque de prise en charge soulève des questions fondamentales : pourquoi la vitamine D est-elle négligée en consultation pédiatrique ? Quelles sont les causes de cette défaillance, et quelles solutions peuvent être mises en place pour améliorer la situation ? A partir de ma thèse, dirigée par le Dr Fouatih, pédiatre endocrinologue à l’hôpital du Kremlin Bicêtre et l’hôpital Armand Trousseau à Paris, cet article explore les enjeux de la supplémentation en vitamine D à travers une analyse des pratiques actuelles de supplémentation. Je remercie l’AFPA qui m’a attribué une bourse pour ce travail.
Les Fondamentaux de la Vitamine D
Rôle physiologique de la vitamine D
La vitamine D est primordiale pour l’équilibre phosphocalcique et la minéralisation osseuse. Son déficit peut entraîner des pathologies graves telles que le rachitisme mais son implication ne se limite pas au métabolisme osseux.
A l’échelle cellulaire, la vitamine D pourrait inhiber la voie des lymphocytes TH1 en stimulant la voie TH2.
Récemment il a été découvert des récepteurs spécifiques à la vitamine D (VDR ou Vitamin D Receptor). Ces récepteurs sont présents dans la majorité des tissus et organes (os, rein, intestin, système immunitaire, système cardiovasculaire, pancréas, muscles, cerveau).
L’activation des VDR induit :
● Une diminution des cytokines pro-inflammatoires (tumor necrosis factor- α, interleukine1, interféron γ).
● Une augmentation des cytokines anti-inflammatoires (notamment interleukine 10).
● Une augmentation de l’activité des agents antithrombotiques (antithrombine III et thrombomoduline).
La vitamine D semble également avoir un rôle paracrine local avec un effet sur la croissance, la différenciation cellulaire, l’apoptose, l’angiogénèse et l’immunomodulation1
Le complexe 1.25 (OH) vitamine D/VDR régule plus de 500 gènes dont certains participent à la pathogénie des maladies chroniques (asthme, dermatite atopique, sclérose en plaques…). 2/3
Apports alimentaires et synthèse cutanée
La vitamine D est apportée par deux voies : endogène et exogène. La synthèse endogène a lieu au niveau de
la peau grâce à l’action du soleil. Les sources exogènes principales incluent les poissons gras, les produits laitiers enrichis et les abats. Elles sont loin de couvrir les besoins recommandés 4. De plus, en France, l’intensité du rayonnement ultraviolet nécessaire à la synthèse cutanée de vitamine D est efficace seulement entre juin et octobre. La présence de vêtement couvrant ou de crème solaire empêche la synthèse de vitamine D. Il est donc nécessaire d’apporter une supplémentation en vitamine D.
Recommandations de Supplémentation et Politiques Publiques
Évolution des politiques publiques en France
Depuis les années 1920, diverses politiques ont été mises en place pour lutter contre le rachitisme, avec une année 1963 importante puisqu’un arrêté a rendu la supplémentation en vitamine D médicamenteuse systématique pour les nourrissons.
En 1971 la supplémentation a été étendue aux enfants jusqu’à 5 ans. 50 ans plus tard, au vu de l’évolution des connaissances, la Société Française de Pédiatrie a mis à jour ses recommandations5
Les recommandations de la SFP
Les recommandations actuelles sont les suivantes :
► Une supplémentation quotidienne pour les enfants âgés de 0 à 2 ans.
► À partir de 2 ans :
- Une posologie augmentée en cas de facteurs de risques (obésité ou maladie chronique, peau noire, régime vegan, absence d’exposition solaire).
- La possibilité de passer à une supplémentation par ampoule en cas d’observance quotidienne insuffisante.
Application Pratique des Recommandations
La thèse en bref
Nous avons étudié l'application des recommandations de la SFP par les patients d’une part et les prescripteurs d’autre part. Nous avons diffusé des questionnaires entre février et novembre 2024. Notre étude observationnelle, épidémiologique et descriptive nous a permis d’analyser 548 réponses de patients et 523 réponses de prescripteurs répartis sur tout le territoire français.
Résultats des patients
Un enfant sur 5 âgé de 0 à 2 ans et 2 enfants sur 5 âgés de 2 à 18 ans ne sont pas supplémentés en vitamine D. 18% des enfants de 0 à 2 ans sont supplémentés via des compléments alimentaires.
Au total plus de la moitié des enfants de 0 à 18 ans ne reçoivent pas la supplémentation recommandée.
Les raisons de l’absence de supplémentation sont variées : oublis fréquents, effets secondaires présumés, manque de connaissance sur la vitamine D et/ou absence de prescription par les médecins.
Résultats des prescripteurs
Près de 25% des prescriptions des 0-2 ans et 65% des prescriptions des 2-18 ans ne sont pas conformes aux recommandations.
Les prescriptions des médecins spécialistes de l’enfants (pédiatres ou médecins généralistes exerçant en centre de protection maternel infantile) sont significativement plus conformes que celles des médecins généralistes exerçant en cabinet.
En cas de prescriptions non conformes, plusieurs erreurs sont relevées.
Pour les 0-2 ans, certains médecins adaptent encore la dose selon l’allaitement ou la couleur de peau ce qui n’est plus recommandé dans cette tranche d’âge. Cette uniformisation des recommandations permet de renforcer la sécurité des enfants et d’améliorer l’adhésion des familles.
D’autres médecins prescrivent systématiquement 3 à 4 gouttes de cholécalciférol 10 000 UI/ml, ce qui est légèrement au-dessus des recommandations. Une minorité de médecins recommande un complément alimentaire.
Légende tableau I : Résumé des recommandations de la SFP sur la supplémentation en vitamine D (2022)
Graphique 1 : Conformité de l’administration de vitamine D par tranche d’âge
Graphique 2 : Justifications de l’absence de supplémentation en vitamine D en fonction de l’âge
Chez les patients de 2 à 18 ans, 42 % des médecins ne prescrivent pas la posologie correcte de vitamine D et 48 % n'ajustent pas leurs prescriptions en cas de facteur de risque.
Parmi les médecins déclarant prescrire de la vitamine D à leurs patients de 2 à 18 ans, 46% proposent une forme quotidienne si le patient l’accepte. La forme quotidienne de supplémentation est à préférer car plus physiologique5
Le pourcentage de prescriptions sous forme d’ampoules de façon bimestrielle, trimestrielle ou semestrielle n’a pas été étudié.
Les défis à surmonter
Le manque de connaissance des parents
Près de la moitié des parents ne comprennent pas pourquoi la vitamine D est essentielle pour la santé de leur enfant. Ce manque de connaissance est un obstacle majeur à une supplémentation efficace. Nous avons montré que les enfants dont les parents sont informés de son importance sont significativement mieux supplémentés.
Une dérive de la supplémentation en vitamine D : les compléments alimentaires
Une supplémentation en vitamine D mal maîtrisée représente des risques.
Les compléments alimentaires, en vente libre en pharmacie, ne répondent pas à la législation du médicament. Leurs processus de fabrication et leur stabilité ne répondent pas aux mêmes exigences de contrôle et de qualité que les médicaments.
De plus le conditionnement et le dosage sont parfois exprimés en gouttes, parfois en millilitre ce qui peut être sources de confusion pour les parents et mener ainsi aux sous ou surdosage. Un surdosage en vitamine D n’est pas anodin. L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES), l’a rappelé dans différents rapports6
Une des raisons pour laquelle les parents utilisent des compléments alimentaires est la croyance en une
mauvaise tolérance de la vitamine D « médicament » qui provoque, selon de nombreux parents, des pleurs, des reflux gastro-œsophagiens ou des coliques. Selon certains, ces symptômes seraient en lien à la présence d’huile essentielle d’orange dans le ZymaD ou d’huile essentielle de citron pour l’Adrigyl. A l’heure actuelle aucune étude scientifique n’a prouvé le lien entre la présence de ces huiles essentielles et les effets indésirables.
Ces croyances, basées sur des observations parentales, et largement diffusées sur les réseaux sociaux sans validation scientifique, influencent beaucoup les choix parentaux alors qu’il existe certainement un lien de temporalité (période de la vie du nourrisson où les troubles digestifs sont très fréquents) et non de causalité. Par ailleurs, il est intéressant de préciser que, dans notre questionnaire de thèse, aucun parent d’enfant âgé de plus de 10 ans n’a rapporté d’effet indésirable.
C’est le rôle du médecin de rappeler l’importance de l’utilisation de la vitamine D, l’absence d’effets secondaires sous réserve d’une posologie respectueuse des recommandations
Des prescriptions moins fréquentes à partir de l’âge de 2 ans
Plus l’âge de l’enfant augmente, moins il est supplémenté en vitamine D. Cet écart peut être expliqué par un suivi plus espacé des enfants après l’âge de 2 ans.
Toute consultation, systématique ou non, devrait être l’occasion de vérifier la bonne prescription de la vitamine D.
Amélioration de l’observance
La prise quotidienne prolongée, si elle est physiologiquement préférable, reste toutefois souvent un obstacle à une bonne compliance. Chaque famille peut, avec l’aide du médecin, essayer de trouver son rythme de supplémentation. Par exemple, une prise oubliée peut être récupérée en donnant une double dose le lendemain. Chaque famille peut aussi, avec l’aide du médecin, essayer de trouver son rythme de supplémentation comme donner le week-end une dose correspondant aux doses cumulées de la semaine.
Pour améliorer l’observance, à partir de 2 ans, la supplémentation peut être effectuée sous forme d’ampoules comme précisé dans les recommandations de 2022.
