273 10 fmc troubles des apprentissages 1e partie

CAHIER FMC

Troubles des apprentissages, où en est-on ?

1e partie

N° 273 269

Cahier de formation tiré du IIe colloque scientifique national de la Fédération Nationale des Réseaux de Santé - Troubles du Langage et des Apprentissages (FNRS-TLA) 8 octobre 2015 à Lyon

Année 2016-2 2015-4 Bimestriel / Tome XLXI XLX

Rédaction : Dr Sylvie Sargueil

SOMMAIRE De l’oral à l’écrit, une trajectoire pleine de surprises................................... 1 Du parler à l’apprentissage de la littératie......................................... 1 Une continuité entre les apprentissages................................. 2 Conséquences des difficultés précoces sur les apprentissages......... 2 Le discours oral prédit le discours écrit...................................... 3 Approche intégrative des troubles du langage écrit ............ 3 La prévention des troubles................... 4 L’évaluation du langage...................... 4 Les interventions à mettre en œuvre................................................. 4 Ce que dit la littérature........................ 4

Prise en charge des troubles des apprentissages en 3 étapes successives évaluées – mythe ou réalité ?.................................... 5 Influence de l’environnement socio-économique................................ 6 Prise en charge des troubles des apprentissages en 3 étapes successives évaluées............................ 6 La pédagogie au centre du dispositif............................................. 6 Un parcours de soin en trois étapes... 6 Exemple du projet Paris Santé Réussite............................... 7

© Illustrations de l’auteur Directeur de la publication : Dr Brigitte Virey Rédacteur en chef : Dr Gilbert Danjou Composition et Impression : Vassel Graphique Bd des Droits de l’Homme BP 58 - 69672 Bron cedex www.vasselgraphique.com Édité par l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire AFPA

Les apprentissages, leurs mécanismes et leurs déterminants livrent peu à peu leurs secrets au fil des recherches multidisciplinaires. Beaucoup reste à apprendre mais les connaissances acquises permettent d’ores et déjà d’ajuster les interventions pour prévenir, évaluer et prendre en charge les difficultés d’apprentissages, souvent d’origine sociale, et les troubles liés à des anomalies du développement.

Il est établi désormais qu’il existe une continuité entre les apprentissages et cela tout au long de la vie. Le langage écrit se développe en s’appuyant sur le langage oral qui en retour s’enrichit en prenant l’écrit pour base. Les difficultés et les troubles du langage doivent être dépistés précocement car ils retentissent sur tous les autres apprentissages. Il est possible d’envisager une prise en charge systématique des enfants en difficulté centrée sur la pédagogie et un recours aux soins en trois étapes successives en fonction des besoins : prise en charge de ville, recours à une consultation pluridisciplinaire facilement accessible et en dernier recours, l’intervention d’un centre de référence sur les troubles des apprentissages.

L’apprentissage des mathématiques est un processus complexe qui se fait pas à pas à partir d’un sens inné du nombre, en s’appuyant sur le langage et en utilisant un ensemble de compétences cognitives générales. Il est nécessaire de mettre en place des interventions visant à prévenir et prendre en charge les difficultés d’apprentissage des mathématiques dans toutes leurs dimensions, cognitives et socio-culturelles.

De grands progrès ont également été réalisés au cours des dernières décennies dans la compréhension du fonctionnement neurobiologique des personnes avec un trouble du spectre autistique.

Ces progrès ont permis de mettre en place des stratégies d’apprentissage plus performantes pour la prise en charge de ces enfants.

Des études ont également permis de rapprocher les enfants présentant un haut potentiel intellectuel et les enfants porteurs d’un déficit de l’attention, les uns comme les autres souvent décrocheurs scolaires, et de repérer entre eux des similitudes. Il n’est pas rare que les deux caractéristiques soient associées chez un même enfant.

Ce cahier a pour objectif de faire le tour de ces données nouvelles et de leurs implications pédagogiques et cliniques.

De l’oral à l’écrit, une trajectoire pleine de surprises La compréhension/production orale précoce prédit la production orale et écrite tardives et les apprentissages ultérieurs. La prise en charge intégrative des troubles du langage prend en compte la trajectoire développementale dans toutes les dimensions : neurologique, cognitive et psycho-sociale de l’apprentissage. Cette approche tient compte de la prévention des troubles du langage, de leur évaluation lorsqu’ils sont constitués et des interventions à mettre en place pour y remédier.

Le développement de l’oral à l’écrit suit une trajectoire qui démarre avec le tout petit et ne s’achève qu’à l’adolescence, voire à l’âge

adulte. Tout au long de cette trajectoire, rien n’est jamais acquis, tout est en perpétuel changement.

Les compétences dites littératiées sont celles qui renvoient aux activités de lecture et d’écriture. La phylogénèse2, comme l’ontogénèse, révèlent une continuité entre les compétences orales et ces activités littératiées. Au niveau phylogénétique, l’oral est apparu bien avant l’écrit et certaines sociétés demeurent dans une communication sans écriture. On retrouve cet ordre des choses au niveau de l’ontogénèse puisque l’enfant parle avant d’écrire. La production des premiers mots apparaît vers l’âge d’1 an (mais elle se prépare bien avant), alors que l’acquisition de la lecture puis de l’écriture

1 Littératie : terme du monde de l’éducation désignant tous les apprentissages de base enseignés aux élèves pour leur donner les fondamentaux qui leur permettront d’évoluer dans la société : le calcul, l’écriture et la lecture.

