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Du monde d’en bas au monde d’en haut

Mercredi 19 février 2020, 10 h. Cela fait 2 h que nous roulons depuis Grenoble, la neige s’est mise à tomber au niveau d’Aime, heureusement elle ne tient pas sur la route, mais les arbres en sont déjà à dix bons centimètres qui s’accumulent sur leurs branches. La neige a figé l’environnement alentours. Seule la route, d’un noir profond, contraste par sa couleur et le flux incessant de voiture que nous croisons. Nous arrivons à BourgSaint-Maurice. « Parking du centre », il est facile de se garer malgré les vacances d’hiver. Cela dit, il est surprenant de voir en descendant de notre véhicule que nous ne sommes pas au centre du bourg, il aurait fallu continuer jusqu’au « parking de la gare » quelques centaines de mètres plus loin, il est plus proche du centre bourg. Simple interrogation personnelle sur l’emploi d’un vocabulaire d’information et d’orientation. Les bâtiments sont entièrement organisés autour de la route. On marche alors, au bord de cette route fréquentée pour arriver devant la gare. Les panneaux indiquent des trains arrivant de Chambéry ou d’Aix les bains. Le prochain aura une heure de retard, c’est certainement dû à la neige qui continue de tomber à gros flocons. Les bancs de la gare sont pleins, le flux de passagers doit être important en pleine saison d’hiver. Nous, nous sommes arrivés en voiture, car depuis Grenoble le trajet n’est pas très pratique avec une correspondance et plus de 2 h 30 de voyage. Puis la voiture reste le moyen le plus pratique pour nous rendre à nos différents rendez-vous. Le prochain est avec Guillaume dans l’après-midi, puis avec Flore, monitrice de Ski sur Arc 1600. Étant donné la météo, il nous semble plus judicieux de nous rendre à la coopérative laitière située en face de la gare pour pouvoir rencontrer des touristes ayant le courage de braver les éléments. Il se trouve qu’une exposition permanente sur le beaufort est installée, et nous rencontrons un premier groupe. Des Anglais. Une fois la barrière de la langue franchie, le couple de sexagénaires confie :

Col du petit Saint-Bernard Bourg-Saint-Maurice Vers le col de l’Iseran

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Aime

Cormet de Roselend

FIGURE 136 UNE SITUATION GÉOGRAPHIQUE OFFRANT DES ACCÈS À DES GRANDS COLS. © F. BESSOUD-C.

« Nous adorons cet endroit car c’est un grand domaine, on aime faire du ski en hiver et ici c’est un domaine de grande qualité. En plus c’est un endroit sauvage, puis je trouve que c’est facile d’accès. Pour nous, on monte dans un train à Londres et on arrive directement ici, aux pieds des montagnes. Bon cette fois on a fait une escale à Paris mais c’était exceptionnel. […] Et ici on se déplace en funiculaire, on est à Arc 1600 donc si on veut descendre au village c’est pratique aussi. »

Surpris, après cet échange, qu’il est finalement plus pratique d’arriver à Bourg-SaintMaurice en Eurostar depuis Londres qu’en TER depuis Grenoble. La question du déplacement est préoccupante quand on sait l’importance de la mobilité aujourd’hui. Au deuxième étage de l’exposition, une famille prend part à notre discussion nous faisant part de leur histoire.

« Nous, nous arrivons des Hauts de France, ce n’est pas la porte à côté ! Mais on est des habitués du ski et des Arcs, depuis plus de 30 ans. On aime les différents étages de végétation pour skier, ici, on a de tout, des hêtres, du sapin, puis des grands panoramas, ça vaut bien ces heures de voitures. […] Aujourd’hui ce n’est pas un très beau temps pour skier donc à préférer venir au chaud pour l’exposition c’est très intéressant. […] on a préféré prendre le « funi » pour descendre c’est vrai que c’est pratique. Mais le soir pour venir au restaurant je crois que le dernier est vers 20h donc ça fait un peu tôt parfois. »

Les différences entre le bourg et ces stations sont marquées. Que ce soit en termes d’urbanisme, d’architecture, de mobilité, voir même de climat, les écarts sont marqués. Ce sont ces différences qui font toute la diversité et la richesse du territoire. Les questions ne sont plus de savoir comment développer ces entités en marges du bourg et que l’on sent saturées, mais comment les gérer, les réorienter vers d’autres formes d’échanges et de liens pour faire avec cet héritage qui est aujourd’hui en péril. Deux mondes différents mais interdépendants.

