Prières au fil des saisons

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BÉNÉDICTE DE SAINT - GERMAIN

PRIÈRES

AU FIL

DES S A I S ONS

TISSER LE TEMPS

Nous n’avons pas trop peu de temps, mais nous en perdons beaucoup.

Sénèque1

Comme les fils de chaîne fixés sur un métier à tisser, plusieurs horloges règlent notre vie : le fil des jours calendaires, le rythme des saisons, le calendrier liturgique, le temps de la vie de chacun… Le calendrier grégorien, calé sur la course du soleil, nous accompagne du 1er janvier au 31 décembre. Chacun s’y inscrit en naissant et en mourant à des dates qu’il ne choisit pas.

Le rythme des saisons, quant à lui, marque la position de la terre par rapport au soleil. Ainsi, à la même époque, la température et les précipitations varient d’une région, d’un pays, d’un continent à l’autre. Difficile d’en faire abstraction tant nos corps y sont sensibles.

1. Sénèque, De la brièveté de la vie, I, 3.

Ne nous sentons-nous pas pleins d’énergie l’été et un peu ralentis au creux de l’hiver ?

Toutes les religions ont leur propre temps, alternant le plus souvent des périodes de jeûne et de fête. Ainsi, le calendrier liturgique des catholiques sème les fêtes des saints, de la Vierge et du Christ sur un tapis à quatre quartiers : le temps ordinaire, le carême, le temps pascal et l’Avent.

Quant au temps de notre vie, c’est celui de l’âge que l’on prend inexorablement et qui imprime nos corps. Temps de la jeunesse et de la croissance, temps de la maturité et de la force, temps de la vieillesse et de la sagesse.

Nos vies s’insèrent dans la succession des jours, le déroulement des saisons, les fêtes qui s’égrènent, les événements infimes ou lourds qui nous affectent, la vie de famille ou de la communauté, la course du monde… Chaque jour est un point de la tapisserie que nous tramons, de la naissance jusqu’à la mort. Et pas une seule vie n’est semblable à une autre.

Depuis que le temps existe, chaque jour est une promesse, un avenir à lui tout seul, une nouveauté, pourvu que nous en prenions conscience, que nous décidions de le vivre et non pas de le subir en le dévorant comme des ogres insatiables. C’est si facile aujourd’hui : que l’on se noie dans les activités, les écrans ou les pensées, le temps coule entre nos doigts au risque de nous laisser vides, creux « comme des cymbales retentissantes2 »

Comment tramer notre vie sur ces données de temps que nous n’avons pas choisies ? « Le temps ne trahit pas : ne le trahissons pas, écrivait le père Sertillanges, un grand maître en vie intérieure3 . Le temps veut la mesure, étant lui déjà une mesure intérieure des choses. Le temps veut le sérieux et la profondeur, étant, de sa nature, une ondulation de surface, dont le dessous est la substance immuable des choses, et dont l’arrière-fond est l’Être éternel. » Comme le psalmiste, nous pouvons demander au

2. Cf. 1 Co 13, 1.

3. A.-D. Sertillanges, Recueillement, Aubier-Montaigne, 1935.

Seigneur de nous apprendre « la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse4 ».

Le seul moyen d’être dans le temps est de cueillir l’instant, et de l’habiter en étant ici et pas ailleurs, en faisant ce que nous avons à faire. C’est là que le Seigneur nous attend et qu’il étanche de son amour notre soif originelle. «  Celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif5 », dit-il à cette femme de Samarie venue puiser de l’eau au mitan du jour. Le puits est dans notre cœur, et nous devons y puiser.

Le père Sertillanges conseille chaque jour de « réinventer son existence et [d’] en découvrir le secret. » Il s’agit de rentrer en soi-même pour y retrouver le but et le sens de notre vie, c’est-àdire d’accueillir l’amour pour aimer, faire le bien et se donner toujours davantage.

4. Ps 89, 12. 5. Jn 4, 14.

Aimer : voilà la véritable matière des fils de trame dont nous tissons la tapisserie de nos vies. Peut-être n’en voyons-nous que les nœuds, les fils plus ou moins solides qui sont autant d’accidents de parcours. Mais quand le dernier rang s’achèvera au soir de notre vie, le Seigneur retournera l’ouvrage. Notre vie apparaîtra alors dans tout son éclat, une tenture unique tissée par chacun avec le temps qui lui fut donné.

Puissent les prières et les textes de ce petit livre vous accompagner au fil des saisons, tout au long de l’année.

L’HIVER

Si toute vie va inévitablement

vers sa fin, nous devons, durant la nôtre, la colorier avec nos couleurs d’amour et d’esprit.

