Patrimonialisation de la ville européenne - Mémoire de Licence - Delphine Magnan

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PATRIMONIALISATION DE LA VILLE EUROPEENNE

Regards croisés sur Rome, Paris & Londres Mémoire de licence - Delphine MAGNAN - Directeur de mémoire : Stéphane BAUMEIGE - ENSA Marseille - 2016


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« La ville de demain va-t-elle définitivement réguler les villes du passé au musée du patrimoine historique? N’est-il pas possible au contraire, d’intéger les villes, centres et quartiers anciens dans la vie quotidienne de l’ère électronique, de les rendre à des usages qui ne soient pas ceux de l’industrie culturelle? » Françoise CHOAY, dans la préface de l’Urbanisme face aux villes anciennes, Gustavo GIOCANNONI, 1998, Paris, Editions du Seuil.

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REMERCIEMENTS

J’adresse mes remerciements à Stéphane BAUMEIGE, professeur référant et directeur de mémoire, pour avoir suivi l’évolution de mon mémoire depuis le début de mes recherches et guidé vers des pistes de réflexion jusqu’à sa finalisation.

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SOMMAIRE

Introduction

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I.

Transmettre le patrimoine

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A. Patrimoine, définition B. Prise de conscience et inventaires d’éléments remarquables Les sept merveilles du Monde, une première pensée patrimoniale ?

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Lettre à Léon X Invention du musée Le monument historique au XIXème siècle Législation au XXème siècle en France La Charte de Venise en 1964 C. Valeurs, intérêts 21 Valeurs de remémoration et de contemporanéité Valeur affective Restaurer en France ? Conserver en Angleterre ? Et en Italie ? D. La peur du « trop » patrimonial ? 25

II.

Trois villes, trois patrimonialisations

A. Rome Fondation de Rome République et Empire Moyen-Age Capitale chrétienne Renaissance Rome baroque Capitale de l’Italie réunifiée Rome de Mussolini B. Paris Fondation de Lutèce De CLOVIS aux Capétiens De Hugues CAPET à la guerre de cent ans De la guerre de cent ans à la Renaissance Renaissance Paris et guerres civiles Le XVIIème siècle

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Paris/Versailles La Révolution française L’Empire et la Restauration Paris d’HAUSSMANN au Second Empire De la Belle Epoque à la Première Guerre Mondiale Vers la Seconde Guerre Mondiale Projet autoroutier et destruction des Halles

C.

Londres

Fondation de Londres Londres des Saxes Moyen-Age Premier plan d’urbanisme XVIIIème siècle XIXème siècle Londres face aux guerres mondiales

III. Le présent de ces villes

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A. Villes muséifiées du XXIème siècle ? Inscription des centre-villes au Patrimoine Mondial de l’UNESCO

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Conserver les «vues» Tourisme Solutions originales

B.

Projets contemporains

Le nouveau Musée de l’Ara Pacis de Richard MEIER à Rome Le MACRO d’Odile DECQ et Benoit CORNETTE à Rome Les Halles de Patrick BERGER et Jacques ANZUITTI à Paris La Samaritaine de SANAA à Paris La Shard de Renzo PIANO à Londres

Conclusion

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Bibliographie

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Iconographie

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INTRODUCTION métropoles. Tout ceci pose le problème de la muséification de la ville. Si ce sujet a déjà souvent été traité par des spécialistes (historiens, architectes, sociologues...), c’est la comparaison de Rome, Paris et Londres qui est plus originale dans cette étude. Comment à Rome, Paris et Londres, le patrimoine architectural des centres anciens est-il protégé? Y-a-t’il pour chaque ville des caractéristiques particulières héritées du passé? Quelles sont les similitudes ou particularités? Pour répondre à ce questionnement, nous expliquerons d’abord les enjeux généraux de la transmission du patrimoine avant d’exposer l’histoire des trois capitales pour souligner les étapes importantes de leur construction s’appuyant ou non sur le patrimoine hérité. Enfin, nous présenterons des projets contemporains dans les centres villes anciens, qui apparaissent comme nouveautés dans les paysages urbains souvent assez cristallisés.

L’Europe, ou le «vieux continent» bénéficie d’un passé riche. Depuis des siècles, ses habitants ont fondé de réelles civilisations créant de nombreuses villes qui seront les témoins de l’histoire qu’auront dessiné leurs habitants. C’est ainsi que des édifices bâtis à telle ou telle période deviennent des symboles car ils resteront dans le temps alors que l’Homme s’éteint. Il peut être alors intéressant pour l’Homme de se servir de ces éléments qui lui survivront ; plusieurs choix s’offrent à lui : s’appuyer sur ces édifices, les nier avec leur passé ou au contraire les conserver religieusement pour conserver le souvenir d’un évènement marquant... Se pose donc la question de la contemporanéité entre la passé d’une ville et son présent avec ses besoins actuels. Dans son ouvrage, l’architecte et ingénieur italien Gustavo GIOVANNONI utilise la formule : «une opposition irréductible entre la Vie et l’Histoire : d’un côté les besoins positifs du développement et du mode de vie moderne ; de l’autre, le respect des souvenirs historiques et artistiques et le maintien du cadre général de la ville ancienne».1 Le poids de l’Histoire et la densité du patrimoine rendent parfois difficile l’adaptation de la ville européenne aux exigences contemporaines de la vie des grandes

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Page de gauche : Fig 1 : La City à Londres

Gustavo GIOVANNONI, L’urbanisme face aux villes anciennes, Editions Points, 1998, p35.

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I. TRANSMETTRE LE PATRIMOINE

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I. TRANSMETTRE LE PATRIMOINE A. PATRIMOINE, DÉFINITION

Il est question de perpétuer la mémoire d’un homme ou d’un événement remarquable lorsque l’on parle de conservation et transmission du patrimoine. A la notion de « Patrimoine », l’historien français Pierre NORA donne la définition suivante : « Bien constitutif de la mémoire d’un groupe ».2 Il apparait alors comme un bien d’intérêt public. « L’obligation d’agir survient lorsqu’un besoin ne peut plus être différé. Quel besoin exige un acte conservatoire patrimonial ? »3. Il faut une protection quand il y a une menace de perte ou destruction des points de repères ? Le patrimoine n’est pas un concept neutre. C’est le résultat de choix d’une société (conserver un élément ou pas). Ces choix donnent une valeur contemporaine à une histoire du passé. Un monument peut être représentatif ou non des valeurs de la société qui en dispose. La lecture du patrimoine est souvent partielle et tronquée. Une lecture historique est alors nécessaire. L’historien va « questionner » le patrimoine : Qui crée le monument ? Pourquoi ? Quel est le contexte ? Y a-t-il une évolution de l’utilisation ?

