9782843785962 Anne de Guigné

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Anne de Guigné

Le secret de l’enfant rebelle

Illustrations de Jacques Darnel

Le secret de l’enfant rebelle

le secret de l’enfant rebelle

Vénérable anne de Guigné 1911-1922

Illustrations de Jacques Darnel

Chapitre i

NAissANcE ET ENFANcE D’ANNE DE GuiGNé

capitale de la savoie, Annecy se trouve en bordure d’un immense lac. Là, au château de la cour, sur les hauteurs d’Annecy-le-Vieux, le 25 avril 1911, vient au monde une petite fille prénommée Anne.

son papa, Jacques de Guigné est officier de chasseurs alpins.

Antoinette, sa maman est toute heureuse d’avoir un premier enfant. Anne ne va d’ailleurs pas longtemps rester fille unique.

Mais la venue de son frère Jacques, puis de ses petites sœurs va développer son caractère extrêmement jaloux.

Elle montre tant de méchanceté à l’égard de son cadet que sa maman est presque continuellement obligée de le protéger. un matin, de toutes ses forces, elle donne un coup de pied dans la tête de Jojo (c’est le surnom de Jacques) en train de jouer sur le tapis du salon.

une autre fois elle envoie une pleine poignée de sable fin dans les yeux du garçonnet assis sur les genoux de sa mère.

Toutes ces actions rendent infiniment triste Madame de Guigné.

Anne est également gourmande, et rien ne l’arrête. capricieuse, un jour, elle a une soudaine envie de chocolat.

cachée tout en haut d’une grande vitrine de la salle à manger, la boîte de chocolat semble inaccessible.

Mais la petite est têtue et désobéissante !

Profitant d’un moment d’inattention des adultes, elle empile sans bruit de petits meubles les uns sur les autres, puis escalade le tout. Elle atteint enfin le sommet de son échafaudage quand, découverte, elle est finalement sévèrement punie.

Du haut de ses trois ans elle veut toujours commander. étant l’aînée il lui est plus facile d’exercer son autorité sur les petits !

Rien n’arrête son audace. Bien que sa maman lui ait interdit de se rendre près des ruches, cela ne l’empêche nullement d’y retourner.

un jour, et je ne vous conseille pas de l’imiter, on la voit dissimuler quelque chose dans son petit poing serré. Lorsqu’elle se décide à bien vouloir l’ouvrir apparaît une abeille. Or tout le monde sait qu’une abeille peut piquer !

une autre fois, elle gravit le mur du jardin afin de passer de l’autre côté, dans le champ situé deux mètres plus bas.

Elle glisse, c’est la chute !

Heureusement une dame, passant par là, se précipite juste à temps pour la recevoir dans ses bras. cette fois encore, Anne n’en a fait qu’à sa tête !

Vous le constatez, c’est une petite fille pleine de vie et tout sauf une enfant sage !

Chapitre ii

ANNE, MARRAiNE DE REMPLAcEMENT

L’un des premiers portraits d’Anne, à deux ans et demi, nous montre une petite fille blonde, fière et volontaire au regard presque dur. si vous allez un jour visiter sa maison à cannes, vous découvrirez sur cette photo quelque chose d’insolite.

Aux côtés de son frère Jacques, Anne pose, tenant dans la main un bouquet de tiges sans fleurs. Avez-vous déjà vu un bouquet de fleurs sans fleurs ?

Quelques instants avant d’être photographiée, en colère, Anne s’était mise à piétiner le bouquet pour ne pas avoir à l’offrir à son frère !

Elle est si rebelle, qu’au cours de la fête de Noël 1913, son grand-père, à qui elle tient tête, ne peut s’empêcher de dire : « Je plains sa pauvre mère lorsqu’elle aura vingt ans ».

Marie-Antoinette, sa dernière petite sœur, vient au monde en janvier 1915. il fait si froid, cet hiver-là, que le prêtre se déplace à la cour pour baptiser le bébé.

En raison des intempéries et des événements politiques, la marraine et le parrain ne peuvent venir assister à la cérémonie. ce jour-là, Anne remplace donc la marraine de sa petite sœur. Très fière, elle prend son rôle extrêmement au sérieux.

Trop au sérieux, car étant devenue sa marraine, elle pense avoir tous les droits sur Marie-Antoinette.