Discordance de préconisations
En mars 2024 le collège national des enseignants de médecins générale (CNGE) a publié un avis avec pour intitulé « Faut-il continuer à supplémenter en Vitamine D les enfants en bonne santé ? ». Dans ce communiqué il est précisé en conclusion « Il est raisonnable de maintenir une supplémentation systématique de 400 à 800 UI/jour chez les nourrissons en particulier avant l’âge de 1 an, en cas d’allaitement maternel ou en présence de facteur de risque de carence, même si le bénéfice clinique individuel est actuellement impossible à démontrer tant l’incidence du rachitisme est faible. Pour les autres situations cliniques les données actuelles ne permettent pas de conclure à une balance bénéfice/risque favorable de la supplémentation en vitamine D. »7
Graphique 3 : Conformité ou non des prescriptions par catégories d’âges
Il est vrai que les études cliniques sur la supplémentation en vitamine D reposent essentiellement sur des études épidémiologiques. Les quelques rares études comparatives randomisées ne peuvent pas dresser de conclusions formelles.
Par exemple, une étude danoise, citée dans le communiqué du CNGE, n’a pas démontré d’effets notables de la supplémentation en vitamine D sur les marqueurs du remodelage osseux ni sur la densité osseuse. Cette étude randomisée, en double-aveugle, portait sur des immigrants originaires du Pakistan résidants au Danemark. L’étude a inclus des filles (âgées de 10,1 à 14,7 ans) des femmes (18,1 à 52,7 ans) et des hommes (17,9 à 63,5 ans). Les participants ont reçu quotidiennement une dose de 10μg, 20μg ou un placebo pendant 1 an. Les concentrations ont été mesurées à l’inclusion, à 6 mois puis à 1 an. Il est possible qu’aucun effet n’ait été montré du fait d’une courte durée du suivi8
Une autre étude vietnamienne n’a pas mis en évidence de réduction significative du taux d’infection grippale chez les
En conclusion
Malgré la disponibilité de recommandations claires et la reconnaissance de l’importance de la vitamine D, des lacunes importantes persistent dans la pratique clinique. La sensibilisation des parents et des professionnels de santé est primordiale pour garantir que chaque enfant
Messages essentiels
patients supplémentés en vitamine D. En revanche une réduction modérée des autres infections respiratoires a été mise en évidence9.
Malgré ces résultats contradictoires peu nombreux, les modèles expérimentaux laissent à penser le rôle primordial que possède la vitamine D dans le fonctionnement de notre organisme, comme nous l’avons vu plus haut.
L’importance de l’éducation des professionnels de santé
Les pédiatres et médecins généralistes doivent être convaincus de l’importance de la vitamine D et mieux formés aux nouvelles recommandations de la supplémentation en vitamine D.
Une meilleure collaboration interprofessionnelle, des prescriptions systématiques de vitamine D et un suivi régulier des prescriptions sont nécessaires pour éviter les disparités encore existantes dans la supplémentation en vitamine D.
bénéficie des apports nécessaires pour sa santé osseuse et son développement. Une approche coordonnée et renforcée est donc indispensable pour lutter contre ce problème de santé publique.
1• La supplémentation en vitamine D est indispensable pour tous les enfants, de la naissance à 18 ans.
2• Les recommandations actuelles ne sont pas toujours suivies, et de nombreux enfants ne sont pas correctement supplémentés.
3• L’évaluation et la prescription des doses de vitamine D doivent être rigoureuses et adaptées aux besoins individuels des enfants, en intégrant à partir de l’âge de 2 ans, les facteurs de risque (obésité ou maladie chronique, peau noire, régime vegan, absence d’exposition solaire).
4• Une meilleure information des parents est essentielle pour améliorer la situation.
¡ Bibliographie
1 Adams JS, Hewison M. Update in Vitamin D. The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism. 1 fé 2CERIN - Centre de recherche et d’information nutritionnelles [Internet]. 2010 [cité 8 nov 2024]. La vitamine D : nouvelles données. Disponible sur : https://www.cerin.org/wp-content/uploads/2010/01/117 la vitamine d nouvelles donnees choledoc.pdf
3 Brehm JM, Schuemann B, Fuhlbrigge AL, Hollis BW, Strunk RC, Zeiger RS, et al. Serum vitamin D levels and severe asthma exacerbations in the Childhood Asthma Management Program study. Journal of Allergy and Clinical Immunology. juill 2010;126(1):52-58.e5.
4Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail [Internet]. 2021 [cité 8 nov 2024]. Les références nutritionnelles en vitamines et minéraux. Disponible sur: https://www.anses.fr/fr/content/ 5Bacchetta J, Edouard T, Laverny G, Bernardor J, Bertholet-Thomas A, Castanet M, et al. Vitamin D and calcium intakes in general pediatric populations: A French expert consensus paper. Archives de Pédiatrie. mai 2022;29(4):312-25. les-r%C3%A9f%C3%A9rences-nutritionnelles-en-vitamines-et-min%C3%A9raux
6Crenn P, Atlan C, Boissonnas A, Boltz P, Buhl ND, Gerson M, et al. Avis de l’Anses relatif à des intoxications à la vitamine D chez des nourrissons par mésusage de compléments alimentaires.
7CNGE - Conseil Scientifique du Collège National des Généralistes Enseignants. [Internet]. 2024. [cité 8 nov 2024] Faut il continuer à supplémenter en vitamine D les enfants en bonne santé ? Disponible sur : https://www.cnge.fr/wp-content/uploads/2024/03/240326_AvisCS_VitamineD_vbdd.pdf
8Andersen R, Mølgaard C, Skovgaard LT, Brot C, Cashman KD, Jakobsen J, et al. Effect of vitamin D supplementation on bone and vitamin D status among Pakistani immigrants in Denmark: a randomised double-blinded placebo-controlled intervention study. Br J Nutr. juill 2008;100(1):197-207.
9Loeb M, Dang AD, Thiem VD, Thanabalan V, Wang B, Nguyen NB, et al. Effect of Vitamin D supplementation to reduce respiratory infections in children and adolescents in Vietnam: A randomized controlled trial. Influenza Resp Viruses. mars 2019;13(2):176 - 83.
Hélène Romano, Doctrice en psychopathologie clinique, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme, coordonnatrice de la cellule d'urgence médico-psychologique du 94 et de la consultation de psychotraumatisme au CHU de Créteil.
Recueillir la parole de l’enfant ou de l’adolescent traumatisé en cabinet
A partir du webinaire AFPA le 15 mai 2025
Les violences sont multiples : violences physiques, psychiques, sexuelles mais aussi carences affectives, négligences, syndromes de Münchhausen par procuration…
C’est parfois le trouble post-traumatique qui motive la consultation mais souvent c’est la constatation de troubles du comportement ou de l’humeur qui attire l’attention des parents et/ou du médecin.
La majorité des violences subies par les enfants sont commises en intrafamilial ce qui rend complexes les évaluations qui peuvent avoir lieu en présence de l’auteur.
Comment mener cette consultation de recueil de la parole de l’enfant en évitant les phrases maladroites ou inadaptées, les jugements et les pièges diagnostiques, en essayant d’échapper à l’influence de l’entourage et de nos propres « a priori », tout en gardant comme curseur principal le respect des besoins fondamentaux de l’enfant : protection, sécurité et valorisation ?
Rédaction : Dr Véronique Desvignes
Quelques spécificités pédiatriques à bien connaître
La réalité du vécu dépend de la maturité de l’enfant.
L’enfant a sa propre réalité qui diffère de celle des adultes et de la vérité judiciaire stricto sensu. Il ne maîtrise pas bien la temporalité.
Deux exemples :
« Souvent » ne veut pas dire grand-chose pour un enfant de 6 ans quand on essaie de lui faire préciser la fréquence de possibles violences physiques
A la question : « Est-ce que c’était la nuit ? », quand il répond « oui » parce qu’en hiver il fait nuit tôt, il ne ment pas, même quand les faits se sont déroulés l’après-midi.
La retranscription des dires de l’enfant par le médecin se doit d’être très prudente. Il est essentiel d’indiquer les questions posées, reprendre les mots exacts et les réactions de l’enfant au moment où il s’exprime. Faute de quoi l’évaluation peut parfois se retourner contre l’enfant.
L’impact traumatique d’un événement peut être sous-estimé.
L’événement traumatique (confrontation à la mort ou à un événement mortifère comme les violences sexuelles) conduit au traumatisme psychique, c’est-à-dire à la blessure psychique.
Certains enfants ou adolescents auront des troubles post-traumatiques (TPT), d’autres apparemment pas. Ces TPT peuvent être indépendants de la gravité pénale. Par exemple, un(e) adolescent(e), après un viol, peut ne pas sembler présenter de trouble envahissant. D’autres, après des attouchements,seront complètement effondrés.
L’expressivité des troubles est très variable et le diagnostic difficile.
L’expressivité est différente selon les enfants, leur âge, le type de violences et/ou le contexte familial, social.
Il peut s’agir d’hypervigilance, de troubles attentionnels, mnésiques ou dissociatifs ou d’un effondrement.
Ces troubles sont à différencier des TSA, TDAH ou des troubles psychotiques, ce qui peut parfois être compliqué et rendre le diagnostic d’autant plus difficile que l’agression est majoritairement le fait d’un membre de la famille, d’un proche qui a la confiance des parents) ou qui fait autorité (enseignant, éducateur, entraîneur).
L’expressivité des troubles est parfois différée
Les faits sont souvent récents mais il faut se souvenir aussi que les troubles post-traumatiques peuvent apparaître de façon différée par rapport à des faits parfois anciens.
Un enfant ou un adolescent peut ainsi se sentir subitement très mal quelques années après avoir vécu et refoulé dans sa mémoire le « jeu de l’olive »1
Chez les petits de 3-4 ans qui présentent des comportements très suspects d’agression sexuelle (discours ou comportements suggestifs par exemple), il faut se souvenir que parfois ils peuvent avoir été abusés ou exposés à des scènes de violence conjugale quand ils n’étaient que des bébés.
