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LA GUERRE DE TROIE

LE MARIAGE DE THÉTIS ET PÉLÉE

C’est l’effervescence sur le mont

Pélion, en Thessalie : tous les dieux se préparent au mariage d’un mortel, le roi de Phthie, Pélée, et d’une immortelle, la Néréide Thétis. Dans l’ombre, une déesse enrage de n’avoir pas reçu d’invitation. Elle rumine sa vengeance. Bientôt, elle provoquera une violente dispute entre trois déesses et mènera les mortels au plus grand conflit jamais engagé : la guerre de Troie. Mais avant, il faut raconter comment ce mariage étonnant a pu avoir lieu.

Un oracle menaçant

Thétis est une divinité marine et doit épouser un homme de son rang. Zeus, le roi des dieux, et son frère Poséidon, qui règne sur les mers et les océans, se disputent ses faveurs. Pour se départager, ils demandent à une divinité qui connaît l’art de la divination de leur dévoiler l’avenir. Pour certains auteurs, c’est la Titanide Thémis, pour d’autres, c’est son neveu Prométhée, qui annonce que le fils qu’aura Thétis sera plus puissant que son père. Effrayés, les dieux renoncent à épouser la Néréide et décident de la donner en mariage à un mortel.

Statue de Thémis de Rhamnonte (300 avant J.-C.). Deuxième épouse de Zeus après Métis et avant Héra, Thémis a régné un temps sur le sanctuaire de Delphes et a enseigné la divination à Apollon.

Une leçon de séduction

Chiron, le centaure savant, pousse son protégé Pélée à demander la main de Thétis. Mais la jeune femme ne l’entend pas ainsi ! Elle, se marier avec un mortel ? Jamais ! Pour échapper à ses baisers, elle utilise le don qu’ont toutes les Néréides et se transforme successivement en feu, eau, vent, arbre, oiseau, tigre, lion, serpent et, finalement, en seiche. Conseillé habilement par Chiron, Pélée la tient fermement dans ses bras jusqu’à ce qu’elle capitule et reprenne forme humaine. Le mariage va pouvoir avoir lieu !

Pélikè (amphore à panse évasée vers le bas) attique à figures rouges (Ve siècle avant J.-C.) : Pélée maintient fermement Thétis qui, fatiguée de ses métamorphoses, lève les bras en signe de reddition.

Qui est la plus belle ?

À cet instant, toutes les déesses se ruent sur le bel objet doré, mais aucune ne ressort victorieuse. Elles sont trois encore en lice quand le tumulte est passé : Héra, la protectrice des mariages, Athéna, la déesse de la stratégie guerrière, et Aphrodite, la déesse de l’amour et de la beauté. Il leur faut un arbitre pour les départager et ce ne peut être que le roi des dieux !

Une invitée surprise

Tandis que les dieux se régalent au banquet de mariage de Thétis et Pélée, les mariés ouvrent leurs cadeaux : Chiron fait présent d’une magnifique lance de frêne et Poséidon offre deux chevaux immortels doués de la parole, Balios et Xanthos. C’est ce moment que choisit la déesse de la discorde, Éris, ulcérée de n’avoir pas été invitée aux noces, pour faire une entrée fracassante. Devant les hôtes stupéfaits, elle lance une pomme d’or du jardin des Hespérides sur laquelle est écrit « À la plus belle ».

Conflit d’intérêt

Zeus est très gêné : il ne peut pas décider à qui donner la pomme. Héra est sa femme (et sa sœur) et les deux autres sont ses filles ! S’il offrait le fruit doré à l’une des trois, il serait en conflit avec les deux autres, et cela pour l’éternité ! Le roi des dieux décide de laisser Pâris, un jeune berger fils de roi, rendre le jugement. Hermès, le messager des dieux, accompagne les trois déesses sur le mont Ida pour savoir qui des trois est la plus belle.

Médaillon d’une coupe attique à figures noires (VIe siècle avant J.-C.) représentant Éris ailée.
Fresque de Pompéi représentant Pâris entouré de ses animaux sur le mont Ida.
Le Mariage de Thétis et Pélée Jacob Jordaens (vers 1636).

LE JUGEMENT DE PÂRIS

Pâris, qui croit se nommer Alexandre à ce moment de l’histoire, est connu pour être un expert en beauté.