Le lendemain on trouve l’intrépide fillette perchée sur une chaise, le bébé criant entre ses bras.

sa mère a beaucoup de mal à lui faire admettre qu’un nourrisson n’est pas une poupée. Elle lui explique qu’un tout petit ne se prend pas ainsi sans permission.

Avec colère Anne réplique : « Excepté le jour de son baptême !»

son caractère impulsif se manifeste même dans les moments les meilleurs. chaque soir, la famille se rassemble pour la prière. Madame de Guigné raconte la vie des saints ou une parabole des évangiles qu’elle adapte à l’âge de ses enfants. Elle tient à leur faire découvrir déjà ce que représente la vie d’un petit chrétien ou d’une petite chrétienne.

Anne écoute avec une grande attention, elle grave dans son esprit et dans son cœur les paroles de sa maman. Elle ne fait pas de commentaires. Elle est plutôt remplie de joie d’apprendre qu’elle peut, elle, si insupportable, être toute proche de Jésus comme ces personnages extraordinaires que sont les saints.

Tous les jours, en essayant de faire de son mieux, elle commence à manifester son amour pour Dieu et pour les autres.

un événement va alors changer la vie et le cœur de la petite Anne.

LE TEMPs DE LA GuERRE ET LA MORT

Du cAPiTAiNE JAcQuEs DE GuiGNé

Les jours de bonheur sont maintenant comptés pour cette famille aussi unie.

Août 1914, la guerre est déclarée. Lieutenant de chasseurs alpins, le papa d’Anne, comme tous les officiers français est appelé à combattre.

Quelque chose change à la maison. si tendre et si joyeux d’habitude, son père devient de plus en plus triste et inquiet. il est blessé deux fois entre septembre et décembre 1914.

Revenu à la cour pour se soigner, terriblement amaigri, Anne et Jojo ne le reconnaissent qu’à sa voix.

Apportant ses béquilles dès qu’il en a besoin, Anne trouve mille services à lui rendre. L’enfant fait tout pour rester à ses côtés. Elle l’aime profondément. Elle commence à sentir son héroïsme, sans le comprendre encore tout à fait. sa tendresse à l’égard de sa famille grandit de plus en plus.

comme un rayon de soleil, la naissance de Marie-Antoinette arrive en janvier 1915. Le papa, qui rejoint son régiment à chambéry, passe rapidement voir toutela famille, le 8 février, à la cour. il découvre donc sa dernière fille Marie-Antoinette alors âgée d’un mois.

Les enfants sont fiers de leur père qui vient d’être nommé capitaine. il reçoit en même temps une décoration pour son courage : la prestigieuse Légion d’Honneur.

Anne devient de plus en plus serviable. A cette époque, elle prend l’habitude de faire ce qu’elle appelle « ses petits sacrifices » pour son papa. Elle prie aussi à cette intention. Elle sent combien parler à Dieu est important.

Quelques semaines plus tard, son père est blessé une nouvelle fois, en Alsace où les combats font rage. c’est si grave qu’il est hospitalisé à Lyon pour y être opéré. Après un bref séjour à la cour afin de se rétablir, le 3 mai 1915, il repart pour la quatrième fois.

Anne devine que cette nouvelle séparation est un déchirement pour son papa.

Maintenant, le voici engagé dans de terribles combats où Français et Allemands s’affrontent face à face dans les hautes forêts des Vosges, entre le lac Blanc et le lac Noir.

Pendant un trop court moment d’accalmie, il griffonne sur une petite carte postale militaire : « Je bénis Anne, Jacques, Madeleine et Marie-

Antoinette. »

c’est son dernier courrier.

Le capitaine Jacques de Guigné est tué au cours de l’assaut de la crête du Linge en Alsace, le 22 juillet 1915.

comme tant d’autres à cette époque, il aura fait le sacrifice de sa vie pour son pays.

un des sergents, rescapé, témoigne en sanglotant : « Le capitaine de Guigné, par son exemple, sa bonté, sa justice, son dévouement à la cause de la patrie, force l’admiration, le respect, l’amitié de ses hommes. »

une semaine plus tard, Madame de Guigné apprend la terrible nouvelle.

à l’écart, Anne joue sous la charmille avec Jojo. Elle sent bien que les grandes personnes parlent de choses tristes.

De temps en temps, elle regarde sa maman. Voyant ses yeux brillants de larmes, elle a tout deviné. Elle laisse son jeu, va vers elle en pleurant et lui dit : « Maman, Papa est au ciel, il est heureux. »

«ANNE si Tu VEux ME cONsOLER, iL FAuT êTRE BONNE »

Madame de Guigné se retrouve maintenant seule avec Anne, Jacques, Madeleine et le bébé Marie-Antoinette.