Un enfant victime ne parle souvent pas
On croit toujours qu’un enfant victime parle. C’est un paradigme à changer car la plupart des enfants victimes ne parlent pas.
● Parfois ils n’ont pas les mots : ils sont petits et ne parlent pas encore, ils sont handicapés…
● Plus grands, ils n’ont pas toujours tous les mots : un enfant de 5-7 ans va dire « il m’embête » car il ne connaît pas le mot « viol ».
● La peur les empêche souvent de parler : la terreur inspirée par l’auteur des violences, la peur de la réaction des parents quand il s’agit d’un ami de la famille ou d’un proche, l’angoisse de la répression (en cas de
harcèlement par exemple), la honte, la culpabilité et la crainte des conséquences sont autant d’explications à une parole différée.
● La peur de la reviviscence des faits lors de l’entretien et/ou de l’examen est aussi souvent bien présente. Les reviviscences peuvent être très traumatiques avec une sur-victimisation qui rend parfois indicible le récit des violences.
D’où l’importance du non-verbal car quand l’enfant ne parle pas, c’est souvent son corps qui s’exprime. Quelques exemples : un enfant qui apparait terrorisé lorsqu’il y a un bruit brusque en cours de consultation, un autre qui, sur la table d’examen, se met à quatre pattes, défait sa culotte et écarte ses fesses, etc.
La consultation de recueil de la parole : une consultation éminemment sensible
Savoir reconnaître les risques de parasitage de l’évaluation
L’évaluation peut être parasitée par différents facteurs :
► Le positionnement des parents peut influencer la perception du professionnel quand ils sont trop ou pas assez protecteurs, qu’ils croient l’enfant ou non, qu’ils réagissent devant ses conduites inadaptées de l’enfant ou le laissent faire…
► Le vocabulaire employé par certains parents « Wikipédia » notamment en cas de conflits familiaux peut aussi être la source de confusion des situations : la médiatisation et la « victimophilie » de la société peuvent facilement interférer sur le ressenti des médecins…
► L’effraction psychique du médecin varie selon qu’il voit l’enfant pour la première fois, qu’il le suit depuis longtemps, qu’il connaît ses parents, que lui-même est plus ou moins expérimenté. Autant de facteurs qui peuvent influencer sa perception et expliquer qu’il soit dans le déni ou au contraire trop indulgent.
► La brusquerie d’une révélation peut aussi perturber le recueil d’une parole. En revanche, quand le médecin, même aguerri, a été prévenu par un des parents par exemple d’une situation ou d’un comportement particulièrement choquant ou traumatisant, qu’il a eu le temps de « se préparer », il lui est plus facile d’aborder la consultation sans être envahi de dégoût, d’effroi ou de gêne…
► Le contexte juridique, des pressions de la part des parents ou de l’entourage peuvent aussi pousser le professionnel dans ses retranchements et influencer sa perception, qu’il s’agisse de sollicitude anxieuse ou de manipulation volontaire.
Prendre soin de l’ergonomie de salle de consultation
Le cadre du cabinet est très important pour rassurer l’enfant ou l’adolescent.
Il faut faire sortir le(s) parents ou les accompagnants pour se ménager un temps seul avec lui.
Il est important de se mettre à sa hauteur, d’être proche de lui (comme quitter sa place de derrière le bureau et le rejoindre) pour montrer qu’on est en capacité d’écouter sa parole.
La porte doit être bien fermée pour qu’il se sente en confiance.
Avoir des outils de médiation (certains jouets ou poupées par exemple pour les plus petits…) peut faciliter la communication.
Technique du recueil de la parole
Il ne s’agit pas de faire une audition pour savoir ce qui est vrai ou faux.
Non, l’objectif est d’essayer de comprendre ce qui s’est réellement passés sans induire les réponses. C’est là toute la difficulté.
On peut schématiquement diviser l’entretien en 4 parties : Première partie : le professionnel se présente
Pendant ce temps fondamental, le professionnel explique qui il est.
Il se positionne comme une personne de confiance. « Tu sais, je suis médecin ou psychologue. J’ai déjà entendu des enfants me parler de choses difficiles. Tu peux avoir confiance en moi… ».
Un conseil important : préférer le mot « confidentiel » au mot « secret ». Le mot « secret » est à éviter car c’est souvent l’arme de l’agresseur : « C’est notre secret ; Si tu le dis, papa va aller en prison ».
Il est préférable de dire, même si le mot « confidentiel » est moins simple : « Ce que tu me diras restera confidentiel entre toi et moi. Je n’en parlerai à personne, sauf si je te pense vraiment en danger »
Ce temps représente environ le quart de l’entretien avec l’enfant.
Deuxième partie : essayer de comprendre sans juger
Ce deuxième temps est plus long (environ la moitié de l’évaluation).
L’abord est forcément différent selon l’âge de l’enfant, son niveau de langage, de communication et de compréhension.
Il est conseillé de partir d’abord sur des domaines sécures : « Qu’est-ce que tu aimes faire pour te détendre un peu ? Tu aimes jouer au foot ? A la poupée ? Aux jeux vidéo ? ».
De façon non frontale, plus indirecte et périphérique, on peut aussi demander comment il se sent en ce moment, quels sont les endroits où il se sent bien, ceux où il n’aime pas trop aller, s’il a mal quelque part…
Pour mieux préciser et comprendre ce qui s’est peut-être passé, il est préférable de dire « Quand je te vois jouer à ça, quand tu me dis que …, je me dis, j’ai l’impression que ... Qu’est-ce que tu en penses ? Je me trompe peut-être … ».
Il ne s’agit pas d’induire des réponses mais toujours d’essayer de comprendre au besoin en reformulant très précautionneusement les questions.
Par exemple demander : « On t’a déjà touchée là ? » en montrant la poupée, c’est déjà induire une réponse. A éviter.
Plutôt partir sur « Est-ce que tu peux m’expliquer ?
Quand tu me montres ça, tu veux me dire quoi ? Est-ce que tu peux m’expliquer ton dessin, je ne comprends pas bien … »
Prenons un exemple :
Adrien, un jeune garçon de 6 ans est amené par sa maman car elle l’a retrouvé dans une chambre avec sa cousine de 4 ans qui lui suçait le zizi. Elle banalise un peu pensant que les 2 enfants sont encore jeunes et ne se rendent pas trop compte de ce qu’ils font. Mais 6 ans, c’est quand même un peu grand pour ce jeu sexuel…
Le professionnel : « Ta maman m’a dit que ….? Est-ce que tu veux bien m’en dire quelque chose ? J’aimerais bien comprendre. C’était agréable ou pas ? C’était un jeu pour toi ? Tu avais déjà fait ça avant ? Peut-être que oui ? Tu avais trouvé que ça te faisait du bien ? ».
Avec une construction étayante du propos, en essayant de ne pas laisser transparaître de sentiments ni de jugement de valeur, Adrien a fini par dire que son grand cousin de 16 ans avait organisé des séances avec les petits cousins pendant lesquels ils faisaient « ça ». Comme c’était agréable, il a recommencé avec sa petite cousine. L’utilisation de reformulations « miroirs » : « Tu as dit ça. C’est bien ça que tu as voulu me dire ? », de questions non suggestives, de formulations hypothéticodéductives sont utiles comme autant de leviers réflectifs. En revanche émettre un jugement comme « tu sais que tu n’as pas le droit de faire ça » coupe court à toute possibilité de compréhension de ce qui s’est passé.
Si l’enfant ne veut pas parler, il ne faut pas le forcer mais dire qu’on le comprend, qu’il peut prendre son temps (empathie transitionnelle), qu’on est prêt à le revoir si besoin.
Messages essentiels
• Les enfants petits ne maîtrisent pas bien la temporalité.
Accompagner l’enfant à parler peut prendre du temps. Il n’est pas rare que la parole se libère au bout de quelques semaines, mois voire années.
Inutile de le culpabiliser. Plutôt essayer de comprendre pourquoi il n’a pas voulu raconter ce qui s’est passé : « Tu étais harcelé et tu avais honte, peur » ? « Ce n’est pas parce que tu n’as pas été gentil que ton papa a tapé ta maman. Rien n’est de ta faute ».
Il faut s’ajuster à l’enfant en permanence.
Enfin il est toujours très important d’être attentif aux comportements de l’enfant : le non-verbal est informatif. Certains sont en détresse, dégoûtés, d’autres non. Troisième partie : la synthèse
Le dernier quart de l’évaluation est consacré à la synthèse, avec l’enfant, de ce qu’il a raconté et de ce qu’on a compris, de ce qu’on va dire ou ne pas dire à ses parents.
L’enfant doit pouvoir refaire confiance à l’adulte.
Le recueil des dires de l’enfant dans son dossier doit être le plus précis possible : reprise des questions posées et des mots exacts qu’il a utilisés.
La restitution aux parents permet l’appréciation de leur positionnement.
• L’expressivité d’un trouble post-traumatique est variable selon les enfants, parfois différée de plusieurs années.
• Les manifestations cliniques sont diverses et souvent trompeuses.
• La parole de l’enfant ou de l’adolescent peut être très difficile à libérer.
• Pour la recueillir, le professionnel doit d’abord essayer de comprendre sans juger. Ce n’est pas un interrogatoire ni une audition.
• Beaucoup de facteurs peuvent venir parasiter l’évaluation.
• Il faut éviter d’induire des réponses.
• Tout doit être fait pour que l’enfant refasse confiance à l’adulte.
