Cahier fmc les enjeux de la lutte pour la vaccination le pédiatre n°281 juillet août 2017

CAHIER FMC N° 281 N° 2692017-4/juillet-août Année Année 2015-4 Bimestriel / Tome LI Bimestriel / Tome XLX

SOMMAIRE Les enjeux de la lutte pour la vaccination................... 1 Impact des programmes de vaccination...........................................2 La preuve par les chiffres..........................2 La vaccination un outil de poids dans l’arsenal anti-infectieux...................3 Réactions post vaccinales courantes et répertoriées.............................................4 À propos de la sécurité des vaccins.......7 Le délicat problème des adjuvants...... 11 Plus de vaccins mais moins d’antigènes................................................ 13 ROR et autisme, histoire d’une fraude scientifique................................................. 14 Élargissement transitoire des obligations vaccinales Communiqué de presse 26 /6/2017....... 15

Les enjeux de la lutte pour la vaccination Depuis une vingtaine d’années, la confiance des Français dans la vaccination s’érode et la couverture vaccinale baisse de manière préoccupante.

La polémique concernant l’innocuité du vaccin anti-hépatite B, la mauvaise orchestration politique de la campagne vaccinale contre la grippe de 2009, les avis divergents à propos de la mise en place de la vaccination anti-HPV… sont autant d’événements qui ont alimenté la suspicion de la population, attisée par des mouvements anti-vaccinaux en phase avec l’air du temps favorable à la théorie du complot. À l’heure de la mondialisation qui entraîne des mouvements et des concentrations de population rapides et de grande ampleur, des bouleversements écologiques favorables aux émergences et aux résurgences infectieuses, alors que montent en puissance les résistances aux thérapeutiques anti-infectieuses et en particulier aux antibiotiques, les vaccins sont plus sûrs et plus nécessaires que jamais.

Partout dans le monde, lorsqu’on a vu diminuer la couverture vaccinale, on a vu réapparaître les maladies : polio, diphtérie, coqueluche, rougeole ou hépatite B… La vaccination est une mesure de protection individuelle mais aussi un acte de santé publique de protection collective, en particulier des plus vulnérables.

Pour que la population bénéficie d’une bonne couverture vaccinale globale, il est nécessaire qu’elle adhère très majoritairement aux politiques de vaccination. Pour cela, elle doit être informée et convaincue des avantages à vacciner les enfants et à être soi-même vacciné.

Les médecins sont non seulement en première ligne de ce combat mais ils en sont le maillon fort, le seul à qui en majorité, la population accorde encore sa confiance. Il est donc indispensable qu’ils soient eux-mêmes convaincus et convaincants. Or, la vaccinologie reste un parent pauvre des études médicales.Ce dossier a pour but de donner aux pédiatres des informations et des clefs pour comprendre les polémiques et répondre au mieux aux questions de parents légitimement inquiets.

Composition et Impression : Vassel Graphique Bd des Droits de l’Homme BP 58 - 69672 Bron cedex www.vasselgraphique.com

Malgré les millions de morts évités par la vaccination et la quasi disparition des maladies infantiles les plus graves dans les pays développés, où peut-être justement à cause de cela, les populations de ces pays remettent en question la pertinence des vaccins. La désaffection grandissante pour la vaccination est indissociable d’un certain malaise général de nos sociétés, de la défiance envers les pouvoirs, les experts et la science en général.

Cependant les médecins sont encore épargnés par le scepticisme généralisé et les parents en majorité, gardent confiance en leurs médecins de famille, pédiatre ou médecin généraliste. Ce qui, comme en atteste une étude parue en 2014 dans la revue Pediatrics1, les place en première ligne dans le combat pour la réhabilitation des vaccinations. Une politique vaccinale performante nécessite que les médecins soient convaincus eux-mêmes

Édité par l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire - AFPA

1 Carrie L. Byington et al. Vacines: Can Transparency Increase Confidence and Reduce Hesitancy? Pediatrics 2014; 134-377.

Directeur de la publication : Dr Brigitte Virey Rédacteur en chef : Dr Gilbert Danjou

de l’intérêt de cette politique, qu’ils maîtrisent les connaissances scientifiques concernant les vaccins, leurs effets bénéfiques et leurs effets indésirables, qu’ils jouent la transparence avec leurs patients et soient en mesure de démonter les arguments fallacieux. C’est une tâche plus complexe qu’il n’y paraît, qui requiert des connaissances, du savoir-faire, du temps et de la patience.

Il convient d’abord d’en finir avec le mythe de l’innocuité des vaccins qui, à l’instar de tous les médicaments, peuvent générer des effets secondaires. La question n’est pas : existe-t-il des risques ou pas ? Mais quel est le poids de ces effets secondaires face aux bénéfices de tel ou tel vaccin ? Et en matière de balance bénéfice-risque, le vaccin est un champion, bien supérieur à la grande majorité des médicaments.

Dans l’intérêt des enfants, les pédiatres doivent pouvoir l’expliquer aux parents réticents. Un exercice qui requiert beaucoup d’ouverture, d’empathie et de temps. Il faut être à l’écoute des interrogations, savoir

D’après un séminaire de DPC

AFPA/ANDPC

Vaccinations, craintes et convictions Paris 24-25 février 2017 Georges Thiébault organisateur, responsable pédagogique ; pédiatre libéral, Montpellier georges. thiebault@ wanadoo.fr Pierre Bakhache pédiatre libéral, Saint Quentin pbak@clubinternet.fr Robert Cohen pédiatre libéral, Infectiologue, PH CHI de Créteil robert.cohen@ wanadoo.fr Pr Joël Gaudelus Ancien chef de service pédiatrie CH Jean-Verdier Bondy joel.gaudelus@ jvr.aphp.fr François Vié Le Sage pédiatre libéral Aix-Les-Bains f.vielesage@fvls.fr Rédactrice Dr Sylvie Sargueil le pédiatre

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Sites d’informations disponibles pour les patients uu Infovac : ligne directe d’information et de consultation sur les vaccinations https://infovac.fr Inscription sur infovac-France@wanadoo.fr uu Sur le site de l’Inserm : un dossier accessible au grand public pour tout comprendre des aspects scientifiques de la vaccination (riche de nombreuses vidéos explicatives) http://www.inserm.fr/thematiques/ immunologie-inflammation-infectiologie-et-microbiologie/dossiers-d-information/vaccins-et-vaccination uu Site officiel de Santé Publique France « Vaccination info service » http://www.vaccination-info-service.fr/ évaluer le niveau de connaissance et de compréhension de ceux qu’ils ont face à eux et être en capacité de leur répondre de la manière la plus adaptée possible.

précision le nombre de malades et de morts évités chaque année par les programmes de vaccination.

On estime cependant qu’ils épargnent entre 5 000 et 10 000 vies selon les années.

La preuve par les chiffres Le tableau ci-contre (Tableau 1, Plotkin 2013 USA) compare le nombre de cas d’une des sept maladies contre lesquelles on vaccine les enfants (variole, diphtérie, rougeole, oreillons, polio, rubéole congénitale, et hæmophilus), enregistré lors de la plus grande épidémie du XXe siècle de cette maladie aux USA, avec le nombre de cas de la même maladie enregistré en 2011 dans ce pays. Les vaccins ne sont pas seuls en cause dans cette évolution favorable mais, il est démontré que leur impact sur la mortalité et les séquelles liées à ces maladies dans les pays occidentalisés a été majeur.

Tableau 1- Plotkin 2013 aux USA

Impact des programmes de vaccination L’épidémiologie des maladies varie en fonction des lieux géographiques et des époques. La France ne possède pas les données suffisantes pour évaluer avec

À la suite de l’introduction du vaccin contre la rougeole, dans des conditions socio-économiques quasi équivalentes, Il a été montré que globalement entre 1985 et 2013, la mortalité liée à cette maladie a décru avec l’augmentation de la couverture vaccinale (Figure 1).

Figure 1 - La mortalité annuelle estimée par la rougeole et la couverture MCV1 (Measles 1st dose), 1985-2013 2 • le pédiatre n° 281 • 2017-4

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Figure 2 - Pays dans lesquels la polio était endémique (en rouge) 1988 et 2014 Grâce aux campagnes mondiales de vaccination menées depuis plus de vingt ans, en 2016 on ne recensait plus que 49 cas de poliomyélite dans le monde.

Une étude de cohorte des CDC (Centers for Disease Control and Prevention) a permis d’estimer qu’au cours de l’année 2009, globalement, le nombre de vies épargnées aux USA par la vaccination de routine : diphtérie, tétanos, polio (figure 2, 1988 à 2014), coqueluche acellulaire, haemophilus influenzae b, rougeole, oreillons, rubéole, hépatite B, varicelle, vaccin antipneumo coccique heptavalent, hépatite A et rotavirus, s’élevait à 42 000, celui des maladies évitées à 20 millions de cas et l’économie réalisée à 13,5 billions de dollars en frais direct et 68,8 billions en coût sociétaux2. Entre 1994 et 2013, l’impact du programme vaccinal Nord-Américain a été estimé par les CDC3 à 322 millions de maladies, 21 millions d’hospitalisations et 730 000 morts évitées. Ce résultat transposé à l’échelle de la France équivaudrait à une économie de 16 millions de maladies, 1 million d’hospitalisation et 36 000 morts.