2 Pierre NORA, Présent, nation, mémoire, Paris : Gallimard 2011, p. 25.

3 Georg GERMANN et Dieter SCHNELL, Conserver ou démolir ? Le patrimoine bâti à l’aune de l’éthique, Infolio, 2014, p. 33.

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Fig 2 : Gravures reprĂŠsentant les Sept Merveilles du Monde

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I. TRANSMETTRE LE PATRIMOINE

B. PRISE DE CONSCIENCE ET INVENTAIRE D’ÉLÉMENTS REMARQUABLES LETTRE A LÉON X « A travers un mémoire souvent appelé « Lettre à Léon X », véritable certificat de naissance de la construction monumentale, nous en arrivons aux bâtiments, et même aux ruines qui n’ont plus de valeur d’usage. Ce mémoire est né de la tâche confiée au peintre RAPHAËL, de procéder au relevé des ruines de la Rome antique. Divers artistes et savants paraissent avoir travaillé à sa rédaction. RAPHAËL, vers 1520, aurait voulu le soumettre au pape Léon X, issu de la famille des MÉDICIS, mais la mort de l’artiste a empêché cette transmission. Les monuments antiques apparaissent à l’auteur de ce texte comme l’expression de la Pax Romana, modèle de la paix éternelle qui devrait régner entre les chrétiens, et objectif de la politique du Saint-Père. »4

LES SEPT MERVEILLES DU MONDE, PREMIERE PENSÉE PATRIMONIALE? Les Sept Merveilles du Monde, dont la genèse de la liste est méconnue, constituent l’ensemble des sept œuvres architecturales et artistiques les plus extraordinaires du monde antique. Elles correspondent toutes à des réalisations qui excèdent largement les proportions communes. Ces œuvres montrent qu’avec des moyens, pour nous rudimentaires, architectes et bâtisseurs de l’époque étaient capables, à force de labeur et d’ingéniosité, d’ouvrages prodigieux. La popularité des monuments a suivi l’influence politique et économique des cités. Ces sept œuvres étaient la pyramide de Khéops à Gizeh en Égypte, les jardins suspendus de Babylone, la statue de Zeus à Olympie, le temple d’Artémis à Éphèse, le Mausolée d’Halicarnasse, le Colosse de Rhodes et le phare d’Alexandrie. Leur date de construction varie entre 2800 av. JC pour les pyramides de Khéops, et 280 av. JC pour le phare d’Alexandrie. Lorsqu’il dresse cette liste, PHILON DE BYZANCE, scientifique grec du IIIème siècle avant J-C, est peut-être l’un des premiers à faire émerger la notion de patrimoine.

INVENTION DU MUSÉE DES MONUMENTS HISTORIQUES Alexandre LENOIR, né le 27 décembre 1761 à Paris où il est mort le 11 juin 1839, est un médiéviste français, conservateur de musée, connu pour avoir créé et administré le Musée des monuments français. Après l’ouverture du musée du Louvre, tout premier musée national crée en France en 1793, Alexandre LENOIR décida deux ans après de créer le musée des Monuments français. D’abord simple dépôt temporaire

4 Georg GERMANN et Dieter SCHNELL, Conserver ou démolir ? Le patrimoine bâti à l’aune de l’éthique, Infolio, 2014, p. 48.

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réunissant les œuvres d’art séquestrées lors de la suppression des églises parisiennes, il fut très vite transformé en vrai musée avec l’aide des architectes Antoine-Marie PEYRE et Charles PERCIER. Ce musée pris place dans l’actuelle Ecole des Beaux-Arts de Paris. Alors que le Louvre s’attachait à présenter exclusivement des peintures et des antiques, LENOIR construisit une collection de sculptures, vitraux et objets d’art et organisa une muséographie innovante selon la succession des siècles. Il chercha à réaliser une véritable rétrospective de tous les styles. Il rend l’histoire visible et traite la question de la présentation des œuvres et de leur inscription dans un contexte. Il tente de créer une pédagogie novatrice, tant dans la sélection des œuvres que dans les procédés d’expositions nouveaux. On peut dire que le musée des Monuments français est un musée qui a marqué l’imaginaire collectif et l’histoire des musées Son créateur restera dans l’Histoire comme un des pionniers de la sauvegarde du patrimoine français.

Fig 3 : Gravures représentant Alexandre LENOIR avec l’Empereur NAPOLEON et son épouse JOSEPHINE au Musée des Monuments historiques

Comme l’écrit Jean-Luc MARTINEZ, président-directeur du musée du Louvre, « L’expérience du musée des Monuments français, pensé à la fois comme un musée des saisies révolutionnaires et une réserve-refuge et le courage dont a fait preuve Alexandre LENOIR trouvent une résonance particulière à l’heure où, au Proche-Orient, le patrimoine de l’humanité fait l’objet de destructions sans précédents […] »5.

5 « Le Musée des Monuments français : le courage et la passion d’Alexandre Lenoir », narthex.fr, [En

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LE MONUMENT HISTORIQUE AU XIXème SIÈCLE

compétence reconnue pour la restauration des monuments historiques. Le 31 décembre 1913, la loi sur les Monuments Historiques se précise avec, entre autres, les articles suivants :

En 1837, à la suite de la demande de Prosper MERIMEE, alors inspecteur général des monuments historiques, les préfets reçoivent une circulaire leur demandant de dresser la liste des monuments de leur département dont ils estiment la restauration prioritaire. En 1840, cette demande conduit la Commission des monuments historiques à dresser une liste d’un millier de monuments « pour lesquels des secours ont été demandés » et nécessitent donc des travaux (et donc des crédits) pour être conservés. Les monuments concernés sont en grande majorité publics (appartenant à l’État, à la commune ou au département). La liste contient à la fois des édifices (églises, châteaux, etc.) et des objets (vitraux, ....). Au total, elle compte 1 082 entrées, dont 934 édifices. Il s’agit de la première liste d’un tel genre en France.