Il est clair que le déplacement dans le fond de vallée est important quand on voit l’engorgement de la départementale et l’importance de la gare SNCF. Puis BourgSaint-Maurice n’est pas un cul de sac, même si ces cols sont fermés l’hiver, c’est un lieu de passage important pour rejoindre le Beaufortain par le Cormet de Roselend, pour rallier l’Italie via le col du Petit SaintBernard ou le col de l’Iseran (Figure 136). C’est avec cette première vision globale du territoire que nous sommes allés voir Guillaume Desrues, tête de liste du collectif BAM. Nous nous sommes donnés rendezvous dans un bar situé sur l’ancienne friche du 7 -ème Bataillon de chasseur Alpin. À la suite du départ de ce bataillon en 2012, les élus ont décidé de transformer cet espace en ZAC. Le lieu de notre rendez-vous est le premier bâtiment sorti de terre, il fait partie d’une longue série comportant salle de spectacle, salle de sport, spa, résidences de tourisme et autres bâtiments qui seront transformés en logement faisant partie d’un nouveau complexe d’hôtels. Cette ZAC est bien le signe de la volonté inébranlable des élus de continuer à développer ce type d’installations touristiques. Mais alors, que propose cette nouvelle organisation politique pour le territoire de Bourg-SaintMaurice ? En particulier sur le déplacement que nous évoquons (Figure 137) :

Gare de BSM

Arc 1600 Arc 1800

-Un axe majeur entre Chambéry / Albertville/ BSM doit être conforté et développé -Réorganiser l’espace sur la gare pour une meilleure relation avec le funiculaire qui peut devenir un lien plus stable entre le Bourg et ses stations.

Vers Albertville

FIGURE 137 DES AXES IMPORTANTS POUR UN ACCÈS EXTERIEUR ET DES MOBILITÉS LOCALES© F. BESSOUD-C.

« On a lancé BAM à la suite d’un film sur la démocratie participative. Puis, c’est sur la station que tout le mouvement BAM s’est cristallisé. Au moment du club Med, c’est lui qui a acté tout ça. C’est un désastre écologique, les gens n’était plus d’accord avec ça. Pour moi le déclic n’était pas le club Med mais ça a cristallisé l’attente de beaucoup de monde. Nous avec BAM, on se pose vraiment les questions pour avoir une vision sur 2040-2050, sur le long terme. Avec comme vision Bourg-Saint-Maurice, capitale des sports outdoor. Donc on a tout qui existe mais maintenant il faut faire en sorte que les gens puissent y accéder facilement. Et l’accès passe par la mobilité. Cette mobilité aisée on l’a perdue au niveau SNCF donc pour moi c’est un axe majeur pour faire revenir des axes réguliers entre Chambéry et Bourg. Ensuite, il y a le funiculaire qu’on voit comme une colonne vertébrale dont on veut étendre l’ouverture. Soit, qu’il ne soit plus ouvert que 2 mois l’été et 4 mois l’hiver mais dans l’idéal 10 mois par an. Donc voilà, là tu arrives à Bourg, tu as un grand nombre d’activités y compris liés à la neige et des moyens de déplacements. Après ici je vois vraiment le bourg orienté sur les Arcs 1600 1800. Au niveau des mobilités surtout. Dès que tu mets de la mobilité tu actives plein de choses autour. Ça permet aussi de poser les gens à l’année et non les laisser avec un travail saisonnier de 5 mois et demi par an. Parce que tu ne peux pas dire aux gens qu’on va arrêter d’investir dans le ski, et il ne le faut pas. Mais commençons à regarder ce qu’on peut faire pour se diversifier. Notamment là, on a cette chance inouïe qui est le funiculaire qui permet de faire une transition entre le haut et le bas. Il faut l’optimiser pour d’autres activités que juste l’ascenseur pour aller dans la station. On doit s’en servir pour autre choses que des activités dépendantes de la neige. Ce funiculaire peut être une pièce centrale à l’avenir. Parce que la population est fière de son outil de travail, on a des acteurs du tourisme dans notre liste, on n’est pas du tout anti-station mais là on sent que ça nous échappe. Ça ne correspond plus aux enjeux actuels. Aujourd’hui ils sont environnementaux. Je me rappelle en 2014 l’environnement ne faisait pas partie des programmes. Aujourd’hui tout le monde est écolo ! Puis on a un tourisme estival à développer ou en tout cas à encourager. On est quand même au pied de trois cols, Roselend, petit Saint-Bernard et Iseran. Les gens viennent aussi faire du velo. Puis pour moi l’identité est importante et ici c’est...comment dire, un peu un melting pot. L’hiver, on est au centre de l’Europe aves les Allemands, les Anglais, les Belges… et il y a des gens qui apprécient et au fur et à mesure ils s’installent. Cependant, je constate quand même une autre dynamique à l’œuvre, la diminution des jeunes. Dans mon établissement scolaire, on est passé de 1200 à 900 élèves sur les 15 dernières années. Même si on a eu le départ du 7 -ème BCA de l’armée qui s’est ajouté à cela, les gens ont du mal à trouver un logement abordable ici. Les autres grands changements que j’ai vus ensuite ils sont climatiques, et c’est surtout vis a vis des enfants que c’est dur aussi. Mon fils est fan de ski, donc tu lui dis que c’est bien mais ce n’est pas l’avenir quoi. Pour finir, les grands changements que je souhaite ils pourraient être agricole au niveau de l’agriculture vivrière. Notamment au niveau du maraichage bio. Puis après on a un trésor inexploité aussi avec beaucoup de pommiers sur le territoire. Un truc tout bête, en cinq ans 4 brasseurs se sont installés dans la vallée dont on aurait de quoi faire une cidrerie. On pourrait aussi avoir des aménagements pour la outdoor sans faire du Disneyland en ayant des aménagements non aménagés c’est-à-dire de façon subtile. Faire avec ce qu’on a et surtout correctement. » Guillaume Desrues, tête de liste du BAM