Si on arrêtait de vacciner, qu’il n’y ait plus d’effet troupeau et qu’on laisse passer le temps suffisant, l’extrapolation de ces chiffres indique que chaque enfant attraperait probablement quatre maladies de plus qu’actuellement. Elle montre aussi qu’un enfant sur cinq nécessiterait une hospitalisation supplémentaire au cours de sa vie et qu’un sur cent mourrait probablement de maladie évitable.

La vaccination un outil de poids dans l’arsenal anti-infectieux

2 Zhou F, Shefer A, Wenger J, et al. Economic evaluation of the routine childhood immunization program in the United States, 2009. Pediatrics.

2014;133(4):577–585 3 Cinthia G Whitney et al. Benefits from immunization during the vaccines for children program Era – United States, 1994-2013 – CDC Weekly report april 25, 2014

La vaccination n’est pas le seul déterminant de la baisse des maladies infectieuses mais elle est un outil supplémentaire dans la lutte contre ces maladies.

En 2016, une équipe hollandaise4 couple l’analyse des statistiques vaccinales de 1903 à 2012 à celle des événements historiques intercurrents susceptibles d’influer sur la mortalité : les guerres, l’innovation ou encore le contrôle de l’eau (primordial concernant la polio). Ces chercheurs considèrent que la vaccination a surtout évité des morts par coqueluche et diphtérie. C’est également vrai concernant le tétanos et la polio mais dans une bien moindre proportion. Cette conclusion est également valable pour la rougeole qui pourtant, entraîne une très forte mortalité dans les pays en développement. En fait, la mortalité liée à la rougeole doit beaucoup aux surinfections et avait déjà commencé à diminuer avant la vaccination, grâce à l’antibiothérapie.

Lorsqu’au début des années soixante-dix, en Angleterre, le vaccin anti coquelucheux a été retiré en raison de doutes sur son innocuité neurologique, la couverture vaccinale a chuté de 90 % à 32 %. On a alors vu réapparaître la coqueluche et augmenter la mortalité infantile. Actuellement, même avec le vaccin anti coquelucheux acellulaire, un peu moins efficace que le vaccin à germe entier, les hospitalisations pour coqueluche en France sont devenues très rares.

Ce cycle : mise en place d’une politique vaccinale comprise et acceptée dans un contexte de maladie épidémique, suivie de la quasi-disparition de la maladie et de l’oubli des drames qu’elle engendre puis d’une perte de confiance dans la vaccination et de l’arrêt des vaccins et enfin d’une reprise épidémique est également responsable de la résurgence de la 4 Effect of vaccination programmes on mortality burden among children and young adults in the Netherlands during the 20th century : a historical analysis Lancet infect Dis 2016 16 :592-98

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diphtérie en URSS en 1989 et de celle de la polio en Syrie, Afghanistan et Pakistan en 2013.

Variole mise à part, tout arrêt des programmes de vaccination a entraîné une reprise de la maladie. Il n’est possible d’envisager l’éradication définitive de la poliomyélite et éventuellement de la rougeole que parce que, tout comme la variole, ce sont des maladies virales strictement humaines et sans réservoir.

L’impact d’une vaccination varie en fonction de la nature du vaccin, de l’effet attendu et du nombre de personnes vaccinées. Ainsi il faut actuellement vacciner 154 jeunes filles contre le papillomavirus pour éviter un cas de cancer du col (130 avec l’HPV 9 à venir).

Mais, si au-delà du cancer du col, on considère les maladies plus rares et celles plus bénignes liées à ce virus : cancer du col, de l’anus, du vagin, de la vulve et verrues génitales, c’est alors cinq jeunes filles qu’il faut vacciner pour qu’une en retire un bénéfice.

Une idée fausse circule, sans doute en raison de l’obligation historique de ces vaccins, qui voudrait que les anciens vaccins soient plus importants que les nouveaux. Or, vacciner contre le pneumocoque est aussi important que de vacciner contre la diphtérie. Le vaccin contre le rotavirus est aussi efficace en termes d’impact sur la mortalité que celui qui protège du tétanos. Si on avait un vaccin réellement efficace contre le VIH, le paludisme, ou même la tuberculose, on éviterait un grand nombre de morts.

il faut des études de forte puissance. Les systèmes de pharmacovigilance mondiaux permettent actuellement de détecter des signaux avec une précision d’un cas pour cent mille personnes vaccinées. C’est le cas par exemple, concernant l’imputabilité de cas de narcolepsie avec catalepsie, à la vaccination par le Pandemrix® (vaccin anti H1N1). La prévalence naturelle de cette maladie est évaluée entre vingt à trente cas pour cent mille et son incidence de sept à huit cas par million. Une équipe suédoise5 a mis en évidence un risque d’un sur seize mille chez les individus vaccinés. Ce « surrisque » n’a pas été retrouvé dans d’autres pays, en particulier en France, où le nombre de cas de narcolepsie enregistré après cette vaccination correspondait au nombre de cas attendu hors vaccination.

D’autres facteurs, comme le terrain génétique par exemple, interviennent donc probablement dans le déclenchement de la maladie. En 1986, la vaccination anticoquelucheuse a été soupçonnée d’entraîner un « surrisque » de morts subites du nourrisson mais en 1992, suite à la campagne incitant au couchage sur le dos des nourrissons, ce surrisque a disparu et la vaccination a été disculpée.

Tout effet indésirable survenant au décours d’un vaccin doit faire l’objet d’une déclaration. Mais le médecin peut-il préjuger du lien de cet événement avec le vaccin ? Ces déclarations sont indispensables à l’étude de la sécurité vaccinale.

Réactions post vaccinales courantes et répertoriées

Les réactions locales

Les effets indésirables observés après un vaccin sont de deux ordres : les événements intercurrents sans lien avec la vaccination (coïncidences temporelles) et les réactions secondaires dont le lien avec le vaccin est démontré. Parmi ces réactions secondaires certaines sont liées au vaccin proprement dit et d’autres à un événement vaccinal en rapport avec le point d’injection ou une erreur de préparation du vaccin par exemple. Aucune maladie nouvelle n’a jamais été créée par un vaccin. En revanche, certains vaccins sont susceptibles de déclencher des maladies connues comme le purpura thrombopénique.

Par ailleurs, certains vaccins sont administrés à un âge, en particulier l’adolescence, où se déclenchent plus volontiers des pathologies auto-immunes sans qu’il y ait de lien de cause à effet entre les deux. Il s’agit d’une coïncidence temporelle.

Il est donc nécessaire de définir des critères d’imputabilité des effets observés au vaccin tels que, l’augmentation de l’incidence d’une maladie parmi les gens vaccinés par rapport aux personnes non vaccinées ou le regroupement de cas sur une période donnée sans augmentation de l’incidence globale. Pour gagner en précision et découvrir des effets indésirables très rares,

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Quel raisonnement tenir en cas de réaction locale ?

Considérons le cas d’un enfant de 20 mois, porteur d’une dermatose atopique, qui aurait reçu trois injections de vaccin pentavalent sans présenter de réaction locale et dont une seule a été accompagnée d’un épisode fébrile à 39°. Il a également reçu un vaccin Prévenar® bien toléré. Cet enfant bénéficie d’un rappel de vaccin pentavalent. Dix-huit heures plus tard, apparaît un placard, induré, chaud, douloureux, accompagné de prurit, centré sur le point d’injection.

Son eczéma n’est pas en poussée. Ce placard s’étend en vingt-quatre heures du bas de la fesse jusqu’en haut du creux poplité. La lésion demeure unique et disparaît en cinq jours.

Il convient alors de s’interroger 1. Quel est le mécanisme en œuvre : inflammatoire, allergique ou immunologique ?

2. Quel en est le déclencheur : un antigène vaccinal, un adjuvant (aluminium), un conservateur ou une erreur technique ?

3. Quelle est la conduite à tenir concernant les vaccins suivants ?

5 Kari S. Lankinen 2011

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Hypothèse allergique Il peut éventuellement s’agir d’une allergie mais dans ce cas elle n’est pas sévère car elle est tardive (18 heures) ce qui élimine l’anaphylaxie (hypersensibilité immédiate, IgE médiée), elle est modérée (pas de difficultés respiratoires, pas d’hypotension) et demeure localisée. Donc, même s’il s’agit d’une réaction allergique, elle ne présente aucun caractère de gravité. Lorsque le vaccin est en cause dans un phénomène allergique c’est le plus souvent en réaction à un excipient ou une anatoxine (tétanique ou diphtérique). Des réactions allergiques ont également été décrites avec des antigènes pneumococciques (pneumo 23). Cependant, depuis l’introduction des anatoxines hautement purifiées, les réactions anaphylactiques aux vaccins contenant des anatoxines sont devenues exceptionnelles (0,65–21,2 par million d’injections).

Dans le cas précis de cet enfant, aucun bilan n’est nécessaire. En revanche, s’il s’était agi d’une réaction d’hypersensibilité immédiate, il aurait fallu pratiquer des tests cutanés (prick test avec les vaccins purs ou dilués au 1/10, IDR au 1/1000 et 1/100) et éventuellement un dosage d’anticorps sériques spécifiques (IgE, IgM-IgG) pour diagnostiquer une possible hypersensibilité immédiate ou semi-retardée.

