Extrait La ruche basse consommation d'énergie - Éditions Ulmer

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LA RUCHE

BASSE CONSOMMATION D’ÉNERGIE

Une « révolution apicole »

guillemain, damien merit &
marc
jean riondet

AVANT-PROPOS

Une année lors de l’abattage d’un arbre, il se trouva que celui-ci était creux et qu’une colonie d’abeilles s’y était installée. Marc Guillemain transféra la colonie dans une ruche 12 cadres. Et, évènement que nous avons tous connu, le printemps suivant, l’essaim n’avait pas survécu. Apiculteur expérimenté, cet échec le déconcertait. À force de réflexion, il conclut que la ruche est un habitacle trop froid.

L’idée d’isoler les ruches lui vient de cette expérience singulière. Il multiplia les essais avec tous les matériaux isolants disponibles. Progressivement, il mit au point sa fameuse PIHPgm, partition isolée haute performance, qui est toujours copiée, jamais égalée car les principes sous-jacents à cette conception et à la conduite des ruches qui en découle sont ignorés. Il combina isolant réfléchissant pour renvoyer le rayonnement infrarouge sur le couvain et isolant thermique pour couper la conduction des matériaux.

Son apport majeur porte sur l’importance qu’il accorde à la thermorégulation du couvain, économiser les forces des abeilles dans le maintien des paramètres de température et d’hygrométrie indispensables pour une bonne maturation du couvain.

Il défendit son idée contre l’avis même de nombreux apiculteurs qui s’inquiétaient d’une hygrométrie élevée dans la ruche ainsi isolée, fermée. Cette question que soulevaient en permanence ses stagiaires l’agaçait. Il constatait que ses colonies résistaient bien aux agressions multiples, que l’humidité n’était pas catastrophique. Il en arriva à une nouvelle conclusion : l’hygrométrie doit être d’autant plus élevée qu’elle est utile pour le couvain et peut être néfaste pour Varroa destructor. D’autres paramètres sont encore à prendre en compte, dont la gestion du gaz carbonique lui aussi délétère pour varroa.

Pour lui, innovation technologique et changement des pratiques apicoles allaient de pair. C’est en ce sens qu’il fut un révolutionnaire. Il mêlait connaissance/respect de la vie de l’abeille, création d’outils techniques/développement de nouvelles méthodes de travail.

Les gains obtenus avec son approche sont économiquement remarquables, la qualité de vie des abeilles, leur longévité, leur résistance naturelle aux maladies sont étonnantes.

La voie qu’il a tracée est celle d’une apiculture basée sur la connaissance de la biologie de l’abeille et sur la maîtrise du microclimat de la ruche par la colonie.

Marc Guillemain déclina des modalités de conduite des colonies qui gèrent à moindre coût énergétique l’homéostasie du couvain. Cette économie du cycle de vie est orientée sur le bien-être des abeilles pour donner aux colonies davantage de capacité pour résister aux agents pathogènes, aux agressions environnementales, pour s’adapter aux changements climatiques et aux spécificités environnementales locales.

Cet ouvrage est une porte d’accès à ses intuitions et aux méthodes qu’il développa. Chacun s’en saisira et apportera à son tour expériences et connaissances pour une apiculture renouvelée.

Cet ouvrage fut conçu et son écriture amorcée avec Marc Guillemain. Inlassablement, il rappelait qu’il fallait se référer au tronc d’arbre creux et produire le même environnement que celui où les colonies se sont construites durant des millions d’années. Le bien-être des colonies est au cœur de son amour pour les abeilles et du respect qu’il leur portait.

La maladie l’emporta quelques mois avant la parution de cet ouvrage. Ce sportif de haut niveau aura consacré toute l’énergie des derniers mois de son extraordinaire existence pour nous permettre d’aboutir.

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Jean Riondet, à Lyon le 22 décembre 2022

AVANT-PROPOS . 4

INTRODUCTION . 9

LA RUCHE ET LA BIOLOGIE DE L’ABEILLE 10

Les ruches à cadres mobiles vs le tronc d’arbre creux 11

Fluctuations journalières, saisons et changement climatique 12

Travailler avec le climat de la ruche : un changement de paradigme 12

La colonie : un super-organisme homéotherme 21

Chaleur, hydrométrie, CO₂ et varroa 24

Économiser l’énergie des abeilles, améliorer leur confort par l’isolation 26

Le choix des matériaux d’isolation 36

Réorganiser la ruche actuelle 40

58

6
L’ISOLATION DES RUCHES 28 Oser une nouvelle manière de conduire les colonies 30 Reproduire le microclimat du tronc d’arbre 31
Performance
Autres composants
de
RBC
Agencement interne
Les résultats attendus
LA CONDUITE DES COLONIES EN ÉCONOMIE D’ÉNERGIE 60 Les 4 phases de la dynamique des colonies 61 L’effet cocotte-minute 63 deux méthodes de conduite des colonies dans des ruches rbc 1re méthode 66 2e méthode 76 L’ÉLEVAGE DES REINES 84 Caractéristiques de la colonie éleveuse 85 Élever des reines en RBC 86 L’HIVERNAGE . 92 La mise en hivernage 93 En cas d’échec de l’hivernage 96 L’ESSAIMAGE ET LA PRODUCTION D’ESSAIMS 100 La gestion de l’essaimage 101 Produire des essaims 106 Les essaims artificiels sur 1 ou 2 cadres 108 Conserver des reines fécondées avec 2 cadres de couvain lors de la mise en hivernage 114 PERSPECTIVES 119 BIBLIOGRAPHIE 120
LES MATÉRIAUX ET LES OUTILS 44 Les Partitions Isolées Haute
de Marc Guillemain 45
de l’isolation
la
48
de la ruche 56
SOMMAIRE

Quand les abeilles vont collecter du nectar, elles vont chercher de l’énergie pour se nourrir, pour voler et pour chauffer le couvain. Chauffer est une activité très importante pour la colonie : a minima, 60 % du nectar collecté sert uniquement à cela. De ce point de vue, le miel peut être considéré d’abord comme un combustible.

Économiser l’énergie des abeilles en travaillant sur leur bien-être sera le cœur de notre propos.

Le tronc d’arbre creux, habitacle originel des abeilles, assure un environnement climatique parmi les plus intéressants pour l’abeille en nos contrées. Depuis peu, il devient la référence pour tous les chercheurs qui se penchent sur le bien-être de l’abeille.

En osmose avec la vie de l’arbre, la colonie exploite au mieux les qualités du tronc pour le maintien des conditions hygrométriques et thermiques vitales pour le couvain.

Cet habitacle reste encore celui des abeilles sauvages, devenues rares dans nos contrées fortement modifiées par la présence humaine.

La référence au tronc d’arbre creux comme habitacle idéal pour les colonies sera en arrière-plan de nos réflexions.

Depuis que l’humanité a cueilli des essaims sauvages et les a mis dans un récipient, au plus près de sa maison, domus en latin, l’abeille est appelée « domestique ». Et pourtant, l’abeille reste un insecte sauvage dans la mesure où sa « domestication » n’a pas opéré de changement génétique la rendant dépendante de l’homme, comme ce fut le cas par la sélection et les croisements pour les chiens, les bovins, etc.

Thomas Seeley qualifie Apis mellifera d’abeille semi-domestiquée1.

Le caractère sauvage de l’abeille en fait un animal de rente particulièrement robuste dont la taille des colonies s’ajuste aux disponibilités de la ressource nectarifère et pollinifère locale.

Aujourd’hui, le contexte du changement climatique accentue les modifications de l’environnement naturel déjà impacté par les activités humaines. Cette situation nous conduit à rechercher pour les abeilles des conditions de vie plus proches de celles qui sont les leurs à l’état naturel, en choisissant le meilleur compromis entre le respect de la biologie de la colonie, c’est-à-dire le bien-être de l’abeille, et le travail de l’apiculteur.

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Dans tout le livre, « ruche basse consommation » sera abrégé RBC. 1. T. Seeley, L’abeille à miel, p. 83
INTRODUCTION
Ci-contre : le tronc d’arbre creux est l’habitat originel des abeilles.