Centre bourg Nouvelle gare d’ ascenseurs valléens

Nouvelle centralité d’ espaces publics

Centralité à proximité d’ espace humides Pôle de mobilité territoriale

Prolongation possible du funiculaire Cheminement piéton Chemin de fer

Voie verte cyclable

Espace public

D 1090

FIGURE 138 L’ESPACE GARE, UN NOUVEAU POLE DE MOBILITÉ POSSIBLE, OFFRANT DIVERSE MOBILITÉS POUR DÉSERVIR LE TERRITOIRE © F. BESSOUD-C.

«Moi j’ai toujours connu la montagne, je suis monitrice de ski depuis l’âge de 18 ans et j’ai 68 ans. C’est ma vie. La vie sans le ski, sans habiter à la neige je ne l’imagine pas. J’ai toujours vécu comme ça. La montagne c’est ma vie. Et je ne peux pas m’ennuyer dans mon boulot, le paysage est différent tous les jours. La lumière change tout. Il suffit que ce soit voilé ou clair. Ce n’est pas la même lumière en décembre en février ou en avril. La couleur de la neige n’est pas la même. C’est en évolution totale, comme la mer. Puis c’est agréable à vivre, parce qu’on a un décor fabuleux, un panorama extraordinaire. Regardez la vue. On est dedans, on est tout le temps dedans avec la vue sur les pistes ou les versants. Ce dedans il est agréable, il est beau. L’hiver il est vivifiant, l’été il est vert, il y a de très beaux verts, il y a plein de fleurs en juillet, c’est un bel endroit pour vivre. Mais c’est vide. Avant j’habitais dans les chalets d’origine au-dessus, on l’a construit il y a 50 ans mais j’ai du déménager. Il y avait plein d’autres chalets ! Nous, on l’appelait le village des deux têtes là-haut, il y avait 25 chalets, on vivait ensemble, il y avait une vie de village. Imagine, moi j’ai habité là la troisième année de création de 1600. Et il est vrai que Perriand c’était pour l’époque assez fabuleux, la cuisine, les lits, les espaces intégrés…Elle a fait des trucs extraordinaires ici. Mais avec le temps ça s’est vidé, on n’a pas réussi à maintenir cette vie. Au début en 1990-1995, il y avait des écoles, des enfants. Tous ces enfants sont ensuite descendus en vallée à Bourg pour le collège et le lycée. Puis on n’a pas eu de renouvellement. Parce que dans la station ce n’est pas aussi simple qu’a Bourg, les services sont de plus en plus dans la vallée. Et le gros problème c’est l’intersaison. Le funiculaire dépend de la saison de ski, sinon il faut prendre sa voiture. La limite elle est là ! La station vie au rythme du tourisme. Toute ces stations qui n’ont pas de lieu de vie, de bourg, il n’y a pas de vie en inter saisons ici. C’est ouvert, mais c’est fermé. Je le vois depuis le temps, 1600 c’est mourant. 1800 ça va encore, il y a toutes les structures d’animations l’été avec un potentiel énorme. Il y a un club des sports l’été, un golf, les parcs aventure… Tout est à 1800, nous ont l’avait mais maintenant on l’a plus. Et l’hiver, 1800 ils s’en sortiront car ils sont plus hauts, les liaisons sont faites avec 2000. Alors que nous on redescend à Arc 1600 en navette, parce que ça coute trop cher de maintenir des liaisons et la neige jusqu’ici. Alors quel intérêt ? Ça c’est le plus gros changement que j’ai vu ici. C’est l’abandon des stations. C’est surtout l’abandon de ces structures artificielles qui n’ont pas de cœur, de vie de village. Il n’y a plus rien on a perdu le cinéma, la pharmacie… tout se passe à Bourg. On est repartis à l’envers. Si on prend l’histoire des arcs c’est ça on a un truc fabuleux qui a tout inventé, et ça décroit.[...]

