L’eau, la neige et l’Homme. Le paysage, matrice de l’avenir du territoire borain

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L’eau, la neige et l’Homme

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Le paysage, matrice de l’avenir du territoire borain


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L’eau, la neige et l’Homme Le paysage, matrice de l’avenir du territoire borain

Bessoud-Cavillot Florent Mémoire d’initiation à la recherche En vue de l’obtention du Diplôme d’État de Paysagiste Soutenu dans ma chambre entre deux promenades confinées, sous la direction de Mme Monique Toublanc Année universitaire - Covid-19 / 2020


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Abstract

In the mountains, water and snow are ressources which have an importance historically, economically and culturally. At the same time, the landscape played the role of support and matrix in the construction of these territorial resources. But how did the local operators who « invested everything » in « white gold », how do they envisage the future ? What is the place of the landscape and the landscape architect in this future ? Through different prisms, of ressources and the landscape, this dissertation offers a story of the trajectory of a mountain territory, Bourg-Saint-Maurice. Today, this territory is confronted with many complex stakes and dynamics. The work carried out with local actors highlighted the fact that the landscape may be an essential tool for understanding the territory. By exploring various actors accounts, this study illustrates possible future solutions for the creation and the redefinition of these spaces featured in the world from above.

Mountain Landscape

Ressource Ski

Territory

Snow

Water

Haute - Tarentaise


Résumé

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L’eau et la neige sont des ressources ayant une place importante dans l’histoire, l’économie et la culture des territoires de montagne. En parallèle, le paysage a joué le rôle de support et de matrice dans la construction de ces ressources territoriales. Mais comment des acteurs du territoire qui ont « tout misé » et donc tout investi dans « l’or blanc » envisagent - ils l’avenir ? Quelle est la place du paysage et du paysagiste dans cet avenir ? Par les prismes des ressources et du paysage, ce mémoire propose un récit de la trajectoire d’un territoire de montagne, Bourg-SaintMaurice, qui est aujourd’hui confronté à des dynamiques et des enjeux complexes. Le travail réalisé auprès des acteurs locaux met en avant le fait que le paysage peut-être un outil indispensable à la compréhension du territoire. Puis, par une exploration de divers récits d’acteurs, cette étude illustre des pistes de solutions futures possibles dans la création et la redéfinition de ces espaces caractéristiques du monde d’en haut.

Montagne Paysage

Ressource Ski

Territoire

Neige

Eau

Haute - Tarentaise


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Remerciements

J’aimerais adresser mes sincères remerciements à ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire. Je tiens d’abord à remercier Madame Monique Toublanc qui m’a soutenu, pour son attention aux détails, sa disponibilité et sa bienveillance tout au long de cet exercice et de ma formation. Ainsi que tous les professeurs qui m’ont conseillé, Martin de la Soudière, Alexis Pernet, Bernard Pecqueur, et bien d’autres. Je remercie également Éric Adamkiewicz pour m’avoir fait découvrir Bourg-SaintMaurice-Les Arcs il y a 4 ans, pour son regard aiguisé sur la montagne, ses conseils et ses orientations depuis le début. Un merci tout particulier à Thea Mckenzie, pour l’intérêt porté à mon sujet, pour m’avoir supporté, soutenu, et partagé mes expériences du terrain, au-delà de son regard de photographe avisée. Un grand merci à mes amis Arthur, Justine et Naska, pour tous leur accueil chaleureux et leurs précieuses informations sur le terrain. J’exprime aussi toute ma gratitude aux personnes que j’ai eu la chance d’interviewer, pour leur temps, leurs réponses et leur passion. Un immense merci à ma famille, pour les heures passées à la relecture de cet ouvrage et de tous ceux qui ont jalonné ma scolarité, sans qui tout cela n’aurait été possible. Finalement, je remercie surtout tous mes compagnons de promotion, pour les heures incalculables passées dans l’atelier à travailler ensemble, pour leur regard, leur réflexion et leur humour, qui, en cette période de confinement, ont manqué malgré nos échanges à distance.

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Sommaire

5 Résumé 7 Remerciements 10 Avant-propos 12 Introduction 14 Méthodologie

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CHAPITRE 1 : LA NEIGE, RESSOURCE POÉTIQUE ET PRÉCIEUSE

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Des mots pour la dire

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Un élément aux nombreux visages

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Du don tombé du ciel à la ressource territoriale

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CHAPITRE 2 : LA TRAJECTOIRE DE BOURG-SAINT-MAURICE

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Bourg-Saint-Maurice, « un laboratoire en montagne »

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Des cultures étagées, le savoir-faire des canaux

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L’énergie des pentes, la « houille blanche »

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L’aventure des Arcs

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Des acteurs passionnés


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CHAPITRE 3 : UNE RICHESSE DE RÉCITS, OUVRIR LE CHAMP DES POSSIBLES

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Du monde d’en bas au monde d’en haut

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De la station de sports d’hiver au quartier du sport outdoor

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Un produit, un terroir, les alpages du Beaufort

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« Au pays des arbres fruitiers et des Hommes »

180 Conclusion 182 Bibliographie 190 Glossaire 191 Table des figures 204 Annexes 204 1. Les personnes interviewées : 205 2. Exemple d’un questionnaire d’enquête : 206 3. Documents extrait de « Projets et perspectives alpes savoie Mont-blanc »


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Avant-propos Originaire de la campagne grenobloise, j’ai grandi au pied des montagnes. Le regard orienté vers le ciel. Issu d’une famille de randonneurs, mes premiers pas se sont presque accordés avec mes premières randonnées. Sensibilisé à ce paysage, j’y ai passé la plupart de mon temps libre, et ce, en toutes saisons. L’hiver reste ma préférée. Mais pourquoi l’hiver ? Selon moi, c’est la saison la plus « puissante » dans ce qu’elle évoque et engendre. Tout est accentué en montagne, les températures, les éléments, la lumière… L’hiver en est un parfait exemple tant il éveille l’imaginaire et bouleverse les quotidiens. Avec en fer de lance, un subtil « météore blanc », la neige. Cependant, aujourd’hui nous sommes face à un nouveau danger, toujours lié à la neige. L’eau, ressource vitale, composante de la neige, va devenir un véritable enjeu de partage au sein de nos territoires. Alerté, il y a près de deux ans en lisant un article d’un journal local : « Boire ou skier en Isère, faudra-t-il choisir ? »1. Il a particulièrement retenu mon attention requestionnant mes préoccupations personnelles. Pourtant fervent amateur de ski depuis toujours, je ne peux me faire l’avocat du diable et la réponse à la question de l’auteur est pourtant simple. Mais à l’ENSP, on nous apprend aussi à reformuler la question. Les problématiques de ressources territoriales ou du changement climatique sont souvent au cœur des ateliers menés au sein de la formation de DEP. Ils ont fait émerger en moi l’envie d’essayer de changer les choses. C’est pour cette raison que j’ai décidé d’orienter mes recherches sur ce sujet et de les appliquer sur un terrain d’étude, Bourg-Saint-Maurice. Ce site s’est révélé durant l’été 2019, en plein questionnement sur mon sujet de recherche, un mouvement à interpellé mon attention. Le PACT2, pour qui, à la suite d’une investigation sur les grands projets touristiques (ici le Club Med de la Rosière), il semblait « nécessaire de penser ensemble l’avenir de notre territoire ». Alarmé par cette prise de conscience d’acteurs locaux, c’était l’occasion de mettre en relation mon regard de jeune étudiant avec des revendications fondées et des problématiques d’avenir sur un territoire. En cette période trouble et après plusieurs mois de travail, je pense que cette étude cherche à tirer la sonnette d’alarme quant aux changements qui attendent ce territoire, surtout quand je constate un matin en cette période de confinement, la colère des habitants quant à l’état du site du chantier du Club Med à l’arrêt3. Comme un cycle bouclé, j’espère que cela servira de leçon pour l’avenir. Parce que ce travail se veut également porteur d’espoir, véhiculé par les acteurs rencontrés et ayant permis l’élaboration de ce mémoire. Alors, pourquoi ne pas reformuler la question de l’article, au fond, quelle montagne voulons-nous pour demain ? 1. Article du dauphiné : https://www.ledauphine.com/isere-sud/2018/12/27/boire-ou-skier-en-isere-faudra-t-il-choisir 2. Parct d’avenir citoyen de la Tarentaise : https://www.pact-tarentaise.com/ 3. https://www.ledauphine.com/edition-tarentaise-maurienne/2020/03/30/spectacle-desolant-autour-du-chantier-duclub-med?fbclid=IwAR2ji_mQknq-csEZZM3XmJigchTU6Q1wBklOhyIavpCbblyotK5wGtI6HZo


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FIGURE 1 PREMIER ARPENTAGE DE L’AUTEUR, LES SKIS AUX PIEDS, LA PLAGNE, FEVR.1998© A.BESSOUD-C.


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Introduction Au XIe siècle, les premières « sociétés paysagistes » (Berque, 1994) comme la Chine, désignaient le paysage par le terme « shan shui », littéralement « montagne-eau » (Escande, 2005). La montagne et l’eau étaient déjà associées au paysage dans ses premières évocations, presque 5 siècles avant qu’il ne fasse son apparition dans les sociétés européennes. « La montagne a les cours d’eau pour artères, les herbes et les arbres pour chevelures, les brumes et les nuages pour teint. C’est pourquoi la montagne doit à l’eau la vie qui l’anime […] l’eau à la montagne pour visage […]. Ainsi sont agencées les montagnes et les eaux. » (Roger, 2017, p. 71) C’est l’eau et la gravité qui dessinent le paysage. Les reliefs sont façonnés par l’érosion, fissurés par le gel, qui les fait éclater. La neige vient signifier les pentes les plus abruptes auxquelles elle s’accroche, creusant leurs parois en ruisselant durant sa fonte. L’eau rend à la fois l’espace vivant mais aussi vivable. Dans un espace hostile comme celui de la montagne, c’est à elle que les sociétés se sont toujours rattachées pour y vivre, survivre, ou pour sa simple exploitation. Cet acte d’exploitation, de « faire valoir » nous amène à ce qu’incarne l’eau pour l’homme, une ressource indispensable. La notion de ressource est un concept important en économie, mais aussi en géographie où elle apparaît comme associée le plus souvent au territoire. Elle peut se décliner en différentes catégories ; naturelle, durable, générique, initiale ou accomplie. Récemment, on parle même de ressource « paysagère » (Toublanc, 2013). La ressource peut difficilement échapper au regard du paysagiste vu la place qu’elle occupe dans la construction du territoire, et du paysage.

Si l’on se concentre sur la notion de ressource, celle-ci est un « Moyen matériel, produit dont un pays, une région peuvent disposer dans tel domaine » (Larousse, 2019). On parle donc de « produit » exploitable dans différents domaines, mais surtout de la possibilité pour quelque chose d’être ou non une ressource. Cette possibilité est déterminante, comme l’évoquait déjà en 1904, P. Vidal de la Blache : « Il faut partir de cette idée qu’une contrée est un réservoir où dorment des énergies dont la nature a déposé le germe, mais dont l’emploi dépend de l’homme. »4 Ces énergies sont des éléments, des objets, de la matière à disposition ou disponible à un moment donné dans un territoire dont les hommes s’emparent ou non. C’est donc l’homme et la société qui en se construisant ont des besoins auxquels « des énergies » qui « dorment » peuvent être ou non employées. L’exploitation de ces énergies se traduit spatialement et peut engendrer la formation de territoire sur lesquels les hommes s’organisent autour de l’exploitation d’une ou plusieurs ressources. Le territoire, qui correspond à « une entité spatiale spécifique marquée par la dimension temporelle (il faut du temps pour construire un territoire) » (Gumuchian, 2017, p.21), est donc une approche intéressante dans l’étude d’une ressource, car il est marqué par les dimensions de temps et d’espace. De ce processus de création, découle aussi des ressources territoriales, qui naissent « d’une interaction entre la nature et la société » (Luginbühl 2013, p.275) et donc des relations que des individus entretiennent avec leur environnement. Finalement, qu’est- ce qui résulte de ce processus ? Si l’on se base sur la définition de la Convention européenne du paysage :

4. VIDAL DE LA BLACHE Paul, Question de géographie humaine - Tableau de la geographie de la France, 1908


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« Le paysage désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations » (Convention européenne du paysage, 2000) Le paysage serait alors la perception de l’espace, lequel résulte de processus multiples aussi bien anthropiques que naturels. Il reflète ainsi le caractère et de la diversité du territoire. Si l’on prend la matière étudiée ici, l’eau, on est conscient que celle-ci, considérée comme à l’origine de la vie sur Terre est une ressource vitale pour l’Homme, mais aussi exploitable et exploitée différemment dans bien des domaines et des territoires. Cette ressource naturelle couvre actuellement 71 % de la surface terrestre, le cycle naturel dont elle résulte lui permet un renouvellement constant. C’est ce qui fait de l’eau une ressource durable5 car c’est une « ressource naturelle dont les réserves sont normalement

inépuisables », produites « en continue » (Larousse, 2019). Cependant, il faut considérer que seulement 2.5 % (Futura Sciences) de cette quantité est de l’eau douce. Outre son inégale répartition au sein du monde, il est aussi important de souligner que sur cette quantité d’eau : 68,7 % se trouvent dans les glaciers ; 30,1 % dans les nappes phréatiques ; 0,8 % dans le permafrost ; 0,4 % en surface et dans l’atmosphère (Futura, s. d.). Finalement, moins de 1 % de l’eau sur Terre est de l’eau douce sous forme liquide et une grande partie est contenue dans des glaciers. Ces glaciers sont produits par une compression de neige accumulée et entassée à des températures négatives, en fondant, la neige et la glace qui les composent viendront alimenter les rivières, les fleuves ou les nappes phréatiques en contrebas. (Figure 2)

Effet de foehn

Neige Glacier

Vent humide Précipitations

Lac d’altitude Condensation Ruissellement

Ruissellement Sources

Tourbière Evaporation

Torrent

Lac Ruisseau FIGURE 2 L’IMPORTANCE DE LA MONTAGNE DANS LE CYLCE DE L’EAU. © F.BESSOUD-C.

Fleuve

5. On entend ici durable au sens « qui dure », celle-ci ne peut pas complètement disparaitre


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Les montagnes occupent ainsi une place particulière dans le cycle fragile de l’eau. Elles interceptent l’air qui circule autour du globe pour le pousser vers le haut où il se condense en nuages faisant retomber l’eau sous forme de neige ou de pluie. En plus de permettre à cette eau de tomber du ciel, elles jouent un véritable rôle de « châteaux d’eau ». Stockées sous des formes solides de neige ou de glace, elles fondent durant les périodes plus chaudes, qui coïncident souvent avec des moments de faibles précipitations. Ainsi, elles offrent une disponibilité en eau et régulant ce cycle naturel. Ce lien étroit reliant ainsi la neige et l’eau sera le fil conducteur de notre développement. En effet, c’est de la neige dont découle l’eau et comme le souligne l’Agence européenne pour l’environnement, les Alpes ce « château d’eau » est un « service écosystémique sous pression » (pour ne citer que lui, les massifs de la Cordillère des Andes ou de l’Himalaya rencontrent des problématiques similaires). Dans les Alpes, durant l’hiver, l’eau est recueillie et s’accumule sous forme solide (neige et glace) dans les glaciers, les lacs, les nappes phréatiques et le sol. Ensuite, elle est délivrée progressivement lors de la fonte

des glaces et de neiges pendant les saisons plus chaudes. De ce fait, la neige alimente des fleuves tels que le Rhin, le Danube ou le Rhône, dont la tête de bassin-versant se trouve dans les montagnes. L’eau est ainsi utilisable à un moment où l’offre diminue en contrebas, dans les plaines et où la demande est maximale. À l’ère de l’anthropocène, les interactions fragiles qui sous-tendent le phénomène ancestral d’accumulation et d’écoulement sont désormais menacées (Figures 3 & 4). Le changement climatique risque de modifier radicalement ce cycle de l’eau. Le « château d’eau » des Alpes est extrêmement sensible et vulnérable aux évolutions des processus météorologiques et climatiques ou de l’utilisation de l’eau par la nature et les hommes. Toute dégradation peut avoir une influence sur la qualité et la quantité d’eau fournie à des dizaines de millions d’Européens, entraînant ainsi des cas de « stress hydrique » important. Cependant, il est important de rappeler que ce n’est pas la quantité d’eau qui va changer, mais sa forme et donc la façon dont celle-ci va se répartir, se stocker et s’écouler. Il y a donc un impact important sur les activités des territoires concernés, et donc le paysage.

FIGURE 3 DIMINUTION DES CUMULS DE NEIGE DURANT L’HIVER DANS LES ALPES. SOURCE : MÉTEOFRANCE


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Les liens entre l’eau et l’évolution des paysages de montagnes sont multiples, tout comme les usages et les représentations qui en découlent. À travers ce récit sur l’eau et la neige, il s’agit ici d’aborder la construction des paysages de montagnes, ainsi que les relations qu’entretiennent les sociétés avec ces derniers. Mais également d’explorer des questions intégrant les enjeux autour de l’utilisation de la ressource entre les acteurs et les effets sur le paysage. Force est de constater que l’eau a toujours été une ressource pour l’humanité, on peut alors se demander si la neige en est une ? Si c’est le cas, comment la société s’est construite autour de celle-ci ? De quelle manière a-telle pu orienter la construction des territoires de montagne ? Quelles sont les perceptions qui résultent de ce processus ? À travers l’étude de cas de Bourg-Saint-Maurice, on tachera de se demander ce qui fera ressource dans la période de l’après-neige ? Comment les acteurs du territoire qui ont « tout misé» et donc tout investi dans « l’or blanc » envisagent - ils l’avenir ? Quelle est la place du paysage et du paysagiste dans cet avenir ?

Le premier chapitre de ce récit sera consacré à la neige, cet élément solide et virevoltant autour duquel on fera un voyage sémantique nous amenant aux quatre coins du monde. Il sera aussi question de l’évolution de ses représentations à travers le prisme de différents médiums. Enfin, si les mots pour la dire et les figures pour la voir ne suffisent pas à en faire une ressource, nous analyserons les processus de transformation de la neige ressource, et leurs effets sur le paysage. Il permettra d’avoir une approche générale sur cet élément fascinant qui nous amène aujourd’hui à questionner certains territoires. Le second chapitre explorera notre site d’étude, Bourg-Saint-Maurice, commune de Haute-Tarentaise. Il tachera de comprendre le rôle que l’eau et la neige ont joué dans la construction et la trajectoire de ce territoire montagnard. Enfin, le troisième chapitre sera consacré aux récits sur son avenir, recueillis auprès d’acteurs de BourgSaint-Maurice, et nous tenterons de mettre en image ces projections qui amorcent le champ des possibles.

FIGURE 4 AUGMENTATION DES TEMPÉRATURES ANNUELLES MOYENNES.


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Méthodologie L’exercice du mémoire d’initiation à la recherche s’est déroulé de septembre 2019 à fin avril 2020. C’est l’occasion de pouvoir nous intéresser à un sujet et des problématiques portant sur le thème du paysage, pendant une étude menée individuellementet pouvant s’appliquer sur un territoire choisi. Durant cette période, cet exercice s’effectue en deux parties. La première est intitulée « Synthèse bibliographique », elle consiste à mener un travail d’investigation bibliographique sur le sujet choisi, d’explorer différentes pistes d’entrées dans le mémoire et enfin d’aboutir à une problématique qui sera ensuite développée dans l’étude du second semestre. Elle s’est déroulée de septembre 2019 à janvier 2020. Ce travail de synthèse nous a permis de rendre compte des références sur les sujets de la neige et de l’eau dans les territoires de montagnes, ainsi que sur la notion de ressource et de territoire. Au cours de cette investigation, nous avons pu rencontrer différents interlocuteurs :

concernant la notion de ressource. Ils nous ont permis d’éclairer et d’approfondir notre recherche et nos échanges ont été déterminants dans l’élaboration de cette étude. Enfin, la synthèse bibliographique nous a permis de comprendre que la ressource est capitale dans la constitution d’un territoire et son processus de construction passe par la volonté d’acteurs durant une période donnée. Les intentions et les résultats ont un effet lisible sur le paysage. Dans le cas des territoires de montagne, au travers de la construction de la neige en ressource, nous avons démontré que le paysage est le point de départ de ce processus, autrement dit une matrice. Il est à la fois une ressource, mais également le produit de l’élaboration d’élément biophysiques en ressources territoriales. À partir de cette conclusion, nous sommes arrivés à un questionnement concernant le territoire d’étude choisi pour l’investigation du mémoire de recherche, Bourg-Saint-Maurice. Nous nous sommes ainsi demandés comment les acteurs du territoire qui ont « tout misé » et donc tout investi dans « l’or blanc » envisagent - ils l’avenir ? Quelle est la place du paysage et du paysagiste dans cet avenir ? Pour répondre à ces questions, notre étude s’est déroulée du mois de février jusqu’à la fin avril 2020. Pour la mener à bien, une méthode d’investigation en 3 étapes fût définie, en se basant sur les informations recueillies durant le travail de synthèse bibliographique. La première étape fut l’arpentage, la deuxième, les entretiens semi-directifs avec les acteurs du territoire, et enfin un travail d’écriture, de traitement d’informations et de réalisation d’outils permettant de rendre compte de l’analyse et ses résultats.

-Martin de La Soudière, ethnologue (chargé de recherche au CNRS), écrivain et spécialiste du monde rural. Il a consacré de nombreux ouvrages à l’hiver et la neige. -Martine Tabeaud, une géographe française, spécialiste de climatologie, qui enseigne depuis 1977 à l’université Paris Panthéon Sorbonne. Elle a rédigé de nombreux articles sur la neige et le climat hivernal. -Eric Adamkiewicz, enseignant-chercheur à Toulouse et Grenoble où il enseigne la stratégie économique du sport et du tourisme, directeur de l’office du tourisme des Arcs (2003-2009) -Bernard Pecqueur, économiste et aménageur, est professeur à l’université Grenoble Alpes. Il est spécialiste des questions de développement territorial à propos desquelles il a rédigé de L’arpentage : nombreux articles et ouvrages, notamment La première approche du terrain a eu lieu le 31


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octobre et le 1 novembre 2019, durant le travail de synthèse bibliographique. Elle consistait à faire un premier relevé sensible du site par le dessin et la photographie, tout en mettant en rapport des cartes et la réalité du terrain. Également, elle offrait l’occasion de se rendre dans les différentes stations des Arcs pour observer ces espaces hors saison hivernale. On se rendait très rapidement compte que ces stations étaient désertes en dehors des saisons touristiques. Enfin, cela nous a permis de nous rendre dans des espaces inaccessibles l’hiver à cause de la neige, notamment le col du petit Saint-Bernard, ou la vallée des Chapieux. Le second retour sur site s’est fait durant l’hiver 2019. Le 30 décembre, nous avons arpenté à ski l’ensemble du domaine skiable des Arcs en partant de la gare du funiculaire de Bourg-SaintMaurice. Une journée de ski qui nous a permis de mettre en relation la différence d’usage de l’espace en automnes et hiver, de même que la différence de fréquentation de la commune qui est jusqu’à 5 fois plus importante en hiver. Ce fut aussi l’opportunité d’arpenter le site d’une autre manière, ski aux pieds, et de se rendre dans des espaces moins facilement accessibles à pied. Enfin, le dernier retour sur site s’est déroulé durant les trois jours prévus pour les entretiens le 19, 20 et 21 février 2020. Il a permis de venir vérifier les premières hypothèses de travail effectué en amont, mais aussi d’explorer les pistes que les acteurs nous offraient durant nos interviews. Les entretiens : Les acteurs rencontrés ont été contactés début février dans le but d’une rencontre pour mener des entretiens semi-directifs. Il nous semblait important d’obtenir leur avis et surtout leur regard sur le territoire que nous étudions et qu’ils habilitaient. Le choix des acteurs s’est ainsi fait en fonction d’une carte d’acteurs préalablement réalisée, celle-ci se basait sur les actions qu’ils

pouvaient avoir sur la ressource en eau, ainsi que les relations entretenues par rapport à celleci. Ainsi, nous avons pu rencontrer neuf acteurs durant ces trois jours ( détail en Annexe 1) : Caroline, monitrice de ski, ESF aux Arcs et monitrice de vélo en été ; Christian Juglaret, agriculteur depuis plusieurs générations ; Flore, monitrice de ski sur Arc 1600. Habitante des Arcs depuis 50 ans ; Fred, Rédacteur du PACT Tarentaise, né à Bourg-Saint-Maurice ; Guillaume Desrues, professeur de physiquechimie au lycée de Bourg-Saint-Maurice. Arrivé sur la commune il y a quinze ans, il est aujourd’hui tête de liste du BAM pour les élections qui auraient dû avoir lieu en 2020 ; Jean-Yves et Rosette Vallat, Rosette est présidente de l’association des Croqueurs de pommes de Savoie Tarentaise Beaufortain depuis 2004. Jean-Yves est poète, ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » du canton de Bourg-Saint-Maurice et Vice-Président de la Fédération de pêche de la Savoie ou il était engagé depuis 1989 ; Justine, community manager à l’office du tourisme de La Rosière ; Michel Giraudy, maire de Bourg-SaintMaurice. La rédaction : Un travail important de traitements des interviews a été réalisé dans le but de venir nourrir, par des citations extraites des entretiens, les deux premiers chapitres de cette étude. Ensuite, la mobilisation des informations obtenues durant les entretiens s’est faite sous forme de récits racontés par les acteurs et illustrés dans dernier le chapitre. Ces récits sont le corps de cette partie qui cherche à ouvrir le champ des possibles du territoire borain, en mobilisant les outils du paysagiste.


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CHAPITRE 1 : LA NEIGE, RESSOURCE POÉTIQUE ET PRÉCIEUSE


La neige, ressource poétique et précieuse

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Chapitre 1

La neige et son caractère insolite peuvent surprendre. Lorsqu’elle tombe, tout change, elle stimule une perception sensorielle de l’espace, basée sur la vue. Le regard s’aiguise quand des formes se dissimulent tandis que d’autres se révèlent. Au-delà de nos habitudes souvent contrariées, c’est tout ce qui nous entoure qui se voit enveloppé dans un manteau blanc. Couche après couche le sol change, tantôt craquelé, tantôt lourd, voir volatil. Nouvelle surface éphémère éveillant l’imaginaire. Redécouvrons ses perceptions, ses représentations et ses utilisations. Élément éphémère, ou éternel, qu’elle trace laisse t-elle sur le paysage


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Des mots pour la dire FIGURE 5 LE MONT-FUJI, SYMBOLE ENNEIGÉ DU JAPON, INACCESSIBLE PAR SA SACRALISATION HIVERNALE. © F.BESSOUD-C.

« La neige c’est quelque chose de magique. Même quand tu vis à la montagne ici les premières neiges sont toujours magiques. Parce que c’est beau, et c’est un élément que l’on ne maîtrise pas forcement. » Justine, 27 ans, Community Manager, La Rosière. « La neige, c’est la pureté, la luminosité, le froid. C’est quelque chose d’assez pur, d’assez vierge. Ce sont les cristaux de neige. Le soleil qui se reflète dans ces millions de cristaux de neige, il n’y a rien de plus beau. » Flore, 68 ans, Monitrice de ski, Les Arcs 1600.

Tout d’abord, avant notre excursion au sein des « sociétés hivernales »7 (de La Soudière, 2016, p. 11), il est intéressant de rappeler que le terme « neige » ne date que du XIV e siècle (de La Soudière, 2016). Et c’est avec un grand soin que dans Quartier d’hiver, ethnologie d’une saison, Martin de La Soudière nous fait la démonstration de la richesse sémantique de ce mot, notamment dans un chapitre intitulé « Mots de saison - Dire la neige » (de La Soudière, 2016, p. 49). « La neige est l’objet de lexiques fournis et imagés, décrite en fonction des activités humaines ou de ses propres caractéristiques. » (de La Soudière, 2016, p. 50) Il est intéressant de souligner qu’au sein même de notre pays, les visions et donc les mots diffèrent en fonction des régions. Cela n’est pas étonnant, car une des propriétés principales de la neige est qu’elle « se transforme continuellement, sous l’effet de son propre poids, du vent, des gradients de température ou de l’eau de fonte qui percole au travers » (Encyclopaedia Universalis, 2008). C’est par ces transformations que sont nés les

intérêts et les dénominations de la neige dans les différentes sphères scientifiques (géographie, météorologie, ...), sociétales (touristes, habitants, ...), etc... Cette « inventivité sémantique persiste et évolue de pair avec les pratiques sociales » (de La Soudière, 2016, p. 50), il s’agit alors ici de faire une première approche de ce langage en France et à l’étranger en fonction des différentes pratiques sociétales. En Lozère, sur son terrain d’étude, les villageois en sont « saturés » (de La Soudière, 2016) elle fait l’objet de dictons ou de légendes. On s’amuse à deviner sa chute, puis on suppose sa durée au sol. Mais de partout, la neige fait parler, en bien ou en mal. Elle réunit. Le vocabulaire qui l’accompagne varie d’une région à l’autre tentant de décrire ce phénomène à la fois troublant et envoûtant. « Ciro » (il neige) en langue occitane. On la nomme durant sa chute, mais aussi quand cette « néu » est au sol. Dans le Languedoc, il tombe des « mouches blanches ou des papillons blancs ». Ce sont plutôt des «

6. Titre de cette partie emprunté à l’ouvrage CARDINAL, M. 1977. Les Mots pour le dire. 7. Sociétés qui imaginent le temps dans une circularité dont l’hiver, comme toute autre saison, a sa place, ses mots, et notamment la neige riche d’un vocabulaire variés pour définir ses nombreux états.


minutieuses qui « tiennent autant de l’ethnographie que de la micro-météorologie ». (de La Soudière, 2016, p. 57) Le rapport entre l’Homme et l’hiver y est clair, et la neige y joue un rôle crucial. Qu’elle soit crainte ou appréciée, ces représentations doivent permettre de « désamorcer sa rigueur et sa violence » (de La Soudière, 2016, p. 58) ; il met ainsi en relation la neige et les éléments. Le vent jouant un rôle important dans sa composition et les formes qu’elle crée. Ces événements sont alors différemment nommés en fonction des régions. Créant des amoncellements nommés « Roulis » en Acadie, « soudrilles » en Gaspésie ou encore « simouns » sur les iles de la Madeleine. Dans d’autres régions du Nord et notamment en Laponie, des savoir-faire sont mobilisés autour de la connaissance de la neige. Marie Roué, ethnologue spécialiste des peuples arctiques, s’intéresse ici aux « savoirs écologiques sur la neige et représentation samie du pâturage » (Roturier & Roué, 2014). Ces travaux ont mis en avant les relations qu’entretenaient les populations locales avec leur environnement et toutes les caractéristiques que celui-ci possède. Le but étant d’évaluer les changements d’état du pâturage nécessaires aux troupeaux de rennes (Figure 6).

FIGURE 6 RENNES DANS UN PATÛRAGE HIVERNAL. © S. ROTURIER

Chapitre 1

papillons de Boujailles » dans le Doubs. Mais il tombe aussi des « chevris » (de La Soudière, 2016, p. 56) référence aux chevreaux blancs, en Franche-Comté. Il est intéressant de noter que les hommes ne manquent pas d’inventivité dans les termes descriptifs. Ce panel de vocabulaires prouve déjà une chose : la neige interpelle. Dans un autre registre, celui des sports d’hiver, un adepte de ces activités mobilise tout un vocabulaire autour de cette matière, support de sensations. Dans un désir d’appropriation du milieu, il cherche à déterminer la texture de la neige en fonction de la glisse effectuée. Si elle est fraîchement tombée et volatile sous ses spatules, il parlera de neige « poudreuse ». Trop humide, celle-ci sera « collante », « pourrie » ou comparée à de la « soupe » ou du « gros sel ». Et en fonction de son enfoncement celle-ci peut aussi être « croûtée » (de La Soudière, 2016, p. 51) Au sein de son ouvrage, Martin de la Soudière met aussi en lumière l’extraordinaire sensibilité que la société japonaise porte aux saisons, et notamment l’hiver. Elle s’exprime dans une profusion d’œuvres littéraires, surtout dans un grand nombre de haikus. En s’intéressant aux expressions sur la neige, on note une grande sensibilité aux formes, textures, mais surtout aux émotions qu’elle procure. (Figure 5) « Si celle-ci volette en flocons légers, elle leur fait « chira-chira », la même impression que le scintillement des étoiles ; s’il neige plus dru, cela leur fait « doka » ; et « dosa » si cela dévale du toit ! Quand la neige s’amoncelle, on dit qu’elle fait « kon-kon », comme dans une chanson. » (La Soudière, 2016, p. 51) En se penchant sur d’autres continents, on ne peut ignorer le Québec, représenté par le travail de Pierre Deffontaines (1894-1978), géographe français enseignant à l’université de Laval. Dans un ouvrage intitulé L’Homme et l’hiver au Canada, l’auteur propose des descriptions

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Son travail met en exergue le vocabulaire autour de ces pratiques qui dépendent principalement de la connaissance de la neige et de ses caractéristiques : « Le pâturage dépend de trois choses : la neige, le båddne et le lichen. Si deux sur trois sont bons, alors le pâturage l’est aussi » (Roturier & Roué, 2014, p. 101). Le « båddne » étant le « fond du manteau neigeux » (Roturier & Roué, 2014, p. 98). Mais ce que l’on retiendra également, c’est ce qui résulte de ces pratiques, un paysage composé et recomposé par une succession de processus, issus d’interactions sociales et naturelles. Le site Laponie est même inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996 et associé à un « paysage culturel » qui désigne « des œuvres combinées de l’Homme et de la nature » (Roué, 2013, p. 262). Pour conclure ce voyage sémantique, les Inuits semblent être la « société hivernale » incontournable. Leur mode de vie est associé à la neige et la glace. Marcel Mauss (1872-1950), anthropologue, fut le premier à décrire les pratiques et la sémantique qui s’y rattachait8. En découle alors, un vocabulaire d’une extraordinaire richesse. Richesse révélée dans un recueil débordant de formules, le Dictionnaire français-esquimau du parler de l’Ungava, de L.Schneider9, linguiste. La neige y a une place de choix. Tout s’organise dans une habile association de trois critères de classification : composition de la neige (elle-même en fonction du vent et de la météorologie) ; date de chute ; l’activité qu’elle favorise, perturbe ou empêche. « Dans une interminable litanie dont la poésie naît de la répétition, se déclinent, en même temps que les identités de ces neiges, celles de

leurs habitants » (La Soudière, 2016, p. 60). Toutes ces déclinaisons nous dévoilent leur quotidien qui est de toute façon rattaché aux états de la neige et à ses usages. Ces descriptions rendent compte de sa qualité, une neige molle « maoyak » ou fine « mingolek » lorsqu’elle s’envole ou colle au pied. Elle est donc nommée à partir de connaissances permettant une adaptation à leur environnement. Mais il existe aussi d’autres termes mettant en exergue le rôle de ressource de la neige dans leur vie de tous les jours. Ainsi, pour la construction, ils ont besoin de « sermesaq », un « mélange de neige et d’eau pour cimenter ». De même, pour s’hydrater, « anio ; anio’sivoq » concerne la « neige prise pour faire de l’eau » (La Soudière, 2016, p. 61).Bien d’autres expressions concernant l’utilisation de la neige dans les sociétés inuits sont répertoriées. Cette richesse de vocabulaire en vue de l’exploitation de celle-ci nous amène vers une autre réflexion concernant la neige. Il est possible de mesurer l’ampleur sémantique qui découle de ce « météore blanc » grâce aux travaux de tous ces « nivophiles » comme Martin de la Soudière les nomme, en se reconnaissant aussi dans ce terme. On s’accorde donc maintenant pour dire qu’elle est reconnue comme ressource essentielle par des sociétés comme celle des Inuits, mais qu’en est-elle de la nôtre ? Comme vu précédemment, un vocabulaire diversifié est associé à la neige dans différentes régions françaises. L’existence de ce vocabulaire suffitil à la considérer comme une ressource ? Quel sens est donné à la neige depuis ses premières représentations ?

8. MAUSS Marcel, Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos. Étude de morphologie sociale, 1906 9. SCHNEIDER Lucien , Dictionnaire esquimau-français du parler de l’Ungava, Québec, Presse de l’Université de Laval, 1970.


Un élément aux nombreux visages

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« La neige c’est le silence. Les jours ou il neige en station j’adore parce qu’on entend le silence. Tous les bruits sont étouffés par la neige qui tombe. Le télésiège ne fait plus le même bruit, quand tu regardes la neige tombée tu entends le silence et j’adore ça. » Caroline, monitrice de ski et de vélo aux Arcs. « Pour moi le paysage il est blanc. On prend pas mal de neige l’hiver ici quelque fois. Le problème de la neige après c’est qu’il faut l’enlever. Faut enlever la neige c’est un vrai problème, surtout pour l’évacuation. » Michel Giraudy, 74 ans, Maire de Bourg-Saint-Maurice. FIGURE 7 PREMIÈRE REPRÉSENTATION DE LA NEIGE. TACUINUM SANITATIS, BNF, NOUV. ACQ. LAT. 1673

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Pour cela, la question de la représentation semble être une entrée nécessaire, car elle oriente implicitement sur la question du paysage. De même que pour celui-ci, on peut se demander quand est ce que la neige fut représentée pour la première fois au sein de notre société ? Alexis Metzger, géographe, s’est intéressé à cette question, il fait part de ses recherches dans un article intitulé « Premières neiges : le paysage d’hiver dans les enluminures ». Il dresse l’historique d’une période marquée par les premières représentations de paysages. Les paysages d’hiver étant ici au centre de l’étude concernant la période du XIV e XVIe siècle. Ainsi, le « rapport entre paysage et représentations » est interrogé ici, en

se basant sur des supports tels que les miniatures qui « présente un morceau choisi non pas d’une nature qui existerait en soi, mais d’un regard

qui se porte sur elle » (Metzger, 2012). L’évolution des représentations change donc simultanément avec les représentations mentales que se font les hommes et les femmes. On assiste ici aux premières représentations de « deux phénomènes météorologiques majeurs », car ils « caractérisent l’hiver et sont bien visibles dans les paysages : la glace et la Chapitre 1

La neige à affiché de nombreux visages dans les représentations construites au sein de notre société. Cette histoire prend en compte le champ de l’art pictural, les affiches, les photos, et d’autres mediums au travers desquels la neige apparaît dans les regards de notre société. La façon dont elle est représentée suffit-elle à en faire une ressource ? L’artialisation, et au-delà la mise en image à travers toutes sortes de représentations figurées font-elles partie du processus de construction de la ressource ?


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FIGURE 8 RUSKIN JOHN, PICS ALPINS, 1846. EXTRAIT DE MONTAGNES TERRITOIRES D’INVENTIONS

neige » (Metzger, 2012, p. 4). Et c’est dans la seconde moitié du XIVe siècle « que la neige refait véritablement son apparition » (Metzger, 2012, p. 5), dans une image « positive » ou « deux adultes, plutôt aisés, aux vêtements légers et peu adaptés au froid, se lancent des boules de neige au premier plan alors que des montagnes composent le second » (Metzger, 2012, p. 5) (Figure 7). De ce fait, dans sa première illustration, l’image qu’elle renvoie est associée à l’imaginaire de la montagne, sans pour autant faire état d’une quelconque utilisation de la neige, hormis récréatif, ce qui n’est pas sans évoquer les usages récréatifs de notre époque. Le paysage peint reste cependant irréaliste, évoquant le froid et la rudesse dans l’image qu’il véhicule. De l’avis de l’auteur « à partir du moment où les enlumineurs s’intéressent au paysage, ils vont représenter des hivers enneigés. Un manteau neigeux, de faible épaisseur » (Metzger, 2012, p. 8). Les activités pratiquées à l’époque sont donc une occasion pour représenter l’environnement dans lequel elles sont effectuées (abattage de cochons, lancers de boules de neige, ramassage de bois…). Les

saisons rythment ainsi le quotidien, l’hiver n’échappant pas à ce cycle. Les

premières représentations de la neige ne permettent donc pas d’affirmer que celle-ci était utilisée, néanmoins, elles témoignent d’un nouveau rapport qu’entretiennent les protagonistes de l’époque avec la nature, c’est cela que les peintres tentent de transmettre. Il faudra attendre la moitié du XVIIIe siècle pour que des « pays affreux » (Roger, 2017) comme les montagnes soient représentées et ainsi inventées lors de descriptions aussi bien picturales que littéraires. La découverte d’un milieu hostile par des pionniers comme H.-B DeSaussure (1740-1799) donne naissance à une diversité de paysages, « l’indifférence et la répulsion font place à l’exaltation et au lyrisme face au sublime. » (Equipe FIGURE 9 VIOLET-LE-DUC, COUPE LONGITUDINALE PASSANT PAR CHAMONIX. EXTRAIT DE MONTAGNES TERRITOIRES D’INVENTIONS


contribue à la création du paysage de montagne. Les territoires de montagne deviennent ainsi attractifs : de la répulsion au désir10. On constate donc que « des perspectives se dessinent, les plans se hiérarchisent, le chaos s’ordonne. » (Equipe de recherche Architecture & Lyon-Caen, 2003, p. 14), dans leur milieu de prédilection, la montagne, neige et glace deviennent ainsi objets de description et de recherches scientifiques. Elles participent également à la création d’un imaginaire autour d’espaces où l’on peut apprécier « l’air vif des hauteurs, la pureté du ciel, la légèreté du corps et de l’esprit, l’ivresse du sommet » (Equipe de recherche Architecture & Lyon-Caen, 2003, p. 12). Ces premières représentations ont participé à l’avènement de la conquête des cimes, visant une population bourgeoise et cultivée (Figure 9). Elles ont donc permis l’avènement de la montagne au XIXe siècle. Cette conquête se caractérise par l’essor de l’alpinisme dont « l’événement fondateur » reste selon P.Joutard l’ascension du mont Blanc conquis en 1786 par deux Chamoniards, Balmat et Paccard (Joutard, 1986, p. 198). Depuis cette période de conquête, comment ces représentations ont-elles évolué ? Le cas des Alpes Suisses est un bon exemple de la place que les artistes offrent à l’eau (sous toutes ses formes) dans la figuration des paysages de Montagne au XXe siècle. Dans une étude portant sur 100 affiches publicitaires Suisses de la fin du XIXe siècle, au XXe, Martine Tabeaud et Alexis

10. Désir de montagne qui renvoie au désir de rivage évoqué dans Alain Corbin, Le Territoire du vide. L’Occident et le désir du rivage, 1740-1840).