LA RUCHE ET LA BIOLOGIE DE L’ABEILLE

D’où vient cette idée qu’isoler les ruches serait profitable aux abeilles ? Ne sont-elles pas depuis des millénaires, habituées à la diversité des cavités naturelles pour se loger ? Nos caisses en bois offrentelles aux abeilles un habitat confortable ?

LES RUCHES À CADRES MOBILES VS LE TRONC D’ARBRE CREUX

Depuis la fin du xixe siècle, les ruches à cadres mobiles se sont peu à peu imposées pour une exploitation rationnelle et productive des colonies, mais rares sont les modèles qui ont privilégié le volet isolation. À la fin du xxe siècle, nous avons même vanté les mérites des plateaux de sol ventilés pour les ruches.

En France, jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, nombre d’auteurs se sont opposés, avec des arguments soit en faveur du confort des abeilles soit en faveur de celui de l’apiculteur. Alors que la production du miel était une activité à la marge des travaux de la ferme, le développement d’entreprises apicoles a privilégié « les méthodes modernes d’apiculture à grand rendement » (photo ci-contre). Certains, avec pertinence, reprochaient à ces ruches de menuisier d’être peu étanches aux variations de température ; Alin Caillas, dans son ouvrage de 1948, comparait déjà ces ruches à de vulgaires caisses d’emballage. Il notait que le miel, source unique de chauffage dans les ruches, est dilapidé par une insuffisance d’isolation. Il espérait qu’avec des matériaux à venir on pourrait renvoyer le rayonnement infrarouge émis par les abeilles sur le couvain pour économiser cette précieuse ressource qu’est le miel. Il pensait que l’on pourrait diviser par deux le volume des réserves en miel nécessaires pour l’hivernage.

Aux États-Unis, Haydak développe des recherches dans le Minnesota durant 20 ans (1943-1964), sur des ruchers expérimentaux2. Il montre à quel point la mortalité des abeilles et les dommages qu’elles subissent dépendent du degré d’isolation. Il remarque également que dans les ruches à simple paroi, 34 % des colonies étaient mortes ou affaiblies ; une légère protection ramène les pertes à 15 % et une isolation soignée à 10 %. À noter que ces études ont été menées dans un contexte où le varroa n’était pas encore présent. Relier la mortalité des colonies à la qualité de l’isolation sur une aussi longue période d’observation conserve donc tout son sens.

Aujourd’hui, des travaux de recherche s’intéressent aux conditions de vie des abeilles sauvages, ils mettent en lumière les qualités du tronc d’arbre, tant du point de vue du matériau que de son volume et de sa forme pour optimiser l’énergie des abeilles. Désormais des questions se posent sur le bien-fondé de nos matériels et de nos pratiques apicoles.

10 11 LA RUCHE ET LA BIOLOGIE DE L’ABEILLE
2. Haydak, 1967. Ouvrage d’Alin Caillas paru en 1948. Dessin d’Alin Caillas sur l’effet thermique de la réflexion du rayonnement infrarouge.

La date de floraison des plantes sauvages comme la bruyère blanche devient imprévisible à cause du changement de climat.

FLUCTUATIONS JOURNALIÈRES, SAISONS ET CHANGEMENT

CLIMATIQUE

L’importance des fluctuations jour/nuit des températures oblige les abeilles à un constant travail de régulation pour maintenir le couvain dans les intervalles de température et d’hygrométrie convenables pour une nymphose réussie. Ce travail de régulation est identique en été comme en hiver, car si nous pensons spontanément au froid hivernal, nous omettons les conséquences des excès des chaleurs et sécheresses estivales.

Nos colonies vivent leur cycle de développement en étant sous la dépendance des fluctuations météo et des changements constatés au niveau de notre climat. Peu à peu, l’ensemble de l’Europe du Nord évolue vers un climat de type méditerranéen et c’est le climat du Nord de l’Afrique qui s’impose maintenant sur la façade méditerranéenne de l’Europe. Ce sont des situations nouvelles auxquelles les pratiques apicoles doivent s’adapter.

Pour une meilleure qualité de vie des colonies, il est préférable qu’elles régulent par elles-mêmes la température et l’hygrométrie de leur nid dans un habitacle à l’abri des influences externes.

Les abeilles vivent toute l’année en communauté dans une cavité naturellement protégée, puisqu’elles n’ont pas de moyens pour bâtir leur habitation. C’est ce qu’elles ont toujours fait et elles se sont développées depuis des millions d’années en utilisant le tronc d’arbre creux comme lieu d’habitation privilégié.

Le développement des matériaux isolants et réfléchissants, permet d’envisager des solutions pour mettre les colonies dans des habitacles plus proches de leurs conditions idéales de vie.

TRAVAILLER AVEC LE CLIMAT DE LA RUCHE : UN CHANGEMENT DE PARADIGME

Le microclimat de la ruche

La ruche cylindrique offre une faible surface où les rayons du soleil frappent perpendiculairement.

À l’intérieur de la ruche, il règne une température, une humidité, une densité de divers gaz adaptées aux besoins de la colonie. Ces éléments constituent un climat interne que l’on appellera le microclimat de la ruche. Il sera le paramètre central pris en considération dans notre conception de l’isolation des ruches et surtout de leur conduite.

Entrée d’une colonie installée dans un arbre creux. D’une moyenne de 30 cm2, elle est moitié moins grande que celles de nos ruches Dadant, Langstroth ou autres.

Le microclimat de la ruche est une notion développée par Anton Büdel, un auteur célèbre en Allemagne dans les années 19503. Selon lui, le microclimat est le « climat d’un espace restreint correspondant à un état effectif de l’air ; par opposition au macroclimat [climat extérieur, ndlr], il ne s’agit pas d’une valeur moyenne » de la température, de l’hygrométrie de la ruche. Au sein de la notion de climat interne, Büdel distingue le climat particulier du nid à couvain, celui du trou de vol, celui des rayons de miel, celui de la colonie en hiver, etc. Ces petites zones, ou « moments climatiques », sont liées à la physique du rayon, de son contenu, des matériaux de la ruche et surtout de l’abeille elle-même. « Le climat interne se trouve perturbé d’un côté par des influences extérieures (temps, techniques apicoles) et de l’autre par les capacités régulatrices des abeilles. »

3. Dans le Traité de biologie de l’abeille qu’il publie en 1968, Rémy Chauvin présente ainsi les travaux de Büdel « célèbre parmi les apidologues à cause du soin avec lequel il a étudié pendant un grand nombre d’années le microclimat de la ruche. Sur ce point, nous disposons vraiment de données précises… [concernant] ce délicat mécanisme homéotherme qu’est la ruche… [ainsi que] les perturbations que chaque manipulation apicole provoquera dans le microclimat ».

12 13 LA RUCHE ET LA BIOLOGIE DE L’ABEILLE

Répartition de la colonie dans un tronc d’arbre.

Le microclimat dans le tronc d’arbre creux

Dans la cavité d’un tronc d’arbre, l’isolation se trouve de fait très conséquente. L’enveloppe pouvant atteindre 25 cm d’épaisseur, les arbres creux sont, en forêt, à l’abri des excès du rayonnement solaire. Température et hygrométrie sont sous le contrôle de la colonie, l’influence du soleil reste marginale. Cela n’est pas le cas avec nos ruches à parois minces de 25 mm d’épaisseur, où l’influence du soleil peut modifier de manière importante le comportement de la colonie sur la ponte de la reine et la gestion du couvain.

Le tronc d’arbre creux est un habitacle naturel très protecteur où la colonie organise sa vie. Les abeilles placent le miel au sommet de la cavité qu’elles occupent à l’intérieur de l’arbre. Cette réserve d’énergie est à une température inférieure à 30 °C, elle joue un rôle de tampon thermique pour le couvain placé en dessous, qui peut être à une température bien plus élevée, oscillant entre 34 et 38 °C suivant les zones de couvain ouvert ou fermé. Dans cet espace réduit, les abeilles enduisent progressivement les parois de propolis pour lisser les rugosités de cette enveloppe créée par la dégradation de la partie morte de l’arbre. Cette cavité intérieure chaude, humide, favorable à la multiplication des bactéries et des champignons, est ainsi protégée par la propolis, bactériostatique et antifongique.

