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CRIME À LA TOUR EIFFEL

SA U RAS-TU DÉMASQUER LE COUPABLE?

CRIME À LA TOUR EIFFEL

CRIME À LA TOUR EIFFEL

PROLOGUE

Un assassin dans la foule !

La gracieuse silhouette de la grande dame de fer est visible de très loin. Elle domine tout Paris et les bois des alentours du haut de ses trois cents mètres et des poussières. Dès que j’en aperçois la pointe, je sens mon cœur battre plus vite qu’à l’ordinaire. Enfin, le jour de la visite tant attendue est arrivé !

Quelle joie… Et surtout, quels efforts j’ai dû déployer pour convaincre mon père d’autoriser cette escapade !

M. Beaugency considère qu’une demoiselle ne devrait pas s’aventurer de la sorte dans les rues de la capitale. « Cela n’est guère convenable, Herminie », me répète-t-il sans cesse. Il me faudrait un chaperon, une de ces vieilles femmes très dignes dont le rôle consiste à surveiller celles qu’elles accompagnent dans le monde. Mais pas de ça pour moi, ah non !

À quinze ans, je ne suis plus une enfant. Tant pis si mes parents me voient encore comme telle. Je ne porte plus de rubans dans mes tresses blondes depuis longtemps et je couds moi-même mes robes sur le modèle des élégantes toilettes exposées dans les devantures des boutiques pour dames. J’ai aussi remplacé mes jouets par des instruments de dessin et mes recueils de contes par des romans de Jules Verne ainsi que par des ouvrages dédiés aux grandes inventions et découvertes récentes, comme l’électricité.

J’ai un rêve : celui de rivaliser un jour avec ceux qui construisent l’avenir —  des hommes, essentiellement. Et prouver à tous ces messieurs qu’une femme peut y parvenir !

J’ai quand même fini par convaincre mon père, plus réticent que ma mère et, surtout, le maître de maison, de me donner sa permission. Pour cela, pendant des semaines, je lui ai rappelé mon admiration pour Gustave Eiffel ainsi que pour les ingénieurs et les bâtisseurs de manière générale. Sans oser lui avouer que j’ambitionne de suivre leur voie. Mais je me le suis juré : tôt ou tard je concevrai des monuments, ou des machines, je ne sais pas encore très bien…

En tout cas, je me fiche que ça ne soit pas une carrière pour une fille, comme on me le serine quand je m’en ouvre à mes camarades. Un siècle nouveau approche à grands pas, il serait bien temps de changer les vieilles traditions stupides !

Il est bientôt midi lorsque j’arrive à ma destination, le souffle coupé par le gigantisme de la tour vue de si près. Quelle merveille ! L’assemblage des poutres en acier donne l’impression de pouvoir s’élancer jusqu’au ciel. On dirait un immense doigt pointé sur le coton des nuages, comme pour les menacer et leur dire : « Eh, vous là-haut, circulez, plus vite que ça ! »

Je ne suis évidemment pas seule, loin de là. Une foule très dense se presse aux entrées de l’Exposition universelle, dont la tour de M. Eiffel est la vedette incontestable. Depuis le mois de mai, les gens se déplacent par millions pour venir l’admirer et déambuler dans les pavillons du monde entier. Cette Exposition, c’est vraiment l’événement de cette année 1889, de la décennie, voire du siècle…

Bon, là, j’exagère un brin. Mais c’est quand même la plus incroyable des fêtes du progrès, la plus vaste des foires aux nouveautés que l’on puisse imaginer. De plus, cette exposition-là est très particulière.

Elle n’est pas la première, il y en a déjà eu neuf avant elle, partout sur la planète, depuis celle de Londres en 1851. Toutefois, 1889 n’est pas une date comme une autre. C’est le centenaire de la Révolution et, pour la France, cela compte énormément.

Pour l’occasion, les différents palais créés tout spécialement ont investi un vaste territoire, du Champ-de-Mars aux Invalides

en passant par le Trocadéro. Toutes les nations ou presque sont représentées. Seules les monarchies d’Europe ont refusé l’invitation en raison du thème de cette année. La Révolution, en effet, effraie logiquement les têtes couronnées !

Je paie mon ticket à un kiosquier du Trocadéro — un franc par personne aux heures ordinaires, ça n’est vraiment pas cher !

Munie du précieux sésame, je joue des coudes pour accéder à l’entrée la plus proche. « Pardon monsieur, désolée madame ! »

Je me faufile avec agilité entre les couples bras dessus, bras dessous, les familles aux nombreux marmots, les promeneurs solitaires. Bon sang, ce qu’ils sont lents!