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de recherche Architecture & Lyon-Caen, 2003, p. 10). En effet, autrefois ces espaces de désolation figés sous la glace et la neige étaient décrits comme sous l’influence de forces maléfiques (Figure 8). Les grands explorateurs prennent prétexte de la science pour s’y aventurer, offrant des représentations de plus en plus variées et complètes. On passe alors de « l’Alpe verte, boisée et habitée, à l’Alpe blanche, cosmique et déserte, ou plus rien n’est familier aux hommes d’en bas. » (Equipe de recherche Architecture & Lyon-Caen, 2003, p. 12). De cette façon, la montagne devient un terrain de recherche représenté sous l’œil d’artistes, naturalistes, cartographes, glaciologues et géologues. Dans sa thèse sur « l’invention » du paysage, Serge Briffaud livre le contexte dans lequel les religions, les mythes ainsi que les sciences convergent avec des pratiques économiques ou politiques pour faire émerger la constitution du paysage de montagne ainsi que ces mutations dans la première moitié du XIXe siècle. De cette montagne « laboratoire », il en dégage trois points de vues envisageables : « la vision verticale tout d’abord, celle de l’aigle qui plane très haut au-dessus de la surface terrestre ; la vision panoramique ensuite, dont le modèle est précisément le point de vue qui s’offre à l’observateur placé au sommet d’une montagne ; la vision « pénétrante » enfin, qui met l’observateur en contact avec l’intérieur de la terre » (Briffaud, 1998, p. 219). Ces visions modifient la relation de l’homme à l’espace montagnard. Ce processus d’évolution

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Metzger dressent le portrait d’une œuvre incontournable de l’imaginaire et de l’identité Suisse. Pour les auteurs : « Dans le paysage, l’eau liquide et solide est l’élément naturel le plus visible (64%). Elle s’identifie à la pureté de la montagne. Plus d’un quart des affiches montrent en gros plan de l’eau liquide courante sous la forme de torrents, de lacs, de cascades (26%). L’arrière-plan présente parfois un glacier (5 %), mais plus souvent des lambeaux de manteau neigeux, voire des névés (33 %) » (Tabeaud & Metzger, 2018, p. 17) (Figure 10). Les montagnes enneigées ou les cimes blanches sont en majorité représentées sur les affiches, « c’est un territoire, voire un terroir qui est promu » (Tabeaud & Metzger, 2018, p. 17), on assiste donc à la création d’une identité territoriale basée sur

la géographie. Elles font partie de la composition d’un « terroir » qui est promu dans cette publicité. Promotion également du paysage suisse qui se construit autour d’une identité, les montagnes. On y associe aussi de nombreuses activités, outre ces espaces de moyennes montagnes vouées habituellement à l’agro pastoralisme, on y trouve des « champs de neige » où sont dépeints des sportifs qui « doivent donner envie d’aller en Suisse » (Tabeaud & Metzger, 2018, p. 17). En effet, nous sommes au début de l’avènement des sports d’hiver et du tourisme de masse qui débuteront dans les années 1960, notamment suite aux premiers Jeux olympiques d’Hiver de Chamonix en 192411 (Figure 11). Les populations ciblées vont donc évoluer. Ainsi, s’ajoute à la classe sociale aisée, des familles de classe ouvrière. On constate donc que la neige occupe

FIGURE 10 A. TRIQUIER-TRIANON, LOUIS, LE CERVIN, 1900, AFFICHE PLM. B. CARDINAUX, EMIL, CHEMIN DE FER DE LA JUNGFRAU, 1928. C. BAUMBERGER, OTTO, LUCERNE-INTERLAKEN, 1937.

11. La semaine internationale de Chamonix est requalifiée à posteriori comme étant les premiers Jeux olympiques d'hiver de l'histoire lors du congrès olympique de Prague le 27 mai 1925, donnant ainsi lieu à la création d'un cycle propre aux Jeux d'hiver et distinct de celui des Jeux d'été.


FIGURE 11 PREMIERS J-O D’HIVER. MATISSE, AUGUSTE, JEUX OLYMPIQUES D’HIVER DE CHAMONIX, 1924.

d’or blanc » ou « faire de la neige un piège à devise » (Francillon, 1976), tels sont les termes employés à l’époque pour qualifier cette matière. La neige se voit ainsi comparée à un précieux minerai que la France se doit d’exploiter en attirant les touristes du monde entier. De nombreuses affiches associeront donc la neige et le ski dans les montagnes enneigées de l’hiver où il est indispensable de venir se dépenser. Elle permet à la France de créer une filière de sports d’hiver et d’assurer la renommée internationale des stations alpines renforcée par les dixièmes Jeux olympiques d’hiver de Grenoble (1968). Ce système économique novateur à l’époque aura des effets territoriaux considérables sur l’orientation des territoires de montagne associant un système de « tout ski » et de « tout neige ». (Figure 12) FIGURE 12 AFFICHE DE PUBLICITÉ DE LA SNCF POUR LES AMATEURS DE SKI DE TOUTES NATIONALITÉS. ABEL, 1951

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de plus en plus de place dans l’imaginaire du paysage de montagne, notamment dans les Alpes. Nous pouvons maintenant nous concentrer sur la place de la neige dans les représentations des territoires de montagne au sein de la société des années 60 à nos jours ? Depuis cette période, les représentations ontelles évolué ? Tout d’abord, tout au long du XXe siècle, c’est autour de la neige que s’est basée une économie particulière, celle des sports d’hiver. Qualifié « d’or blanc » (Francillon, 1976), elle a orienté pendant près d’un demi-siècle les grandes décisions d’aménagement des territoires de montagne. Symbolisé par le « plan neige » regroupant plusieurs séries de politiques publiques d’aménagement des montagnes françaises dès 1964. « Exploiter les gisements

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Les sports d’hiver s’exportent même jusqu’au cinéma, en ce mois de janvier 2020 la station de Val-d’Isère a célébré les 40 ans du film « Les Bronzés font du ski » tourné en 1979 (Figure 13). Un film dont le succès et les anecdotes ont marqué des générations de téléspectateurs et skieurs12. Deux idées importantes se dégagent, la représentation à travers le monde des images, ainsi que celui correspondant à l’imaginaire commun. Que reste-t-il aujourd’hui dans l’imaginaire commun ? Comment sont représentés ces territoires à l’heure où la neige tend à faire défaut ? En 40 ans le film des « bronzés » ne symboliset-il pas une époque révolue ? Comme une archive que les générations futures qualifieront d’un autre temps ? (Figure 14)

FIGURE 13 EXTRAIT DU FILM LES BRONZÉS FONT DU SKI, 1979,

FIGURE 14 COUVERTURE D’UNE BANDE DÉSSINÉE, MARTINE À LA MONTAGNE, 1959.

12. https://www.ledauphine.com/insolite/2020/01/12/savoie-40-ans-des-bronzes-font-du-ski-val-d-isereretour-en-images)


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Avant tout, on remarque que la neige s’exporte des cimes, elle est présente dans le métro parisien dès le mois d’octobre. (Figure 15). Signe que l’hiver approche, la neige, comme symbole d’une période qu’il faudra passer en montagne et en famille pour la « santé » ou le « dépaysement ». Autant de slogans que l’association France Montagnes13 met en avant à base de clips vidéo ou de panneaux publicitaires avec ces fameux dictons « la montagne, ça vous gagne »14 ou « la montagne, bienfait pour vous ». (France Montagnes, 2012). L’image

FIGURE 16 INSTALLATION D’UN TÉLÉPHÉRIQUE ORNÉ DE SKIS GARE DE LYON, PARIS. DÉC. 2019. ©F.BESSOUD-C.

des sports d’hiver est également présente dans la gare de Lyon (Paris), au départ d’un train au mois de décembre. (Figure 16). Bien plus qu’une simple descente à ski, la neige est associée à de nombreuses autres pratiques sportives. Elle reste donc perçue comme un support publicitaire intéressant pour la montagne. (Figure 17). Ces pubs visent en effet un public particulier, les touristes. Le terme paysage de « carte postale » est plus qu’approprié pour qualifier ces espaces depuis lesquels on pratique des sports de glisse.

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FIGURE 15 AFCHAGE PUBLICITAIRE SUR LES SPORTS D’HIVER DANS LES COULOIRS DU MÉTRO 13, 29 OCT. 2019. ©F.BESSOUD-C.

13. France Montagnes est une association regroupant les principaux acteurs du tourisme de montagne en France afin de promouvoir la destination et ses bienfaits à l'échelle nationale et internationale. 14. Association Ski France Internationale

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FIGURE 17 LES ACTIVITÉS DE LA MONTGAGNE, EXTRAIT DE VIDEO, DÉCOUVREZ LA MONTAGNE EN HIVER, 2012. SOURCE : FRANCE MONTAGNES


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FIGURE 18 LABEL FLOCON VERT, CHAMROUSSE PREMIÈRE STATION FLOCON VERT D’ISÈRE. SOURCE : CHAMROUSSE.COM

Mais depuis quelques années, il est important de noter que même la neige vire au vert ! Les stations on en effet de plus en plus « recours à des solutions de communication “verte“ » (Bourdeau, 2008, p. 6) (Figure 18). Dans Les défis environnementaux et culturels des stations de montagne, Philippe Bourdeau, géographe, rappelle que : « Même si la crédibilité de ces démarches est souvent mise en cause comme simple “ verdissement “ (greenwashing), le lancement de la « Charte nationale en faveur du Développement durable dans les Stations de Montagne » par l’Association Nationale des Maires des Stations de Montagne (Ski France, 2007) semble indiquer qu’un volontarisme environnemental est désormais devenu irréversible, même s’il ne va pas sans tensions et controverses. » (Bourdeau, 2008, p. 4). FIGURE 19 NIEDERMAYR, WALTER, LECH RÜFIKOPF, 2015. SOURCE : ARTSY

Ces « tensions » et « controverses » autour des récentes exploitations de la neige sont également le terrain de recherche d’artistes contemporains qui n’hésitent pas à capturer les phénomènes que l’on retrouve dans les stations des Alpes. Pour Walter Niedelmayr, il s’agit d’une « critique du citadin et du sujet moderne » (Grout, 2012, p. 140) où on place la montagne comme un « objet culturel, un “instrument de sport “ » (Grout, 2012, p. 142).


FIGURE 20 NIEDERMAYR, WALTER, ST. ANTON AM ARIBERG 4, 2009. EXTRAIT DE DISJONCTION, LES CARNETS DU PAYSAGE, 2012 .

sur le mode d’une occupation plus que d’une interrelation, d’une distance, parfois même d’une indifférence » (Grout, 2012, p. 137) (Figure 21 & 22). Ces propos révèlent une fracture entre les usagers et l’environnement où le paysage serait perçu simplement comme un « instrument du sport ». Néanmoins, ce point de vue peut être nuancé : en effet, pour certains pratiquants à la recherche de sensations que seules l’union de la neige et de la montagne peuvent offrir, se sentir glisser dans des pentes vertigineuses le souffle coupé par l’altitude reste une sensation que l’on ne peut éprouver qu’en montagne. Il s'agit d'une expérience qui engage tout le corps dans sa relation à la montagne et à la neige. D’autres installations contemporaines sont à l’opposé de cette relation (Figure 23). L’innovation technologique entraine de nouvelles visions de la neige et des sports d’hiver à travers des installations qui bouleversent le rapport neige/ montagne.

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Il met en relation deux forces qui s’opposent, la première est la force tellurique sous forme de roche et de glace, de plis et de formes géologiques fortes ; la seconde, les constructions humaines qui s’accumulent les unes après les autres. Comme un débat sans fin où l’on n’arrive pas à se mettre d’accord. L’accord est-il possible ? Tendons-nous vers un affrontement éternel ? (Figures 19 & 20). Par ces œuvres, l’auteur remet en question les «interrelations mentales » (la manière de se situer et de se repenser corrélativement à la montagne et à autrui), corporelle (s’il y a dialogue, contact, écart ou distanciation), culturelle et politique (quelles actions, quel devenir) des sujets contemporains (photographiés, nous-mêmes) dans et avec le paysage. » (Grout, 2012, p. 145). À travers son travail, Catherine Grout, interroge aussi le rapport qu’entretiennent les corps et la montagne au sein de la surface qui les relient, la neige. D’après l’auteur, « leur état de corps, leurs gestes et attitudes expriment une présence

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FIGURE 21 NIEDERMAYR, WALTER, RETTENBACHGLESCHER 1, 1999. EXTRAIT DE DISJONCTION, LES CARNETS DU PAYSAGE, 2012 .


FIGURE 22 NIEDERMAYR, WALTER, FELSKIN, 2005. SOURCE : ARTSY

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FIGURE 25 COPENHILL, TOITURE SKIABLE DE L’USINE DE TRAITEMENT DE DÉCHETS, 2017, BJARKE INGELS © INSTA. COPHENHILL URBAN MOUNTAIN

À l’heure du changement climatique et de la diminution de la quantité de neige, les grands projets de « ski indoor » et autres « ski-dômes » sont quand même loin de faire l’unanimité. Ils reflètent une déconnexion totale du milieu sur la pratique de la neige par le ski. (Figure 23). Certains de ces projets sont par ailleurs encore très contestés, notamment en France avec l’élaboration d’un projet in door sur le glacier de Tignes, en savoie (Figure 24). En Europe, une « montagne » a même récemment poussée dans le paysage urbain

de Copenhague. « Copenhill », une usine qui traite 400 000 tonnes de déchets par an est coiffée d’un toit en pente permettant 500 mètres de descente, une « montagne d'activité artificielle » (Bjarke Ingels, architecte du projet Amager Bakke 2017) au cœur de nos villes (Figures 25 & 26 ). Dans un pays essentiellement plat, l’acceptation de la verticalité passe ici par une activité emblématique des pentes. Quels horizons nous suggèrent ces espaces ? Loin des montagnes la neige s’exporte pourtant dans des projets pharaoniques. FIGURE 23 SKIDOME DE COMINES, BELGIQUE EXTRAIT DU DOCUMENTAIRE L’ARGENT DE LA NEIGE, 2014, ARTLINE FILMS.


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modèle basé sur une matière qui se raréfie témoigne selon lui de l’idée naïve que l’être humain a nier ce qui se produit et de ne pas adapter son mode de vie aux changements qui se déroulent (Zorzanello, 2018). Un mode de vie qui, à l’avenir, devra se prévoir sans or blanc ? Mais les campagnes de promotions actuelles sont toujours orientées autour de la neige FIGURE 24 PROJET DE SKI-LINE SUR LE GLACIER DE LA GRANDE-MOTTE DE TIGNES © D-L

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Par ailleurs, d’autres photographes comme Marco Zorzanello cherchent à mettre en avant l’utilisation de la neige en station par ce qu’il désigne comme le « tourisme climatique ». Ces clichés nous renvoient presque à l’image du ski dôme révélant un ruban blanc dans un environnement loin d’être recouvert par le manteau neigeux tant convoité. (Figure 27). Cette représentation presque absurde voire burlesque d’un

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FIGURE 26 COPENHILL, TOITURE SKIABLE DE L’USINE DE TRAITEMENT DE DÉCHETS, 2017, BJARKE INGELS © INSTA. COPHENHILL URBAN MOUNTAIN


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FIGURE 27 ZORZANELLO, MARCO, SNOW-LAND, 2018. MARCOZORZANELLO.COM

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Le rêve blanc semble peu à peu s’estomper même si la neige reste le premier outil de communication des territoires de montagne. D’ailleurs, lorsque l’on étudie la neige sous une approche touristique on se rend compte que « l’or blanc » attire toujours. Les chiffres peuvent l’attester : 10 millions de touristes en hiver, dont 7 millions pratiquants les sports de glisse, 120 000 emplois dépendent de l’ouverture des domaines skiables ou encore 2 milliards d’euros d’apport des stations de ski aux exportations commerciales françaises, c’est une économie (Figure 28). Cependant, la « démocratisation » du tourisme de montagne annoncée dans les années 1970 et évoquée précédemment n’est plus à l’ordre du jour, elle se confirme par « l’expulsion de fait des différentes formes de tourisme social (colonies, camps, classes de neige, laissant souvent des équipements abandonnés) » (Bourdeau, 2008, p. 2) mais également par le fait qu’aujourd’hui seulement 8 % des Français vont au ski durant l’hiver. Le marché de la neige est donc FIGURE 28 D’IMPORTANTES RECETTES AUTOUR DE LA FRÉQUENTATION DES DOMAINES SKIABLES, BAISSE À NOTER SUR LES SIX DERNIÈRES ANNÉES. SOURCE : LE SITE WEB : DOMAINES SKIABLES FRANCAIS

accessible pour une clientèle étrangère, le plus souvent aisée. Il faut cependant mettre en relation ces chiffres avec le travail de P-A. Métral qui à récemment publié ses travaux de recherches consacrés aux stations de sports d’hiver, Selon son étude, 169 stations des Alpes ont fermé entre 1951 et aujourd’hui, de plus, 45 % de ces fermetures sont liées au manque d’enneigement. (Figure 29) Force est de constater que la représentation que l’on se fait de la neige et implicitement celle des territoires de montagnes se sont nourries l’une de l’autre. Cette construction au sein de l’imaginaire collectif a permis au fil du temps une exploitation toujours plus développée de la neige. L’exploitation de la neige sur ces territoires ne résulte pas seulement de la construction des représentations que l’on en a fait. Elle peut être le fruit de facteurs plus divers, impliquant néanmoins ces représentations dans le processus de création de ressources.

FIGURE 29 ÉVOLUTION DU NOMBRE DE STATIONS DE SKI DANS LES ALPES DEPUIS LES ANNÉES 30. SOURCE : LE SITE WEB : SALTE.FR


Du don tombé du ciel à la ressource territoriale

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« Vapeur d'eau atmosphérique congelée généralement sous forme de fins cristaux blancs qui s'agglomèrent en flocons et s'éparpillent du ciel sur la terre. » (CNTRL, 2019) Il est intéressant de rappeler le lien étroit entre l’eau et la neige. En effet, les deux étant liés, il est difficile de ne pas traiter conjointement ces deux matières. Mais ce sont bien les propriétés de la neige qui nous intéressent pour le moment. On en notera cinq : « - La neige est blanche et renvoie une grande partie des radiations solaires visibles […] cela a des conséquences importantes pour le bilan énergétique de la Terre. -La neige est un très bon isolant thermique et, de ce fait, elle joue un grand rôle écologique […] c’est la neige qui met la flore et faune à l’abri des très grands froids. -La neige se transforme continuellement, sous l’effet de son propre poids, du vent, des gradients de température ou de l’eau de fonte qui percole au travers. -La neige est une surface glissante. -Enfin, la neige constitue un stock d’eau sous forme solide, parfois la seule eau qui sera disponible durant l’été. » (Encyclopaedia Universalis, 2008) (Figure 30)

Chapitre 1

FIGURE 30 DIFÉRENTS ÉTATS DE CRISTAUX DE NEIGE, © WILSON BENTLEY. SOURCE : RTS

Comme vue dans la partie précédente, la représentation de la neige et sa présence ne suffisent pas à elles seules pour en faire une ressource. En effet, la société se construit sur des besoins, et ce sont « les inventions d’une société pour une activité donnée dans un temps donné » (C. Bertrand & Bertrand, 2014, p. 19) qui font que la pluie, la neige ou le soleil peuvent être considérés comme des « ressources naturelles » ou des « contraintes ». Ces besoins varient donc en fonction des époques et des territoires, la qualification ressource s’applique donc différemment. De plus, selon B. Pecqueur, économiste territorial, une ressource territoriale doit « se construire dans une démarche de cohésion entre les acteurs du territoire ». On peut donc s’accorder sur le fait que les ressources territoriales sont : « le fruit, à une époque donnée, d’une construction sociale et culturelle, voire politique dans laquelle la connaissance, notamment des phénomènes naturels, mais également les techniques, les schèmes culturels, dans laquelle les représentations du monde jouent un rôle essentiel. » (Toublanc, 2013, p. 102) Pour étudier la neige il est important de la définir. Étant donné les nombreux types de neige existants en fonction des éléments auxquels elle est confrontée, nous nous contenterons d’une définition simple :

La neige, ressource poétique et précieuse

« L’image de la neige c’est l’argent, c’est l’or blanc. S’il n’y avait pas la neige il n’y aurait rien ici […] mais c’est aussi une image classique d’enfance. C’est la paix, la tranquillité, la beauté. On est antinomique parce que là, ce n’est pas le cas. Même les gens qui travaillent dans le tourisme voient les premiers flocons qui tombent, ils ont tous le sourire dans les rues. Ce n’est pas parce que c’est l’argent qui tombe, mais parce que c’est beau. C’est le miracle extraordinaire de la neige. Les gens disent que c’est beau. » Jean-Yves Vallat, 76 ans, ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » du canton de Bourg-Saint-Maurice.


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C’est donc sur ces propriétés particulières que nous allons nous baser pour comprendre les processus qui font que la neige peut être ou non considérée comme une ressource pour la société. Si l’on part du postulat que l’eau, sous sa forme liquide ou solide est un don, résultant de processus naturel, il est intéressant de se pencher sur le processus anthropique qui la transforme en ressource. Bernard Pecqueur a notamment travaillé sur la différenciation entre deux types de ressource, la ressource « générique » et la ressource « spécifique ». Sachant qu’une « ressource générique n’est pas en particulier liée à un espace, mais peut également se retrouver dans une multitude d’autres espaces » une « ressource spécifique naît d’un processus interactif, sa spécificité dépend de l’espace géographique ou alors du territoire » (Colletis & Pecqueur, 2005). La distinction entre les natures de ces ressources est importante, elles ont un impact différent sur l’espace qu’elles composent. Si l’on prend le cas de la neige, est-elle une ressource générique ? Ou spécifique ?

Pour le comprendre, il est important d’analyser le processus de création de la ressource. Si l’on se concentre par exemple sur une image commune d’une grande marque française d’eau minérale comme Évian, on voit s’esquisser des éléments de réponse. Ce territoire haut-savoyard est réputé pour son eau en bouteille, mais également la présence de ses grands lacs et de ses montagnes. Dans la campagne marketing de la marque, il est intéressant de voir que ce qui est promu c’est le lien entre l’eau et la neige. En effet, sur le logo ce n’est pas la source qui est exposée, alors que l’eau consommée provient pourtant de sources souterraines. Ce qui est mis en avant ici ce sont les montagnes enneigées du MontBlanc. Elles renvoient alors dans l’imaginaire collectif l’image d’une eau naturelle et pure par son origine. Dans ce cas, la neige joue ainsi le rôle de ressource spécifique et générique du fait qu’elle reste un don naturel, cependant elle est associée à une image territoriale qui est celle du paysage du Mont-Blanc (Figure 31). L’exemple d’Evian n’est pas singulier, une autre entreprise de Haute-Savoie, la Brasserie Des Cimes, met en avant l’environnement dans lequel la bière est fabriquée. Entre la cime de l’Aiguille Blanche du massif du Mont-Blanc et la piste noire dans laquelle s’engage une skieuse heureuse, la neige est partout associée à ce produit. (Figure 32)

FIGURE 31 CAMPAGNE PUBLICITAIRE ÉVIAN BASÉE SUR L’IMAGE DES SOMMETS ENNEIGÉS DU MONT-BLANC. D’APRÈS EVIAN.COM


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FIGURE 33 BASSIN DE CONGÉLATION ET GLACIÈRE PIVAUT À MAZAUGUES, VAR, RÉGION PACA. D’APRÈS RANDOJP.FREE

« provençal ». Ainsi, on a vu s’associer d’autres producteurs, tel que les lavandiers. Ils participent également à l’image du produit par la construction du paysage. Cela démontre que le paysage est en partie le résultat d’un construit social sur ce qu’un site peut offrir, tout en créant du lien entre différents acteurs qui recherchent la valorisation de leur produit. Le paysage participe alors à la construction de la ressource et n’en est pas qu’une simple résultante, il permet d’en visualiser l’ensemble. Il témoigne de l’importance du lien entre le paysage et la ressource. Il existe dans l’histoire de notre société un exemple important qui a élevé au rang de ressource la glace et la neige, en créant un paysage qu’on pourrait nommer « identitaire » : les glacières, notamment dans le sud de la France.

Chapitre 1

Dans un processus de création de ressources, le croisement de plusieurs produits à l’échelle du territoire permet de créer une base sur laquelle construire un projet de territoire. C’est à la suite de ce processus de construction territoriale que se dessine le paysage. On se base sur le territoire comme « une construction sociale d’un groupe composite, voire provisoire, structuré autour de ressources partagées » (Pecqueur, 2001, p. 47) L’image de certains produits est issue d’une construction entre une ressource exploitée et le paysage qui en résulte. La production d’huile d’olive AOC en est un. Les clients qui viennent acheter de l’huile d’olive ne payent pas seulement pour un produit, mais également pour le paysage qu’il crée. En effet, dans l’imaginaire des usagers, cette production est associée à un paysage dit

La neige, ressource poétique et précieuse

FIGURE 32 ÉTIQUETAGE DES BIÈRES DE LA BRASSERIE DES CIMES (SAVOIE), BASÉ SUR L’IMAGINAIRE DE LA NEIGE ET DE LA MONTAGNE (À CONSOMMER AVEC MODÉRATION)


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De la renaissance jusqu’au XIXe siècle et l’avènement des glacières industrielles, le Var a connu la construction de nombreuses glacières et équipement associés (bassins de congélations…) (Figure 33). Ces installations fixes (creusées ou bâties) présentent des propriétés isothermes permettant de maintenir de la glace ou de la neige sous forme solide pour une exploitation ultérieure. En Europe, de nombreux châteaux étaient équipés d’installations spéciales pour la conservation de la glace, il en était de même pour le sud de la France. Dans le massif de la Sainte-Baume, on en a recensé plus d’une vingtaine. On peut se demander pourquoi déployer de tels moyens pour conserver de la glace dans des régions aussi chaudes ? Simplement parce qu’elles répondaient à un besoin donné à une époque donnée. La glace faisait l’objet d’une forte demande de la part des grandes villes comme Marseille ou Toulon. Elle était alors utilisée dans les commerces, les hôpitaux, ou pour la création de sorbets. On note alors la capacité des acteurs du territoire à exploiter les ressources physiques et humaines disponibles à l’époque avec une mise à profit des microclimats, des déclivités, des ruissellements, ou encore de la main d’œuvre sur place. Ces équipements ont ainsi participé au dessin du paysage Varois en s’immisçant dans le regard des habitants de la région (Figure 34). Le territoire avait donc une orientation économique tournée autour de l’organisation de la fabrique et du stockage de la glace durant l’hiver. Cette pratique nécessitant bien sûr de s’implanter sur les endroits adéquats pour installer les bassins de congélation et pour FIGURE 34 LA GLACIÈRE PIVAUT À MAZAUGUES, © ASER, MUSÉE DE LA GLACE, DR.

construire les immenses réservoirs que sont les glacières. Ainsi, nous sommes dans un cas typique où les conditions d’un espace spécifique et les aménagements qu’on y applique combinent leurs effets pour assurer la pérennité de la ressource. Cette fine connaissance du terrain d’implantation peut-elle être mis en parallèle avec les études menées sur les alpes françaises un siècle plus tard dans le but d’exploiter une nouvelle fois cette ressource ? Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, de nos jours, c’est en montagne que la neige est représentée, souvent associée aux pratiques de sports d’hiver et plus récemment à une certaine hygiène que l’on vient rechercher en altitude. Les « ressources partagées » autour desquelles sont construits les territoires de montagne sont multiples et varient d’un territoire à l’autre (produits locaux, énergies…) mais la neige est une des ressources principales sur laquelle s’appuie l’économie de 352 stations de ski sur tout le pays (Infographie, France Montagnes).


Par conséquent, on peut dire que c’est à la suite d’un long processus au cours duquel une matière naturelle tombée du ciel s’est retrouvée représentée par des artistes et décrite par les scientifiques. Elle a ensuite participé à éveiller la curiosité des sportifs, fait l’objet de grandes décisions politique jumelées à une période au cours de laquelle la modernité alpine lui a permis de se démocratiser (Équipe de recherche Architecture & Lyon-Caen, 2003). Aujourd’hui au cœur des questions du devenir des territoires de montagne, la neige séduit toujours, mais elle anime un débat où tous les acteurs sont concernés. À la fois ressource générique et spécifique (Pecqueur, 2001) cette double facette renvoie à l’idée de diversification. Une diversification vers laquelle les territoires de montagnes devraient tendre en voyant leur ressource principale se raréfier avec le temps, ce qui n’empêche pas que le marché qui s’est créé autour de la ressource s’exporte loin avec en tête de gondole l’exemple du modèle Français (L’argent de la neige, 2014)15(Figure 35).

15. https://www.dailymotion.com/video/x1ep5zk, L’argent de la neige, 2014.

Chapitre 1

FIGURE 35 PISTE DE SKI EN AFRIQUE, EXTRAIT DE L’ARGENT DE LA NEIGE, ARTLINE FILMS, 2014. EXTRAIT DE DAILYMOTION11

Pour conclure, la neige s’inscrit dans un processus territorial qu’il est intéressant d’analyser, mais également d’interroger selon plusieurs entrées, comme l’indique George Bertrand qui propose de traiter le territoire à travers ce qu’il nomme un « système tripolaire » qui permet trois entrées principales au sein du même territoire. « -le géosystème-source traitant des objets et des processus biophysiques qui, pour l’essentiel, sont déjà plus ou moins anthropisés ; -le territoire-ressource qui prend en compte les structures et les fonctionnements liés aux activités socioéconomiques, compte tenu des données géosystémiques et paysagères ; -le paysage-ressourcement appréhendant la dimension sensible et symbolique au travers des représentations socioculturelles. » (G. Bertrand, 2004) Les approches par le prisme des ressources constituent donc de réelles clés de lecture du territoire et implicitement du paysage qui en résulte. Elles permettent également de dégager les enjeux et le devenir d’espaces sur lesquels elles s’appliquent.

La neige, ressource poétique et précieuse

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La neige a fait l’objet de construction dans l’imaginaire commun. La neige occupe aujourd’hui une place particulière dans l’imaginaire commun des occidentaux. Elle est emblématique de diffférents paysages, notamment dans les Alpes françaises. Ressource aujourd’hui attendue pour les territoires de montagnes qui se sont organisés autour de ses propriétés, l’or blanc, si mal nommée, n’est pas un filon d’où l’on va chercher à extraire la matière. Au contraire, elle est tombée du ciel miraculeusement pendant des années dans des espaces au climat approprié. Le changement climatique que nous connaissons aujourd’hui bouleverse cette organisation. Nous allons donc maintenant nous intéresser à la neige comme ressource, mais également comme élément du paysage sur un territoire en particulier, Bourg-Saint-Maurice

FIGURE 36 UN JOUR BLANC, LA PRÉCIEUSE NEIGE © T. MCKENZIE


Chapitre 1

La neige, ressource poĂŠtique et prĂŠcieuse

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CHAPITRE 2 : LA TRAJECTOIRE DE BOURG-SAINT-MAURICE


La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

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Chapitre 2

Bourg-Saint-Maurice est une commune de Savoie qui s’étend sur 18 180 ha, de 744 m à 3 823 m d’altitude. Depuis plus d’un siècle, le territoire à connu un développement important, basé d’abord sur la ressource en eau, puis, sur la ressource en neige. Comment ont-elles été utilisés ? Aujourd’hui engagé dans une monoculture de la neige, la crise climatique mondiale interroge ce modèle avec des impacts locaux importants révélant, les premières tensions entre des acteurs du territoire.


48 FIGURE 37 BOURG-SAINT-MAURICE, UNE COMMUNE ÉTENTUE AU RELIEF IMPORTANT. © F.BESSOUD-C. D’APRÈS LES DONNÉES QGIS

Aiguille des Glaciers

ITALIE Cormet de Roselend

Les Chapieux

Pointe de la terrasse

Le Roignais

BSM

Isère

Topographie

Parcellaire

1.125 000

Hauteville-Gondon

Domaine skiable des Arcs

Aiguille Rouge


Bourg-Saint-Maurice, « un laboratoire en montagne »

16. https://www.ville-france.com/classement-superficie 17. Pact d’avenir citoyen de la Tarentaise : https://www.pact-tarentaise.com/

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

hydroélectrique de Malgovert, de grandes percées dans la forêt. Ce lieu d’échanges, de passages, est une région d’élevage devenue capitale de la haute vallée de la Tarentaise à l’économie touristique florissante qui lui offre une renommée internationale. Un lieu d’expérimentation où l’exploitation de la ressource en eau, puis en neige ont engendrées des mutations sociales et économiques. Elles se sont ensuite retranscrites sur l’espace du territoire, et donc sur le paysage. (Figure 37) Il semble évident que cette commune a connu de grands changements durant ce siècle car elle a su mettre à profit les ressources à sa disposition, et cela, au bon moment. Un « laboratoire de montagne où tous les enjeux sont posés, sociétaux, économiques, climatiques, écologiques… ». Une commune aux hameaux ruraux, un bourg développé et des stations de ski de renommée internationale. Toutes ces entités sont présentées sur le même espace et les questions de gouvernance, de cohabitation, d’avenir, (de paysage ?) sont au cœur des lieux. Des mobilisations locales sont également à l’oeuvre. On peut citer le PACT17, pour qui « suite à une investigation sur les grands projets touristiques, il apparait nécessaire de penser ensemble l’avenir de notre territoire ». Il témoigne d’une volonté d’acteurs locaux de s’impliquer dans les changements qui doivent être opérés au sein de leur territoire et donc d’un début de mobilisation. Ce chapitre cherche à étudier ce territoire comme un système dans lequel s’articule des éléments internes et externes qui font aujourd’hui sa particularité. Quelles trajectoires résultent des ressources mises à profit ? Comment cela a bouleversé l’espace ? Quelle place les acteurs du territoire occupent aujourd’hui dans la répartition

Chapitre 2

Le territoire de la commune de Bourg-SaintMaurice comprend une superficie de 18 180 ha, ce qui en fait la 39 ème commune la plus étendue de France16. Il s’étage sur deux rives de l’Isère. Une grande partie de la rive gauche fût rattachée à la commune en 1964 dans le but de mettre en œuvre le projet de la station de sport d’hiver des Arcs au niveau d’Hauteville-Gondon. Le domaine est dominé au sud par le glacier de l’Aiguille Rouge (3227 m d’alt.). Sur la rive droite, on retrouve le centre de Bourg-SaintMaurice, chef-lieu d’une commune aux trentecinq hameaux répartis sur tout le territoire. De nombreux bassins versants sillonnés de torrents constituent cette rive, le bassin de l’Arbonne dominé par le Roignais (2995 m d’alt.), le Charbonnet dominé par la Pointe de la Terrasse (2881 m d’alt.), ou encore le bassin du Versoyen qui remonte la vallée des Chapieux et prend sa source au niveau de l’Aiguille des Glaciers (3816 m d’alt.) point culminant de la commune. La vallée des Chapieux donne également accès à différents cols comme le Cormet de Roselend rejoignant le Beaufortin en passant par le hameau des Chapieux (1554 m d’alt.). La spécificité de cette vallée repose sur son accès qui en hiver est interdit aux véhicules motorisés du fait de son épais manteau blanc et des dangers qu’il augure. Ainsi tous ces torrents convergent vers la vallée de l’Isère où se situe le chef-lieu (800 m d’alt.) surmonté à l’est par de nombreux hameaux. Ils sont survolés par d’imposantes lignes à haute tension, marquant l’espace de l’empreinte de la production énergétique dans laquelle la commune s’est lancée comme toute la vallée dans les années 1950, du fait de l’abondance de la ressource en eau et des pentes propices à un tel développement. C’est sur la rive gauche que sont situées les conduites forcés et la centrale

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FIGURE 38 BOURG-SAINT-MAURICE, UNE COMMUNE AGRICOLE AUX PAYSAGES OUVERTS IRRIGUÉS DE CANAUX © F.BESSOUD-C. D’APRÈS LA CARTE D’ÉTAT MAJOR, 1850

Topographie

Troupeaux bovins

Prés de fond de vallée Prés de montagnette Prés d’alpage Forêts

1.125 000


Des cultures étagées, le savoir-faire des canaux

FIGURE 39 LA MONTAGNE, UN ESPACE DESSINÉ PAR L’EAU ET LES HOMMES © F.BESSOUD-C.

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Neige

Glacier

Torrent

Chalet d’alpage

Sources

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Lac proglaciaire

Lac d’altitude

Ruisseau Canaux Troupeaux bovin

Canaux Ruissellement

« Il y a un chemin que l’on fait souvent à vélo, j’aime le faire seule ou avec des clients. Il s’appelle le chemin du canal sur le versant du Beaufortain. Au niveau de l’Arbonne. En fait c’est un canal qui a été fait dans une très faible pente qu’on peut suivre à vélo. Je ne connais que celui-là mais c’est vachement sympa, c’est beau et simple » Caroline, monitrice de ski et de vélo aux Arcs

Chapitre 2

« L’image de l’eau pour moi c’est l’eau en abondance, ce sont les torrents qui marquent le paysage par leur beauté, leur fluidité, leur bruit. Ça marque le paysage et à mon avis c’est du patrimoine du même type qu’un alpage, qu’une forêt ou qu’une chapelle.» Jean-Yves Vallat, 76 ans, Professeur de géographie retraité, poète, ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » du canton de Bourg-Saint-Maurice.


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Avant de nous pencher sur l’aventure hydroélectrique que Bourg-Saint-Maurice a connu, il semble nécessaire de poser le contexte sur lequel celle-ci est venue se construire. De ce fait, la Tarentaise était un espace montagnard soumis à un climat difficile. Trop froid en hiver, trop sec en été, la société a dû s’adapter à ces conditions extrêmes, notamment aux risques auxquels elle était exposée. Les avalanches, les inondations ou encore les éboulements sont des phénomènes qui sont venus structurer le mode de vie tarin, mais surtout l’organisation spatiale (Coanus, 1995) (Figure 40 ). Ce mode d’organisation est basé sur l’optimisation des ressources présentes ou perçues comme telles, notamment par un étagement très marqué par

FIGURE 40 RUE ÉTROITE DU HAMEAU DE LACHAL, BOURG-SAINT-MAURICE © F.BESSOUD-C.

des systèmes d’exploitation des pentes et des

versants en fonction de l’exposition. Comme l’expliquent Y. Brêche et L. Chavoutier dans leur Petite histoire de la Tarentaise : « La société ancienne, c’est d’abord le paysage qui l’a formée, avant même qu’intervienne la volonté des hommes. Une nature âpre et dure et un climat rigoureux ont fait surgir des habitations serrées les unes contre les autres autour de l’église (…) L’organisation de l’espace requérait une discipline précise, des pratiques et contraintes collectives pour assurer la cohésion du groupe. C’est la vie qui commandait. C’est la terre qui donnait les lois (…) » (1975, p. 64). La terre commandait et l’eau était donc déjà à l’époque au cœur des préoccupations. Tantôt impétueuse, tantôt dormeuse, elle restait néanmoins indispensable à la vie, malgré le fait qu’elle ait toujours engendré des catastrophes (Coanus, 1995). L’idée reçue aujourd’hui pourrait être que l’eau soit à l’époque laissée en liberté, dans son « état naturel », sans intervention humaine. Et pourtant, les hommes ont très tôt commencé à aménager les cours d’eau, avant tout pour se protéger, mais surtout pour l’agriculture. En effet, « lorsqu’elle n’est pas trop abondante et ravageuse, l’eau en Tarentaise fait défaut. Par rapport à l’avant pays savoyard, le bassin supérieur de l’Isère est une zone plus sèche. » (Darroux, 2013, p. 20). Le climat local ainsi que l’exposition de la vallée induisent des zones soumises à des vents secs, même en hiver. Les hommes ont donc du très tôt remédier à cela en irriguant les champs et les pâtures. Pour cela, des systèmes ont été inventés très tôt. Des canaux d’alpages ainsi que des canaux d’arrosage servent à alimenter des chalets ou des pâturages, ou encore pour l’irrigation des près de fauche et des vergers17. (Figure 44)

17. B. A., MOUTHON, F., & BIMET, A.-M. (2017). A ciel ouvert : Les canaux d’irrigation en pays de Vanoise


53 FIGURE 41 CANAL DE L’ARC À MONTRIGON, ANCIENNE SECTION EMPIERRÉE, BOURG-SAINT-MAURICE, 27 JUIN 2012, © B. MEILLEUR FIGURE 42 CANAL DE VAUGELAZ ET SERGE ANXIONNAZ, BOURG-SAINTMAURICE, 27 JUIN 2012, © B. MEILLEUR

Les canaux d’arrosage ont participé à la construction des paysages agricoles du massif en tant qu’élément majeur et marqueurs de ces espaces (Figure 41, 42 & 43) (Brien, 2012). Ces canaux, toujours visibles aujourd’hui, ont fait l’objet d’une étude détaillé par le parc national de la Vanoise. Sur le territoire de Bourg-Saint-Maurice, on en à recensé une vingtaine en 2012, certains en plus ou moins bon état. Ce réseau peut être considéré comme le premier patrimoine hydraulique du territoire, comme le fruit du travail de l’homme marquant les pentes et dessinant ainsi un

paysage caractéristique du territoire. Si ce paysage montagnard provient de phénomènes géologiques à l’œuvre depuis « toujours », il est également marqué par le fruit d’un travail important de générations d’habitants. Ce phénomène est ainsi rappelé et décrit dans un ouvrage sur la Tarentaise : « Au passé géologique, nous devons une chaine de montagne, au labeur des hommes, un paysage ; aux conditions de vie, une race dure à la tâche, ouverte à la coopération et à l’entraide, entreprenante, acharnée à survivre. » (Chabert & Chavoutier, 1976, p. 29)

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

FIGURE 43 CANAL DE VEIS D’EN HAUT, BOURG-SAINT-MAURICE, 27 AOÛT 2012, © B. MEILLEUR

Chapitre 2

FIGURE 44 CANAL D’IRRIGATION DU VERGER DE M. ET MME VALLAT © F.BESSOUD-C.