Le dosage des anticorps vaccinaux (IgM–IgG spécifiques tétanos diphtérie...) permet de savoir si l’enfant est protégé.

Hypothèse immunologique Il pourrait s’agir d’un phénomène d’Arthus en réaction au vaccin antitétanique. Le phénomène d’Arthus est une hyperimmunisation liée à des dépôts d’immuns complexes antigène-anticorps chez un sujet qui a déjà des anticorps. Cela ne se produit qu’avec des vaccins non vivants. Il s’accompagne d’importantes douleurs mais pas de prurit. En cas de doute, au moment du rappel à 6 ans, il faut doser les anticorps tétaniques, voire diphtériques. S’ils sont élevés, on ne fait pas le rappel car il existe un risque de phénomène d’Arthus et quoiqu’il en soit l’enfant est immunisé et le vaccin est donc inutile dans l’immédiat. Il faut refaire un dosage 2 à 3 ans après. S’ils sont faibles il n’y a aucun risque de phénomène d’Arthus.

Hypothèse inflammatoire Dans ce cas précis, il s’agit d’une réaction inflammatoire non spécifique, c’est le cas le plus fréquent. Ces réactions locales sont favorisées par l’aluminium, dont le rôle est précisément de créer une réaction inflammatoire, afin de susciter un appel de cellules immunocompétentes à qui présenter l’antigène.

Contrairement au phénomène d’Arthus ces réactions inflammatoires sont indépendantes du taux

d’anticorps présents. Les réactions locales sont généralement dues aux vaccins inactivés non vivants. Elles sont plus fréquentes en cas d’injection superficielle (sous cutanée) ou lorsque l’aiguille est retirée en continuant à injecter ou encore lorsque le muscle est très contracté, faisant remonter un peu de liquide vaccinal à travers le canal de ponction. Par sa nature particulière, le BCG est un vaccin pourvoyeur de réactions locales spécifiques, BCG ite, au point d’injection.

Une ulcération post BCG survient dans 1 à 2 % des cas et évolue sans séquelle autre que la cicatrice.

Chez un sujet immunocompétent, il n’y a rien de particulier à faire. Même s’il existe un écoulement caséeux persistant depuis plusieurs semaines, aucun traitement n’est justifié. En cas d’abcès, en l’absence d’écoulement ou d’ulcération, on laisse la lésion à découvert. Dans le cas contraire, un pansement sec favorise la cicatrisation. La question d’une éventuelle incision ne se pose que si la tuméfaction excède trois centimètres ou en cas de gêne fonctionnelle importante. Les bains et les douches sont autorisés quel que soit l’aspect de la réaction mais il convient d’éviter les bains de mer ou en piscine qui peuvent gêner la cicatrisation.

Rien ne permet d’affirmer que les personnes qui présentent ce type de réaction locale souffrent de déficit immunitaire ou soient moins bien protégées. L’IDR n’a aucun intérêt pour connaître le niveau de protection.

Il arrive, mais c’est extrêmement rare qu’une adénite se fistulise après un BCG. Si on vaccine au-dessus de la ligne deltoïdienne, le drainage lymphatique se fait au niveau cervical. Si on vaccine à la face externe du bras au-dessous de la ligne deltoïdienne, le drainage se fait en axillaire et si on vaccine en face interne, le drainage est médiastinal ou rétro pectoral. Il ne faut donc jamais vacciner à l’intérieur du bras.

Les réactions loco-régionales L’angio-œdème Voici l’exemple typique d’une enfant de cinq ans qui présente une éruption urticarienne avec œdème des lèvres et des paupières une demi-heure après l’injection de son premier rappel DTP (allergie immédiate).

Les symptômes régressent sous Célestène®. En raison de cet épisode, on ne lui fait pas son second rappel.

Elle consulte son médecin à l’âge de 16 ans qui se demande s’il doit la vacciner. La réponse est non. Tout au moins pas avant d’avoir effectué un bilan allergologique car la survenue d’un angio-œdème, même modéré, est une contre-indication à la poursuite de la vaccination.

L’angio-œdème est une réaction anaphylactique comme l’œdème de Quincke. C’est un œdème de l’hypoderme. Il siège le plus souvent mais non

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exclusivement au niveau du visage. La coloration de la peau est normale. Le prurit est absent ou discret, il n’y a pas de fièvre ni de signes associés permettant de le distinguer des autres œdèmes aigus du visage (érysipèle...) les manifestations générales pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique sont rares. Le délai est rapide, 5 minutes à 4 heures.

Il faut distinguer les allergies IgE médiées (urticaire, bronchospasme, œdème nécessitant la prise d’antihistaminiques et l’anaphylaxie qui, elle, contre indique la poursuite de la vaccination) des allergies de contact qui sont, elles, des réactions localisées retardées autorisant la poursuite de la vaccination sans anti-histaminiques.

L’œdème extensif des membres Le tableau typique est celui d’un enfant qui, le lendemain d’une injection vaccinale, présente de la fièvre et déclenche un œdème important de la cuisse, rouge, chaud, inflammatoire, un peu induré et qui descend au-dessous du genou. Son état général est bon. Dans ce cas, le signe clinique le plus important à considérer est l’extension de l’œdème sous le genou, il s’agit donc d’un œdème extensif des membres (extensive limb swelling ou ELS) dont la physiopathologie demeure mal expliquée et qui peut survenir dans les 24 heures suivant pratiquement n’importe quelle vaccination.

Discolored leg et blue leg syndrom Une réaction vasomotrice brutale avec spasme vasculaire, suivi d’une vasodilatation, peut survenir au décours immédiat d’une injection intra-musculaire, le plus souvent un vaccin. Elle entraîne une rougeur diffuse immédiate d’un ou des deux membres inférieurs associée à un cri et à des pétéchies. On parle de « discolored leg ». Cette réaction vasomotrice peut durer jusqu’à 24 heures. Plus rarement, la couleur est bleutée, on parle alors de « blue leg syndrom » et dans ce cas la durée est généralement inférieure à une heure. Les pétéchies peuvent apparaître tardivement, parfois même le lendemain ou même être isolées. Le mécanisme est mal connu mais il n’est ni allergique, ni immunologique. Il pourrait s’agir d’un phénomène vasomoteur déclenché par la traversée d’une artériole lors de l’injection intra-musculaire. Cela n’entraîne aucune complication et le risque de récidive est très faible. Il convient de poursuivre normalement la vaccination.

Les réactions générales Les réactions généralisées sont le plus souvent liées à une coïncidence temporelle et donc rarement imputables à la vaccination. Certaines le sont cependant.

Le syndrome HHE : hémiconvulsion-hémiplégie-

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épilepsie Lorsqu’un nourrisson de deux mois reçoit sa première injection de pentavalent ou hexavalent, et quatre heures plus tard présente un malaise, avec pâleur et hypotonie, il est victime d’un syndrome HHE (hypotonie – diminution de réactivité – pâleur ou cyanose). Ce syndrome qui apparaît dans les cinq minutes à quarante-huit heures suivant la vaccination (en général 3 ou 4 heures) ne dure le plus souvent que quelques angoissantes minutes (durée médiane 6 à 30 minutes) puis s’amende spontanément sans séquelles. La fréquence est difficile à déterminer car les définitions sont variées (1/10 000). La valence coqueluche semble être la plus en cause. Les récidives de syndrome HHE sont rarissimes. Aucun bilan n’est nécessaire. On se contente de garder l’enfant sous surveillance lors du vaccin suivant.

Le syndrome des cris persistants Voici l’histoire d’un nourrisson qui a reçu à deux mois une première injection des vaccins Infanrix® et Prevenar® sans problème particulier. À 3 mois, à la suite de la deuxième injection des mêmes vaccins : pleurs persistants durant 48 heures, puis l’enfant reste grognon pendant trois jours, sans fièvre. Ce syndrome dit des cris persistants, est lié à la valence coqueluche.

Il est plus fréquent avec les vaccins à corps entier (1 à 3 % des cas) et survient préférentiellement lors de la première injection et avant l’âge de six mois. Il est essentiellement lié à l’importance de la réaction locale, ne récidive pas et n’entraîne aucune séquelle, il faut donc poursuivre la vaccination normalement.