- Art 1 : Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire de l’art, un intérêt public, sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins du ministre chargé des affaires culturelles. - Art 9 : L’immeuble classé ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l’objet d’un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, si l’autorité compétente (préfet de région ou ministre chargé de la culture) n’y a donné son consentement. La loi du 25 février 1943 détermine la protection des abords des monuments historiques, en instituant un périmètre de 500 mètres autour des monuments historiques classés ou inscrits. Ce texte, interprété largement dans l’intérêt des monuments, affirme la solidarité du monument avec son environnement immédiat : le monument génère un paysage qui ne se ramène pas au seul monument. Les nécessités d’après-guerre avaient obligé à construire beaucoup et à transformer nombre de centres-villes sans considération suffisante pour leur caractère historique ou architectural. Conscient de ce phénomène et de l’urgence pour l’État d’intervenir, André MALRAUX, alors ministre des Affaires culturelles, a proposé un texte de loi fixant la protection de quartiers anciens : les secteurs sauvegardés. La loi, adoptée le 4 août 1962, rapproche l’idée de protection et celle d’urbanisme opérationnel. S’agissant de centres-villes, il ne suffit pas de labelliser un secteur, il faut aussi en assurer

LÉGISLATION AU XXème SIÈCLE EN FRANCE Le 30 mars 1887 est votée la première loi sur la protection des monuments historiques. Elle assure un cadre général aux interventions de l’État. Bien que son champ d’application soit limité, elle n’en marque pas moins la volonté du législateur d’intervenir directement dans le débat sur la conservation du patrimoine. Cette loi met en place également le corps des architectes en chef des monuments historiques. D’un nombre réduit, ces architectes ont une

ligne], http://www.narthex.fr/news/le-musee-des-monuments-francais-la-passion-et-le-courage-dalexandrelenoir (Page consultée en mars 2016)

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la gestion (mise en place d’un règlement qui s’impose à chacun) et favoriser sa mise en valeur (création des secteurs opérationnels avec des procédures financières d’un nouveau type). LA CHARTE DE VENISE EN 1964 Une charte donne des principes et propose des actions. Aujourd’hui on peut choisir de travailler avec ou de les nier. La Charte de Venise est un traité qui fournit un cadre international pour la préservation et la restauration des bâtiments anciens. Elle a été approuvée par le deuxième Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, réuni en mai 1964. Elle demeure malgré les années un texte de référence dans le domaine. On peut y lire en introduction : « Chargées d’un message spirituel du passé, les œuvres monumentales des peuples demeurent dans la vie présente le témoignage vivant de leurs traditions séculaires. L’humanité, qui prend chaque jour conscience de l’unité des valeurs humaines, les considère comme un patrimoine commun, et, vis-à-vis des générations futures, se reconnaît solidairement responsable de leur sauvegarde. Elle se doit de les leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité. Il est dès lors essentiel que les principes qui doivent présider à la conservation et à la restauration des monuments soient dégagés en commun et formulés sur un plan international, tout en laissant à chaque nation le soin d’en assurer l’application dans le cadre de sa propre culture et de ses traditions.»

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En six thèmes (Définitions/Conservation/ Restauration/Sites monumentaux/Fouilles/ Documentations et publications) en seize articles, la charte érige quelques pistes de projet dont certains sont les suivants : - Art 3 : La conservation et la restauration des monuments visent à sauvegarder tout autant l’œuvre d’art que le témoin de l’histoire. - Art 4 : La conservation des monuments impose d’abord la permanence de leur entretient - Art 5 : La conservation des monuments est toujours favorisée par l’affectation de ceuxci à une fonction utile à la société. Une telle affectation est donc souhaitable mais elle ne peut altérer l’ordonnance ou le décor des édifices. - Art 7 : Le monument est inséparable de l’histoire dont il est le témoin et le milieu dans lequel il se situe. Ainsi, on remarque que l’on ne décide pas de mettre en avant le passé en occultant le présent ; il est bien question de concilier les deux.

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I. TRANSMETTRE LE PATRIMOINE C. VALEURS, INTÉRÊTS

monument dans son état originel, ancien et rêvé. Un monument historique résulte d’un système de choix de valeurs que l’on décide de plus ou moins privilégier selon les cas. VALEUR AFFECTIVE VALEURS DE REMÉMORATION CONTEMPORANÉITÉ

ET

DE

Dans son ouvrage Pour une anthropologie de l’espace, Françoise CHOAY écrit : «Le monument, comme l’indique son étymologie, interpelle, rappelle à la conscience des communautés humaines les généalogies, les événements et les hommes qui ont tissé leur histoire, la foi, les croyances, les rites et les pratiques institutionnelles qui ont concouru à former leur identité.» C’est une sorte de «valeur affective»6 que l’homme lie alors au monument car ce dernier lui permet de faire un lien entre passé, présent et futur.

Dans son ouvrage Le culte moderne des monuments, l’historien d’art autrichien Aloïs RIEGL (1858-1905) relève deux principaux groupes de valeurs qui confèrent une importance aux monuments : les valeurs de remémoration et celles de contemporanéité. Chacun de ces deux groupes peut être respectivement divisé en quatre types de valeurs. Ainsi, on identifie les valeurs suivantes : - Les quatre valeurs de remémoration : la valeur d’ancienneté qui apprécie le passé en soi, la valeur historique qui isole un monument du développement historique, la valeur artistique qui est une invention subjective du spectateur moderne et la valeur de remémoration intentionnelle qui garde toujours présent et vivant un élément dans la conscience des générations futures. - Les quatre valeurs de contemporanéité : la valeur d’usage qui doit permettre à l’édifice d’être encore utilisé de manière sécurisée, la valeur d’art qui doit conférer un aspect non dégradé au monument, la valeur de nouveauté qui vise à supprimer toutes traces visibles de dégradation par des agents naturels et la valeur d’art relative qui cherche à rétablir un

RESTAURER EN FRANCE ? CONSERVER EN ANGLETERRE ? ET EN ITALIE ? Pour l’architecte Eugène VIOLLET-LEDUC (1814-1879), la restauration s’oppose à la conservation. C’est ce qu’il indique dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle : « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné » et lui donner un nouvel usage, quitte à « travestir »

6 Françoise CHOAY, Pour une anthropologie de l’espace, Editions du Seuil, 2006.

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Fig 4 : Parmi les réalisations de l’architecte Eugène VIOLLET-LE-DUC, Notre-Dame de Paris reste l’une des plus controversées. Il imposa une flèche à la cathédrale alors que celledu XIIIème siècle avait disparu de la mémoire des Parisiens. Le modèle de cette flèche a été réalisé d’après la flèche de la cathédrale d’Orléans (datant du XIXème siècle) et non d’après celles d’origine

Fig 5 : La Chapelle Rosslyn dont la ruine a été consolidée pour qu’elle perdure dans le temps

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l’Histoire. Les restaurations entrainent souvent des problèmes de lisibilité dans la construction du bâtiment. En 1849, paraît l’ouvrage Sept Lampes de l’architecture de John RUSKIN (1819-1900), écrivain et critique d’art britannique. Il s’oppose avec ferveur aux conceptions de l’architecte VIOLLET-LE-DUC, pour qui l’architecture doit former un tout homogène, au mépris de l’histoire et de l’intégrité du monument. Dans ce livre, RUSKIN définit l’architecture comme un être humain qu’il faut soutenir et restaurer le moins possible, mais qu’il faut aussi laisser mourir. Ainsi apparaissent deux visions de la restauration du patrimoine bâti. RUSKIN a notamment été soutenu par William MORRIS, qui prônait la « non-restauration » avec la Société pour la protection des bâtiments anciens. Ne pas intervenir sur les bâtiments serait en fait une intervention. RUSKIN veut entretenir la patine, la dégradation des murs tout en s’assurant de la solidité des ruines. Pour le britannique, une restauration serait un sacrilège. Il ne faut pas non plus que le bâtiment se délabre trop et s’écroule : il en va de la dignité de l’édifice. Les italiens ont une façon de faire qui se situerait entre les anglais conservateurs et les français restaurateurs. Avec l’attitude italienne, on ne falsifie pas les documents de l’Histoire. On crée les modifications « de son temps » pour un nouvel usage « de son temps » sans pasticher.