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Ces actions ont engendré de vastes espaces ouverts. Le mode de vie et les cultures étaient basés sur des étages, caractéristique de la culture de l’alpage. Ces étages très distincts se transposaient spatialement. Les abords des villages au niveau de la vallée (800 – 1400 m alt) étaient ouverts, pâturés, ils étaient entourés de près de fauches et parfois de vergers accompagnés de quelques

feuillus. Au-dessus de la vallée, les forêts de la montagnette se caractérisent par la présence de résineux (épicéas, mélèzes, pins…), les alpages commencent a apparaître (1400 – 1600 m alt). Enfin de 1600 à 2400 m la strate arbustive disparait. Les grandes pelouses ornées de fleurs tapissent les pentes, les alpages se dévoilent. Audelà, un monde minéral et hostile se détache, entre glace et neiges éternelles. (Figure 45)

Alpages Montagnette Hameaux au-dessus du chef lieux

Bourg-Saint-Maurice

Fond de vallée et «delta» de l’Isère FIGURE 45 CARTE POSTALE DE LA VALLÉE DE BSM; 1843. L’ÉTAGEMENT DES MODES DE VIE EST ENCORE MARQUÉ, LE FOND DE VALLÉE EST EN PARTIE INONDÉ PAR LE «DELTA» DE L’ISÈRE MARQUÉ PAR LES PEUPLIERS.

L’homme a donc cherché à s’adapter à ce territoire en agissant pour modeler une nature toujours plus hostile. Il en résulte ainsi des espaces marqués par ce travail, les populations ont « patiemment conquis la nature vierge pour fixer les contours de forêts et les limites des alpages » (idem, p. 7). On peut notamment noter l’importance que revêt l’eau depuis toujours dans cet espace montagnard, une importance stratégique pour les besoins vitaux, mais également les activités18. Cependant, ces activités ne suffisent pas à contenir les migrations

qui se font de plus en plus fortes. Même si l’émigration saisonnière faisait partie des modes de vie, à la fin du XIX-e siècle, elle prend une autre forme, de plus en plus définitive (Darroux, 2013). Finalement, ce que l’on retient concernant la place de l’eau au sein de BSM (pour des raisons pratiques, le terme « BSM » sera parfois employé pour la commune de Bourg-Saint-Maurice) avant l’arrivée de la modernité hydraulique, c’est qu’elle joue un rôle important dans « l’organisation sociale » (Darroux, 2013, p. 21), comme le rappelle

18. « L’eau est ici, comme c’est presque toujours le cas, un vecteur d’aménagement du territoire et une ressource structurante. Elle produit de la culture autour et dans les usages et les appropriations humaines qui en sont faites » Darroux, 2013, p. 15.


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FIGURE 46 MONTAGNETTE, LE BATIMENT «FAIT CORPS» AVEC UN ROCHER, EXTRAIT DE PAYSAGE, RISQUES NATURELS ET INTÉRÊTS LOCAUX, SAINTE-FOY-TARENTAISE, SAVOIE, 1995 © T.COANUS

La neige était donc un bien plutôt qu’une ressource et son utilisation était plus pratique que récréative. Toutefois, l’idée que le territoire se construit autour de la ressource est importante, car on va ensuite observer sa construction à travers les grands équipements hydroélectriques que l’abondance de la ressource en eau a pu permettre.

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Il est également intéressant de noter dans les propos recueillis durant nos rencontres qu’à l’époque, selon Jean-Yves Vallat, ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » de BSM, la neige n’était pas une ressource au même titre que l’eau. :

« Ici la neige ils s’en servaient avant, mais autrement, ce n’était pas une ressource, mais un bien. Ils s’étaient adaptés, c’était une culture à étage. L’hiver étant donné qu’il fallait beaucoup de foin, ils stockaient ce dernier l’été dans les chalets et en hiver en fonction de l’état de la neige, ils les descendaient en traîneaux faits en branches de sapin par des chemins très pentus. La neige ne produisait pas de l’argent, mais ils savaient l’utiliser, elle servait de moyen de transport. […] c’était pareil pour l’eau, elle était source de conflit, car elle était très précieuse, tous les canaux qu’on a évoqués en sont la preuve. L’eau était très utilisée. »

Chapitre 2

également l’étude ethnologique de T. Coanus sur le paysage et les risques naturels de la commune de Sainte Foy- Tarentaise (Figure 46). Son utilisation découle de longues pratiques concernant son usage pour diverses activités allant de l’irrigation à sa force hydraulique. Le paysage est directement issu de l’exploitation de cette ressource, qui pose les prémices d’un territoire tourné vers l’utilisation hydraulique. L’eau a donc commencé à avoir une dimension territorialisée, mais également « territorialisante » (Pecqueur et al., 2013).


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FIGURE 47 BOURG-SAINT-MAURICE, ARRIVÉE DE L’HYDROÉLECTRICITÉ, AUGMENTATION DES ÉQUIPEMENTS EN FOND DE VALLÉE. © F.BESSOUD-C. D’APRÈS LES DONNÉES QGIS ET IGN 1960

Troupeaux bovins

BSM

s s

1.125 000

Centrale de Malgovert

Isère


L’énergie des pentes, la « houille blanche »

« Le montagnard par définition il regarde vers le haut, il regarde la cime, la pente. Il n’a aucune sensibilité par rapport à la rivière. Parce que la rivière elle coule en bas, il ne la voit pas. Elle va chez le voisin, donc je ne m’occupe pas des intérêts du voisin. Donc il y a une sorte de déni de la rivière. On la connaît uniquement lorsqu’elle pose un problème. Cette rivière, ils ne la connaissent pas. Ils ne la connaissent que lorsqu’elle gêne, lorsqu’il y a des crues, des laves torrentielles… Et alors à ce moment-là au lieu de réfléchir au pourquoi, aux causes, je parle des élus surtout, ils vont dire : ah cette rivière nous enquiquine, donc on va l’endiguer. Parce qu’elle va à l’encontre du développement tel qu’on l’imagine. Donc c’est une vision qui n’est pas positive de la rivière. Le rapport est frontal. » Jean-Yves Vallat, 76 ans, Professeur de géographie retraité, poète, ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » du canton de Bourg-Saint-Maurice et Vice-Président de la Fédération de Pêche de la Savoie.

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

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FIGURE 48 LES AMÉNAGEMENTS BASÉS SUR L’EAU DURANT LA «MODERNITÉ ALPINE». © F.BESSOUD-C.

Ruisselleme Barrage Sources

Lac de retenue

Conduite forcée

Tourbière

Ligne haute-tension

Centrale hydroélectrique Lac Rivière Usine

Chapitre 2

Usine hydroélectrique


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La révolution industrielle, en quête d’énergie, a nécessité le développement d’une grande ingéniosité dans la recherche de ce précieux bien. C’est dans les torrents et autres cours d’eau de montagne que l’industrie est allée chercher la force de faire tourner des machines toujours plus puissantes. Avec l’invention de stations hydroélectriques comprenant un panel d’équipements importants comme la turbine, les conduites forcées ou les nouvelles lignes à haute tension, l’eau est vue sous un nouvel angle et érigée en « houille blanche » (Figures 47 & 48). Elle est d’ailleurs mise en avant dans une affiche d’époque (Figure 49). Personnifiée, comme une déesse prospérant dans une vallée fumante, toujours avec les cimes enneigées d’où cette eau tire son origine, en toile de fond. Comme le décor de rêve d’une époque où la montagne base son développement sur « la houille blanche et le tourisme », l’eau est le fer de lance du développement de ces territoires de plus en plus anthropisés. Ces usines de fond de vallée ne suffisant pas à combler l’appétit énergétique, un cap est franchi à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. En effet, le progrès du transport d’électricité et la nécessité d’approvisionner des territoires de plus en plus éloignés engendre la création d’un nouvel équipement qui va bouleverser l’avenir de la montagne, le barrage. Alimentés par d’immenses réserves d’énergie hydraulique, ces grands barrages d’accumulation se multiplient dans les Alpes entre 1948 et 1985. Les Alpes sont un terrain propice à ce genre d’installation, nécessitant de s’ancrer dans les gorges de torrents très encaissées. D’ailleurs, dans La géographie du Brevet de Kaeppelin et Teissier, datant de 1932, lorsque les Alpes sont évoquées, c’est la houille blanche qui est mise en avant, la neige n’étant pas perçue

FIGURE 49 LA FÉE DE LA HOUILLE BLANCHE DE L’EXPOSITION DE GRENOBLE, 1925, SOURCE : GRENOBLE PATRIMOINE

comme une ressource à l’époque. La réflexion autour de l’arrivée de l’hydroélectricité dans les territoires de montagne est donc nécessaire à notre recherche, tant du point de vue des aménagements, que des mutations socio-économiques engendrées et notamment sur le rapport à la neige. La commune de Bourg-Saint-Maurice a ainsi fait partie de l’aventure hydroélectrique nationale. Celle-ci a donc engendré des changements spatiaux et paysagers du fait du boulversement socio-culturelle important, à la suite du développement de l’hydroélectricité.


La conquête technique qui s’effectue lors de la modernité alpine donne lieu à une conquête territoriale des Alpes. L’avènement de la houille blanche fut particulièrement marqué dans la Tarentaise du fait de deux facteurs importants : le premier est bien évidemment son fort potentiel hydraulique offert par les rivières de l’Isère, de l’Arc, et de tous leurs affluents. Le second étant la construction du réseau ferré dans la vallée ; l’arrivée du

chemin de fer à Moutiers se fait en 1893, entraînant dans son sillage la mise en service des premières usines (l’Arbine, Pomblière…). Il faudra attendre 1913 pour la mise en service de la Gare de Bourg-Saint-Maurice. (Figure 50 & 51). Ainsi, l’aménagement hydroélectrique de la vallée est couplé avec l’arrivée d’industries d’électrochimie et de métallurgie. « Durant toute la première moitié du XXe siècle, le courant produit par les centrales hydroélectriques ne pouvait pas encore être transporté sur de longues distances sans occasionner des coûts démesurés et c’est ainsi que les industries qui souhaitaient en profiter durent s’implanter sur place. » (Darroux, 2013, p. 21). Ces implantations ponctuelles d’industries se font au sein de la vallée, de nombreuses installations sont toujours présentes aujourd’hui. 1. 50 000

FIGURE 50 CARTE DE LA TARENTAISE, ARRIVÉE DU TRAIN À BOURG-SAINT-MAURICE, 1913 ET INSTALLATION D’USINES LE LONG DE L’ISÈRE

FIGURE 51 GARE DE BOURG-SAINTMAURICE, 1948, D’APRÈS DELCAMPE.NET

Chapitre 2

L’hypothèse formulée dans cette partie est qu’une transformation économique et sociale va bouleverser le territoire. Cette mutation socio-économique va avoir des conséquences directes sur le territoire et le paysage de la Tarentaise et en particulier à Bourg-SaintMaurice, ainsi que sur le rapport que les habitants vont entretenir avec la montagne.

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

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FIGURE 52 BOURG-SAINT-MAURICE ET DANS LA VALLÉE DE L’ISÈRE, 1843, D’APRÈS DELCAMPE.NET

En plus de réorganiser l’espace autour des cours d’eau, il y a une nécessité de main d’œuvre, ces activités permettent de contenir l’exode rural engagé au XIXe siècle19. Cette croissance progressive se fait « timidement » jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. (Darroux, 2013, p. 31). De plus, dans ces industries, les activités sont liées aux saisons, cela engendre une nouvelle classe de population, celle des « ouvriers paysans » (Darroux, 2013, p. 31) . En effet, l’hiver, les travaux agricoles sont moins importants, les agriculteurs en profitent donc pour s’engager dans les usines au lieu de partir en ville. Cela signifie que depuis plus de deux siècles, l’emploi en montagne est marqué par le contraste des saisons, et une pluriactivité saisonsière, les effets sont également lisibles dans le paysage (Figures 52 & 53). Ainsi, bien avant les saisonniers des stations de ski actuelles, l’emploi était auparavant déjà rythmé par les saisons. Nous avons donc un territoire qui, sous l’impulsion de nouveaux modes d’exploitation d’une ressource déjà présente, voit sa société se transformer, impactant directement l’organisation spatiale. Se côtoient ainsi une classe sociale plus « moderne » organisée autour de l’industrie, et une classe plus « traditionnelle » agricole

FIGURE 53 BOURG-SAINT-MAURICE, MODIFICATION DU «DELTA» DE L’ISÈRE, 1948, D’APRÈS DELCAMPE.NET

(Darroux, 2013, p. 43). Les pluriactifs se retrouvent immergés dans les deux systèmes. Cette cohabitation marque également un nouveau mode de développement, celui du tourisme. Tout d’abord, en retenant l’exode des jeunes générations, cela leur a permis de rester travailler dans la vallée en tant que guide ou porteur lors du développement de l’alpinisme . L’arrivée de l’hydroélectricité amène également un certain confort à travers l’utilisation de l’énergie sur place ; cela favorise l’activité touristique à proximité. Mais c’est durant l’entre-deux-guerres que tout va réellement basculer. « L’entre-deux-guerres correspond à un changement profond du système hydroélectrique Alpin. À cette époque, on voit se former les premiers réseaux électriques régionaux puis nationaux portés à la fois par le progrès technique du transport électrique et par une prise de conscience dans le milieu industriel de la nécessité de mettre en place des formes de solidarité, de réunir leurs efforts financiers pour créer des réseaux capables de satisfaire les nouveaux besoins en électricité des Français. » (Darroux, 2013, p. 28)

19. B. A., MOUTHON, F., & BIMET, A.-M. (2017). A ciel ouvert : Les canaux d’irrigation en pays de Vanoise


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haut barrage de France est celui de Tignes, dont la construction a commencé en 1941 avant d’être mis en service en 1953. La même année, le barrage de Montrigon et la centrale de Malgovert sont construits a Bourg-SaintMaurice. Ces barrages viennent totalement modifier l’écoulement des eaux de l’Isère au niveau de la confluence avec les torrents du Glacier et du Reclus (Figure 55). « Montrigon n’était pas une zone comme on la voit aujourd’hui. C’est un barrage de compensation pour la centrale de Moutier. À l’origine, cette zone est un delta avec des confluences entre les torrents et l’Isère. Malgré tout, c’était quand même une zone très sauvage où l’eau divaguait partout. » Jean-Yves Vallat. FIGURE 54 CARTE DE LA TARENTAISE ET DU BEAUFORTAIN, UN AMÉNAGEMENT IMPORTANT DE BARRAGES SUR LES TERRITOIRES SAVOYARD, © F.BESSOUD-C.

Barrage de la Girotte

1. 50 000 ITALIE Barrage de la Gittaze

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Le territoire Savoyard trouve une nouvelle place dans le pays, permettant d’assurer son développement. En effet, dans le but de « satisfaire les nouveaux besoins » des Français, le territoire va connaître une période de grands chantiers avec la création de grands barrages (Figure 54). Comme expliqué précédemment dans le rapport au « besoin », la présence de la ressource en eau, devenue houille blanche, va, à une époque donnée totalement réorganiser le territoire dans le but de satisfaire une nécessité qui ne s’était pas manifestée auparavant. On compte ainsi plusieurs chantiers comme le barrage de la Girotte (1949), de Roselend (1962), de la Gittaz (1967), mais le plus connu pour son histoire tragique et parce qu’il reste le plus

Barrage de Roselend

BOURG-SAINT-MAURICE Gare ferroviaireBourg-Saint-Maurice

ISERE Usine hydroélectriquePomblière

Barrage du Chevril

Usine hydroélectriqueMoütiers TIGNES LE LAC

Chapitre 2

MOÛTIERS

FIGURE 55 CARTE DE LA TARENTAISE ET DU BEAUFORTAIN, UN AMÉNAGEMENT IMPORTANT DE BARRAGES SUR LES TERRITOIRES SAVOYARDS, © F.BESSOUD-C.

Barrage de Montrigon


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La mise en place de ces équipements titanesques a nécessité plusieurs années de grands chantiers offrant du travail, mais entrainant également l’arrivée d’une main d’œuvre extérieure au territoire. Dans son travail ethnologique sur cette période, L. Darroux met en avant le bouleversement culturel qui était à l’œuvre. Ce qui nous intéresse c’est la transition socioéconomique qui en résulte sur les populations et l’impact que cela aura sur les mentalités. Après les grands travaux de 1950, « Comment en effet revenir à un niveau de vie plus bas, à un mode d’existence basé sur des restrictions et un confort minimaliste lorsque l’on a connu des circonstances plus aisées ? La richesse amenée par la période des chantiers hydroélectriques a fait entrer la Tarentaise dans un processus qui ne pouvait pas connaître de retour en arrière » (Darroux, 2013, p. 109). En effet, outre la création de ces ouvrages titanesques, EDF et les autres industries laissèrent des infrastructures utilisées pour les travaux. Des routes et autres voies de dessertes étaient acquises pas les communes de la vallée, elles ont ainsi assuré des accès nécessaires au développement touristique. Ces outils, auxquels s’ajoutent des compétences acquises par les populations sur les chantiers sont le terreau fertile d’un nouveau mode de développement

basé sur le tourisme (Darroux, 2013, p. 112). Cette transition socio-économique s’est notamment traduite spatialement. « Autrefois, on prenait soin de regrouper les habitations et de garder les meilleurs terrains pour l’agriculture et l’alpage. Or, les entreprises, quant à elles, ne s’étaient guère souciées de ces considérations lorsqu’elles avaient construit leurs baraquements pour accueillir les ouvriers. Si, dans un premier temps, ces constructions érigées au milieu des plus beaux terrains sont considérées comme une aberration, voire comme un sacrilège, peu à peu, les anciens vont s’y habituer, abandonnant une autre pierre angulaire de l’ancien système tarin. » (Darroux, 2013, p. 116). Petit à petit, on assiste à la diminution de la population agricole. Ce tournant social a eu des conséquences importantes sur la gestion des espaces notamment sur les dynamiques végétales. En ayant une vision sur plusieurs étages, on constate que ce sont tout d’abord des zones de ripisylves qui se densifient avec une augmentation de ligneux. Du fait d’une modification du lit de la rivière par une nouvelle gestion des flux hydrauliques, la diversité des milieux diminue et une végétation plus dense s’installe (Figure 56).


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« EDF a une forte emprunte sur le paysage. De même sur la dynamique des rivières. Il n’y a plus de crue morphogène. Ce sont des crues qui ont un rôle nécessaire à la rivière pour qu’elle respire. Donc peu à peu les bras vifs sont devenus des bras morts, le lit s’enfriche totalement et se referme. Et du coup on a une perte de biodiversité énorme. Avant le barrage, à l’amont de Montrigon, c’était un parcours en tresse, c’était magnifique. Le transport de sédiment est un gros problème dans le paysage et dans l’état de la rivière. » Jean-Yves Vallat

Un autre phénomène se produit en altitude, celui de l’enfrichement des alpages (Beyerbach, 2011) (Figure 57). On constate alors que les nouvelles utilisations autour de la ressource en eau ont modifié les abords des rivières (Figure 58), mais également les espaces d’altitude. Ces nouvelles activités ont enclenché une transition sociale entraînant une diminution de la population agricole, qui se perçoit ainsi dans l’évolution des espaces agricoles au niveau des alpages. De grands changements se sont donc produits sur le paysage tarin. Les émotions esthétiques qui résultent de la perception de ce paysage restent subjectives, propres à chacun et liées aux affects et à la culture.

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

FIGURE 57 PHÉNOMÈNE D’ENFRICHEMENT DES ALPAGES PAR LA DIMINUTION DU PATÛRAGE, © F.BESSOUD-C.

Neige

Glacier

Torrent Lac proglaciaire

Chalet d’alpage

Sources

FIGURE 56 LIGNEUX AU BORD DE LA ZONE HUMIDE DE L’ISÈRE © F.BESSOUD-C.

Lac d’altitude

Troupeaux ovins permettant l’ouverture des alpages et montagnettes

Troupeaux bovin Canaux

Fermeture des zones non paturées par la forêt

Ruissellement Barrage Conduite forcée

Ligne haute-tension

FIGURE 58 PHÉNOMÈNE D’ENFRICHEMENT DE LA RIPISYLVE DE L’ISÈRE PAR LA DIMINUATION DES CRUES DU AUX BARRAGES © F.BESSOUD-C.

Tourbière Ripisylve plus dense avec de nombreux ligneux

Lac Usine hydroélectrique

Rivière Usine

Chapitre 2

Sources

Lac de retenue


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Cependant, pour les habitants de BourgSaint-Maurice interrogés lors de notre étude, ils s’accordent sur ce phénomène d’enfrichement et les changements qu’ils procurent :

La réouverture de ces espaces est également un enjeu important pour Mr Juglaret, Agriculteur et Président de la Coopérative Laitière de Haute Tarentaise à Bourg-SaintMaurice.

« On pâture, mais moins qu’avant et très mal donc le paysage se referme à une allure extraordinaire. Ce qui est fou du coup aujourd’hui c’est que les pistes de ski sont les parties les mieux entretenues et les mieux pâturées. » Jean-Yves Vallat

« Les grands changements que je voudrais voir ça serait de revenir à l’entretien de l’alpage en obligeant les gens à se déplacer plus souvent. Il faut remettre la flore dans cette montagne et la base c’est la mobilité des animaux. »

« On perd aussi la vue parce que les point de vue se referme aussi et personne ne coupe à cause de l’éclatement du parcellaire privé. » C’est même pour l’ancien Maire ce qui pourrait rendre ce paysage désagréable à l’avenir : « Ce qui pourrait le rendre désagréable, enfin je pense que c’est surtout dommage c’est la forêt qui se referme. » Michel Giraudy

Comme on peut le voir sur les deux cartes suivantes, (Figure 61 & 62) en un siècle la forêt à gagné du terrain sur les espaces agricole. De plus, en 1964, la commune de Bourg-Saint-Maurice s’est rattachée à la commune de Hauteville-Gondon suite à un arreté préfectoral20. En contre-bas des coteaux, dans la vallée, on constate également de grands changements avec l’arrivée du chemin du fer et des installations hydroéléctriques. Le paysage se ferme peu à peu sur les pentes, tandis que les activités se concentrent au bord de l’eau et notamment de l’Isère.

Flore en nous montrant le « versant du soleil » depuis Arc 1600 : « Vous voyez ce versant-là, avant il n’y avait pas un arbre. Il y avait des prés à vaches et c’est tout. Des vaches, il y avait des vaches partout avant ! » (Figure 59 & 60)

20. Elle est rattachée à la commune de Bourg-Saint-Maurice par arrêté préfectoral le 15/12/1964.


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Centrale de Malgovert

Isère

FIGURE 61 BOURG-SAINT-MAURICE, UNE COMMUNE AGRICOLE AUX PAYSAGES OUVERTS IRRIGUÉS DE CANAUX © F.BESSOUD-C. D’APRÈS LA CARTE D’ÉTAT MAJOR, 1850

FIGURE 62 BOURG-SAINT-MAURICE, ARRIVÉE DE L’HYDROÉLECTRICITÉ, ET AUGMENTATION DES SURFACES BOISÉES REFERMANT L’ESPACE. © F.BESSOUD-C. D’APRÈS LES DONNÉES QGIS ET IGN 1960.

FIGURE 59 VERSANT DU SOLEIL VU DEPUIS LES PENTES DES ARCS, NON DATÉE MAIS APRÈS 1913. D’APRÈS COMMUNES.COM

FIGURE 60 VERSANT DU SOLEIL VU DEPUIS LE FUNICULAIRE DES ARCS, L’ENFRICHEMENT EST ACCENTUÉ PAR LA NEIGE. 31 DEC. 2019 © F.BESSOUD-C.

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

BSM


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Concernant les installations hydroélectriques, dans son recueil de témoignage d’habitants, L. Darroux tire quant à elle une conclusion intéressante lorsqu’elle note une certaine « tolérance » vis-à-vis de ces changements : « La tolérance des personnes ayant vécu cette transformation du paysage peut nous laisser penser deux choses. Premièrement, que le patrimoine bâti hydroélectrique par rapport à son importance reste relativement discret. La grande majorité du réseau de tunnels, conduites forcées et autres canaux est enterrée et capable de se faire oublier bien qu’en réalité, elle transforme les massifs de manière conséquente. Les prises d’eau sont souvent dans des parties isolées de montagne, les centrales sont généralement encaissées en fond de vallée. Ces caractéristiques font que le patrimoine hydroélectrique matériel, à l’exception des imposants barrages, n’est pas ostentatoire. Il sait relativement bien se camoufler dans la montagne […] Deuxièmement, la tolérance dont nous avons parlé témoigne peut-être du fait que les populations locales ayant vécu l’époque des chantiers n’identifient pas, pour la plupart cette période à un passé douloureux, à un sacrifice mais plutôt à une renaissance, un bienfait. » (Darroux, 2013, p. 106 107)

Les propos replacent la perception de ces nouveaux espaces dans le regard des habitants. Ils sont à mettre en parallèle avec d’autres témoignages sur les équipements secondaires qui ont accompagné les ouvrages hydroélectriques. Les nombreuses lignes à haute tension en font partie. Une recherche de verticalité signe de modernité qui fait écho aux sommets culminants à 3000 m aux alentours. Ces lignes sont pourtant décriées car elles s’ajoutent à la longue liste des équipements présents à Bourg-Saint-Maurice. « Clairement pour moi avoir un pylône à haute tension comme ça à 50 mètres de ma maison clairement ça me gâche le plaisir du paysage, je n’arrive pas à passer outre, on la dans la gueule et on le voit. Les équipements c’est hyper impactant ici […] Le versant du soleil, EDF l’a pourri avec les lignes à haute tension. […] Elles sont connectées à la centrale de Malgovert, puis on envoie de l’électricité en Italie aussi donc on a encore une ligne dans l’autre sens. » (Figure 63 & 64) Fred, rédacteur du PACT Tarentaise, né à Bourg-Saint-Maurice

FIGURE 63 CROISEMENT DE FLUX ÉLECTRIQUE, VUE DEPUIS LE VERSANT DU SOLEIL SUR ARC 1600, 2020 © T. MCKENZIE


FIGURE 64 LE PAYSAGE HYDROÉLÉCTRIQUE : DISTRIBUTION DE L’ÉLÉCTRICITÉ, VUE DEPUIS LE COL DU PETIT SAINT BERNARD SUR LA VALLÉE DE BOURG-SAINT-MAURICE, 2019 © T. MCKENZIE

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

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FIGURE 65 BARRAGE DU SAUT, TARENTAISE. 19 OCT. 2016, EXTRAIT DE DERRIÈRE LA RETENUE, LES CHEMINS DE L’EAU EN SAVOIE, © S. BONNOT

D’ailleurs, ces ouvrages hydrauliques ont récemment fait l’objet d’un observatoire photographique poussé et riche en clichés montrant la puissance du travail réalisé. Dans son travail, S. Bonnot s’attache à remonter le courant de la Savoie en passant évidemment par la Tarentaise . Elle met en valeur la vitalité de l’eau, de la pluie, de la neige et des ruisseaux et torrents, toutes ces formes auxquelles l’eau se rattache (Varaschin et al., 2017). Mais également un historique « de l’aval vers l’amont » des premières installations à nos jours. En concluant sur l’inscription dans le

paysage montagnard des lacs de retenues engendrées, utilisés parfois comme « un des points d’appui de la promotion touristique de la Savoie » (Varaschin et al., 2017, p. 138) (Figure 65). Cet ouvrage ouvre un débat sur les effets de l’anthropisation de ces milieux fragiles qui sont devenus un « véritable enjeu touristique » dans la « mise en avant d’un paysage sublimé », à la fois par ses constitutions naturelles (cimes, pentes...) et l’action anthropique à l’œuvre. (Figure 66)


FIGURE 66 PAREMENT AVAL DU BARRAGE DU CHEVRIL. TIGNES, TARENTAISE. 29 SEPT. 2016 EXTRAIT DE DERRIÈRE LA RETENUE, LES CHEMINS DE L’EAU EN SAVOIE, © S. BONNOT

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

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Comme on le voit également sur les documents exposés, l’intérêt est porté principalement sur le fond de vallée de Bourg qui s’urbanise petit à petit et qui s’équipe (gare, centrale, pylône…). Les pentes elles, connaissent un enfrichement et seuls les torrents et les espaces propices sont équipées en retenue et conduite. Ce rapport au fond de vallée est évoqué par Jean-Yves Vallat comme quelque chose de très compliqué, sans vision globale. « On pourrait voir l’eau comme élément du paysage. Comme élément de beauté, notamment touristique comme il a été présenté dans le bilan quantitatif sur l’eau en 2008. Mais non, parce que le montagnard, il voit les glaciers, les cimes, la neige, les stations, mais ce qui coule en bas ce n’est pas intéressant. C’est le fond de vallée quoi. D’ailleurs il n’y a pas de projet d’aménagement de fond de vallée, sauf les aménagements dit négatifs qui ne prennent pas en compte l’enjeu du fond de vallée. Ça m’a beaucoup choqué. J’étais ardéchois d’origine et c’est vrai que le Rhône faisait partie de la culture des habitants, il débordait, montait, on s’adaptait, on vivait avec le Rhône. Ici, les montagnards n’ont jamais vécu avec la rivière. Ils ont vécu avec les chalets, les alpages, etc., et donc cela c’est un obstacle à la compréhension des enjeux de la rivière. »

Le deuxième élément de cette conclusion est l’idée de « renaissance », comme une bénédiction d’avoir eu l’opportunité à un moment donné de mettre en lumière ces espaces par l’exploitation d’une ressource qui finalement a toujours été présente. Cette bénédiction se traduit également dans les mutations socio-économiques qui ont suivi. Comme nous venons de le démontrer cette période a semé les graines d’un secteur en plein essor dans les années 60, celui du tourisme. La Tarentaise a donc continué à « s’accrocher » à cette terre en « tirant de

la richesse » d’une façon différente de leurs ancêtres (Darroux, 2013, p. 119). Les Borains ont su exploiter leur ressource en permettant ainsi à la population de « rester au pays » engendrant les premières grandes mutations sociales et donc spatiales de la commune. La région était ainsi prête à accueillir l’aventure des sports d’hiver, même si Tignes commença son essor touristique à partir de 1930 avec le début du ski, il faudra attendre les années 60 pour voir arriver les premières idées du plan neige dans le développement des Arcs à Bourg-Saint-Maurice, de Val d’Isère ou de la Plagne (Figure 67). Comme on l’a démontré dans la première partie, le processus de création d’une ressource peut être long, elle peut être présente sur le territoire sans forcément qu’on lui trouve un intérêt ou une importance. L’exploitation de l’eau sous sa forme liquide s’est faite durant des siècles dans un but de production agricole. Mais avec l’avènement de la modernité alpine de 1890 à 1960, celleci s’est fait sous une nouvelle forme pour d’autres objectifs. L’hydroélectricité a ensuite amorcé les prémices de son exploitation sous forme solide, la neige. Son impact sur le paysage montagnard est important et lisible de différentes façons. Serge Briffaud s’est attaché à analyser les paysages de montagnes mettant notamment en exergue le résultat de l’exploitation de la ressource en eau dans ce qu’on peut nommer le « paysage énergétique » qui résulte la construction de cette ressource : « Ce grand chambardement des paysages montagnards tient pour une part à l’impact des systèmes d’infrastructures mis en place pour l’exploitation de la ressource, au prix souvent d’une réforme radicale des systèmes


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FIGURE 67 CARTE DES STATIONS D’HIVER DE LA TARENTAISE, © F.BESSOUD-C.

1. 50 000

FIGURE 68 STATION ARC 1600 SURPLOMBANT BOURG-SAINT-MAURICE. D’APRÈS RÉGION RHÔNE-ALPES, INVENTAIRE GÉNÉRAL DU PATRIMOINE CULTUREL © DESSERT ERICT

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

encore dans une montagne ailleurs enfrichée, grâce à l’existence d’une voie carrossable à destination hydroélectrique, qui permet, là, d’acheminer le troupeau et d’entretenir les prairies de fauche... » (Briffaud, 2014, p. 4) Cette révolution socio-économique a donc permis de tendre très rapidement vers un nouveau modèle, comme on vient de le voir, cela s’est fait rapidement, en un demisiècle, à l’échelle de deux générations. Ce changement que l’on peut qualifier de radical dans sa vitesse a donc laissé des traces dans le paysage de Bourg-Saint-Maurice (Figure 68) et plus largement dans la Tarentaise, le lac artificiel de Tignes en est un exemple frappant (Figure 69).

FIGURE 69 TIGNES SUBMERGÉ EN 1952 PENDANT LA MISE EN SERVICE DU BARRAGE, D’APRÈS COLLECTION-JFRM.FR

Chapitre 2

hydrographiques et gravitaires de la montagne […] Mais l’empreinte laissée sur les paysages par la révolution hydroélectrique est aussi présente là où on ne va pas spontanément la chercher. Dans ces bois plantés pour stabiliser les versants accueillant les infrastructures ; dans ces stations de ski qui ont aidé à se développer les subsides des entreprises de l’énergie et les équipements (routes, funiculaires...) associés à l’exploitation des barrages, des conduites et des lignes de force ; dans ces vieux complexes industriels, aussi, installés dans les vallées au début du XXe siècle pour profiter d’une énergie disponible que l’on ne savait pas encore transporter ; ou dans ces espaces pastoraux demeurant ouverts


FIGURE 70 BOURG-SAINT-MAURICE, UNE COMMUNE, QUATRES STATIONS ET DE NOMBREUX ÉQUIPEMENTS © F.BESSOUD-C. D’APRÈS IGN 2020, DONNÉES QGIS

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Arc 1950/2000


FIGURE 71 LE NOUVEAU PAYSAGE DES STATIONS DE BSM, DES ÉLÉMENTS SUPPLÉMENTAIRES DANS LE CYCLE DE L’EAU © F.BESSOUD-C.

Remontées mécaniques Retenue collinaire

Canons à neige Sation ex nihilo

73

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

L’aventure des Arcs

« Le paysage particulier que la neige m’évoque ce sont les aquarelles de Samivel. […] Ce n’est pas l’aquarelle en soit mais l’ambiance. » Fred, Rédacteur du PACT Tarentaise, né à Bourg-Saint-Maurice

Chapitre 2

« La neige c’est le silence. Les jours où il neige en station j’adore parce qu’on entend le silence. Tous les bruits sont étouffés par la neige qui tombe. Le télésiège ne fait plus le même bruit, quand tu regardes la neige tomber, tu entends le silence et j’adore ça. » Caroline, monitrice ESF aux Arcs


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Entre 1930 et 1960, on assiste à des bouleversements sociétaux et économiques favorisant le développement des congés payés. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l’avènement de l’ère industrielle et des congés payés engendre une croissance exceptionnelle du tourisme en France. Le gouvernement lance ainsi le plan neige en 1960. Cette véritable doctrine d’aménagement de la montagne cherche à développer une filière de sports d’hiver sur le territoire afin d’assurer la constitution d’un véritable nouveau secteur économique. Dès lors, des organismes, des promoteurs et des architectes se lancent dans la recherche et l’étude de sites propices à la création de ces nouvelles stations. (Figure 72 ) La Tarentaise se trouve alors au cœur de ces préoccupations. Elle a déjà connu le développement de la première génération de station dite « village montagne » (Lyon-Caen, 2018) avec le développement de Val d’Isère dans les années 1930. Puis les stations « ski aux pieds » (Lyon-Caen, 2018), dite ex nihilo, qui sont des ensembles situés aux pieds des domaines skiables à l’arrivée des pistes. Ce sont des stations situées au-dessus de 1600 m d’altitude comme Courchevel 1850 ou Tignesle-Lac. Enfin, c’est au niveau de Bourg-SaintMaurice et de la commune de HautevilleGondon que la Tarentaise va connaitre le développement de la troisième génération de stations dites « intégrées » (Lyon-Caen, 2018). On assiste ainsi durant la fin des années 60, à la création de grand domaines skiables associés à des stations intégrées comme les Arcs, La Plagne et Aime 2000. Elles sont nommées ainsi car c’est l’aménageur qui détient la 1930

direction des principales composantes comme l’aménagement du domaine skiable, des infrastructures, de l’urbanisme, de l’immobilier et du commerce. Il en a une gestion globale. (Figure 73) Le contexte national a donc permis ce développement à une échelle locale qui comme démontré dans la partie précédente sort de grands travaux hydrauliques qui ont favorisé l’émergence de nouvelles idées innovantes. De ce fait, la station des Arcs est née d’une rencontre. Un enfant du pays, Robert Blanc (1933-1980) ancien berger et moniteur de ski qui cherchait à rester au pays en s’investissant dans le ski, et d’un promoteur chambérien, Roger Godino. Godino a ensuite solicité des architectes-urbanistes, Gaston Regairaz (un ami d’enfance) et Guy Rey-Millet. Puis, la cette équipe pluridisciplinaire était dirigée par Charlotte Perriand, architecte, urbaniste et designer. Ces rencontres furent déterminantes et la fusion de compétences pluridisciplinaires ont permis le développement d’un projet créatif et novateur pour l’époque. Ce fut cependant un « déchirement » pour d’autres, comme le rappel certains habitants interrogés. Car le site « vierge » choisi n’était pas vierge de toutes activités. De nombreuses expropriations furent nécessaires pour bénéficier des alpages indispensables au développement des pistes. (Figure 74) Cette aventure démarre donc grâce à une suite d’opportunités, des contextes sociaux économiques nationaux et locaux favorables, ainsi qu’un terrain où l’élément clé tombe du ciel.

1945

1960

«Village montagne»

«Station ex nihilo»

«Station intégrée»

Val d’Isère Tignes

Courchevel

Les Arcs La Plagne Aime

FIGURE 72 CHRONOLOGIE DE L’INSTALLATION DES STATIONS DE TARENTAISE © F.BESSOUD-C.


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Bourg-SaintMaurice Les Arcs

Carte generale Tarentaise

La Plagne Aime 2000

Val d’Isère

Courchevel FIGURE 73 LES GRANDES STATIONS DE LA TARENTAISE © F.BESSOUD-C.

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Tignes

FIGURE 74 C. PERRIAND, G. REGAIRAZ, R. GODINO, G. REY-MILLET, 1998, D’APRÈS LES CARNETS DE MONTAGNE.

« Les Arcs, c’est le résultat d’un travail d’équipe. C’est absolument nécessaire étant donné l’ampleur du travail. » (Perriand-Barsac, 2013, p. 61)

Chapitre 2

« Architecture privilégiant les programmes et la vie des occupants et de ceux qui y travaillent, elle procède du dedans au dehors et vice versa, ménageant à chaque partie habitable, une relation avec l’environnement : la montagne – superbe –, même les faces nord sans soleil sont face au Mont-Blanc, lointain, étincelant. La poésie n’est pas absente. » (Perriand-Barsac, 2013, p. 61)


76

Le choix du site est déterminant pour la station mais également pour la commune de Bourg-Saint-Maurice. Cet espace est choisi en 1962, situé en balcon sur la vallée de l’Isère et au-dessus de la commune de Bourg-SaintMaurice (Figure 75). Il regroupe toutes les caractéristiques nécessaires à l’exploitation de la ressource en neige, abondante dans cette vallée où la station la plus basse doit se situer à 1600 m d’altitude, au début des alpages. C’est donc sur ces pentes orientées nord-nordouest et face à l’immensité de la montagne que se construit un complexe de 30 000 lits. Il se répartit sur trois sites, où chaque station est autonome et reliée par une route. Ces trois stations sont « considérées d’emblée comme des références, autant par leur inventivité dans les domaines de l’équipement que

dans ceux de l’urbanisme, du paysage et de l’architecture. » (Lyon-Caen, 2018) (Figure 76). Elles se démarquent notamment par une approche novatrice pour l’époque consistant à séparer radicalement la voiture, du skieur et du piéton. Ces stations sans voiture sont le fruit de réflexions sur l’espace et le terrain existant, laissant la place au corps et à la contemplation de l’environnement. Un téléphérique relie BSM à arc 1600 dès la construction. Il est remplacé en 1989 par un funiculaire qui s’inscrit dans une logique de développement sans voiture et de liens entre la vallée et ces stations. L’essor de l’exploitation de l’or blanc a donc totalement bouleversé l’utilisation de ces espaces autrefois à vocation agricole, modifiant ainsi l’espace et le paysage de BSM.


77

FIGURE 76 MAQUETTE DES STATIONS D’ARC 1600 ET 1800 EN SECOND PLAN, UN TERRAIN PROPICE EN BALCON. EXPOSÉE À LA FONDATION LOUIS VUITTON 25.01.20 © F.BESSOUD-C.

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

FIGURE 75 COUPE DE L’ENSEMBLE RÉSIDENTIEL VERSANT SUD ET ADRET, ARC 1600. RELEVÉ DESSINÉ PAR NORI GOTO, ARCHITECTE DANS URBANISME ET ARCHITECTURE CONTEMPORAINE EN PAYS DE NEIGE, DENY PRADELLE (AAM)


78

L’exploitation de la ressource en neige est à l’origine de la construction des grands équipements de BSM. (Figure 77) Tandis que l’utilisation de la ressource en eau s’est d’abord concentrée sur l’agriculture des alpages et des vergers, puis sur les rivières et les lacs en contre bas, la neige oriente le regard vers le haut. Elle redéfinie les usages de ces pentes et ainsi le paysage Tarin. Plus qu’une simple activité récréative, les fondateurs des Arcs cherchent à offrir un art de vie à la montagne, celui-ci se pense en fonction de l’espace existant, aussi bien dans l’architecture que dans ce qui l’entoure. Cet art de vie se traduit spatialement par des bâtiments emblématiques épousant le relief existant et offrant depuis l’intérieur une vision avec pour seul vis-à-vis la montagne et son immensité. L’importance accordée à l’intérieur va de pair avec l’extérieur, entre ce qu’on donne

1967 Arc 1600

FIGURE 77 CHRONOLOGIE DE LA CONSTRUCTION DES STATIONS DES ARCS. © F.BESSOUD-C.

a voir, percevoir et ressentir : le paysage. Les stations se répartissent ainsi sur trois zones Sur l’ubac de la commune de BSM sont édifiées les stations Arc 1600 et Arc 1800 à l’altitude des anciens alpages des Lanches, de Pierre-Blanche, du Charvet, de Chantel, des Villards et de Charmetoger. Les innovations architecturales qu’ont offert ces équipements sont toujours appréciées aujourd’hui (Figure 78). D’après Flore, monitrice de ski, 68 ans, qui vit à Arc 1600 depuis bientôt 50 ans : « C’est agréable à vivre ici c’est parce qu’on a un décor fabuleux, un panorama extraordinaire. Regardez la vue (en nous montrant sa fenêtre orientée au sud). On est dedans, on est tout le temps dedans avec la vue sur les pistes ou les versants. Ce dedans il est agréable, il est beau. L’hiver il est vivifiant, l’été il est vert, il y a de très beaux verts, il y a plein de fleurs en juillet, c’est un bel endroit pour vivre. ».