Arc 1600 Arc 1800

On ne peut que s’accorder sur l’importance portée aux réflexions sur les mobilités dans un territoire de montagne tel que BourgSaint-Maurice. Une vision sur le long terme nous amène ainsi à nous projeter dans une vallée où la place de la voiture va tendre vers une diminution. De ce fait, les relations qu’entretiennent les deux mondes que sont la vallée et les stations en balcons doit plus que jamais se renforcer pour la cohérence territoriale d’un tel système. De plus, on ne peut que constater que l’équipement majeur est là, le funiculaire. Il s’agit aujourd’hui d’activer les leviers permettant d’allonger ses services, mais également de l’inscrire spatialement dans une relation avec le centre bourg. Le regard ne doit pas se tourner que sur ces balcons, mais penser aussi cet axe comme une colonne vertébrale entre le Bourg, les stations, mais également à l’échelle de la vallée de la Tarentaise. Les intentions

FIGURE 139 PROLONGEMENT POSSIBLE DU FUNICULAIRE VERS UN NOUVEAU PÔLE DE MOBILITÉ CONNÉCTÉ À UN RÉSEAU D’ESPACES PUBLICS ENTRE LE CENTRE BOURG ET LES BORDS DE L’ISÈRE © F. BESSOUD-C. peuvent ainsi repenser la relation entre la gare et les centres bourg et les berges de l’Isère par un réseau d’espaces publics lisible mettant en avant différents points attractifs comme la gare, le centre historique, la coopérative laitière et les zones humides au bord de l’Isère (Figure 138). Dans une logique de concentration des mobilités territoriales, le funiculaire pourrait être prolongé jusqu’à la gare ferroviaire et routière permettant ainsi une redistribution des flux. Ce réseau cherche également à s’inscrire dans une autre logique de mobilité douce, dont on perçoit les premiers signes de développement intercommunaux dans le développement récent de la voie verte au bord de l’Isère en 2019. Ces intentions cherchent ainsi à redonner de la lisibilité et de l’attractivité à ce pôle de mobilité qui se veut connecté au Bourg tout en étant orienté vers les stations. (Figure 139)