Lui-même est très charmant et a d’ailleurs séduit une nymphe avec laquelle il vit, Œnone. Les déesses en conflit sont prêtes à tout pour remporter le prix, la pomme d’or, et le titre qui va avec. Elles élaborent une stratégie. Qui Pâris choisira-t-il et quelles conséquences cette décision aura-t-elle ?

De divins présents

Une demande étonnante

Dès que Pâris est remis de ces apparitions divines en plein cœur de la forêt, il avoue, gêné, être incapable de départager les déesses : elles sont toutes les trois magnifiques. Néanmoins, si elles se mettaient nues, il pourrait fixer son choix. Quel coquin ce Pâris ! Aphrodite est ravie de se dévêtir, car elle sait que son corps est le plus beau. Héra et Athéna, plus pudiques, enlèvent leurs vêtements de mauvaise grâce. Malgré tout, Pâris n’arrive pas à se décider.

Pâris et Œnone détail d’un sarcophage romain (IIe siècle).

Les déesses lui proposent alors de magnifiques présents : Héra s’engage à faire de Pâris le très riche souverain d’un grand empire, Athéna lui promet qu’il gagnera toutes les guerres qu’il entreprendra et Aphrodite lui garantit l’amour de la plus belle femme du monde, Hélène de Sparte. Pâris n’hésite pas longtemps et choisit d’offrir la pomme d’or et le titre de beauté à la déesse de l’amour. Les deux autres divinités, vexées, jurent qu’elles se vengeront de cet affront.

Le Jugement de Pâris, Pierre Paul Rubens (vers 1638). Aphrodite, au centre, est plus à l’aise avec sa nudité qu’Athéna, qui reste voilée, et qu’Héra, qui se montre de dos.

Coup de foudre à Sparte !

Quand Pâris reprend sa place parmi les siens, Priam lui donne pour mission d’aller signer un traité de paix avec Ménélas, le roi de Sparte. Selon les versions, Œnone, sa femme, ou Hélénos, son frère prophète, tente de l’empêcher d’entreprendre ce voyage, en vain. Au moment où le prince troyen croise le regard d’Hélène, c’est le coup de foudre. Malheureusement, la plus belle femme du monde est mariée au roi Ménélas.

ALEXANDRE, BERGER…

Alors que sa mère, la reine Hécube, est enceinte de son deuxième enfant, elle fait un songe effrayant : elle accouche d’une torche qui met le feu à toute la cité et aux forêts alentour. Les devins sont unanimes : l’enfant qui naîtra causera la perte de Troie. Il doit donc mourir. Le roi Priam ne peut se résoudre à faire tuer son enfant et donne l’ordre de l’abandonner sur le mont Ida. Le bébé est d’abord nourri par une ourse avant d’être retrouvé par un berger qui décide de l’appeler Alexandre et de l’élever comme son fils.

… EN RÉALITÉ PÂRIS, FILS DE ROI

Un départ précipité

Peu après l’arrivée de Pâris, Ménélas apprend la mort de son grand-père et quitte Sparte pour se rendre aux funérailles. Les récits ne disent pas si la mort est naturelle, mais rien n’exclut que ce soit l’œuvre d’Aphrodite. Avant de partir, Ménélas recommande à Hélène de bien s’occuper de leur hôte. La jeune femme est ravie d’obéir à cet ordre et finit par s’enfuir avec le prince de Troie. Non seulement le traité de paix n’a pas été signé, mais cet événement va déclencher la plus grande guerre jamais connue jusqu’à présent.

L’Enlèvement d’Hélène Gavin Hamilton (vers 1782).

Tous les ans, en l’honneur de leur fils disparu, le roi et la reine de Troie organisent des jeux funèbres. Un jour, les serviteurs de Priam viennent prendre le taureau préféré d’Alexandre : il sera le prix donné au vainqueur des jeux. Le jeune berger décide de participer et il remporte toutes les épreuves. Ses concurrents irrités, en réalité ses frères, le provoquent en duel. Cassandre, sa petite sœur prophétesse, intervient et dévoile sa véritable identité. Alexandre retrouve sa place de prince et reprend son prénom de naissance, Pâris.

La Nuit (Le Rêve), peinture montrant Hécube en train de dormir, Battista Dossi (1544).
Vénus présentant Hélène à Pâris
Gavin Hamilton (1777-1780).

LA PRÉPARATION DE L’ARMÉE GRECQUE

Pâris et Hélène, les nouveaux amoureux, vont trouver refuge à Troie, la patrie du jeune prince. Cette cité est une des plus importantes de la Méditerranée et est réputée imprenable grâce à ses remparts. Il faudra donc plus qu’un mari en colère pour reprendre la plus belle femme du monde.