1974

1979

Arc 1800

Arc 2000

2003 Arc 1950


FIGURE 78 SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES STATIONS ET IMPLANTATION PAR RAPPORT AU BOURG © F.BESSOUD-C.

79

Arc 1600

Arc 1800

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Arc 1800

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Arc 1950/2000

Arc 2000

Liaison La Plagne

De l’autre coté des pentes de l’Aiguille Grive (2732 m alt.) constituant une partie du domaine skiable, s’étend le vallon suspendu de l’Arc. C’est au bas de ce vallon que s’implante Arc 2000 (1979) et plus tard Arc 1950 (2003). Elles sont dominées au sud par l’Aiguille Rouge et son glacier (3227 m alt.) aujourd’hui accessible en téléphérique et également skiable. Véritable laboratoire d’expérimentation et d’innovation architecturale et urbanistique, les Arcs sont réfléchis depuis le grand paysage jusqu’au mobilier intérieur et la petite cuillère que Charlotte Perriand s’est engagée à dessiner. Cela en recherchant un tracé horizontal qui suit les courbes de niveaux en permettant une intégration maximume au site tout en répondant

à la demande d’une société confrontée aux besoins du tourisme de masse. Cet héritage a aujourd’hui une valeur patrimoniale ancrée dans l’identité du territoire. Il a permis à des générations de pouvoir rester au pays tout en offrant des conditions d’accès au ski pour tous. Il pose actuellement des questions sur le devenir de ces espaces en termes de gouvernance ou de développement, ne pouvant mettre de côté les interrogations autour de la ressource en neige et parallèlement la ressource en eau. Cet art de vivre à la montagne est finalement une question d’espace. Chapitre 2

Fun

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Isère

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Arc 1950


80

FIGURE 79 A. PHOTO AÉRIENNE DES ALPAGES PIERRE BLANCHE, 1960 B. PHOTO AÉRIENNE DES ALPAGES DU VILLARD, 1960 C. PHOTO AÉRIENNE DU VALLON SUSP,ENDU DE L’ARC, 1960.

FIGURE 80 A. PHOTO AÉRIENNE D’ARC 1600, 2008 B. PHOTO AÉRIENNE D’ARC 1800, 2008 C. PHOTO AÉRIENNE D’ARC 1950 / 2000, 2008

A.

A.

B.

B.

C.

C.


FIGURE 81 A. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE D’ARC 1600. ÉQUIPE D’URBANISTES ANIMÉE PAR CHARLOTTE PERRIAND, AAM, NON DATÉE B. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE D’ARC 1800. ÉQUIPE D’URBANISTES ANIMÉE PAR CHARLOTTE PERRIAND, AAM, NON DATÉE C. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE D’ARC 2000 PAR BERNARD TAILLEFER, NON DATÉE. SIAF/ CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE, CENTRE D’ARCHIVES D’ARCHITECTURE DU XXE SIÈCLE, FONDS DAU.

Arc 1600 (Figures 79A, 80A & 81A) Un site en balcon avec en moyenne 30 % de pente. C’est sur cet espace que l’équipe de concepteurs a reflechi un urbanisme en «couchant» de grands bâtiments sur la pente (6). D’autres sont inscrits directement dans l’intérieur, épousant le relief existant (10). Ainsi, des espaces piétons se libèrent, de même que des espaces publics traversant l’architecture, ouvrant sur le paysage et l’immensité de la montagne (5).

81

Arc 1800 (Figures 79B, 80B & 81B) Fort de l’expérience du laboratoire d’Arc 1600, les promoteurs sont conscients que le taux de remplissage de la station est essentiel pour la rentabilité de l’opération. Arc 1800 est ainsi conçu pour assurer une clientèle hivernale et estivale. Des bâtiments en rampes viennent s’insérer dans les pentes. Un golf sur une légère pente structure l’espace, skiable l’hiver et praticable l’été. Les abords sont les lieux des dernières constructions d’Arc 1800, il se trouve B. donc en pied de façade. (Grange, 2016)

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

A.

Arc 2000 (Figures 79C, 80C & 81C) Le parcours d’Arc 2000 fut différent. Dans cette « chasse gardée » (Grange, p.112) par de nouveaux promoteurs et un terrain très pentu aux conditions climatiques extrêmes aux alentours de 2200 m d’altitude. Perriand et Taillefer signèrent l’hôtel de l’Aiguille Rouge mais le projet final reste inachevé suite au départ de Roger Godino et au début de la crise de l’immobilier de loisir.

Chapitre 2

C.


82

L’art de vivre à la montagne est promu durant cette période comme bénéfique pour tous. L’essor des sports d’hiver marque une démocratisation des ces espaces qui s’offrent à de nouvelles classes sociales moins aisées. Symbole de cette vocation, les classes de neige, dans lesquelles sont envoyés les enfants pour se « dépenser » mais « également pour des «vertus curatives », tels sont les termes utilisés dans les reportages d’époque21. (Figure

A.

C. FIGURE 82 IMAGE DU REPORTAGE LE PLAN NEIGE POUR L’AMÉNAGEMENT DE LA MONTAGNE, 1976. A. GLACIER DE L’AIGUILLE ROUGE, LES ARCS B. BATIMENTS DE LA STATION DES ARC 1600

82 D ). Dès lors, la neige et les sports d’hiver se « démocratisent » grâce au tourisme social. L’image renvoyée par la neige est signe de providence, un don tombé du ciel. C’est le cas à Bourg-Saint-Maurice où Godino (un des fondateurs de la station) le rappelle durant un reportage concernant l’aménagement de la montagne en 1976 : « il y avait dans cette vallée un potentiel de développement. Il y avait dans cette vallée un désir de développement.»

B.

D. C. ROGER GODINO, PROMOTEUR DE LA STATION DE SKI DES ARCS D. DES ENFANTS AU SKI DURANT LES COURS, CLASSES DE NEIGE, 1953, INA

21. https://fresques.ina.fr/montagnes/fiche-media/Montag00053/les-classes-de-neige.html


83

Exemple type où une ressource est jusqu’alors encore inconnue mais présente, révelée puis exploitée. On vient alors « exploiter les gisements d’or blanc » ou « faire de la neige un piège à devise » (Francillon, 1976)22. (Figure 82 A, B & C)

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Les modes de représentations sont ainsi mis à profit pour promouvoir la neige. Des reportages d’époque mais également des affiches mettant en avant le caractère moderne de la station des Arcs qui dispose

d’une gare SNCF (Figure 83) à BSM ou une affiche promotionnelle révélant une quantité de neige fraîche fumant derrière les spatules de Robert Blanc, autre créateur de la station (Figure 84). Une exploitation qui s’est traduite spatialement, physiquement sur les pentes de la commune. Mais également dans les esprits et l’imaginaire que ces espaces renvoient, jusqu’à aujourd’hui.

FIGURE 84 LES ARCS - BOURG SAINT-MAURICE SAVOIE 1600/3000 - LE HAUT DOMAINE DU SKI , 1970, PETER MILLER

22. https://fresques.ina.fr/montagnes/fiche-media/Montag00065/le-plan-neige-pour-l-amenagement-de-la-montagne.html

Chapitre 2

FIGURE 83 AFFICHE DE PROMOTION DU SKI A BOURG-SAINT-MAURICE, 1965.


84

La station des Arcs offre ainsi la possibilité d’accéder à ce que certains nomme « un paysage naturel de loisir ». Terme recueillis dans L’Atlas paysager de la région Rhône-Alpes23, publié en 2005 par la DIREN, responsable des politiques d’aménagement du territoire avant l’actuelle DREAL. Elle dénombre ainsi « 7 familles de paysages, en Rhône-Alpes, des paysages pluriels pour un territoire singulier ». Ainsi, cet atlas met en avant la rupture entre un « paysage naturel »24 (Figure 85) et un « paysage naturel de loisirs » (Figure 86). Le premier est un espace de liberté, où les seules traces humaines sont très ponctuelles, voire inexistantes. Ces caractéristiques lui procurent des qualités paysagères évidentes. Mais cet attrait amène à des contradictions entre la volonté de percevoir une nature « vierge » et des conditions de confort et d’accès toujours plus développées. D’ailleurs, en 2005, les objectifs fixés par cet atlas étaient déjà25 : FIGURE 85 CROQUIS DE « PAYSAGE NATUREL » CLAIRE FOLLIET, DIREN, 2005

-Identifier et conserver des superficies “vierges” importantes. -Limiter l’impact visuel des aménagements -Définir des capacités d’accueil des sites. -Soutenir l’entretien agricole, forestier ou pastoral dans certains milieux semi-naturels (espèces forestières remarquables, prairies sèches, marais, alpages, etc.). -Reconquérir ou entretenir des points de vue remarquables menacés par la fermeture des vues. -Conserver l’ambiance sonore calme de ces paysages. On peut évidemment imaginer ce qu’offre l’implantation d’un domaine skiable tel que les Arcs. Ces grands aménagements de la montagne font basculer ces espaces vers d’autres usages avec comme idée phare : « La nature pour terrain de jeux ».

FIGURE 86 CROQUIS DE « PAYSAGE NATUREL DE LOISIRS » CLAIRE FOLLIET, DIREN, 2005

23. http://www.paysages.auvergne-rhone-alpes.gouv.fr/IMG/pdf/les_7_familles_de_paysages_en_rhone-alpes_cle6f17bc-5. pdf 24. «Au-delà des paysages réellement naturels, telle que la haute montagne au-dessus des alpages, les paysages « naturels » concernent ici tous les espaces où la main de l’homme est perçue comme marginale par rapport aux forces de la nature » ( la vallée des glaciers au nord de BSM est caractéritsitque de ce type de paysage) 25. Extrait de http://www.paysages.auvergne-rhone-alpes.gouv.fr/IMG/pdf/les_7_familles_de_paysages_en_rhonealpes_cle6f17bc-5.pdf


ne sont pas récentes et qu’ils sont nombreux à ne pas avoir été pris en compte depuis : -Rechercher la réversibilité hiver-été des aménagements. -Limiter l’enneigement artificiel dont les impacts directs et indirects sur l’environnement peuvent être indélébiles (fondations profondes des canons à neige, terrassements, diminution de la ressource en eau). -Favoriser la restructuration des domaines skiables existants plutôt que leur extension. -Favoriser la desserte collective des stations afin de limiter l’impact des espaces de l’automobile dans les paysages. -Repérer et démonter les installations obsolètes afin de remettre en état les sites. -Préserver et développer une architecture contemporaine spécifique des stations de ski, en excluant le recours à des modèles urbains peu adaptés à la morphologie montagnarde

FIGURE 87 A. SELFIE «RECHERCHÉ» AU SOMMET DE L’AIGUILLE ROUGE DEPUIS LA PLATEFORME DU TÉLÉPHÉRIQUE PERMETTANT UNE VUE PANORAMIQUE SUR LES ALPES ET LE MONT-BLANC, © F.BESSOUD-C. B. PISTES ET GARES DE TÉLÉSIÈGE D’ARCS 1800, © F.BESSOUD-C. C. ARRIVÉE À SKI AU MILIEU DES SAPINS, ARC 2000 EN ARRIÈRE-PLAN.© F.BESSOUD-C.

Chapitre 2

Ce terme de paysage « naturel de loisirs » peut se discuter lorsque l’on constate l’anthropisation parfois extrême de ces espaces de montagne. Ils tendent aujourd’hui vers des modèles d’influence urbaine laissant transparaître des motifs urbains tels que des vastes parkings, sans parler des nombreux équipements propres aux domaines skiables (fFigure 87). C’est donc sur un socle naturel que sont venus s’implanter des bâtiments et des équipements. On cherchent à maîtriser chaque phénomène qui s’applique sur cet environnement. Cela, en créant des percées entre les arbres, en reboisant les zones non-skiables et même en faisant tomber la neige. Le domaine skiable des Arcs s’inscrit donc dans ces espaces caractéristiques, traduisant l’éternelle volonté humaine de la conquête des sommets. Ces domaines skiables avaient eux aussi fait l’objet, en 2005, d’une liste d’objectifs qui montre que les préoccupations de notre étude

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

85


86

La commune de Bourg-Saint-Maurice c’est donc aujourd’hui : -Un bourg (Figure 88) -Trente-cinq hameaux (Figure 89) -Quatres stations de ski (Figure 90) En l'espace de 150 ans, le bourg rural de fond de vallée est devenu la petite capitale de la haute vallée de la Tarentaise, à l'économie touristique florissante. Ces mutations économiques se sont FIGURE 88 BOURG-SAINT-MAURICE, CHEF LIEU © F.BESSOUD-C.

26. Travelski.com

inscrites au cours du temps dans l'espace du bourg avec un développement urbain marqué et l’arrivée de nombreux équipements et zones commerciales. Au-dessus, les Arcs ont connu un développement exponentiel pour aujourd’hui compter 4 stations, 210 km de pistes et 34 400 lits.26 Avec une population annuelle s’élevant à 7228 habitants en 2015, ces stations représentent un véritable capital logement qui durant les périodes de hautes fréquentations modifient totalement le rythme de vie. En outre, on remarque déjà sur FIGURE 89 DE NOMBREUX HAMEAUX ET LIEUX DIT SUR L’ENSEMBLE DE LA COMMUNE, UNE FORTE CONCENTRATION AUTOUR DU BOURG CENTRAL © F.BESSOUD-C.


87

ces cartes le contraste d’occupation d’espace, les constructions baties étant principalement concentrées au sud de la commune, comme on le distingue au niveau du versant des Arcs. (Figure 91) Néanmoins, ces « villes nouvelles » comme les qualifient l’architecte urbaniste Denis Pradelle (1913-1999)27 bouleversent l’espace de la commune de Bourg-Saint-Maurice. Implantées en balcon au-dessus du bourg, les constructions d’origine de la station restent peu visibles depuis

FIGURE 91 UN BOURG, TRENTE CINQ HAMEAUX, QUATRES STATIONS DE SKI. CONTRASTE ENTRE LE VERSANT DES ARCS ET «LE VERSANT DU SOLEIL» © F.BESSOUD-C.

27. Lyon-Caen, J-F. 2018. « Un territoire   d’inventions  architecturales  et urbanistiques » Urbanisme-Réinventer les stations de montagne (411): 22‑26.

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

FIGURE 90 QUATRES STATIONS DE SPORT D’HIVER IMPLANTÉES EN BALCON AU DESSUS DU BOURG © F.BESSOUD-C.

la vallée, le mimétisme recherché fonctionne. (Figures 92, 93, 94, 95, 96 & & 97) L’espace laissé libre au sol permet une circulation fluide et claire au sein des stations et laisse le champ libre à l’immensité de la montagne. Mais de nouveaux flux sont engendrés par cette implantation et ils sont accentués par des constructions plus récentes qui s’accumulent depuis 20 ans. Certaines de ces constructions ont bouleversé le mimétisme d’origine et crées des conflits et des tensions audelà même de la critique du geste architectural.


88

FIGURE 92 ARC 1600 EN BALCON AU DESSUS DU HAMEAUXDE LA GRANGE, RELIÉ PAR LE FUNICULAIRE © F.BESSOUD-C.

FIGURE 93 ARC 1800 EN BALCON AU DESSUS DU HAMEAU DE MONTVENIX, VASTE ÉTENDUE OUVERTE AU DESSUS DES PENTES BOISÉES ET ENFRICHÉES © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 95 ARC 1600, «STATION CLAIRIÈRE» SUR UN COTEAUX ENFICHÉS © F.BESSOUD-C.

FIGURE 96 ARC 1800, DES VASTES ESPACES OUVERTS PIEDS DES BATIMENTS IMPLANTÉS DANS LA PE © F.BESSOUD-C.


La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

89

FIGURE 97 ARC 1950 / 2000, STATION AUX PIEDS DES PENTES PATURÉS DE HAUTE-MONTAGNE © F.BESSOUD-C.

Chapitre 2

AUX ENTE

FIGURE 94 ARC 1950 / 2000, AU PIED DU VALLON SUSPENDU DE L’ARC, EN CONTRE-BAS DE LA PLUS GRANDE RETENUE COLINAIRE D’EUROPE © F.BESSOUD-C.


90

La question des flux est aujourd’hui déterminante dans les relations qu’entretiennent le bourg et ses stations. Au -delà des coteaux qui se referment (Figure 98 & 99), les mouvements pendulaires dans la vallée sont importants et on distingue une pollution notable de l’air qui vient s’ajouter aux nuisances des déplacements. Ceci engendre des changements qui ne peuvent échapper aux habitant(e)s comme Flore, monitrice ESF à Arc 1600 ; « Il y a quelque chose qu’on ne voyait pas avant c’est la neige jaune. Quand vous êtes à l’Arpette à 2400, au printemps. Quand l’air est un peu froid en haut et que la pollution monte, et bien vous avez une barre jaune. Un voile de pollution jaune qui monte et qui fait que la neige est blanche à notre gauche et jaune sur le versant d’en face. Et encore, on n’est pas la vallée la plus polluée ! »

Ainsi le funiculaire reliant la gare à Arc 1600 est certainement sous utilisé. Selon Guillaume Desrues, tête de liste du collectif BAM28 : «Ce funiculaire peut être une pièce centrale à l’avenir. [...] il faut diversifier pour l’optimiser»

Cette optimisation doit néanmoins s’incrire dans une vision globale qui prend en compte l’échelle de la vallée, ainsi qu’une liaison correcte avec la gare SNCF (Figures 100 & 101). L’autre flux important est au niveau de la ressource en eau, il s’agit des eaux usées qui saturent littéralement en hiver. Un sujet d’avenir donc qui doit se penser en ayant une vision globale du territoire malgré le déni des faits29.

FIGURE 100 FUNICULAIRE REVENANT D’ARC 1600, UNE NOUVELLE ÉLÉVATION VERS LES CIMES. © T.MCKENZIE

FIGURE 98 VERSANT DES ARCS OUVERT ET PATURÉ, VUE DEPUIS LE VERSANT DU SOLEIL, NON DATÉE MAIS AUX ALENTOURS DE 1960, DELCAMPE.NET

FIGURE 99 VERSANT DES ARCS AUX PENTES QUI SE REFERMENT, LE FUNICULAIRE TRACE UN SILLION PROLONGÉ PAR LES PISTES DE SKI, 20 FEV. 2020. © T.MCKENZIE

28. Bourg-Saint-Maurice - Les Arcs - & moi (BAM) est une organisaton politique qui se présente au municipale 2020 et qui cherche à « inscrire ses réflexions dans la globalité du territoire en prenant en compte les enjeux sur le long. terme » (45,85% au premier tour) 29. https://www.pact-tarentaise.com/lenquete


FIGURE 101 VUE DEPUIS LA VITRE PANORAMIQUE DU FUNICULAIRE, UN MATIN D’HIVER, PLONGÉ SUR LA VALLÉE ET SES VERSANTS ENCORE ENDORMIS. © F.BESSOUD-C.

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

91


92

FIGURE 102 CARTOGRAPHIE DES ZONES D’ACTIONS DES ACTEURS DU TERRTIOIRE INTERVIEWÉS, MISE EN PAGE PAR © F.BESSOUD-C.


Des acteurs passionnés

FIGURE 103 RETRANSCRIPTION DES ACTIONS MENÉES ET ENVISAGÉES PAR LES ACTEURS DU TERRTIOIRE, UNE MULTITUDES DE RÉPONSES. © F.BESSOUD-C.

93

Neige

Glacier

Torrent Lac proglaciaire

Remontées mécaniques

Retenue collinaire

Lac d’altitude

Chalet d’alpage Sation ex nihilo

Troupeaux ovins permettant l’ouverture des alpages et montagnettes

Troupeaux bovin

Sources

Canaux Fermeture des zones non paturées par la forêt

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Canons à neige

Ruissellement Barrage Lac de retenue

Conduite forcée

Ligne haute-tension

Tourbière Ripisylve plus dense avec de nombreux ligneux

Lac Usine hydroélectrique

Rivière Usine

Chapitre 2

Sources


94 DREAL

Club Med Entreprises locales

CAUE Exploite

Commerçant

Rejette Touriste Sensibilise

Sports d’eaux vives

Association

Commune Consomme

Usage de la ressource en eau

Assemblée Tarentaise Vanoise

CIVIL

ECONOMIQUE

Recherche

PUBLIQUE

Agriculteur EDF

*Les acteurs en gras sont ceux qui ont été rencontrés durant l’enquête

Office du tourisme

Recherche

Habitant

Domaine skiable

ESF

FIGURE 104 CARTE DES ACTIONS D’ACTEURS DU TERRITOIRE DE BOURG-SAINT-MAURICE CONCERNANT LES USAGES EN EAU © F.BESSOUD-C.

Parc National de la Vanoise

Syndicat des eaux

Média

Relations entre acteurs*

ESF Club Med

Aliance

Touriste

ESF Touriste

Conflits Touriste Association

Compromis Commune

Sports d’eaux vives

Commune

Bénéfice réciproque

Commune Usage de la ressource en eau

*Ce document n’est pas un jugement porté envers les acteurs ou une critique, il tente de rendre compte des relations décelées lors d’études et d’enquête.

FOND DE VALLÉE

MONTAGNETTE

ALPAGE

Agriculteur

EDF

Agriculteur

EDF

Habitant

Office du tourisme

FIGURE 105 CARTE DES RELATIONS ENTRE DES ACTEURS CONCERNANT LES USAGES EN EAU SUR LES DIFFÉRENTS ÉTAGES CARACTÉRISTIQUES DU TERRITOIRE DE BOURG-SAINT-MAURICE. © F.BESSOUD-C.

Agriculteur

Office du tourisme

EDF

Syndicat des eaux

Domaine skiable Domaine skiable

Syndicat des eaux

Office du tourisme

Habitant Syndicat des eaux Habitant


95

C’est pour cela que l’étude du réseau d’acteurs du territoire qui joue un rôle capital dans le devenir de celui-ci est importante dans ce travail. Elle va chercher à comprendre quels sont les acteurs qui se positionnent sur la ressource en eau du territoire (Figure 104), comment, sur quels espaces (Figures 102 & 105), quelles sont leurs relations et quelle place occupe le paysage dans cet enchevêtrement d’individus et d’actions (Figure 103). L’arpentage du site, une étude

Neige de culture Patûrages

préalable ainsi que de nombreuses rencontres et entretiens étaient nécessaires à la compréhension et à la production des ces cartes d’acteurs. Pour aborder cette partie, il est important de rappeler qu’un cours d’eau est une entité qui est soumise au rythme des saisons. Cette notion de variabilité doit être prise en compte au regard des nombreux usages qui aujourd’hui sont liés de près ou de loin au rythme des saisons. Comme on l’a démontré, l’activité hydroélectrique a fortement modifié l’utilisation de l’eau, mais également les rapports que les hommes entretiennent avec elle. En effet, la fonction première de cet aménagement était l’activité industrielle et la création d’énergie. Cependant, les modifications spatiales se sont couplées à une évolution des usages qui aujourd’hui sont tous liés à l’eau et surtout à la neige. (Figure 106) FIGURE 106 DES PAYSAGES ISSUS DE NOMBREUX USAGES, D’APRÈS RÉGION RHÔNE-ALPES, INVENTAIRE GÉNÉRAL DU PATRIMOINE CULTUREL © DESSERT ERIC

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Une fois encore, un grand merci à toutes les personnes qui m’ont accordé leur temps, leurs connaissances et leur passion. La situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement30 démontre aujourd’hui la bascule rapide que notre société doit effectuer. Cette bascule nécessite deux choses fondamentales : -de la volonté politique -du volontarisme citoyen

Ski

Hydroélectricité Pêche

Sports d’eaux vives

30. Ces lignes sont écrites le 21 mars 2020, 5 ème jour de confinement national suite à l’épidémie du Covid-19.

Chapitre 2

Patûrages


96

-L’eau potable et l’usage domestique L’action première concernant le partage de l’eau vise à assurer l’approvisionnement des habitants du territoire en eau potable et le traitement des eaux usées. Cependant, il est important de prendre en compte cette demande au regard des saisons, tout comme le rythme des cours d’eau. L’hiver étant la période où la population augmente fortement, certains réseaux sont saturés, les eaux usées n’échappant pas au problème. F. Sansoz met en avant ces préoccupations citoyennes dans son enquête sur la pertinence des projets touristiques de grande envergure, il expose notamment les enjeux de l’eau potable et de la pertinence des projets à venir en vue des problématiques actuelles. Il nous rappelle également dans un entretien que la façon dont le « développement du territoire » est pensée actuellement s’inscrit dans une fuite en avant de grands projets immobiliers touristiques qui ne sont pas « durables sur le long terme » en s’appuyant sur l’exemple du club Med des Arcs ou de la Rosière31. (Figure 107)

« Moi ce qui m’alerte ce n’est pas tellement la ressource en eau, c’est la manière dont on va la traiter. Quand on voit les constructions qu’ils font en altitude alors qu’on sait que c’est déjà très compliqué de réellement évacuer les eaux usées, les écoulements ne sont pas anticipés et ce n’est pas traité en contre bas, on sait qu’il y a des débordements ça se sent ! » Fred Sansoz.

Jean-Yves Vallat alertait également sur ce problème : « Les eaux usées c’est la face cachée de l’or blanc, c’est un problème énorme, c’est l’horreur. L’Isère est polluée a mort. Si les gens qui viennent faire des sports d’eaux vives le savaient ; ils ne mettraient pas les pieds dans l’eau »

Les grands projets immobiliers ont souvent été critiqués lors de cette enquête que ce soit en termes de ressource en eau ou même d’espace et de paysage, on parle même de « colonisation ». Pour Rosette Vallat : « Ils ont évidemment changé

notre rapport à l’espace car le promoteur il vient, il vend et il se tire. Il a construit sur un site qui était d’une beauté extraordinaire. Dans une zone avec un massif d’arolles, des arbres millénaires. Il a tout rasé, refait le style en cohérence avec la station, ce n’est pas toujours le cas, et voilà, c’est juste une logique financière. Ces gens-là ils colonisent, c’est une colonisation. Même si il y a des retombées économiques sur le territoire, ça échappe totalement aux acteurs locaux, comme une colonisation. Puis il ne pense pas le problème des eaux usées ou des mobilités, on fait toujours plus de lits et on a toujours qu’une seule route. »

FIGURE 107 LE CLUB MED D’ARC 1600, GESTE ARCHITECTURAL ÉMERGEANT AU MILIEU D’UNE CLAIRIÈRE, AJOUTANT ENCORE 1000 LITS SUPPLÉMENTAIRE. © F.BESSOUD-C.

31. Le club Med Panorama des Arcs 1600 à ouvert en 2018, celui de la Rosière en Décembre 2020.


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FIGURE 108 HAMEAU DES CHAPIEUX, ENDIGUEMENT DU TORRENT © F.BESSOUD-C.

FIGURE 109 AU DESSUS DU HAMEAUX DES CHAPIEUX, VU SUR LA POINTE DE LA TERRASSE AU BORD DU TORRENT DES GLACIERS © F.BESSOUD-C.

32. Informations disponibles sur le site de l’APTV (Assemblée de Pays Tarentaise Vanoise) - http://www. Tarentaise-vanoise.fr 33. (http://www.observatoire.savoie.equipement-agriculture.gouv.fr/Communes/bdsavoie.php?INSEE=73054#Paragraphe2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

En Tarentaise, l’agriculture représente environ 340 exploitations sur environ 64 000 ha. Avec comme emblème la vache Tarine, elle est orientée principalement sur un système bovin. D’ailleurs, 23 000 ha de surfaces pastorales sont des alpages, dont la moitié fait partie de l’emprise des domaines skiables32 sur tout le terrtioire tarin, soit 1/3 de celui-ci. Cette cohabitation est possible par des activités pratiquées sur des saisons différentes. De plus, l’irrigation agricole est également au cœur des débats lorsque l’on constate les dernières sècheresses que le territoire a subi. Le second enjeu est lié à la pollution aquatique qui peut être entraînée par ces activités (lisier, pesticides, engrais…). On peut également rappeler qu’un « tourisme agro-pastoral » émerge depuis quelques années, des Accompagnateurs Moyenne Montagne proposent ainsi des produits touristiques permettant de vulgariser efficacement les activités liées à l’alpage. L’alpage est ainsi mis en avant comme un symbole du territoire de la Tarentaise.

Sur la commune de BSM, les alpages représentent 8762 ha33, soit environ 40% du territoire. Ces alpages se répartissent sur 3 versants bien distincts (Figure 110), le versant des Arcs où l’on note une cohabitation avec le domaine skiable, le versant du soleil qui surplombe la vallée de l’Isère, parsemé de nombreux hameaux, et enfin les contreforts du Mont-blanc dont le hameau des Chapieux représente une place forte. (Figures 108 & 109)

Chapitre 2

- L’agriculture


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Le maire de la commune, M Giraudy, nous a confié l’importance de l’agriculture pour le paysage borain : « Le paysage ici est plus marqué par l’agriculture. Beaucoup plus que les sports d’hiver. Ce panorama des Arcs est un exemple. Aujourd’hui la plupart des villages ont disparu dans la forêt à la suite de l’abandon de l’agriculture. C’est pareil dans les alpages, à partir de 1600 ou 1500 m, on a le sapin qui a beaucoup plus poussé depuis la création des Arcs. C’est notamment un problème de foncier qui est souvent difficile d’accès »

La fermeture du paysage est importante pour les élus, autant que pour les agriculteurs. Cependant, pour le maire actuel la question de la ressource en eau n’est pas problématique :

« Sur la ressource en eau on peut dire que ce n’est pas un problème ici. Parce que l’eau est abondante ici, de partout. Ça n’empêche pas que... Mais l’eau est abondante » avant de

changer de sujet pour parler de l’APTV.

Un discour sur l’eau qui peut interroger sur ce sujet d’actualité qui fait parler les habitants, les professionnels du tourisme, l’opposition politique, ou les agriculteurs. Guillaume Desrues, tête de liste de l’organisation politique BAM, nous confiait la veille : « Au niveau de la ressource en eau on sent bien qu’on a un stress sur la ressource. Si on regarde l’été 2019, on a eu en juin quinze jours de fortes chaleurs qui ont fait fondre les névés. Derrières, des alpagistes descendaient chercher de l’eau dans l’Isère pour la remonter car leurs sources étaient sèches. »

Pour éclaircir ces positions nous avons eu la chance de rencontrer une personne directement concernée, Mr Juglaret, 60 ans, agriculteur et président de la coopérative laitière de BSM. Selon lui, la neige et l’eau sont un tout qui font partie de sa pratique qu’il doit adapter depuis quelques années. « La neige ici c’est ce qui fait l’eau, et l’intérêt d’un alpage c’est de manger l’herbe à mesure qu’elle pousse, en jouant sur les versants et l’altitude. Dans mon alpage, j’alterne entre les versants au soleil et ensuite à l’ombre. La neige elle participe au maintien de l’alpage et à la pousse de l’herbe. Il faut que ce soient les vaches qui attendent l’herbe et non le contraire. […] La neige, il y en a quand même moins qu’avant et elle fond plus vite, ça impacte ma montée en alpage et mon temps sur place. C’est plus long aujourd’hui. […] Moi les points d’eau j’ai essayé de tout capter, même un filet d’eau, je le capte et je fais ça proprement. Parce qu’il y a quand même de moins en moins d’eau. Il y a moins d’eau qu’avant, c’est évident, moi il y a des sources que je n’ai jamais vu se tarir dans ma vie et ça fait trois ou quatre fois qu’elles tarissent l’été ! Et la terre se réchauffe, comme je dis en trente ans j’ai gagné un mois d’alpage ! C’est quand même une tendance et ce n’est pas un secret, je monte plus tôt et je descends plus tard. […] C’est pour ça que l’entretien de l’eau c’est primordial et on oublie ça. Pour moi l’eau c’est la vie, quand on voit couler un ruisseau c’est magnifique, une cascade c’est pareil. Et puis l’avantage aussi c’est pour l’animal, il boit de l’eau fraiche qui vient de la montagne. L’eau fait partie du cycle, du contexte, de l’emblème de la montagne dans l’alpage. »


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FIGURE 110 TROIS VERSANTS D’ALPAGES BIEN DISTINCTS SE DÉMARQUENT. © F.BESSOUD-C.

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Contreforts du Mont-blanc

Versant du soleil

Isère Fun

icul a

ire Arc 1600

Arc 1800

Versant des Arcs

Chapitre 2

Aiguille Grive


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FIGURE 111 CONDUITE FORCÉE DE LA CENTRALE DE MALGOVERT, BOURG-SAINTMAURICE © T. MCKENZIE

- L’hydroélectricité La politique hydraulique appliquée au territoire a déjà profondément transformé ce dernier (Figure 111 & 112). Comme le démontre L. Darroux, « la particularité de l’hydroélectricité par rapport aux autres pratiques est peut-être que l’usage qui en est fait n’est pas directement et exclusivement profitable au territoire. « Alors que les autres acteurs utilisent l’eau pour un usage strictement interne, le produit de l’hydroélectricité est exporté sur le réseau pour alimenter la France. » (Darroux, 2013, p. 139) Ainsi, d’autres activités comme la neige de culture, l’agriculture ou l’eau potable peuvent être directement liées à la consommation de la ressource. En revanche, l’hydroélectricité ne consomme pas d’eau car le volume est directement et totalement restitué en aval après avoir été utilisé dans les turbines. Cependant, la quantité de cette restitution peut varier en fonction des besoins. Ces besoins modifient totalement la conception que les habitants ont de l’Isère. Comme nous le rappel Jean-Yves Vallat : « L’Isère on n’en a pas la conception naturelle. Car l’hiver on turbine, donc le niveau d’eau est très élevé, jusqu’à environ 50m3. Du coup en hiver, car

c’est quand même là où on a besoin d’électricité, l’Isère a un niveau très élevé, au lieu d’être en étiage. Et au contraire, au moment des hautes eaux, de la fonte de neige, qui ne sont pas des crues attention ce sont des eaux qui sont très hautes avec 80 voire 100 m3, les gens imaginent que ce sont des crues. On revient à la culture et a cette vision sensible des choses ou les gens sont déconnectés du cycle naturel de la rivière. »

En tant qu’ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » du canton de Bourg-SaintMaurice et Vice-Président de la Fédération de Pêche de la Savoie, il estime que « Mes meilleurs partenaires dans le contrat de bassin versant c’était EDF, alors qu’on n’avait pas le même travail entre la protection des milieux aquatiques et les barrages, ça ne va pas trop ensemble. [...] ils savent qu’ils ont également besoin de conserver une image, notamment sur les milieux aquatiques. On a toujours essayé de trouver des alternatives et des solutions. […] Dès qu’il y a une crue, les gens pensent qu’EDF n’a qu’à fermer les vannes du barrage. EDF explique pourtant que ce ne sont pas leurs objectifs, eux ils produisent de l’électricité. » FIGURE 112 ZONE HUMIDE DE L’ISÈRE ISSUE DE LA CONSTRUCTION DU BARRAGE DE MONTRIGON. ENTRE FLUX HYDROLIQUE ET FERROVIAIRE. D’APRÈS RÉGION RHÔNEALPES, INVENTAIRE GÉNÉRAL DU PATRIMOINE CULTUREL © DESSERT ERIC


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Les premiers aléas dans l’enneigement naturel ont été constatés dans les années 80. Peu à peu les domaines skiables se sont orientés vers la neige de culture et l’utilisation d’enneigeurs. Aujourd’hui, on note une augmentation des prélèvements en eau sur le département de la Savoie (Figure 113), notamment dans le massif de la tarentaise qui concentre certains des plus grands domaines skiables mondiaux (Figure 114). Ce graphique montre également que l’on puise dans différentes sources allant de la retenue totalement artificielle à un cours d’eau naturel en passant par les barrages. Comme le démontre un récent rapport de la commission générale du développement durable sur L’eau dans les stations de ski : une ressource sous pression : « Le recours aux enneigeurs a un impact sur la ressource en eau. Il faut 1 m3 d’eau pour produire 2 m3 de neige de culture (Observatoire de la Savoie). Les prélèvements en eau pour alimenter les enneigeurs proviennent principalement de trois types de sources : le prélèvement direct sur la ressource en eau superficielle ou souterraine, le prélèvement via le réseau d’alimentation en eau potable et le pompage dans les retenues d'eau, ces dernières pouvant également être alimentées par prélèvement direct, via le réseau d’alimentation en eau potable. » (Gauche, 2019, p. 3)

FIGURE 114 BESOINS EN EAU THÉORIQUES POUR LA PRODUCTION DE NEIGE PAR SAISON ET VOLUMES D’EAU SOCKÉS DANS LES RETENUES COLLINAIRES. D’APRÈS DDEA, 2009, EXTRAIT DE LA THÈSE DE P. PACCARD.

FIGURE 113 AUGMENTATION DES PRÉLÈVEMENTS EN EAU POUR A FABRICATION DE NEIGE EN SAVOIE.

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

La neige de culture

Chapitre 2

-


102

La pression est donc forte et l’enjeu économique important. La commune de Sainte-Foy-Tarentaise, voisine de BourgSaint-Maurice l’a d’ailleurs prouvé lorsqu’en 2015 elle a acheminé 100 tonnes de neige de culture sur une piste importante du domaine allant jusqu’à 2200 mètres d’altitude34(Figure 115). En 2020, ce genre de manœuvre s’est reproduite dans les Pyrénées pour la station de Luchon-Superbagnères. Elle n’est pas passée inaperçue cette fois et a provoqué un réel scandale remontant jusqu’au plus haut niveau de l’état35. Comme le rappel E. Adamkiewicz36 « on se rend compte que ce n’est pas le coût de l’opération qui est pointé du doigt (environ 8000 euros) mais le principe d’utilisation de l’hélicoptère », c’est donc ici la preuve que « le temps du réalisme environnemental commence à arriver, bien que bon nombre de citoyens/consommateurs/ touristes n’aient pas encore changé leurs modes de consommation. » C’est donc également les modes de consommations qui sont remis en cause, on parle ici de la consommation de l’espace, la consommation de la montagne et de ses ressources, la consommation du paysage de montagne. Avec le déploiement de ce type de moyen, on se rend compte que l’or blanc relève finalement moins du filon (comme le rapporte le terme « or ») que du « miracle » du climat, qui fait que des espaces comme Bourg-Saint-Maurice en bénéficie

FIGURE 115 QUAND LA NEIGE TOMBE DE L’HÉLICOPTÈRE À LA STATION DE SAINTE-FOY-TARENTAISE, 2015, EXTRAIT DU DAUPHINÉ LIBÉRÉ, © A. P.

tout l’hiver, même si cela est de moins en moins vrai. Enfin, une autre station du département voisin, La Clusaz (Haute-Savoie), s’est retrouvée dans une situation de crise liée à l’eau. En 2018, face à la sécheresse estivale, le maire de la commune a décidé de « réserver en eau potable, pour la consommation, la moitié des deux cent quarante mille mètres cubes d'eau stockés au printemps, et destinés à la fabrication de neige de culture. »37. C’est une décision marquante à l’heure où la question se pose : boire ou skier faut-il choisir ?38(Figure 116)

34. https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/de-la-neige-acheminee-sur-une-piste-en-helicoptere). 35. article/2020/02/16/enneiger-des-stations-de-ski-par-helicoptere-n-est-pas-une-voie-possible-assureelisabeth-borne_6029768_3244.html) 36. http://ericadamkiewicz.blogspot.com/ 37. https://www.francebleu.fr/infos/climat-environnement/face-a-la-secheresse-la-station-de-la-clusaz-fabriquera-moins-de-neige-de-culture-cet-hiver-pour-1542126595) 38. Article du dauphiné : https://www.ledauphine.com/isere-sud/2018/12/27/boire-ou-skier-en-isere-faudra-t-il-choisir


FIGURE 116 QUAND L’HOMME FAIT TOMBER LA NEIGE. ENNEIGEUR PULVÉRISANT DE LA NEIGE SUR UNE COUCHE FRAICHE DANS LE BUT D’OBTENIR UNE PREMIÈRE COUCHE RÉSISTANTE, 12 DEC. 2019, LA ROSIÈRE © A. JOYEUX-B.

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

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-

Les sports d’eaux vives

Les sports liés à l’eau ne se pratiquent pas exclusivement en hiver, en effet dans le but de tendre vers une montagne « 4 saisons » (Burguière, 2018) les activités d’eaux vives occupent une nouvelle place dans l’économie du territoire. De ce fait, canyoning, rafting ou kayak profitent des cours d’eau pour offrir de nouvelles sensations en montagne. L’artificialisation des cours d’eau est notamment une bonne chose pour ces activités qui bénéficient ainsi d’un niveau d’eau constant. L’Isère est ainsi fortement fréquentée durant les périodes estivales. Cependant, la gestion du niveau d’eau entraine des problèmes sur la biodiversité aquatique, comme le rappel Jean-Yves Vallat qui commence à avoir du recul sur le rythme des rivières de BSM. (Figure 117).

« Il n’y a plus de fonte de neige aujourd’hui, vu qu’on en cumule moins, au mois de mai juin c’est fini. Donc les débits sont assurés par la fonte des glaciers, de l’eau fossile. C’est-à-dire qu’on vit sur un héritage. Donc en été il n’y a pas les bons débits sur l’Isère. Et pour assurer ces débits, d’environ 25 m3 il y a une convention entre les sports d’eaux vives et EDF qui leur permet d’ouvrir les vannes pour utiliser une sorte de vague lâché par EDF. Ce n’était pas le cas il y a 20 ans. Ça aussi ça a un effet terrible sur les milieux aquatiques. »

FIGURE 117 ZONE DE RAFTING SUR L’ISÈRE, BOURG-SAINT-MAURICE, 1 NOV. 2019, © T. MCKENZIE


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Que ce soit dans les cours d’eau ou les lacs de retenue EDF, la pêche reste une activité importante pour le territoire de Bourg-Saint-Maurice. Des lois concernant l’eau et les milieux aquatiques imposent d’ailleurs des débits réservés à différentes périodes pour permettre la survie et le développement de certaines espèces39. Dans un contexte de partage de ressources, les associations locales de pêches sont importantes. Elles sont investies dans les considérations environnementales qui sont posées par les aménagements et leurs impacts sur le lit et l’écoulement de l’eau. L’aspect environnemental étant aujourd’hui un facteur important des décisions surtout quand on se rend compte des services que les « écosytèmes de montagnes peuvent rendre (Figure 118 & 119).