Fig 6 et 7 : Lorsque la porte de Ticinese datant du XIIème siècle (Milan) est restaurée en 1861, on détruit des logements que l’on remplace par une nouvelle porte. On construit avec les besoins du présent sans travestir

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I. TRANSMETTRE LE PATRIMOINE D. LA PEUR DU «TROP PATRIMONIAL» ?

Aujourd’hui, le terme de patrimoine englobe de plus en plus de choses, et pas seulement des biens architecturaux. Il y a une vraie « inflation patrimoniale »7 , ce qui complexifie la manière d’aborder ce fameux patrimoine. On peut comprendre ce terme d’inflation de deux façons différentes : - De plus en plus d’éléments peuvent être considérés comme éléments de patrimoine (architecture, statues, tableaux, livres, cuisine...). - Les éléments patrimoniaux acquièrent plus de valeur que dans le passé. On serait alors beaucoup plus précautionneux à l’égard de ce patrimoine sacralisé que l’on n’ose pas contrarier. Dans ce cas on se retrouve face à une situation où il est difficile d’intervenir avec de nouveaux projets architecturaux et donc une image de la ville qui pourrait rester figée, cristallisée.

7 Jean-Michel LENIAUD, Les archipels du passé. Le patrimoine et son histoire, Paris : Fayard, 2002, p. 307.

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II. ROME, PARIS ET LONDRES : TROIS VILLES, TROIS PATRIMONIALISATIONS

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II. TROIS PATRIMONIALISATIONS

Afin de comprendre la façon dont le patrimoine joue un rôle dans le tracé de ces villes, il est primordial de faire un exposé du passé des trois capitales étudiées. Nous allons alors présenter tour à tour l’histoire des villes de Rome, Paris et Londres en insistant sur la manière dont les éléments architecturaux antérieurs ont été intégrés au cours du temps et comment la notion de «patrimoine» est elle perçue dans ces différents pays.

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Fig 8 : Plan de Rome 1/50 000

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II. TROIS PATRIMONIALISATIONS A. ROME

La ville de Rome n’a pas été choisie au hasard. C’est la capitale d’un pays à l’origine de toute une mouvance architecturale et patrimoniale sans pareil en Europe. Rome connaît une occupation ème permanente depuis le XI siècle avant JC. La ville connaît son apogée au IIème siècle avec son célèbre forum, puis suivent des périodes de repli au Moyen-Age pour regagner en éclat à la Renaissance. La stratification de la ville est complexe. En 1830, dans Voyage à Rome, l’historien Jules MICHELET s’enthousiasme de ces richesses : « Sous la Rome papale, la féodale ; sous celle-ci, la chrétienne, dessous, l’impériale. Plus bas, la République. Ne vous arrêtez pas, creusez encore ! ».8 Le patrimoine romain ne représente pas la totalité de l’évolution de la cité. Tout n’a pas été conservé : il y a eu des destructions volontaires ou non depuis l’Antiquité.

Fig 9 : Les sept collines de Rome

FONDATION DE ROME Selon la légende, Rome aurait été fondée en 753 avant JC par Romulus sur le mont Palatin qui domine le Tibre. Il aurait tué

8 Jules MICHELET, L’Histoire romaine, Editions Eux et Eux, 2003

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son frère jumeau Remus lors de la création de la ville. Ces deux frères étant les descendants du dieu Mars, ils peuvent créer une ville divine. Les premiers occupants du site au VIIIème siècle avant JC seraient des bergers vivant dans des cabanes installées sur le Mont Palatin. Le peuple Etrusque du Nord viendra ensuite s’y installer et créer une cité qui protégée par les sept collines environnantes et par ses remparts. RÉPUBLIQUE ET EMPIRE

Fig 10 : Gravure représentant le Colisée à l’époque de VESPARIEN

Durant l’Antiquité, la ville de Rome connaît un développement très important jusqu’à être la ville la plus importante de la planète. L’architecture va alors prendre une place inédite : Tout le monde connaît les bâtiments iconiques datant de la République et de l’Empire : le Colisée par VESPARIEN et TITUS, le Panthéon par HADRIEN ou le Circus Maximus par TARQUIN L’ANCIEN. Ces monuments ont été érigés pour magnifier la puissance des romains et exalter leur gloire. Par exemple, l’arc de TITUS célèbre la victoire sur la Judée en 70. Les monuments servent aussi à marquer la supériorité de la civilisation romaine et de son mode de vie (amphithéâtres, courses de char). L’architecture prend alors une fonction nouvelle qui ne sera plus de répondre aux besoins primaires de l’Homme. Elle a désormais également une valeur de représentation.

Fig 11 : Gravure représentant le Circus Maximus lors d’une course de chars

MOYEN-AGE Au Moyen-Age la ville de 30 000 habitants est pauvre et pillée. Des vestiges de la Rome antique ont été détruits car ils étaient païens. On peut alors récupérer les vieilles

Fig 12 : Arc de TITUS aujourd’hui

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pierres pour construire dans la ville. C’est ainsi que le Colisée devient une véritable carrière et perd une grande partie de sa façade. Lorsque les romains ne manifestent plus d’intérêt pour des bâtiments dont les usages ne sont plus d’actualité, ils n’ont pas de scrupule à les démolir et donner une nouvelle fonction aux matériaux qu’ils peuvent en récupérer. CAPITALE CHRÉTIENNE Fig 13 : Basilique de Saint-Jean de Latran Rome devient ensuite la capitale chrétienne avec ses quatre basiliques majeures : Saint-Pierre de Rome, Sainte Marie Majeure, Saint-Paul hors les Murs et Saint-Jean de Latran qui fut la résidence des Papes jusqu’à la période papale d’Avignon. Il y a là un objectif religieux et politique, une prétention des évêques de Rome à exercer leur autorité spirituelle sur l’ensemble de la Chrétienté. La Basilique Saint-Pierre de Rome est construite sur ce que l’Église dit être le tombeau de Saint-Pierre. L’emplacement permet aux papes de se prévaloir de ses reliques. Au XVème siècle sont organisées les premières fouilles archéologiques. Les papes manifestent un intérêt sélectif en ne conservant que les monuments marquants. Parfois des vestiges trouvent un nouvel usage (le Colisée abrite des commerces au Moyen-Age avant de devenir une carrière et le théâtre Marcellus devient un bâtiment d’habitations). En 1405-1464, le pape PIE II adopte une politique de protection d’édifices antiques de la ville.