Des réactions parfois liées au vaccin mais le plus souvent indépendantes −− En ce qui concerne l’acrodermatite papuleuse infantile ou syndrome de Gianotti-Crosti, il a pu être rapporté dans les suites de vaccinations mais en réalité ce syndrome est présent à l’occasion de nombreuses maladies infectieuses. Il se manifeste par l’apparition de nombreuses papules roses, de 5 à 10 millimètres de diamètre, démarrant au niveau des extrémités, d’abord sur les membres, puis sur le visage et le tronc, avec une tendance à confluer. Les lésions persistent en moyenne quatre à six semaines. L’explication la plus probable est celle d’une hypersensibilité de type IV à des antigènes viraux ou bactériens. Ce syndrome est décrit au décours de maladies virales ou bactériennes très variées (hépatite B, infections à EBV, CMV, herpes 6 et 7, coxsackies, mycoplasme, encéphalite japonaise...) et au décours de différentes vaccinations (ROR, hépatite B, Grippe, polio, la 3e dose du vaccin contre l’hépatite). Certaines formes de l’acrodermatite papuleuse infantile évoluent sur plusieurs mois. Le fait que de nombreux vaccins aient été impliqués, que ce syndrome ait été décrit aussi bien après les premières

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doses qu’après les rappels, avec des délais variables, laisse penser qu’il s’agit dans la majorité des cas, de simples coïncidences temporelles. Quoiqu’il en soit, il convient de le déclarer à la pharmacovigilance pour que des études soient menées. −− Des cas d’érythème polymorphe ont été rapportés après administration de vaccins hépatite B, méningo C conjugué, ROR, ainsi que de vaccins contenant les valences diphtériques et tétaniques. Il s’agit toujours d’une forme mineure sans atteinte muqueuse, qui ne justifie pas l’interruption de la vaccination. −− Quelques rares cas de syndrome de Guillain Barré ont été également rapportés dans un délai variable après vaccination. Dans ce cas, il faut déclarer le syndrome de Guillain Barré et chercher toutes les causes possibles autres que le vaccin avant de poursuivre la vaccination. −− Après une rougeole, un purpura thrombopénique survient dans un cas sur six mille, après une rubéole dans un cas sur trois mille et dans un cas sur trente mille après un vaccin rougeole-oreillons-rubéole. La formation d’anticorps anti-plaquettes (réaction croisée) nécessite un délai moyen de deux semaines. Elle peut survenir à la deuxième dose de ROR s’il n’y a pas eu de réponse anticorps à la première dose. Sinon, il y a neutralisation du vaccin par les anticorps pré-existants et donc pas de réaction immune. −− En ce qui concerne les réactions générales non spécifiques, à type de fièvre, malaise, myalgies, céphalées ou anorexie, elles peuvent être la conséquence du vaccin ou d’une infection intercurrente. Elles sont plus volontiers observées après des vaccins vivants (une à deux semaines après l’injection et représentent alors les symptômes d’une forme mineure de la maladie).

Un malaise (plus rarement une syncope) vagal peut survenir dans les minutes qui suivent une vaccination, en particulier chez les adolescents et les adultes jeunes. Enfin, tous les vaccins, ou presque, peuvent entraîner un choc anaphylactique. Ce risque est évalué à un cas sur un million de personnes vaccinées. C’est pourquoi il est indispensable que le vaccinateur ait en sa possession de l’adrénaline et sache réanimer.

En revanche, les vaccins ne sont pas responsables des convulsions fébriles chez les nourrissons mais, il peut y avoir coïncidence car elles surviennent au même âge que de nombreuses vaccinations.

Finalement si aucun vaccin, comme aucun médicament, n’est totalement sûr et efficace, les vaccins possèdent cependant le meilleur rapport bénéfices-risques. Les réactions secondaires post-vaccinales graves existent mais elles sont très rares, les réactions secondaires locales, loco-régionales et générales post-vaccinales bénignes ne sont pas rares mais l’événement indésirable le plus fréquent est la coïncidence.

À propos de la sécurité des vaccins L’innocuité du vaccin est d’autant plus importante qu’on vaccine des personnes saines. Contrairement aux médicaments dont certains effets indésirables peuvent être tolérés au regard du réconfort qu’ils apportent. Les effets secondaires des vaccins sont perçus comme une agression injustifiée.

Ce ressenti est d’autant plus fort que les maladies contre lesquelles on vaccine ayant pratiquement disparu avec la vaccination, elles paraissent irréelles, alors qu’à l’inverse, la perception du risque iatrogène a changé et que sa médiatisation est devenue forte.

Établir le lien entre vaccin et effet indésirable Les polémiques vaccinales découlent le plus souvent de la survenue des maladies les plus fréquentes dans la tranche d’âge concernée. Mort subite, syndrome néphrotique purpura thrombopénique. D’où l’importance des études d’incidence de ces maladies en dehors de toute vaccination.

En 1986, une polémique éclate à propos d’un lien éventuel entre la vaccination par Tetracoq® récemment introduite et la survenue intercurrente de cinq cas de mort subite du nourrisson. Le ministère suspend la vaccination, en un mois le gouvernement tranche et disculpe le vaccin. La responsabilité est imputée au mode de couchage des nourrissons. La vaccination reprend.

La caisse de Sécurité Sociale californienne (NCKP)6 a évalué le risque d’association temporelle fortuite d’une pathologie allergique ou auto-immune suivant la prise d’un placebo, le jour même, une semaine plus tard et dans les six semaines suivantes. Cette enquête a consisté à répertorier les événements médicaux survenus chez plus de deux cent vingt mille adolescentes (et autant d’adultes) venues en consultation un jour donné. Parmi ces jeunes filles de moins de quinze ans, 2,7/100 000 étaient revenues en consultation d’urgence le jour même en raison d’une crise d’asthme et 1,5/100 000 pour une urticaire. Elles n’avaient reçu aucun vaccin ! En reprenant les mêmes événements sur une semaine le chiffre des consultations pour manifestations allergiques s’élevait à 18 et dans les six semaines à 81,3/100 000. Ce qui signifie que la probabilité qu’une personne qui a consulté un médecin revienne pour un épisode allergique dans les six semaines suivant cette consultation, quel qu’en soit le motif et en dehors de tout vaccin, est de 81/100 000 personnes. Dans les six semaines, plus de quatre adolescentes pour cent mille ont déclaré une thyroïdite inflammatoire ou une maladie inflammatoire 6 rapporté par Siegrist CA et al dans le PIDJ (Pediatric Infectious disease Journal – Société Européenne de Pédiatrie) Nov 2007

le pédiatre n° 281 • 2017-4 • 7

les enjeux de la lutte pour la vaccination

intestinale et une sclérose en plaque a été diagnostiquée chez une jeune fille sur cent mille.

C’est ainsi qu’il a été démontré que l’incidence de survenue d’une maladie auto-immune dans les six semaines, suivant un vaccin était la même que l’incidence de base de ces maladies. Cette incidence est plus élevée chez les jeunes adultes et vacciner dans cette tranche d’âge expose à davantage de concomitance.

personnes vaccinées avant la mise sur le marché d’un vaccin, ce qui est désormais généralement le cas. En effet, pour détecter de façon fiable un effet indésirable qui survient sur 1 personne sur 3 000, il faut 10 000 personnes par groupe et pour avoir un effet indésirable d’1 sur 100 000, il faut 30 000 personnes par groupe. C’est ce qui explique que les études pour l’obtention de l’AMM représentent la part la plus onéreuse du développement d’un vaccin (en moyenne 5 000 euros par patient).

La National Academy of Medicin (USA) édite tous les 4 à 5 ans, une revue qui recense systématiquement tous les effets indésirables liés aux vaccins. Les notifications y demeurent prudentes, du type « il n’y a aucun argument en faveur d’une relation causale » ou « argument insuffisant pour accepter ou rejeter une relation causale » …

L’établissement des liens de causalité implique la prise en considération de deux types d’arguments relevant les uns de la biologie et les autres de l’épidémiologie.

Les données biologiques et physiopathologiques

Une autre étude du même type a été menée7 avant la vaccination en vue de la pandémie grippale H1N1, un groupe d’experts s’est réuni pour calculer à partir de l’ensemble de la littérature le nombre d’événements coïncidents attendus le jour même de la vaccination, dans les sept jours suivant puis dans les six semaines. Il a été démontré qu’on pouvait s’attendre à enregistrer dans cette période : 21 cas de syndrome de Guillain Barré, 86 névrites optiques et même six cas de mort brutale, pour une population de 10 millions de personnes vaccinées. Ainsi que 16 000 fausses couches du premier trimestre pour 1 million de femmes enceintes.

Avant que l’AMM ne soit accordée, la sécurité des vaccins est testée par comparaison entre un groupe vacciné et un groupe non vacciné. Les deux étant surveillés de façon active durant un mois, c’est-à-dire au moyen de questionnaires réguliers recherchant la survenue de symptômes comme la fatigue, une rougeur… Une manière de procéder qui induit un taux de réponses positives très important. Une surveillance sans sollicitation serait plus intéressante pour évaluer l’impact réel de la vaccination durant ce mois. En revanche, un mois de surveillance est un peu court. D’autre part, il est nécessaire de surveiller au moins quarante mille 7 Importance of background rates of disease in assessment of vaccine safety during mass immunisation with pandemic H1N1 influenza vaccines Steven Black, Juhani Eskola, Claire-Anne Siegrist, Neal Halsey, Noni MacDonald, Barbara Law, Elizabeth Miller, Nick Andrews, Julia Stowe, Daniel Salmon, Kirsten Vannice, Hector S Izurieta, Aysha Akhtar, Mike Gold, Gabriel Oselka, Patrick Zuber, Dina Pfeifer, and Claudia Vellozzi. Lancet, December 2009

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Par exemple l’isolement d’une souche (comme un virus de rougeole) dans un lieu stérile (le LCR par exemple) coïncidant avec la survenue de symptômes cliniques peut suffire à incriminer un vaccin à l’occasion de la survenue d’une pathologie (dans ce cas une encéphalite) ou encore la survenue d’une réaction allergique dans les minutes ou les quelques heures suivant l’administration d’un vaccin est en faveur de l’imputabilité de cet événement à la vaccination.