« Déjà quand on voit que les sports d’eaux vives n’obtiennent pas les débits nécessaires... Ça y est on est déjà en plein dans les problèmes de l’eau. Mais on s’en rendra compte quand il n’y aura plus d’eau dans les robinets c’est tout. Ça ne s’est pas su mais il y a 15 ans Véolia a déjà du pomper dans des torrents pour alimenter en eau potable, c’est fou ! […] De toute façon je leur ai dis moi, la retenue collinaire construite sur Arc 2000 pour les canons, elle servira un jour pour nous approvisionner en eau potable. » Jean-Yves Vallat

FIGURE 118 BARRAGE DE MONTRIGON ET SON ASCENSEUR À POISSONS DANS LE BUT DE RÉTABLIR LEUR LIBRE CIRCULATION, BOURGSAINT-MAURICE, 31 OCT. 2019, © T. MCKENZIE

39. Loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

La pêche

FIGURE 119 ROSELIÈRE AU BORD DE L’ISÈRE, BOURG-SAINTMAURICE, 31 OCT. 2019, © T. MCKENZIE

Chapitre 2

-


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Les enjeux environnementaux sont aujourd’hui au cœur du débat public. La revue Mountain Wilderness a notamment consacré un numéro sur L’eau en montagne en été 2018 où ils sont traités sous différentes façons. Que ce soit lorsqu’il s’agit d’évoquer la question des risques « La préservation des terrains d'expansion des crues et de leurs divagations, le renforcement de la végétation sur les berges et sur les pentes, sont autant de modes de ralentissement des débordements de fleuves et rivières. Et lors d'une crue, le cours d'eau retrouve son lit naturel. » (Hubert, 2018, p. 8).

Mais c’est également la question des « services écosystémiques » rendus par les milieux naturels de montagne (Luczyszyn, 2018, p. 9)40 (Figure 120). Cependant, il est important pour notre étude de préciser que nous n’avons qu’une vision anthropocentrée. On remarque aussi qu’on peut apprécier ces élements pour ce qu’ils sont, dans une démarche contemplative, et non simplement pour ceux qu’ils offrent. Le paysage permet ainsi de remettre en cause ce paradigme pour essayer de mettre en avant une autre manière de voir les choses, pour apréhender l’expérience à saisir. Toutes ces problématiques sont liées au rapport de notre société à l’eau. (Figure 121 A, B & C) Sa domestication a eu un effet important sur les mentalités et notamment le rapport aux risques liés à l’eau. Aujourd’hui, on constate cette tendance dans l’urbanisation qui se développe dans des zones en fond de vallée, dans des zones potentiellement inondables (Darroux, 2013).

FIGURE 121 A RETENUE DE L’ADRET DES TUFFES, PLUS GRANDE RETENUE COLLINAIRE D’EUROPE, 400 000 M3, LES ARCS 2000, 31 OCT. 2019, © T. MCKENZIE FIGURE 121 B RETENUE DE L’ADRET DES TUFFES, SOUS LA NEIGE DE L’HIVER, ARCS 2000, 30 DEC. 2019, © F. BESSOUD-C.

FIGURE 120 TABLEUX DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES RENDUS PAR LES MILIEUX AQUATIQUES DE MONTAGNE

FIGURE 121 C TRAVAUX DE LA RETENUE DE L’ADRET DES TUFFES, ARC 2000, SEPT. 2008, D’APRÈS RAZEL BEC FAYAT ENTREPRISE

40. Tableau inspiré du Millenium Ecosystem Assessment (2003) et de 2 références : sur la Drôme, en 2010 (ACTeon / EMA Conseil pour la DREAL RA) et sur le Taravo, en 2017 (Cerema / ECP pour le Conseil départemental de Corse du Sud), extrait de LUCZYSZYN, H. (2018). Les services écosytèmiques rendus par les milieux aquatiques de montagne. Mountain Wilderness, 6, 9.


C.

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

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A.

B.


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Pour terminer cette étude des acteurs, il semble nécessaire de rendre compte de la communication qui est faite autour d’un territoire aussi touristique que Bourg-Saint-Maurice. Au-delà de la matérialité même, quelles images sont renvoyées ? Quel imaginaire est convoqué ? Quelle idée en a-t-on ?

Une majorité des flyers mis a disposition par l’office du tourisme dans la coopérative laitière sont exposés sur cette double page, ils ont été récupérés le 19 février 2020, il neigeait à gros flocons, le bourg était feutré, figé, dans une couche qui s’épaississait à vue d’œil. Une telle météo ne favorisait pas une grande fréquentation des pistes ou autres espaces extérieurs. C’est donc au sein de la coopérative offrant une exposition permanente sur son produit phare, le beaufort, que nous sommes allés à la rencontre des touristes et de leur intérêt pour le lieu.


«Un endroit sauvage et facile d’accès» D’autres sont arrivés en voiture

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confièrent un couple de londoniens du nord de la France, une famille arrivés directement par l’Eurostar d’habitués qui n’a « jamais vus autant de monde depuis 30 ans ». Peut-être trois jours plus tôt. était-ce à cause des flocons qui tombaient dehors mais les jeunes enfants interrogés racontèrent qu’ils ne se voyaient pas revenir si ce n’était pas pour le ski, ou au moins la neige. « On ne voit pas pourquoi venir à la montagne en été, à part peut-être à Chamonix, mais pas ici » ajouta le père. Le constat était le

Chapitre 2

FIGURE 122 FLYERS DE L’OFFICE DU TOURISME DE BOURG-SAINTMAURICE METTANT EN AVANT LE TERRITOIRE ET CES ACTIVITÉS HIVERNALES ET ESTIVALES.

Pourtant, en regardant les flyers, même si la neige et les activités qu’elle permet sont majoritairement mit en avant, certains révèlent également le territoire sans son manteau blanc. Alors certes nous étions au cœur de l’hiver, d’où l’intérêt des touristes pour cette période mais force est de constater que la transition vers la « montagne 4 saisons » pourtant tant recherchée et vendue est difficile. L’exemple de l’intérêt porté à Chamonix durant l’hiver est intéressant car c’est une des seules stations/ ville de

montagne qui obtient une affluence aussi importante l’hiver que l’été. On peut se demander d’où elle tire son origine. La réponse se trouve certainement dans l’imaginaire qui s’est construit autour des sports d’hiver mais également des grandes ascensions estivales et des récits d’alpinismes. Les territoires de montagne comme BSM doivent également écrire de nouvelles histoires et retrouver l’authenticité de leurs terroirs afin de stopper leur dépendance aux ressources épuisables. Le potentiel est là, les ressources dorment encore, il suffit d’un levier pour les révéler.

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

même pour les londoniens.


110

FIGURE 123 CARTE DES PAYSAGES DE BOURGSAINT-MAURICE. © F.BESSOUD-C.

Contreforts du Mont-blanc

Versant du soleil

Isère Fun

icul a

ire Arc 1600

Haute vallée de l’Isère Arc 1800 Aiguille Grive

1.125 000

Massif de l’Aiguille Rouge


FIGURE 124 POINTS DE VUE CARACTÉRISTIQUES, DEPUIS LES 4 ENTITÉS ENONCÉES SUR BSM © F.BESSOUD-C. & T.MCKENZIE

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Versant du soleil - Vue sur le versant des Arcs

Haute vallée de l’Isère - Vue surArc 1600 et le versant du soleil

Massif de l’Aiguille Rouge - Vue sur le versant du soleil

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Contreforts du Mont-blanc - Vallée des Chapieux


112

Contreforts du Mont-blanc

FIGURE 125 PAYSAGES ET TEXTURES CARACTÉRISTIQUES DES CONTREFORTS DU MONT-BLANC. © F.BESSOUD-C., T.MCKENZIE, ALTITUDERANDO.COM, E.TAILLARD. & LESJOLIESCHOSESDENATHOU.FR


113

FIGURE 126 PAYSAGES ET TEXTURES CARACTÉRISTIQUES DU VERSANT DU SOLEIL. © F.BESSOUD-C., T.MCKENZIE

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Versant du soleil


114

Haute vallée de l’Isère

FIGURE 126 PAYSAGES ET TEXTURES CARACTÉRISTIQUES DE LA HAUTE VALLÉE DE L’ISÈRE © F.BESSOUD-C., T.MCKENZIE


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FIGURE 127 PAYSAGES ET TEXTURES DU MASSIF DE L’AIGUILLE ROUGE © F.BESSOUD-C., T.MCKENZIE & SAVOIEMONTBLANC

Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Massif de l’Aiguille Rouge


116

FIGURE 128 SCHÉMAS ISSUS DE L’OUVRAGE MONTAGNES : TERRITOIRES D’INVENTIONS, SOUS LA DIRECTION DE JEAN FRANÇOIS LYON-CAEN

Ces schémas théoriques sont applicables au territoire de Bourg-Saint-Maurice concernant les différents usages de la montagne, propre aux étages caractéristiques de celle-ci (Figure 128). La montagne contemporaine regorge d’usages qui prônent un « paysage consommé ». Mais vers quel schéma d’avenir pourrait-elle tendre ? 3 scénarios prospectifs semblent plausibles. Ils dépendront cependant des décisions des acteurs du territoire qui seront étudiées dans le chapitre 3.

FIGURE 130 PAGE SUIVANTE : DIFFÉRENTS SCÉNARIOS POSSIBLES ISSUS DE NOTRE ÉTUDE ET INSPIRÉ DU TRAVAIL DE FIN D’ÉTUDE DE MARION GUENSER, PAYSAGISTE DPLG, FLASH MÉTÉO 2050 : IL NE NEIGERA PLUS EN DESSOUS DE 3 000 M. CHAMROUSSE UN AVENIR CERTAINEMENT INCERTAIN. © F.BESSOUD-C.


Friche

Quartier du village annuels

Scénario 3 : Une forte mobilisation des acteurs permet de prendre en compte les mutations sociales, écologiques, ainsi que les usages pour tendre vers une montagne à vivre, plus qu’une montagne de loisirs. Par le prisme du paysage, on oriente le territoire pour répondre à un désir de montagne. Ce faisant, les stations font partie du Bourg, les usages et la gestion sont définient en fonction des étages caractéristiques du territoire et s’appuyant sur une multitude d’autres ressources présentes. (Figure130)

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

Scénario 2 : Les récents événements ont montré la fragilité de notre société ainsi que le contexte écologique difficile que nous traversons. On peut donc penser une expérimentation de ré ensauvagement générale des milieux d’altitude, intégrant l’activité agro-pastorale. Cette démarche se traduirait par une augmentation de la surface du Parc National de la Vanoise, présent à proximité du domaine des Arcs. Il équivaut à une mise sous cloche du paysage en limitant au maximum les actions humaines.

Chapitre 2

Scénario 1 : Le territoire continue sa fuite en avant hivernale malgré le changement climatique cherchant à accentuer sa fonction récréative et le maintient de la neige de culture, allant jusqu’à la friche touristique. Il s’enfonce également dans une monofonctionnalité basée sur le loisir, notamment pour des citadins en manque d’espace de nature. Le paysage essaye tant bien que mal de faire office de décors quand celui-ci n’est pas trop dégradé par le suréquipement.

Friche

2050 Mise en ressource du paysage pour une montagne à vivre

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Territoire actuel : La montagne comme terrain de jeux, à proximité des villes. Des espace bondés l’hiver, des stations fantômes « hors saison ». On n’y pratique sans cesse de nouveaux usages qui se généralisent, présent à tous les étages caractéristiques de ce territoire de montagne. L’agro-pastoralisme parvient à se maintenir notamment par la présence du tourisme et d’un produit AOC. (Figure 129)

2050 Délaissement des espaces d'altitude / Réserve naturelle

2050 La «Disneylandarisation»de la montagne

2020 Le paysage consommé issu d'une monoculture de l'or blanc

FIGURE 129 USAGES DE LA MONTAGNE EN 2020 À BSM, UNE FRÉQUENTATION DÉBORDANTE L’HIVER. UN «OVERTOURISME».


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FIGURE 131 CARTE DES PAYSAGES CARACTÉRISTIQUES DE BOURGSAINT-MAURICE. © F.BESSOUD-C.

Contreforts du Mont-blanc

Versant du soleil

Isère Fun

icul a

ire Arc 1600

Haute vallée de l’Isère Arc 1800 Aiguille Grive

1.125 000

Massif de l’Aiguille Rouge


venons de démontrer que la trajectoire de Bourg-Saint-Maurice a engendré une grande diversité d’espaces et de paysages sur lesquels se posent aujourd’hui des questions d’avenir. Ils sont issus d’une réponse singulière qui est orientée sur le « tout neige » et la rentabilité depuis les années 60 et tout gravitent autour de cette pensée unique. Finalement, les enjeux actuels nous obligent à ouvrir le regard et envisager le champ des possibles, plusieurs réponses doivent permettre de faire face aux défis qui attendent Bourg-Saint-Maurice, autant que la société actuelle. Pour tenter d’éclaircir cet avenir, nous conclurons avec les mots d’E. Adamkiewicz qui défend cette idée de récit : « Il faut que la montagne arrête de compter les clients, d’où qu’ils soient, mais que l’on se mettent à conter la montagne. Sortir de cette logique de business car l’histoire de la montagne est différente et la ressource est épuisable. L’authenticité, ce sont aussi nos racines, il faut les retrouver. Pour cela il faut raconter de nouvelles histoires. Pourquoi tu es bien en montagne aujourd’hui ? Il faut que les territoires retrouvent leur singularité et arrêter de vendre les mêmes images partout ! Pour cela, il faut connaitre son territoire, comprendre ce qu’il a à raconter, ce que les gens ont à raconter. »

Le dernier chapitre sera ainsi consacré à la présentation de récits obtenus durant cette étude. On tâchera des les spatialiser et de les mettre en image afin d’ouvrir le champ des possibles des paysages de Bourg-SaintMaurice.

Chapitre 2

La trajectoire du territoire de Bourg-SaintMaurice a plusieurs fois évolué durant ces deux derniers siècles. Ce chapitre d’étude permet d’appuyer l’hypothèse selon laquelle l’exploitation de la ressource présente sur le territoire, que ce soit l’eau sous forme liquide ou solide, à été moteur de changements économiques et sociaux. Ces changements sociaux se sont traduits spatialement et l’histoire de Bourg-SaintMaurice est riche de ces évolutions dont on retrouve encore les traces aujourd’hui. C’est cette histoire qu’on a tenté de raconter durant ce chapitre. Cela, en tâchant de traiter l’articulation d’une géographie à un réseaux d’acteurs autour des paysages et des enjeux paysagers du territoire. On peut aujourd’hui en déduire différentes entités fortes qui construisent les paysages de la commune. (Figure 131) Cette carte des paysages s’est construite à la suite de relevés de terrain, d’études, mais également de rencontres avec différents acteurs qui se sont confiés sur leur territoire, son histoire et parfois même leur propre histoire. De par sa valeur subjective, elle ne cherche pas à séparer ou fragmenter ces espaces. Au contraire, elle se veut fédératrice et s’attache à porter un regard sur un territoire dont la ressource principale est tarie, mais qui regorge d’autres ressources qui n’attendent qu’à être activées. Mais de quels leviers d’actions les acteurs disposent -ils aujourd’hui ? On vient de démontrer que la plupart sont conscients de l’urgence de changer de modèle, mais quelles sont les initiatives qui permettront d’y parvenir ? Quels impacts auront-elles sur le paysage et quel rôle jouera-t-il ? Nous

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

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FIGURE 132 VU DEPUIS LA ROSIÈRE SUR LES FORMES DÉSSINÉES PAR LES STATIONS ARC 2000 ET SAINTEFOY-TARENTAISE. © T.MCKENZIE

Après avoir façonnées le territoire, et ses paysages, l’eau et la neige se retrouvent aujourd’hui utilisés conjointement dans un modèle économique et territorial qui tend à se fragiliser. Le tarissement des ressources à venir engendre des tensions entre des acteurs et laisse entrevoir un avenir incertain pour les équipements investis durant la fin du siècle. Le futur de la vie à la montagne se dessine aujourd’hui. Il doit être réfléchi à une échelle territoriale, de façon systémique et en fonction de la mobilisation des acteurs du territoire. Par le prisme du paysage, pourrait-on orienter le territoire de BSM pour répondre à un désir de montagne ?


Chapitre 2

La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

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CHAPITRE 3 : UNE RICHESSE DE RÉCITS, OUVRIR LE CHAMP DES POSSIBLES


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Après avoir explorer l’idée même de transformation dans le cadre d’un travail d’arts plastiques, nous terminerons par une mise en récit des témoignages d’acteurs recueillis, pouvant laisser entrevoir des pistes d’actions pour le futur de Bourg-Saint-Maurice. Mis en image, leurs discours racontent les transformations possibles, à venir, pour Bourg-Saint-Maurice et les conditions nécessaires pour qu’elles adviennent. Casting des acteurs de Bourg-Saint-Maurice intervenant dans ce récit :

Justine, community manager à l’office du tourisme de La Rosière, amoureuse de la montagne, elle s’efforce de construire une nouvelle image des stations de ski.

Eric Adamkiewicz,enseignant-chercheur, Christian Juglaret, agriculteur et alpagiste sur anciendirecteurdel’officedutourismedesArcs, Bourg-Saint-Maurice, il entretient les alpages ,savisiondelamontagne,alliéeàsonfrancdepuis plusieurs générations, accompagné de parler,s’accordeàcelledespionniersdesArcs. son troupeau de vaches Tarines. Flore, monitrice de ski sur Arc 1600, elle habite aux Arcs depuis 50 ans et porte un regard plein d’émotions sur le changement de la station.

Jean-Yves Vallat, engagé en Haute-Tarentaise dans la protection des milieux aquatiques depuis 1989. Amoureux d’écriture, il est aussi un inlassable planteur d’abres fruitiers.

Fred, rédacteur du PACT Tarentaise, né à Bourg-Saint-Maurice et engagé localement pour l’avenir de sa commune.

Rosette Vallat, infatigable croqueuse de pommes, présidente de l’association des Croqueurs de pommes de Savoie Tarentaise Beaufortain depuis 2004.

Du monde d’en bas au monde d’en haut

De la station de sports d’hiver au quartier du sport outdoor

Un produit, un terroir, les alpages du Beaufort

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

Des touristes venus de loin et amateurs de neige

Caroline, monitrice de ski et de vélo selon la saison, passionnée de montagne, elle en a fait son métier et s’attache à transmettre ses connaissances sur le milieu qui l’anime

« Au pays des arbres fruitiers et des Hommes » Chapitre 3

Guillaume Desrues, tête de liste du BAM pour les élections qui auraient du avoir lieu en 2020, il rêve de voir BSM devenir la capitale du sport-nature.


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Ce travail de recherche plastique tente de « mettre en tension » deux sujets de mémoires distincts afin de créer une œuvre commune aux deux parties pour progresser dans les sujets d’études respectifs. C’est dans cette recherche que nous nous sommes associées avec Margaux Fouquet, dont le travail porte sur le « Monstre Paysage ». Il y a en effet, dans nos deux sujets, une notion commune qui nous relie, celle de la métamorphose. Dans ce mémoire, la métamorphose se trouve dans la transformation d’une ressource, de son exploitation et ses impacts sur l’espace. Dans celui de Margaux, la métamorphose est dans le regard que les gens portent sur des espaces et leur façon de les appréhender, elle tente de traduire ces théories via l’allégorie du monstre. Notre production commune est donc d’ordre cartographique. Une carte abstraite et évolutive dont la matrice de base est soumise à différentes actions hypothétiques que l’on effectue sur l’espace. Ces actions la déforment, la contraignent, la modifient. Cette cartographie évolutive est projetée dans un espace vitré. La

FIGURE 133 LE PAYSAGE, RÉSULTAT D’INTERELATIONS ENTRE UN TERRIROIRE ET LA POPULATION © F. BESSOUD-C. INSPIRÉ DU TRAVAIL DE B. FOLLÉA

vitre joue le rôle de filtre, comme le prisme du paysage par lequel l’on décrypte, on perçoit, ce que l’on a devant les yeux. Une projection à la fois matérielle et immatérielle, d’ordre sensible mais également objective. Le paysage existe parce que l’on pose un regard sur le territoire, un regard auquel s’associent des expériences, des références d’ordre culturelles, collectives et personnelles. En s’appuyant sur la définition de la convention Européenne du paysage à laquelle on se réfère depuis le début de cette étude, on peut suggérer que le paysage n’englobe pas que la question du cadre de vie, il est également lié aux modes de vie. Les modes de vie agissant également sur le cadre de vie. Cela, au sein d’un territoire constitué d’un ensemble de relations matérielles, mais également immatérielles, relevant d’usages, d’appropriation ou de perception d’ordre sensible. Le paysage est ainsi la résultante des relations de l’Homme au territoire. Ici, il est la matrice sur laquelle la société s’appuie, mais également le résultat des actions conduites sur cette matrice (Figure 133).


FIGURE 134 PROJECTION D’UNE CARTOGRAPIE ABSTRAITE DE LA MÉTAMORPHOSE D’UNE RESSOURCE EN PAYSAGE PARTICIPANT : O. CHENEVIER © G.MCDERMOTT

Chapitre 3

Ainsi, cette œuvre met en exergue l’importance des acteurs du territoire la dimension matérielle et immatérielle du paysage (Figure 134 & 135). La suite de cette recherche va donc tenter d’illustrer et de rendre compte des récits des acteurs de Bourg-SaintMaurice ayant contribué à notre étude.

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

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FIGURE 135 CARTOGRAPHIE DE LA MÉTAMORPHOSE D’UNE RESSOURCE EN MONSTRE PAYSAGE. © F.BESSOUD-C. / M.FOUQUET


Chapitre 3

Une richesse de rĂŠcits, ouvrir le champ des possibles

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Du monde d’en bas au monde d’en haut Mercredi 19 février 2020, 10 h. Cela fait 2 h que nous roulons depuis Grenoble, la neige s’est mise à tomber au niveau d’Aime, heureusement elle ne tient pas sur la route, mais les arbres en sont déjà à dix bons centimètres qui s’accumulent sur leurs branches. La neige a figé l’environnement alentours. Seule la route, d’un noir profond, contraste par sa couleur et le flux incessant de voiture que nous croisons. Nous arrivons à BourgSaint-Maurice. « Parking du centre », il est facile de se garer malgré les vacances d’hiver. Cela dit, il est surprenant de voir en descendant de notre véhicule que nous ne sommes pas au centre du bourg, il aurait fallu continuer jusqu’au « parking de la gare » quelques centaines de mètres plus loin, il est plus proche du centre bourg. Simple interrogation personnelle sur l’emploi d’un vocabulaire d’information et d’orientation. Les bâtiments sont entièrement organisés autour de la route. On marche alors, au bord de cette route fréquentée pour arriver devant la gare. Col du petit Saint-Bernard

Bourg-Saint-Maurice

Les panneaux indiquent des trains arrivant de Chambéry ou d’Aix les bains. Le prochain aura une heure de retard, c’est certainement dû à la neige qui continue de tomber à gros flocons. Les bancs de la gare sont pleins, le flux de passagers doit être important en pleine saison d’hiver. Nous, nous sommes arrivés en voiture, car depuis Grenoble le trajet n’est pas très pratique avec une correspondance et plus de 2 h 30 de voyage. Puis la voiture reste le moyen le plus pratique pour nous rendre à nos différents rendez-vous. Le prochain est avec Guillaume dans l’après-midi, puis avec Flore, monitrice de Ski sur Arc 1600. Étant donné la météo, il nous semble plus judicieux de nous rendre à la coopérative laitière située en face de la gare pour pouvoir rencontrer des touristes ayant le courage de braver les éléments. Il se trouve qu’une exposition permanente sur le beaufort est installée, et nous rencontrons un premier groupe. Des Anglais. Une fois la barrière de la langue franchie, le couple de sexagénaires confie :

Vers le col de l’Iseran

Aime

Cormet de Roselend

FIGURE 136 UNE SITUATION GÉOGRAPHIQUE OFFRANT DES ACCÈS À DES GRANDS COLS. © F. BESSOUD-C.


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« Nous adorons cet endroit car c’est un grand domaine, on aime faire du ski en hiver et ici c’est un domaine de grande qualité. En plus c’est un endroit sauvage, puis je trouve que c’est facile d’accès. Pour nous, on monte dans un train à Londres et on arrive directement ici, aux pieds des montagnes. Bon cette fois on a fait une escale à Paris mais c’était exceptionnel. […] Et ici on se déplace en funiculaire, on est à Arc 1600 donc si on veut descendre au village c’est pratique aussi. »

Les différences entre le bourg et ces stations sont marquées. Que ce soit en termes d’urbanisme, d’architecture, de mobilité, voir même de climat, les écarts sont marqués. Ce sont ces différences qui font toute la diversité et la richesse du territoire. Les questions ne sont plus de savoir comment développer ces entités en marges du bourg et que l’on sent saturées, mais comment les gérer, les réorienter vers d’autres formes d’échanges et de liens pour faire avec cet héritage qui est aujourd’hui en péril. Deux mondes différents mais interdépendants.

Chapitre 3

« Nous, nous arrivons des Hauts de France, ce n’est pas la porte à côté ! Mais on est des habitués du ski et des Arcs, depuis plus de 30 ans. On aime les différents étages de végétation pour skier, ici, on a de tout, des hêtres, du sapin, puis des grands panoramas, ça vaut bien ces heures de voitures. […] Aujourd’hui ce n’est pas un très beau temps pour skier donc à préférer venir au chaud pour l’exposition c’est très intéressant. […] on a préféré prendre le « funi » pour descendre c’est vrai que c’est pratique. Mais le soir pour venir au restaurant je crois que le dernier est vers 20h donc ça fait un peu tôt parfois. »

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

Surpris, après cet échange, qu’il est finalement plus pratique d’arriver à Bourg-SaintMaurice en Eurostar depuis Londres qu’en TER depuis Grenoble. La question du déplacement est préoccupante quand on sait l’importance de la mobilité aujourd’hui. Au deuxième étage de l’exposition, une famille prend part à notre discussion nous faisant part de leur histoire.


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Il est clair que le déplacement dans le fond de vallée est important quand on voit l’engorgement de la départementale et l’importance de la gare SNCF. Puis BourgSaint-Maurice n’est pas un cul de sac, même si ces cols sont fermés l’hiver, c’est un lieu de passage important pour rejoindre le Beaufortain par le Cormet de Roselend, pour rallier l’Italie via le col du Petit SaintBernard ou le col de l’Iseran (Figure 136). C’est avec cette première vision globale du territoire que nous sommes allés voir Guillaume Desrues, tête de liste du collectif BAM. Nous nous sommes donnés rendezvous dans un bar situé sur l’ancienne friche du 7 -ème Bataillon de chasseur Alpin. À la

suite du départ de ce bataillon en 2012, les élus ont décidé de transformer cet espace en ZAC. Le lieu de notre rendez-vous est le premier bâtiment sorti de terre, il fait partie d’une longue série comportant salle de spectacle, salle de sport, spa, résidences de tourisme et autres bâtiments qui seront transformés en logement faisant partie d’un nouveau complexe d’hôtels. Cette ZAC est bien le signe de la volonté inébranlable des élus de continuer à développer ce type d’installations touristiques. Mais alors, que propose cette nouvelle organisation politique pour le territoire de Bourg-SaintMaurice ? En particulier sur le déplacement que nous évoquons (Figure 137) : Gare de BSM Arc 1600

Arc 1800

Vers Albertville

FIGURE 137 DES AXES IMPORTANTS POUR UN ACCÈS EXTERIEUR ET DES MOBILITÉS LOCALES© F. BESSOUD-C.

-Un axe majeur entre Chambéry / Albertville/ BSM doit être conforté et développé -Réorganiser l’espace sur la gare pour une meilleure relation avec le funiculaire qui peut devenir un lien plus stable entre le Bourg et ses stations.


Chapitre 3

« On a lancé BAM à la suite d’un film sur la démocratie participative. Puis, c’est sur la station que tout le mouvement BAM s’est cristallisé. Au moment du club Med, c’est lui qui a acté tout ça. C’est un désastre écologique, les gens n’était plus d’accord avec ça. Pour moi le déclic n’était pas le club Med mais ça a cristallisé l’attente de beaucoup de monde. Nous avec BAM, on se pose vraiment les questions pour avoir une vision sur 2040-2050, sur le long terme. Avec comme vision Bourg-Saint-Maurice, capitale des sports outdoor. Donc on a tout qui existe mais maintenant il faut faire en sorte que les gens puissent y accéder facilement. Et l’accès passe par la mobilité. Cette mobilité aisée on l’a perdue au niveau SNCF donc pour moi c’est un axe majeur pour faire revenir des axes réguliers entre Chambéry et Bourg. Ensuite, il y a le funiculaire qu’on voit comme une colonne vertébrale dont on veut étendre l’ouverture. Soit, qu’il ne soit plus ouvert que 2 mois l’été et 4 mois l’hiver mais dans l’idéal 10 mois par an. Donc voilà, là tu arrives à Bourg, tu as un grand nombre d’activités y compris liés à la neige et des moyens de déplacements. Après ici je vois vraiment le bourg orienté sur les Arcs 1600 1800. Au niveau des mobilités surtout. Dès que tu mets de la mobilité tu actives plein de choses autour. Ça permet aussi de poser les gens à l’année et non les laisser avec un travail saisonnier de 5 mois et demi par an. Parce que tu ne peux pas dire aux gens qu’on va arrêter d’investir dans le ski, et il ne le faut pas. Mais commençons à regarder ce qu’on peut faire pour se diversifier. Notamment là, on a cette chance inouïe qui est le funiculaire qui permet de faire une transition entre le haut et le bas. Il faut l’optimiser pour d’autres activités que juste l’ascenseur pour aller dans la station. On doit s’en servir pour autre choses que des activités dépendantes de la neige. Ce funiculaire peut être une pièce centrale à l’avenir. Parce que la population est fière de son outil de travail, on a des acteurs du tourisme dans notre liste, on n’est pas du tout anti-station mais là on sent que ça nous échappe. Ça ne correspond plus aux enjeux actuels. Aujourd’hui ils sont environnementaux. Je me rappelle en 2014 l’environnement ne faisait pas partie des programmes. Aujourd’hui tout le monde est écolo ! Puis on a un tourisme estival à développer ou en tout cas à encourager. On est quand même au pied de trois cols, Roselend, petit Saint-Bernard et Iseran. Les gens viennent aussi faire du velo. Puis pour moi l’identité est importante et ici c’est...comment dire, un peu un melting pot. L’hiver, on est au centre de l’Europe aves les Allemands, les Anglais, les Belges… et il y a des gens qui apprécient et au fur et à mesure ils s’installent. Cependant, je constate quand même une autre dynamique à l’œuvre, la diminution des jeunes. Dans mon établissement scolaire, on est passé de 1200 à 900 élèves sur les 15 dernières années. Même si on a eu le départ du 7 -ème BCA de l’armée qui s’est ajouté à cela, les gens ont du mal à trouver un logement abordable ici. Les autres grands changements que j’ai vus ensuite ils sont climatiques, et c’est surtout vis a vis des enfants que c’est dur aussi. Mon fils est fan de ski, donc tu lui dis que c’est bien mais ce n’est pas l’avenir quoi. Pour finir, les grands changements que je souhaite ils pourraient être agricole au niveau de l’agriculture vivrière. Notamment au niveau du maraichage bio. Puis après on a un trésor inexploité aussi avec beaucoup de pommiers sur le territoire. Un truc tout bête, en cinq ans 4 brasseurs se sont installés dans la vallée dont on aurait de quoi faire une cidrerie. On pourrait aussi avoir des aménagements pour la outdoor sans faire du Disneyland en ayant des aménagements non aménagés c’est-à-dire de façon subtile. Faire avec ce qu’on a et surtout correctement. » Guillaume Desrues, tête de liste du BAM

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

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Coopérative laitière

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Nouvelle gare d’ascenseurs valléens

Centre bourg

Nouvelle centralité d’espaces publics Centralité à proximité d’espace humides Pôle de mobilité territoriale Prolongation possible du funiculaire Cheminement piéton Chemin de fer Voie verte cyclable Espace public D 1090

FIGURE 138 L’ESPACE GARE, UN NOUVEAU POLE DE MOBILITÉ POSSIBLE, OFFRANT DIVERSE MOBILITÉS POUR DÉSERVIR LE TERRITOIRE © F. BESSOUD-C.


Chapitre 3

«Moi j’ai toujours connu la montagne, je suis monitrice de ski depuis l’âge de 18 ans et j’ai 68 ans. C’est ma vie. La vie sans le ski, sans habiter à la neige je ne l’imagine pas. J’ai toujours vécu comme ça. La montagne c’est ma vie. Et je ne peux pas m’ennuyer dans mon boulot, le paysage est différent tous les jours. La lumière change tout. Il suffit que ce soit voilé ou clair. Ce n’est pas la même lumière en décembre en février ou en avril. La couleur de la neige n’est pas la même. C’est en évolution totale, comme la mer. Puis c’est agréable à vivre, parce qu’on a un décor fabuleux, un panorama extraordinaire. Regardez la vue. On est dedans, on est tout le temps dedans avec la vue sur les pistes ou les versants. Ce dedans il est agréable, il est beau. L’hiver il est vivifiant, l’été il est vert, il y a de très beaux verts, il y a plein de fleurs en juillet, c’est un bel endroit pour vivre. Mais c’est vide. Avant j’habitais dans les chalets d’origine au-dessus, on l’a construit il y a 50 ans mais j’ai du déménager. Il y avait plein d’autres chalets ! Nous, on l’appelait le village des deux têtes là-haut, il y avait 25 chalets, on vivait ensemble, il y avait une vie de village. Imagine, moi j’ai habité là la troisième année de création de 1600. Et il est vrai que Perriand c’était pour l’époque assez fabuleux, la cuisine, les lits, les espaces intégrés…Elle a fait des trucs extraordinaires ici. Mais avec le temps ça s’est vidé, on n’a pas réussi à maintenir cette vie. Au début en 1990-1995, il y avait des écoles, des enfants. Tous ces enfants sont ensuite descendus en vallée à Bourg pour le collège et le lycée. Puis on n’a pas eu de renouvellement. Parce que dans la station ce n’est pas aussi simple qu’a Bourg, les services sont de plus en plus dans la vallée. Et le gros problème c’est l’intersaison. Le funiculaire dépend de la saison de ski, sinon il faut prendre sa voiture. La limite elle est là ! La station vie au rythme du tourisme. Toute ces stations qui n’ont pas de lieu de vie, de bourg, il n’y a pas de vie en inter saisons ici. C’est ouvert, mais c’est fermé. Je le vois depuis le temps, 1600 c’est mourant. 1800 ça va encore, il y a toutes les structures d’animations l’été avec un potentiel énorme. Il y a un club des sports l’été, un golf, les parcs aventure… Tout est à 1800, nous ont l’avait mais maintenant on l’a plus. Et l’hiver, 1800 ils s’en sortiront car ils sont plus hauts, les liaisons sont faites avec 2000. Alors que nous on redescend à Arc 1600 en navette, parce que ça coute trop cher de maintenir des liaisons et la neige jusqu’ici. Alors quel intérêt ? Ça c’est le plus gros changement que j’ai vu ici. C’est l’abandon des stations. C’est surtout l’abandon de ces structures artificielles qui n’ont pas de cœur, de vie de village. Il n’y a plus rien on a perdu le cinéma, la pharmacie… tout se passe à Bourg. On est repartis à l’envers. Si on prend l’histoire des arcs c’est ça on a un truc fabuleux qui a tout inventé, et ça décroit.[...]

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

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Arc 1600

Arc 1800

FIGURE 139 PROLONGEMENT POSSIBLE DU FUNICULAIRE VERS UN NOUVEAU PÔLE DE MOBILITÉ CONNÉCTÉ À UN RÉSEAU D’ESPACES PUBLICS ENTRE LE CENTRE BOURG ET LES BORDS DE L’ISÈRE © F. BESSOUD-C.

On ne peut que s’accorder sur l’importance portée aux réflexions sur les mobilités dans un territoire de montagne tel que BourgSaint-Maurice. Une vision sur le long terme nous amène ainsi à nous projeter dans une vallée où la place de la voiture va tendre vers une diminution. De ce fait, les relations qu’entretiennent les deux mondes que sont la vallée et les stations en balcons doit plus que jamais se renforcer pour la cohérence territoriale d’un tel système. De plus, on ne peut que constater que l’équipement majeur est là, le funiculaire. Il s’agit aujourd’hui d’activer les leviers permettant d’allonger ses services, mais également de l’inscrire spatialement dans une relation avec le centre bourg. Le regard ne doit pas se tourner que sur ces balcons, mais penser aussi cet axe comme une colonne vertébrale entre le Bourg, les stations, mais également à l’échelle de la vallée de la Tarentaise. Les intentions

peuvent ainsi repenser la relation entre la gare et les centres bourg et les berges de l’Isère par un réseau d’espaces publics lisible mettant en avant différents points attractifs comme la gare, le centre historique, la coopérative laitière et les zones humides au bord de l’Isère (Figure 138). Dans une logique de concentration des mobilités territoriales, le funiculaire pourrait être prolongé jusqu’à la gare ferroviaire et routière permettant ainsi une redistribution des flux. Ce réseau cherche également à s’inscrire dans une autre logique de mobilité douce, dont on perçoit les premiers signes de développement intercommunaux dans le développement récent de la voie verte au bord de l’Isère en 2019. Ces intentions cherchent ainsi à redonner de la lisibilité et de l’attractivité à ce pôle de mobilité qui se veut connecté au Bourg tout en étant orienté vers les stations. (Figure 139)


[...] En plus ici l’architecture n’est pas horrible, mais le problème ce sont les déchets... Ce qui rend le paysage désagréable ce sont les déchets. En hiver, tout va bien la neige recouvre tout, mais quand ça fond on voit tout ! Les constructions enfouissent les déchets aussi ! Ah ok ils nous font des beaux gazons autour, mais dessous il y a tout ! Ça quand on habite ici on ne le digère pas. C’est loin de ce qu’on pense hein ! Parce qu’ici, l’identité de ce territoire c’est le paysage. C’est la montagne, ce sont des clichés mais c’est la liberté, la beauté, la lumière. On ne vit pas enfermé, on est plus ou moins marginal. On n’est pas structuré comme en ville ! Même si l’été c’est bientôt comme en ville ici, quand on pense qu’on se tape quand même des 35°C à l’ombre, et cet hiver il n’y a jamais fait en dessous de -8° C. En plus, on est dépendant de ce qui tombe du ciel, de la neige, mais aussi de la pluie. La vie en montagne elle aa changer ça c’est sûr. Et puis, il y a quelque chose qu’on ne voyait pas avant c’est la neige jaune. Quand vous êtes à l’arpette à 2400, au printemps. Quand l’air est un peu froid en haut et que la pollution qui monte, et bien vous avez une barre jaune. Un voile de pollution jaune qui monte et qui fait que la neige est blanche à notre gauche et jaune sur le versant d’en face. Et encore, on n’est pas la vallée la plus polluée ! Donc c’est vrai qu’avec ça, je ne suis pas trop optimiste. L’avenir, Franchement, je ne le vois pas. Je pense qu’ils sont très mal barrés ici. Avec le réchauffement climatique et le peu d’effort pour inverser le système sur lequel on est. Le confort, et tout qui est à portée de main. Le vélo c’est bien quand tu habites Grenoble mais ici ce n’est pas la même chose. Les stations, je vois l’abandon, la nature reprendra le dessus parce que les gens n’auront plus les moyens de venir et les voitures électriques ça ne marchera pas. Qu’est-ce qu’on fait de cet avenir ? Puis, je n’ai rien contre le tourisme, c’est notre gagne-pain. Mais là où je suis contre c’est sur l’évolution gigantesque que ça a pris. C’est un truc exponentiel totalement délirant ! Je ne sais pas comment une station de ski pur et dur comme nous peut vivre à l’année, je ne vois pas. Ou alors il faudrait que le funiculaire tous les jours, au moins une fois par heure. Même si on se met à avoir des épiceries ouvertes il faut les alimenter on en avait avant mais c’est compliqué de vivre ici en dépendant de la voiture. Alors je pense que l’un des grands changements pourrait être de reprivatiser les stations pour leur redonner une âme. Qu’on arrête de penser rendement pour les actionnaires et qu’on repense la reprise de la vie dans ces endroits. Parce que la base la base de l’histoire des Arcs c’est ça, c’est d’avoir su fédérer une station autour de tous ces acteurs. C’est le seul espoir. Moi je vais descendre sur Bourg bientôt. Parce que l’âge, et l’âge fait que c’est plus pratique d’être à côté des commerces, des copines, que d’être ici au milieu des corbeaux avec la solitude. Mais ça va changer de descendre dans la vallée, j’aurais plus la même vue. »

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

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Chapitre 3

Flore, 68 ans, monitrice ESF Arc 1600


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Coopérative laitière

Nouvelle gare d’ascenseurs valléens

Centre bourg FIGURE 140 PROLONGEMENT POSSIBLE DU PROJET D’ASENSCEUR VALLÉEN DE LA ROSIÈRE SUR LE PÔLE DE MOBILITÉ DE BSM © F. BESSOUD-C.

Bourg-Saint-Maurice possède une situation géographique particulière plaçant la commune au pied du domaine des Arcs mais également de celui de la Rosière. Dans leur quête d’extension verrs les sommets, les domaines skiables en ont oublié la vallée. Les enjeux actuels redistribuent les cartes et l’on entend parler de fameux projets d’ascenseurs valléens. Ils sont parfois même promus comme remède miracle aux maux atmosphériques de la montagne, comme si leur simple arrivée pouvait régler les problèmes de pollutions et de fréquentation. Nouvelle centralité d’espaces publics Rassurez-vous, ce type de solutions miracles Centralité à proximité d’espace humides n’est pas encore découvertes. Le modèle d’ascenseur valléen ne peut pas être utilisé de Pôle de mobilité territoriale façon générique comme l’imagine. Il Prolongation possible du certains funiculaire faut éviter de simplement copier sur nos voisins Cheminement piéton Suisses, référents en la matière. Il est important Chemin de fer

Voie verte cyclable

de noter que ces idées ont été plus qu’évoquées et même inscrites dans les dernières versions du SCoT de la Tarentaise41. Ainsi, des liaisons sont prévues entre Aime et la Plagne au sud de Bourg, mais également entre Séez et la Rosière, commune limitrophe de BourgSaint-Maurice. Cette « liaison téléportée » relierait ainsi les pistes de la Rosière depuis la commune de Séez, en passant par une gare intermédiaire au niveau du Belvédère (Extraits en Annexe 3)42. On peut se réjouir de la volonté de relier la vallée aux stations pour limiter les flux de transports, mais comment imaginer faire cela sans connecter la gare téléphérique à la gare ferroviaire principale de la vallée ? Accumuler des voitures en fond de vallée pour aller côtoyer les sommets ? Quel est l’intérêt pour le territoire, mais surtout pour les locaux ?