Enduction du tronc avec de la propolis.

À l’abri du climat extérieur, il s’y installe un microclimat maîtrisé par les abeilles autour de deux zones essentielles et distinctes, celle du couvain et celle du miel. On dira que le couvain constitue la chambre du lieu de vie (CH1) et le miel, la chambre du combustible (CH2).

L’HOMÉOSTASIE

Tronc d’arbre naturellement creux. On notera l’étroitesse de l’espace que peuvent occuper les abeilles et l’épaisseur de l’enveloppe.

Photo thermique d’une ruchette en sortie d’hivernage : la partie rouge témoigne d’une température élevée, la partie verte d’une température plus basse. La chaleur observée est du au soleil, ce qui perturbe le microclimat interne de la ruche. Cette influence externe peut conduire à un développement excessif du couvain en cas d’ensoleillement important, puis à une dégradation de ce même couvain lors de périodes plus froides.

L’ouverture d’entrée est un trou de très petite taille, quelques centimètres de diamètre, par où rentrent et sortent les abeilles, mais aussi par où se renouvelle l’air de la ruche et se gèrent les échanges gazeux et l’humidité si importante pour le couvain. Cet orifice de petite surface, souvent situé au bas de la cavité, permet aux abeilles une gestion fine de tous ces paramètres. La colonie produit la circulation des masses d’air dans la ruche, assure la recherche de l’eau et du nectar pour maintenir ce que l’on appelle l’homéostasie thermique et hygrométrique du couvain.

L’homéostasie correspond à la capacité d’un système à maintenir l’équilibre de son milieu intérieur, quelles que soient les contraintes externes. C’est le phénomène par lequel les constantes telle la température, l’hygrométrie et le CO 2 sont maintenues autour des valeurs bénéfiques pour le couvain, grâce au processus de régulation organisé par les abeilles.

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PROPOLIS COUVAIN MIEL POLLEN

Lorsque nos ancêtres installaient des essaims dans une « ruche », c’était une ruche tronc, le plus souvent retaillé à la main ou un « panier » fait d’un boudin de paille de seigle tressé recouvert de plusieurs couches protectrices de terre et bouse séchée, d’éclisses de châtaignier, de gerbes de paille.

Ces ruches étaient implantées en plein air et souvent dans des ruchers faits de murs en pierre bien exposés au soleil, comportant des niches pour y poser les ruches à l’abri du vent et de la pluie. De petit volume et très isolés, ces espaces se rapprochaient des conditions idéales pour une optimisation des paramètres de température et d’hygrométrie nécessaires à la bonne évolution du couvain.

Chauffer, refroidir, humidifier

Les abeilles travaillent de façon continue aux soins de leur descendance et à l’accumulation du nectar qu’elles transforment en miel et de pollen conservé sous la forme du pain d’abeilles. Elles consacrent une part majeure de leur énergie à seule fin de gérer le climat interne de leur habitacle. Dans le tronc d’arbre, l’épaisseur de la paroi produit une isolation importante qui limite les déperditions ou la pénétration de chaleur. De sorte que les abeilles gèrent l’homéostasie du couvain à moindre coût énergétique si leur lieu de vie est d’une épaisseur conséquente, à coût élevé si c’est une passoire thermique.

Ci-contre : un essaim dans une ruche tronc. Attention, les conditions physiques de la ruche tronc sont différentes de celles du tronc d’arbre creux.

17 LA RUCHE ET LA BIOLOGIE DE L’ABEILLE
Rucher en Côte d’Or. Sur le côté, on voit l’entrée d’un local où les ruches seront mises à l’abri des courants d’air froids durant l’hiver. « Panier » en paille de seigle.

Tout travail de chauffage demande aux abeilles une dépense physique intense par mise en contraction de leurs muscles alaires. Cette tétanisation ou frémissement musculaire les épuise autant que le vol pour butiner. Cette hyper-utilisation musculaire provoque un vieillissement global et engendre une durée de vie raccourcie.

De la même manière, c’est au prix d’un travail usant que les abeilles collectent et apportent de l’eau sur les opercules et dans les cellules pour refroidir et humidifier l’espace du couvain.

Dans les arbres creux ou dans les paniers fortement isolés, les colonies sont dans un espace très restreint, elles gèrent les positions des masses d’air, des masses de chaleur par l’organisation des rayons lors des constructions. L’anarchisme apparent de la forme des rayons répond à une certaine circulation des masses de chaleur, de gaz et d’humidité. Ce sont les volumes de miel, de cellules vides, de cellules occupées par du couvain qui dessinent une architecture intérieure particulière, qui répartit alors chaleur, gaz et humidité selon les endroits.

Les abeilles contrôlent le microclimat de la ruche

Face au rôle central du soleil sur le climat pour l’existence même de la vie, « dans le climat intérieur de la ruche entre en jeu une nouvelle source d’énergie, la température corporelle de l’abeille ; elle dépasse largement l’influence du soleil comme source thermique ».

Cette dernière observation requiert une attention particulière, elle fait référence au faible volume d’air dans une ruche à cause du nombre d’abeilles et de l’ensemble des rayons. Büdel estime à une dizaine de litres le volume d’air dans une ruche de 60 l, qui est le volume maximal observé dans les troncs d’arbres creux. Pour reprendre son expression, ce volume d’air, segmenté en portions réparties dans la ruche, organise des « micro-météorologies » selon la position des abeilles sur les rayons et en fonction des échanges gazeux au niveau du trou de vol. Les masses d’air sont définies par les rayons, leur forme, la présence du couvain ou de miel ou simplement d’air dans les cellules vides.

Les abeilles contrôlent directement, en local, les conditions de température et d’humidité nécessaires pour une nymphose réussie. C’est une situation très différente des fourmis par exemple, qui déplacent leurs nymphes en fonction des lieux de chaleur et d’humidité.

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L’anarchisme apparent de la forme des rayons dans un tronc d’arbre creux facilite la régulation du climat interne de la colonie. Les turbulences induites par les ventileuses ne constituent pas un véritable courant d’air, mais une progression sur un espace très limité de masses d’air agitées par un fort mouvement tourbillonnaire. Ventileuses à l’entrée du nid. Abeille brûlante : la production de chaleur est maximale au niveau du thorax (photo thermique de Jürgen Tautz).

L’ISOLATION DES RUCHES

Pourquoi s’intéresser à l’habitacle des abeilles ?

Réduire leur consommation de miel pour chauffer, c’est leur donner plus d’espérance de vie, une vie en meilleure santé. C’est leur permettre d’élever une descendance plus résistante aux maladies et d’être à leur tour de meilleures ouvrières. C’est, pour l’apiculteur, modifier ses outils et changer ses méthodes de travail.

Une colonie de bonne facture consomme environ 12 à 18 kg de miel au cours de l’hivernage. À quoi sert donc ce miel alors que le butinage et le couvain sont progressivement inexistants ?

À chauffer la grappe !

L’isolation de la ruche recherche trois objectifs :

- Le premier objectif visé sera d’économiser le miel engrangé pour la morte-saison.

- Le deuxième objectif, conséquence du premier, sera de ménager les forces des abeilles en les sollicitant le moins possible pour la mission de chauffage. Le gain portera sur l’allongement de la durée de vie des abeilles adultes et par là même sur le volume de la colonie.

- Le troisième objectif, lié à la réduction des pertes en calories, est d’améliorer l’homéostasie du couvain pour assurer une production d’abeilles de bien meilleure qualité. On cherche à produire des nourrices performantes, des butineuses efficaces, des abeilles plus résistantes aux maladies et plus adaptables aux conditions environnementales en général.

L’isolation permet de réduire les pertes en calories, mais également de maintenir au plus haut niveau l’hygrométrie nécessaire pour le couvain. Ce paramètre, nous l’avons déjà évoqué, est largement méconnu. Le message d’Alin Caillas qui comparait, en 1948, nos ruches à des caisses d’emballage est resté sans suite dans nos régions françaises, bien qu’il ait activement participé à la promotion de la ruche Therma à doubles parois avec isolant. Ce sont plutôt les pays soumis aux rigueurs extrêmes de l’hiver ou aux chaleurs étouffantes de l’été qui ont abordé ce sujet. Une crainte souvent exprimée serait que l’isolation augmente la température dans la ruche, ce qui justifierait l’aération totale du plateau de sol l’été. Dans une maison bien isolée, ouvre-t-on les fenêtres à midi par grande chaleur pour la rafraîchir ?