• Les écrits sont indispensables avec une retranscription des questions posées, des réponses de l’enfant et de son comportement ; et de la réaction du/des parent.s.
Recueillir la parole de l’enfant ou de l’adolescent est toujours un exercice difficile, même pour les médecins expérimentés. Les comportements des enfants et des adolescents le plus souvent non linéaires, les attitudes des parents, les réactions des médecins variables en fonction de leur vécu, de leur expérience et des circonstances de l’entretien rendent ces consultations très sensibles.
Beaucoup de prudence, d’écoute, d’empathie et de recul sont nécessaires pour recueillir sans jugement ni brusquerie une parole d’enfant ou d’adolescent.
Pour poursuivre
Romano H. La parole de l’enfant témoin ou victime : Compréhension, recueil, évaluation. Autoédition - https://www.amazon.fr/ parole-lenfant-t%C3%A9moin-victime-Compr%C3%A9hension/dp/B09TDW5J3X
Romano H. Accompagner en justice l’enfant victime de maltraitance ou d’accident, Paris, Dunod.
Romano H. L’enfant face au traumatisme, Paris, Dunod
Romano H. Quand la vie fait mal aux enfants, Paris, Odile Jacob
Et le podcast PARENTHEME pour accompagner les parents face aux sujets difficiles https://podcast.ausha.co/parentheme https://smartlink.ausha.co/parentheme
¡ Bibliographie
1Cette pratique, souvent banalisée par les enfants eux-mêmes, consiste à mettre un doigt dans les fesses d'un camarade par-dessus ses habits et sans son consentement afin de le prendre par surprise. Ce « jeu », qui n'en est pas un en réalité, peut être considéré comme une forme d'abus sexuel.
Les premiers mois de bébé : quel parcours de soins, entre réseaux et choix nutritionnels ?
À l’occasion du congrès AFPA 2025, les Laboratoires Guigoz ont organisé un symposium réunissant trois experts autour d’un enjeu central : l’accompagnement du nourrisson dans ses premiers mois de vie. L’enquête présentée par Sophie Guillaume révèle les fragilités du parcours de soins post-natal. Le Dr Sandra Brancato souligne l’importance des choix nutritionnels dans les 1000 premiers jours, en insistant sur les critères de qualité des laits infantiles. Enfin, le Dr Marc Bellaïche aborde les troubles fonctionnels intestinaux du nourrisson, fréquents mais souvent mal compris. Ce symposium appelle à une meilleure coordination des soins et à une approche nutritionnelle fondée sur les dernières données scientifiques.
Introduction : Une période clé, des enjeux multiples
Les premiers mois de vie d’un bébé sont une période de grande vulnérabilité, mais aussi d’opportunités. La sortie de maternité marque le début d’un parcours de soins souvent complexe, où les jeunes parents doivent faire face à de nombreuses décisions, notamment en matière de nutrition. À l’occasion du congrès AFPA, le 7 juin dernier à La Rochelle, les Laboratoires Guigoz ont organisé un symposium réunissant professionnels de santé et experts pour une session dédiée à ces enjeux cruciaux. Laurence Beck, responsable des affaires médicales en nutrition infantile chez Guigoz, a ouvert
1. Sophie Guillaume – Le parcours de soins post-natal : entre constats et perspectives
Sage-femme coordinatrice au CH de Bastia, Sophie Guillaume a présenté les résultats d’une enquête nationale1 menée en 2023 auprès de 628 professionnels de santé (sages-femmes hospitalières et libérales, pédiatres et médecins généralistes). Cette étude révèle une réalité contrastée : si 90 % des nouveaunés sont pris en charge par le binôme sage-femme/ auxiliaire de puériculture, la préparation de la sortie reste souvent insuffisante, avec seulement 17 % des sorties organisées de manière systématique.
Une fois à domicile, malgré des relations jugées bonnes entre sages-femmes et pédiatres dans 80 % des cas, près de la moitié des sages-femmes libérales déclarent rencontrer des difficultés à obtenir un avis médical en ville. Résultat : les parents sont souvent réorientés vers les urgences ou la maternité d’origine, ce qui génère stress et désorganisation.
Sophie Guillaume insiste sur la nécessité de renforcer les relais entre la maternité et la ville, en s’appuyant sur des réseaux territoriaux formalisés et en valorisant le rôle de la sage-femme référente, encore trop peu déployé. Elle appelle également à mieux structurer la coordination interprofessionnelle, notamment entre sages-femmes, pédiatres, médecins généralistes et PMI, pour sécuriser cette période de transition et répondre aux attentes croissantes des familles.
2. Dr Sandra Brancato – La nutrition infantile : un levier pour la santé future
Pédiatre à Brignon, le Dr Brancato a rappelé que les 1000 premiers jours – de la conception aux deux ans
les échanges en soulignant que les premiers jours de vie constituent une période charnière, où les choix effectués peuvent avoir un impact durable sur la santé de l’enfant. L’événement a proposé une approche croisée, mêlant expertise de terrain, données scientifiques et retours d’expérience. Comment assurer une continuité des soins efficace ? Quels critères pour choisir un lait infantile adapté ? Comment prendre en charge les troubles digestifs fréquents chez le nourrisson ? Autant de questions qui ont nourri les discussions tout au long de cette rencontre.
de l’enfant – constituent une fenêtre d’opportunité unique pour influencer positivement la santé à long terme. L’alimentation joue un rôle central dans cette programmation métabolique.
Elle a détaillé les bénéfices de l’allaitement maternel, tant pour l’enfant (croissance optimale, prévention des infections, développement du microbiote) que pour la mère (récupération post-partum, prévention de certains cancers)2. Mais lorsque l’allaitement n’est pas possible, le choix du lait infantile devient crucial.
Tous les laits infantiles ne sont pas équivalents. Le Dr Brancato a mis en avant l’importance de formules contenant :
● Une teneur réduite en protéines (< 1,34 g/100 ml) pour limiter la surcharge rénale et se rapprocher du lait maternel, et une teneur élevée en lipides (> 3,4 g/100 ml) pour assurer un bon apport énergétique et favoriser le développement cérébral3 ;
● Des acides gras essentiels et leurs dérivés comme le DHA et l’ARA , pour soutenir le développement neurologique et visuel ;
● Au-delà de ces macronutriments, l’attention se porte aujourd’hui sur les composants bioactifs, en particulier les HMO (Human Milk Oligosaccharides). Troisième composant solide le plus abondant du lait maternel, les HMO favorisent un microbiote intestinal sain, renforcent la barrière intestinale et soutiennent l’immunité4
Ainsi, le choix d’un lait infantile ne se limite pas à une question de tolérance ou de goût : il s’agit d’un véritable levier pour la santé future à intégrer dans une approche globale et personnalisée du suivi post-natal.
3. Dr Marc Bellaïche – Troubles fonctionnels intestinaux : comprendre, rassurer, adapter
Gastropédiatre à l’hôpital Robert Debré, le Dr Marc Bellaïche a abordé les troubles fonctionnels intestinaux (TFI) du nourrisson, qui concernent plus d’un nourrisson sur deux. Ces troubles – coliques, reflux, constipation bien que bénins, sont source d’inquiétude pour les parents et peuvent altérer la qualité de vie familiale5 À travers des cas cliniques, il a illustré l’importance d’une évaluation clinique rigoureuse, en s’appuyant sur les critères de Rome IV6 , et sur la nécessité de rassurer les parents tout en évitant les traitements médicamenteux inappropriés
En conclusion
Ce symposium a mis en lumière la nécessité d’une approche globale et coordonnée pour accompagner les familles dans les premiers mois de vie de leur enfant. De la sortie de maternité aux choix nutritionnels, en passant par la gestion des troubles digestifs, chaque
A retenir :
La prise en charge repose avant tout sur :
● Une guidance parentale bienveillante.
● Une évaluation de la dyade mère-enfant.
● Des mesures hygiéno-diététiques adaptées.
Le choix de la formule infantile peut également jouer un rôle clé : certaines formules enrichies en prébiotiques, probiotiques ou épaissies peuvent améliorer le confort digestif, réduire les pleurs et les régurgitations, et favoriser un transit plus régulier7 .
Enfin, le Dr Bellaïche a souligné l’importance de personnaliser la prise en charge, en tenant compte du contexte familial, des attentes des parents, et de l’évolution des symptômes. Une approche globale, centrée sur l’écoute et l’accompagnement , est essentielle pour éviter l’escalade thérapeutique et restaurer un climat de confiance.
étape compte. Les professionnels de santé ont un rôle clé à jouer pour sécuriser ce parcours, rassurer les familles et promouvoir des pratiques fondées sur les données scientifiques les plus récentes.
• Le parcours de soins post-natal reste fragile : il nécessite une meilleure coordination entre maternités, ville et professionnels libéraux.
• Les 1000 premiers jours sont une période clé pour la santé future de l’enfant : l’alimentation y joue un rôle central.
• Tous les laits infantiles ne se valent pas : HMO, teneur en protéines, DHA, ARA et autres composants bioactifs doivent guider le choix.
• Les troubles digestifs du nourrisson sont fréquents mais généralement bénins : une prise en charge rassurante et adaptée est essentielle.