« Vous, hiver, trop êtes plein de neige, vent, pluie et grésil. [...] Yver, vous n’êtes qu’un vilain ! » Ainsi

Charles d’Orléans, au xve siècle, brocardait-il cette saison froide. Depuis, rien n’a changé. Selon un rythme immuable, les paysages se figent, les animaux se cachent. Même le soleil est occupé ailleurs. Les nuits mangent les jours. Il ne fait pas bon mettre le nez dehors, et tout semble dormir.

Ne se passe-t-il rien, vraiment ? L’hiver est un temps d’attente, de sommeil et de promesses. Au bout des branches sombres, les bourgeons sont déjà là, protégés par leurs écailles, attendant de

6. Marc Chagall, discours d’inauguration du musée national Marc-Chagall à Nice, le 7 juillet 1973.

se déployer. Les chrysalides abritent un embryon d’insecte prêt à éclore. Le rouge-gorge déjà « chante le jour de l’amour comme s’il l’avait vu », poursuit le poète anglais Coventry Patmore. Apparemment, tout est mort mais, en réalité, tout est promesse de vie. L’hiver porte en germe le miracle du printemps.

En ces mois où la lumière se raréfie, il faut avancer dans l’obscurité et la nuit, guidés par Marie, l’Étoile de la mer. Comme elle veillait sur l’Enfant Jésus pendant son enfance, elle veille sur nous et nous apprend à espérer quand tout semble perdu. Il est doux de s’en souvenir le jour de la nouvelle année, où elle est fêtée comme Mère de Dieu. Quoi qu’il arrive, elle sera là, comme un phare dont la lumière jamais ne s’éteint. « En la suivant, on ne dévie pas. En la priant, on ne désespère pas. En pensant à elle, on ne se trompe pas. Si elle te tient par la main, tu ne tomberas pas. Si elle te protège, tu ne craindras pas. Si elle est avec toi, tu es sûr d’arriver au but7 », chantait saint Bernard.

L’hiver est le temps du recueillement, comme une invitation à ralentir notre rythme pour

7. « Regarde l’étoile, invoque Marie », Sur les gloires de la Vierge Marie, Homélie II, 17.

retrouver notre cœur profond et venir y puiser à la source de l’amour de Dieu. Saint Jean de la Croix nous invite à faire « silence auprès de ce grand Dieu, dont le seul langage qu’il entende est le silencieux amour ». Peut-être pouvonsnous profiter des journées plus courtes de l’hiver pour prendre le temps d’être attentifs à la présence de Celui dont on se sait aimé. Ne nous a-t-il pas dit : « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur8 » ?

La montée vers Pâques

Après le temps liturgique de Noël, si bref, où une seule octave nous laisse dans la joie grave de la naissance du Sauveur, la nouvelle année est l’occasion de rendre grâce pour l’année passée avec le psaume 65 : « Bénissez notre Dieu ! Faites retentir sa louange, car il rend la vie à notre âme, il a gardé nos pieds de la chute. » Puis commence le temps ordinaire, où l’on rassemble ses forces pour la course de fond du carême. Déjà, voici les Cendres et le grand élan ecclésial de pénitence et de retour à Dieu en vue d’accueillir l’événement central de notre foi : la résurrection du Christ. 8. Jr 31, 33.

JANVIER

Jésus, Marie et Joseph, en vous, nous contemplons la splendeur de l’amour vrai, en toute confiance nous nous adressons à vous.

Sainte Famille de Nazareth, fais aussi de nos familles un lieu de communion et un cénacle de prière, d’authentiques écoles de l’Évangile et de petites Églises domestiques.

Sainte Famille de Nazareth, que plus jamais il n’y ait dans les familles des scènes de violence, d’isolement et de division ; que celui qui a é té blessé ou scandalisé soit, bientôt, consolé et guéri.

Sainte Famille de Nazareth, fais prendre conscience à tous du caractère sacré et inviolable de la famille, de sa beauté dans le projet de Dieu. Jésus, Marie et Joseph, écoutez, exaucez notre prière. Amen9.

PAPE FRANÇOIS

9. Pape François, Amoris Laetitia, n° 325.

Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! Célèbre ton Dieu, ô Sion !

Il envoie sa parole sur la terre : rapide, son verbe la parcourt. Il étale une toison de neige, il sème une poussière de givre.

Il jette à poignées des glaçons ; devant ce froid, qui pourrait tenir ?

Il envoie sa parole : survient le dégel ; il répand son souffle : les eaux coulent.

Il révèle sa parole à Jacob, ses volontés et ses lois à Israël.

Pas un peuple qu’il ait ainsi traité ; nul autre n’a connu ses volontés.

Alléluia !

PSAUME 147

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