Les abeilles se chargent de réguler la température et l’hygrométrie de la ruche. En isolant leur habitacle, en les posant au plus près du sol et en les plaçant à mi-ombre, nous facilitons leur activité de climatisation. Hausse vitrée : les abeilles n’ont pas étiré la cire gaufrée sur la partie éclairée, chauffée par le soleil.

28 29 L’ISOLATION DES RUCHES
Le grappage/dégrappage est le mécanisme de régulation de chaleur le plus économique.

OSER UNE NOUVELLE MANIÈRE DE CONDUIRE LES COLONIES

Marc Guillemain, apiculteur professionnel, observateur attentif des colonies et des abeilles, fait le constat que nos ruches sont fort éloignées, du point de vue de leur isolation, du tronc d’arbre creux.

Sa démarche est centrée sur la recherche du bien-être des abeilles en leur offrant des conditions de vie optimales, en phase avec les fluctuations saisonnières et météorologiques de leur environnement, tout en étant adaptée au travail de l’apiculteur. C’est le compromis évoqué précédemment. Il conduit ses observations et ses expérimentations à partir des années 1980 ; il conçoit une organisation de la ruche que l’on appellerait aujourd’hui « ruche basse consommation d’énergie7 » (abrégée RBC dans le livre).

Pour réduire les effets délétères liés aux trop fortes déperditions d’énergie, l’idée de Marc Guillemain fut de développer une isolation des ruches par l’intérieur, qui met les colonies dans un habitacle plus proche de leurs conditions naturelles de vie. Ses innovations techniques sont les Partitions Isolées Haute Performance, notées PIHPgm, et des méthodes d’isolation rigoureuses tant au sol qu’au sommet de la ruche. Elles ont été conçues selon un cahier des charges strict, élaboré au fil de ses expérimentations. Mais ces outils n’auraient qu’un intérêt très relatif en l’absence d’une nouvelle manière de conduire les colonies. Sur ce point, son apport reste indépassable.

En 2009, Damien Merit, dans le cadre de ses études de biologie, le rejoint. Ensemble, ils explicitent une approche de la conduite des colonies en économie d’énergie. Ce compagnonnage se poursuit pour faire évoluer les outils, les méthodes de travail en fonction des variations climatiques ou florales de différentes régions apicoles.

Tout cela est conçu pour les matériels de n’importe quel apiculteur. Il n’y a pas d’innovation sur les modèles et formats des ruches, seulement des aménagements internes et une nouvelle manière de conduire les colonies. Ce sont les conditions pour qu’une telle innovation soit acceptable et acceptée.

REPRODUIRE LE MICROCLIMAT DU TRONC D’ARBRE

Par essais successifs, par comparaison entre les matériaux disponibles ou qui apparaissent, Marc Guillemain multiplie les expériences et les mesures. Il met au point au fil des années les PIHPgm8. Elles ont plusieurs fonctions :

- isoler les parois

- réfléchir les rayons infrarouges

- bloquer les circulations de l’air chaud

- maintenir un niveau d’humidité élevé.

Avec les PIHPgm, la conduite des colonies est organisée autour du resserrement constant de la population sur les cadres de couvain de façon à en assurer l’homéostasie à moindre coût énergétique pour les abeilles. Cet espace devient extrêmement chaud sous l’effet de la congestion du couvain et de l’activité des abeilles. En effet, produire un niveau de chaleur le plus élevé possible autour du couvain en regroupant les abeilles dans un espace très réduit économise les forces de la colonie. En d’autres termes, avec une même production d’énergie, les surfaces de couvain entretenues peuvent être supérieures.

30 31 L’ISOLATION DES RUCHES
7. Par analogie avec les Bâtiments Basse Consommation d’énergie ou BBC en développement aujourd’hui. Marc Guillemain et Damien Merit lors de leur présentation de la méthode d’isolation des ruches au congrès de l’apiculture professionnelle à Weimar en Allemagne en 2019. 8. Se reporter p. 47 pour une présentation détaillée de cette partition. Partitions Isolées Haute Performance. PIHPgm dans une ruche. Les matériaux réfléchissants disposés au plus proche des abeilles améliorent le confort de la colonie.

Ruche conduite sur 3 chambres.

À gauche, l’espace du nid à couvain (CH1), au milieu l’espace des provisions servant également de soupape de sécurité (CH2). Une CH3 est possible, elle contiendra des cadres à bâtir ou bâtis ou un cadre nourrisseur.

La technique des deux chambres

La technique de 2 chambres est à la base de l’innovation majeure apportée par les PIHPgm.

La CH1 (chambre 1 ou chambre chaude) est le lieu de congestion du couvain et des abeilles. Dans cet espace confiné, restreint, la montée en température est très rapide ; peu d’abeilles sont nécessaires pour apporter la chaleur, ce qui permet au reste de la colonie d’être plus disponible pour l’élevage et pour le butinage. On utilise l’image de la cocotte-minute pour caractériser l’effet produit par cette congestion.

La CH2 (chambre 2 ou chambre tiède) est le lieu essentiel du stockage des provisions. Elle servira de soupape en cas de montée en pression du couvain et de la population dans la CH1. Isolée de l’espace du couvain, sa température sera moins élevée que dans la CH1.

Cette organisation interne n’empêche pas l’arrêt naturel de la ponte entre novembre et janvier. L’isolation de la ruche permet simplement aux abeilles de réguler le microclimat de la ruche à leur convenance. D’autres facteurs que la température interne conditionnent l’arrêt de la ponte : absence de rentrées de pollens, luminosité faible, génétique de la reine… la température est une condition nécessaire mais pas suffisante.

Rappelons que l’isolation de la ruche n’augmente pas la température, mais la stabilise dans ces espaces restreints et améliore le confort pour les abeilles. Cela leur permet de régler à moindre coût énergétique l’homéostasie du nid à couvain. Parmi les mécanismes régulateurs de l’homéostasie du couvain, le plus économe pour les abeilles est le fait de se grapper et de se dégrapper : se grapper pour augmenter la valeur des paramètres, se disperser pour en réduire le niveau. L’existence de ces 2 chambres permet de manière très simple le déploiement de ce mécanisme.

Par comparaison, pour un confort identique, une maison très bien isolée engendre une dépense énergétique plus faible qu’une maison moins isolée, cette évidence est parfaitement applicable à la ruche basse consommation (RBC).

Pourquoi créer des espaces différents dans la ruche ?

Biologiquement, par instinct, les abeilles amassent le plus possible. Dans le tronc d’arbre creux, elles placent le miel au sommet qui remplit, de fait, une fonction de tampon thermique

Avec l’expérience, nous avons remarqué que dans les RBC, les abeilles sont plus calmes, plus tranquilles, elles semblent être moins stressées. C’est notamment dans des conditions météo défavorables que ce phénomène semble évident.

pour le couvain vivant en dessous. Au fil de la saison, les surfaces de couvain varient, suivant en cela la dynamique de la colonie en phase avec celle des floraisons. Dans les ruches cubiques, les abeilles placent le miel autour du couvain et dans des cadres de part et d’autre du nid. La reine étendra sa ponte progressivement sur la plupart des cadres plus ou moins entourée de couronnes de miel. Le nid à couvain est alors laissé à la merci des déperditions de chaleur dans toutes les directions, notamment via le couvre-cadre et le toit. Si l’on n’y prend garde, les abeilles placeront le miel d’abord autour du couvain et monteront le miel dans les hausses une fois le corps saturé. Pour maintenir l’homéostasie du couvain au bon niveau et à moindre coût pour les abeilles, l’apiculteur fera varier l’espace de la CH1 en lien avec la capacité de ponte de la reine. Dès la pose des hausses, la contrainte imposée aux abeilles en CH1 les pousse à ne pas stocker le nectar qui rentre en CH2, mais à le monter dans les hausses à l’aplomb du nid à couvain. On retrouve le positionnement relatif du miel et du couvain comme dans le tronc d’arbre creux.