• Les Laboratoires Guigoz s’engagent aux côtés des professionnels pour soutenir une approche fondée sur la science, l’écoute et la prévention
¡ Bibliographie
1 Brancato S et al. Parcours de soin du nouveau-né : retour d’expérience de 628 professionnels de santé. Médecine et Enfance, Numéro 2 – Volume 44 –
Mars Avril 2024, pages 27-28
2Dae Yong Yi, Human Breast Milk Composition and Function in Human Health: From Nutritional Components to Microbiome and MicroRNAs, 2021
6 ROME IV Benninga and Nurko et al Gastroenterology 2016 Vol. 150, No. 6
7Haiden, Infant formulas for the treatment of functional gastrointestinal disorders: A position paper of the ESPGHAN Nutrition Committee, 2024
Emmanuelle Piquet, Psycho-praticienne, Thérapeute selon l’École de Palo Alto, maître de conférences à l’Université de Liège
J’ai demandé dernièrement à une quinzaine de praticiens aguerris de cette école de pensée d’élaborer ensemble une métaphore qui définisse l’École Palo Alto. La voici : L’École de Palo Alto, c’est, dans une situation de souffrance, d’impuissance, la possibilité pour nos patients de prendre un virage en épingle à cheveux, à l’exact opposé de leur précédente trajectoire.
Ce tournant est pris après que les patients ont tenté avec beaucoup de persévérance (et sans résultat) de se maintenir sur l’autoroute plus ou moins balisée qui leur a longtemps semblé la seule possible, la seule logique, la seule envisageable pendant des années, voire des décennies. C’est ainsi que Paul Watzlawick décodait brillamment la plupart des situations génératrices de souffrance en une phrase devenue célèbre : « le problème, c’est la solution. »
Ce qui est certain, c’est qu’en choisissant de faire ce demitour doucement ou brutalement, nos patients prennent le risque, en modifiant conséquemment leur quotidien, de perturber les autres passagers et les véhicules qui roulaient auparavant autour d’eux.
Ils s’exposent aussi au risque de se retrouver dans un nouvel environnement, avec de nouvelles contraintes, de nouveaux dangers.
En ce sens, ce virage est fréquemment très difficile à prendre. Mais la souffrance et l’impuissance ressenties sur la trajectoire initiale auront, elles, disparu.
D’un point de vue historique, cette école de pensée doit son nom à la ville éponyme dans laquelle se constitua le cénacle invisible des infatigables chercheurs et cliniciens qui en fondèrent les prémisses : Gregory Bateson en involontaire figure de proue, Dick Fisch, John Weakland, Paul Watzlawick, Don Jackson et Milton Erickson pour n’en citer que certains parmi les plus illustres. Cliniciens hors pair, ils consultaient en équipe et accompagnèrent nombre de patients dans des problématiques très variées et notamment celles rencontrées par des parents de petits et moins petits enfants.
En tentant de nous jucher sur leurs géantes épaules, nous accompagnons des parents de bébés, enfants ou adolescents vers l’emprunt de ce virage à 180 degrés. Et il s’agit très souvent de les aider à cesser un combat.
Quelques exemples
• Celui de la maman d’Elias, 5 ans, qui essaie depuis que son fils est tout petit de contenir des colères de plus en plus homériques et ingérables, surtout à l’extérieur. Elle a tout essayé la maman d’Elias : éviter de déclencher ses colères en lui épargnant quand c’est possible les contrariétés les plus frustrantes ; essayer de le calmer par tous les moyens quand la colère explose, en cédant quand elle n’en peut vraiment plus, en tentant de le distraire, en le punissant, en essayant de le contenir physiquement, en le suppliant d’arrêter ; lui expliquer après chaque crise à quel point ses comportements sont inadéquats et lui font de la peine. En vain.
École de Palo ALto, en questions
Le thérapeute paloaltien soulignera auprès d’elle que continuer à aller dans le sens d’un « Calme-toi, Elias », avant, pendant et après les colères ne fonctionne visiblement pas et qu’il serait sans doute intéressant, à l’exact inverse, qu’elle prescrive cette colère à son fils avant qu’elle n'explose, en lui disant par exemple : « je vais arrêter ton dessin animé et tu vas être très énervé, donc tu vas crier, pleurer, dire des mots méchants, et ça ne sera pas un problème pour moi, je ne t’en empêcherai pas du tout, parce que moi aussi quand j’étais petite, ça m’énervait beaucoup quand on me faisait ça ». Ce qui reviendra à passer du « calme-toi Elias » à « tu peux te mettre en colère Elias », tout en maintenant la consigne initiale. Virage à 180 degrés fréquemment très apaisant pour le climat familial quand il est emprunté sans ironie aucune, mais dans cet accueil des colères enfantines plutôt que dans leur vaine contention.
• Ou celui du père de Mattéo, 10 ans, qui est terriblement inquiet parce que son garçon ne travaille pas, ni à l’école, ni le soir au moment des devoirs. Il faut dire qu’il a été diagnostiqué TDAH et qu’il a de grandes difficultés à se concentrer. Que ce soit son père, sa grand-mère quand elle le garde certains soirs ou sa maîtresse, tout le monde est obligé de rester à côté de lui et de l’exhorter à se focaliser sur ses devoirs, sinon il ne fait rien. Ce sont donc le soir, des heures entières passées avec Mattéo sur les devoirs, pour des notes très médiocres, des cahiers qui volent, et une relation fils/père qui très logiquement se dégrade, au même titre que celle que le garçon entretient avec les apprentissages scolaires. Passer de la prise en charge logique et inefficace « concentre-toi et mets-toi au travail, Mattéo » à la responsabilisante posture du « Je te laisse décider si tu veux faire tes devoirs ou pas, je serais disponible pour d’éventuelles questions entre 18H et 18H30 » est un virage à 180° particulièrement difficile, d’autant plus que souvent, les notes ne s’améliorent pas. Seule la relation devient plus douce.
• Ou encore celui de la maman de Lila, 7 ans, qui considère que sa fille a été embarquée dans une relation toxique avec la petite Lilou, 7 ans, une véritable peste qui fait pleurer sa fille en refusant de jouer avec elle plusieurs fois par semaine. Elle n’a de cesse, pour la protéger, cette maman inquiète, que de dire à Lila d’arrêter de parler à Lilou, de se choisir d’autres copines, bref de l’envoyer paître. Et elle se sent totalement impuissante quand elle constate que son briefing quotidien est vain voire aggravant car Lila, décidément, ne parvient pas à rompre avec Lilou.
Au lieu du « arrête de lui parler », le « si tu restes copine avec elle, c’est que tu passes sûrement de très bons moments, si un jour tu en as assez, je serai là pour t’aider » déculpabilise l’enfant, tout en lui assurant de notre soutien le cas échéant. C’est infiniment rassérénant autant que contre-intuitif.
C’est dans l’encouragement fait à leurs patients de prendre ce virage à 180°, que pédiatres et palo-altiens peuvent coopérer de façon singulièrement productive pour apaiser certaines souffrances des parents et des enfants.
Emilie Roquand Wagner, Doc Lili
Dis DocLili, comment aborder l’usage des écrans avec les enfants ?
C’est la rentrée et c’est l’occasion de poser de nouvelles bases, de reprendre les règles de vie en famille et de redéfinir les limites… par exemple en termes d’écrans ?
Alors qu’au début de l’été était publié l’arrêté gouvernemental sur l’interdiction de l’usage des écrans avant 3 ans, quelques mois plus tôt sortait le rapport d’experts sur les effets des écrans poétiquement intitulé « A la recherche du temps perdu ».
De très nombreux livres ont été publiés sur le sujet et les réseaux sociaux regorgent de multiples avis d’experts (ou pas).Le sujet déchaîne les passions, divise et avec parfois des avis contradictoires sur la question… Normal que les parents nagent dans la confusion !
Entre angoisse de surconsommation, risques liés aux réseaux sociaux et réels dangers, pas facile de s’y retrouver et d’informer correctement les enfants. Les écrans ont envahi nos vies et sont devenus incontournables voire indispensables de notre quotidien… et les enfants n’y échappent pas !
Sans être alarmiste, le mésusage des écrans, tant au niveau du temps passé que des contenus visionnés, peut avoir un réel impact négatif sur le développement des enfants à court mais aussi à long terme, et les études aujourd’hui ne laissent aucun doute. Connaître ces dangers permet de mieux les prévenir et accompagner les enfants dans le numérique.
Mais attention aussi aux intox qui pullulent.
Des programmes et campagnes d’information de qualité existent, dont celui de mpedia.fr « Moins d’écrans, plus d’interaction », l’association OPEN (Observatoire de la Parentalité en Numérique), le site gouvernemental « jeprotegmonenfant.fr » ou encore les repères de Serges Tisseron. Ils permettent d’y voir un peu plus clair et d’accompagner les parents… Mais ils sont souvent noyés avec d’autres infox.
Comment passer tous ces messages aux enfants et susciter la collaboration plutôt qu’imposer un interdit ?
Et bien, les albums peuvent être de bons médiateurs pour expliquer les mésusages des écrans, prévenir et informer pour, sous couvert d’humour et de jolies histoires, engager la discussion entre parents et enfants.
Les écrans coupent les enfants de leurs interactions, essentielles à leur développement et aux liens d’attachement. Ils vont perturber leur attention en les hypnotisant, limiter leurs expériences concrètes sensorimotrices, leur apprentissage du langage. Ils génèrent possiblement des troubles du sommeil ou alimentaires et peuvent troubler leurs repères du monde…
Dès le plus jeune âge on peut l’aborder.
Dans Loupé ! (Christian Woltz, éditions du Rouergue, 2017), collé à son écran, un jeune garçon va s’agacer et tout louper dans un enchaînement de situations comiques,
alors que le papi à côté contemple la nature qui l’entoure, bien ancré, lui, dans le présent et le réel. Un album jubilatoire sans texte.
Ou celui de ce poussin captivé par son Doudouphone (Jean Charles Sarrazin, Gallimard, 2021) qu’il s’est fabriqué pour faire comme les grands, délaissant ses amis, s’isolant et se rendant vulnérable face au méchant loup ou encore cet autre poussin, tout aussi crédule, dans Clic Clic Danger (Jeanne Willis et Tony Ross, Gallimard, 2014 ) qui se laisse embarquer dans des achats inconsidérés à la découverte d’internet et se fait aborder par un ami virtuel, profil au premier abord sympathique derrière lequel se cache le méchant loup, histoire d’aborder aussi la cybercriminalité, les dangers des relations sur les réseaux et de l’intimité virtuelle.