Les données épidémiologiques Ce sont les arguments les plus probants. Ils reposent sur des études prospectives, cas-témoins ou de cohorte. Elles peuvent montrer une incidence plus élevée d’une maladie dans le groupe vacciné par rapport à l’autre (argument majeur). Elles peuvent également, même en l’absence d’augmentation de l’incidence, mettre en évidence des cas regroupés de façon anormale sur une période donnée. C’est aux vues de ce type d’arguments que la National Academy of Medicin conclut en faveur ou non d’un lien entre un effet indésirable et un vaccin. Il est beaucoup plus facile d’établir formellement un lien que d’en rejeter un. C’est pourquoi il est pratiquement impossible d’affirmer qu’« il a été démontré qu’il n’y a pas d’augmentation du lien » et que les experts choisissent de dire qu’il « n’a pas été démontré qu’il y avait une augmentation du lien ». Des preuves considérées comme convaincantes de lien avec certains vaccins ont été retenues par la National Academy of Medicin concernant la survenue de cas de varicelle disséminée, de choc anaphylactique, de syncope ou encore de bursite post vaccinale (cf. tableau ci-après pas 9).

les enjeux de la lutte pour la vaccination

Varicella

Disseminated varicella infection (widespread chickenpox rash shortly after vaccination)

Convincingly Supports

Varicella

Disseminated varicella infection with subsequent infection resulting in pneumonia, meningitis, or hepatitis

Convincingly Supports a

Varicella

Vaccine strain viral reactivation (appearance of chickenpox rash months to years after vaccination)

Convincingly Supports

Varicella

Vaccine strain viral reactivation with subsequent infection resulting in meningitis or encephalitis (inflammation of the brain)

Convincingly Supports

MMR

Measles inclusion body encephalitis

Convincingly Supports ab

MMR

Febrile seizures (a type of seizure that occurs in association with fever and is generally regarded as benign)

Convincingly Supports

MMR

Anaphylaxis (a very rare but sudden allergic reaction)

Convincingly Supports

Varicella

Anaphylaxis

Convincingly Supports

Influenza

Anaphylaxis

Convincingly Supports

Hepatitis B

Anaphylaxis

Convincingly Supports c

Tetanus Toxoïd

Anaphylaxis

Convincingly Supports

Meningococcal

Anaphylaxis

Convincingly Supports

Injection-Related Deltoid bursitis (frozen shoulder, characterized by shoulder pain and loss of motion) Event

Convincingly Supports

Injection-Related Syncope (fainting) Event

Convincingly Supports

À l’inverse, des arguments solides ont été avancés par la National Academy of Medicin en faveur d’un rejet du lien entre autisme et vaccin anti-rougeoleux, vaccination anti-influenza et paralysie faciale ou asthme ou encore ROR (MMR) et diabète de type 1.

De la nécessité d’études de grande puissance Détecter une incidence rarissime d’effets indésirables nécessite des études de très grande puissance.

L’infection à rotavirus est si fréquente que quatre mille patients avaient suffi à démontrer l’efficacité du vaccin Rotashield® en termes de diminution des hospitalisations et comme aucun risque supplémentaire d’invagination intestinale aiguë n’avait été décelé sur cet échantillon, l’AMM a été donnée. À la suite d’une vaccination massive, un cas « excédentaire » d’invagination intestinale aiguë survenant dans les dix jours suivant l’injection, a été retrouvé pour 10 000 enfants vaccinés. Tous les enfants vaccinés ont continué à être suivis durant 1 an. Il a alors été constaté que cette légère augmentation dans les jours suivant le vaccin, était compensée par le fait qu’il y avait eu moins de cas d’invagination dans le groupe vacciné au cours du reste de l’année. Il est donc possible qu’un lien entre invagination intestinale et vaccination existe mais sans augmentation globale du nombre de cas.

De nouvelles études portant sur 40 000 enfants par groupe n’ont pas permis de retrouver ce sur-risque.

Depuis, de nouveaux vaccins Rotarix® et Rotateq® ont été développés pour lesquels le risque d’invagination intestinale aiguë attribuable au vaccin a été évalué à 1 cas sur 500 000 avec un sur-risque entre les 3e et 8e jours suivant l’injection sans augmentation du nombre de cas à plus long terme, ni au final. Une fois l’effet

indésirable identifié, il reste à le comparer au bénéfice attendu. C’est ainsi qu’en Finlande, la vaccination de masse avec le Pandemrix® (couverture vaccinale de 86 %) a été stoppée, à la suite de l’établissement d’un lien entre le vaccin et la survenue de cas de narcolepsie. La narcolepsie avec catalepsie est une maladie auto-immune rare (incidence 0,5 à 1/100 000) mais grave, invalidante et dont on ne guérit pas. Elle connaît deux pics naturels, vers l’âge de 15 ans et à l’approche de la quarantaine. Son diagnostic clinique se fonde sur des critères précis. Le mécanisme auto-immun est très probable, responsable de la destruction des neurones producteurs d’hypocrétine (au niveau de l’hypothalamus). Cette maladie est associée à un phénotype HLA particulier retrouvé chez 98 % des malades. Tous les patients atteints possèdent des anticorps anti-hypocrétine.

L’exemplarité de la polémique du vaccin hépatite B Le premier vaccin contre l’Hépatite B a été mis au point par le Français Philippe Maupas en 1976, et a obtenu l’AMM dès 1981. En 1982, la direction générale de la santé décide de vacciner le personnel de santé. Le remboursement intervient en 1984 et on élargit le programme de vaccination aux populations à risque ainsi qu’à tous les professionnels exposés en 1990. Le dépistage au sixième mois de grossesse est décidé en 1992. En 1994, le vaccin est remboursé de façon généralisée. Il est alors proposé de vacciner les pré-adolescents à l’école, suivant un schéma 0-1-6 mois. Suivent trois générations d’enfants vaccinés avec un taux de couverture atteignant 70 %. Aucune cohorte n’a atteint une telle couverture depuis. En

le pédiatre n° 281 • 2017-4 • 9

les enjeux de la lutte pour la vaccination

10 • le pédiatre n° 281 • 2017-4

1995, on décide de recommander la vaccination des nourrissons et des pré-adolescents et à la fin 1997, plus de 75 millions de doses avaient été vendues.

Finalement, plus de vingt millions de Français ont été vaccinés, dont énormément d’adultes jeunes, dans la tranche d’âge où se réveillent les maladies auto-immunes. L’Agence du médicament a commencé à recevoir les notifications de cas d’épisodes démyélinisants chez des sujets récemment vaccinés et a déclenché une enquête de pharmacovigilance. La France est le seul pays où ce phénomène a été observé mais elle est aussi le seul pays à avoir autant vacciné. Les maladies auto-immunes ne sont pas rares (2 à 5 % de la population) et la SEP est l’une des plus fréquentes.

Une coïncidence temporelle sur un certain nombre de cas est inévitable. En 1998, en application, plus politique que scientifique, du principe de précaution, le ministre de la Santé, Bernard Kouchner, et le président du comité technique de vaccination décident de suspendre la vaccination dans les collèges, avant même que le comité d’experts de la vaccination ne se réunisse. Une enquête débute à la Pitié Salpêtrière avec des malades et des témoins (sans SEP) appariés par âge, sexe, date de consultation et on regarde ceux qui sont vaccinés. Dans ce type d’étude cas-témoins, l’augmentation du risque est considérée comme significative, lorsque l’odds ratio8 est supérieur à 1 et que l’intervalle de confiance à 95 % dont il doit être assorti, ne comporte pas le chiffre 1. Dans ce cas, l’odds ratio ajusté à 2 mois était égal à 1,7 avec un intervalle de confiance qui comprend le chiffre 1, il n’y avait donc pas d’augmentation démontrée du risque. Dans les 2 à 6 mois suivant la vaccination, l’odds ratio est de 1,5 avec le même intervalle de confiance. Cette étude, bien conduite, ne met donc pas en évidence de lien entre SEP et vaccination. Une étude multicentrique (17 centres), selon la même méthodologie, est alors mise en route. L’état vaccinal des patients est attesté par leur certificat de vaccination comprenant la date et le nom du vaccin. L’odds ratio ajusté à 2 mois n’est toujours pas significatif et à 12 mois non plus. Il n’y a toujours pas de mise en évidence de l’augmentation du risque. Au total, huit études chez l’adulte et trois chez l’enfant ne révèlent rien de significatif. À la neuvième étude9, l’odds ratio est trouvé à 3,1 et l’intervalle de confiance ne comprend pas le chiffre 1.