EN RÉSUMÉ

L’isolation et la double chambre permettent d’optimiser la thermorégulation du nid à couvain. Quand il fait beau, les abeilles vont se dégrapper dans la CH2. Au contraire, si les températures diminuent la nuit ou suite à une météo capricieuse, les abeilles viendront se grapper en CH1, à proximité du nid à couvain. Le métabolisme de base des abeilles associé à la bonne isolation de la ruche serait, en situation idéale, suffisant pour thermoréguler facilement le nid à couvain.

32 33 L’ISOLATION DES RUCHES

LES MATÉRIAUX ET LES OUTILS

Les Partitions Isolées Haute Performance constituent le premier outil de l’aménagement interne des ruches. Les matériaux modernes permettent une isolation des ruches par l’intérieur sans changer le matériel apicole classique.

LES PARTITIONS ISOLÉES HAUTE PERFORMANCE DE MARC GUILLEMAIN

La Partition Isolée Haute Performance de Marc Guillemain est une partition, c’est-à-dire qu’elle partage l’espace de la ruche en différents lieux identifiés pour des fonctions précises.

Elle est de surcroît isolée, elle se comporte comme un écran thermique, elle bloque les déperditions de chaleur par son habillage isolant et réfléchissant.

Elle est dénommée haute performance car, non seulement elle bloque la diffusion de chaleur et renvoie par réflexion les calories émises par les abeilles, mais elle en absorbe également une partie, qu’elle restitue.

Ce sont les matériaux choisis et leur agencement qui assurent une fonction de blocage de l’air chaud dans chacune des chambres, une fonction de réflexion des rayonnements infrarouge et une fonction de restitution de la chaleur emmagasinée dans leur épaisseur.

L’espace entre 2 PIHPgm réduit considérablement les pertes en calories. La ruche sera équipée de 3 PIHPgm, 2 sont présentes de manière permanente ; ainsi les colonies seront conduites au mieux sur 8 cadres, sauf exception. Une troisième est nécessaire pour l’hivernage et le démarrage de printemps, parfois une quatrième pour le développement des essaims artificiels sur 1 ou 2 cadres de couvain.

À l’image des PIHPgm, on fabrique des PIHPettes qui sont des PIHPgm au format des hausses. Leur objectif est de maintenir une température élevée dans les hausses afin de faciliter l’évaporation de l’eau du nectar.

La mise au point des PIHPgm est le fruit de 30 années d’expérimentations pour la recherche des matériaux les plus adaptés (fiabilité, efficacité) et pour la mise au point des techniques d’assemblage. Cette conception s’est accompagnée de leurs usages dans toutes les dimensions de la pratique apicole : production d’essaims sur 1 cadre, 2 cadres ou plus, ruches éleveuses de reines, ruches pour la production de gelée royale, ruches pour la production de miel et la mise en hivernage.

44 45 LES MATÉRIAUX ET LES OUTILS
PIHPgm. Corps de ruche avec 2 PIHPgm en pleine saison.

ISOLATION = MEILLEURE CIRCULATION

L’étanchéité du toit est un facteur clé du bon fonctionnement de la CH1. Doublés d’une bonne isolation du plancher, ces deux éléments associés aux PIHP assurent la circulation des abeilles entre les divers espaces de la ruche : CH1, CH2 et hausses.

AUTRES COMPOSANTS DE L’ISOLATION DE LA RBC

Isolation du toit : l’écharpe et le coussin

La tête des cadres sera recouverte d’une écharpe11, une feuille d’isobulle de la largeur du corps et d’une longueur supérieure de 10 cm à celle du corps. Elle déborde en face avant et en face arrière de 5 cm pour en faciliter le retrait et l’auto-centrage lors de la pose. Elle est maintenue en place par le toit en tôle plat. Son rôle est non seulement de réfléchir le rayonnement infrarouge, mais également d’empêcher les fuites d’air au sommet du corps. Calée avec un lève-cadre, elle permet de faire des visites en ouvrant partiellement le corps comme on le faisait autrefois avec l’usage des planchettes comme couvre-cadre.

Sur l’écharpe, on posera un coussin fait d’un isolant d’au moins 40 mm. On retrouve cette préconisation chez de nombreux apiculteurs dans les pays du Sud. On constate qu’en situations extrêmes, l’épaisseur de 60 mm donne les meilleurs résultats.

Le toit couvrira le tout. Il sera de 105 mm, peint en blanc pour réduire l’échauffement dû au soleil, une feuille d’XLMAT de 3 mm pouvant être posée dans le fond. Le tout sera solidaire pour une manipulation aisée.

Les divers éléments constitutifs d’une isolation efficace au sommet de la ruche. Le réfléchissant est au contact direct de la tête des cadres.

TOITBLANC COUSSIN ÉCHARPE

48 49 LES MATÉRIAUX ET LES OUTILS
11. Ces dénominations vestimentaires ont été suggérées par une stagiaire chez Marc Guillemain, « Stéphanie », qui a comparé ces accessoires aux vêtements d’hiver de ses enfants. L’écharpe étanche associée au coussin permet d’éviter la condensation au-dessus de la grappe pendant l’hiver et assure l’accumulation de l’air chaud dans la hausse, facilitant la transformation du nectar en miel, ce qui permet de faire davantage de miel. L’écharpe : sa souplesse permet une ouverture partielle. Retirer totalement l’écharpe perturberait le microclimat de la ruche. Avec l’expérience, l’examen de la seule CH2 renseigne sur l’état des lieux dans la CH1.

Isolation du plateau : la chaussette et la chaussure

Le plateau de sol sera plein ou grillagé. Il sera couvert par une chaussure, elle-même recouverte d’une chaussette.

La chaussette est une feuille de réfléchissant ou d’isobulle, posée sur la chaussure (directement sous le corps). L’objectif est la réflection des rayons infrarouges en direction de la grappe et plus spécifiquement des rayons de couvain. Elle permet la ponte de la reine jusqu’au bas du cadre.

La chaussure est un plateau intermédiaire entre le plateau de sol et le corps. C’est l’équivalent d’un couvre-cadre recouvert par la chaussette. Des essais sont en cours pour optimiser cet élément. Une fente de 30 mm sur les 2/3 de la largeur de ce fond assure l’entrée des abeilles. La chaussure a deux effets :

- Elle modifie la position du couvain sur les rayons. Il est uniformément réparti sur la surface du rayon au lieu d’être déplacé vers la face avant de la ruche et empli de miel sur la partie arrière.

- Elle empêche que le vent n’entre dans le corps et perturbe le microclimat interne de la ruche.

Selon les modèles, le plateau devra être surélevé d’une baguette de quelques mm pour laisser le passage entre la chaussette et les PIHPgm.

Ainsi équipé de la chaussure, le fond de ruche permet un passage tempéré pour les abeilles sous le bas des PIHPgm à l’abri de toutes les turbulences du vent que l’entrée autorise.

CIRCULATION DE L’AIR DANS UNE RUCHE ISOLÉE ET NON ISOLÉE

RUCHE NON ISOLÉE

chaussette

chaussure

zone de turbulence

Le curseur de température est pointé sur la chaussette. Les abeilles émettent un rayonnement de 35 °C qui part dans toutes les directions. 95 % de ce rayonnement revient vers la grappe, permettant une économie d’énergie importante pour les abeilles (Nuclei Miniplus).

flux d’air miel couvain

zone de turbulence

50 51 LES MATÉRIAUX ET LES OUTILS
Comme la chausette et la chaussure, l’écharpe et le coussin sont des éléments importants de la RBC. RUCHE RBC Chaussure recouverte d’une chaussette. Une fente de 30 cm2 environ assure l’entrée des abeilles. Des essais sont en cours pour optimiser cet élément. manteau d’abeilles

LA CONDUITE DES COLONIES EN ÉCONOMIE D’ÉNERGIE

Les deux méthodes développées ici constituent les principes d’une conduite des colonies que chaque apiculteur pourra adapter à l’environnement floral et météorologique de ses ruchers, à la connaissance de ses lignées d’abeilles et à ses objectifs.