Fig 14 : Théâtre Marcellus reconverti en logements

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RENAISSANCE A la Renaissance, naît un nouvel enthousiasme pour l’art et l’architecture classique. Sans transformer ces palais en musées, l’aristocratie romaine commence à collectionner les objets d’art antiques comme les statues qui décorent les salles de réception. Les papes ont pris conscience qu’en préservant et exposant avantageusement les sculptures antiques, ils pourraient donner encore plus d’aura à la Ville Sainte. Le patrimoine peut alors se prévaloir d’une valeur hautement stratégique pour les dirigeants. Le pape SIXTE IV (1471-1487) collectionna de nombreux objets au Capitole. Il fut aussi à l’origine de travaux dans les églises et palais papaux. Le Capitole, qui avait été le siège du gouvernement romain, était désormais au cœur de la ville. Le restaurer, c’était rendre à Rome sa grandeur. Ce n’est pas tant la valeur artistique qui intéressait le pape, mais plus la gloire retrouvée de la ville. Après SIXTE IV, d’autres papes ont perpétué cette action de mise en valeur de la ville. Il n’y a pas réellement de plan organisé de la ville, jusqu’à l’élection du pape PAUL III en 1534. Les grands maîtres de l’architecture, BRAMANTE, RAPHAËL ou MICHEL-ANGE ont participé à l’élaboration de ces nouveaux projets qui allaient donner une nouvelle image à Rome.9 Pour les papes, il est question d’assurer le rayonnement d’une ville devenue lieu de pèlerinage. Ils entretiennent un important mécénat (fresques de la Chapelle Sixtine par

Fig 15 : Gravure de la place du Capitole

9 Steen Eiler RASMUSEN, Villes et architectures, Editions Parenthèses, 1990, chapitre «Rome, la ville éternelle » p. 65 à 82.

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MICHEL-ANGE). Ces actions leur permettent d’exalter leur autorité spirituelle en tant que chefs de la chrétienté catholique. Dans ses tracés, Rome relie les lieux de pèlerinages dans un tracé ponctué par des fontaines et obélisques. Des monuments antiques sont transformés pour être christianisés : la colonne Trajane, qui à la base remémore la victoire des romains sur les Daces, est coiffée d’une statue de SAINT-PIERRE. Elle est tout de même protégée et mise en valeur, malgré son adaptation chrétienne. Autre exemple : Au VIIème siècle le Panthéon, qui avait été érigé en l’honneur des dieux romains, est transformé en église. Il abrite aussi la sépulture des rois d’Italie. Des nouveaux besoins d’urbanisme conduisent à des transformations/réutilisations des vestiges antique : la Piazza Navona est construite à l’emplacement du stade de DOMITIEN, d’où sa forme elliptique.

Fig 16 : Victor-Jean NICOLLE, La Colonne Trajane, vers 1800, aquarelle et encre

Fig 17 : Chateau Saint-Ange, ancien mausolée d’HADRIEN bâti en 123, devenu par la suite le palais des papes

Fig 18 : Plan de la Piazza Navona

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ROME BAROQUE En Italie, le XVIIème siècle est celui du Baroque. C’est un mouvement lié à la ContreRéforme de l’Église avec Concile de Trente. C’est une forme de propagande du triomphe de l’Église catholique qui veut épater et célébrer victoire sur Eglise protestante. L’art baroque est éblouissant et riche, attire l’attention. Il y a un gros travail dans l’expression des émotions. Un grand projet d’urbanisme est lancé par SIXTE V avec D. FONTANA pour relier grands points de pèlerinage et créer de nouveaux quartiers à Rome. On place des obélisques dans les perspectives qui deviennent des repères visuels. Les monuments existants sont alors plus que jamais mis en avant et mis en scène dans cette nouvelle organisation urbaine. De grandes places baroques marquent encore la ville aujourd’hui comme la Place du Capitole redessinée par MICHEL-ANGE.

Fig 19 : Plan d’aménagement de Sixte Quint, dessinant de grands alignements

CAPITALE DE L’ITALIE RÉUNIFIÉE L’Italie reste longtemps une région de provinces qui se réunifient assez tardivement au XXème siècle. Le Monument à VICTOR EMMANUEL II représente l’unification de l’Italie en 1925. L’objectif est de faire de Rome la capitale face à Milan qui s’est plus développé à cette période. Le style est néoclassique : marbre, statues équestres... une continuité culturelle et artistique italienne est recherchée. La proximité du forum romain ne fait qu’appuyer cette volonté de reconnaissance.

Fig 20 : Il Vittoriano

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ROME DE MUSSOLINI Quand il est au pouvoir, Benito MUSSOLINI ne conserve que les monuments prestigieux et se présente comme l’héritier des empereurs romains. Le patrimoine sert à légitimer son rôle autoritaire. Les vestiges sont instrumentalisés durant la période fasciste et font l’objet de mise en scène. Les monuments emblématiques deviennent théâtres de manifestations. MUSSOLINI fait des choix guidés par des préoccupations politiques. Les quartiers médiévaux, symboles d’obscurantisme, sont détruits. Au XXème siècle, la période fasciste sera la dernière où un dirigeant prendra tant de liberté face au patrimoine. L’entrée dans le XXIème aura tendance à plus «sacraliser» les édifices anciens...

Fig 21 : MUSSOLINI transforme radicalement sa ville en perçant des axes entre les grands points d’intérêt . Il fait éventrer alors le tissu urbain et crée un grand axe en face de la Basilique Saint-Pierre de Rome

Fig 22 et 23 : Images de propagande de MUSSOLINI s’appuyant sur la ville de Rome

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Fig 24 : Plan de Paris 1/50 000

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II. TROIS PATRIMONIALISATIONS B. PARIS

FONDATION DE LUTÈCE En 52 avant JC, les Parisii, l’un des peuples gaulois, sont les maîtres des lieux avant d’être soumis à Rome. Ainsi, on ne connaît pas précisément l’emplacement de la cité gauloise mentionnée dans les sources latines : il pourrait s’agir de l’île de la Cité, de l’île Saint-Louis, ou d’une autre île aujourd’hui rattachée à la rive gauche. La cité romaine prend le nom de Lutèce. À l’époque gallo-romaine, Lutèce n’est qu’une cité modeste du monde romain. Elle connait toutefois une certaine prospérité grâce au trafic fluvial. La position stratégique de Lutèce face aux grandes invasions en fait un lieu de séjour pour l’empereur JULIEN entre 357 et 360. La cité prend le nom de Paris à cette époque. La ville est dotée d’un forum, d’un théâtre et de thermes, suivant le mode de vie des romains. À partir de 451 et durant la fin du BasEmpire, Lutèce est ravagée et incendiée par les grandes invasions au milieu du IIIème siècle et sa population se replie dans l’île de la Cité qui est fortifiée par la récupération de pierres prises aux grands édifices ruinés.