Les auteurs en déduisent un risque multiplié par trois de déclencher une SEP après vaccination anti-hépatite B. Il a par la suite été démontré que cette étude était entachée d’un biais du fait du recrutement sur

utilisation du dossier médical du médecin traitant et non pas d’un certificat de vaccination. Or, certains patients avaient été vaccinés par un autre médecin et du coup, le vaccin ne figurait pas sur le dossier. De plus, la vaccination dans le groupe témoin avait été sous-estimée par rapport au groupe malade. Il s’agit d’un biais de notoriété dû au fait que les chercheurs prêtent systématiquement plus d’attention au vaccin dans ce groupe. L’importance de ce biais a été démontrée par une équipe américaine qui a utilisé une autre base de données, avec la même méthode, en comparant ce qui se passe lorsqu’on prend en compte le dossier médical ou le certificat apporté par le malade. Ils ont démontré qu’on ne retrouvait plus le lien vaccination anti-hépatite B et SEP dans le second cas. Cette neuvième étude a donc été mondialement critiquée par des experts internationaux et par un comité OMS. La France possède une base de données concernant les affections démyélinisantes chez l’enfant à partir de laquelle trois études ont été publiées, dont une10 qui s’intéressait à des enfants ayant déjà subi une première poussée d’affection démyélinisante, afin de savoir si le vaccin avait favorisé la survenue d’une SEP après une première et une deuxième injection du vaccin anti hépatite B. Cette étude n’a pas révélé d’augmentation du risque, ni après la première, ni après la seconde injection. Une étude récente11 montre qu’il y a légèrement plus de SEP dans les quatorze premiers jours suivant le vaccin anti-hépatite B mais que si on considère un délai d’un mois après le vaccin, il n’y a globalement pas plus de SEP qu’en population générale. Les auteurs émettent l’hypothèse que certaines personnes pourraient avoir déclenché la maladie quelques jours plus tôt du fait de la vaccination mais qu’elles l’auraient déclenchée de toute façon au cours du mois suivant même en l’absence de vaccin. Ce qui signifierait que les vaccins, tout comme les agents infectieux, pourraient accélérer la transition d’un tableau sub-clinique vers la maladie auto-immune.

Aujourd’hui, 75 % des nourrissons français sont complètement vaccinés, sans que l’on ait entendu parler d’effets indésirables. Au moment du remboursement du vaccin hexavalent, en 2008, la couverture vaccinale est passée de 30 à 70 %. Mais un tiers seulement des adolescents est actuellement complètement vacciné. Les deux autres tiers sont non vaccinés ou incomplètement vaccinés. Le combat de la vaccination anti-HBs est donc gagné sauf pour la génération actuelle des adolescents.

8 Ndlr. Rappel : un odds est le rapport du nombre de patients présentant l’événement, r×n, divisé par le nombre de patients ne présentant pas l’événement, (1-r)×n. Par exemple, un odds de 0,25 correspond au rapport 2/8 et signifie que pour 2 patients présentant l’événement, 8 ne le présentent pas (0,25=2/8=r/(1-r)).

Dans la même situation, le risque est 0,20 (2/10).

9 Hernan et al. (163 cas et 1604 témoins)

10 Hepatitis B vaccine and risk of relapse after a first chilhood episode of CNS inflammatory demyelination. Yann Mikaeloff et al. Brain 2007 11 Annette Langer-Gould et al. ; Vaccines and risk of multiple sclerosis and other central nervous system demyelinating diseases Jama neurol 2014

Le délicat problème des adjuvants Qu’est-ce qu’un adjuvant ?

Les adjuvants des vaccins sont des substances destinées à attiser l’inflammation locale de telle sorte que le volume des contacts entre antigènes, cellules présentatrices d’antigènes et lymphocytes soit plus important, et favorise la production de davantage d’anticorps. Il est donc normal de retrouver des lésions inflammatoires locales plus importantes en cas de vaccin avec adjuvant.

L’adjonction d’adjuvant ne concerne que les vaccins non vivants dont le mécanisme d’action est différent de celui des vaccins à virus vivants atténués.

L’injection d’un vaccin non vivant entraîne un dépôt d’antigènes intramusculaires qui déclenche l’activation de cellules présentatrices d’antigènes (APC) : monocytes, macrophages et cellules dendritiques. Un granulome inflammatoire local est ainsi créé à partir duquel des complexes APC-Ag migrent vers les ganglions de drainage. Puis, suivra une nouvelle migration des lymphocytes mémoire vers la totalité des ganglions.

Les biothérapies dans les formes réfractaires : l’actualité de la question

les enjeux de la lutte pour la vaccination

L’injection d’un vaccin à virus vivant entraîne une virémie qui informe directement le système immunitaire. C’est pourquoi, dans ce cas, aucun adjuvant n’est nécessaire pour stimuler et amplifier la réaction immunitaire.

Cliniquement, l’injection de vaccin adjuvanté, surtout lorsqu’elle est faite en sous-cutané, peut entraîner un granulome ou un pseudo abcès au point d’injection.

Ces lésions qui traduisent la réaction à l’introduction d’un corps étranger, démangent et peuvent persister plusieurs semaines, voire des mois. Elles finissent par disparaître. La survenue de réactions inflammatoires plus étendues est possible (tuméfactions sous cutanées) mais rare.

Principal adjuvant : l’aluminium L’aluminium est le principal adjuvant utilisé dans les vaccins depuis plus de soixante ans (1926). Il existe sous deux formes, l’hydroxyde d’aluminium, le plus couramment utilisé, et l’hydroxy phosphate d’aluminium.

Il est toujours d’origine exogène. Notre exposition à

Teneur en aluminium de différents vaccins commercialisés du calendrier vaccinal français Vaccins

Spécialité

Quantité d’aluminium

Tétanos

Tétanique Pasteur

0,6 mg

Diphtérie-tétanos-polio

DTPolio

0 (rupture actuelle)

Diphtérie (d)-tétanos-polio

Revaxis

0,35 mg Al hydroxyde

Diphtérie-tétanos-polio-coqueluche acell- haemophilus

Infanrix-quinta

0,95 mg Al

Diphtérie-tétanos-polio- coqueluche acell

Infanrix tetra

0,5 mg Al

Diphtérie-tétanos-polio-coqueluche acell- haemophilus-hépatite B

Infanrix-hexa

Al (OH) 3 : 0,95 mg Al 3+ / Phosphate d’Al: 1,45 mg Al 3+

Diphtérie-tétanos-polio-coqueluche acell- haemophilus

Pentavac

0,3 mg Al

Diphtérie-tétanos-polio-coqueluche acell

Tetravac

0,3 mg Al

Diphtérie-tétanos-polio-coqueluche acell

Boostrix

0,3 mg Al : hydroxyde / 0,2 mg Al : phosphate

Diphtérie-tétanos-polio-coqueluche acell

Repevax

0,33 mg Al phosphate

Hépatite A

Havrix enfants

0,25 mg Al 3+

Hépatite A

Havrix adultes

0,50 mg Al 3+

Hépatite A-Hépatite B enfants

Twinrix enfants

0,025mg Al 3+

Hépatite A-Hépatite B adultes

Twinrix adultes

0,050 mg Al 3+

Hépatite B

Engérix B10

0,25 mg Al 3+

Hépatite B

Engérix B20

0,50 mg Al 3+

Hépatite B

HBVAX PRO 5

0,25 mg Al 3+

Hépatite B

HBVAX PRO 10

0,50 mg Al 3+

Papillomavirus quadrivalent

Gardasil

0,22 mg Al 3+ phosphate Al

Papillomavirus bivalent

Cervarix

0,5 mg Al 3+

Méningocoque C conjugué

Neisvac

0,5 mg Al OH

Méningocoque C conjugué

Méningitec

1,25 mg (phosphate) Al

Académie nationale de médecine. Les adjuvants vaccinaux: quelle actualité en 2012 ? Pierre Bégué, Marc Girard, Hervé Bazin, Jean-François Bach

le pédiatre n° 280 • 2017-3 • 11

les enjeux de la lutte pour la vaccination

l’aluminium provient de sources multiples : de certains aliments, de l’eau de consommation, d’expositions accidentelles ou professionnelles, de médicaments (comme les protecteurs gastriques) et des adjuvants vaccinaux.

L’aluminémie chez l’homme est de 1 à 16 microgramme/l De nombreux documents ont été produits concernant l’aluminium dont trois particulièrement importants, émanant de l’Académie nationale de médecine, du Haut conseil de santé publique et de l’OMS. C’est cette dernière qui fixe les valeurs de sécurité, variables selon la durée de l’exposition, la nature de l’organe exposé et la dose journalière à laquelle il est exposé. Une dose élevée d’aluminium pourrait entraîner une toxicité neurologique. L’OMS a fixé en 1989 une dose journalière tolérable (DJT) de 1 mg/kg. Par voie digestive l’aluminium est très peu absorbé, de l’ordre de 5 %.

Un taux de sécurité de 0,85 mg par dose de vaccin a été défini. L’aluminium contenu dans les vaccins l’est sous deux formes : hydroxyde d’aluminium (AL OH) et hydroxyphosphate d’aluminium (Al (OH)3 PO4. L’Al OH ne contient pas de nanoparticules d’Al. En cas d’injection intra-musculaire, les agrégats persistent au point d’injection plus ou moins longtemps. L’Al OH se dissout très lentement dans le tissu interstitiel. Le tissu interstitiel contient 3 acides organiques capables de chélater l’aluminium. La dose étant très petite, on ne repère pas de changements de concentration sanguine, urinaire ou tissulaire.

Vaccins actuellement utilisés en France et adjuvants

• Vaccins sans aluminium Tous les vaccins à virus vivants : BCG, ROR, Rotarix®, fièvre jaune, pneumo23 ; tous les vaccins anti-grippaux, les vaccins contre les méningocoques ACYW, le vaccin varicelle et celui contre le zona (= 14 vaccins varicelle regroupés).