41. https://www.tarentaise-vanoise.fr/wp-content/uploads/2018/01/3-DOO-SCoT-APTV-appro Espace public v%C3%A9-14-12-17.pdf 42. https://www.grenoble-ecobiz.biz/upload/docs/application/pdf/2017-08/cr_ascenseurs_valleens_alberD 1090 tville_27_juin_2017.pdf


Chapitre 3

J’ai grandi ici, ma famille est d’ici depuis plusieurs générations, on a du monde au cimetière comme on dit. Puis dans ma vie j’ai beaucoup voyagé et je me suis posé à BSM il y a une dizaine d’année s maintenant parce que je voulais revenir chez moi, dans les montagnes, il y à toujours eu du relief où j’ai habité de toute façon. C’est important. Puis la montagne. Le rôle de la montagne, pour moi c’est… C’est ma maitresse, ma femme, ma psychologue, c’est ma nourrice et encore beaucoup de choses. Je suis ancré ici, je suis un montagnard, né ici, je suis attaché à l’élément. L’élément montagne, j’y suis hyper attaché. Et là, pour moi elle est violée. Après, j’ai passé mon enfance en été aux Chapieux à garder des chèvres avec ma famille, pour moi c’est ça la montagne estivale que les gens cherchent, c’est là-bas. Là-bas il y a l’artisanat, et là, il y a l’industrie, il y a l’usine. Pour moi la montagne des Arcs c’est Walt Disney, j’adore pour faire du ski c’est top, mais on n’y va pas pendant les vacances. Mais et c’est vrai que c’est géré comme un parc d’attraction. Pour moi ce n’est pas la montagne, c’est un parc d’attraction totalement aseptisé. Tu le vois sur ce versant c’est surexploité. De la Rosière en passant par Sainte Foy, les Arcs, la Plagne, là tu as un panorama où tout le versant est exploité ! Pourtant, moi quand je suis née la station existait déjà donc moi aussi j’ai voulu voir des télésièges partout quand j’étais petit, mais quand tu mûris tu te rends compte que l’argent facile qui arrive ça n’a pas que des avantages. Aujourd’hui même si tu gagnes de l’argent ici tu ne peux pas habiter ici tellement c’est cher. Puis l’argent ça détruit tout. J’ai décidé de démarrer le PACT à la suite du projet du Club Med de la Rosière. Le club Med des Arcs en 2018 c’était déjà l’équipement de trop, on ne l’a pas vu venir, ils ont fait ça rapidement. Alors oui, l’architecture des Arcs elle peut se discuter mais elle s’est inscrite dans son époque. Il y avait quand même une logique architecturale notamment en terme d’intégration. Là, tous les derniers bâtiments n sont pas intégrés dans le tissu urbain de la station, ni dans la nature. De toute façon, on est dans une logique économique de profit rapide à court terme, sur dix à quinze ans. Ce projet à la Rosière, je me suis dit que ce n’était pas pertinent et pour ça j’ai récolté de la matière, des données chiffrées et cela a participé à documenter l’enquête publique, même si l’opinion publique était contre, l’expert a laissé la commune décider, donc forcément que le projet a démarré. Mais aujourd’hui, avec le modèle dans lequel on est, les creux de fréquentation deviennent plus creux et les pics plus fréquentés. Donc on construit pour pallier les lits froids qui sont aussi remplis pendant les pics. Donc on a à peu près la même fréquentation mais tout est saturé pendant 5 à 6 semaines de l’hiver, c’est-à-dire les réseaux, les axes, on est en over tourisme. Ça déborde de tous les côtés pendant quelques semaines, c’est un système entier où tout est lié et construire plus ce n’est pas la solution. Il faut devenir plus résilient face aux changements qui arrivent.[...]

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Arc 1600 La Rosière

FIGURE 141 REPLACER LE PÔLE DE MOBILITÉ DE BSM DANS UNE VISION TERRITORIALE EN RELATION AVEC LES STATIONS ALENTOURS COMME LA ROSIÈRE © F. BESSOUD-C.

Fred nous alerte sur cette vision de l’équipement qui cherche à résoudre un problème en oubliant de le ramener à un système. C’est pourtant ce qui ressort de notre recherche, ce territoire est un système qu’il convient de penser à différentes échelles. On a déjà envisagé un renouvellement de la gare par rapport au centre bourg et aux stations des Arcs, il est possible de continuer cette requalification en intégrant ce pôle de mobilité dans une échelle territoriale regroupant également l’ascenseur valléen qui desservirait la Rosière (Figure 140). Les flux touristiques seraient ainsi diminués au sein de la vallée et les locaux bénéficieraient d’un transport en commun limitant l’usage de la voiture entre la Rosière et Bourg. Il

est bien sûr considéré que ce tracé n’est pas défini dans cette étude, cela relève d’un champ de compétences plus large prenant également en compte les caractéristiques du site (lignes électriques, habitations…). Mais il semble important d’inscrire ces intentions dans une échelle territoriales au regard des enjeux qui attendent Bourg-Saint-Maurice , et plus largement le territoire de la Tarentaise. (Figure 141) C’est dans l’idée de mieux comprendre ce territoire que nous continuons notre route. Elle nous mène sur les balcons de ce monde d’en haut, sur les stations des Arcs qui, en cette période hivernale, débordent de vitalité.


[...] Parce que l’optique du PACT ce n’est pas d’arrêter l’activité mais c’est de rendre notre économie plus résiliente pour que nos enfants puissent aussi vivre du tourisme, du ski ou non. Les solutions seraient d’arrêter d’aller chercher cette clientèle internationale, alors on va plutôt chercher les locaux. Le tourisme de masse est hyper impactant au niveau du climat, alors que notre business est directement impacté par le climat donc on se tire une balle dans le pied. Il faut arrêter d’étendre la station, et réhabiliter l’ancien. Devenir en même temps pionnier dans la lutte contre le changement climatique qui détruit notre économie. On doit essayer de pérenniser notre usine dans une vision plus durable. Nous devrions être un domino qui fait tomber les autres. Parce qu’il faudra bien que ça bouge à un moment donné et nous, nous sommes ceux qui avons le plus intérêt à le faire. C’est hallucinant qu’ici il y ait une sorte de déni du réchauffement climatique et que ça ne bouge pas. On est en première ligne ! Regardez les chiffres de météo France ce n’est pas une histoire de déjà vu, c’est de plus en plus fréquent, regardez aujourd’hui ! Encore trois hivers comme ça et on ferme. C’est pour ça qu’il faut du changement. Et maintenant ! Les grands changements que j’aimerai bien voir c’est un changement de logique de développement des stations. Et sur la partie transport, il faut que ça se gère à l’échelle du territoire où on à la chance d’avoir une ligne SNCF qui arrive jusque ici. Donc il faut la sécuriser et l’utiliser à bon escient. Puis, sur la Tarentaise, il faudrait avoir un objectif où on sort du tout voiture sur la vallée, au moins pendant les périodes touristiques. Comment on met en place les alternatives et on met les ingrédients avec les options nécessaires ? Moi je pense aux ascenseurs valléens. Mais seulement si c’est vraiment intégré dans une logique de transport en commun à l’échelle de la vallée ça a du sens. Clairement, si les gens arrivent en train ici et monte en câble à la Rosière, oui là tu as un report modal de la voiture. Mais les projets prévus pour le moment, ce n’est pas ça. Alors que si tu ne pars pas de la gare de Bourg-Saint-Maurice c’est une erreur. Si tu fais juste partir de Séez de l’autre côté, ils vont arriver de n’importe où jusqu’à Séez en voiture et monter après en câble, ça n’a aucun intérêt et ça mettrait des parkings partout. Mais après il faut aussi que ça serve aux locaux, ça doit tourner à l’année pour permettre une meilleure liaison aux stations excentrées, comme le funi. Alors là je suis prêt à accepter ce qu’on peut appeler une dégradation de l’environnement si on réduit la pollution à grande échelle.

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Chapitre 3

Fred Sansoz, rédacteur du PACT Tarentaise


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De la station de sports d’hiver au quartier du sport outdoor Jeudi 20 février, nous avons eu l’occasion de monter rendre visite à Flore à Arc 1600. Nous en avons profité pour faire le tour des stations. On ne peut qu’être frappés par le contraste de fréquentation actuelle comparé à notre précédente visite du mois d’octobre, aux airs de station fantôme. Les stations des Arcs sont un monde à part au sein du territoire. Perchées sur des pentes où les hommes ne restaient qu’occasionnellement, elles font figure de véritables villes, tant dans la densité du bâti que des équipements. Les habitants nous ont expliqué l’importance d’une connexion entre ces espaces, le centre bourg et les hameaux, mais certains acteurs du tourisme, soucieux d’éviter la fuite en avant vers la friche, vont plus loin quant à la réflexion autour de ces stations qui sont face à des enjeux importants et immédiats, que certains continuent de nier. (Figure 142) Ce sont donc de réels défis que les domaines skiables doivent aujourd’hui surmonter, autant sur le plan culturel, qu’environnemental. Les effets du changement climatique se font d’ores et déjà ressentir et ils sont un véritable accélérateur des mutations en cours. Mais dans quel sens vont ces mutations ? Les ressources évoquées ayant

permis la construction du modèle économique et culturel sur lequel le territoire s’appuie aujourd’hui décroient, leur pérennité n’est plus avérée. Comment retrouver de la stabilité dans un milieu aussi instable que la montagne ? L’espace et le temps de ces grandes stations sont depuis longtemps rythmés par de grandes réalisations, caractérisées par un développement du domaine skiable, immobilier, des équipements… un modèle hérité des années 70, basé sur le « tout ski », au point d’industrialiser ces espaces que l’on considère comme « naturels ». Un paradoxe soulevé de nombreuses fois depuis 40 ans et symbolisé par un syndrome propre aux stations comme les Arcs, le « AIE » (Bourdeau, 2008). Ce syndrome est caractérisé par le déplacement « A » (automobile et avion) vecteur de mobilité et de pollution dans la vallée, mais aussi à grande échelle, en vue d’une clientèle de plus en plus éloignée. La construction, « I » (immobilier), véritable financement externe des stations et consommateur d’espace. Et enfin les équipements, le « E », (enneigement artificiel) qui mobilise une réelle « solution problème » (Bourdeau, 2008), tant dans ses impacts environnementaux que socio-économiques.

Arc 1950 Arc 1600 Arc 1800 / 2000

FIGURE 142 SITUATIONS DES STATIONS DES ARCS PAR RAPPORT A LA VALLÉE DE BSM © F. BESSOUD-C.


« Aujourd’hui, sur ce territoire, il faut être à la hauteur des pionniers, il faut se projeter. Pour moi l’identité de ce territoire, elle se rattache à celle d’un faux village qui fonctionne en fonction de la station et des saisons. Mais les gens doivent comprendre que Bourg et les Arcs, c’est un tout. En fait, ça fonctionne ensemble, ça doit être « Bourg les Arcs ». Il faut dire qu’au niveau de l’offre touristique, nous ne sommes plus sur une logique de plaisir, mais une logique de chiffres, c’est pour cela que nous devons retrouver notre authenticité, pour conter ces nouvelles histoires de la montagne. Il faut comprendre ce que la montagne a à raconter, mais aussi ce que les gens ont à raconter. Pour cela, il ne faut pas forcément tendre vers du quatre-saisons, mais sur des temps courts et des temps forts d’accueil plus fluide. Sur un continuum d’accueil toute l’année. Parce que la montagne, c’est quoi ? La montagne l’été, c’est l’espace de ressourcement par excellence, même l’hiver, la sensation est similaire. Il faut se dire que le premier rapport à l’espace est olfactif, c’est le froid, c’est l’odeur, c’est la neige. La perception de l’espace, elle est avant tout sensible ! La montagne renvoie l’homme et l’individu à la grandeur de l’espace, cette sensation d’immensité et le sentiment d’existence. Si tu cherches de l’espace, pour profiter de l’espace, la montagne c’est ce dont tu as besoin, la montagne c’est l’espace, c’est le «Born to be wild». Mais le problème, c’est que la surexploitation des activités a détruit ça, en partie, mais pas partout. C’est ce que tu ressens encore vers les Chapieux. Aujourd’hui, si tu es gestionnaire de ces domaines, il faut te demander comment tu la joues modeste pour transformer ce qui a été impulsé par des pionniers. Sans tendre vers un développement sans fin, mais vers une gestion raisonnée. Parce qu’on le voit, l’enjeu d’avenir de la montagne, c’est l’eau, c’est l’avenir de l’eau. La pression de l’eau qui est véhiculée par la pression médiatique sur les enneigeurs notamment. Mais il y a aussi des projets de pression sur la ressource comme le ski line également, pour le ski dôme de Tignes. Cela étant, le territoire te donne de l’énergie aussi. Tu es ridicule à côté de la montagne. La modestie t’impose de faire avec. Préserver ce qu’on a pour que ça continue. »

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Chapitre 3

Eric Adamkiewicz, enseignant-chercheur


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Malgré le récent recours à des communications verte et autre labélisation écologique, les stations font office de mauvais élève sur le plan environnemental. Pourtant, la qualité écologique et paysagère de ces espaces un rôle important dans l’influence des images que ces espaces renvoient aux usagers (Debarbieux, 1995). Néanmoins, il semble important de rappeler qu’ici, l’approche par le paysage ne doit pas être réduite à une prise de conscience purement écologiste, bien qu’elle soit importante. Le paysage ne peut pas se limiter au simple volet environnemental, il permet d’appréhender ces espaces à partir de critères aussi bien matériels qu’immatériels, allant des usages jusqu’aux dimensions d’ordre sensible. La nature, tant évoquée dans nos récits d’acteurs et que cherchent les usagers renvoie au « paysage naturel de loisir », cité précédemment, que nous offrent les stations comme les Arcs. L’image de la montagne sauvage persiste donc

grâce à la diversité des paysages qui composent ce territoire. Ainsi, l’usage récréatif de ces espaces révèle la dialectique entre nature et culture, une contradiction paradoxale qui nous amène aux tensions qui émergent aujourd’hui au sein de la commune de Bourg-Saint-Maurice. Il semble donc évident qu’un changement de modèle doit s’opérer, le territoire peut se réorienter pour être capable de basculer d’un modèle de tourisme industriel vers un modèle « culturel et territorial » (Bourdeau, 2008). La question culturelle prendrait tout son sens dans un territoire porteur d’une histoire forte et d’un paysage puissant. Ainsi, on chercherait à mobiliser les pratiques montagnardes pour faire vivre une expérience authentique et non une consommation générique d’espaces récréatifs. Nous l’avons démontré au cours de ce travail, la montagne a su sans cesse inventer, BSM en est un exemple concret. FIGURE 143 MODIFICATION DES ÉTAGES BIOGEOGRAPHIQUES DE BSM SI LA TEMPÉRATURE AUGMENTE DE 3°C © F. BESSOUD-C. D’APRÈS CREAMONTBLANC

Aiguille des glaciers

Mont-blanc Mont Pourri Aiguille Rouge

3000 m

Nival

2400 m

Les Arcs

1700 m

Subalpin BSM

Montagnard Collinéen

2900 m 2200m 1500 m 900 m

+3°C 4000 m Nival

3000 m

3200 m Alpin

2500 m

2700 m Subalpin

1300 m Montagnard

2000 m

Collinéen 1100 m

Ubac

Adret

1100 m

Alpin


Chapitre 3

« J’habite à la Rosière, au-dessus de Bourg-Saint-Maurice. Je suis là depuis deux ans et demi maintenant. Je pense que j’ai toujours voulu travailler à la montagne, notamment dans le secteur touristique. C’est un milieu qui me plaît. Je ne suis pas faite pour la ville. Parce qu’être ici, c’est être au milieu de la nature, on peut randonner sans voir une voiture. J’entends la nature au sens où les interventions de l’homme sont minimes. Pour moi l’identité ici, c’est représenté par le site du Parc Nationale de la Vanoise, ce sont les grands espaces protégés. De grands espaces sauvages de liberté. La montagne, pour moi, ce sont les sommets, c’est l’horizon panoramique où on voit loin, très loin même. Ici, on n’est pas enfermé, on n’étouffe pas. Puis, il y a la neige, c’est quelque chose de magique. Même quand tu vis à la montagne, ici, les premières neiges sont toujours magiques. Parce que c’est beau, et c’est un élément que l’on ne maîtrise pas forcement. Ensuite, il y a la fonte, c’est l’image de l’eau en montagne. Quand cette neige fond, on entend le bruit des torrents dans toute la vallée. Et il y a cette idée de cycle qui est importante, c’est-à-dire qu'elle descend de la montagne et elle revient. Je pense que le souvenir le plus fort que j’ai par rapport à la neige, c’est l’hiver 2017-2018. On avait eu 11 m de neige cumulée sur l’année, c’était fou. Lorsqu’on a fait l’ouverture du col du petit SaintBernard en déneigeant au printemps, on a vu un mur de neige, énorme. La puissance de ce mur ça m’a marqué. Ça serait horrible de perdre cela. Selon moi, ce qui rend le paysage désagréable ici, c’est la perte des saisons. Quand on ne sait plus qu’on est en hiver ou alors en été. Je trouve que la montagne, c’est aussi une grande diversité d’activités, dans un seul espace, et ils dépendent du climat. Pour moi un hiver sans neige ça ne sert à rien. De ce fait, la montagne de demain sera très différente d’aujourd’hui, même si j’aimerais voir la même. Avec la fonte du permafrost, les sommets s'effondrent, on aura une perte de repères, pourquoi pas même des friches touristiques dans les stations. [...]

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La recomposition du modèle des sports d’hiver des Arcs implique un changement des offres touristiques, mais également des espaces d’accueils. Ce changement de modèle suppose des requalifications territoriales, foncières et urbaines profondes, que ce soit dans les logements ou les espaces publics existants, mais également dans leurs fonctions. Flore nous a déjà fait part de ses inquiétudes concernant la désertification de la station, laissant derrière un réel potentiel bâti qu’il faut plutôt renouveler que développer. Si la diversité des offres passe par un accueil plus important durant l’été, voir même durant l’année, la structure de la ville peut être maintenue, mais certains logements doivent être renouvelés. Il en est de même pour les pentes parsemées d’équipements. Si une meilleure intégration peut être envisageable, on ne peut supprimer tout le parc de remontées mécaniques et les objets associés, mais certaines lisières peuvent être repensées pour envisager un basculement vers des espaces moins anthropisés comme Fred le suggérait dans notre entretien. Cependant, ce basculement ne peut être une réponse générique et applicable d’un territoire

de montagne à un autre. Les propositions s’appuyeront sur ce que porte le territoire et sur ce qui l’a construit. La particularité de ce territoire repose sur différents étages déjà identifiés et qui caractérisent la diversité de ses paysages. La compréhension de ces étages est d’autant plus importante au regard des changements qu’ils pourraient connaitre du fait des bouleversements climatique (Figure 143). Dans le cas des Arcs, nous avons déjà évoqué la singularité des 4 stations qui se répartissent sur différents étages du versant de l’Aiguille Rouge (Figure 144). Si le développement du funiculaire est envisageable, on peut imaginer qu’Arc 1600 tende vers une dynamique plus importante l’été, voire même un avenir résidentiel. Du fait de son altitude (1600 m), elle sera la station la plus touchée par le manque de neige qui se fait déjà sentir aujourd’hui. De ce fait, elle pourrait être l’occasion d’expérimenter une réorientation des activités en dehors des 4 mois d’hiver (Figure 145). On pourrait imaginer un projet de diversification des usages des infrastructures existantes et pour recréer ainsi une centralité annuelle déjà présente dans la structure urbanistique. De même que d’autres activités

Coupe possible d’étage.

changment

FIGURE 144 ALTITUDE ET EMPRISE ACTUELLE DU DOMAINE SKIABLE DES ARCS © F.BESSOUD-C.

Arc 1950 / 2000 Arc 1800 Arc 1600

BSM

Domaine skiable (2020)


[...] C’est très difficile de l’imaginer, on ne sait pas. Pour la première fois, je me dis que je ne sais pas ce que je verrais par ma fenêtre. J’ai connu des grands changements déjà ici, surtout au niveau du climat. Cet hiver, par exemple, il n’y avait plus de rythme dans les chutes de neige. C’est-à-dire qu’il neigeait et un jour après il pleuvait. Ça a fait ça tout l’hiver ! Cela change ma perception de l’espace, car j’ai l’impression qu’ils sont encore plus fragiles avec ces changements, c’est très triste. Ça donne une vision pessimiste de l’avenir, tu te dis que tout ça peut disparaître. Ça touche ton âme. On le vit ici ça, c’est très différent pour les gens qui vivent en ville et qui ne subissent pas ces changements. Personnellement, il y a des transformations que je souhaite voir par rapport à cette situation. La principale, c’est autour de la pensée unique autour du tout ski. Ça pourrait changer de période et d’endroit. Aujourd’hui, je le vois dans mon métier, il y a une compétition rude sur l’image de la station de ski, celle qui ouvre le plus longtemps. Qui ouvre le premier et qui ferme le dernier. C’est fou, parce que c'est des espaces naturels qu’on ne maîtrise pas forcement et ça il faudrait réussir à l’accepter. Nous, à la Rosière, l’image qui est véhiculée par la station, c’est que l’office du tourisme est consciente du changement climatique donc on fait des efforts personnels. On communique sur le développement durable, on fait des événements zéro plastiques… Les stations de ski ont une mauvaise image aujourd’hui alors qu’elles ne la mérites pas. Nous, on essaye de lancer une dynamique qui va plus loin que le simple greenwashing. Cette image, elle se construit sur le long terme. L’image de la montagne d’aujourd’hui doit se baser sur le respect des saisons. C’est surtout stopper cette lutte contre la météo et chercher à être plus résilient. Cette image, on doit la construire sur le long terme. »

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Chapitre 3

Justine, 27 ans, community manager à l’office du tourisme de La Rosière


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plus douces basées sur les éléments structurants présents (pentes, bois, forêts, torrents…) pourraient voir le jour.Ainsi, les domaines skiables peuvent devenir des espaces qui répondent aux besoins sociaux, territoriaux, économiques, mais qui préservent également des ressources que l’on mettrait en valeur différemment. Enfin, les acteurs rencontrés nous ont souvent évoqué la « marginalité » de ce territoire de montagne par rapport aux « grandes villes ».Avec de grandes agglomérations comme Albertville, Chambéry, Lyon ou Grenoble, ne faudrait-il pas repenser la place d’un territoire comme BSM par rapport à ces métropoles grandissantes ? En évitant l’idée d’une péri-urbanité possible évidemment, mais faut-il continuer à chercher une clientèle toujours plus éloignée ? Durant cette saison, les stations ont souvent occupé une place dans l’actualité, que ce soit sur la question du manque de neige ou des tours en hélicoptère pour pallier à celui-ci. Mais le dernier en date, et non le moins marquant reste l’article d’Alpinemag sur

le rôle qu’a joué Courchevel, voisine des Arcs , dans la propagation du Covid-19 en Ukraine43. La station française, (au même titre qu’Ischgl en Autriche) a cherché à dissimuler les premiers cas de malades au sein du domaine pour ne pas « fermer leurs installations avant au moins la fin des vacances scolaires le 15 mars ». Encore une nouvelle préoccupante sur les décisions que les stations sont amenées à prendre pour leur avenir. Ainsi, il est évident qu’une transition vers de nouveaux usages et donc l’émergence de nouvelles formes paysagères sont à prévoir et à anticiper rapidement pour des acteurs qui ne souhaitent pas être dépassés par les changements annoncés. À l’avenir, on peut se demander quelle sera la place de ce territoire de montagne, dans une société où plus des 2/3 de la population habitera en ville44 ? Le territoire se placera-t-il en marge ? Comme un grand parc d’attraction pour des urbains en quête de nature ? La montagne s’enfoncera-t-elle encore plus dans une fonction de loisirs, vivant au grès des flux touristiques ? FIGURE 145 ALTITUDE ET EMPRISE DU DOMAINE SKIABLE DES ARCS EN 2050, RÉORIENTATION DE LA STATION D’ARC 1600 © F.BESSOUD-C.

Arc 1950 / 2000 Quartier de Arc 1800 sport outdoor (été / hiver)

Domaine skiable (2050)

BSM

43. https://alpinemag.fr/des-stations-de-ski-clusters-du-coronavirus/ 44. https://www.lesechos.fr/2018/05/en-2050-plus-de-deux-tiers-de-lhumanite-vivra-en-ville-990758


Chapitre 3

J’ai grandi à la montagne, dans la vallée de Chamonix. J’ai toujours voulu en faire mon métier. Petite, je voulais être championne de ski. Puis finalement, je suis devenue monitrice. De toute façon, je ne me voyais pas ailleurs, même si pour moi, la montagne, ce n’est pas 15 000 remontées mécaniques de partout, des pistes et 100 milliards de gens dessus. La montagne, c’est le calme. Mais c’est aussi un élément. Tu as l’eau, le vent, tout ça, et pour moi la montagne, c’est un élément en soi, comme on peut parler de l’océan. Je kiffe rien de plus au monde que d’être en montagne. Après, le plus désagréable en montagne, c’est le bruit. Par exemple, à Chamonix, je ne supportais plus l’hélicoptère, les secours certes, mais aussi tous les vols panoramiques pour les touristes ! J’ai aussi horreur du monde. Ça me pose des cas de conscience énormes dans mon métier. Je vis en partie grâce à cela. Je gagne ma vie sur des trucs que je déteste, dans le milieu que j’aime le plus au monde, c’est compliqué. Je suis dans un modèle de tourisme de masse, et on est hyper orienté tourisme hivernal, il faut qu’il y ait du skieur, du skieur, toujours plus de skieur. On construit des nouveaux logements pour les skieurs, des nouvelles pistes pour les skieurs. Donc on fait des nouvelles pistes à coup de bulldozers, l’hiver ça va, c’est recouvert de blanc. Puis, tu passes le premier été, comme moi qui suis monitrice de vélo, et c’est dégueulasse. Il y a des morceaux de cailloux énorme, des graviers tout blancs. Ça n’a rien à voir avec l’environnement de base, c’est ignoble à regarder, et on voit que ça. Et ces travaux, on les fait pendant l’été, quand on essaye de faire venir des gens pour diversifier le tourisme. Et ces gens, il voit des grues, une ici, une-là. Ah, tiens, des bulldozers et de la fumée de partout. C’est ça la montagne l’été ? J’ai un pote, il n’ouvre plus son restaurant l’été dans la station, c’est plein de poussière… Alors que moi, j’aime de plus en plus la montagne l’été en fait. Parce que c’est moins superficiel. Et puis l’été, on n’est plus dépendant de tous ces trucs. La neige, le conditionnement de la météo, l’hiver, on se demande tout le temps quel temps il va faire demain, est ce qu’il va neiger. Alors que l’été, tu regardes beaucoup moins la météo, tu te laisses vivre. Alors que l’hiver, tu dépends beaucoup plus du temps, du monde sur les remontées mécaniques, tu fais des stratégies pour te déplacer. L’été, tu te balades à vélo ou à pied, c’est plus reposant. L’hiver, c’est très différent. En été, il y a un chemin que l’on fait souvent à vélo, j’aime le faire seule ou avec des clients. Il s’appelle le chemin du canal sur le versant du Beaufortain. Au niveau de l’Arbonne. En fait, c’est un canal qui a été fait dans une très faible pente qu’on peut suivre à vélo. Je ne connais que celuilà, mais c’est vachement sympa, c’est beau et simple. On est au bord de l’eau, on profite. En plus, l’eau en montagne pour moi, c’est rare. En fait, il n’y en a pas de partout de l’eau. Il y a des ruisseaux qui descendent, mais c’est rare. Pour moi l’eau en montagne, c’est la source de vie, c’est ce qui va permettre aux fleurs et a l’herbe de pousser. C’est indispensable. Autant la neige, on peut s’en passer, autant l’eau, non. Sans neige, on peut quand même profiter de la montagne, mais sans eau non. Ce serait désert, ce serait horrible. Tu vois, les gens que j’ai eu cet été, c’était la première fois pour eux qu’ils venaient à montagne et non à la mer, et ils ont adoré, parce qu’il ne faisait pas 50°C comme sur la plage, il y avait plein de choses à faire, pour les enfants aussi, ils ont fait plein d’itinéraires, ils se sont reposés dans les près... On associe la montagne à l’effort physique, mais finalement, il y avait des choses à leur niveau aussi, c’est ce que je leur ai montré. Moi, j’ai un brevet d’éducatrice sportive, aujourd’hui je pense que mon rôle c’est d’éduquer aussi les gens à l’environnement, à ce qui les entoures en montagne. Je sais que certains de mes confrères ça les saoule, mais c’est comme ça. Tu fais la différence entre un mélèze, un pin, et un épicéa, l’importance de l’altitude, la limite de la neige. C’est notre rôle de les sensibiliser à cela. Pourtant, il y a des moniteurs qui ne le sont même pas ! [...]

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Les enjeux d’avenir des paysages de BourgSaint-Maurice ne concernent pas simplement les stations des Arcs. En effet, le paysage est un tout, il est pluriel et le fruit d’une multitude d’actions qui construisent le territoire et son apparence. Il nous semble aussi important de rappeler que ces idées d’authenticité de la montagne, de réduction d’interventions, d’attractivité sur plusieurs saisons…ont déjà étaient imaginés et même appliqués sur certains territoires. Elles sont notamment développées par Antoine de Baecque dans La traversée des Alpes, où il consacre une

partie de son récit à Philippe Lamour, grand partisan d’un aménagement du territoire de montagne qui se veut authentique et produit par la population. Son travail a inspiré l’approche du territoire borain au cours de notre étude. Nous avons donc cherché à rencontrer d’autres acteurs importants de ces paysages d’altitude. Comme évoquées précédemment, la notion de versants est importante, mais une lecture en étages est également indispensable à la compréhension du terriroire et à la formulation de questionnements sur l’avenir. Club Med 1600 excentré du quartier

Réseau piéton pour résidents et touristes

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FIGURE 146 PERSPECTIVE DE TRANSFORMATIONS POSSIBLE POUR TENDRE VERS LE QUARTIER D’ARC 1600 © F.BESSOUD-C.


[...] Puis, il faut penser à notre avenir, parce que maintenant, on y pense avec la perspective qu’on voit, je me dis que mon métier ça n’est pas un métier d’avenir. De toute façon, on est tellement tributaire de cette neige qui tombe de moins en moins. Et est-ce que ça a un sens de vouloir en créer en investissant des millions d’euros pour des pistes enneigées où l’on sait que naturellement on n’aura plus de neige ? Peut-être que ponctuellement l’hiver sera très bien enneigé, mais c’est éphémère, c’est de la poudre aux yeux. Pourquoi ne pas l’investir dans un tourisme plus annuel en proposant des choses sur l’année en faisant preuve d’imagination ? On devient bête et en plus, on utilise des ressources en eau que l’on sait épuisable. S’il ne tombe pas beaucoup de neige, il n’en fondra pas beaucoup, c’est évident. Donc tout cela est inquiétant pour l’avenir. Toutefois, si j’essaye d’être plutôt optimiste, même si j’ai du mal à me dire que ça va tourner dans le bon sens, j’aimerais qu’on arrête l’investissement à outrance et qu’on soit plus dans la durabilité. C’est vrai que je rêverais que les gens s’intéressent plus à notre environnement à l’année aussi. Le ski, je trouve que c’est quelque chose d’hyper personnel. Chacun se concentre sur sa glisse, alors que l’été, tu es plus sûr de la contemplation, tu prends le temps de regarder. Si tu ne t’arrêtes pas pour montrer aux gens ce qu’il se passe autour d’eux, pour qu’ils se retournent, ils ne font pas attention quand ils skient. Il faut qu’il prenne le temps de regarder. Quand tu marches l’été, tu vas regarder en l’air et apprécier. Enfin, à l’avenir, il faudrait essayer de rester dans l’éthique, arrêter cette fuite en avant comme on dit. Cette montagne, elle serait accessible à tout le monde. Ça ne serait plus qu’une question de fric. Ça serait la montagne pour tous et tout le temps. Si je devais imaginer le futur, pour moi, il n’y ne faudrait rien de plus que maintenant. » Caroline, monitrice de ski et de vélo

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

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« À la suite des études du PACT, on a cherché à imaginer l’avenir de ces équipements de sports d’hiver. Pour cela, j’en ai parlé avec les domaines skiables, aujourd’hui, il faut penser la station différemment. Il ne faut plus du tout être dans une logique d’exploitation qui s’expand au niveau du domaine skiable et de ses abords cherchant toujours plus de km de pistes. Au contraire, ces extrémités, il faudrait les penser différemment. Puis, on ne renouvelle pas les vieilles remontées et on laisse ces espaces se ré ensauvager. De ce fait, certaines pistes ne seraient plus exploitées, ça laisserait des hors hors-piste et une montagne plus authentique. Clairement, il faut limiter la casse sur le versant des Arcs aujourd’hui et freiner cette expansion. Pour moi, l’enjeu, c’est que mon petit qui aura 32 ans en 2050, il puisse rester ici s’il veut et continuer à travailler. Or, le risque potentiel, c’est qu’il se retrouve avec des friches touristiques qu’on aura construit à la hâte dans les 10 dernières années, pour en profiter au maximum et tout laisser dernière nous. Cette station, il faut essayer de la pérenniser comme on peut en devenant résilient. »

Chapitre 3

Fred Sansoz, rédacteur du PACT Tarentaise


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Un produit, un terroir, les alpages du Beaufort Vendredi 21 février, nous attendons Mr Juglaret devant sa ferme. À peine arrivés dans la cour, le chien alarma l’ouvrier qui œuvrait dans l’étable. Les vaches beuglaient tour à tour, l’odeur du fumier s’échappait de l’étable où l’on distinguait la chaleur du troupeau qui se volatilisait. Nous patientons au soleil. Nos regards oscillent. D’un côté le versant des Arcs, on aperçoit entre les sapins, à peine blanchis par la chute d’hier, des points de couleurs serpentant sur les coulées blanches. De l’autre côté, jonchant la ferme, une parcelle ouverte ponctuée d’une dizaine d’arbres fruitiers, certainement des pommiers. Le nom de résidence qui borde cette parcelle nous rappelle son usage, « le verger ».

Ce récit met en avant l’attachement viscéral que les agriculteurs peuvent avoir pour leur métier. Ces pratiques, ces savoirs-faire qui se rattachent souvent à un mode de vie ont façonné le territoire de Bourg-Saint-Maurice. Il en résulte un imaginaire, celui de la montagne. Mais par n’importe lequel, il se rattache au paysage borain, propre à un terroir, dessiné par des hommes, des animaux, et un climat propre au monde d’en haut (Figure 147). Tous les sens s’activent dans ces espaces hostiles où l’homme a su adapter ses pratiques et le terrain dans un but productif. Entre nature et artifice, les alpages sont la marque de l’inscription d’une société dans ce territoire de Tarin. Ils reflètent ici le paysage des hautes montagnes de Bourg-Saint-Maurice, qui, à travers les témoignages recueilli, s’exprime aussi bien dans sa dimension matérielle qu’immatérielle.

Les Chapieux Alpages de la vallée des glaciers

Alpages du Montagnette BSM versant du soleil

FIGURE 147 LES ALPAGES OCCUPENT UNE GRANDE PARTIE DU TERRITOIRE. LES ENJEUX SONT DANS L’OUVERTURE DU PAYSAGE ET LE MAINTIEN D’UNE ACITVITÉ ENTRETENANT L’ESPACE ET L’IMAGINAIRE © F.BESSOUD-C.

Alpage des Arcs


Chapitre 3

Je fais partie de ce qu’on appelle les alpagistes. Parce qu’avant mes parents transhumaient dans le midi l’hiver, ils ont fait ça jusqu’en 1960. Après, ils sont restés à Bourg et en 1978, on a fait un bâtiment plus grand ouùon garde 50 à 70 vaches l’hiver. Le reste, on y met en pension dans la plaine l’Isère. Cela fait que notre maximum d’activité, c’est l’alpage. Parce que je trouve que le Beaufort, c’est un produit de terroir, c’est-à-dire de montagne, donc je pense que l’alimentation doit provenir avant tout de ce territoire et de la montagne. Pour moi, la montagne, elle représente ma vie. Moi sans alpages, je ne serai plus là. C’est tellement beau, vivant, puis on y met de soi même. Déjà pour être alpagiste il faut en avoir dans les tripes. Quand tu pars en alpage, tu pars en alpages, c’est-à-dire que, tu sais que tu pars pour 150 jours. Il faut le faire ça, tu te concentres sur ta vie et tu suis tes animaux au quotidien, c’est fabuleux ça. Puis, il y a un échange, vous voyez, il y a une vie entre l’animal et soit-même. En fait, il y a le principer de faire du bon lait, mais aussi de vivre en bonne compagnie avec ses animaux, c’est tout un ensemble de choses. Alors que, les nouvelles générations maintenant, c’est différent, on fait du lait et c’est tout. Aujourd’hui, les vaches, on ne passe pas de temps avec elles, on monte, on met le parc, on les traits et c’est fini. Maintenant, il y en a qui couche même plus en montagne ! Ils traient les vaches et ils s’en vont ! Il n’y a plus ce rapport avec l’animal, enfin, il y en a encore, mais de moins en moins. Et maintenant, ce qui se passe souvent avec les jeunes, c’est qu’ils font faire du lait aussi l’hiver et du coup, on a un produit hors-sol, car l’aliment ne vient plus de l’alpage. On a de plus en plus l’habitude avec un produit qui marche de vouloir faire du hors-sol, on traverse la France et on ne voit plus une vache, ce n’est pas normal. Il faut que l’alimentation soit représentative du territoire. Chaque région doit rester attachée à son produit et c’est ce qui fait la spécificité du territoire. Derrière chaque produit, il faut qu’il y ait une image, un terroir. Pour moi, ici, c’est la montagne et beaucoup de savoir-faire aussi, parce qu’un fromage, c’est vivant. Puis, il y a une logique là-dedans qu’il ne faut pas changer. Au niveau de l’alimentation, il faut bien rester sur du fourrage, pas de produit fermenté. Chacun doit rester à sa place. Aujourd’hui, il y en a qui donne trop de tourteau aux vaches et ça crée un déséquilibre alimentaire. On se rend compte que les laits ne sont pas bons à la fabrication. Alors c’est vrai que le lait est bien payé, mais il ne faut pas exagérer sur la production en poussant nos bêtes. Pourtant, ici, on a un super beau site et les gens d’ici ne s’en rendent pas compte. On se plaint et on ne sait pas pourquoi. L’intérêt ici en tant que paysan, c’est d’aller à l’alpage. Le matin, tu te lèves, c’est magnifique, il n’y a pas un bruit, pas une lumière et tu traies tes vaches face à ça, c’est magnifique il faut le vivre. L’alpage, c’est notre terroir, c’est notre identité, mais c’est un tout. Et ça s’entretient, ça se travaille. Quand on dit qu’on entretient la montagne, c’est vrai, mais il faut le faire correctement. Moi, je vais faire le lait avec une alimentation qui vient du sol, c’est le principal apport. Après, je fais de la traite mobile et je suis mes vaches tout l’été. De toute façon l’ennemi de l’entretien d’un alpage, c’est la stagnation des animaux. ! L’ennemi de la belle flore, c’est le tassement du sol. Si la vache reste ça se tasse et il n’y a plus que de la mauvaise herbe qui pousse ! Moi la montagne, je l’entretiens beaucoup, mais c’est parce que j’y passe beaucoup de temps. Avant on déplacait les vaches tous les deux jours, aujourd’hui, il y en a qui reste 3 semaines au même endroit. En plus, maintenant, on a des piquets en fibres qui se déplacent facilement pour les enclos, mais on va toujours vers le plus simple. Moi ça me rend fou. Parce que cette flore, elle est essentielle, c’est elle qui donne le goût ! Une fois que la flore est dégradée, il faut dix à vingt ans pour la retrouver ! Venez cet été, faites un tour dans les alpages, c’est hallucinant. Vous regarderez la flore. Quand vous regardez le sol, vous voyez tout de suite celui qui entretient réellement et celui qui ne le fait pas ! Et justement tout part en sucette parce qu’on perd la flore et les gens, ils complètent par de l’aliment et ça n’a rien à voir ! Ce qui est intéressant, c’est la variété de la flore pour le fromage, mais pas seulement, quand c’est tout en fleur, c’est magnifique, si on ne voit pas ça, c’est qu’il y a un problème sur l’alpage. C’est pour ça que pour moi les gens aujourd’hui, ils n’ont plus la fibre paysanne. [...]

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Ce monde d’en haut éveille et nourrit l’imaginaire montagnard. Il révèle un paysage matrice qui est aussi le produit de pratiques humaines se perpétuant depuis des siècles. Aujourd’hui exposées à une mécanisation et une standardisation agricole, ces pratiquesvont devoir continuer à s’attacher à leur terroir, dans le but de conserver l’image qui leur est associée. Car c’est cette image qui fait la spécificité et l’identité de ce territoire de montagne au jour où certains recherchent une identité. En contraste fort avec un autre versant du territoire, celui des Arcs, la vallée des Chapieux est un exemple qui ouvre aujourd’hui l’espoir d’une autre expérience posssible de l’espace. Un usage à la fois sensible

et physique, durable, sans épuiser la ressource. Loin du « Disneyland » souvent évoqué, un paysage pour soi, pour se retrouver, l’espace montagnard participe au ressourcement. Cela dans une expérience authentique de la montagne, où le corps et l’esprit sont parties prenantes. (Figure 148) Mais il ne faut pas oublier notre lecture à la fois en amont en aval de ce territoire. Son identité ne se trouve pas simplement dans ce monde d’en haut et ces paysages d’alpages. Des hommes et des femmes œuvrent aujourd’hui pour la reconnaissance d’un autre type d’agriculture Tarine, également porteuse de valeurs, révélatrice d’espaces et éveillant les sens.

Les Chapieux

FIGURE 148 PERSPECTIVE DE PAYSAGES CARACTÉRITIQUES DU TERRTIOIRE DE BSM, OFFRANT UNE ÉXPÉRIENCE AUTHENTIQUE DE LA MONTAGNE © F.BESSOUD-C.