[...] En plus ici l’architecture n’est pas horrible, mais le problème ce sont les déchets... Ce qui rend le paysage désagréable ce sont les déchets. En hiver, tout va bien la neige recouvre tout, mais quand ça fond on voit tout ! Les constructions enfouissent les déchets aussi ! Ah ok ils nous font des beaux gazons autour, mais dessous il y a tout ! Ça quand on habite ici on ne le digère pas. C’est loin de ce qu’on pense hein ! Parce qu’ici, l’identité de ce territoire c’est le paysage. C’est la montagne, ce sont des clichés mais c’est la liberté, la beauté, la lumière. On ne vit pas enfermé, on est plus ou moins marginal. On n’est pas structuré comme en ville ! Même si l’été c’est bientôt comme en ville ici, quand on pense qu’on se tape quand même des 35°C à l’ombre, et cet hiver il n’y a jamais fait en dessous de -8° C. En plus, on est dépendant de ce qui tombe du ciel, de la neige, mais aussi de la pluie. La vie en montagne elle aa changer ça c’est sûr. Et puis, il y a quelque chose qu’on ne voyait pas avant c’est la neige jaune. Quand vous êtes à l’arpette à 2400, au printemps. Quand l’air est un peu froid en haut et que la pollution qui monte, et bien vous avez une barre jaune. Un voile de pollution jaune qui monte et qui fait que la neige est blanche à notre gauche et jaune sur le versant d’en face. Et encore, on n’est pas la vallée la plus polluée ! Donc c’est vrai qu’avec ça, je ne suis pas trop optimiste. L’avenir, Franchement, je ne le vois pas. Je pense qu’ils sont très mal barrés ici. Avec le réchauffement climatique et le peu d’effort pour inverser le système sur lequel on est. Le confort, et tout qui est à portée de main. Le vélo c’est bien quand tu habites Grenoble mais ici ce n’est pas la même chose. Les stations, je vois l’abandon, la nature reprendra le dessus parce que les gens n’auront plus les moyens de venir et les voitures électriques ça ne marchera pas. Qu’est-ce qu’on fait de cet avenir ? Puis, je n’ai rien contre le tourisme, c’est notre gagne-pain. Mais là où je suis contre c’est sur l’évolution gigantesque que ça a pris. C’est un truc exponentiel totalement délirant ! Je ne sais pas comment une station de ski pur et dur comme nous peut vivre à l’année, je ne vois pas. Ou alors il faudrait que le funiculaire tous les jours, au moins une fois par heure. Même si on se met à avoir des épiceries ouvertes il faut les alimenter on en avait avant mais c’est compliqué de vivre ici en dépendant de la voiture. Alors je pense que l’un des grands changements pourrait être de reprivatiser les stations pour leur redonner une âme. Qu’on arrête de penser rendement pour les actionnaires et qu’on repense la reprise de la vie dans ces endroits. Parce que la base la base de l’histoire des Arcs c’est ça, c’est d’avoir su fédérer une station autour de tous ces acteurs. C’est le seul espoir. Moi je vais descendre sur Bourg bientôt. Parce que l’âge, et l’âge fait que c’est plus pratique d’être à côté des commerces, des copines, que d’être ici au milieu des corbeaux avec la solitude. Mais ça va changer de descendre dans la vallée, j’aurais plus la même vue. »

Flore, 68 ans, monitrice ESF Arc 1600

Coopérative laitière

Nouvelle gare d’ ascenseurs valléens

Centre bourg

FIGURE 140 PROLONGEMENT POSSIBLE DU PROJET D’ASENSCEUR VALLÉEN DE LA ROSIÈRE SUR LE PÔLE DE MOBILITÉ DE BSM © F. BESSOUD-C.

Bourg-Saint-Maurice possède une situation géographique particulière plaçant la commune au pied du domaine des Arcs mais également de celui de la Rosière. Dans leur quête d’extension verrs les sommets, les domaines skiables en ont oublié la vallée. Les enjeux actuels redistribuent les cartes et l’on entend parler de fameux projets d’ascenseurs valléens. Ils sont parfois même promus comme remède miracle aux maux atmosphériques de la montagne, comme si leur simple arrivée pouvait régler les problèmes de pollutions et de fréquentation. Nouvelle centralité d’ espaces publics Rassurez-vous, ce type de solutions miracles Centralité à proximité d’ espace humides n’est pas encore découvertes. Le modèle Pôle de mobilité territoriale d’ascenseur valléen ne peut pas être utilisé de Prolongation possible du funiculaire façon générique comme certains l’imagine. Il Cheminement piéton faut éviter de simplement copier sur nos voisins Suisses, référents en la matière. Il est important

Chemin de fer de noter que ces idées ont été plus qu’évoquées et même inscrites dans les dernières versions du SCoT de la Tarentaise41. Ainsi, des liaisons sont prévues entre Aime et la Plagne au sud de Bourg, mais également entre Séez et la Rosière, commune limitrophe de BourgSaint-Maurice. Cette « liaison téléportée » relierait ainsi les pistes de la Rosière depuis la commune de Séez, en passant par une gare intermédiaire au niveau du Belvédère (Extraits en Annexe 3)42. On peut se réjouir de la volonté de relier la vallée aux stations pour limiter les flux de transports, mais comment imaginer faire cela sans connecter la gare téléphérique à la gare ferroviaire principale de la vallée ? Accumuler des voitures en fond de vallée pour aller côtoyer les sommets ? Quel est l’intérêt pour le territoire, mais surtout pour les locaux ?