2 Phylogénèse : succession des espèces animales ou végétales que l’on suppose descendre les unes des autres et qui constituent un phylum. Ontogénèse : Développement de l’individu, depuis l’œuf fécondé jusqu’à l’état adulte.

Du parler à l’apprentissage de la littératie1

D’après une communication conjointe de Sophie Kern, Directrice, Laboratoire dynamique du langage, UMR5596, Lyon, et d’Agnès Witko, orthophoniste, Institut des Sciences et Techniques de la Réadaptation (ISTR) Université Claude Bernard, Lyon

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De l’oral à l’écrit, une trajectoire pleine de surprises

sont des processus longs, qui nécessitent cinq à six ans.

Cependant, il existe un socle de compétences communes à l’oral et à l’écrit.

En ce qui concerne la production, orale et écrite, deux étapes sont en grande partie communes. La première étape consiste à planifier le contenu, c’est à dire choisir et organiser les idées dans son cerveau. Toutefois, à l’oral le temps de planification est beaucoup plus court qu’à l’écrit. Dans une conversation il faut être efficace, la réponse doit être rapide. La deuxième étape consiste à formuler les choses, c’est à dire de choisir des mots et des structures syntaxiques pour mettre en mots les pensées. Il existe tout de mêmes quelques différences entre production orale et écrite. Du côté de la production orale, les différences sont d’ordre phonologique. On doit sélectionner les sons, les mots et la prosodie puis les articuler pour parler. L’écrit nécessite une intervention du geste et permet grâce au mode de révision, de revenir sur ce qui est produit pour le corriger ou ajouter des choses.

En ce qui concerne la compréhension orale et écrite, il existe aussi des différences mais peu. Dans les deux cas, il faut retrouver les mots que l’on connaît déjà dans son lexique mental. A l’oral, il s’agit d’apparier une forme auditive avec une image mentale alors qu’à l’écrit il s’agit d’apparier une forme visuelle. Par contre, les mêmes types de procédures sont impliqués dans l’accès au sens. Dans les deux cas, il y a construction d’une représentation cohérente des informations fondée sur la compréhension des mots, phrases et relations entre les différentes unités. Il y a donc véritablement un socle linguistique commun entre langage parlé et langage écrit. Dans les deux cas on travaille à partir de la phonologie, on utilise du vocabulaire qu’on met en musique en formant des phrases selon des règles syntaxiques particulières, qu’on les utilise selon des règles pragmatiques spécifiques, à l’oral comme à l’écrit.

Par ailleurs, toutes ces compétences linguistiques sont étayées par de nombreuses autres compétences cognitives plus générales comme la perception auditive et visuelle, la mémorisation, la catégorisation des objets du monde, l’intégration des notions d’espace et de temps, etc.

cette compétence. La stabilité est complète si l’enfant garde son rang dans la même compétence. La stabilité est dite hétérotypique, s’il garde son rang dans des compétences différentes. Par exemple un enfant qui est dans les percentiles les plus hauts à 2 ans en vocabulaire et qui se retrouve aussi dans les percentiles les plus hauts à 3 ans en grammaire. Dans la plupart des cas l’enfant est dans une stabilité hétérotypique de l’oral à l’écrit. Mais avant l’âge de 3 ans, il existe chez les enfants des différences interindividuelles très importantes et il est difficile de savoir quand on sort de ces différences normales pour basculer dans le pathologique.

Pour comprendre ce qui prédit l’avenir, les chercheurs travaillent sur un grand nombre d’enfants suivis de la petite enfance à l’adolescence. Comme la cohorte Elfe3, première grande cohorte française, qui inclut 20 000 enfants et leurs familles, suivis depuis la naissance. Cette stabilité complète existe à l’oral. Ainsi, le vocabulaire réceptif (ce qui est compris) à 2 ans prédit le vocabulaire réceptif à 3, 5, 8 et 13 ans mais il existe des exceptions à cette continuité, qui sont révélées par les grandes cohortes.

Ainsi, deux cohortes australiennes ont montré que la taille du lexique réceptif à 4 ans est peu prédictive de la taille du lexique à 8 ans. D’autres facteurs peuvent donc intervenir et faire bouger l’enfant dans sa trajectoire.

On a montré des corrélations entre le langage oral et l’accès aux autres apprentissages, dont l’écrit. Dans les années soixante-dix a été développé aux USA le projet Abecederian, il concernait une cohorte de 120 enfants de moins de 2 ans, chez qui on favorisait les jeux éducatifs insistant sur le développement du langage et les compétences cognitives. Ces enfants sont toujours suivis, à l’âge adulte. Globalement, ce groupe expérimental, comparé à un groupe non expérimental apparié, est plus éduqué, plus employé et plus payé que le groupe contrôle.

Les capacités en langage oral prédisent fortement les possibilités d’entrée dans l’écrit et l’accès aux autres apprentissages. Et les difficultés précoces retentissent fortement sur les apprentissages.

Une continuité entre les apprentissages

Une cohorte importante a été suivie en Nouvelle Zélande pour évaluer la persistance des difficultés dans le temps.

Le langage des enfants a été testé à l’âge de 3 ans et plus de 2 % d’entre eux avaient un retard de compréhension orale, 2 % un retard en expression verbale et 2 % avaient un retard dans les deux compétences. Ces enfants en difficultés ont été à nouveau testés aux âges de 7, 9 et 11 ans, concernant leur QI, leur niveau de lecture et leurs comportements sociaux. Les enfants qui avaient un retard en compréhension et en expression à 3 ans avaient les scores les plus bas en QI et en expression écrite à 7,9 et 11 ans.