• Vaccins contenant de l’aluminium DTP coqueluche acellulaire, hépatites, encéphalite japonaise, meningocoque C, les vaccins anti-HPV sauf le Cervarix®.

• Vaccins contenant un autre adjuvant Un seul actuellement : le Cervarix® (adjuvant = un squalène) mais il va bientôt être supprimé.

La myofasciite à macrophages, une exclusivité française Romain Gherardi directeur de recherche à l’Inserm et professeur d’histologie au CHU Henri Mondor de Créteil, qui travaille sur l’effet des adjuvants vaccinaux a décrit une nouvelle maladie, qu’il impute à l’injection vaccinale

d’aluminium, la myofasciite à macrophages12. La France est aujourd’hui le seul pays où cette maladie est décrite, et cette équipe est également la seule à défendre cette hypothèse, alors que les vaccins contenant de l’aluminium sont largement utilisés dans le monde.

Cliniquement, la myofasciite à macrophages se traduit par une série de symptômes aspécifiques, qui sont également réunis sous le terme de « syndrome de fatigue chronique », et se traduisent par des myalgies, des arthralgies, une fatigue chronique, des troubles de l’attention et du sommeil… Au point d’injection vaccinale, on observe une lésion histologique qui correspond à l’infiltration cellulaire de macrophages et de lymphocytes autour des fibres musculaires et des fascias, sans qu’il n’y ait de signe de myosite. Les biopsies à distance du point d’injection sont toujours négatives.

On retrouve également des inclusions spiculaires d’hydroxyde d’aluminium à l’intérieur des macrophages au niveau de l’injection. Cet aspect histologique de myofasciite à macrophages existe donc réellement et correspond à une cicatrice de la vaccination. Cette cicatrice histologique peut durer au moins 18 mois mais, sa persistance durant des années, évoquée par le professeur Gherardi, n’est pas démontrée. Quoiqu’il en soit, si le lien entre vaccin et lésions histologiques est bien avéré, le lien entre cet aspect histologique au point d’injection et les symptômes décrits par les patients en revanche, n’est établi par aucune étude. Dans son argumentaire, le professeur Gherardi évoque « 90 % des gens qui ont des dépôts d’aluminium ont une myofasciite à macrophage » or, en réalité il n’a fait de biopsie que chez des gens qui se plaignaient de symptômes. Est-ce que tous les gens vaccinés sains, ou en tous cas une grande partie d’entre eux, présentent également cette cicatrice histologique ? Aujourd’hui, on l’ignore. D’autre part, le professeur Gherardi parle d’un passage cérébral de l’aluminium mais il fait référence à des expériences menées sur des souris dont la barrière hémato-méningée a été génétiquement modifiée pour laisser passer les métaux lourds, dans le but d’étudier leur impact sur les cellules cérébrales. Une situation qui ne correspond en rien à la réalité biologique d’un être humain pourvu d’une barrière hémato-méningée intacte. D’après le professeur Gherardi, c’est la migration de l’aluminium contenu dans le vaccin vers le cerveau qui créerait la maladie. À l’état naturel, l’aluminium ne peut se dissoudre qu’à un pH inférieur à 2 et donc logiquement, il ne devrait pouvoir passer dans le sang que chez des personnes décédées depuis plus de 25 heures. C’est pourquoi le professeur Gherardi évoque un transport de cet aluminium à l’intérieur des macrophages mais jusqu’à présent, il n’a pas réussi à démontrer qu’il en soit ainsi. Il n’est pas non plus exact, comme le prétend ce chercheur de dire qu’il n’ait pas obtenu de financement 12 Gherardi RK et al., Lancet 1998, 352, 347-52

12 • le pédiatre n° 281 • 2017-4

les enjeux de la lutte pour la vaccination

public pour ses recherches. Cependant, l’ANSM les lui a retirés en raison de son refus que ses examens fassent l’objet de procédures de contrôle (il a refusé que les dosages soient doublés).

Ces syndromes aux contours cliniques flous, myofasciite à macrophage, fibromyalgie, fatigue chronique ou encore Asia syndrom, peuvent être imputables à une multitude de causes. Si tant est que l’aluminium y soit pour quelque chose, le processus physiopathologique n’est pas élucidé, aucun lien avec un vaccin n’a pu être établi et il n’a pas été retrouvé de terrain favorisant (groupe HLA). Il n’existe qu’un seul consensus à propos de la neurotoxicité de l’aluminium : il est neurotoxique de façon aiguë lors d’une forte ingestion et en cas de consommation chronique à des doses élevées. Cette toxicité (encéphalopathie) a été décrite chez des personnes dialysées, en lien avec la présence d’aluminium dans le gel utilisé dans les machines de dialyse et qui passait dans le sang des malades. À noter que la myofasciite à macrophage n’est pas décrite chez les enfants alors que ce sont eux qui reçoivent le plus de vaccins contenant de l’aluminium.

Les conclusions du Haut Conseil de Santé Publique sont les suivantes : −− les séries de cas évoquant la myofasciite à macrophage de l’adulte proviennent d’une seule équipe dans le monde ; −− le lien entre la vaccination et la présence dans les muscles d’un granulome inflammatoire contenant de l’aluminium est reconnu ; −− aucune étude dans la littérature ne permet d’affirmer le lien entre la présence de ce granulome et les signes cliniques rapportés13.

Plus de vaccins mais moins d’antigènes De nombreuses théories profanes courent dans le grand public, comme, par exemple : « que les vaccins surchargeraient le système immunitaire », ou encore « que les bébés seraient trop jeunes pour être vaccinés… ». Un certain nombre de gens perçoivent le système immunitaire comme étant dans une sorte d’équilibre instable que les vaccins pourraient faire basculer dans le déséquilibre. Les enfants seraient soumis à un trop grand nombre d’antigènes différents qui solliciteraient abusivement leur système immunitaire. Mais la réalité scientifique réfute cette théorie.

Au moment d’une infection, quelle qu’elle soit, le système immunitaire ne répond pas à un seul antigène mais à un ensemble d’antigènes. Les anciens vaccins présentaient souvent beaucoup plus d’antigènes que les vaccins actuels. À leur origine, le vaccin anti-variolique regroupait cent quatre-vingt-dix-huit antigènes différents, celui de la rage possédait cinq antigènes, le vaccin coqueluche vivant environ trois mille alors que le vaccin acellulaire n’en contient que quatre ou cinq, le vaccin anti-tétanique n’en possède qu’un mais celui de la fièvre jaune onze, la grippe dix, la polio quinze et le BCG environ quatre mille !

Ce qui est faux : « Une tempête immunitaire »

Critères nécessaires pour suggérer ou supporter une relation de causalité Narcolepsie catalepsie

Myofasciite à macrophages

Définition diagnostique précise

oui

non

Mécanisme lésionnel identifié

oui

non

Processus physiopathologique lié au vaccin

oui

non

Terrain prédisposant identifié

oui

non

Études démonstratives (cas-témoins...)

oui

non

Description dans d’autres pays / pays index

oui

non

Reconnaissance internationale du phénomène

oui

non

Critères

13 cf. le communiqué de presse de l'ANSM en page 1 de la revue

D’après Plotkin et Orenstein. Vaccines fourth ed. 2004. Saunders ed. OffitPA et al.

Pediatrics 2002 ; 109 : 1249.

Aujourd’hui, malgré tous les vaccins qui lui sont administrés, un enfant reçoit infiniment moins d’antigènes.

Une injection contre le tétanos, la diphtérie et l’hépatite B ne confronte l’enfant qu’à trois antigènes différents, un par maladie.

le pédiatre n° 281 • 2017-4 • 13

les enjeux de la lutte pour la vaccination

Globalement vacciner au XXIe siècle, correspond à injecter moins d’antigènes pour plus de maladies et en moins de piqûres. Ces notions sont importantes à expliquer aux parents inquiets.

ROR et autisme, histoire d’une fraude scientifique Le vaccin monovalent contre la rougeole apparaît en France à la fin des années soixante et le vaccin triple ROR à la fin des années quatre-vingt. À partir de 1988, la deuxième dose de ce vaccin est recommandée dans les pays du Nord de l’Europe. En Angleterre plusieurs campagnes de rattrapage ont été menées pour vacciner efficacement contre les trois maladies.

La crainte de la stérilité liée aux oreillons et la gravité de la rubéole congénitale ont favorisé l’adhésion des familles à ces campagnes de vaccination et la couverture vaccinale a été forte.

Parallèlement, la définition de l’autisme s’est modifiée pour englober plus largement les « troubles du spectre autistique » que les médecins sont aujourd’hui mieux formés à reconnaître. Cette évolution est au moins en partie, responsable de l’augmentation de la prévalence des troubles du spectre autistique.