Voie verte cyclable 41. https://www.tarentaise-vanoise.fr/wp-content/uploads/2018/01/3-DOO-SCoT-APTV-appro v%C3%A9-14-12-17.pdf Espace public 42. https://www.grenoble-ecobiz.biz/upload/docs/application/pdf/2017-08/cr_ascenseurs_valleens_alberD 1090 tville_27_juin_2017.pdf

J’ai grandi ici, ma famille est d’ici depuis plusieurs générations, on a du monde au cimetière comme on dit. Puis dans ma vie j’ai beaucoup voyagé et je me suis posé à BSM il y a une dizaine d’année s maintenant parce que je voulais revenir chez moi, dans les montagnes, il y à toujours eu du relief où j’ai habité de toute façon. C’est important. Puis la montagne. Le rôle de la montagne, pour moi c’est… C’est ma maitresse, ma femme, ma psychologue, c’est ma nourrice et encore beaucoup de choses. Je suis ancré ici, je suis un montagnard, né ici, je suis attaché à l’élément. L’élément montagne, j’y suis hyper attaché. Et là, pour moi elle est violée. Après, j’ai passé mon enfance en été aux Chapieux à garder des chèvres avec ma famille, pour moi c’est ça la montagne estivale que les gens cherchent, c’est là-bas. Là-bas il y a l’artisanat, et là, il y a l’industrie, il y a l’usine. Pour moi la montagne des Arcs c’est Walt Disney, j’adore pour faire du ski c’est top, mais on n’y va pas pendant les vacances. Mais et c’est vrai que c’est géré comme un parc d’attraction. Pour moi ce n’est pas la montagne, c’est un parc d’attraction totalement aseptisé. Tu le vois sur ce versant c’est surexploité. De la Rosière en passant par Sainte Foy, les Arcs, la Plagne, là tu as un panorama où tout le versant est exploité ! Pourtant, moi quand je suis née la station existait déjà donc moi aussi j’ai voulu voir des télésièges partout quand j’étais petit, mais quand tu mûris tu te rends compte que l’argent facile qui arrive ça n’a pas que des avantages. Aujourd’hui même si tu gagnes de l’argent ici tu ne peux pas habiter ici tellement c’est cher. Puis l’argent ça détruit tout. J’ai décidé de démarrer le PACT à la suite du projet du Club Med de la Rosière. Le club Med des Arcs en 2018 c’était déjà l’équipement de trop, on ne l’a pas vu venir, ils ont fait ça rapidement. Alors oui, l’architecture des Arcs elle peut se discuter mais elle s’est inscrite dans son époque. Il y avait quand même une logique architecturale notamment en terme d’intégration. Là, tous les derniers bâtiments n sont pas intégrés dans le tissu urbain de la station, ni dans la nature. De toute façon, on est dans une logique économique de profit rapide à court terme, sur dix à quinze ans. Ce projet à la Rosière, je me suis dit que ce n’était pas pertinent et pour ça j’ai récolté de la matière, des données chiffrées et cela a participé à documenter l’enquête publique, même si l’opinion publique était contre, l’expert a laissé la commune décider, donc forcément que le projet a démarré. Mais aujourd’hui, avec le modèle dans lequel on est, les creux de fréquentation deviennent plus creux et les pics plus fréquentés. Donc on construit pour pallier les lits froids qui sont aussi remplis pendant les pics. Donc on a à peu près la même fréquentation mais tout est saturé pendant 5 à 6 semaines de l’hiver, c’est-à-dire les réseaux, les axes, on est en over tourisme. Ça déborde de tous les côtés pendant quelques semaines, c’est un système entier où tout est lié et construire plus ce n’est pas la solution. Il faut devenir plus résilient face aux changements qui arrivent.[...]