Ménélas en est bien conscient et va donc s’adresser au seul homme qui peut l’aider, son frère Agamemnon.

Les lamentations de Ménélas

Même s’il est roi de Sparte, Ménélas ne peut, à lui tout seul, lever une armée et partir reconquérir sa femme. Il se jette alors aux pieds de son frère Agamemnon, le puissant roi de Mycènes. Les deux hommes sont du même sang et sont également liés par leurs épouses. En effet, Hélène et Clytemnestre sont sœurs, demi-sœurs en fait car Zeus, qui est connu pour ses nombreuses conquêtes, est le père de la reine spartiate. Agamemnon se moque éperdument de sa belle-sœur Hélène, mais il rêve depuis toujours de raser Troie et d’acquérir la gloire éternelle.

DES NAISSANCES ÉTONNANTES

À Sparte vit le roi Tyndare avec sa femme Léda et leurs enfants Clytemnestre, Hélène, Castor et Pollux. Cependant, on raconte qu’Hélène et Pollux sont en réalité nés des amours de Zeus et de Léda. Métamorphosé en un cygne blanc, le roi des dieux séduit la jeune reine, qui s’unit la même nuit avec Tyndare également. Elle accouche ensuite de deux œufs : l’un contenant Clytemnestre et Castor, enfants du mortel, l’autre Hélène et Pollux, progéniture de Zeus. Une autre version donne Hélène fille de Zeus et de la déesse Némésis. Pour échapper à l’étreinte du dieu, elle se métamorphose en oie, en vain. Zeus se change alors en cygne et s’unit à elle. Un œuf est ensuite pondu puis abandonné par Némésis. Découvert par un berger, il est apporté à Léda qui le conserve précieusement jusqu’à son éclosion. Elle trouve la petite fille qui en sort tellement belle qu’elle la fait passer pour sa propre enfant.

Pélikè italiote à figures rouges (IVe siècle avant J.-C.) représentant la naissance d’Hélène, au centre, sous les yeux de sa mère Léda, à gauche.

Ménélas demande de l’aide à son frère Agamemnon.

Le serment

des prétendants

Agamemnon rappelle à son frère la promesse qui lui a été faite avant qu’il ne soit choisi comme mari par Hélène. Celle-ci a alors de très nombreux prétendants et Ulysse, qui en fait partie, fait remarquer à Tyndare, le père mortel d’Hélène, qu’en choisir un seul risquerait de froisser les autres hommes, tous des chefs de cités importantes. Il propose donc que tous les prétendants prêtent serment et assurent leur alliance au futur mari d’Hélène. Grâce à ce judicieux conseil, Ulysse obtient la main de la cousine d’Hélène, Pénélope. Tous les chefs des cités, fidèles au serment qu’ils ont prêté, se rassemblent rapidement. Tous, sauf deux : Ulysse et Achille.

Quand Ulysse feint la folie

Ulysse, le roi d’Ithaque, désormais père de famille, tente d’échapper à sa promesse : il ne veut quitter ni Pénélope ni son jeune fils Télémaque. Quand Ménélas et Palamède viennent le chercher, l’homme aux mille ruses simule la folie en labourant son champ et en semant du sel au lieu de grains. Palamède soupçonne une ruse et place Télémaque devant la charrue. Ulysse s’arrête immédiatement et, la mort dans l’âme, quitte sa famille.

Ulysse

par Palamède,

Quand Achille devient Pyrrha

le

Thétis, qui sait que son fils Achille mourra à Troie, décide de le cacher. Elle l’envoie déguisé en femme à la cour de Lycomède, le roi de Scyros. Achille, désormais appelé Pyrrha, partage le quotidien des filles du roi jusqu’au jour où Ulysse, qui a eu vent de la supercherie du héros, se rend à Scyros, lui-même déguisé en marchand. Quand il propose ses produits aux jeunes femmes, toutes se précipitent sur les bijoux. Mais Achille est confondu en s’extasiant devant des armes que l’astucieux Ulysse a pris soin de mêler aux bracelets et colliers.

Ulysse et Achille à la cour de Lycomède, Jean-Baptiste Carpeaux (1854). Ulysse reconnaît Achille déguisé en femme !

labourant
rivage, Heywood Hardy (1874). Confondu
Ulysse s’en vengera à Troie en faisant croire que le guerrier est un espion à la solde de Priam.

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