Un article du docteur Wakefield, gastroentérologue britannique, paru dans le Lancet en 199814, fut le point de départ de la polémique. Le papier s’intitulait « Hyperplasie nodulaire lymphoïde, colite non spécifique et anomalies du développement des enfants », il concernait une étude sur douze enfants qui avaient consulté un gastroentérologue en raison de troubles digestifs associés à un syndrome neurologique régressif. Les troubles s’étant déclarés deux jours à deux semaines après l’injection d’un vaccin rougeole-oreillonsrubéole (MMR). Quatre des douze enfants avaient en réalité présenté des signes neurologiques avant les troubles digestifs, ce qui ne colle pas avec l’hypothèse de Wakefield selon laquelle « la vaccination MMS par sa nature trivalente modifierait les réponses immunes antivirales normalement induites contre le virus de la rougeole rencontré dans la nature. Et cette réponse immune inappropriée conduirait à une infection virale persistante par la souche vaccinale de la rougeole. Cette infection persistante déclencherait des troubles digestifs chroniques. Et ces troubles digestifs modifieraient la perméabilité intestinale permettant à 14 « ileal lymphoid-nodular hyperplasia, non specific colitis, and pervasive developmental disorder in children » Wakefield A & Al Lancet 1998; 351:637-41

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des substances neurotoxiques de passer dans le sang.

Ce passage suffirait à provoquer des lésions neuronales et un arrêt du développement neurologique chez des jeunes enfants de moins de 24 mois. ». En réalité, il s’agit là d’une élucubration intellectuelle sans aucun fondement scientifique. Cette étude fut menée sur un tout petit nombre d’enfants, censés être représentatifs des enfants avec autisme, sans groupe témoin, dans un contexte où plus de 90 % des enfants anglais étaient vaccinés. L’éventualité d’une coïncidence temporelle n’est jamais évoquée par le docteur Wakefield.

D’autre part, l’hyperplasie iléo-colique n’est pas forcément un phénomène pathologique et les événements intestinaux étaient parfois postérieurs à la régression autistique.

Il s’en est suivi plusieurs publications menées à partir de séries de centaines d’enfants, qui n’ont pas retrouvé d’association entre vaccin MMR et autisme ou troubles digestifs. D’autres études ont suivi, concernant des populations entières, comme en Finlande où cinq-cent-trente-quatre-mille enfants âgés de un an à sept ans ont été vaccinés. Il n’a pas été rapporté d’augmentation des cas d’autisme par rapport au nombre de cas attendu. Au Danemark, une étude a également porté sur cinq-cent-soixantetreize-mille enfants vaccinés entre 1991 et 1998. La comparaison menée entre enfants vaccinés et non vaccinés concernant la survenue d’autisme typique et de syndromes apparentés, n’a rien révélé de particulier.

Au total, sept études de cohorte, neuf études cas-témoins et quatre études à partir de registres, dans différents pays, ont infirmé le lien entre vaccin MMR et troubles du spectre autistique Depuis, il a été démontré scientifiquement et juridiquement, que ce chercheur avait truqué les résultats de l’étude et le Sunday Times a révélé qu’il avait été rémunéré pour son étude par une firme d’avocats américains qui lui demandait de mettre en évidence un lien entre autisme et vaccin. Cas unique dans l’histoire de la revue, l’étude du docteur Wakefield a été officiellement retirée par Le Lancet. Le médecin s’est également vu retirer le droit d’exercer la médecine. Il est actuellement salarié d’une ONG texane anti-vaccin et soutien de Donald Trump (notoirement contre les vaccins). Cependant, en Angleterre, la publication du docteur Wakefield a entraîné une baisse significative et durable de la couverture vaccinale et une recrudescence de la rougeole et de ses complications.

les enjeux de la lutte pour la vaccination

Élargissement transitoire des obligations vaccinales -

Communiqué de presse 26 /6/2017

Soutenues par l’Académie nationale de médecine et l’Académie des sciences, les sociétés scientifiques et médicales signataires ci-dessous, félicitent la nouvelle ministre de la Santé, le Professeur Agnès Buzyn, pour sa prise de position1 en faveur de l’extension des obligations vaccinales de l’enfant2.

Actuellement le calendrier vaccinal de l’enfant de moins de 6 ans comprend 11 vaccins dont seulement trois sont obligatoires. Les autres sont recommandés. Ces 11 vaccins sont tous nécessaires et réalisés depuis longtemps chez la grande majorité des enfants². Une certaine méfiance vis-à-vis des vaccins voit cependant le jour, particulièrement en France.

L’élargissement de l’obligation aux 11 vaccinations de l’enfant correspond aux recommandations du comité d’orientation de la Concertation citoyenne sur la vaccination rendues publiques le 30 novembre 20163 et soutenues par les sociétés signataires de ce communiqué. Ces sociétés rappellent leur communiqué de presse4 du 12 février 2017 réagissant à l’avis du Conseil d’état du 8 février 20175.

Cet avis enjoignait la ministre de l’époque de mettre en adéquation, dans les 6 mois, la réglementation et la disponibilité des vaccins concernés par les obligations6. Sur des bases scientifiques et médicales, les sociétés confirment leur position en faveur de la nécessité impérieuse de tous les vaccins préconisés par le calendrier vaccinal de l’enfant, qu’ils soient actuellement obligatoires ou recommandés2. Il est irrationnel de privilégier les uns ou les autres. L’élargissement provisoire des obligations est la seule réponse aujourd’hui adaptée face au danger que représentent ces maladies infectieuses et compte tenu de la défiance qui se répand visà-vis des vaccins, dans notre pays plus que nulle part ailleurs dans le Monde. Cette défiance expose les patients, en particulier les plus vulnérables, à des risques non acceptables. Cette décision ne ferait que clarifier et renforcer les recommandations officielles françaises appliquées en routine depuis de nombreuses années par la plupart des médecins à la majorité de leurs patients.

Rappel

Les sociétés signataires font remarquer les points suivants : −− la non disponibilité du vaccin DTP ne permet pas de répondre à la demande de mise à disposition de ce vaccin sous forme isolée et de répondre aux obligations actuelles ; −− il n’y a pas de différence significative en termes de nécessité, d’efficacité et de tolérance entre les trois vaccins obligatoires jusqu’à maintenant (DTP) et les autres vaccins « seulement » recommandés mais pratiqués couramment dans la très grande majorité de la population française depuis longtemps ; l’hypothèse d’une levée des obligations vaccinales, autre solution prônée par certains, nous semble dangereuse car elle pourrait induire une baisse conséquente de la couverture vaccinale vis-à-vis de maladies graves exposant la population à un risque infectieux élevé ; −− l’avis du Conseil d’État suggérait d’ailleurs que l’extension des obligations vaccinales permettrait de mettre en adéquation la loi avec les besoins de santé et de répondre aux contraintes actuelles.

Contacts

AFPA, Association Française de Pédiatrie Ambulatoire ; François Vié le Sage - f.vielesage@fvls.fr - 06 80 20 57 36 GPIP, Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique / SFP, Société Française de Pédiatrie ; Robert Cohen - robert.cohen@wanadoo.fr - 06 09 05 31 64 SPILF, Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française - Odile Launay - odile.launay@cch.aphp.fr - 06 32 68 22 43 Sociétés médicales signataires - ASI Académie des sciences infirmières//AFPA; Association française de pédiatrie ambulatoire//ANPDE Association nationale des puéricultrices diplômés et des étudiants//CNGOF Collège national des gynécologues et obstétriciens français//CNPP Conseil national professionnel de pédiatrie//CNSF Collège national des sages-femmes de France//CIF Collège infirmier français//FNCGM Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale//GPG Groupe de pédiatrie générale SFP//GPIP Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique SFP//PDM Pédiatres du monde//SF2H Société française d'hygiène hospitalière//SFGG société française de gériatrie et gérontologie//SFI Société française d’immunologie// SFMG Société française de médecine générale//SFN Société française de néonatologie//SFORL Société française d’Orl//SFP Société française de pédiatrie//SFSA Société française pour la santé de l’adolescent//SMV Société de médecine des voyages//SNFCP Société nationale française de colo-proctologie//SNFMI Société nationale française de médecine Interne//SPILF Société de pathologie infectieuse de langue française Syndicats signataires - CSMF Confédération des syndicats médicaux français//SNMPMI Syndicat national des médecins de PMI//SNPF Syndicat national des pédiatres français//SNPI syndicat infirmier Associations citoyennes signataires - AFPSSU Association française de promotion de la santé scolaire et universitaire//Association Petit Ange ensemble contre la méningite Soutiens non signataires - Académie nationale de médecine//Académie des sciences.

1 http://www.leparisien.fr/societe/la-ministre-de la-sante-agnes-buzyn-veut-rendre-rendre-onze-vaccins-obligatoires-15-06-2017-7055664.php 2 Les 11 vaccins concernés sont ceux déjà recommandés et réalisés pour la majorité des enfants : DTP (Diphtérie-Tétanos-Polio, seuls obligatoires actuellement), Hib (méningites à haemophilus), coqueluche, hépatite B, pneumocoque, méningocoque C, ROR (Rougeole Oreillons Rubéole) 3 http://concertation-vaccination.fr 4 Des sociétés et syndicats médicaux réagissent à l’avis du Conseil d’état du 8 février 2017 concernant la vaccination obligatoire http://www.conseil-etat.fr/Actualites/ Communiques/Vaccination-obligatoire.

5 http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Vaccination-obligatoire 6 Seul DTP est obligatoire actuellement alors qu’il n’est pas disponible isolément mais seulement dans des présentations contenant de 4 à 6 valences au total : vaccins « Tetra, Quinta ou Hexa »

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