Fabriquer son matériel d’art
Avec les ressources de la nature
Sommaire
1 Pourquoi dessiner avec la nature ?................ 11
2 Dans l’atelier du fabricant de couleur ............ 27 3 Conseils pour une récolte responsable ........... 55 4 Petit cahier de récoltes .......................... 69 5 Les recettes pour dessiner avec la nature ......... 89
6 Le mot de la fin ................................ 119
Calendrier des récoltes 120 Tableau des récoltes ................................................. 121 Bibliographie et personnes inspirantes ........................... 123 Index des recettes .................................................. 123
Dans l’atelier du fabricant de couleur
ORGANISER SON ESPACE DE TRAVAILLe plan de travail et les rangements L’atelier est un lieu d’expérimentation qui a besoin de certaines caractéristiques pour être fonctionnel. Globalement, il y a deux possibilités : soit vous avez un endroit dédié à vos expériences (un atelier), soit vous devez utiliser temporairement un espace de votre quotidien (par exemple la table de la cuisine, du salon ou votre bureau).
Si vous choisissez d’utiliser un espace du quotidien, certaines précautions sont à prendre. Veillez toujours à : - bien protéger le plan de travail des taches éventuelles de cuisson, des pigments, des coups de couteau… - éloigner tout aliment ouvert (panière de fruits, gâteau, pot à sel) ou fermé (conserves, boîte de riz) de la zone de travail. Les produits
utilisés, très souvent, ne sont pas comestibles et leur contact avec de la nourriture peut être potentiellement dangereux - protéger les outils électroniques des poussières pulvérulentes de pigments en les rangeant dans des endroits éloignés ou fermés - enfin, si votre table est contre un mur, n’hésitez pas à protéger celui-ci des éclaboussures à l’aide d’un grand carton. Il peut aussi être judicieux de protéger le sol des taches.
Dans votre espace de travail, vous aurez besoin d’un point de cuisson. Personnellement, j’utilise le gaz dans mon atelier et une plaque électrique mobile lorsque je donne des ateliers publics. Si vous utilisez la plaque de cuisson de votre cuisine, veillez à bien la nettoyer avant et après utilisation, et ce, avec une éponge qui ne sert qu’à cela ! En effet, il peut y avoir un transfert de produit si l’on utilise la même éponge pour sa vaisselle alimentaire que pour ses expériences
J’y consigne les futures expériences que je voudrais réaliser, les indications d’actions et de quantités prises sur le vif pendant que je réalise une recette, les échantillons réalisés une fois la recette finie. Un 2e carnet me permet de dessiner plus librement et de tester mon matériel de façon plus approfondie (mouillé sur mouillé, estompage…).
Le 3 e carnet centralise tous les échantillons réussis de mon matériel de dessin artisanal afin d’avoir une lecture organisée des essais validés selon le médium fabriqué.
Il vous appartiendra de décider comment remplir et utiliser votre carnet, voici néanmoins quelques conseils.
Ce carnet doit avant tout être pratique , surtout si vous notez et décrivez en temps réel les expériences. Ce détail peut orienter quant au choix de ses dimensions. Par exemple, un carnet trop petit ou qui ne se maintient pas ouvert peut vous gêner lors de vos expérimentations. Si vous n’avez pas peur des feuilles volantes, vous pouvez choisir d’utiliser un classeur.
Utilisez un papier épais, ou mieux, du papier aquarelle. Puisque nous fabriquons du matériel de dessin, il va se remplir d’échantillons au fur et à mesure. Un papier épais recevra aisément les échantillons de techniques à l’eau sans être transpercé.
Pour finir, je vous conseille de tout consigner : les poids, les dimensions, les mesures, le type de casserole, la température, le temps, le type et le volume du contenant, le choix de stérilisation, mais aussi les conditions météo, les gestes, la provenance de vos matières premières… Chaque détail compte afin de pouvoir reproduire l’expérience.
Dans le cas des aquarelles, j’ai pu remarquer que travailler par temps de pluie faisait « rater » certaines de mes recettes, qui fonctionnent pourtant très bien par beau temps. Si je n’avais pas noté ce détail, je ne suis pas sûre que j’aurais trouvé la nature du problème ! Dans le cas des encres, noter le pH obtenu peut se révéler très utile, car certaines plantes ont des couleurs spécifiques selon leur acidité ou leur alcalinité (cf. chap. 1).
Ce n’est pas parce qu’un produit est naturel qu’il n’est pas toxique.