De nombreux travaux ont tenté de montrer le lien entre la compréhension et la production orale précoce et la lecture, décodage et compréhension écrite. Une étude longitudinale a été menée en 2011 à Grenoble par Maryse Bianco et son équipe sur 687 enfants français. Il s’agissait de mettre en évidence le lien entre le développement du langage oral et l’acquisition de la lecture : identification

Tout ce qui se passe avant l’âge de 2 à 3 ans impacte très fortement l’avenir de l’enfant, au niveau de son entrée à l’école et de sa socialisation. « L’apprentissage commence dès la petite enfance, bien avant l’éducation formelle et se poursuit toute la vie.

L’apprentissage précoce engendre des apprentissages ultérieurs et la réussite précoce entraîne d’autres réussites, tout comme les échecs précoces causent des échecs plus tard. » Cette citation du prix Nobel d’économie (2000) James Heckman, est en grande partie vraie, même si elle souffre des exceptions. D’autant qu’il ajoute : « Les interventions de grande qualité pendant la prime enfance ont des effets durables sur l’apprentissage et la motivation ».

Cette continuité implique que l’enfant soit stable dans ses comportements, du début à la fin de son développement.

Par stabilité, on entend la persistance avec laquelle un individu conserve son rang relatif à un groupe à travers le temps. Par exemple, si un enfant est au niveau le plus haut par rapport à la norme à l’âge de 2 ans concernant le langage, on le considère comme stable si à 3, 4, 5 ans il demeure à ce niveau élevé par rapport à la norme dans

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Conséquences des difficultés précoces sur les apprentissages

3 Elfe est la première étude longitudinale française consacrée au suivi des enfants, de la naissance à l’âge adulte, qui aborde les multiples aspects de la vie de l’enfant sous l’angle des sciences sociales, de la santé et de la santé-environnement. http://www.elfe-france.fr

Le discours oral prédit le discours écrit Du fait de sa complexité, le discours oral dans sa globalité, une suite cohérente d’énoncés liés par des outils linguistiques et pourvue d’un sens global, est moins étudié. Vers l’âge de 3 à 4 ans l’enfant entre dans le discours et sa compétence discursive orale est prédictive de sa compétence discursive écrite. L’équipe de Griffina a testé le discours descriptif et narratif de 32 enfants à l’âge de 5 ans puis leur compréhension de l’écrit et leur production de narration écrite à 8 ans. Ils ont montré que la compréhension de la lecture à 8 ans est prédite par l’utilisation des évaluatifs dans la narration, c’est à dire la capacité de montrer à son auditeur que ce que l’on raconte est important, c’est à dire de mettre de la hiérarchie dans son discours, à l’âge de 5 ans. En d’autres termes, la compétence à structurer un récit et la description orale à 5 ans est prédictive de la réussite de la narration écrite à 8 ans.

Il n’y a cependant pas toujours continuité comme le montre l’étude menée par l’équipe de Schoonsur sur 10 000 enfants britanniques qui avaient un vocabulaire réceptif pauvre à 5 ans. Réévalués à l’âge de 10 ans pour la littératie, la majorité de ces enfants avait échappé à la trajectoire négative. Dans une étude publiée en 2015 et ses collaborateurs ont testé le vocabulaire réceptif de 4 000 enfants australiens à 4, 6 et 8 ans puis évalué leur vocabulaire réceptif et la littératie à l’âge de 10 ans, en posant des questions aux enseignants. Tous les enfants qui avaient un niveau moyen ou haut par rapport à la norme restaient à 70 % dans ce rang et 30 % n’avaient pas une trajectoire stable (en plus ou en moins). Donc, la majorité des enfants ont une trajectoire stable mais une minorité de 30 %, ce n’est pas négligeable.

Toutes ces études permettent de conclure que les compétences et la production orales sont vraiment des prérequis pour les activités de littératie mais qu’ellesmêmes auront en retour des influences sur la production et la compréhension orales. Toutes ces compétences se développent plutôt par vagues qui se chevauchent.

Avec des prédicteurs internes au système linguistique qui changent avec l’âge (consciences phonologique et morphologique), mais des interventions extérieures : le niveau d’éducation, le sexe des enfants, l’âge des mères, influencent également les trajectoires des enfants. Cette multiplicité de facteurs internes et externes qui interagissent et qui changent en fonction de l’âge explique les trajectoires non linéaires.

Approche intégrative des troubles du langage écrit Entre langage oral et écrit, la matérialité diffère.

Le langage oral se déroule sur une ligne temporelle qui s’appuie essentiellement sur la prosodie, les actes de langage et le non verbal. Parler fait intervenir des interlocuteurs en interaction. De nombreuses variations interviennent on line pendant les prises de parole.

Le langage écrit s’inscrit dans une trace permanente, segmentée par des blancs, il suit la ponctuation et la transcription grapho-phonétique, il obéit à l’orthographe d’une langue. Cette trace permanente fonctionne sur un modèle différé appelé off line.

Malgré ces différences, on peut remarquer des passerelles dans l’architecture neuro-cognitive et psycholinguistique.