Enfin, j’y suis ! Mes pas me dirigent tout droit entre les quatre jambes arquées de la tour Eiffel, plantée dans le prolongement du Champ-de-Mars. Inutile d’y réfléchir davantage, c’est avec la dame de fer que commencera cette magnifique journée de septembre. Comme j’ai hâte de grimper jusqu’à son sommet…

Plus exactement, jusqu’à son troisième étage. Ferai-je l’ascension à pied par l’escalier en colimaçon qui y grimpe tout droit ou emprunterai-je les ascenseurs ? Cela mérite réflexion. Je ne veux pas trop vite m’épuiser, car après cela, il n’y a pas loin de cent hectares à visiter !

Un grand bassin circulaire et une fontaine occupent l’espace ombragé entre les pieds de la tour. De nombreux badauds déam-

bulent autour des jets d’eau et des statues de personnages à moitié nus qui symbolisent les cinq parties du monde.

Un attroupement attire mon attention. Un curieux énergumène se balade sans passer inaperçu dans sa tenue de cow-boy, avec sa veste à franges, son large chapeau Stetson, ses hautes bottes et ses pistolets à la ceinture.

Buffalo Bill ! Quel tohu-bohu à son apparition ! Tout le monde n’a plus d’yeux que pour lui…

Le fameux chasseur de bisons est aujourd’hui directeur d’une troupe de théâtre rejouant le spectacle de la conquête de l’Ouest, en tournée européenne. Il faudra évidemment que j’aille voir ça ! Il paraît que William Frederick Cody (de son vrai nom) est un showman d’exception.

Mais un autre individu, plus discret dans sa redingote, passe alors sous mon nez et me fait aussitôt oublier l’Américain.

Gustave Eiffel en personne !

Je le reconnais sans peine. J’ai vu son portrait dans beaucoup de journaux. Coiffé d’un haut-de-forme, l’ingénieur avance à grandes enjambées, l’air pressé.

Intriguée, je décide de le suivre. Peut-être pourrai-je l’aborder, lui demander conseil pour concrétiser mes ambitions ?

Quelles études poursuivre ? Quelle école d’ingénieur accepterait sur ses bancs une demoiselle très motivée ?

On prétend qu’Eiffel est un homme très ouvert sur la modernité. Ce genre d’idée ne doit donc pas l’effrayer, au contraire des hommes de sa génération —  il n’a pas loin de soixante ans.

Tandis que j’approche de l’industriel, mon cœur bat la chamade. Les gens qui aperçoivent Eiffel le montrent d’un geste, admiratifs ou moqueurs. Il est vrai que sa tour ne manque pas de détracteurs. Beaucoup la considèrent comme une horreur et attendent avec impatience qu’on la démonte.

Gustave Eiffel ignore les remarques qu’on lui lance. Il fend la foule avec autorité jusqu’au bassin, où l’attend un visiteur vêtu d’un audacieux costume jaune moutarde, un journal replié à la main.

Un mince sourire s’affiche sur le visage de ce dernier quand Eiffel arrive à sa hauteur. Ils se saluent comme deux amis ravis de se retrouver. Mais je remarque la mine soucieuse de l’homme en jaune, moins âgé que l’ingénieur. Il examine les gens autour d’eux d’un œil inquiet.

Peut-être un accès de timidité, pensé-je en découvrant non loin un photographe sur le point de prendre un cliché des statues de la fontaine. Ce qui me fait penser, d’ailleurs, que l’ami de l’ingénieur est peut-être journaliste. En tout cas, il s’intéresse au contenu de la presse, car le voilà qui déplie son canard1 sous le nez de Gustave Eiffel. Celui-ci lui attrape un bras et ils se mettent

1. Synonyme de journal.

en marche autour du bassin, discutant à voix basse. Il serait malpoli de les interrompre, d’autant que ça a l’air sérieux !

Tant pis, je tenterai d’aborder le concepteur de la tour un peu plus tard, après la conversation.

En attendant, je flâne dans les environs. Pour tuer le temps, j’observe les visiteurs venus, comme moi, admirer la dame de fer.

L’un d’eux s’agite devant le pilier sud, haranguant celles et ceux qui en empruntent l’escalier. Maigre et la tignasse éclatée, il a le teint aussi pâle qu’un revenant. Dans son accoutrement plein de trous et de morceaux de tissus variés, il paraît à la fois comique et inquiétant. Sur son manteau, il porte un tablier de cuisinier, et je reconnais, brodé dessus, le nom d’un des restaurants du premier étage de la tour. Soudain, il se met à hurler d’une voix éraillée :

— Ne montez pas là-haut ! Cet objet ridicule défigure Paris ! C’est une honte vraiment ! Une abomination ! Honte à celui qui l’a construit !

La plupart des visiteurs l’ignorent, ce qui le rend plus furieux encore. Arborant une pose menaçante, les bras écartés, il ressemble à un épouvantail arraché de son champ et venu effrayer les Parisiens plutôt que les corbeaux.