Sécurité et protection Comme dit plus haut, fabriquer son matériel de dessin à partir de la nature ne signifie pas que c’est sans danger. Dans le domaine culinaire, certains champignons sont mortels et la rhubarbe crue en grande quantité est toxique. Dans le domaine des cosmétiques, il est déconseillé d’utiliser la cannelle
les outils indispensables
Œillet d’Inde Tagetes patula
Les œillets d’Inde ne poussent pas naturellement dans la nature, mais se trouvent facilement en jardinerie (très connus pour protéger des pucerons). Si l’on en plante dans son potager, on pourra récolter les fleurs et les faire sécher petit à petit. L’œillet d’Inde donne un jaune doux et chaud.
Phytolaque (ou raisin d’Amérique)
Phytolacca americana Originaire d’Amérique du Nord, cette plante commence à envahir notre territoire. Très toxique, elle peut empoisonner humains et animaux : le port de gants est indispensable pour récolter de ces baies. La cueillette se fait en automne, lorsque les baies sont violettes, presque noires. Leur jus donnera une encre rose fuchsia très vive.
Ronce Rubis fruticosus
La ronce est facile à trouver, car elle pousse autant en ville qu’en campagne. Ses jeunes feuilles riches en tanins pourront faire une belle encre noire grâce au sulfate de fer, et ses baies mûres une encre violacée. Attention aux épines sur les tiges et les feuilles lors de la cueillette.
Sureau noir Sambucus nigra Arbrisseau commun, ce sont ses baies mûres qui fournissent un jus coloré d’un beau violet. Aussi utile en cuisine que pour dessiner, il faudra faire attention à ne pas le confondre avec d’autres arbres et arbustes à baies noires, comme le cornouiller sanguin.
Verge d’or Solidago Plante utilisée pour ses vertus médicinales, elle est originaire d’Amérique du Nord. En Europe, elle est considérée comme invasive, aussi il ne faut pas se priver de la récolter en fleur. Ses rameaux fleuris donneront un beau jaune vif.
quelques plantes à récolter
RECETTE DE L’AQUARELLE
La peinture idéale pour voyager ! Elle se transporte sèche ou liquide et s’utilise avec de l’eau. Cette recette sert à fabriquer de l’aquarelle à faire sécher en godet. Une fois l’aquarelle sèche, analysez votre recette. Si l’aquarelle est très crevassée, il y avait peut-être trop d’eau lors du broyage. Et si elle a du mal à sécher, il y a peut-être trop de liant.
plaque en marbre ou en verre • molette en verre • pigment • liant à aquarelle (cf. recette p. 46) • 2 couteaux de peinture • cuillères doseuses
1. Mettre une dose de pigment au milieu de la plaque en verre de façon à former un volcan.
2. Dans le volcan, mettre la dose de liant, et éventuellement un peu d’eau. Rappel : chaque pigment nécessite une dose de liant différente, il n’y a que l’expérience qui permet de savoir laquelle.
3. À l’aide de couteaux, mouiller le pigment avec le liant jusqu’à ce que l’on obtienne une pâte humide.
4. Utiliser la molette en décrivant des petits cercles. Ensuite, élargir la zone de broyage en dessinant des 8 à l’aide de la molette. Si l’aquarelle sèche au cours du broyage, ajouter un peu d’eau au mélange.
5. Lorsque l’aquarelle ne crisse plus sous la molette, le broyage est terminé. Rassembler la pâte à l’aide des spatules et remplir les godets.
6. Faire sécher dans un endroit sec et à l’abri de la poussière.
GODETS ET MOLETTE MAISON
Nous avons parlé des coquillages (chap. 1), mais n’importe quel contenant résistant à l’eau peut être utilisé (cupules de gland, capsules, bouchons, coques de noix…). Et si vous ne souhaitez pas investir dans une molette tout de suite, vous pouvez utiliser un mortier en céramique ou un bouchon de carafe en verre.
Lors du premier confinement, alors qu’elle manque de matériel pour pratiquer ses activités artistiques, Lucie Broisin Schoch prend conscience qu’elle utilise des produits polluants. Nécessité fait loi : elle réalise que la nature regorge de matières et de couleurs. Dès lors, elle se passionne pour la fabrication d’aquarelles, pinceaux, fusains, pastels, encres végétales et palettes sauvages. Ce guide propose de devenir autonome dans la fabrication de ses médiums d’art plastique, d’apprendre à récolter et identifier les ressources de la nature et de renouer avec les techniques d’antan. Beau et écologique !
Lucie BROISIN SCHOCH vit à Strasbourg où elle anime des ateliers ouverts au public pour apprendre à fabriquer son matériel d’art et vend ses productions (boîtes d’aquarelles, pastels secs ou à la cire, fusains…). Elle partage ses aventures pigmentées sur son compte Instagram « La Pigmentière » (@lapigmentiere).