Il est ainsi possible de s’appuyer sur des représentations complémentaires, dites modulaires, connexionnistes ou intermodales, selon les auteurs et les théories. Le langage écrit s’enracine dans le langage oral, qui lui-même progresse par le relais du langage écrit, et cette synergie perdure toute la vie. C’est pourquoi les soignants s’inscrivent dans une perspective dite lifespan, qui relève d’un possible accompagnement tout au long de la vie. Cette notion de trajectoire développementale est très importante à prendre en compte. C’est ce qui rend les approches longitudinales prioritaires pour la compréhension de l’évolution ou de l’involution d’une personne pour laquelle le langage semble problématique ou pour une personne qui souffre d’un trouble du langage avéré. L’existence de cette trajectoire signifie que les apprentissages ne peuvent pas être évalués définitivement une fois pour toutes. Ils demandent à être appréhendés sur le continuum de la vie : en termes de psychogénèse et d’interactions précoces pendant la petite enfance et l’enfance, en termes de renouvellement et de renaissance à la préadolescence et à l’adolescence, et en termes de fonctionnement et de maintien des acquis pour les adultes. Pour appréhender cliniquement les troubles des apprentissages, trois questions se posent.

La première question est celle du classement en termes de troubles spécifiques et non spécifiques. Quand on parle de troubles spécifiques, on postule qu’une fonction cognitive serait plus particulièrement déficiente. Quoiqu’il en soit, dans la démarche diagnostique, la prise en compte des troubles associés reste indispensable. Quant aux troubles non spécifiques, ils correspondent à l’atteinte de plusieurs fonctions cognitives simultanément. La deuxième question repose sur la nécessaire complémentarité de l’évaluation du langage oral et du langage écrit. Enfin, trois missions de santé sont toujours imbriquées : prévention, évaluation et mise en œuvre. Si l’on se base sur le DSM V (2013), les troubles du langage oral sont décrits dans la catégorie des troubles développementaux de la communication, alors que les troubles du langage écrit relèvent des troubles spécifiques des apprentissages.

Pour le langage oral, deux grands tableaux cliniques sont étiquetés troubles du langage : les troubles du langage en production et en compréhension, dans tous les modules (lexique, morphosyntaxe, discours) et les troubles des sons et de la parole (articulation, voix, fluence).

Parallèlement, pour les troubles du langage écrit, deux tableaux cliniques sont décrits en termes de troubles spécifiques de l’apprentissage, avec : - l’atteinte de la lecture dont les domaines déficitaires concernent la précision de la lecture de mots, la vitesse et la fluence de lecture, ainsi que la compréhension ;

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des mots et compréhension écrite. Cette étude a montré que la conscience phonologique (capacité à prendre du recul sur le code, à segmenter ce qu’on entend en unités plus petites (syllabe, phonème) et la compréhension orale à 4 ans prédisent les scores de la lecture à 6 ans.

La compréhension orale précoce prédit donc bien la compréhension écrite plus tard et la conscience phonologique est vraiment prédictive de la lecture. La taille du vocabulaire prédit la compréhension écrite à tous les âges, et surtout chez les enfants plus âgés. La conscience morphologique, capacité à segmenter le mot en unités phonologiques qui ont une signification, comme par exemple dans « maisonnette » le mot maison et le diminutif « ette », avec leur significations particulières, est également prédictive de la compréhension écrite et de la fluence en lecture.

Tous ces facteurs interagissent et jouent un rôle sur les apprentissages suivants.

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De l’oral à l’écrit, une trajectoire pleine de surprises

- l’atteinte de l’écriture qui concerne la précision de l’orthographe, de la grammaire et de la ponctuation, ainsi que la clarté et l’organisation de l’expression écrite.

Travailler sur ces troubles fait appel à une conception dynamique et interactive des habiletés. Il faut chercher à identifier tous les freins et se poser des questions sur les erreurs, chercher les modules atteints et les processus qui dysfonctionnent. S’agit-il de problèmes de révision, de reformulation, de contrôle, d’autonomisation ? Existe-t-il une conscience des troubles ? La personne est-elle capable d’analyser ses erreurs ? Et quel est le vécu du trouble ?

Cela nécessite la réalisation d’évaluations méthodiques et complètes pour tenter de comprendre ce qui se passe.

Deuxièmement, l’efficacité de l’évaluation du langage dépendra notamment de l’implication des acteurs dans un projet personnalisé (HAS, 2008 ; Witko, 2015). Enfin, la psychométrie du langage et des fonctions cognitives associées est en plein développement. Il existe désormais des outils où les composantes évaluées en langage oral et écrit sont dissociées. Des outils combinés permettent de s’appuyer sur un parcours diagnostique en langages oral et écrit afin d’analyser les concordances et les discordances.

Des arbres décisionnels vont permettre de mieux cerner les processus qui fonctionnent et ceux qui dysfonctionnent.

La prévention des troubles

Les interventions en orthophonie sont de deux types : les interventions directes auprès des patients, les interventions indirectes auprès de l’entourage. Cette double action permet de transférer des entraînements en séances d’orthophonie dans des situations du quotidien pour le développement et l’entretien du langage fonctionnel. Les orthophonistes peuvent ainsi émettre des propositions pour que le développement des langages oral et écrit se réalisent dans des contextes plus variés.

Par exemple, en favorisant chez les enfants porteurs de troubles spécifiques du langage oral le fait de prendre appui sur le langage écrit pour développer leur langage oral déficient. L’inverse est également vrai. Dans les deux cas, le coût des apprentissages est très élevé.

La prévention est une mission de santé fondamentale, elle se partage entre : - la prévention primaire qui consiste à éviter que des difficultés ne surviennent en langage oral et écrit ; - la prévention secondaire pour empêcher le développement des difficultés ; - la prévention tertiaire qui évite l’aggravation de ces difficultés.