Après avoir énoncé les principes généraux de la conduite des colonies dans une ruche très isolée comme les abeilles le seraient dans les conditions idéales d’un tronc d’arbre, nous proposerons deux manières de conduire les colonies à partir des principes d’isolation exposés dans le chapitre « Isoler les ruches ».

LES 4 PHASES DE LA DYNAMIQUE DES COLONIES

Comme énoncé précédemment, nous cherchons à offrir aux abeilles la possibilité de maintenir à moindre effort l’homéostasie de leur couvain. C’est-à-dire maintenir dans une fourchette très étroite la température, l’hygrométrie et la densité en gaz carbonique, indispensables pour le bon déroulé de la ponte de l’œuf à la naissance de l’abeille. L’objectif visé pour l’apiculteur est de maîtriser la dynamique de ses colonies pour réussir les diverses productions qu’il espère avec son cheptel. C’est pour cela que nous avons distingué deux espaces appelés chambres :

- la chambre 1 (CH1), celle de la reine, du couvain et de la majorité des abeilles, chambre chaude où doit se produire l’effet cocotte-minute

- la chambre 2 (CH2), celle du stockage du miel et autres réserves, chambre tiède, lieu d’expansion de la CH1 en cas de besoin.

Les PIHPgm permettent une meilleure maîtrise de la dynamique des colonies que nous avons synthétisée en 4 phases L’apiculteur doit connaître chacune d’elles pour utiliser au mieux les capacités de ses abeilles dans un but précis.

Phase 1 : phase de croissance du couvain Durant cette période, la colonie se développe. Toute l’énergie disponible à ce moment-là est concentrée sur l’élevage du couvain. Les surfaces de couvain ouvert sont supérieures à celles du couvain fermé. Les jeunes larves émettent des phéromones qui stimulent les glandes nourricières des jeunes abeilles et la recherche du pollen chez les butineuses. Les ouvrières dépensent tant d’énergie pour le soin du couvain qu’elles en dépenseront moins à butiner. À ce moment-là, elles privilégieront la collecte du pollen. Cette phase de croissance démographique peut être mise à profit pour la réalisation d’essaims artificiels, équilibrer la force des colonies.

La proportion importante de couvain ouvert nous indique que cette colonie est en phase de croissance.

60 61 LA CONDUITE DES COLONIES

La conduite des ruches en économie d’énergie permet d’augmenter la durée de vie des ouvrières. Pour une même surface de couvain, on a des ruches plus populeuses.

Phase 2 : phase de reproduction de la colonie

Lorsque toutes les cellules sont occupées, l’énergie disponible va à la reproduction. La colonie peut se reproduire en élevant des mâles et/ou en essaimant. La dilution des phéromones royales au sein d’une population en expansion pousse la colonie à l’essaimage. Ces éléments déclencheurs sont à observer et à utiliser pour contrôler l’essaimage.

Phase 3 :phase de stockage des aliments

Lorsque toutes les cellules sont pleines, la reine réduit sa ponte. La proportion de couvain fermé devient très supérieure à celle du couvain ouvert. De ce fait, les phéromones du couvain ouvert sont en moindre quantité. Les ouvrières qui émergent à ce moment-là ont peu de travail à faire au sein de la ruche, ce qui favorise leur évolution pour devenir des abeilles diutinus. Elles restent disponibles et réactives en cas de besoin.

Les éclaireuses sont des abeilles spécialisées dans la recherche des ressources nectarifères. Elles recrutent de nouvelles butineuses quand une miellée démarre. Si les abeilles diutinus sont nombreuses, la colonie est prête pour entreprendre une belle récolte de nectar.

Phase 4 : phase de résilience À la fin d’une miellée, les nourrices cessent de nourrir les butineuses, ces abeilles vieillies disparaissent alors massivement. La priorité n’est plus la récolte de miel, mais de faire face à une période difficile. Économie d’énergie et survie de la reine sont prioritaires. C’est le passage à la période hivernale, mais également les moments de disette tant au printemps qu’en été. L’absence de phéromones du couvain ouvert associé à une grande quantité de phéromones royales déclenche le mode « économie d’énergie ». Les abeilles adaptent la taille de la grappe aux réserves disponibles (stock de miel et quantité de corps gras).

L’utilisation des PIHPgm pour organiser les 2 chambres constitue l’outil de pilotage des colonies pour passer d’une phase à l’autre un peu comme une télécommande pour choisir le moment où la colonie doit se développer, se reproduire, faire du miel, ou économiser l’énergie.

L’EFFET COCOTTE-MINUTE

Pour comprendre le mieux possible les réorganisations du corps en fonction des moments de la saison apicole, nous commencerons par créer l’effet cocotte-minute qui est le préambule des deux méthodes de conduite des colonies dans des ruches RBC.

L’effet « cocotte-minute » permet à la colonie de passer de la phase croissance du couvain à la phase stockage des aliments. C’est une montée en pression de la colonie, qui la conduit à un état de déséquilibre13 tel qu’apparaît un surplus de couvain operculé par rapport à la quantité de couvain ouvert. L’espace du couvain devient au fil des mois comme une cocotte-minute où la température et l’hygrométrie sont poussées au maximum sur la totalité des rayons. Cette situation permet à un minimum de nourrices d’élever un maximum de larves du fait d’un besoin de chauffage restreint. Cette configuration accroît le volume des abeilles à naître et est propice au développement d’abeilles diutinus.

Du fait de l’expansion de la population, les abeilles naissantes sont moins sollicitées, elles ont peu de travail d’intérieur à faire,

ABEILLES « DIUTINUS »

En latin, diutinus signifie « longue durée ». Les abeilles diutinus sont des abeilles de longue vie, que l’on peut trouver à tout moment de la saison, mais qui ont la physiologie des abeilles d’hiver. Au moment de leur fonction nourricière, les abeilles accumulent de très grandes quantités de corps gras, source de la vitellogénine (protéine qui stimule le système immunitaire des abeilles).

62 63 LA CONDUITE DES COLONIES
13. L’équilibre entre les proportions d’œufs, de larves et de couvain fermé est lié à la durée de chacun des états.

peu de larves à nourrir, peu de cire à étirer, peu de couvain à chauffer, elles pourront accroître et maintenir leurs corps gras, leur durée de vie est donc allongée. Elles auront une meilleure mémoire, seront de meilleures communicantes, de meilleures butineuses 14. Les abeilles diutinus constituent une force de réserve pour exploiter une miellée proche.

Le paroxysme de l’effet cocotte-minute est acquis 10 jours après l’operculation de la totalité du couvain. C’est la situation que l’on recherche au début d’une miellée car l’explosion du nombre des abeilles dépourvues des fonctions d’élevage du couvain15 les pousse au butinage.

Pour créer l’effet cocotte-minute, on met en place les PIHPgm, on les resserre fortement et on laisse le système au repos. Tout système naturel laissé au repos revient spontanément à son état d’équilibre, c’est la définition de l’homéostasie du système qu’est la colonie.

64
14. Tautz, p. 231 15. Tautz, p. 252 Ci-contre : l’effet cocotte-minute est une étape indispensable à la conduite des colonies en économie d’énergie. Abeilles diutinus et « ordinaires » : les abeilles diutinus sont plus longues et plus larges. ABEILLES DIUTINUS ABEILLES ORDINAIRE

ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT NATUREL ET LINÉAIRE DE LA COLONIE

Cette pratique est la plus conforme aux habitudes de nombreux apiculteurs et notamment pour ceux qui récoltent au terme des miellées de l’été. C’est une méthode plutôt adaptée à l’apiculture de loisir ou aux environnements qui n’autorisent pas une miellée de printemps. Elle suit le rythme naturel du développement des colonies lié au cycle des floraisons et aux caprices de la météo. Elle n’exclut pas une récolte sur les premières miellées de printemps si les conditions météo locales la permettent, mais ce n’est pas l’objectif principal.

Elle suppose une visite hebdomadaire des colonies jusqu’à la pose des hausses. Notons tout de même que la gestion optimale serait de réduire le nombre des visites qui perturbent le microclimat de la ruche. Développer une conduite qui respecte au mieux le microclimat de la ruche fera l’objet de la seconde méthode que nous proposons.