Je ne savais pas qu’il restait des anti-tour aussi virulents. Je me souviens d’une protestation d’artistes éminents, parue dans le journal Le Temps, deux ans plus tôt. Parmi les signataires

figuraient Guy de Maupassant, Alexandre Dumas, le poète François Coppée et le compositeur Charles Gounod, ainsi que Charles Garnier, l’architecte de l’opéra — rien que des célébrités !

Je me détourne de l’excité et reprends ma promenade. Je croise alors une autre sorte de personnage qui me glace lui aussi le sang. Brandissant un fusil, une ceinture chargée de cartouches autour de la taille, un garçon guère plus âgé que moi transporte un panneau vantant les mérites de la galerie de la Chasse, Pêche et Cueillette.

Amateurs de sport et d’aventure, venez découvrir nos armes nouvelles, redoutablement précises et puissantes, peut-on lire d’un côté de l’affiche ; et de l’autre : Ours, lions, éléphants, crocodiles, etc.Toutes les bêtes sauvages vous feront de magnifiques trophées, grâce aux fusils & carabines Renaud, père et fils.

Je ne peux m’empêcher de frissonner à l’idée qu’on prenne plaisir à tuer un animal sous un prétexte sportif. Quelle cruauté ! Mais de nombreux visiteurs semblent apprécier et écoutent le discours du garçon déguisé en chasseur. En l’observant de plus près, je remarque le soin macabre apporté à sa panoplie. Il porte même un fouet enroulé à la ceinture, ainsi qu’un poignard et un étui contenant un revolver. Je frissonne en me demandant quel usage il peut en faire. Mais pas question de le laisser me gâcher le plaisir de cette journée !

Je repars d’un pas décidé quand un violent éclat de voix m’arrête. Que se passe-t-il donc, maintenant ?

Une bousculade a lieu là où se trouvent Eiffel et son ami. Je vois tanguer le haut-de-forme de Gustave Eiffel par-dessus les autres chapeaux. Il est pris à partie par un homme imposant, les joues couvertes de longs poils dessinant des favoris en forme de côtelettes. Un monsieur à l’air digne, pourtant, richement vêtu ; peut-être un industriel venu chercher la bonne affaire auprès des exposants. Des cris s’élèvent aux alentours. Impossible de comprendre ce qui se dit, mais cela semble violent !

L’altercation attire le public. La situation devient de plus en plus confuse. En me hissant sur la pointe des pieds, je distingue quelques détails par-dessus une marée d’épaules.

Une main gantée de blanc frappe soudain le compagnon d’Eiffel en pleine poitrine. Et celui-ci bascule dans les eaux de la fontaine !

Alors de nouveaux cris s’élèvent, plus stridents, et un hurlement d’effroi, poussé par une gorge féminine, dirait-on. Je redouble d’efforts pour me frayer un chemin dans la masse des corps rassemblés autour du bassin.

Un coup d’œil sur la fontaine me renseigne rapidement.

L’ami de Gustave Eiffel flotte à la surface, sur le dos, immobile, les bras en croix.

Il a une tache rouge au milieu du torse.

PAR OÙ COMMENCER?

Quel mystère !

Qui a tué l’ami de Gustave Eiffel, et pour quelle raison ?

Et s’il s’agissait de l’énergumène qui déteste la tour ? Je l’ai vu filer à toute vitesse vers le restaurant du premier étage de la tour (page 21), avant l’arrivée de la police !

Et si j’allais directement voir le célèbre inventeur, au troisième étage de la tour, dans son cabinet (page 31) ? Il pourra me parler de la victime !

Ou l’industriel qui s’est disputé avec Gustave Eiffel ? Il doit être reparti vers la galerie des Machines (page 59).

Je pourrais aussi retrouver le garçon déguisé en chasseur et lourdement armé. Direction, le galerie de la Chasse, Pêche et Cueillette (page 71) !

Ou, le Wild West Show (page 45)…

Car Buffalo Bill aussi était présent et armé !

Reporte-toi au plan de l’Exposition universelle et aide-moi à décider dans quel ordre opérer cette investigation…

Un crime. Cinq lieux. Cinq chapitres. Des indices à collecter... Et un coupable à débusquer.

Paris, 1889. L’Exposition universelle débute. Parmi toutes les inventions révélées au monde : la tour Eiffel !

Soudain, une altercation attire mon attention et… un homme s’effondre.

Sur sa poitrine, une tache rouge s’étend.

La victime n’est autre qu’un journaliste et ami du grand M. Gustave Eiffel !

Qui a fait le coup ? Un rival du célèbre ingénieur ? Un industriel ? Un autre journaliste ?

Buffalo Bill ou Annie Oackley, deux tireurs d’élite venus faire le show ? Vite, il faut enquêter !

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