Femmes 215

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L’INTERVIEW DU MOIS

TILLY METZ

AGIR ET ÊTRE À L’ÉCOUTE DĂ©putĂ©e europĂ©enne (Verts/ALE), prĂ©sidente de la DĂ©lĂ©gation pour les relations avec les pays d’AmĂ©rique centrale, Tilly Metz a Ă©tĂ© la premiĂšre femme bourgmestre de Weiler-la-Tour. Cette ancienne professeure en sciences humaines, impliquĂ©e dans la dĂ©fense des droits humains et des droits des animaux, aime le contact avec le terrain et s’y retrouve souvent pour des actions militantes. Elle dĂ©roule librement une page de son histoire.

TEXTE : KARINE SITARZ | PHOTOGRAPHIE : SOPHIE MARGUE

N°215

Avant la politique, il y a eu la psychopĂ©dagogie et l’enseignement. Qu’en retenez-vous ? Mes Ă©tudes, mon expĂ©rience de professeure et de directrice adjointe d’un lycĂ©e pour futurs Ă©ducateurs/Ă©ducatrices (ndlr : le LTPES Ă  Mersch) m’ont beaucoup appris : Ă©changer des idĂ©es, ĂȘtre Ă  l’écoute de l’autre, savoir nĂ©gocier et parler devant un groupe. Et puis, quand on enseigne on a tendance Ă  se rĂ©pĂ©ter (rires). Qu’est-ce qui vous a poussĂ©e vers la politique et vers les Verts ? Avez-vous eu un mentor ? Jeune fille, la politique m’intĂ©ressait dĂ©jĂ  mais c’est bien aprĂšs l’universitĂ© que je me suis engagĂ©e, d’abord chez les Socialistes, via le Cercle Michel Welter qui travaille sur des questions de santĂ©, d’éducation, de handicap. DĂšs 2001, j’ai pourtant rejoint dĂ©i GrĂ©ng dont je suis devenue porte-parole en 2004. Leurs programmes sur l’éducation et la formation, l’environnement ou la protection des animaux m’ont interpellĂ©e, c’était en adĂ©quation avec mes idĂ©es. LĂ , François Bausch m’a beaucoup soutenue. En 2005, vous devenez bourgmestre de Weiler-la-Tour
 Oui, premiĂšre femme bourgmestre de cette commune et premier Ă©lu issu du parti dĂ©i GrĂ©ng. J’y suis restĂ©e jusqu’à mon divorce et mon dĂ©mĂ©nagement Ă  Luxembourg-Ville oĂč je suis entrĂ©e au conseil communal. C’est la mort tragique de Camille Gira en 2018 et l’arrivĂ©e au gouvernement de Claude Turmes qui m’ont amenĂ©e Ă  remplacer celui-ci au Parlement europĂ©en.

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Qu’est-ce qui vous plaĂźt dans cette fonction ? Au Parlement europĂ©en, on est trĂšs libre mĂȘme si l’on suit la ligne du parti. Il n’y a pas de contraintes comme dans un parlement national oĂč l’on est avec le gouvernement ou dans l’opposition. J’aime travailler sur les dossiers, faire passer des idĂ©es, nĂ©gocier pour faire avancer les choses. Je siĂšge dans trois commissions dont celle de l’agriculture et du dĂ©veloppement rural. Avec les partis de gauche, on trouve des solutions mais avec l’extrĂȘme droite, pas de compromis ! Votre action militante est-elle toujours d’actualitĂ© ? J’ai besoin du contact avec le terrain, d’aller Ă©couter les gens. C’est indispensable comme d’ailleurs pour mes engagements de prĂ©sidente de Multiple SclĂ©rose LĂ«tzebuerg ou de membre d’InfoHandicap. En tant que parlementaire, on lit, analyse, rencontre des experts, mais rien n’est plus important que de s’imprĂ©gner en direct de l’histoire des gens. Avez-vous un Ă©pisode marquant Ă  partager ? Ma visite en 2018 au Guatemala pour suivre l’affaire Aura Lolita ChĂĄvez, militante que le Groupe des Verts/ALE avait proposĂ©e pour le Prix Sakharov 2017. J’y ai passĂ© une semaine intense, Ă©maillĂ©e de rencontres avec des citoyens, des ONG, des partenaires de projets financĂ©s par l’Europe. Y vivent 40% d’IndigĂšnes, la question de leurs droits et celle des droits des femmes sont prĂ©occupantes, la situation environnementale est un grand dĂ©fi. Pour moi, il y a un avant et un aprĂšs le Guatemala.

Entre Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg comment se passe une semaine type. Y a-t-il encore une place pour la vie privĂ©e ? Le lundi matin, je suis au Luxembourg pour les rĂ©unions de la fraction puis je pars Ă  Bruxelles et ne reviens que le vendredi, et une fois par mois, je suis Ă  Strasbourg. Ma petite famille me manque mais le temps passe vite, le travail est stimulant et le soir je suis claquĂ©e. À Bruxelles, je me sens comme chez moi. On est plus de 700, tous dans la mĂȘme situation. Vous ĂȘtes sur tous les fronts quand il s’agit de droits. Quelles injustices vous rĂ©voltent le plus ? Toutes les formes d’abus de pouvoir, tous ceux qui profitent d’un systĂšme, l’utilisent pour leur propre bĂ©nĂ©fice ou exploitent les autres. Je me bats contre toutes les injustices faites aux minoritĂ©s, aux femmes, aux homosexuels, aux personnes Ă  besoins spĂ©cifiques et Ă  tant d’autres. Que retenez-vous de la crise du Covid-19 ? Restez-vous optimiste ? Par nature, je suis optimiste. Cette crise est dramatique mais c’est aussi une leçon. Elle a mis Ă  nu les dangers du systĂšme capitaliste et montrĂ© que les ressources naturelles sont limitĂ©es. Elle nous amĂšne Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  ce qui est l’essentiel : le vivre ensemble, la solidaritĂ©, la santĂ© dans une Europe qui doit ĂȘtre Ă©cologique, sociale et rĂ©siliente. Cela s’est reflĂ©tĂ© dans le discours d’Ursula von der Leyen, ce qui m’a Ă©tonnĂ©e. Seul face Ă  une crise, on est paumĂ©. Seul, un État ne peut rien faire. ●


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