[...] Moi en tant qu’exploitant agricole ayant passé ma vie en alpage ça me met hors de moi. Comme certains font comme il faut, il y en a d’autres qui s’en foutent. Puis l’entretien de l’alpage ce n’est pas que le sol et la flore, c’est aussi l’eau ! Moi les points d’eau, j’ai essayé de tout capter, même un filet d’eau, je le capte et je fais ça proprement. Après, je fais des passages pour les vaches, pour ne pas qu’elles se mouillent les pieds. Vous voyez, c’est un cumul de petites choses qui font qu’il ne faut pas déraper et que ça ressemble à ça. Si je n’avais rien fait, il y a beaucoup d’endroits où je n’aurais plus d’eau aujourd’hui, c’est le cas de beaucoup de gens. Parce que c’est vrai aussi qu’il y a quand même de moins en moins d’eau. Il y a moins d’eau qu’avant, c’est évident, moi il y a des sources que je n’ai jamais vu se tarir dans ma vie et ça fait trois ou quatre ans qu’elles tarissent l’été ! Et la terre se réchauffe, comme je dis en trente ans, j’ai gagné un mois d’alpage. C’est quand même une tendance et ce n’est pas un secret, je monte plus tôt et je descends plus tard. Donc l’entretien de l’eau, c’est primordial et on oublie ça. Pour moi l’eau, c’est la vie, quand on voit couler un ruisseau, c’est magnifique, une cascade, c’est pareil. Et puis l’avantage aussi, c’est pour l’animal, elle boit de l’eau fraîche qui vient de la montagne. L’eau fait partie du cycle, du contexte, de l’emblème de la montagne dans l’alpage. Il faut dire que l’emblème de l’alpage, il est important quand même. Je suis président de la Coopérative laitière ici et quand tu vends notre produit, je suis conscient que tu vends aussi une image. Cette image, elle est tellement belle, un alpage, de l’eau avec des fleurs et des vaches qui mangent avec leurs cloches. Il faut dire que l’emblème de l’alpage, il est important quand même. Et quand elles mangent à vif comme ca, elles font vachement sonner les cloches, ça c’est magnifique, il faut y vivre. D’ailleurs, je pense que ce qui pourrait rendre ce paysage désagréable, c’est la perte de la flore qu’on constate de plus en plus. Puis, les autres grands changements que j’ai pu constater, c’est que la broussaille prend quand même beaucoup le dessus sur les zones moins bien entretenues, la forêt arrive. Après, dans cette question d’entretien, il y a aussi le lisier, ça m’inquiète, c’est vraiment l’ennemi de l’alpage demain. Parce que les gens font des étables de plus en plus grandes. Il y a des grandes stabulations qui produisent du lisier, et ils le répandent ensuite en altitude. Mais ça brûle tout ! Alors oui ça fait pousser l’herbe, mais la flore ne supporte pas, et l’eau aussi. Donc eux, ils font moins d’alpage et ils ne collent plus au terrain, ils sortent du système. Je pense que c’est la perte de connexion à l’animal qui entraîne la perte de connexion au milieu, c’est un système. D’autre part, ce système aura du mal dans la montagne de demain à Bourg-Saint-Maurice si l’on ne se rend pas compte sur ce terroir de ce qui fait sa force . Alors je ne l’espère pas, mais pour moi la montagne de demain elle ressemblera entièrement à ce qu’il y a en face, ça ressemblera aux Arcs. En plus, on a quand même quelques conflits par rapport à ceux qui ont des alpages en stations. Parce que les pistes ont tellement été labourées qu’on n’a plus une fleur. Aujourd’hui, on y met de l’herbe avec ce qu’ils appellent des graines de « vert piste », donc ça veut dire ce que ça veut dire, c’est du vert pour les pistes, mais ce n’est pas du vert pour faire le fromage. On devrait refaire un vrai mélange de flore de montagne. Autrefois, d’un secteur à l’autre de l’alpage, en fonction de la flore, le fromage avait un goût différent. Alors qu’aujourd’hui, on met des vaches sur les pistes, mais le fromage il n‘a plus de goût. Donc pour moi les grands changements qu’il faudrait pour éviter ça, ce serait revenir à l’entretien de l’alpage en obligeant les gens à se déplacer plus souvent. Il faut remettre à flore cette montagne et la base, c’est la mobilité des animaux. Et puis préserver un peu l’eau, je l’ai fait, moi, mais tout le monde ne le fait pas et c’est très important. Mais il y a quand même des choses à faire intéressantes sur les vieux chalets d’alpage en altitude. Vous voyez moi, j’en ai retapé un récemment et l’été dernier, j’ai mis des gars là-haut pour faire comme une sorte de refuge, on a eu que des bons retours. On a eu des gens qui venaient se balader par petit groupes l’été, ils boivent à la source, dorment en alpages, ils partent le lendemain au milieu des vaches et se reconnectent au milieu. Ça, c’est la montagne.

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Chapitre 3

Christian Juglaret, agriculteur


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« Au pays des arbres fruitiers et des Hommes » Samedi 22 février, nous quittons notre logement de La Rosière pour nous rendre à La Chal. Situé au sud du hameau de Hauteville-Gondon, il est composé d’un regroupement de fermes et bâtiments très denses. Nous laissons donc notre voiture en périphérie, la marche étant plus adaptée à cet espace. Le sol est encore gelé et le hameau toujours à l’ombre à 9 h du matin. On s’enfonce dans d’étroites ruelles, seule l’eau, dirigée par quelques ardoises disposées ci et là, résonne dans un calme matinal presque pesant. Soudain, les bâtiments s’écartent, une place se dévoile. La « place du verger », en son centre, se

tient un grand arbre entouré d’un banc en pierre. Depuis ce banc, on aperçoit un vaste espace orné de silhouettes, plus ou moins tortueuses, marqué par le temps, et les hommes. L’herbe du champ craque sous nos pieds ; en remontant, nous arrivons au bord de ce qui de loin ressemblait à un sillon, presque parallèle à la pente. Il vient déverser l’eau, précieuse, dans ce jardin pour le moment au repos. Nous le suivons jusqu’à notre destination. Ce verger est plus qu’un lieu de production, c’est un cadre de vie Nous sommes à La Chal, chez Rosette et Jean-Yves Vallat, le foyer en lisière du verger. (Figure 149) Verger du Chatelard / Les Echines dessus

FIGURE 149 LES VERGERS OCCUPENT LE FOND DE LA VALLÉE ET LES ALENTOURS DES VILLAGES DE PIÉMONT © F.BESSOUD-C.

Verger de La Chal / Montvenix Verger de Landry

45. Titre de cette partie emrpuntée à l’ouvrage Paroles D’Hommes et de vergers, 2015, R. Vallat, B. Almori, J-Y. Vallat.


Jean-Yves Vallat

Chapitre 3

«On est arrivé ici en 1970, quand on a été nommé en tant que professeurs en histoire et en géographie. C’est vrai qu’au début on a tout fait pour en partir, parce que moi j’étouffai ici, il faut lever la tête pour voir le ciel, tu te rends compte. Moi, je viens des grandes plaines d’Ardèche. Ici, il faut grimper pour respirer. Puis finalement, on s’est ancré dans les actions, le patrimoine, la vie locale, et alors on est resté. Après on s’est investi ici, Rosette dans les vergers et moi aux syndicats des eaux, donc c’est normal qu’on reçoive des coups, mais on n’est pas d’ici, ça fait 50 ans qu’on est là et on comprend qu’on n’est toujours pas d’ici, c’est très fermé, il y a les gens de la vallée et les autres. D’ailleurs, il y a autre chose d’étonnant à Bourg, c’est le rapport que les gens entretiennent avec la vallée. Il y a un endroit en allant vers les cinq lacs, c’est toujours à Bourg-Saint-Maurice vers l’est, et on ne voit plus la vallée. Et là, tous les gens vous disent : «qu’est-ce que c’est beau parce qu’on voit plus la vallée». C’est quand même étonnant comme réflexion. Et en effet, quand on monte, on voit ce fond de vallée urbanisée de façon anarchique, alors que normalement, on devrait dire le contraire, car on devrait apprécier prendre de la hauteur pour profiter de la vue. Et là, on peut dire que l’aménagement de la montagne peut être considéré inconsciemment comme une atteinte à la beauté. Cette expression de : « Oui, on préfère ne plus voir la vallée !» Je la tire d’une enquête qui a été faite il y a déjà quelques années par la communauté de communes, c’est sacrément paradoxal. Puis de toute façon, le montagnard par définition, il regarde vers le haut, il regarde la cime, la pente. Il n’a aucune sensibilité par rapport au fond de vallée et à la rivière. Parce que la rivière, elle coule en bas, il ne la voit pas. Elle va chez le voisin, donc je ne m’occupe pas des intérêts du voisin. Donc il y a une sorte de déni de la rivière. On la connaît uniquement lorsqu’elle pose un problème. Cette rivière, il ne la connaît pas. Il ne la connait que lorsqu’elle gêne, lorsqu’il y a des crues, des laves torrentielles… Et alors à ce moment-là au lieu de réfléchir au pourquoi, aux causes, je parle des élus surtout, il va dire : cette rivière nous embête donc on va l’endiguer. Parce qu’elle va à l’encontre du développement tel qu’on l’imagine. Donc c’est une vision qui n’est pas positive de la rivière. Le rapport est frontal. Alors ça, c’est terrible parce que le contrat de bassin-versant, au contraire, avait fait des études également sur le paysage, l’eau comme élément du paysage. Comme élément de beauté, notamment touristique. Cette présentation est passée totalement inaperçue. Parce que le montagnard, il voit les glaciers, les cimes, la neige, les stations, mais ce qui coule en bas ce n’est pas intéressant. C’est le fond de vallée quoi. D’ailleurs, il n’y a pas de projet d’aménagement de fond de vallée, sauf les aménagements dit négatifs qui ne prennent pas en compte l’enjeu du fond de vallée. Ça m’a beaucoup choqué. Ensuite, la ressource en eau, c’est un sujet qui va émerger de plus en plus. Ici, ce n’est pas un château d’eau comme on le croit. Ce n’est pas un déni de la réalité, c’est une méconnaissance. On est en zone interne ici, il n’y a pas autant de précipitations que l’on croit. Même s’il y a pas mal de précipitation, la géologie fait qu’on n’a pas de réserve aquifère, 75 % des eaux sont superficielles. La seule vraie réserve, c’est le stock de neige. Mais ce stock s’amenuise. Et les précipitations s’en vont à cause de la géologie. On peut dire que le château fuie. Et en plus, c’est un château d’eau où la consommation est excessive. Donc il est vrai que cette vallée interroge et nous a toujours beaucoup intéressée, d’où notre implication, mais c’est vrai que Bourg-Saint-Maurice est un laboratoire, et tous les enjeux sont posés. Les enjeux sociétaux, économiques, climatiques... Cela étant, pour l’avenir, je suis incapable d’imaginer ce qu’il va se produire, je suis très curieux, mais je ne le verrai pas. Mais les changements arriveront, quand on sera dos au mur. Parce que la neige de culture, il n’y en aura que pour 30 ans, mais ça suffit largement à un investisseur. Cependant, une activité économique qui a duré un demi-siècle, c’est déjà énorme. Sur une matière première qui n’est pas une matière première comme le charbon, c’est encore plus fort. Le changement climatique sera peut-être une opportunité pour tonifier la saison d’été. Mais ils referont les mêmes erreurs que pour l’hiver si ce n’est pas réfléchi globalement. Tout est possible.»

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Jean-Yves Vallat met en avant la question par laquelle on a choisi d’appréhender le territoire de Bourg-Saint-Maurice, la ressource en eau. Outre les notions de quantité d’eau et leur utilisation alarmante, il nous conte son apport à l’imaginaire de la montagne : la beauté d’un lac, le bruit d’un torrent. Mais toujours laissant transparaître une inquiétude certaine quant à l’avenir d’un territoire qui selon lui doit se réinventer, ou plutôt se retrouver, malgré le déni de certains décideurs. Préconisant une vision globale et à long terme, c’est dans l’humain et le milieu associatif qu’ils ont décidé, avec sa femme, Rosette, d’agir, à leur échelle. On ne peut que constater combien cette échelle

a dépassé très largement celle du verger bordant leur demeure. Loin d’une vision passéiste d’un impossible retour en arrière, c’est en se projetant dans l’avenir qu’ils ont redonné une place aux vergers dans le paysage de Bourg-Saint-Maurice, et plus largement, dans celui de la Tarentaise. Le verger qui est « un paysage en soit », répond à des enjeux sociétaux, économiques et écologiques qui interrogent aujourd’hui les acteurs du territoire. Loin d’être une réponse singulière, il interroge le devenir des lisières des hameaux, la gestion de l’eau, la diversité de l’agriculture, et même un possible bouleversement des cultures lié au changement climatique actuel. (Figure 150)

Landry

La Chal

FIGURE 150 CARTOGRAPHIE DES VERGERS METTANT EN AVANT LES VILLAGES ET DESSINANT DES LISIÈRES DE QUALITÉ. © F.BESSOUD-C.


Chapitre 3

« Il est vrai que l’agriculture ici, c’est le Beaufort, c’est gagner de l’argent. Les paysans il y en a peu, mais ils cherchent à s’établir et sont en concurrence avec l’urbanisation, car avec le Beaufort il n’y a pas de problème de rémunération. Quand les paysans te disent, on entretient le paysage, non, ils n’entretiennent pas le paysage, ils l’exploitent. C’est uniquement pour en tirer le maximum. Les fonds de vallée sont fauchés et exploités au maximum donc on n’a plus de fleur. Et il reste les versants, donc les versants, pour le moment n’intéressent pas ces gros agriculteurs, car difficilement exploitables par la machine donc ils les font pâturer, mais moins qu’avant et très mal donc le paysage se referme à une allure extraordinaire. Ce qui est fou du coup aujourd’hui, c’est que les pistes de ski, ce sont les parties les mieux entretenues et les mieux pâturées, car en hiver, il y a le ski ! Moi ce que je fais ce n’est pas de l’agriculture, c’est à cheval. C’était de l’agriculture, c’était important à un certain moment et ça a été totalement oublié. Quand j’ai commencé à travailler dessus, on avait l’impression que les gens avaient omis ce patrimoine et ce passé. Il n’y avait rien, il a failli repartir de zéro, il ne mettait en valeur que l’élevage dans leurs histoires. Alors, mon rôle à moi, en créant cette association, c’est de montrer que les vergers et les variétés anciennes ont encore un rôle, à le fois économique, patrimonial, touristique… C’est de montrer que nous ne sommes pas uniquement dans le passé, mais qu’il y a une carte à jouer. Elle commence à être jouée plus ou moins timidement. L’association a été créée en 2004, on est parti de zéro avec le mépris de toutes ces pratiques. Aujourd’hui on a plus de 120 adhérents et on a conduit pour la commune de Bourg-Saint-Maurice deux projets européens. Le premier, c’était « Paysages à croquer » de 2003 à 2007, et le second « Fruits, biodiversité et jeunes consommateurs » de 2009 à 2012. Puis on a réussi à concrétiser cela avec deux réalisations importantes, un atelier mobile de fabrication de jus de pomme pasteurisé et un verger original « à vivre » de 4 ha qui se nomme La Ballastière, sur la comme de Landry à un kilomètre d’ici. Vous devriez aller y faire un tour après, en plus c’est un de vos anciens collègues qui nous a aidé sur le projet, il me semble qu’il venait de l’école de Versailles. Donc, avec cette association, je voulais montrer que ces près vergers ne sont pas morts, c’est un écosystème. Actuellement, les vergers en plaines sont voués à disparaître. Il n’y a pas de diversité et ils sont rongés par les maladies, donc on traite. Dans les régions où j’ai travaillé il y a un retour au pré-verger, non pas tel qu’il existait, car il n’est pas viable comme ça avec les engins modernes de nos jours. Mais on revient aux pratiques du pré-verger, c’est-à-dire mettre beaucoup de variétés, de l’herbe, mettre des abeilles, tailler autrement pour une meilleure durabilité et non une production intensive. Il faut chercher à retrouver la biodiversité par l’association végétale avec des animaux. On peut aussi laisser l’herbe sur place, ou retrouver l’association des cultures. J’ai travaillé en Italie dans des fermes où on met l’arbre, la vigne et les céréales… Tout cela cohabite comme un système. […]

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Enfin, le verger ramène la dimension du vivant dans le paysage borain, questionnant la place de l’animal, ici l’ovin, dans un système entre l’homme, l’eau, l’arbre et le fruit. Dans une agriculture territoriale principalement orientée sur le bovin et l’alpage, ces initiatives requestionnent l’utilisation des espaces de Bourg-Saint-Maurice. Notamment du fait que ces actions s’effectuent principalement en fond de vallée, un espace qui fut maintes fois décrié durant notre étude pour sa « perte de lisibilité » ou de « qualité paysagère ». Le verger, lieu des 4 saisons, un jardin aux multiples visages. Une amorce intéressante lorsque le territoire cherche à renouveler son image de monoculture de la neige pour une montagne 4 saisons. Cette idée reste à méditer,

mais il faudra continuer de compter sur les convictions de ces acteurs pour faire en sorte que les vergers fassent toujours partie du paysage de Bourg-Saint-Maurice. (Figure 151) Les acteurs sont aujourd’hui conscients de la diversité des paysages borains. Racontant leurs actions, mais également leurs expériences, nourries d’une richesse propre à l’identité de ce territoire. Comme Rosette, ils parlent même de « paysage identitaire ». À l’heure de l’aprèsneige et des interrogations quant au tarissement de la ressource génératrice de diversité, mais également de fragilité, peut-on élever le paysage au rang de ressource dans un système territorial repensé ?

FIGURE 151 LE VERGER, LIEU DES 4 SAISONS, ALIANCE ENTRE L’HOMME ET L’ANIMAL. © F.BESSOUD-C.


[…] Donc on reprend ces pratiques pour arriver à retrouver de la biodiversité et ne pas traiter, parce qu’aujourd’hui on ne peut plus consommer et produire comme cela. Alors que cette culture relève néanmoins de pratiques dont on ne faisait pas la promotion autrefois, mais qui aujourd’hui se qualifieraient de bio et de productions locales en circuit court. C’est pour cela qu’on a aussi cherché à faire reconnaître les fruits, leurs valeurs gustatives, leurs valeurs nutritives également parce que ça n’a rien à voir avec les pommes modernes. Et c’est beau. C’est beau parce que le verger change avec la saison, c’est un paysage en soit, beau dans toutes les saisons. Il fait partie de notre vie, on va dedans, on écoute les oiseaux. Il fait aussi partie de la vie des gens du village qui vont s’y promener. Au printemps, c’est une cathédrale de fleurs et il y a pleins d’espèces d’oiseaux. Ici, celui de La Chal, on a pu le classer en ZNIEFF ! Et puis ce sont aussi des marqueurs de paysages les vergers. Quand tu remontes au printemps, ils sont associés à chaque village. Ils forment des taches de couleurs rose et blanche, c’est très important ça, c’est des éléments identitaires du paysage de Tarentaise. Et en plus ce qui est intéressant, c’est que ce n’est pas enclos, on passe d’une parcelle à une autre sans problème, il y a cette sensation de liberté. Je trouve que les plus beaux vergers sont sur les espaces plats, ici à La Chal, puis il y a Marcot aussi, il doit faire une dizaine d’hectares. Ceux sont de véritables bandes de données génétiques. En revanche, il y a toute sorte d’actions qui se rattachent aux vergers. La première chose, c’est que les gens ont totalement oublié les gestes. Donc on fait des stages pour leur réapprendre. Puis, il faut sauvegarder ce qui reste. Donc, pour avoir de l’argent, j’ai fait les projets européens dont je t’ai parlé, pour avoir des fonds. Et on a fait des ateliers mobiles pour faire du jus, on a formé des gens, par exemple, des jeunes en insertion. Donc c’est vrai que c’est un système où l’homme intervient peu. Mais il faut bien le gérer et l’accompagner car il y a l’arbre, le fruit, l’animal et puis il y a l’eau. Il y avait un gros travail sur l’eau entre les vergers et les alpages, ça a totalement participé à la création du paysage tarin. Et les pommiers aiment l’eau, il faut les irriguer, donc l’avenir des vergers dépend aussi de l’avenir des canaux et de la gestion de la ressource en eau. Parce qu’il faut vraiment prendre en compte cette idée de cohabitation entre l’arbre, le fruit, l’animal et l’eau, cela nécessite un savoir-faire. C’est ce savoir-faire que nous avons essayé de transmettre à travers ce livre, je t’en offrirai un tout à l’heure. On y évoque l’histoire de ces hommes et de leurs arbres. Cette histoire s’inscrit dans un devoir de mémoire, certes, mais également dans la transmission pour requestionner l’avenir. Parce que c’est aux jeunes maintenant de faire cet avenir. Pour moi, si je suis optimiste, on peut toujours rêver bien sûr, mais je suis quand même étonné de voir comment toutes les idées environnementalistes qui étaient si décriées il y a encore 5 ans, commencent à être prises en compte. Donc je pense qu’elles vont enfin s’incarner. J’espère donc qu’il y aura un meilleur respect des ressources et de la nature, mais aussi des vergers. J’espère que les réalités forceront les gens à agir. On a eu de la chance nous d’être là où il fallait et de pouvoir agir à notre échelle, comme on pouvait. Moi, vous savez, j’étais professeur d’histoire, et je crois beaucoup en la force des résistants, parce qu’ils avaient raison avant les autres. L’histoire leur donnera toujours raison. »

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

159

Chapitre 3

Rosette Vallat


L’après neige, une mise en ressource du paysage ? Par le prisme de la ressource en eau et du paysage, ce travail interroge l’avenir du territoire de Bourg-Saint-Maurice, notamment ce qui pourrait remplacer ou compléter l’or blanc dans la période de l’après-neige. L’hypothèse de départ était que certains acteurs avaient grandement investi dans l’or blanc en se projetant dans un avenir à court terme. Elle fut vérifiée lors de notre analyse qui nous a démontré la trajectoire d’un territoire qui suit un modèle difficilement remplaçable et qui dans le même temps s’essouffle peu à peu46. Néanmoins, même si les stations des Arcs peuvent encore prétendre à quelques années radieuses, du fait de l’altitude élevée de leur domaine, il est clair que sur un temps plus

long, un tel modèle n’est pas durable, aussi bien en termes écologique, économique que social. Malgré tout, on a pu constater à la suite des multiples rencontres sur le terrain que des voix s’élèvent, soucieuses de préserver l’avenir pour les générations futures, que des acteurs se mobilisent. Une mobilisation qui voit en l’avenir une opportunité de réinventer le territoire qui, selon eux, regorge d’autres potentialités, notamment pour répondre à des besoins que notre société devrait connaître à l’avenir (Figure 152). L’enquête menée au cours de ce travail a également révélé ce que l’on peut appeler une conscience du paysage, parmi tous les acteurs rencontrés.

Une géosaisonnalité touristique cyclique ?

FIGURE 152 L’ÉVOLUTION DE LA PRATIQUE TOURISTIQUE SELON P. BOURDEAU

160

46. https://www.skipass.com/news/125971-le-changement-climatique-en-monta.html


Chapitre 3

Une richesse de rĂŠcits, ouvrir le champ des possibles

161


162

D’abord abordé à travers l’élément eau, ou l’élément neige, les dimensions sensibles, symboliques ou les représentations physique et mentale qui sont évoquées durant nos discussions témoignent de la richesse des regards posés sur ce territoire. Ceux-ci révèlent l’attachement porté à ces espaces qui éveillent l’imaginaire des paysages de Bourg-Saint-Maurice. On peut donc affirmer que le paysage participe au cadre de vie des acteurs du territoire, mais que leurs modes de vie influent également sur celui-ci. Il est donc la résultante de diverses actions menées sur le territoire, mais il joue aussi le rôle de support qui oriente les décisions. De la construction de l’eau et de la neige en ressources, nous avons pu constater que le paysage est le point de départ de ce processus, autrement dit une matrice. Il est à la fois une ressource, mais également le produit de l’élaboration d’élément biophysiques en

ressources territoriales. De ce fait, la lecture de ce territoire dans toute sa complexité, au travers des trois notions : ressources, acteurs, paysage, est éclairée par la proposition du géographe George Bertrand qui suggère de traiter le territoire à travers ce qu’il nomme un « système tripolaire », lequel permet trois entrées principales dans un même territoire (Figure 153). « -le géosystème-source traitant des objets et des processus biophysiques qui, pour l’essentiel, sont déjà plus ou moins anthropisés ; -le territoire-ressource qui prend en compte les structures et les fonctionnements liés aux activités socioéconomiques, compte tenu des données géosystémiques et paysagères ; -le paysage-ressourcement appréhendant la dimension sensible et symbolique au travers des représentations socioculturelles. » (G. Bertrand, 2004)

Source

Géosystème

TERRITOIRE Paysage

Ressourcement

Territoire

Ressource

FIGURE 153 SYSTÈME TRIPOLAIRE DU TERRITOIRE SELON G. BERTRAND.© F.BESSOUD-C.


La trajectoire de Bourg-Saint-Maurice

163

Chapitre 2

FIGURE 154 SIGNALISATION DU DOMAINE SKIABLE, QUELS REPÈRES DANS 30 ANS ? © F.BESSOUD-C.


164

A partir de cette vision systémique du territoire, on peut dorénavant avancer l’idée que le paysage y occupe une place importante, il reflète les particularités du territoire et participe à son identité. À l’heure actuelle, face à l’ampleur des changements qui attendent le modèle territorial borain, la vision théorique articulant géosystème, territoire et paysage est opérante. Les retours importants que nous avons obtenus sur les composantes et caractéristiques des paysages borains laissent entrevoir un potentiel de ressources encore inexploitées, offrant cette fois une multitude de réponses et non une réponse unique basée sur la neige ou l’eau. Les premières mobilisations décelées, en faveur d’une montagne à vivre, ne mobilise pas le paysage comme un simple décor. Il participe à l’expérience que l’on fait de son espace, que l’on soit touriste, ou habitant. L’actualité nous amène à nous questionner sur les notions d’espace, d’espace de vie, et d’agrément, à nous demander quelle montagne voulons-nous à l’avenir. D’ailleurs, ces derniers jours, on peut lire dans l’actualité du département de Savoie que certains maires sont « froissés », et certainement à juste titre, de l’arrivée « d’une centaine de vacanciers »47&48, malgré le confinement national49. Ces résidences secondaires, ici à Valloire, station de Savoie, ne sont pas prises d’assaut pour aller pratiquer le ski ou tout autres sports de glisse, car les stations subissent aussi la crise sanitaire. On peut simplement supposer que les surfaces habitables y sont supérieures à celles que ces personnes possèdent en ville, mais ne faudrait-

il pas voir plus loin ? Certes, les domaines skiables ne sont pas accessibles, mais il en va de même pour le reste des espaces de montagne. Les touristes récemment arrivés ne sont d’ailleurs pas les seuls à avoir ressenti ce besoin d’espace, car les résidents de montagne ont mis du temps à abandonner leurs pratiques sur ce qu’ils pensaient être les derniers lieux de liberté, en marge de tout, comme en témoignent les récentes interventions du PGHM, notamment sur Bourg-Saint-Maurice50. Cette crise questionne nos modes de vie, mais aussi nos espaces de vie. Pour ces touristes, ayant le choix bien sûr, est-il préférable de rester confiné en montagne ou en ville ? C’est une question peut-être naïve, mais en cette période de confinement il est intéressant de la poser. Le cadre offert par la fenêtre en montagne est plus agréable, mais si l’on prend en compte les services collectifs (santé, alimentaire...) qui sont proposés dans ces espaces reculés, loin de la ville, il est clair qu’un tel choix peut laisser perplexe. La situation exceptionnelle que le monde traverse actuellement ne peut qu’influencer le questionnement et les pistes de réponses proposées par notre recherche. Il est évident que cette période engendre une réflexion sur nos espaces de vie, qu’ils soient privés, collectif, publics… La montagne n’échappe pas à ce questionnement. D’ailleurs, en ces temps de confinements, certains montagnards n’hésitent pas à prendre la plume pour raconter leurs histoires quotidiennes. Estce les prémices de nouvelles histoires pour la montagne51 ?

47. https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/coronavirus-maire-valloire-froisse-arrivee-centaine-vacanciers-malgre-confinement-1812560.html 48. https://www.lexpress.fr/actualite/societe/des-maires-de-montagne-pestent-contre-l-arrivee-des-vacanciers-malgre-leconfinement_2123177.html 49. https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus#xtor=SEC-3-GOO-[{adgroup}]-[426613323804]-search-[confinement] 50. https://www.ledauphine.com/faits-divers-justice/2020/04/08/confinement-en-savoie-le-pghm-poursuit-ses-patrouillesen-montagne


Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

165

Chapitre 3

FIGURE 155 ARPRENTAGE UN JOUR DE NEIGE, LE TEMPS SE FIGE AU MILEU DU VERGER © T.MCKENZIE


166

Bien qu’exceptionnelles, les nouvelles relations à l’espace qui se tissent aujourd’hui ouvrent de nouvelles pistes d’avenir. On se met à regarder la neige fondre, jour après jour « l’hiver parait sans fin », une autre échelle de temps se dessine en parallèle d’une autre échelle d’espace. Ce qu’on pourrait appeler une « version spontanée du slow-tourisme, mais confiné » voit le jour52. Une relation plus contemplative se profile, l’homme se fige dans un rayon d’un kilomètre, mais le temps et l’espace, eux, dépasse cette limite, nous laissant rêveurs. Cela produit de nouvelles interactions entre les hommes, l’espace et le temps, un nouveau rapport au territoire où l’idée de traiter le paysage en tant que ressource prend tout son sens. On peut identifier de nouveaux enjeux dont on peut penser, en restant optimistes, qu’ils orientent à terme les territoires de montagne vers un « après » dont tout le monde parle en ce moment, mais qui reste flou. Cette situation autorise à mobiliser le paysage non en tant que simple décor, mais surtout comme expérience, une expérience propre à la montagne et surtout au territoire de Bourg-Saint-Maurice. Dans le cadre du territoire borain, le paysage pourrait être ici une « ressource médiatrice » (Luginbühl, 2013, p 280), qui permettrait une autre vision de l’aménagement ou du ménagement de la montagne. Les qualités de l’espace dans sa pluralité joueraient un rôle dans le devenir du territoire en étant une regardées comme une « source de production de bien-être » (Luginbul, p 280). La notion de bien-être fait également référence à la notion de ressourcement, dans toutes ses dimensions

sensibles et symboliques, évoquées d’ailleurs par les personnes interviewées. Une montagne à vivre, certes, mais surtout agréable à vivre. Par ailleurs, il existe des exemples concrets de démarches expérimentales « d’ateliers » menés en France dans des territoires de moyenne montagne. Une référence demeure, l’Atelier de Montagne, coordonnée par Alain Marguerit, paysagiste concepteur53. L’intérêt ne vient pas du fait que le paysagiste est mandataire de l’équipe, mais parce qu’il rassemble une équipe pluridisciplinaire d’acteurs sur différentes thématiques (urbanisme, réseaux, agriculture, paysage, économique, environnement…) permettant une approche transversale du territoire et une vision à long terme. De ce fait, notre recherche propose une nouvelle approche du territoire borain en s’efforçant de révéler le potentiel paysager qui peut donner à voir et rendre visibles d’autres ressources « dormantes ». Il est vrai que la place occupée par les domaines skiables est importante physiquement et mentalement, mais on a pu montrer que le territoire offre d’autres possibilités à préserver, activer ou développer selon les aspirations des acteurs locaux et c’est par une lecture de l’eau et du paysage que cette diversité apparaît dans sa dimension spatialie. À l’avenir, cette lecture paysagère peut servir de base à des politiques d’intervention plus concrète formulées si besoin, dans le cadre d’un projet de territoire global (Figure 157-163). Les acteurs disposeraient d’une approche que l’on espère suffisamment transversale, pour tendre vers un développement et une gestion des espaces cohérente, voire harmonieuse.

51. https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/coronavirus-covid-19-savoie-chroniques-confinement-haut-isolement-versus-confinement-7e-jour-1805318.html 52. https://ericadamkiewicz.blogspot.com/2020/04/le-proprietaire-est-il-un-touriste.html?fbclid=IwAR0KqipWsN3YvPSoCdQYLvKmOu2ySXHCZs-NJAQVVzDO7mqwh6YoDSzGacc 53. FERNANDEZ A., MARGUERIT A. & TRESVAUX DU FRAVAL A. 2013. La montagne en projets. Marseille: Parenthèses.


FIGURE 156 ARPRENTAGE À SKI, L’ACCUMULATION DES ÉQUIPEMENTS. DÉC. 2019 © F.BESSOUD-C.

Chapitre 3

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

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168 FIGURE 157 DIFFÉRENTES MOBILITÉS POUR TRAVERSER LE TERRITOIRE, UNE SUPERPOSITION D’ECHELLE DE TEMPS ET D’ESPACE. © F.BESSOUD-C.

Aiguille des Glaciers

Réserve naturelle des Contamines-Monjoie

Mont-Tondu

ITALIE Pointe de Léchaud

Tête Nord des Fours

Cormet de Roselend Col du Petit-St Bernard

La Terasse

Aiguille de la Nova Le Roignais BSM

Aiguille Rouge

Mont-Pourri

Dôme de la Sache

1. 150 000

Sommet de Bellecôte

Parc National de la Vanoise

Altitude 744 - 3823 m


FIGURE 158 EXPLORATION ET SPATIALISATION DES MOBILITÉS EN FONCTION DES ÉTAGES CARACTÉRISTIQUES DU TERRITOIRE © F.BESSOUD-C.

Alt. 700 - 900 m Balcons

Alt. 1000- 1600 m

Alpages

Alt. 1700 - 3823 m

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

Vallée

169

Bâtiment Tour du Mont-blanc

L’accès des balcons est plus complexe du fait du dénivelé. Les ascenseurs valléens sont donc déterminants pour créer un lien entre ces deux entités, un réseau de sentiers pédestres peut être valorisé.

Voie ferée / Ascenseur valléen Intervillages Haute-Tarentaise

Route

Voie verte Tarentaise Tour du Beaufortain

Les alpages sont un monde ou l’imaginaire nous renvoie à l’inaccessible. Comme les cols, fermés en hivers , qui place BSM dans une échelle plus vaste que son territoire. De même qu’un réseau de GR et sentiers qui le relie à la Tarentaise et l’Italie.

Remontée mécanique Grand tour de la Tarentaise

Col

Sentier pédestre BSM Tour des glaciers de la Vanoise

Chapitre 3

La vallée est importante dans la distribution des étages supérieurs, par sa topographie elle concentre la majorité des flux de transport. Des réseaux comme la voie verte peuvent s’appuyer sur des éléments paysagers.


170 FIGURE 159 LES DIFFÉRENTES FORMES DE L’EAU QUI CONSTITUENT DES ÉLÉMENTS MAJEURS DES PAYSAGES BORAIN. © F.BESSOUD-C.

Aiguille des Glaciers

Réserve naturelle des Contamines-Monjoie

Mont-Tondu

ITALIE Pointe de Léchaud

Tête Nord des Fours

Cormet de Roselend Col du Petit-St Bernard

La Terasse

Aiguille de la Nova Le Roignais BSM

Aiguille Rouge

Mont-Pourri

Dôme de la Sache

1. 150 000

Sommet de Bellecôte

Parc National de la Vanoise

Altitude 744 - 3823 m


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FIGURE 160 EXPLORATION ET SPATIALISATION DES FORMES AQUEUSES EN FONCTION DES ÉTAGES CARACTÉRISTIQUES DU TERRITOIRE. DES VALEURS CONTEMPLATIVES SE RÉVÈLENT. © F.BESSOUD-C.

Alt. 700 - 900 m Balcons

Alt. 1000- 1600 m

Alpages

Alt. 1700 - 3823 m

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

Vallée

Les pentes sont parcourues par un réseau de canaux aménagés en fonction des torrents qui dévalent ces déclivités. Irrigation et contemplation, ils propagent une eau précieuse et incite à la déambulation, semblable aux reflets de torrents, apaisés.

Neiges éternelles qui tendent à se raréfier, laissant échapper un fluide étincelant. Pur et vivifiant, l’eau reste dans un calme plat, contrastant avec les pentes des sommets du monde d’en haut, reflétant les cimes. Qu’y a-t-il de plus beau qu’un lac de montagne ?

Bâtiment

Isère

Canal d’irrigation

Zone humide

Lac d’altitude

Glacier

Torrent Chapitre 3

Les étages du territoire révèlent les différents états de l’eau. Elle se retrouve ainsi dans la vallée, plus calme. L’Isère, collecteur de ce bassin-versant, s’orne de zones humides à la faune diversifiées et aux reflets apaisants.


172 FIGURE 161 DIFFÉRENTES STRATES VÉGÉTALES QUI MAILLENT LE TERRITOIRE ET DESSINENT SES PAYSAGES© F.BESSOUD-C.

Aiguille des Glaciers

Réserve naturelle des Contamines-Monjoie

Mont-Tondu

ITALIE Pointe de Léchaud

Tête Nord des Fours

Cormet de Roselend Col du Petit-St Bernard

La Terasse

Aiguille de la Nova Le Roignais BSM

Aiguille Rouge

Mont-Pourri

Dôme de la Sache

1. 150 000

Sommet de Bellecôte

Parc National de la Vanoise

Altitude 744 - 3823 m


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FIGURE 162 EXPLORATION ET SPATIALISATION DES FORMES VÉGTALES EN FONCTION DES ÉTAGES CARACTÉRISTIQUES DU TERRITOIRE. ELLE FACILITENT LA LECTURE DE L’ESPACE. © F.BESSOUD-C.

Alt. 700 - 900 m Balcons

Alt. 1000- 1600 m

Alpages

Alt. 1700 - 3823 m

Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

Vallée

Verger

Ripisylve et feuillus

Forêt mixte

Conifère

Chapitre 3

Une diversité agricole basée sur L’enjeu des pentes surplombant Les alpages sont des espaces primordiaux l’arboriculture pourrait ramener de la le bourg est principalement le pour l’avenir. Tant pour leur valeur qualité dans la vallée. Également, une maintien de l’ouverture de ces productive qu’esthétique. Les usages y hiérarchie des espaces en bord de villages, espaces qui ont tendance à se sont multiples et le maintien des activités redessinant des lisières. Les changements refermer. Les pistes de ski sont aussi agricoles est à concilier avec une nouvelle de températures possibles peuvent aussi des espaces à anticiper en fonction forme de tourisme qui valorise rait redistribuer leur implantation. des usages à venir. l’authenticité du territoire. Agriculture de vallée Montagnette Alpages Bâtiment (prairie fourragère) (premières prairies)


FIGURE 163 CARTE DES ÉLÉMENTS MAJEURS POUVANT FAIRE RESSOURCE POUR RÉORIENTER LE MODÈLE TERRITORIAL © F.BESSOUD-C.

Le Roignais

Aiguille de la Nova

Cormet de Roselend

La Terasse

Tête Nord des Fours

Mont-Tondu

BSM

Aiguille des Glaciers

Pointe de Léchaud

Col du Petit-St Bernard

ITALIE

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Isère Chapitre 3

Tour du Mont-blanc

Bâtiment

Route

Canal d’irrigation

Intervillages Haute-Tarentaise

Voie ferée / Ascenseur valléen

Torrent

Tour du Beaufortain

Voie verte Tarentaise

Col

Tour des glaciers de la Vanoise

Sentier pédestre BSM

Lac d’altitude Glacier Une richesse de récits, ouvrir le champ des possibles

Grand tour de la Tarentaise

Remontée mécanique

Zone humide

Ripisylve et feuillus

Agriculture de vallée (prairie fourragère)

Sommet de Bellecôte

Forêt mixte

Montagnette (premières prairies)

Verger

Altitude 744 - 3823 m

Conifère

Alpages

Dôme de la Sache

Mont-Pourri

Aiguille Rouge

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FIGURE 164 CARTOGRAPHIE DU PAYSAGE BORAIN, MATRICE ET PRODUIT DE LA CONSTRUCTION DU TERRITOIRE. © F.BESSOUD-C.


Chapitre 3

Une richesse de rĂŠcits, ouvrir le champ des possibles

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À la suite des changements annoncés, le territoire va connaître des transformations inéluctables. Devant l’urgence actuelle, la réflexion proposée dans ce mémoire tente de spatialiser quelques changements envisageables pour tendre vers un modèle adapté au futur de notre société. La lecture par le prisme du paysage permet de mettre en avant les spécificités du territoire, une lecture par étages mettant en exergue les caractéristiques de chacun. Les éléments forts qui se sont révélés peuvent être des atouts non-négligeables quant au renouvellement du modèle territorial en recréant une nouvelle organisation spatiale à l’échelle du territoire, prenant appui sur des éléments paysagers qui raisonnent avec l’imaginaire des usagers. De ce fait, ces documents cherchent à mettre en avant le potentiel que recéle ce territoire, révélé en partie par les acteurs, dans le but d’entrevoir de nouvelles ressources sur lesquelles Bourg-Saint-Maurice pourrait se réorienter pour conserver des espaces d’exception habitables et habités.

FIGURE 165 LE RÉVEIL DU MONT-BLANC, DEPUIS LE COL DU PETIT SAINT-BERNARD© T.MCKENZIE


Chapitre 3

Une richesse de rĂŠcits, ouvrir le champ des possibles

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Conclusion La notion de ressource s’est avérée être une entrée et un outil particulièrement intéressants pour aborder et étudier le territoire dans toutes ses dimensions, notamment paysagères, le paysage étant entendu comme le résultat visible d’un ensemble d’actions sur le territoire. Dans le cas de Bourg-Saint-Maurice, l’eau et la neige sont des ressources territoriales mais aussi des éléments structurants du paysage, qu’ils soient physiques, culturels ou économiques ; ceux-ci se trouvant alors être à la fois support et matrice de la construction de ses ressources territoriales. Aujourd’hui, la surconsommation de l’une, l’eau, et le tarissement de l’autre, la neige, entraînent des tensions entre la grande variété des acteurs qui sont confronté à des dynamiques et des enjeux complexes. Par ailleurs, ce travail, montre aussi les limites champ de compétences d’un étudiant en paysage, notamment dans les domaines économique, hydrologique, touristique ou politique. Cependant, ces métiers ont une approche du territoire qui peut aller de pair avec la vision transversale qu’offre le paysage, afin d’ouvrir sur des échanges et donc plus de pluridisciplinarité. Au travers d’émotions et de sensations, recueillies notamment auprès des acteurs locaux, le paysage s’est révélé être un outil indispensable à la compréhension du territoire. Les pistes de réponses à la problématique posée supposent que la résilience recherchée puisse se projeter à travers le prisme du paysage., et ce, en articulant les éléments révélés au cours de l’étude avec un socle originel spécifique au territoire de Bourg-Saint-Maurice. À l’avenir, peut-être, faudrait-il également nous tourner vers nos voisins alpins, comme l’Autriche ou la Suisse, qui sont aujourd’hui sous le coup de problématiques similaires et qui cherchent des solutions et proposent des réponses variées. Cependant, il n’existe pas de réponses génériques satisfaisantes transposables d’un territoire à l’autre : le futur de Bourg-Saint-Maurice se trouve dans ce qui le caractérise, ses habitants et ses paysages. De ce fait, les documents de ce travail peuvent être la genèse d’une analyse plus vaste, pour donner suite à une étude paysagère qui pourrait être le socle de politiques d’intervention, menées dans le cadre d’un projet de territoire. Ainsi, on peut affirmer que le paysagiste peut avoir une place et jouer un rôle dans la reflexion sur l’organisation du futur des territoires de montagne.

