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SEXE, AMIS ET SANTÉ

Un roman à l’eau de houblon, par Chibre Masqué

Chapitre 1 : Une rencontre opportune

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Jean Jacques Bichet en avait gros sur la patate ! Célibataire depuis quelques heures seulement il avait grand besoin de se changer les idées. Le voilà donc qui avançait d’un pas assuré vers un lieu riche en souvenirs : le Black Lion. Son dernier combat avec la bête remontait à quelques années de cela lorsque tel David face à Goliath il avait jouté des heures durant avec le redoutable félin.

C’est là qu’il l’avait rencontrée, une charmante créature à la beauté éclatante. Ce soir-là, en sa compagnie, alors qu’elle prenait bien soin de sa personne il avait réalisé une chose importante : parfois on terrasse la bête, et par moment il est préférable de la laisser se repaître.

En parfait accord avec son humeur, tout ce qu’il voyait se confondait en un spectacle gris et fade. Des automobilistes circulaient le long d’artères surpeuplées se couvrant d’insultes et de coups de klaxons. Afin d’achever le triste tableau qui s’offrait à lui, des étudiants imbibés de Passoä, rotants des chants paillards, franchissaient les dernières marches du métro ; essayant de dissimuler sous des litres d’alcool bon marché la vacuité de leur existence.

Détachant son regard de ce pitoyable spectacle, il arrivait maintenant devant l’immuable édifice. Sentant sa résolution fléchir, il prit une grande inspiration et entra.

L’intérieur était tel que dans ses souvenirs ; une musique entêtante disputait un brouhaha aux accents alcoolisés. Tournant la tête de gauche à droite, il espérait ne pas arriver trop tard. Alors que tout espoir semblait perdu, la foule ondula, laissant transparaître un léger interstice par lequel il l’aperçut. Elle se tenait là, négligemment accoudée au bar. Une foule de mâles attentionnés se pressaient autour, tentant d’attirer ses faveurs. Elle portait la même robe blanche et or qu’au jour de leur rencontre, sa chevelure d’un blond vif ruisselant le long de courbes ennivrantes. Chaque mouvement de tête accrochait la lumière du stroboscope et s’accompagnait de myriades d’étincelles colorées projetées sur les badauds alentours. Ces derniers, subjugués par son charme, buvaient chacune de ses paroles, rivalisant d’ingéniosité afin de la faire rire et d’attirer son attention.

Inconsciemment, Jean-Jacques avait déjà fait trois pas dans sa direction ; bras tendu tel un assoiffé perdu en plein désert. Avertie par quelque sixième sens propre à la gente féminine elle détourna la tête de ses prétendants et planta son regard à l’intérieur du sien. Lui qui avait imaginé tant de scénarios et d’intrigues n’avait en aucun cas anticipé d’être ainsi pris au dépourvu.

Le temps s’arrêta. Une seconde passa. Puis une deuxième. A la suivante, elle éclata d’un rire cristallin et se précipita dans ses bras, éclaboussant quelques mécontents sur son chemin.

Il pleura en la tenant ainsi serrée dans ses bras. Ils dansèrent ainsi enlacés de longues minutes durant. Faisant fi du monde extérieur et du temps qui s’écoulait, il lui releva le menton et s’aperçut que déjà des larmes commençaient à mousser, roulant sur son visage en laissant deux longs sillons le long de ses joues creuses. Son regard pétillait sous les néons et ivre de joie Jean-Jacques l’embrassa langoureusement.

Son souffle était court et froid, la hanse de ses hanches tremblotante entre ses mains. Alors qu’il levait haut sa dulcinée afin que tous la voient, leurs âmes alors liées par une singulière attirance, il l’approcha de ses lèvres et la descendit en quelques gorgées. S’essuyant la barbe encore pleine de mousse et de houblon, il expira bruyamment :

« Ce que c’est bon d’être à la maison ! Allez, serveur tu me sers la petite soeur ! »

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