ATTENTION ! Le piège de cette méthode est de rajouter trop rapidement les cadres en CH1, ce qui réduit l’effet cocotte-minute.

Développement de la colonie

Durant la morte-saison, les cadres de miel et de pollen en CH2 ont été consommés ou transférés pour tout ou partie en CH1 au plus près du couvain, lui-même ayant disparu progressivement. Lors de la première visite, sans diminution notable de la grappe d’abeilles, on devrait retrouver en CH1 à peu près le

même volume d’abeilles qu’à l’hivernage, soit 4 cadres dans notre exemple (  ). Cela se remarque par le fait que tous les cadres sont couverts d’abeilles (si tel n’était le cas, on resserre les cadres avec leurs abeilles entre les PIHPgm). La tête des cadres est occupée par des abeilles de bout en bout.

Lorsque l’espace des rayons de la CH1 sera totalement pondu, la reine passera pondre en CH2 sous la pression du nombre des abeilles. Dans ce même temps, les ouvrières auront transféré le miel en excès de la CH1 vers la CH2, créant ainsi une montée en température sur le 1er cadre de la CH2 derrière la PIHPgm. On observe la présence d’un berceau , ensemble de cellules vides au centre du rayon, prêt à accueillir la ponte de la reine ().

Dans ce rayon de la CH2, les abeilles déposeront le miel en périphérie du berceau, future zone de ponte. Les floraisons commencent et le cadre suivant se remplit de miel et de pollen. Lorsque le berceau de ce premier cadre contre la PIHPgm sera pondu, la reine pourra faire des vas-et-viens de la CH1 à la CH2 (  ). Si nécessaire, un cadre à bâtir sera placé après le dernier cadre de miel.

66 67 1RE MÉTHODE
1RE
MÉTHODE
Situation en fin d’hiver lors de la 1re visite
Coussin Écharpe CH2 CH1
Berceau prêt à accueillir la ponte de la reine
Toit
Chaussette Chaussure Berceau rempli de couvain
Isobulle Coussin PIHPgm Miel Pollen Couvain Abeilles Nourrisseur Cadre
  
La reine est venue pondre dans le berceau préparé par les ouvrières dans la CH2.
gaufré

Élargissement de CH1.

À QUEL MOMENT TRANSFÉRER UN CADRE PONDU ?

Le passage du cadre pondu en CH2 se fera lorsque ce cadre sera couvert d’abeilles en masse. La CH1 est saturée en abeilles et en cadres de couvain largement fermé. On observe sur les cadres deux

couches d’abeilles. L’élargissement de la CH1 sera dans ce cas bénéfique. On poursuit l’élargissement jusqu’à ce que le volume d’abeilles en CH2 soit aussi important qu’en CH1.

Élargissement du nid à couvain

Lorsque le premier cadre de la CH2 se remplit de couvain, cela signifie que la capacité de ponte de la reine excède l’espace qui lui est donné en CH1. Donc, transférer ce cadre en CH1 répond à l’objectif de congestionner continûment le nid à couvain au niveau de la capacité de ponte de la reine. On déplacera la PIHPgm pour insérer ce cadre dans la CH1 avec l’ensemble du couvain. Ce cadre contient également du miel et du pollen qui seront consommés pour la suite de la ponte ( & ).

À NOTER ! Ces 5 cadres une fois pondus sur toute leur surface sont équivalents à 8 cadres de couvain partiellement pondus dans les ruches non PIHPées. Une fois pondu, ce cadre sera transféré en CH1 pour maintenir ou aller vers les conditions « cocotte-minute ».

Tant que la reine passe en CH2 pour pondre, on répète cette opération, qui peut être hebdomadaire ( & ).

Déplacement de la PIHPgm

Les cadres bâtis vides se remplissent de miel

La PIHPgm a été déplacée pour insérer le cadre qui se remplit de couvain dans la CH1 avec l’ensemble du couvain

Déplacement de la PIHPgm

Le cadre nourrisseur est remplacé par un cadre à bâtir qui sera à son tour rempli de miel et de pollen

Le cadre ciré sera construit et rempli de miel, un berceau y sera conservé

Ici, le volume important d’abeilles en CH2 autorise l’élargissement de la CH1.

Deux couches d’abeilles.

68 69 1RE MÉTHODE
Berceau
   
Dans ce cas, il y a trop peu d’abeilles en CH2, attendre une semaine avant d’agrandir la CH1.

Lorsque la reine ne passe plus pondre en CH2, on estimera que sa capacité de ponte est atteinte dans les conditions du moment de la colonie (nombre des nourrices, rentrées de nectar et de pollen…).

On cesse d’introduire des cadres dans la CH1 puisqu’à ce moment l’objectif est d’y maintenir le maximum de chaleur.

ATTENTION ! Tout apport en CH1 d’un cadre à bâtir ou construit non couvert d’abeilles abaisse la température de la CH1, ce qui est préjudiciable à la dynamique d’élevage par les nourrices.

Les grandes floraisons du printemps arrivent. Les cadres de miel et de pollen se rempliront dans la CH2. Les derniers cadres bâtis et vides en CH2 sont en cours de remplissage de miel et de pollen. On décale la PIHPgm et on ajoute 1 ou 2 cadres cirés derrière le ou les cadres de miel et pollen encore en place. La colonie est désormais sur 8 cadres entre 2 PHIPgm. La pose de la première hausse est immédiate ( & ).

POURQUOI RESPECTER CETTE LINÉARITÉ DU DÉVELOPPEMENT DU COUVAIN ?

Si on laisse des rayons vides autour des cadres de couvain, la reine étalera sa ponte sur plusieurs d’entre eux sans jamais les remplir totalement de couvain. Du miel sera stocké de part et d’autre du nid à couvain assurant l’indispensable fonction de tampon

thermique, le corps accueillera nectar et miel. Les hausses se rempliront une fois le corps saturé de miel, pollen et couvain. En remplaçant les blocs de miel du corps par des PIHPgm, on réoriente le stockage du miel vers les hausses.

Cette manière de conduire les colonies prend en considération la capacité de ponte de la reine qui est liée à sa génétique, à son âge, à l’état sanitaire de la colonie, à la ressource alimentaire disponible.

72 73 1RE MÉTHODE On décale la PIHPgm en rive…
Le premier mouchoir de la saison peut être un peu plus grand en cas de météo froide. Une fois la hausse H1 rempli d’abeilles, il pourra être remplacé ou retiré. … et on pose la première hausse H1
 
Grille à reine Mouchoir

L’ÉLEVAGE DES REINES

Les méthodes d’élevage de reine sont multiples. Nous proposons ici une méthode, dans les ruches RBC, pour disposer de cellules royales en continu du printemps jusqu’au cœur de l’été tant que des mâles sont encore présents.

L’élevage des reines fait partie des pratiques de toute exploitation apicole, quelle qu’en soit la taille, avec comme objectifs :

- Assurer le renouvellement des reines des ruches de production pour disposer de bonnes pondeuses, remplacer des reines déficientes ou disparues…

- Développer des lignées sélectionnées pour maintenir des ruchers homogènes selon les critères de l’apiculteur. Nous proposons ici une méthode, dans les ruches RBC orphelines à double chambre. L’usage d’une couveuse est possible mais pas obligatoire. Néanmoins, nous présentons, en page 88, la couveuse australienne, un modèle qui offre, malgré sa simplicité, une alternative aux couveuses électriques.

CARACTÉRISTIQUES DE LA COLONIE ÉLEVEUSE

- La performance de cette éleveuse tiendra au volume de nourrices qu’apportent les cadres de couvain fermé et à la vitalité des abeilles. La colonie choisie pour devenir l’éleveuse sera celle qui a commencé à élever des mâles tôt en saison et dans laquelle les jeunes larves baignent sur un lit de gelée nourricière (signe qu’elle est en phase de reproduction et donc qu’elle sera en mesure d’élever des reines). L’élevage des mâles est un bon indicateur de la capacité des nourrices à produire de la gelée royale en abondance.

- L’éleveuse possédera un très large surplus de couvain operculé par rapport à la quantité de couvain ouvert19. C’est dans ces colonies que l’on trouve des abeilles diutinus ou abeilles de longue vie qui ont une présence importante de corps gras, ce qui en fait d’excellentes nourrices.