FIGURE 166 QU’Y A-T-IL DE PLUS BEAU QUE LE REFLET D’UN LAC DE MONTAGNE ? © T.MCKENZIE


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FILMOGRAPHIE CIBIEN L., L’argent de la neige, 2014, film documentaire couleur, France, 52 min. FRANCE MONTAGNES., Découvrez la montagne en hiver, 2012. clip vidéo couleur, France, 6 min. https://www.france-montagnes.com/webzine/activites/video-decouvrez-la-montagne-en-hiver


190

Glossaire

-AAPPMA : Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA), elles disposent de deux grandes missions : la protection des milieux aquatiques et le développement du loisir pêche. -AOC : L’Appellation d’Origine Contrôlée désigne des produits répondant aux critères de l’AOP et protège la dénomination sur le territoire français. Elle constitue une étape vers l’AOP, désormais signe européen. -AOP : L’Appellation d’Origine Protégée est un label permettant d’identifier un produit dont les étapes de fabrication sont réalisées dans une même zone géographique et selon un savoirfaire reconnu. -APTV : L’Assemblée du Pays Tarentaise Vanoise est un syndicat mixte regroupant les cinq communautés de communes de Tarentaise (soit 35 communes) et le Département de la Savoie. L’APTV rassemble les intercommunalités pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet de développement global pour le territoire intégrant des objectifs d’aménagement et d’environnement, ainsi que des questions économiques et sociales. -BSM : Bourg-Saint-Maurice -DEP : Le diplôme d’État de paysagiste (DEP) remplace le diplôme de paysagiste DPLG conférant le grade de master. L’accès au DEP s’effectue par voie de concours. La formation conduisant au DEP se fait en trois ans. Elle est centrée sur la capacité à la conception et au projet de paysage. -DREAL : La DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) est le service régional des ministères de la Transition écologique et solidaire (MTES) et de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités (MCTRCT). -ENSP : École nationale supérieure de paysage -ESF : École de ski français -SCOT : Le Schéma de cohérence territoriale (SCoT) est l’outil de conception et de mise en œuvre d’une planification stratégique intercommunale, à l’échelle d’un large bassin de vie ou d’une aire urbaine, dans le cadre d’un projet d’aménagement et de développement durables


Table des figures

191

FIGURE 1 PREMIER ARPENTAGE DE L’AUTEUR, LES SKIS AUX PIEDS, LA PLAGNE, FEVR.1998©A.BESSOUD-C.

11

FIGURE 2 L’IMPORTANCE DE LA MONTAGNE DANS LE CYCLE DE L’EAU.© F.BESSOUD-C.

13

FIGURE 3 DIMINUTION DES CUMULS DE NEIGE DURANT L’HIVER DANS LES ALPES.

14

FIGURE 4 15 AUGMENTATION DES TEMPÉRATURES ANNUELLES MOYENNES. FIGURE 5 20 LE MONT-FUJI, SYMBOLE ENNEIGÉ DU JAPON, INACCESSIBLE PAR SA SACRALISATION HIVERNALE. © F.BESSOUD-C. FIGURE 6 RENNES DANS UN PATÛRAGE HIVERNAL. © S. ROTURIER

21

FIGURE 7 PREMIÈRE REPRÉSENTATION DE LA NEIGE. TACUINUM SANITATIS, BNF, NOUV. ACQ. LAT. 1673

23

FIGURE 8 RUSKIN JOHN, PICS ALPINS, 1846. EXTRAIT DE MONTAGNES TERRITOIRES D’INVENTIONS .

24

FIGURE 9 VIOLET-LE-DUC, COUPE LONGITUDINALE PASSANT PAR CHAMONIX. EXTRAIT DE MONTAGNES TERRITOIRES D’INVENTIONS FIGURE 10 A. TRIQUIER-TRIANON, LOUIS, LE CERVIN, 1900, AFFICHE PLM. B. CARDINAUX, EMIL, CHEMIN DE FER DE LA JUNGFRAU, 1928. C. BAUMBERGER, OTTO, LUCERNE-INTERLAKEN, 1937.

24

FIGURE 11 PREMIERS J-O D’HIVER. MATISSE, AUGUSTE, JEUX OLYMPIQUES D’HIVER DE CHAMONIX, 1924.

27

FIGURE 12 AFFICHE DE PUBLICITÉ DE LA SNCF POUR LES AMATEURS DE SKI DE TOUTES NATIONALITÉS. ABEL, 1951 FIGURE 13 EXTRAIT DU FILM LES BRONZÉS FONT DU SKI, 1979,

27

FIGURE 14 COUVERTURE D’UNE BANDE DÉSSINÉE, MARTINE À LA MONTAGNE, 1959.

28

26

28


192

FIGURE 15 29 AFCHAGE PUBLICITAIRE SUR LES SPORTS D’HIVER DANS LES COULOIRS DU MÉTRO 13, 29 OCT. 2019. ©F.BESSOUD-C. FIGURE 16 25 INSTALLATION D’UN TÉLÉPHÉRIQUE ORNÉ DE SKIS GARE DE LYON, PARIS. DÉC. 2019. ©F.BESSOUD-C. FIGURE 17 29 LES ACTIVITÉS DE LA MONTGAGNE, EXTRAIT DE VIDEO, DÉCOUVREZ LA MONTAGNE EN HIVER, 2012. SOURCE : FRANCE MONTAGNES FIGURE 18 LABEL FLOCON VERT, CHAMROUSSE PREMIÈRE STATION FLOCON VERT D’ISÈRE. SOURCE : CHAMROUSSE.COM FIGURE 19 NIEDERMAYR, WALTER, LECH RÜFIKOPF, 2015. SOURCE : ARTSY

30

30

FIGURE 20 31 NIEDERMAYR, WALTER, ST. ANTON AM ARIBERG 4, 2009. EXTRAIT DE DISJONCTION, LES CARNETS DU PAYSAGE, 2012 . FIGURE 21 32 NIEDERMAYR, WALTER, RETTENBACHGLESCHER 1, 1999. EXTRAIT DE DISJONCTION, LES CARNETS DU PAYSAGE, 2012 FIGURE 22 NIEDERMAYR, WALTER, FELSKIN, 2005. SOURCE : ARTSY

33

FIGURE 23 34 SKIDOME DE COMINES, BELGIQUE EXTRAIT DU DOCUMENTAIRE L’ARGENT DE LA NEIGE, 2014, ARTLINE FILMS. FIGURE 24 PROJET DE SKI-LINE SUR LE GLACIER DE LA GRANDE-MOTTE DE TIGNES © D-L 31

35

FIGURE 25 34 COPENHILL, TOITURE SKIABLE DE L’USINE DE TRAITEMENT DE DÉCHETS, 2017, BJARKE INGELS © INSTA. COPHENHILL URBAN MOUNTAIN FIGURE 26 35 COPENHILL, TOITURE SKIABLE DE L’USINE DE TRAITEMENT DE DÉCHETS, 2017, BJARKE INGELS© INSTA. COPHENHILL URBAN MOUNTAIN FIGURE 27 ZORZANELLO, MARCO, SNOW-LAND, 2018. MARCOZORZANELLO.COM

37

FIGURE 28 D’IMPORTANTES RECETTES AUTOUR DE LA FRÉQUENTATION DES DOMAINES SKIABLES, BAISSE À NOTER SUR LES SIX DERNIÈRES ANNÉES. SOURCE : DOMAINES SKIABLES FRANCAIS

38


193

FIGURE 29 38 ÉVOLUTION DU NOMBRE DE STATIONS DE SKI DANS LES ALPES DEPUIS LES ANNÉES 30 D’APRÈS SALTE.FR FIGURE 30 DIFÉRENTS ÉTATS DE CRISTAUX DE NEIGE, © WILSON BENTLEY. SOURCE : RTS

39

FIGURE 31 40 CAMPAGNE PUBLICITAIRE ÉVIAN BASÉE SUR L’IMAGE DES SOMMETS ENNEIGÉS DU MONT-BLANC. D’APRÈS EVIAN.COM FIGURE 32 41 ÉTIQUETAGE DES BIÈRES DE LA BRASSERIE DES CIMES (SAVOIE), BASÉ SUR L’IMAGINAIRE DE LA NEIGE ET DE LA MONTAGNE (À CONSOMMER AVEC MODÉRATION) FIGURE 33 BASSIN DE CONGÉLATION ET GLACIÈRE PIVAUT À MAZAUGUES. D’APRÈS RANDOJP.FREE

41

FIGURE 34 LA GLACIÈRE PIVAUT À MAZAUGUES, © ASER, MUSÉE DE LA GLACE, DR.

42

FIGURE 35 43 PISTE DE SKI EN AFRIQUE, EXTRAIT DE L’ARGENT DE LA NEIGE, ARTLINE FILMS, 2014. EXTRAIT DE DAILYMOTION FIGURE 36 UN JOUR BLANC, LA PRÉCIEUSE NEIGE© T. MCKENZIE

44

FIGURE 37 BOURG-SAINT-MAURICE, UNE COMMUNE ÉTENTUE AU RELIEF IMPORTANT. ©F.BESSOUD-C. D’APRÈS LES DONNÉES QGIS

48

FIGURE 38 50 BOURG-SAINT-MAURICE, UNE COMMUNE AGRICOLE AUX PAYSAGES OUVERTS IRRIGUÉS DE CANAUX © F.BESSOUD-C. D’APRÈS LA CARTE D’ÉTAT MAJOR, 1850 FIGURE 39 LA MONTAGNE, UN ESPACE DESSINÉ PAR L’EAU ET LES HOMMES. © F.BESSOUD-C.

51

FIGURE 40 RUE ÉTROITE DU HAMEAU DE LACHAL, BOURG-SAINT-MAURICE © F.BESSOUD-C.

52

FIGURE 41 53 CANAL DE L’ARC À MONTRIGON, ANCIENNE SECTION EMPIERRÉE, BOURG-SAINT-MAURICE, 27 JUIN 2012, © B. MEILLEUR FIGURE 42 CANAL DE VAUGELAZ ET SERGE ANXIONNAZ, BOURG-SAINT-MAURICE, 27 JUIN 2012. © B. MEILLEUR

53

FIGURE 43 CANAL DE VEIS D’EN HAUT, BOURG-SAINT-MAURICE, 27 AOÛT 2012, © B. MEILLEUR

53


194

FIGURE 44 CANAL D’IRRIGATION DU VERGER DE M. ET MME VALLAT. © F.BESSOUD-C.

53

FIGURE 45 54 CARTE POSTALE DE LA VALLÉE DE BSM; 1843. L’ÉTAGEMENT DES MODES DE VIE EST ENCORE MARQUÉ, LE FOND DE VALLÉE EST EN PARTIE INONDÉ PAR LE «DELTA» DE L’ISÈRE MARQUÉ PAR LES PEUPLIERS. FIGURE 46 MONTAGNETTE, LE BATIMENT «FAIT CORPS» AVEC UN ROCHER, EXTRAIT DE PAYSAGE, RISQUES NATURELS ET INTÉRÊTS LOCAUX, SAINTE-FOY-TARENTAISE, SAVOIE, 1995, © T.COANUS

55

FIGURE 47 56 BOURG-SAINT-MAURICE, ARRIVÉE DE L’HYDROÉLECTRICITÉ, AUGMENTATION DES ÉQUIPEMENT EN FOND DE VALLÉE. © F.BESSOUD-C.D’APRÈS LES DONNÉES QGIS ET IGN 1960 FIGURE 48 LES AMÉNAGEMENTS BASÉS SUR L’EAU DURANT LA «MODERNITÉ ALPINE».© F.BESSOUD-C.

57

FIGURE 49 LA FÉE DE LA HOUILLE BLANCHE DE L’EXPOSITION DE GRENOBLE, 1925, D’APRÈS GRENOBLE PATRIMOINE

58

FIGURE 50 CARTE DE LA TARENTAISE, ARRIVÉE DU TRAIN À BOURG-SAINT-MAURICE, 1913 ET INSTALLATION D’USINES LE LONG DE L’ISÈRE

59

FIGURE 51 GARE DE BOURG-SAINT-MAURICE, 1948, D’APRÈS DELCAMPE.NET

59

FIGURE 52 BOURG-SAINT-MAURICE ET DANS LA VALLÉE DE L’ISÈRE, 1843, D’APRÈS DELCAMPE.NET

60

FIGURE 53 BOURG-SAINT-MAURICE, MODIFICATION DU «DELTA» DE L’ISÈRE, 1948, D’APRÈS DELCAMPE.NET

60

FIGURE 54 61 CARTE DE LA TARENTAISE ET DU BEAUFORTAIN, UN AMÉNAGEMENT IMPORTANT DE BARRAGES SUR LES TERRITOIRES SAVOYARD.© F.BESSOUD-C. FIGURE 55 61 CARTE DE LA TARENTAISE ET DU BEAUFORTAIN, UN AMÉNAGEMENT IMPORTANT DE BARRAGES SUR LES TERRITOIRES SAVOYARD, © F.BESSOUD-C. FIGURE 56 LIGNEUX AU BORD DE LA ZONE HUMIDE DE L’ISÈRE © F.BESSOUD-C.

63

FIGURE 57 63 PHÉNOMÈNE D’ENFRICHEMENT DES ALPAGES PAR LA DIMINUTION DU PATÛRAGE, ©F.BESSOUD-C.


195

FIGURE 58 63 PHÉNOMÈNE D’ENFRICHEMENT DE LA RIPISYLVE DE L’ISÈRE PAR LA DIMINUATION DES CRUES DU AUX BARRAGES © F.BESSOUD-C. FIGURE 59 VERSANT DU SOLEIL VU DEPUIS LES PENTES DES ARCS, NON DATÉE MAIS APRÈS 1913. D’APRÈS COMMUNES.COM

65

FIGURE 60 65 VERSANT DU SOLEIL VU DEPUIS LE FUNICULAIRE DES ARCS, L’ENFRICHEMENT EST ACCENTUÉ PAR LA NEIGE. 31 DEC. 2019 © F.BESSOUD-C. FIGURE 61 65 BOURG-SAINT-MAURICE, UNE COMMUNE AGRICOLE AUX PAYSAGES OUVERTS IRRIGUÉS DE CANAUX © F.BESSOUD-C. D’APRÈS LA CARTE D’ÉTAT MAJOR, 1850 FIGURE 62 BOURG-SAINT-MAURICE, ARRIVÉE DE L’HYDROÉLECTRICITÉ, ET AUGMENTATION DES SURFACES BOISÉES REFERMANT L’ESPACE.© F.BESSOUD-C. D’APRÈS LES DONNÉES QGIS ET IGN 1960

65

FIGURE 63 66 CROISEMENT DE FLUX ÉLECTRIQUE, VUE DEPUIS LE VERSANT DU SOLEIL SUR ARC 1600, 2020 © T. MCKENZIE FIGURE 64 67 LE PAYSAGE HYDROÉLÉCTRIQUE : DISTRIBUTION DE L’ÉLÉCTRICITÉ, VUE DEPUIS LE COL DU PETIT SAINT BERNARD SUR LA VALLÉE DE BOURG-SAINT-MAURICE, 2019 © T. MCKENZIE FIGURE 65 BARRAGE DU SAUT, TARENTAISE. 64 19 OCT. 2016, EXTRAIT DE DERRIÈRE LA RETENUE, LES CHEMINS DE L’EAU EN SAVOIE, ©S.BONNOT

68

FIGURE 66 69 PAREMENT AVAL DU BARRAGE DU CHEVRIL. TIGNES, TARENTAISE. 29 SEPT. 2016 EXTRAIT DE DERRIÈRE LA RETENUE, LES CHEMINS DE L’EAU EN SAVOIE, © S. BONNOT FIGURE 67 CARTE DES STATIONS D’HIVER DE LA TARENTAISE, © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 68 STATION ARC 1600 SURPLOMBANT BOURG-SAINT-MAURICE. D’APRÈS RÉGION RHÔNE-ALPES, INVENTAIRE GÉNÉRAL DU PATRIMOINE CULTUREL © DESSERT ERICT

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FIGURE 69 TIGNES SUBMERGÉ EN 1952 PENDANT LA MISE EN SERVICE DU BARRAGE, D’APRÈS COLLECTION-JFRM.FR

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FIGURE 70 BOURG-SAINT-MAURICE, UNE COMMUNE, QUATRES STATIONS ET DE NOMBREUX ÉQUIPEMENTS © F.BESSOUD-C. D’APRÈS IGN 2020, DONNÉES QGIS

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FIGURE 71 73 LE NOUVEAU PAYSAGE DES STATIONS DE BSM, DES ÉLÉMENTS SUPPLÉMENTAIRES DANS LE CYCLE DE L’EAU. © F.BESSOUD-C. FIGURE 72 CHRONOLOGIE DE L’INSTALLATION DES STATIONS DE TARENTAISE. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 73 LES GRANDES STATIONS DE LA TARENTAISE. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 74 75 C. PERRIAND, G. REGAIRAZ, R. GODINO, G. REY-MILLET, 1998, D’APRÈS LES CARNETS DE MONTAGNE. FIGURE 75 77 COUPE DE L’ENSEMBLE RÉSIDENTIEL VERSANT SUD ET ADRET, ARC 1600. RELEVÉ DESSINÉ PAR NORI GOTO, ARCHITECTE DANS URBANISME ET ARCHITECTURE CONTEMPORAINE EN PAYS DE NEIGE, DENY PRADELLE (AAM) FIGURE 76 77 MAQUETTE DES STATIONS D’ARC 1600 ET 1800 EN SECOND PLAN, UN TERRAIN PROPICE EN BALCON. EXPOSÉE À LA FONDATION LOUIS VUITTON 25.01.20. © F.BESSOUD-C. FIGURE 77 CHRONOLOGIE DE LA CONSTRUCTION DES STATIONS DES ARCS. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 78 79 SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES STATIONS ET IMPLANTATION PAR RAPPORT AU BOURG. © F.BESSOUD-C. FIGURE 79 A. PHOTO AÉRIENNE DES ALPAGES PIERRE BLANCHE, 1960 B. PHOTO AÉRIENNE DES ALPAGES DU VILLARD, 1960 C. PHOTO AÉRIENNE DU VALLON SUSP,ENDU DE L’ARC, 1960

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FIGURE 80 A. PHOTO AÉRIENNE D’ARC 1600, 2008 B. PHOTO AÉRIENNE D’ARC 1800, 2008 C. PHOTO AÉRIENNE D’ARC 1950 / 2000, 2008

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FIGURE 81 81 A. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE D’ARC 1600. ÉQUIPE D’URBANISTES ANIMÉE PAR CHARLOTTE PERRIAND, AAM, NON DATÉE B. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE D’ARC 1800. ÉQUIPE D’URBANISTES ANIMÉE PAR CHARLOTTE PERRIAND, AAM, NON DATÉE C. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE D’ARC 2000 PAR BERNARD TAILLEFER, NON DATÉE. SIAF/CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE, CENTRE D’ARCHIVES D’ARCHITECTURE DU XXE SIÈCLE, FONDS DAU. FIGURE 82 IMAGE DU REPORTAGE LE PLAN NEIGE POUR L’AMÉNAGEMENT DE LA MONTAGNE, 1976.

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A. GLACIER DE L’AIGUILLE ROUGE, LES ARCS B. BATIMENTS DE LA STATION DES ARC 1600 C. ROGER GODINO, PROMOTEUR DE LA STATION DE SKI DES ARCS D. DES ENFANTS AU SKI DURANT LES COURS, CLASSES DE NEIGE, 1953, INA FIGURE 83 AFFICHE DE PROMOTION DU SKI A BOURG-SAINT-MAURICE, 1965.

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FIGURE 84 LES ARCS - BOURG SAINT-MAURICE SAVOIE 1600/3000 - LE HAUT DOMAINE DU SKI , 1970, PETER MILLER

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FIGURE 85 CROQUIS DE « PAYSAGE NATUREL » CLAIRE FOLLIET, DIREN, 2005

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FIGURE 86 CROQUIS DE « PAYSAGE NATUREL DE LOISIRS » CLAIRE FOLLIET, DIREN, 2005

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FIGURE 87 A. SELFIE «RECHERCHÉ» AU SOMMET DE L’AIGUILLE ROUGE DEPUIS LA PLATEFORME DU TÉLÉPHÉRIQUE PERMETTANT UNE VUE PANORAMIQUE SUR LES ALPES ET LE MONT-BLANC, © F.BESSOUD-C. B. PISTES ET GARES DE TÉLÉSIÈGE D’ARCS 1800, © F.BESSOUD-C. C. ARRIVÉE À SKI AU MILIEU DES SAPINS, ARC 2000 EN ARRIÈRE-PLAN.© F.BESSOUD-C. FIGURE 88 BOURG-SAINT-MAURICE, CHEF LIEU. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 89 86 DE NOMBREUX HAMEAUX ET LIEUX DIT SUR L’ENSEMBLE DE LA COMMUNE, UNE FORTE CONCENTRATION AUTOUR DU BOURG CENTRAL © F.BESSOUD-C. FIGURE 90 QUATRES STATIONS DE SPORT D’HIVER IMPLANTÉES EN BALCON AU DESSUS DU BOURG © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 91 87 UN BOURG, TRENTE CINQ HAMEAUX, QUATRE STATIONS DE SKI. CONTRASTE ENTRE LE VERSANT DES ARCS ET «LE VERSANT DU SOLEIL» © F.BESSOUD-C. FIGURE 92 ARC 1600 EN BALCON AU DESSUS DU HAMEAUX DE LA GRANGE, RELIÉ PAR LE FUNICULAIRE © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 93 88 ARC 1800 EN BALCON AU DESSUS DU HAMEAUX DE MONTVENIX, VASTE ÉTENDU OUVERTE AU DESSUS DES PENTES BOISÉES ET ENFRICHÉES. © F.BESSOUD-C.


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FIGURE 94 89 ARC 1950 / 2000, AU PIED DU VALLON SUSPENDU DE L’ARC, EN CONTRE-BAS DE LA PLUS GRANDE RETENUE COLINAIRE D’EUROPE. © F.BESSOUD-C. FIGURE 95 ARC 1600, «STATION CLAIRIÈRE» SUR UN COTEAUX ENFICHÉS. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 96 88 ARC 1800, DES VASTES ESPACES OUVERTS AUX PIEDS DES BATIMENTS IMPLANTÉS DANS LA PENTE © F.BESSOUD-C. FIGURE 97 89 ARC 1950 / 2000, STATION AUX PIEDS DES PENTES PATURÉS DE HAUTE-MONTAGNE© F.BESSOUD-C. FIGURE 98 90 VERSANT DES ARCS OUVERT ET PATURÉS, VUE DEPUIS LE VERSANT DU SOLEIL, NON DATÉE MAIS AUX ALENTOURS DE 1960, DELCAMPE.NET FIGURE 99 90 VERSANT DES ARCS AUX PENTES QUI SE REFERMENT, LE FUNICULAIRE TRACE UN SILLION PROLONGÉ PAR LES PISTES DE SKI, 20 FEV. 2020. © T.MCKENZIE FIGURE 100 90 FUNICULAIRE REVENANT D’ARC 1600, UNE NOUVELLE ÉLÉVATION VERS LES CIMES. © T.MCKENZIE FIGURE 101 91 VUE DEPUIS LA VITRE PANORAMIQUE DU FUNICULAIRE, UN MATIN D’HIVER, PLONGÉ SUR LA VALLÉE ET SES VERSANTS ENCORE ENDORMIS.© F.BESSOUD-C. FIGURE 102 92 CARTOGRAPHIE DES ZONES D’ACTIONS DES ACTEURS DU TERRTIOIRE INTERVIEWÉS, MISE EN PAGE PAR © F.BESSOUD-C. FIGURE 103 RETRANSCRIPTION DES ACTIONS MENÉES ET ENVISAGÉES PAR LES ACTEURS DU TERRTIOIRE, UNE MULTITUDES DE RÉPONSES. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 104 CARTE DES ACTIONS D’ACTEURS DU TERRITOIRE DE BOURG-SAINT-MAURICE CONCERNANT LES USAGES EN EAU © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 105 94 CARTE DES RELATIONS ENTRE DES ACTEURS DU TERRITOIRE DE BOURG-SAINT-MAURICE CONCERNANT LES USAGES EN EAU © F.BESSOUD-C. FIGURE 106 95 DES PAYSAGES ISSUS DE NOMBREUX USAGES, D’APRÈS RÉGION RHÔNE-ALPES, INVENTAIRE GÉNÉRAL DU PATRIMOINE CULTUREL © DESSERT ERIC


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FIGURE 107 LE CLUB MED D’ARC 1600, GESTE ARCHITECTURAL ÉMERGEANT AU MILIEU D’UNE CLAIRIÈRE, AJOUTANT ENCORE 1000 LITS SUPPLÉMENTAIRE. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 108 HAMEAU DES CHAPIEUX, ENDIGUEMENT DU TORRENT. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 109 97 AU DESSUS DU HAMEAUX DES CHAPIEUX, VU SUR LA POINTE DE LA TERRASSE AU BORD DU TORRENT DES GLACIERS © F.BESSOUD-C. FIGURE 110 TROIS VERSANTS D’ALPAGES BIEN DISTINCTS SE DÉMARQUENT. © F.BESSOUD-C. FIGURE 111 CONDUITE FORCÉE DE LA CENTRALE DE MALGOVERT, BOURG-SAINT-MAURICE © T. MCKENZIE

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FIGURE 112 100 ZONE HUMIDE DE L’ISÈRE ISSUE DE LA CONSTRUCTION DU BARRAGE DE MONTRIGON. ENTRE FLUX HYDROLIQUE ET FERROVIAIRE. D’APRÈS RÉGION RHÔNE-ALPES, INVENTAIRE GÉNÉRAL DU PATRIMOINE CULTUREL © DESSERT ERIC FIGURE 114 101 BESOINS EN EAU THÉORIQUES POUR LA PRODUCTION DE NEIGE PAR SAISON ET VOLUMES D’EAU SOCKÉS DANS LES RETENUES COLLINAIRES. D’APRÈS DDEA, 2009, EXTRAIT DE LA THÈSE DE P. PACCARD. FIGURE 113 AUGMENTATION DES PRÉLÈVEMENTS EN EAU POUR A FABRICATION DE NEIGE EN SAVOIE.

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FIGURE 115 102 QUAND LA NEIGE TOMBE DE L’HÉLICOPTÈRE À STATION DE SAINTE-FOY-TARENTAISE, 2015, EXTRAIT DU DAUPHINÉ LIBÉRÉ, © A. P. FIGURE 116 103 QUAND L’HOMME FAIT TOMBER LA NEIGE. ENNEIGEUR PULVÉRISANT DE LA NEIGE SUR UNE COUCHE FRAICHE DANS LE BUT D’OBTENIR UNE PREMIÈRE COUCHE RÉSISTANTE, 12 DEC. 2019, LA ROSIÈRE © A. JOYEUX-B. FIGURE 117 ZONE DE RAFTING SUR L’ISÈRE, BOURG-SAINT-MAURICE, 1 NOV. 2019, © T. MCKENZIE

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FIGURE 118 105 BARRAGE DE MONTRIGON ET SON ASCENSEUR À POISSONS DANS LE BUT DE RÉTABLIR LEUR LIBRE CIRCULATION, BOURG-SAINT-MAURICE, 31 OCT. 2019, © T. MCKENZIE FIGURE 119 ROSELIÈRE AU BORD DE L’ISÈRE, BOURG-SAINT-MAURICE, 31 OCT. 2019, © T. MCKENZIE FIGURE 120 106 TABLEUX DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES RENDUS PAR LES MILIEUX AQUATIQUES DE MONTAGNE


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FIGURE 121 107 A.RETENUE DE L’ADRET DES TUFFES, PLUS GRANDE RETENUE COLLINAIRE D’EUROPE, 400 000 M3, LES ARCS 2000, 31 OCT. 2019, © T. MCKENZIE B.RETENUE DE L’ADRET DES TUFFES, SOUS LA NEIGE DE L’HIVER, ARCS 2000, 30 DEC. 2019, © F. BESSOUD-C. C.TRAVAUX DE LA RETENUE DE L’ADRET DES TUFFES, ARC 2000, SEPT. 2008, D’APRÈS RAZEL BEC FAYAT ENTREPRISE FIGURE 122 109 FLYERS DE L’OFFICE DU TOURISME DE BOURG-SAINT-MAURICE METTANT EN AVANT LE TERRITOIRE ET CES ACTIVITÉS HIVERNALES ET ESTIVALES. FIGURE 123 CARTE DES PAYSAGES DE BOURG-SAINT-MAURICE. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 124 111 POINTS DE VUES CARACTÉRISTIQUES, DEPUIS LES 4 ENTITÉS ENONCÉES SUR BSM. ©F.BESSOUD-C. & T.MCKENZIE FIGURE 125 112 PAYSAGES ET TEXTURES CARACTÉRISTIQUES DES CONTREFORTS DU MONT-BLANC.© F.BESSOUD-C., T.MCKENZIE, ALTITUDERANDO.COM, E.TAILLARD. & LESJOLIESCHOSESDENATHOU.FR FIGURE 126 113 PAYSAGES ET TEXTURES CARACTÉRISTIQUES DU VERSANT DU SOLEIL. 109 © F.BESSOUD-C., T.MCKENZIE FIGURE 126 114 PAYSAGES ET TEXTURES CARACTÉRISTIQUES DE LA HAUTE VALLÉE DE L’ISÈRE. © F.BESSOUD-C.,T.MCKENZIE FIGURE 127 PAYSAGES ET TEXTURES DU MASSIF DE L’AIGUILLE ROUGE. © F.BESSOUD-C., T.MCKENZIE & SAVOIEMONTBLANC

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FIGURE 130 116 PAGE SUIVANTE : DIFFÉRENTS SCÉNARIOS POSSIBLES ISSUS DE NOTRE ÉTUDE ET INSPIRÉ DU TRAVAIL DE FIN D’ÉTUDE DE MARION GUENSER, PAYSAGISTE DPLG, FLASH MÉTÉO 2050 : IL NE NEIGERA PLUS EN DESSOUS DE 3 000 M. CHAMROUSSE UN AVENIR CERTAINEMENT INCERTAIN. © F.BESSOUD-C. FIGURE 128 117 SCHÉMAS ISSUS DE L’OUVRAGE MONTAGNES : TERRITOIRES D’INVENTIONS, SOUS LA DIRECTION DE JEAN FRANÇOIS LYON-CAEN FIGURE 129 USAGES DE LA MONTAGNE EN 2020 À BSM, UNE FRÉQUENTATION DÉBORDANTE L’HIVER. UN «OVERTOURISME»

117

FIGURE 131 CARTE DES PAYSAGES CARACTÉRISTIQUES DE BOURG-SAINT-MAURICE. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 132 120 VU DEPUIS LA ROSIÈRE SUR LES FORMES DÉSSINÉES PAR LES STATIONS ARC 2000 ET SAINTE-FOYTARENTAISE. © T.MCKENZIE FIGURE 133 LE PAYSAGE, RÉSULTAT D’INTERELATIONS ENTRE UN TERRIROIRE ET LA POPULATION. © F. BESSOUD-C. INSPIRÉ DU TRAVAIL DE B. FOLLÉA

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FIGURE 134 125 PROJECTION D’UNE CARTOGRAPIE DE LA MÉTAMORPHOSE D’UNE RESSOURCE EN MONSTRE PAYSAGE. PARTICIPANT : O. CHENEVIER © G.MCDERMOTT FIGURE 135 126 CARTOGRAPIE DE LA MÉTAMORPHOSE D’UNE RESSOURCE EN MONSTRE PAYSAGE. © F.BESSOUD-C. / M.FOUQUET FIGURE 136 UNE SITUATIONS GÉOGRAPHIQUE OFFRANT DES ACCÈS À DES GRANDS COLS. © F. BESSOUD-C.

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FIGURE 137 DES AXES IMPORTANTS POUR UN ACCÈS EXTERIEUR ET DES MOBILITÉS LOCALES© F.BESSOUD-C.

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FIGURE 138 L’ESPACE GARE, UN NOUVEAU POLE DE MOBILITÉ POSSIBLE, OFFRANT DIVERSE MOBILITÉS POUR DÉSERVIR LE TERRITOIRE © F. BESSOUD-C.

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FIGURE 139 134 PROLONGEMENT POSSIBLE DU FUNICULAIRE VERS UN NOUVEAU PÔLE DE MOBILITÉ CONNÉCTÉ À UN RÉSEAU D’ESPACES PUBLICS ENTRE LE CENTRE BOURG ET LES BORDS DE L’ISÈRE © F. BESSOUD-C. FIGURE 140 136 PROLONGEMENT POSSIBLE DU PROJET D’ASENSCEUR VALLÉEN DE LA ROSIÈRE SUR LE PÔLE DE MOBILITÉ DE BSM © F. BESSOUD-C. FIGURE 141 138 REPLACER LE PÔLE DE MOBILITÉ DE BSM DANS UNE VISION TERRITORIALE EN RELATION AVEC LES STATIONS ALENTOURS COMME LA ROSIÈRE © F. BESSOUD-C. FIGURE 142 SITUATIONS DES STATIONS DES ARCS PAR RAPPORT A LA VALLÉE DE BSM © F. BESSOUD-C.

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FIGURE 143 142 MODIFICATION DES ÉTAGES BIOGEOGRAPHIQUES DE BSM SI LA TEMPÉRATURE AUGMENTE DE 3°C © F. BESSOUD-C. D’APRÈS CREAMONTBLANC FIGURE 144 ALTITUDE ET EMPRISE ACTUELLE DU DOMAINE SKIABLE DES ARCS © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 145 146 ALTITUDE ET EMPRISE DU DOMAINE SKIABLE DES ARCS EN 2050, RÉORIENTATION DE LA STATION D’ARC 1600 © F.BESSOUD-C. FIGURE 146 148 PERSPECTIVE DE TRANSFORMATIONS POSSIBLE POUR TENDRE VERS LE QUARTIER D’ARC 1600 © F.BESSOUD-C. FIGURE 147 150 LES ALPAGES OCCUPENT UNE GRANDE PARTIE DU TERRTIOIRE. LES ENJEUX SONT DANS L’OUVERTURE DU PAYSAGE ET LE MAINTIENT D’UNE ACITVITÉ ENTRETENANT L’ESPACE ET L’IMAGINAIRE © F.BESSOUD-C. FIGURE 148 152 PERSPECTIVE DE PAYSAGES CARACTÉRITIQUES DU TERRTIOIRE DE BSM, OFFRANT UNE ÉXPÉRIENCE AUTHENTIQUE DE LA MONTAGNE © F.BESSOUD-C. FIGURE 149 154 LES VERGERS OCCUPENT LE FOND DE LA VALLÉE ET LES ALENTOURS DES VILLAGES DE PIÉMONTS © F.BESSOUD-C. FIGURE 150 156 CARTOGRAPHIE DES VERGERS METTANT EN AVANT LES VILLAGES ET DESSINANT DES LISIÈRES DE QUALITÉS. © F.BESSOUD-C. FIGURE 151 LE VERGER, LIEU DES 4 SAISONS, ALIANCE ENTRE L’HOMME ET L’ANIMAL. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 152 L’ÉVOLUTION DE LA PRATIQUE TOURISTIQUE SELON P. BOURDEAU

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FIGURE 153 SYSTÈME TRIPOLAIRE DU TERRITOIRE SELON G. BERTRAND.© F.BESSOUD-C.

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FIGURE 154 SIGNALISATION DU DOMAINES SKIABLES, QUELS REPÈRES DANS 30 ANS ? © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 155 ARPRENTAGE UN JOUR DE NEIGE, LE TEMPS SE FIGE AU MILEU DU VERGER. © T.MCKENZIE

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FIGURE 156 ARPRENTAGE À SKI, L’ACCUMULATION DES ÉQUIPEMENTS. © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 157 168 DIFFÉRENTES MOBILITÉS POUR TRAVERSER LE TERRITOIRE, UNE SUPERPOSITION D’ECHELLE DE TEMPS ET D’ESPACE. © F.BESSOUD-C. FIGURE 158 169 EXPLORATION ET SPATIALISATION DES MOBILITÉS EN FONCTION DES ÉTAGES CARACTÉRISTIQUES DU TERRITOIRE. © F.BESSOUD-C.


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FIGURE 159 170 LES DIFFÉRENTES FORMES DE L’EAU QUI CONSTITUENT DES ÉLÉMENTS MAJEURS DES PAYSAGES BORAIN. © F.BESSOUD-C. FIGURE 160 171 EXPLORATION ET SPATIALISATION DES FORMES AQUEUSES EN FONCTION DES ÉTAGES CARACTÉRISTIQUES DU TERRITOIRE. DES VALEURS CONTEMPLATIVES SE RÉVÈLENT. © F.BESSOUD-C. FIGURE 161 DIFFÉRENTES STATES VÉGÉTALE QUI MAILLENT LE TERRITOIRE ET DESSINENT SES PAYSAGES© F.BESSOUD-C.

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FIGURE 162 173 EXPLORATION ET SPATIALISATION DES FORMES VÉGTALES EN FONCTION DES ÉTAGES CARACTÉRISTIQUES DU TERRITOIRE. ELLE FACILITENT LA LECTURE DE L’ESPACE. ©F.BESSOUD-C. FIGURE 163 CARTE DES ÉLÉMENTS MAJEURS POUVANT FAIRE RESSOURCE POUR RÉORIENTER LE MODÈLE TERRITORIAL © F.BESSOUD-C.

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FIGURE 164 176 CARTOGRAPHIE DU PAYSAGE, MATRICE ET PRODUIT DE LA CONSTRUCTION DU TERRITOIRE BORAIN © F.BESSOUD-C. FIGURE 165 LE RÉVEIL DU MONT-BLANC, DEPUIS LE COL DU PETIT SAINT-BERNARD© T.MCKENZIE

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FIGURE 166 QU’Y A-T-IL DE PLUS BEAU QUE LE REFLET D’UN LAC DE MONTAGNE ? © T.MCKENZIE

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Annexes

1. Les personnes interviewées : Caroline, monitrice de ski, ESF aux Arcs et monitrice de vélo en été. Originaire de Chamonix et arrivée il y a quelques années à Bourg-Saint-Maurice Christian Juglaret, agriculteur depuis plusieurs générations. Eric Adamkiewicz, enseignant-chercheur à Toulouse et Grenoble où il enseigne la stratégie économique du sport et du tourisme, directeur de l’office du tourisme des Arcs de 2003 à 2009. Flore, 68 ans, monitrice de ski sur Arc 1600. Habitante des Arcs depuis 50 ans. Fred, Rédacteur du PACT Tarentaise, né à Bourg-Saint-Maurice. Guillaume Desrues, professeur de physique-chimie au lycée de Bourg-SaintMaurice. Arrivé sur la commune il y a quinze ans, il est aujourd’hui tête de liste du BAM pour les élections qui auraient du avoir lieu en 2020. Jean-Yves et Rosette Vallat, sont d’anciens professeurs en sciences humaines. Rosette est présidente de l’association des Croqueurs de pommes de Savoie Tarentaise Beaufortain depuis 2004. Jean-Yves est poète, ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » du canton de Bourg-Saint-Maurice et VicePrésident de la Fédération de Pêche de la Savoie ou il était engagé depuis 1989. Ils sont arrivés à Bourg-Saint-Maurice il y a 50 ans. Justine, 27 ans, community manager à l’office du tourisme de La Rosière. Elle est arrivée avec son conjoint il y a deux ans et demi à la Rosière Michel Giraudy, 74, maire de Bourg-Saint-Maurice. Il a travaillé dans le tourisme et l’institution du Club Med en tant que moniteur de ski sur la Tarentaise avec de s’engager en politique sur Bourg-Saint-Maurice en 2014 et de se représenter aux élections de 2020.


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2. Exemple d’un questionnaire d’enquête : La montagne a-t-elle joué un rôle particulier dans votre parcours de vie ? Est-ce que vous vous rappelez la première fois que vous êtes venu à la montagne ? À quelle image associez-vous la neige, la montagne, l’eau ? Pouvez-vous me raconter un souvenir important pour vous qui ait un rapport avec la neige ? Êtes-vous attaché à la montagne ? Qu’est ce qu’elle représente pour vous ? PERCEPTION DU PAYSAGE Avez-vous grandi à la montagne ? La neige / la montagne vous évoque-t-elle un paysage particulier, si oui, comment le décririez-vous ? Quels sont les éléments qui pourraient rendre un paysage de montagne désagréable ? Et à Bourg, qu’est ce qui le rend désagréable ? Comment imaginez-vous la montagne de demain ? Et cet espace de Bourg Saint Maurice en particulier ? TERRITOIRE Quelle est l’identité principale de ce territoire ? Avez-vous constaté des changements importants ces dernières années sur votre territoire ? Si oui, ces changements ont-ils changé votre perception du paysage ? À l’avenir, imaginez-vous que des grands changements vont se produire ? Si oui, qu’est-ce que vous souhaiteriez voir modifier ? Quels sont selon vous les dynamiques à l’œuvre concernant votre profession ? Comment et où agissez-vous sur ce territoire ? (Fond de carte)


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3. Documents extrait de « LES ASCENSEURS VALLÉENS, TRANSPORT DE MOBILITÉ DOUCE EN MONTAGNE : PROJETS ET PERSPECTIVES ALPES SAVOIE MONT-BLANC - PDF Free Download ». s. d. https://docplayer. fr/60725818-Les-ascenseurs-valleens-transport-de-mobilite-douce-en-montagneprojets-et-perspectives-alpes-savoie-mont-blanc.html.


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Bessoud-Cavillot Florent


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