Paris n’a pas connu de sinistre majeur, à la différence de villes comme Londres : on y lit donc l’héritage du Moyen Âge, de la période moderne, le remodelage profond du Second Empire et la désindustrialisation contemporaine. On note un développement concentrique de la ville qui s’accroît par des ceintures successives. La présence de lieux de pouvoir de toutes les époques marque profondément l’organisation de la ville : ainsi on observe un axe Est-Ouest qui va de la Défense à Bercy en passant par les Champs Elysées et le Louvre. Le pouvoir républicain s’affiche désormais avec les grands projets présidentiels (Beaubourg, Arche de la Défense, musée d’Orsay, pyramide du Louvre, musée du quai de Branly…). Paris est une ville qui a su se mettre en scène autour de places, de perspectives, au gré de grandes expositions universelles (1878, 1889, 1900), de l’édification de monuments audacieux en leur temps (tour Eiffel, centre Pompidou).

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DE CLOVIS AUX CAPÉTIENS Le Mérovingien Clovis, roi des Francs, s’y établit pour en faire sa capitale en 508, à la suite de sa victoire sur les Romains. La cité demeure la capitale indivise du royaume des Francs. Au IXème siècle, des enceintes sont édifiées sur la rive droite pour protéger les paroisses de Saint-Gervais et Saint-Germainl’Auxerrois (aujourd’hui située près du Louvre). L’enceinte de Saint-Gervais devait se situer approximativement au niveau de la rue de Rivoli. En 885, après l’incendie de Saint-Denis par les barbares, GOZLIN, l’évêque de Paris, fait réparer la muraille gallo-romaine juste avant une nouvelle attaque et la population se réfugie dans l’île de la Cité. La rive gauche est entièrement détruite par les Normands lors d’une nouvelle attaque.

Fig 25 : Enceinte de Philippe-Auguste

DE HUGUES CAPET À LA GUERRE DE CENT ANS Les Capétiens s’emparent de la couronne en 987. Hugues CAPET fixe sa résidence dans l’Île de la Cité, confortant à Paris sa prééminence et son rôle de capitale. Il fait restaurer le palais de la Cité et les abbayes, la ville devient alors un important centre d’enseignement religieux au début du XIème siècle. Le pouvoir royal reste à Paris avec LOUIS VI (1108-1137) et plus encore avec PHILIPPEAUGUSTE (1179–1223). La cour s’y fixant, Paris devient définitivement la capitale du royaume. La rive gauche n’est véritablement reconstruite qu’au XIIème siècle. À la même époque, la rive droite est constituée de quatre quartiers : le quartier de Grève (Saint-Gervais), 40


le Châtelet, les Halles et Saint-Germainl’Auxerrois. Grâce à sa position privilégiée sur les grands itinéraires commerciaux, c’est l’activité marchande qui donne son essor à la ville. En 1163, l’évêque MAURICE DE SULLY entreprend l’édification d’une cathédrale digne du siège du pouvoir royal et religieux à l’emplacement de deux églises mérovingiennes. Cette action tend à souligner la victoire sur les Mérovingiens ; on doit oublier ce passé que les Capétiens ont balayé. La première pierre de la cathédrale Notre-Dame est posée sous le roi Louis VII. Une enceinte est construite par PHILIPPE-AUGUSTE pour protéger la ville de la menace du roi d’Angleterre. Cette muraille ceinture l’agglomération de la rue ÉtienneMarcel à la rue de l’Estrapade et de la nouvelle forteresse du Louvre aux Fossés-Saint-Bernard. Par la suite, Paris s’étendit surtout sur la rive droite. Fig 26 : Cathédrale Notre-Dame-de-Paris dont la construction a commencé sous les Capétiens

DE LA GUERRE DE CENT ANS À LA RENAISSANCE Alors que les murs défensifs étaient de longue date laissés à l’abandon, le risque d’un pillage par une chevauchée anglaise conduit les Parisiens à mieux fortifier leur ville. En 1356, Étienne MARCEL fait construire de nouveaux remparts autour des quartiers situés au nord de la Seine. CHARLES V continue cette œuvre. Sur la rive gauche, pour protéger Paris des Anglais, il fait couronner de créneaux l’enceinte dite de PHILIPPE-AUGUSTE. Sur la rive droite, il fait construire un nouveau rempart, dit de CHARLES V, dont la construction s’achèvera en 1383.

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RENAISSANCE La Renaissance italienne influence peu la structure de la ville, son développement restant lié aux résidences du roi et de la cour. Le style gothique flamboyant reste longtemps le style parisien par excellence, tant pour l’architecture civile (hôtel de Cluny, hôtel de Sens) que pour l’architecture religieuse (église Saint-Séverin, église Saint-Étienne-duMont). L’autorité royale ne s’était jusqu’alors manifestée que pour la construction d’enceintes, le pavage des rues ou l’édification de demeures royales. Progressivement, la monarchie s’inquiète de l’expansion désordonnée de la cité et édicte une première réglementation d’urbanisme. Sa première manifestation importante est l’ordonnance architecturale imposée en 1500 au nouveau pont NotreDame, bordé de maisons uniformes de brique et de pierre. FRANCOIS Ier accède au trône en 1515. En 1528, il fixe officiellement sa résidence à Paris. La reconstruction du Louvre est alors décidée et mise en chantier en 1546 sous la direction de Pierre LESCOT. Les portes des anciennes enceintes sont démolies, le premier quai de pierre de la ville édifié, les principales rues créées.

Fig 27 : Michel-Charles FICHOT, L’hôtel de Cluny, lithographie et dessin préparatoire, vers 1850

Fig 28 : Eglise Saint-Etienne-du-Mont

PARIS ET GUERRES CIVILES Fig 29 : Aile LESCOT de la Cour Carrée du Louvre

Malgré la guerre civile, la ville continue de s’accroître. La cour édifie de nombreux hôtels de luxe. Le faubourg Saint-Germain-des-Prés et le Marais connaissent un développement urbain important qui se poursuivra intensément pendant les règnes d’HENRI IV et LOUIS XIII. De 42


cette époque est resté tout un quartier d’hôtels particuliers parmi lesquels se trouvent l’hôtel d’Angoulême et le palais abbatial du cardinal de Bourbon. Lorsqu’HENRI IV abjure le protestantisme en se convertissant à la cathédrale de Chartres, les portes lui sont finalement ouvertes en 1594. Arrivé à la tête d’un pays ruiné, il relève la ville avec une grande rapidité, multipliant les chantiers afin d’embellir la ville et de servir sa gloire. Le Pont Neuf est achevé, offrant pour la première fois accès au paysage fluvial. Le nouveau souverain donne un nouvel élan au chantier du Louvre. Cette volonté d’agrandir le Louvre prend le nom de «Grand Dessein».