Anne comprend que le chagrin de sa maman est très grand.

Elle se met à pleurer en l’embrassant. Alors avec beaucoup de douceur, sa mère lui explique la cause de ses larmes, puis elle ajoute : « si tu veux me consoler, il faut être bonne. »

Décisive, cette parole transforme le cœur de l’enfant.

Désormais, une tendresse et une attention délicates vont adoucir la douleur maternelle.

Anne cherche de plus en plus à être proche de sa maman, lui tenir compagnie, à la consoler. La petite a maintenant quatre ans et trois mois.

Au cours de la messe célébrée à l’intention de son père,

Anne suit l’office sur un livre d’images, elle ne sait pas encore lire. Elle observe les gestes du prêtre et cherche à retrouver ses attitudes dans son petit recueil.

Après la cérémonie, sa tante Jeanne qui l’accompagne lui dit :

– N’as-tu pas trouvé que c’était un peu long ?

– Oh ! non, ma tante, je cause avec le petit Jésus.

sa tante voit Anne fixer constamment le tabernacle, sa maman lui a souvent parlé de Jésus-Hostie.

Anne sait qu’il est réellement là, présent près d’elle et en elle, et elle prie. Elle « cause », cela veut dire qu’elle parle à Jésus, simplement, mais aussi qu’elle fait silence dans son cœur, pour L’écouter.

Juste avant l’hiver, en novembre 1915, toute la famille s’installe à cannes à la villa saint-Benoît.

Anne, maintenant, apprend à lire et à écrire. Très vite son institutrice, Mademoiselle Basset, s’aperçoit qu’elle est une petite élève hors du commun. A la vivacité de son intelligence s’ajoutent une immense bonté et une grande douceur.

Mademoiselle Basset croit Anne née dotée d’une bonne nature.

Après avoir parlé d’elle avec Madame de Guigné, l’institutrice découvre que la Chapitre iV

mort de son père – dans son héroïque sacrifice – l’a totalement changée.

En voulant « faire comme papa », elle laisse grandir au plus profond de son être son secret : « pourvu que le petit Jésus soit content ».

Dans son désir de plaire à Jésus, Anne est prête à s’oublier elle-même. Elle est pourtant une petite fille de cinq ans comme les autres avec tous ses jouets et ses désirs.

un jour, Madame de Guigné reçoit par la poste des pyjamas. Pour se rendre compte de leurs tailles, les enfants les enfilent et, ainsi accoutrés, se mettent à jouer au jeu du « kangourou ». On sautille au lieu de marcher et on s’amuse beaucoup ! Mais il n’y a que trois pyjamas. Anne fait bien vite son « sacrifice »: sans rien dire et sans se plaindre, la fillette laisse les autres jouer et prendre même part au plaisir de Jojo et de MarieAntoinette.

Tout le monde remarque chez elle sa volonté persévérante de devenir bonne. son secret : l’amour pour Jésus et la fidélité à la prière.

Vers cinq ans encore, Anne découvre que la prière du « Gloire au Père » est une prière parfaite :

« Gloire au Père et au Fils et au saintEsprit, comme il était au commencement, maintenant et toujours pour les siècles des siècles. Amen »

Elle l’apprend par cœur pour réciter des chapelets de « Gloire au Père » en se promenant dans le jardin.

un soir, Anne demande simplement à sa mère : « Quand irai-je voir papa ?» Depuis la mort de son père et son départ pour le ciel, le paradis devient pour l’enfant quelque chose de vrai. Elle est certaine que nous sommes faits pour l’éternité.

Encore une fois, c’est à Annecy que se passe l’été 1916, là où l’absence du capitaine de Guigné se fait encore plus sentir.

Anne s’aperçoit que son grand-père paternel est tout triste. Lui, il a perdu son fils. Alors, la petite quitte ses jeux en disant : « Grand-père est seul, je vais un peu avec lui ».

Anne de Guigné

L’histoire d’une petite fille comme toutes les autres petites filles... avec certes plus de caprices et de colères, mais aussi plus de sacrifices pour s’élever vers la sainteté.

Une vie trop courte mais débordante d’amour : le Pape Jean-Paul II a tenu à en faire un exemple pour tous les jeunes enfants.

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