Les préventions secondaire et tertiaire s’inscrivent dans cette idée de développement des apprentissages, avec pour objectif de casser la spirale de l’échec. Pour y parvenir, il est indispensable de prendre en compte les facteurs de risques environnementaux, c’est à dire de tenir compte des vulnérabilités liées au milieu : faible niveau d’éducation, pauvreté, faible niveau d’expression dans la famille, stress parental élevé, ou isolement maternel. Une étude pilote qualitative a été menée à Vénissieux dans le cadre d’un partenariat avec une équipe du « Programme réussite éducative ». Cette action de prévention secondaire a consisté en la mise en place d’un programme d’intervention orthophonique centré sur le langage oral, autrement dit un suivi enrichi en langage oral auprès d’enfants scolarisés en CE2 repérés du fait de difficultés dans les apprentissages, d’une fragilité du langage oral sans troubles cognitifs diagnostiqués, et non suivis préalablement en orthophonie. Les enfants ont bénéficié d’une douzaine de séances, d’1h30 par semaine, entre février et juin 2014. En pré-test, tous les enfants du groupe présentaient au moins un score situé dans la pathologie, sur au moins une épreuve qui testait un versant du langage oral. En post test 1, la plupart des enfants ont progressé et obtiennent un score dans la normalité. Les progrès les plus importants ont été constatés en lexique (production et réception) mais aussi en morphosyntaxe.

Cette expérience pilote a joué son rôle de prévention secondaire à deux niveaux : d’une part, elle a stimulé des enfants afin qu’ils ne basculent pas dans des difficultés plus graves, d’autre part, elle a permis de signaler un enfant en plus grandes difficultés afin d’envisager une évaluation du langage plus approfondie et d’accorder plus d’attention à cet enfant au cours du programme.

L’évaluation du langage Aujourd’hui, il apparaît que l’évaluation du langage relève d’une mission de santé complexe. Premièrement, il est nécessaire de prendre plus de temps sur l’anamnèse pour mieux appréhender le « récit développemental » de chaque enfant et confronter toutes les dimensions de son histoire, sur le nombre d’années nécessaires.

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Les interventions à mettre en œuvre

Ce que dit la littérature Le moment d’entrée dans le langage est-il prédictif de son évolution ?

Une entrée en langage oral dans les temps n’est pas toujours le signe d’une évolution positive. Des difficultés tardives peuvent survenir. Une entrée tardive en langage oral ou un décalage dans l’apparition des mots mais avec une bonne compréhension n’annoncent pas forcément des difficultés ultérieures. Une étude concernant le risque familial dans l’acquisition du langage écrit montre que la tendance développementale pourrait être plus pertinente que l’établissement de profils précocement, parfois impossible à réaliser. Une étude menée en 2002 à propos d’enfants parleurs tardifs, montre qu’à l’âge de 9 ans, leurs performances sont plus faibles, sans pour autant être pathologiques, dans les domaines de la reconnaissance de mots écrits, de l’écriture elle-même, du langage oral ou de la compréhension. A l’âge de 13 et 17 ans, les difficultés en reconnaissance de mots écrits se sont amenuisées mais des difficultés en langage oral et en compréhension écrite subsistent. Ce phénomène est confirmé par une étude de Naucler et Magnusson en 2002 qui signalent ces problèmes de développement de la compréhension écrite. Marie-Anne Schelstraete explique de manière plus globale que des fragilités, des difficultés ou des troubles en langage oral peuvent entraîner des difficultés à différents niveaux, à l’écrit mais aussi en calcul et dans les apprentissages scolaires de manière générale ainsi que dans les relations sociales.

Comment harmoniser les indicateurs en recherche et en clinique ?

Dans les travaux de recherche, deux profils sont très étudiés : - les enfants avec des troubles spécifiques du langage résorbés, des parleurs tardifs (ou « late talkers ») qui ont été

avec des difficultés de compréhension. L’enfant qui est mauvais décodeur et mauvais « compreneur » rentre dans une série de difficultés en cascade, différentes selon qu’il est dyslexique (dissociation entre décodage et compréhension) ou porteur d’un trouble spécifique du langage oral (déficit de traitement cognitif et/ou de connaissances linguistiques). Cependant, tous les enfants qui ont un trouble spécifique du langage ne sont pas mauvais « compreneurs ». Et tous les mauvais « compreneurs » n’ont pas un passé de trouble spécifique du langage.

De l’oral à l’écrit, une trajectoire pleine de surprises

suivis en orthophonie ou pas (dans ce cas on en trouve la trace dans le dossier scolaire, le carnet de santé…) ; - les enfants avec des troubles du langage persistants, il s’agit de troubles de différents degrés de gravité, expressifs ou mixtes, jusqu‘aux troubles sévères de type dysphasie.

Pour les enfants dont les troubles du langage se résorbent, une étude de 1990, sur des enfants évalués à 4 ans, 5 ans ½ et 8 ans ½, a montré que la résolution du trouble à 5 ans ½ permet à la lecture d’être dans la norme à 8 ans ½. Alors que si le trouble spécifique du langage persiste à 5 ans ½ en expression et en compréhension, et si plusieurs domaines sont déficitaires, l’apprentissage du décodage est possible mais des problèmes de compréhension et d’orthographe apparaissent. Ces données ont été confirmées en 2000 et 2006 par d’autres études.