Le sujet est aussi intelligemment soulevé dans #Boucledor (Jeanne Willis et Tony Ross, Little Urban, 2019) en revisite 2.0 du conte traditionnel avec une Boucle d’or ultra-connectée qui fait le buzz sur les réseaux et sera prise à son propre jeu à force de publier tout ce qu’elle fait…#Boucledor questionne les informations que l’on peut révéler sur notre identité et fait réfléchir aussi aux informations trouvées sur internet, développe l’esprit critique et les connaissances des risques comme ceux des achats intégrés , de la pornographie et de la pédocriminalité par exemple.
Un enfant pour se développer a besoin d’échanges, de communiquer avec l’autre, d’interagir avec son environnement, d’être actif, créatif, d’expérimenter.
Pourtant, dès qu’on interdit les écrans aux enfants, ils répondent souvent qu’ils vont s’ennuyer… Alors que ce sera bien l’inverse, comme pour les personnages de Léonnie s’ennuie (Céline Monchoux et ZAD, Utopique éditions, 2024) et Un grand jour de rien (Béatrice Alemagna, Albin Michel, 2019) qui, privés de leurs écrans, vont pouvoir laisser aller leur imaginaire et leur créativité pour partir dans de folles aventures !
S’interroger sur l’usage des écrans chez les enfants revient aussi à remettre en question l’usage qu’en font les adultes et parents… Parce que finalement les premiers consommateurs sont bien les parents et pour autant leurs enfants ont besoin de leur disponibilité, leur attention pour bien grandir…C’est bien mon cœur (Owen Gent, éditions Obriart, 2024) est la réponse automatique d’une maman absorbée par son smartphone dont le fils tente par tous les moyens d’attirer son attention pour partager ses aventures au parc. Dans une autre histoire, la petite fille agacée que sa maman ne fasse pas attention à elle, scandera Puisque c’est comme ça je pars ! (Yvan Pommaux, Ecole des loisirs, 2017).
Les papas ne sont pas en reste dans Regarde, papa (Eva Montanari, éditions Thierry Magnier, 2020) et Papa est connecté (Philippe de Kemmeter, La Martinière jeunesse, 2015) où l’indisponibilité du père, captivé par un écran, même pour le travail, est pointée.
Dans la Journée sans écran, (Emmanuelle Lepetit et Ana Duna, Fleurus, 2021) les enfants se rebellent et imposent à leurs parents de lâcher leurs écrans et partager des activités avec eux, renversement de situation très drôle dans un album malicieux qui plait beaucoup aux plus jeunes !!
Parfois tout le monde est hypnotisé, parents comme enfants, réduisant au minimum les échanges au sein de la famille et c’est leur chien,le narrateur, qui se plaindra de Ma famille (dé)connectée (Annick Masson et Amélie Javaux, Mijade, 2022) et fera une fugue pour les faire réagir ! Des histoires pour rappeler des situations vécues qui pourront être débriefées et peut-être inciter à réfléchir à comment faire autrement.
Christian Voltz nous régale encore avec son nouvel album Au travail (Christian Voltz, édition du Rouergue, 2024) qui critique l’intelligence artificielle et ChatGPT que l’auteur utilise pour réaliser l’histoire à sa place. Fera-t-elle mieux que lui ?
Et l’excellent Le Petit ChaPUBron rouge (Alain Serres et Clotilde Perrin, éditions Rue du monde, 2010) qui aborde la société de consommation et l’abondance excessive des publicités qui s’immiscent ici carrément dans l’histoire de
façon décalée et drôlissime, titillant l’esprit critique des enfants… et des parents !
L’idée n’est pas de dire « il faut/il faut pas » mais plutôt de réfléchir, sur la base des données et recommandations actuelles, à des stratégies de gestion du numérique qui ont du sens pour chaque famille, qui paraissent faisables et qui sont surtout ajustées aux besoins de chaque enfant et adolescent, en s’intéressant à ce qu’ils font sur leurs écrans et en les informant des usages et des risques, comme pour la sécurité dans la rue.
Il n’y a pas de méthode clé, pas de solution miracle, chaque famille est différente et doit créer sa façon de faire…
La parentalité numérique c’est puiser dans la boîte à outils des ressources et conseils pour bricoler ce qui semble nécessaire et important pour chaque famille, par rapport à ses valeurs, sa culture, ses attentes, le projet éducatif, en partant des besoins des enfants et en respectant leur singularité.
Et les albums peuvent nous aider à dialoguer et réfléchir !
Et retrouvez toutes les thématiques sur la chaine www.youtube.com/@doclili
● Episode 1
Vidéo sur les écrans :
● Episode 2 ● Saga Enfants Vs Ecrans
Rejoignez-nous à l’association LiJeP, Littérature Jeunesse et Parentalité et visitez le site pour pleins de conseils lecture : www.associationlijep.com
¡ Bibliographie
Fabienne Kochert, Ex-présidente de l'AFPA, SG du CNPP, FSM
Emmanuel Cixous, PH Seclin, président du CNPP, vice-président SNPEH, FSM
Liliane Cret, Bureau et commission scientifique de l'AFPA, CNPP
Les pédiatres et la Certification Périodique
Depuis le 1er janvier 2023, la certification périodique (CP) est devenue obligatoire pour l’ensemble des professionnels de santé rattachés à un ordre. Cette démarche vise à garantir le maintien et l’actualisation régulière des compétences, dans une logique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins. Comme tous les médecins, les pédiatres en activité sont tous concernés, quel que soit leur mode d’exercice (hospitalier, libéral, pédiatrie communautaire, salarié en centre de santé etc.).
La CP est une évolution des dispositifs antérieurs : formation continue, analyse des pratiques, gestion des risques, développement professionnel continu.
Deux nouveaux blocs représentés par l’amélioration de la relation avec les patients et la meilleure prise en compte de la santé personnelle du praticien viennent s’ajouter aux deux axes fondateurs des parcours précédents : amélioration des connaissances et des compétences, analyse des pratiques professionnelles et gestion des risques.
Le cycle de la certification périodique est défini sur une période de 6 ans pour les médecins diplômés après le 1er janvier 2023 ; pour les médecins déjà diplômés à cette même date, la première période est de 9 ans (les suivantes seront de 6 ans).
L’enjeu sociétal de la CP est à l’évidence qualitatif : améliorer la qualité des pratiques professionnelles, la qualité des soins et donc la santé de la population. L’enjeu personnel est une valorisation au fil de l’eau de toutes les actions que nous réalisons déjà dans divers contextes pour qu’elles s’intègrent simplement dans ce nouveau dispositif.
Cadre législatif et mise en œuvre de la CP
La CP est inscrite dans la Loi "Ma Santé 2022"1 et a été officialisée par l’ordonnance du 19 juillet 2021 avec la création du Conseil National de la Certification Périodique (CNCP)2 . Il est précisé que la certification périodique des professionnels de santé est une procédure “indépendante de tout lien d'intérêt permettant, à échéances régulières au cours de la vie professionnelle, de garantir le maintien des compétences, la qualité des pratiques professionnelles, l'actualisation et le niveau des connaissances”
Le cadre législatif de la CP a été défini dans le code de la santé publique3. Un décret paru en mars 2024 précise les modalités de mise en œuvre, les professionnels concernés, les règles de rédaction des référentiels de la CP, les actions éligibles, les modalités de leur validationet les conditions de contrôle par les ordres professionnels4. Pour parfaire le cadre d’application de la CP, deux autres projets de décrets sont toujours en attente, relatifs au contrôle de la certification périodique par les ordres professionnels et à la gestion des comptes individuels de certification.
Le pilotage de la Certification Périodique a été confié à la direction générale de l’offre de soins (DGOS) dans un cadre interministériel avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère des armées, en lien avec le Conseil National de la Certification Périodique (CNCP) dont la composition et le fonctionnement ont été précisés par le Décret n°2022-798 du 11 mai 20225
Le Conseil National de Certification Périodique, installé en octobre 2022, associe les ordres professionnels, les Conseils Nationaux Professionnels (CNP), les organisations syndicales, des représentants des patients et des usagers et des fédérations hospitalières. Composé d’une instance collégiale et de 7 commissions professionnelles (une par exercice), le CNCP est chargé d’assurer le déploiement de la CP, de veiller à l’absence de liens d’intérêts des acteurs de la certification et de définir les orientations scientifiques et les critères d’éligibilité des actions de certification.
L’Agence du Numérique en Santé (ANS) est chargée d’accompagner les professionnels dans leur parcours de certification avec le téléservice de gestion des comptes individuels de certification sur la plateforme « Ma Certif Pro Santé » qui leur permettra à l’avenir d’avoir accès à des informations générales sur la certification (ou plus ciblées sur les référentiels) et de choisir les programmes adaptés à leur exercice. Le principal enjeu est d’offrir un service numérique ergonomique, simple et aisé d’utilisation pour un accès rapide au compte et aux informations.
Pour les médecins spécialistes (hors médecine générale *), la rédaction des référentiels de la CP pour chacune des spécialités a été confiée aux différents CNP et s’est faite grâce à l’aide de la Fédération des Spécialités Médicales (FSM) qui réunit tous les CNP et, notamment son comité Parcours Professionnel et Certification (PPC). Ces référentiels, élaborés selon la méthodologie de la Haute Autorité de Santé identifient les actions pertinentes dans chaque spécialité pour chacun des 4 axes, prenant en compte les critères d’objectivité des connaissances professionnelles, scientifiques et universitaires et les règles déontologiques rappelées par le CNCP6
La Fédération des Spécialités Médicales (FSM) a joué un rôle important auprès des différents CNP par des conseils et la relecture des référentiels. La FSM a colligé l’ensemble des référentiels des différentes spécialités avant envoi à la DGOS au cours de l’été 2024.