Fig 30 : Israël SILVESTRE, Hôtel d’Angoulême côté jardin, 1650, gravure, Musée Carnavalet

LE XVIIème SIÈCLE Sous le règne de LOUIS XIII, de vastes terrains libres sont acquis, des rues tracées et les parcelles viabilisées. RICHELIEU fait détruire l’enceinte de CHARLES V sur la rive droite et la remplace par une enceinte bastionnée dite des Fossés Jaunes. LOUIS XIV ayant relativement assuré la sécurité du royaume grâce aux places fortes de VAUBAN, il fait détruire les remparts en 1670 afin d’aménager sur leur emplacement une promenade plantée, le nouveau cours, ancêtre des Grands boulevards. Les anciennes portes fortifiées sont remplacées par des arcs de triomphe à la gloire du roi, les portes SaintDenis et Saint-Martin. Le roi choisit Versailles comme résidence en 1677, avant d’y déplacer le siège du gouvernement en 1682. Le faubourg SaintGermain s’étend jusqu’aux Invalides, le Louvre et les Tuileries sont embellis pour être à la hauteur du Roi Soleil et la place Vendôme est aménagée.

Fig 31 : Vue aérienne de la place Vendôme

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PARIS/VERSAILLES En 1715, le jeune roi LOUIS XV est installé au palais des Tuileries, ce qui marque le retour de la royauté dans Paris. Cependant, dès 1722, Louis XV choisit de se réinstaller au château de Versailles rompant la fragile réconciliation avec le peuple parisien. LOUIS XV s’intéresse personnellement à la ville à partir de 1748 ; la place LOUIS XV, devenue plus tard place de la Concorde, est aménagée de 1763 à 1772. Puis c’est l’église Sainte-Geneviève qui est édifiée (l’actuel Panthéon), le théâtre de l’Odéon, l’école militaire et l’esplanade du Champ-de-Mars. Tous ces édifices font partie de vastes réaménagements urbains qui transforment la physionomie des quartiers qui les entourent.

Fig 32 : Michel-Charles FICHOT, Le palais des tuileries et le Louvre, 1850

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE Le peuple parisien ayant souvent été contestataire, la plupart des grands événements révolutionnaires français ont eu lieu à Paris qui porte dans son patrimoine (places, rues, monuments) cette histoire. Il s’agit souvent d’un patrimoine immatériel, de lieux qui rappellent des événements majeurs : la Bastille, le Champ de Mars, la place de la Concorde. C’est à Paris, à l’endroit où la rue SaintAntoine rejoint l’actuelle place de la Bastille que se déroule la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. En 1793, LOUIS XVI est guillotiné sur la place LOUIS XV, rebaptisée « place de la Révolution ». En changeant ce nom, c’est le peuple qui marque son pouvoir. Peu de monuments sont édifiés sous la Révolution ; seul le champ de Mars témoigne des célébrations nationales.

Fig 33 : ARNOUX, Eglise Sainte-Genevieve, d’après un dessin de WILLMANN, gravure, 1883

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L’EMPIRE ET LA RESTAURATION En 1799, le pouvoir politique appartient à NAPOLÉON BONAPARTE sacré empereur par le pape PIE VII à la cathédrale Notre-Dame en 1804. Il décide d’établir à Paris la capitale de son Empire. L’empereur s’intéresse de près à la ville. Il veut de grands monuments pour célébrer sa gloire. L’arc de triomphe, le pont d’Iéna, la Madeleine, la Bourse et de nombreuses fontaines sont édifiés. Après la chute de l’Empire, LOUIS XVIII, de retour d’exil rentre dans Paris et s’installe aux Tuileries. LOUIS XVIII et CHARLES X ne se préoccupent pas de l’urbanisme parisien mais la construction privée connaît une flambée importante. De nouveaux quartiers résidentiels sont tracés avec des immeubles de style antique.

Fig 34: L’Arc de Triomphe

PARIS D’HAUSSMANN AU SECOND EMPIRE Avec le Second Empire, Paris se transforme radicalement : d’une ville médiévale presque dépourvue de grands axes de circulation, elle devient en moins de vingt ans une ville moderne. S’entourant de Georges Eugène HAUSSMANN (préfet de la Seine), Eugène BELGRAND (ingénieur hydraulicien) et JeanCharles ALPHAND (architecte paysagiste), NAPOLÉON III engage dans Paris de gigantesques travaux de modernisation. Il donne à Paris de larges avenues palliant les problèmes de circulation ainsi que de nouveaux monuments tels que l’Opéra Garnier, le Louvre dans son aspect actuel et le Palais

Fig 35 : Pont d’Iéna

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des Tuileries (aujourd’hui disparu). Donner à la ville des espaces publics et monuments peut être considéré comme une stratégie politique. HAUSSMANN n’a pas peur de découper le vieux Paris et fait disparaître de nombreux quartiers anciens. L’île de la Cité, vidée de ses habitants, laisse la place à l’Hôtel-Dieu et la Préfecture. Des grands boulevards sont tracés et la rue de Rivoli terminée, dessinant la trame urbaine du nouveau Paris. Le marché alimentaire des Halles de Paris est rénové avec la construction des Pavillons de Victor BALTARD et le percement de la rue des Halles. Alors que la Rome de SIXTE QUINT reliait des lieux de pèlerinage ponctués par des fontaines et obélisques, le Paris d’HAUSSMANN relie les gares et bâtiments publics soigneusement mis en scène. Dans ce siècle, il y a à la fois un tournant vers la modernité (hygiène, circulations) et une sensibilité attentive au passé. C’est la consécration de l’urbanisme en plan.10 L’exposition universelle de 1900 fut l’occasion d’ériger le Petit Palais. Après l’exposition, la ville décida de transformer cet édifice en musée permanent, le « Palais des Beaux-arts de la Ville de Paris ». Déjà à cette époque, on commence à ressentir une nostalgie du passé. La littérature joue un grand rôle dans ce processus. En effet, quand il écrit Notre Dame de Paris, Victor HUGO peint le Paris riche et sinueux du Moyen-Age, le Vieux-Paris».11

Fig 36 : Plan des percées Haussmanniennes

Fig 37: Diptyque photographique : l’avenue de l’Opéra, avant et après HAUSSMANN

10 Bernard LAMIZET et Pascal SANSON, Les langages de la ville, éditions Parenthèses, 1997, chapitre de Jean-Pierre GAUDIN : Politique de la mémoire, les projets sur la ville dans la première moitié du XXème siècle

11 Dana ARNOLD et Jean-Louis-COHEN, ParisLondres, Editions Infolio, 2015, chapitre de Ruth FIORI

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DE LA BELLE ÉPOQUE À LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

En 1939 la France déclare la guerre à l’Allemagne. Pendant cette période, les projets sont mis entre parenthèses. Les ponts et les monuments de Paris sont relativement épargnés par les combats de la Libération.