En ce qui concerne les enfants qui ont des troubles du langage persistants, les difficultés du langage écrit augmentent en fonction du nombre de domaines déficitaires et selon le type de processus déficitaires. Si les difficultés sont précoces, le premier prédicteur se trouve au niveau de la phonologie. Un retard ou un déficit dans le développement du système phonologique chez le tout petit (avant 4 ans), entraîne des problèmes au niveau des compétences méta phonologiques entre 4 et 6 ans. Vers l’âge de 7 ans apparaissent des déficits en précision et en vitesse de reconnaissance de mots écrits ; dès l’âge de 8 ans, il y a des déficits secondaires en compréhension ; vers 9 ans, les déficits sont multiples, en vocabulaire, au niveau du QI et sur le plan des connaissances générales. La phonologie n’est pas la seule composante impliquée dans l’acquisition du langage écrit. Le rôle de la sémantique est également évoqué, notamment le rôle du vocabulaire expressif et réceptif. Le rôle de la syntaxe doit aussi être pris en compte. Toutes les composantes du langage doivent donc être investiguées. Concernant certains enfants repérés pour un trouble du langage oral persistant, des difficultés plus tardives peuvent survenir dans le décodage. Certains enfants lisent correctement en CE1 puis leurs performances chutent en CM1, c’est ce que Scarborough (2005) appelle la récupération illusoire.

Les difficultés de langage écrit sont forcément en lien

Quels liens entre troubles spécifiques du langage oral et dyslexie ?

Quatre hypothèses sont évoquées par les chercheurs.

- Il s’agit d’un même trouble à différents degrés de sévérité. Mais alors tous les enfants dyslexiques auraient un trouble spécifique du langage oral, ce qui n’est pas le cas.

- Il existe une parenté entre les deux troubles et les enfants atteints de troubles spécifiques du langage oral auraient des difficultés supplémentaires, notamment en termes de déficit syntaxique.

- Il s’agit de deux troubles différents conformément à une approche des troubles spécifiques selon laquelle le trouble spécifique touche une fonction isolée.

- Il s’agit de déficits multiples d’ordre neurobiologique, cognitif et comportementaux qui renvoient à des trajectoires complexes. Cette dernière théorie est aujourd’hui la plus couramment admise.

Quoiqu’il en soit, des débats scientifiques et cliniques persistent sur toutes ces questions. Le besoin de recherche sur les enfants porteurs de pathologie du langage reste prégnant et doit s’inscrire dans deux impératifs : le suivi de cohortes qui permettra de comprendre leur trajectoire développementale et la collaboration entre chercheurs et cliniciens afin de favoriser une prise de responsabilité collective et partagée.

A voir et à montrer : La petite casserole d’Anatole http://cinema.arte.tv/fr/article/ la-petite-casserole-danatole-de-eric-montchaud

Prise en charge des troubles des apprentissages en 3 étapes successives évaluées – mythe ou réalité ?

Il n’existe pas de critère précoce fiable pour différencier un enfant avec des difficultés de lecture d’un enfant dyslexique.

Cette évolution des connaissances conduit à envisager un dispositif centré sur la pédagogie, identique pour tous les enfants en difficulté. Puis, selon leur évolution, une prise en charge de soin en trois étapes successives évaluées : soins de ville, recours facile à une équipe pluridisciplinaire et recours au centre de référence pour les troubles sévères.

Les pédiatres ont pour mission de répondre aux besoins variables de tous les enfants selon leurs troubles. Cela nécessite aussi la prise en compte de tous les contextes :

socio-culturel, territorial et psychique. Il faut pouvoir agir précocement sans anticiper l’avenir. Les difficultés d’apprentissage s’inscrivent dans cette réponse aux besoins de l’enfant, dès lors qu’un parent ou un enseignant signale un développement inhabituel. Lorsqu’on a vérifié par des données étalonnées que les difficultés correspondent à un score déficitaire, il est nécessaire de prendre en charge le trouble, qu’il soit transitoire ou durable, global ou spécifique. Cette notion élargit un peu le contexte des syndromes « dys » qui correspondent à des altérations, prouvées par un test étalonné, d’une fonction cognitive ou d’un apprentissage, qui ne peut

D’après une communication de Catherine Billard, neuropédiatre, CHU Kremlin Bicêtre, APHP Paris.

Fondatrice du projet Paris Santé Réussite (PSR)

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Prise en charge des troubles des apprentissages en 3 étapes successives évaluées – mythe ou réalité ?

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pas totalement être expliqué par un déficit intellectuel, une lésion cérébrale acquise ou un trouble envahissant du développement.

L’exemple de la lecture illustre cette évolution des idées, car on considère aujourd’hui qu’il existe des passerelles entre lecture et dyslexie. Si grâce à la conception de ces passerelles on pouvait arriver à un projet commun pour tous les enfants, on pourrait en élargir les effets. Avant d’être dyslexiques, les enfants sont en difficulté, seule l’évolution qualitative et quantitative permet de savoir si le trouble est persistant ou s’il s’agit de difficultés transitoires.

Influence de l’environnement socio-économique D’autre part, il existe des faibles lecteurs, particulièrement en environnement défavorisé, et on sait désormais qu’ils ont les mêmes fonctions cognitives déficitaires et les mêmes aspects en imagerie que les enfants dyslexiques.

Une enquête a été menée à Paris entre 2005 et 2008 concernant les troubles de la lecture à l’école sur 1 000 enfants de CE1 issus de milieux favorisés, moyennement favorisés et très défavorisés. 12 % des enfants étaient déjà en difficulté avec un an de retard de lecture mais ce nombre allait de 5 à 15 % selon qu’il s’agissait d’une école en milieu favorisé ou défavorisé. Pour tous ces enfants, les facteurs en cause concernaient le déchiffrement, c’est à dire la conscience phonologique. Même avec une faiblesse de conscience phonologique moins marquée que dans les milieux favorisés, les enfants défavorisés ont plus de troubles de déchiffrement. Dans tous les cas il y avait parmi ces enfants, de véritables dyslexiques.