Le contrôle final de la CP du médecin a été confié au Conseil de l’Ordre des Médecins qui, en lien avec les CNP, vérifie que chaque médecin remplit ses obligations de certification par période de 6 ans.
Certification périodique des médecins : les 4 blocs du référentiel
Bloc 1 : "Actualiser les connaissances et les compétences"
● Actualiser les connaissances fondant les pratiques et assurer qu’elles soient conformes au regard des données de la science, des valeurs professionnelles, de l’éthique, de la déontologie, des priorités de santé publique, de l’évolution des politiques de santé, des évolutions sociétales et des besoins de santé sur un territoire.
● Assurer les compétences nécessaires à l’exercice de la spécialité (expertise, pratiques avancées, spécificités d’exercice...) pour les rendre conformes et adaptées à la pratique et à l’offre de soins sur un territoire.
Bloc 2 : "Renforcer la qualité des pratiques professionnelles"
● Garantir des pratiques conformes au regard des recommandations de bonne pratique, des référentiels qualité, des valeurs professionnelles, de l’éthique, de la déontologie.
● Garantir l’amélioration des pratiques sur la qualité et sécurité des soins. Les actions d’amélioration de la qualité des pratiques peuvent aussi concourir à l’élaboration ou l’actualisation de procédures/protocoles.
Bloc 3 : "Améliorer la relation avec les patients"
● Ce bloc s’étend aux relations avec les usagers du système de santé, notamment pour les professionnels exerçant dans le champ de la promotion de la santé, de la prévention et des activités de formation.
● Assurer une relation de qualité au regard des recommandations de bonne pratique, des valeurs professionnelles, de l’éthique, de la déontologie, des droits des patients.
● Actualiser la connaissance des droits du patient, des obligations déontologiques fondant les pratiques.
● Contribuer au renforcement du dialogue, améliorer la transparence de l’information, développer l’écoute active et la bienveillance.
● Assurer une relation de qualité avec l’entourage et/ou de collaboration avec les aidants dans le respect des droits du patient.
● Faciliter la prise en compte des évolutions qui modifient la relation (niveau d’information des patients, impact des nouveaux outils numériques et nouvelles formes de prise en charge numérique...).
● Rendre le patient co-acteur de sa santé (décision médicale partagée).
Bloc 4 : "Mieux prendre en compte sa santé personnelle"
● Donner, à chaque professionnel, les moyens de préserver sa santé lui permettant d’exercer une activité de qualité.
● Rendre chaque professionnel acteur attentif à son état de santé.
● Promouvoir, maintenir et améliorer l’état de sa santé.
● Prévenir les altérations de l’état de santé psychique et somatique.
● Conserver les aptitudes professionnelles.
Chaque médecin devra effectuer un nombre minimum de deux actions pour chacun des axes par période de 6 ans. Les actions déjà réalisées depuis le 1er janvier 2023, définies dans les référentiels de certification de la spécialité, par exemple les actions de DPC, de formation continue ou d’accréditation selon la procédure de la HAS seront prises en compte.
Le CNP de Pédiatrie** a œuvré pour la mise en place de dispositif de CP pour les pédiatres, en coordination avec la FSM. Il assurera l’information des pédiatres et la promotion du dispositif pour permettre une montée en charge de la certification dans les toutes prochaines années, en particulier auprès des plus jeunes, les premiers concernés.
Le CNP de pédiatrie sera l’interlocuteur des pédiatres pour les aider à accomplir leur parcours de certification. Il participera, avec la commission professionnelle des médecins du Conseil National de Certification Périodique (CNCP), à une évaluation de l’impact du dispositif de certification sur la qualité des soins.
En conclusion, pour les pédiatres, la CP est dans une certaine mesure un aboutissement des dispositifs préexistants de formation continue. Elle remplacera à terme le DPC (même si les actions de DPC restent validantes pour la CP) et surtout elle concerne tous les pédiatres, libéraux et salariés. Chaque pédiatre pourra trouver et choisir dans le référentiel un programme adapté à ses besoins au regard de son exercice et de son environnement professionnel, développer et valoriser des actions innovantes pour améliorer la qualité de ses pratiques tout en veillant à sa propre santé.
Le référentiel de la CP des pédiatres vous sera présenté dans un prochain numéro de la revue.
* Pour la Médecine Générale, c’est le Collège de Médecine Générale qui est chargé de la rédaction du référentiel de CP à adresser à la DGOS
** Le Conseil National Professionnel de Pédiatrie (CNP de Pédiatrie) rassemble les représentants des sociétés savantes de pédiatrie (Association Française de Pédiatrie Ambulatoire, Société Française de Pédiatrie, Société Française de Néonatalogie), du Collège National des pédiatres Universitaires (CNPU) et des syndicats professionnels (Syndicat National des Pédiatres Français, Syndicat National des Pédiatres des Établissements Hospitaliers, Syndicat National des Médecins de PMI) en respectant une représentation paritaire de l’exercice libéral et hospitalier, syndical et non syndical de la Pédiatrie. Le CNP de Pédiatrie est membre de la Fédération des Spécialités Médicales (FSM) qui assure une coordination entre tous les CNP.
A propos des Conseils Nationaux Professionnels (CNP)
Les CNP ont été créés dans le but d’améliorer les processus de prise en charge, la qualité et la sécurité des soins et la compétence des professionnels de santé.
Leurs missions, détaillées par décret (le 9 janvier 2019), concernent principalement la formation continue des médecins spécialistes avec un rôle central dans la définition des priorités et des modalités de formation ainsi que pour en assurer le suivi.
Ils peuvent également être sollicités pour :
● proposer des professionnels susceptibles d’être désignés en tant qu’experts, dans les domaines scientifique et opérationnel liés à l’organisation et à l’exercice de la profession ou de la spécialité,
● contribuer à la définition de référentiels métiers et de recommandations professionnelles,
● désigner, à la demande de l’État, des représentants de la spécialité pour siéger dans les structures appelées à émettre des avis sur les demandes d’autorisations d’exercice ou de reconnaissance des qualifications professionnelles.
En regroupant les professionnels autour de leur spécialité, les CNP favorisent une approche collaborative et cohérente de la pratique médicale. Ils favorisent les échanges entre les différents acteurs de la santé, contribuant ainsi à une meilleure coordination des soins.
¡ Bibliographie
1 Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 : Cette loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé habilite le gouvernement à instaurer une procédure de certification périodique pour les professionnels de santé.
2Ordonnance n° 2021-961 du 19 juillet 2021. Elle précise les modalités de la certification périodique, les professionnels concernés, les objectifs, la périodicité, le rôle des ordres professionnels dans le contrôle de l'obligation.
3Code de la santé publique – Articles L. 4022-1 et suivantshttps://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043827681
4Décret n° 2024-258 du 22 mars 2024 relatif à la certification périodique de certains professionnels de santé.
5Décret n° 2022-798 du 11 mai 2022 relatif à la composition et au fonctionnement du conseil national de la certification périodique.
des droits de l'enfant défendus et garantis par le pédiatre ambulatoire
1. L'enfant ou l'adolescent a le droit au respect de son identité. Chaque enfant ou adolescent est un individu biologiquement et historiquement distinct, qui mérite le respect et l'acceptation de son pédiatre, sans discrimination fondée sur l'origine ethnique, la nationalité, le statut social, la religion, le handicap, le recensement, l'orientation sexuelle ou le mode de conception.
2. L'enfant ou l'adolescent a le droit de grandir dans un environnement familial soutenu par des personnes capables de lui offrir l'affection, l'aide et la protection nécessaires à son développement en bonne santé. Le pédiatre ambulatoire défend le bien-être des enfants et des adolescents. Il encourage divers styles parentaux, l'attachement et la promotion de la santé adaptées aux besoins de l'enfant.
3. L'enfant ou l'adolescent a droit à une alimentation adéquate pendant toutes les phases de son développement. Le pédiatre ambulatoire préconise l'allaitement maternel exclusif pendant les six premiers mois et, si possible, jusqu'à deux ans, conformément aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il fournit à la famille des recommandations pour une alimentation adéquate et nutritive tout au long des différentes phases de croissance, dans le but de prévenir les carences potentielles tout en gérant les excès qui contribuent à l'augmentation de la prévalence du surpoids et de l'obésité. Il promeut une culture culinaire caractérisée par la réactivité, l'engagement, la sociabilité et les repas pris en famille. Il préconise une alimentation durable qui minimise l'impact environnemental tout en respectant les écosystèmes, la biodiversité et les traditions culinaires.
4. L'enfant ou l'adolescent a le droit de grandir dans un environnement sain, sûr et durable, tant à la maison qu'à l'extérieur. Le pédiatre ambulatoire conseille aux familles d'adopter des comportements et des choix responsables, en veillant à réduire les risques d'accidents domestiques et de la route. Il préconise de réduire autant que possible les risques liés aux différents types de pollution environnementale dès la période des 1000 premiers jours et de promouvoir des options respectueuses de l'environnement afin de limiter les risques connus de dommages épigénétiques.
5. L'enfant ou l'adolescent a droit à la protection de son développement physique, mental et social, ainsi qu'à une aide pour favoriser son autonomie et son indépendance. Le pédiatre ambulatoire encourage les activités familiales favorisant le développement psychomoteur et cognitif, telles que la lecture à voix haute, l'écoute de musique, le contact avec la nature, la limitation du temps passé devant les écrans à un âge précoce, l'encouragement au jeu et aux activités motrices, l'utilisation de méthodes pédagogiques adaptées et l'identification rapide des facteurs de risque. En cas de besoin, le pédiatre traitant oriente les familles vers des services spécialisés.