- Elle sera préparée environ un mois auparavant pour créer ces abeilles diutinus ayant une vitalité optimale.

- Elle sera prête à être utilisée comme éleveuse lorsque la reine passera pondre en CH2.

ATTENTION ! Il faut réaliser des traitements stricts contre le varroa et des apports importants de pollens ou de substituts de pollen.

19. En situation de développement « linéaire » d’une colonie, le couvain se répartit ainsi : 1 cellule sur 7 possède un œuf, 2 sur 7 sont occupées par des larves, et 4 sur 7 par du couvain operculé.

À SAVOIR

Ce type d’éleveuse peut s’adapter aux contraintes d’organisation de tout éleveur : utilisation des cellules royales à 3 jours de développement ou jusqu’à l’operculation pour un transfert en couveuse ou un prélèvement à 10 jours pour une introduction directe dans les essaims ou les nucléis. Cette éleveuse sera utilisable autant que de besoin durant plusieurs mois. On peut aussi ne l’utiliser que de manière ponctuelle pour une seule série de reines.

À NOTER

La présence des abeilles diutinus est centrale. Elle est bien plus importante que le nombre des abeilles. Une petite colonie riche en abeilles diutinus sera une meilleure éleveuse qu’une importante population qui en serait dépourvue.

84 85 L’ÉLEVAGE DES REINES

À SAVOIR

Dans une éleveuse on a intérêt à ce que des larves soient présentes à côté du couvain fermé. Les phéromones des larves stimulent l’instinct d’élevage des nourrices. Pour maintenir un taux élevé d’hygrométrie dans l’éleveuse, un apport d’eau est souhaitable : cadre bâti passé sous la pomme de la douche, cadre nourrisseur, nourrisseur d’entrée, dépôt d’une éponge sur le plateau de sol… le taux d’acceptation des cellules augmente très sensiblement.

ÉLEVER DES REINES EN RBC

Constitution de l’éleveuse

L’éleveuse est une colonie orphelinée (c’est-à-dire privée de la reine). Elle sera composée de 2 chambres :

- En CH1 seront confinés 2 à 4 cadres de couvain operculé sur toute leur surface avec leurs abeilles et un cadre d’élevage.

- En CH2, seront mis 2 ou 3 cadres de miel et un nourrisseur cadre revêtu de réfléchissant.

- L’éleveuse recevra un seul cadre d’élevage pour assurer les meilleures reines possibles. Ce cadre d’élevage sera doté de 1 ou 2 barrettes de 12 à 14 cupules. Il sera placé en CH1 au milieu du couvain.

Comment procéder ?

J -1 : La reine sera retirée avec le cadre sur lequel elle se trouve pour faire un essaim sur un cadre. Il sera conduit comme tel (voir page 106).

J 0 : Introduction du cadre d’élevage. Une ou deux barrettes de 14 larves greffées seront introduites entre 2 cadres de couvain de la CH1. La quantité de barrettes introduites est adaptée à la capacité d’élevage de la colonie évaluée par la quantité d’abeilles, par le nombre de cellules élevées antérieurement et par la quantité de gelée observée au fond des cellules royales prélevées.

J +3 : Retrait des cellules royales ouvertes dont on a besoin, pour leur mise en nucléi. Les autres seront laissées jusqu’à J+7 pour les mettre en couveuse une fois operculées.

J +7 :

- Retrait des cellules royales fermées.

- Installation d’un nouveau cadre d’élevage.

- Visite complète de tous les cadres de couvain pour vérifier la présence de CRN que l’on châtre.

- Apport d’1 kg de candi protéiné, des substituts de pollen ainsi qu’1 l de sirop.

- Apport d’un cadre de couvain avec ou sans ses abeilles suivant les besoins en abeilles, en veillant à ne pas apporter une reine par mégarde.

- Installation d’un nouveau cadre de couvain fermé à côté du cadre d’élevage.

TRAVAIL HEBDOMADAIRE

Travail hebdomadaire en CH1 :

- Toutes les semaines, à jour fixe, on retire 1 cadre qui sera vide de couvain pour le mettre en CH2.

- On apporte un cadre totalement couvert de couvain (parfois il faut en ajouter 2).

- On place le cadre d’élevage au centre à côté du nouveau cadre de couvain.

Travail hebdomadaire en CH2 :

- Toutes les semaines, on retire un cadre de provision qui sera mis dans un essaim ou dans la ruche pourvoyeuse des cadres de couvain.

- On veille à ce qu’il y ait toujours beaucoup d’abeilles de belle constitution.

- Si les cellules royales ne sont pas belles, cela indique une insuffisance dans le volume et/ ou la qualité des abeilles de l’éleveuse.

86 87 L’ÉLEVAGE DES REINES
J 0 : introduction du cadre porte-barettes dans la colonie éleveuse. J +7: retrait des cellules fermées prêtes à être mises en couveuse. J -1 : retrait du cadre où se trouve la reine. J +3 : retrait des cellules ouvertes à 3 jours de développement larvaire. CH1 CADRE D’ÉLEVAGE CH2 Éleveuse orpheline à double chambre.

PERSPECTIVES

Au terme de ce périple, la réflexion n’en est qu’à ses débuts. Le lecteur fera d’autres observations. De nouvelles expérimentations seront nécessaires pour faire évoluer les éléments dans les ruches, pour parfaire les méthodes de gestion des colonies dans un nouvel environnement plus propice au respect du bien-être des abeilles.

Ce qui a été constaté suggère une reproduction moins favorable de varroa dans ce contexte. Des pseudoscorpions ont été vus sur les chaussures, signe que l’environnement et l’atmosphère sont proches de ce qui fut observé dans les troncs d’arbres creux. Tout cela mérite attention, mesures, expérimentations et partages.

Au moment où le bien-être animal est au cœur d’une réflexion sociétale, l’intuition de Marc Guillemain sur le bien-fondé de sa démarche prend tout son sens. Son travail s’est établi sur de nombreuses années : partant des PIHPgm, il a peu à peu évolué vers des conceptions très élaborées de l’isolation au service des colonies et surtout il a développé des méthodes.

Au-delà de la qualité de vie des abeilles, notre espoir est que les apiculteurs maîtrisent ces outils et ces méthodes de travail, qu’il les fasse évoluer, comme le fit Marc Guillemain, pour une meilleure survie de leurs colonies, pour obtenir des volumes de production plus importants et réussir des élevages de reines de meilleure qualité.

L’ANERCEA fut la seconde famille de Marc Guillemain où il présenta ses idées sur l’isolation. Il fut membre du Conseil d’administration durant de nombreuses années. Il fit partie des formateurs de l’ANERCEA. Depuis plus de 30 ans, les connaissances de Marc Guillemain se diffusent. Nous espérons que les échanges autour de ses idées se poursuivront.

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Photo prise à Auxerre, lors d’une formation organisée par l’ANERCEA. Marc Guillemain, à gauche sur son fauteuil, a toujours eu le souci de transmettre son savoir.

UNE TECHNIQUE INNOVANTE INSPIRÉE DE LA NATURE : UN VÉRITABLE CHANGEMENT DES PRATIQUES APICOLES !

Partant du constat que les ruches modernes sont des passoires thermiques conduisant à des surmortalités hivernales, Marc Guillemain a passé 30 ans de sa vie à mettre au point un système d’isolation efficace en s’inspirant de l’habitat naturel des abeilles : le tronc d’arbre creux.

Il a progressivement développé une technique devenue fameuse dans le monde apicole : la PIHP (Partition Isolée Haute Performance), utilisable dans les ruchers modernes de production, qui combine isolants réfléchissant et thermique pour stopper la conduction des matériaux. Au-delà de l’innovation technique qu’il n’a cessé d’améliorer, il en a aussi précisé le mode d’emploi.

Ce livre présente en détail sa méthode, qui intéresse de plus en plus les apiculteurs professionnels et les amateurs avertis cherchant à améliorer le confort et la survie de leurs abeilles.

ISBN : 978-2-37922-298-6

PRIX TTC FRANCE: 22 € ,!7IC3H9-cccjig!

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