Ghislaine Dehaene a évalué en imagerie ce qui se passe chez les enfants faibles lecteurs ou dyslexiques par rapport aux enfants normo-lecteurs selon qu’ils soient en milieu favorisé ou non.

Les enfants étaient répartis en quatre groupes : - les enfants de milieu favorisé dyslexiques, - les enfants de milieu favorisé normo-lecteurs, - les normo-lecteurs en milieu défavorisé, - et les enfants faibles lecteurs intelligents de milieux défavorisés.

En imagerie, que les enfants soient favorisés ou défavorisés, chez les normo-lecteurs, l’aire visuelle des mots est toujours développée. Il existe plusieurs zones de traitement de l’information dans le cerveau : celle qui traite les formes, les visages, le fait de pouvoir dire le nom de ce que l’on voit. Ces traitements de l’information doivent se modifier à partir de l’apprentissage de la lecture et faire la place à une autre zone, l’aire visuelle des mots, qui s’occupe du traitement des mots et permet de différencier si ce que l’on voit est symétrique ou non. Il s’agit d’une compétence indispensable pour reconnaître un b d’un d par exemple. Les enfants faibles lecteurs en milieu défavorisé et les enfants dyslexiques n’ont pas cette capacité.

L’évolution des idées à propos de la dyslexie est illustrée par Eliott et Grigorenko qui ont publié en 2014 (USA) un ouvrage où ils expliquent qu’il n’y a pas de critère précoce fiable pour différencier un enfant avec des difficultés de lecture d’un enfant dyslexique. On pourrait proposer de s’intéresser à tous les enfants en fonction de leur trouble, de sa sévérité et de son évolution selon deux lignes importantes, celle de la pédagogie et celle des adaptations.

Cette évolution des idées mène à envisager des programmes identiques pour tous les enfants en difficultés, au départ, et puis qui s’affineraient selon l’évolution de l’enfant : un plan de prise en charge en trois étapes successives évaluées.

Prise en charge des troubles des apprentissages en 3 étapes successives évaluées Qu’est-ce qui peut être fait pour améliorer la prise en charge actuelle des enfants en difficulté ?

- Généraliser la réponse pédagogique pour coller aux données des recherches cognitives. Elle doit être évaluée et ses limites doivent être acceptées.

- Mettre en place des critères précis afin d’évaluer les soins. Démarche indispensable pour une prescription éclairée.

- Avoir accès de façon simple à une expertise pluridisciplinaire pour évaluer régulièrement les progrès de l’enfant dès que cela est jugé nécessaire par les parents ou les enseignants et établir une synthèse claire sur ce que l’on va prioriser.

- Définir un critère d’arrêt des soins, qui ne soit pas un abandon (évaluation de suivi).

- Améliorer la diffusion des connaissances et l’accès aux spécialistes qui demeurent insuffisants concernant certains troubles comme les troubles de l’acquisition de la coordination ou les troubles de la cognition en mathématiques, par exemple.

La pédagogie au centre du dispositif Il faut envisager un parcours remodelé, mettant la pédagogie au centre du dispositif et qui tiendrait compte de la diversité des situations et des insuffisances du système actuel ainsi que des inégalités des chances qu’il génère.

Un parcours fondé sur une meilleure coordination, plus efficace pour répondre aux besoins de tous les enfants.

Les fondations pédagogiques concernant le déchiffrement font consensus dans la littérature. Michel Zorman a effectué une étude randomisée dans huit écoles en milieu défavorisé avec un groupe d’enfants bénéficiant du projet pédagogique « parler » et un groupe témoin. Le groupe témoin s’est avéré un peu moins performant que l’évaluation nationale, alors qu’on notait une diminution considérable du nombre des faibles lecteurs parmi les enfants intégrés dans le programme au bénéfice d’un nombre augmenté de bons lecteurs. Derrière cette première ligne d’intervention pédagogique, on filtre les enfants qui ont réellement besoin de soins individuels.

Ces soins peuvent être de trois niveaux selon la sévérité du trouble.

Un parcours de soin en trois étapes Il s’agit d’un parcours de soins en 3 étapes validées.

- Niveau 1. Soins de ville en première intention (proximité).

- Niveau 2. Accès à une expertise simple et fluide, pluridisciplinaire. Il s’agit du niveau central qui doit être utilisé dès que le trouble étonne les partenaires du niveau 1, à la demande de tout intervenant. Il doit reposer sur un maillage territorial et être accessible à toutes les populations. Il doit être un recours de confiance pour les acteurs du niveau 1, avec la possibilité de recours à une consultation experte et à une concertation pluridisciplinaire