6. L'enfant ou l'adolescent a le droit d'être protégé contre toutes les maladies évitables par la vaccination. Le pédiatre ambulatoire promeut la vaccination en fournissant des informations et des conseils aux familles et, le cas échéant, en administrant directement les vaccins.
7. L'enfant ou l'adolescent a le droit de recevoir des soins médicaux appropriés. Le pédiatre traitant est chargé de prendre en charge un large éventail de maladies,
du diagnostic au traitement. Il s'appui à cet effet sur les dernières connaissances scientifiques et technologies, tout en évitant les procédures diagnostiques et les traitements inutiles ou inadaptés au patient. Tout comme les adultes, les enfants doivent bénéficier de toutes les thérapies possibles pour soulager la douleur. Le pédiatre traitant joue un rôle central dans l’accompagnement des enfants atteints de maladies chroniques ou rares en coordonnant les soins et explorations.
8. L'enfant ou l'adolescent a le droit d'être protégé contre toute forme de violence, d'insulte, de cruauté physique ou mentale, d'abandon, de négligence, de maltraitance ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, ainsi que contre l'administration ou l'incitation à consommer des drogues et des substances dangereuses. Le pédiatre traitant joue le rôle d'« antenne sociale », visant à détecter les indicateurs potentiels de maltraitance et de négligence, et à prendre les mesures institutionnelles nécessaires pour protéger l'enfant.
9. L'enfant ou l'adolescent a le droit à la vérité et à recevoir toutes les informations sur les conditions cliniques et pathologiques le concernant. Le pédiatre ambulatoire fournit des informations complètes sur sa santé et veille à ce qu'il soit informé de toutes les procédures diagnostiques et thérapeutiques auxquelles il pourrait être soumis Le pédiatre ambulatoire veille à être rassurant mais entièrement honnête. Il/ elle utilise un langage adapté aux capacités cognitives et décisionnelles de l’enfant/de l'adolescent.
10. Il convient de rappeler que l'enfant ou l'adolescent a droit au respect de sa vie privée. Il est impératif que chaque enfant se voie garantir l'anonymat dans le traitement de ses données et de ses expériences. Il est crucial de souligner que, dans le contexte des adolescents, le mineur est le dépositaire de ses données de santé et que la préservation de sa santé doit être une priorité pour tous les acteurs concernés, en mettant en œuvre tous les moyens disponibles.
11. L'enfant ou l'adolescent a le droit d'être entendu. Il a également le droit d'exprimer son opinion sur les questions importantes, et ses choix doivent être respectés, en tenant compte de son âge et de son niveau de maturité. Le droit de l'enfant d'exprimer son accord ou son désaccord doit faire l'objet d'une attention particulière en fonction de son stade de développement, en particulier dans le cas de procédures médicales et diagnostiques complexes. Le pédiatre ambulatoire diffuse toutes les connaissances scientifiques pertinentes, en s'efforçant de garantir leur compréhension par la famille et par l’enfant.
12. Les enfants et les adolescents ont le droit de bénéficier d'une éducation, de fréquenter des établissements scolaires et de participer à des activités récréatives, dès leur plus jeune âge, et ce à tous les niveaux et degrés de la scolarité, en accordant une attention particulière aux populations marginalisées les plus exposées au décrochage scolaire. La qualité et la durée du cycle scolaire sont des facteurs importants influençant la santé future des enfants. Le pédiatre informe la famille de l'importance d'un environnement scolaire créatif, favorable et non compétitif, et intervient rapidement en cas d'absences scolaires répétées.
Questions?
Question courte
Tirer son lait quand bébé fait ses nuits
Question complète Bonjour,
L’instauration de l’allaitement s’est très bien passée. J’avais un bébé qui me réveillait la nuit pour se nourrir au sein. Ensuite c’est moi qui la réveillait pour que la lactation se mette en place. Depuis que bébé a 6 semaines et puisqu’elle dort sur des plages horaires assez étendues la nuit, j’ai songé à arrêter de la réveiller la nuit pour respecter son rythme jour/ nuit qui se met progressivement en place. Il y a eu des ratés, parfois je l’ai quand même mise au sein pour me soulager mais quand elle dort ça n’était pas efficace. Étant donné que je produis beaucoup de lait la nuit et que j’ai déjà fait un engorgement avec début de mastite, j’ai adopté le tire lait. Avec beaucoup de mal. J’ai essayé le manuel que je ne trouve pas efficace chez moi. Et l’électrique a l’air de fonctionner après de nombreux essais ( téterelles…). Puisque je suis très inconfortable la nuit après seulement 4 h, j’ai trouvé pour unique solution de tirer mon lait autour de 2 h du matin. Et j’essaie ensuite de tenir jusqu’au réveil de bébé qui dort en ce moment de 22h à 6 h environ. J’ai pensé que c’était un bon compromis car il se dit que supprimer la tétée de nuit baisse la lactation. J’ai souvent lu également qu’il ne fallait pas espacer deux tétées de plus de 6h. D’autres part, si un jour bébé revient à me réveiller x fois la nuit pour raison de maladie ORL ou bien encore les dents, je me dis que j’aurais alors une production de lait bien entretenue. Une partie de moi cela dit a peur de sur stimuler ma lactation. Puis-je continuer à tirer mon lait la nuit 15-20 minutes ? Après ce tirage, je n’ai pas cette sensation de seins souples comme après une tétée. Mais je suis tout de même plus confortable pour me rendormir. Le matin à nouveau mes seins sont durs et pleins à craquer.
Merci pour vos précieux conseils et pour votre avis éclairé. Bébé a deux mois dans 4 jours et on va attaquer chez nounou dans un petit mois. Je précise que la journée c’est tétée à la demande bien-sûr. D’ailleurs aucun rythme ne se dessine et cela me fait également peur pour l’arrivée chez nounou.
Anne
► Réponse
Bonjour Madame,
Vous avez parfaitement raison, on ne doit jamais réveiller un bébé qui dort sauf raison impérative. Vous avez aussi raison car vous avez une hyper-lactation donc il faut traiter cette hyperlactation sans s’inquiéter de baisse de la lactation puisque c’est justement ce que l’on cherche à obtenir. Effectivement je ne vois pas d’autre solution que de tirer votre lait dans la nuit quand vous vous sentez très inconfortable sans pour autant, comme vous le dites très bien, vider vos seins complètement ce qui stimulerait la lactation. Si vous ne voulez pas rester ainsi réveillée en pleine nuit vous pourriez utiliser les tires-lait électriques mains libres que l’on cale dans le soutien-gorge et dont certains sont programmables depuis une application téléphonique. Bien sûr ils ont un coût (environ 100 €) mais cela vous permettrait de dormir en même temps et aussi vous serez contente de les avoir quand vous aurez repris le travail pour éviter l’inconfort de longues journées sans votre bébé pour téter.
Pour diminuer l’hyper-lactation une solution consiste à donner le même sein 3 ou 4 tétées consécutives en vidant bien le sein (tirer bien sûr le lait de l’autre sein) et faire pareil sur l’autre sein ensuite . Souvent cette méthode calibre mieux la lactation. Je ne sais ce que vous faites de votre lait tiré. Probablement des stocks au congélateur pour quand votre bébé sera chez la nounou. Mais si vous en avez vraiment trop vous pourriez vous rapprocher du lactarium de votre région pour faire du don de lait qui est très très précieux pour nourrir les petits prématurés.
À retrouver sur :
Recevoir la newsletter " Pour une parentalité apaisée"
ABONNEZ-VOUS
PédiaSanté est une association loi 1901, qui réunit des professionnels de santé, des parents et des professionnels de la petite enfance, autour d’un projet commun : créer, actualiser et diffuser des messages de santé en pédiatrie à l’usage de toute personne accompagnant des enfants.
Plusieurs objectifs
• La mise à disposition des parents et des professionnels de santé d’outils d’information médicale validés.
• La prise en charge raisonnée de l’enfant à domicile lorsque la situation le permet.
• La diminution des consultations non programmées peu ou non justifiées en médecine de ville et/ou aux urgences pédiatriques.
Mon enfant fait-il des apnées du sommeil ?
Notre nouvelle fiche-conseil1 à télécharger
Cette nouvelle fiche sur les apnées du sommeil a été réalisée au cours des années 2023-2024 par une équipe pluridisciplinaire, issue des différentes unions de professionnel de santé libéraux (URPS-AURA) réunissant des experts pédiatres, ORL, médecins généralistes, psychiatres, kinésithérapeutes et orthophonistes, pharmaciens et autres professions.
Des usagers ont participé à la rédaction.
La méthode Delphi a été utilisée, le principe de cette méthode étant que des prévisions réalisées par un groupe d'experts structuré sont généralement plus fiables que celles faites par des groupes non structurés ou des individus.
Les principaux conseils de la fiche concernent
- l’observation de l’enfant la nuit et le jour
- l’identification de facteurs de sévérité et de facteurs de risque
- les actions proposées
- la surveillance de l’enfant (notamment la vidéosurveillance à la maison)
Ces fiches sont toujours perfectibles.
Si vous avez des suggestions ou des remarques les concernant, merci de contacter : jeanstagnara@wanadoo.fr
1Mon enfant fait-il des apnées du sommeil ? Conception et rédaction interprofessionnelle d'une fiche Conseil à l'usage des parents : J. Stagnara, E. Zenou, A. Stagnara, M. Jurus, F. Thénard. AFPA La Rochelle 6 & 7 juin 2025