La Rosière Arc 1600

Fred nous alerte sur cette vision de l’équipement qui cherche à résoudre un problème en oubliant de le ramener à un système. C’est pourtant ce qui ressort de notre recherche, ce territoire est un système qu’il convient de penser à différentes échelles. On a déjà envisagé un renouvellement de la gare par rapport au centre bourg et aux stations des Arcs, il est possible de continuer cette requalification en intégrant ce pôle de mobilité dans une échelle territoriale regroupant également l’ascenseur valléen qui desservirait la Rosière (Figure 140). Les flux touristiques seraient ainsi diminués au sein de la vallée et les locaux bénéficieraient d’un transport en commun limitant l’usage de la voiture entre la Rosière et Bourg. Il

FIGURE 141 REPLACER LE PÔLE DE MOBILITÉ DE BSM DANS UNE VISION TERRITORIALE EN RELATION AVEC LES STATIONS ALENTOURS COMME LA ROSIÈRE © F. BESSOUD-C.

est bien sûr considéré que ce tracé n’est pas défini dans cette étude, cela relève d’un champ de compétences plus large prenant également en compte les caractéristiques du site (lignes électriques, habitations…). Mais il semble important d’inscrire ces intentions dans une échelle territoriales au regard des enjeux qui attendent Bourg-Saint-Maurice , et plus largement le territoire de la Tarentaise. (Figure 141)

C’est dans l’idée de mieux comprendre ce territoire que nous continuons notre route. Elle nous mène sur les balcons de ce monde d’en haut, sur les stations des Arcs qui, en cette période hivernale, débordent de vitalité.

[...] Parce que l’optique du PACT ce n’est pas d’arrêter l’activité mais c’est de rendre notre économie plus résiliente pour que nos enfants puissent aussi vivre du tourisme, du ski ou non. Les solutions seraient d’arrêter d’aller chercher cette clientèle internationale, alors on va plutôt chercher les locaux. Le tourisme de masse est hyper impactant au niveau du climat, alors que notre business est directement impacté par le climat donc on se tire une balle dans le pied. Il faut arrêter d’étendre la station, et réhabiliter l’ancien. Devenir en même temps pionnier dans la lutte contre le changement climatique qui détruit notre économie. On doit essayer de pérenniser notre usine dans une vision plus durable. Nous devrions être un domino qui fait tomber les autres. Parce qu’il faudra bien que ça bouge à un moment donné et nous, nous sommes ceux qui avons le plus intérêt à le faire. C’est hallucinant qu’ici il y ait une sorte de déni du réchauffement climatique et que ça ne bouge pas. On est en première ligne ! Regardez les chiffres de météo France ce n’est pas une histoire de déjà vu, c’est de plus en plus fréquent, regardez aujourd’hui ! Encore trois hivers comme ça et on ferme. C’est pour ça qu’il faut du changement. Et maintenant ! Les grands changements que j’aimerai bien voir c’est un changement de logique de développement des stations. Et sur la partie transport, il faut que ça se gère à l’échelle du territoire où on à la chance d’avoir une ligne SNCF qui arrive jusque ici. Donc il faut la sécuriser et l’utiliser à bon escient. Puis, sur la Tarentaise, il faudrait avoir un objectif où on sort du tout voiture sur la vallée, au moins pendant les périodes touristiques. Comment on met en place les alternatives et on met les ingrédients avec les options nécessaires ? Moi je pense aux ascenseurs valléens. Mais seulement si c’est vraiment intégré dans une logique de transport en commun à l’échelle de la vallée ça a du sens. Clairement, si les gens arrivent en train ici et monte en câble à la Rosière, oui là tu as un report modal de la voiture. Mais les projets prévus pour le moment, ce n’est pas ça. Alors que si tu ne pars pas de la gare de Bourg-Saint-Maurice c’est une erreur. Si tu fais juste partir de Séez de l’autre côté, ils vont arriver de n’importe où jusqu’à Séez en voiture et monter après en câble, ça n’a aucun intérêt et ça mettrait des parkings partout. Mais après il faut aussi que ça serve aux locaux, ça doit tourner à l’année pour permettre une meilleure liaison aux stations excentrées, comme le funi. Alors là je suis prêt à accepter ce qu’on peut appeler une dégradation de l’environnement si on réduit la pollution à grande échelle.

Fred Sansoz, rédacteur du PACT Tarentaise