Exemple du projet Paris Santé Réussite Le projet Paris Santé Réussite (PSR) se situe dans le niveau 2 de soins. II existe de nombreuses structures de niveau 2 en France : les réseaux, les cessad… Le plus important à ce niveau est l’expertise de l’équipe et les liens étroits et respectueux qu’elle entretien avec l’école, les professionnels de niveau 1 et les CRTLA. Le projet PSR comprend deux parties : un protocole concernant la lecture en CP et CE1 et une partie hors protocole qui est un véritable niveau 2 recevant les enfants à la demande. Pour le protocole de lecture CP-CE1, l’académie a mis en place une pyramide : à la base de celle-ci, il y a tous les enfants en difficulté. La prévention pédagogique est effectuée par les enseignants qui évaluent la lecture et la dictée en début d’année scolaire du CP et du CE1 et mettent en place des groupes d’entraînement de 3 ou 5 enfants similaires sur la base du volontariat des professeurs, à raison d’½ heure par jour, 3 à 4 jours par semaine. Les enfants qui évoluent bien n’ont pas besoin d’autre chose, excepté le maintien de la vigilance de l’enseignant. Ceux qui en fin d’année, n’ont pas eu l’évolution souhaitée, bénéficient de la mise en place des soins de niveau 1 prescrits de façon éclairée par des médecins, scolaires ou de ville. Au terme de ces soins (environ 1 an), si l’enfant évolue vers les objectifs fixés, il n’a pas besoin d’autre chose que de savoir quand on arrête ou si on continue les soins. Si le trouble paraît complexe d’emblée ou si l’évolution est insuffisante, les enfants bénéficient alors de l’expertise et de soins transitoires de l’équipe du niveau 2 de PSR en collaboration avec le niveau 1, afin qu’ils puissent élaborer un autre projet thérapeutique : modification du protocole, orientation vers des structures spécialisées, recours au centre référent en cas de trouble complexe.

Ce projet remplit donc deux objectifs.

- Mener un protocole pédagogique de prévention de l’illettrisme dont l’objectif final est que tous les enfants acquièrent la compréhension d’un texte lu, de leur niveau, même s’ils sont un peu déficitaires sur la vitesse, qu’ils aient une écriture lisible même s’ils gardent des séquelles en orthographe, et cela dans des conditions confortables qui limitent les situations d’échec.

- Et mener, hors protocole, une évaluation pluridisciplinaire de proximité qui consiste à aller vers les familles des quartiers défavorisés, pour tous les enfants, quelque soit l’école, la classe, la personne qui le demande…

La prévention pédagogique, qui demeure hélas sur la base du volontariat, est cadrée par l’équipe de PSR mais effectuée par les enseignants, centrée sur le langage écrit mais il est nécessaire de l’étendre au langage oral plus précocement. En fin d’année, les enseignants évaluent l’évolution des enfants. On a recours au niveau 1 à partir du CE1 pour tous les enfants qui ne sont pas suffisamment améliorés par la pédagogie afin de mettre en place de soins individualisés tout en poursuivant la pédagogie. Si cela ne suffit pas, le niveau 2 permet de revoir le projet ou d’envisager des structures spécialisées ou le passage au CRTLA. Le projet PSR a été évalué par un médecin expert de santé publique. L’évaluation pédagogique reposait sur le principe selon lequel si le programme fonctionne en CP, le niveau de lecture des enfants en début de CE1 d’année en année va s’améliorer. Pour l’évaluation des soins, l’hypothèse était qu’à partir du moment où les enfants rentrent dans les soins, les enfants faibles lecteurs en CE1 le seront moins en CE2. Cent soixante enfants parmi les trois mille élèves des établissements concernés, ont été inclus dans le protocole CP-CE1 entre 2011 et 2014. Sur le plan pédagogique, la progression a été identique sur les 3 ans de l’évaluation, 60 % des CP et 50 % des CE1 faibles en début d’année avaient des scores normaux en fin d’année scolaire. Il a été constaté une amélioration progressive du niveau de lecture des enfants en CE1. L’évaluation du dispositif de soins comparait les mêmes enfants sur deux années. Plus d’enfants avaient un niveau de lecture normal. Les enfants de CE2 étaient moins faibles lecteurs avec une diminution significative du pourcentage. Il n’y avait plus aucun enfant non lecteur en CE2. L’activité de niveau 2 ne peut être évaluée mais, cent-soixantedix enfants ont été vus par cette petite équipe, dont la majorité présentait des troubles du langage oral ou du langage écrit qui nécessitaient d’être pris en charge.

La mise en place de ce niveau d’intervention permet de désengorger les CRTLA qui auront ainsi plus de temps pour faire vivre la recherche clinique.

Malheureusement, ces réseaux troubles des apprentissages ne sont pas encore suffisamment développés.

Il serait bon qu’ils puissent également effectuer de la recherche clinique sur l’évaluation des pratiques et la collaboration effective avec la réponse pédagogique : la susciter, l’encadrer, proposer des groupes d’intervention communs, des groupes d’entrainement au vocabulaire par exemple associant enseignants et rééducateurs sans hiérarchie.

Prise en charge des troubles des apprentissages en 3 étapes successives évaluées – mythe ou réalité ?

coordonnée par un médecin spécialiste. Ce niveau a également une fonction de filtre pour les CRTLA (Centre ressource pour les troubles du langage et des apprentissages) où les parents attendent trop longtemps pour avoir un rendez-vous.

- Niveau 3. Le CRTLA, centre référent des troubles du langage, doit être réservé aux troubles considérés comme complexes.

Dans le prochain numéro (n° 274/2016-3) Troubles des apprentissages, où en est-on ? 2nde partie - Le rôle des procédures de calcul dans l’apprentissage de l’arithmétique - Jérôme Prado - Difficultés et troubles d’apprentissage du nombre et des opérations - Michel Fayol - Troubles du spectre autistique et apprentissages - Stéphanie Marignier, Miguel Martinez du Crara - Déficit attentionnel et haut potentiel - Olivier Revol En savoir plus sur : - la Fédération nationale des réseaux de santé-Troubles du langage et des apprentissages (FNRS-TLA) ; - le réseau Dys/10 (Rhône).

le pédiatre n° 273• 2016-2 • 7