La France organise l’accueil de deux expositions universelles en 1889 et 1900, laissant une large empreinte dans la capitale. La tour Eiffel est construite pour l’exposition de 1889. Le Grand Palais, le Petit Palais et le pont Alexandre-III sont inaugurés à l’occasion de celle de 1900. Une expansion économique est présente mais le déclenchement de la Première Guerre mondiale met brutalement fin à la prospérité. Paris voit sa modernisation cesser durant la guerre, tous les chantiers sont forcément arrêtés. La ville subit les bombardements. Les monuments centraux sont visés car ils représentent la France.

PROJET AUTOROUTIER ET DESTRUCTION DES HALLES Sous Georges POMPIDOU, de grands projets de réaménagements de Paris sont conçus, comme un grand plan autoroutier intramuros. Le projet est finalement abandonné sous Valéry GISCARD D’ESTAING. POMPIDOU rénove cependant profondément le centre de la capitale en déménageant des Halles vers Rungis. Le président décide la construction du Centre Pompidou à la place. Le projet est contesté par d’importantes manifestations. Les Parisiens sont attachés au bâtiment des Halles qu’ils ont toujours connu et ont du mal à concevoir un changement possible. Les Halles sont détruites entre 1971 et 1973 et en 1977 est inaugurée la gare RER de Châtelet-Les Halles.

VERS LA SECONDE GUERRE MONDIALE L’entre-deux-guerres marque le retour à la paix mais dans un contexte de crise sociale et économique. Les pouvoirs publics restent impuissants face à la crise du logement et incapables de mettre en œuvre l’ambitieux plan d’urbanisme nécessaire. La loi Loucheur favorise le développement des habitations à bon marché ou HBM. De nombreux immeubles en briques sont érigés le long des boulevards extérieurs, à l’emplacement de l’enceinte de Thiers alors détruite car dorénavant inutile. L’urgence est à la reconstruction de logement ; on n’hésite alors pas à détruire des murs qui n’ont plus d’utilité.

: Vieux Paris-Vieux Londres, quels parallèles dans l’approche patrimoniale des villes du XIXème siècle?

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Fig 38 : Plan de Londres 1/50 000

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II. TROIS PATRIMONIALISATIONS C. LONDRES

FONDATION DE LONDRES C’est en 43 que les troupes de l’empereur romain CLAUDE mirent les pieds sur le territoire de Londres. Les légions romaines installèrent sur la Tamise un camp que les fouilles ont localisé à hauteur de Westminster. Elles construisirent un pont en bois (le futur London Bridge) à un endroit où la Tamise était plus étroite. Près de ce pont, une petite agglomération appelée Londinium se développa à un endroit géographiquement favorable : sur la rive gauche de la Tamise, à un endroit situé à hauteur d’une terrasse graveleuse, surplombant la Tamise d’une quinzaine de mètres, protégée à l’ouest par la rivière Fleet et traversée par un autre petit cours d’eau, le Walbrook. Au fil du temps, cette agglomération fondée en 47 devint le principal carrefour romain en Bretagne. La ville fut dotée d’un forum et d’une basilique de taille modeste vers 80. Aujourd’hui il ne subsiste plus de traces de ces éléments. Au début du IIème siècle, un fort fut construit au nord-ouest de l’agglomération. À la fin du IIème siècle, la construction d’une enceinte de 3,2 km de long témoigne de l’importance du site. Incorporant le fort, elle délimite un espace de 125 hectares adossé à la Tamise. Jamais agrandie par la suite, comme ce fut le cas pour de nombreuses villes antiques en Europe, elle est encore visible dans la topographie actuelle de la ville, puisqu’elle correspond à peu près au territoire de la City, le quartier d’affaires Londonien. En 250, Londinium était la cinquième plus grande ville romaine au nord des Alpes. Vers la fin du IVème siècle, des fortifications furent élevées le long des berges de la Tamise. Les légions romaines quittent le territoire en 407.

Londres pourrait d’emblée paraître «moins patrimoniale» que Rome et Paris car on a souvent l’impression que c’est une ville plus récente, plus moderne. Or, il y a également une forte association de la ville à des symboles architecturaux connus de tous : le Palais de Westminter, demeure de Sa Majesté, le Tower Bridge, ou encore le très fameux «Big Ben». La capitale économique est chargée de symboles très revendiqués par les Britanniques. Londres est une ville assez dispersée avec de grandes distances. Le centre est beaucoup moins compact qu’à Paris.

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LONDRES DES SAXES Après avoir été abandonnée pendant cent-cinquante ans, la position stratégique sur la Tamise attira de nouvelles installations vers 600. Les Anglo-Saxons s’installèrent un kilomètre en amont de l’ancienne ville romaine de Londinium, sur un site appelé Lundenwic. Le terme « wic », emprunté au latin « vicus » désigne un centre commercial. Æthelred de Mercie, gouverneur de Londres fit bâtir deux Boroughs (quartiers) fortifiés pour défendre le pont de Londres, qui fut probablement reconstruit à cette époque. Vers l’an 1000, la ville de Londres est assiégée par les Danois. À la fin de cette période, le roi Edouard le Confesseur prit une décision importante pour l’avenir de Londres : il fit reconstruire une abbaye à Westminster et s’y fit enterrer. Tous ses successeurs en firent de même. C’est alors un édifice qui se rattache à la royauté si caractéristique de la GrandeBretagne. C’est un réel symbole national. Dès lors, Londres eut deux pôles de développement : le centre politique de Westminster à l’ouest et le centre commercial de la City à l’est.

Fig 39 : Abbaye de Westminster

Fig 40: Tour de Londres

MOYEN-AGE En 1066, pour pouvoir faire face à des révoltes saxonnes, GUILLAUME LE CONQUÉRANT fit construire à Londres plusieurs fortifications : la tour de Londres, Baynard’s Castle et Montfichet’s Castle. En 1097, Guillaume le Roux, fils du Conquérant, commença la construction de « Westminster Hall », noyau du futur palais de Westminster, qui fut la principale résidence

Fig 41 : Westminster hall

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royale pendant tout le Moyen Âge. Entre 1176 et 1209 fut construit le fameux London Bridge sur le site d’un pont en bois qui se trouvaient là précédemment. Ce pont eut une existence de six cents ans, et resta le seul pont sur la Tamise jusqu’en 1739. Cette très longue exclusivité peut montrer une certaine importance prêtée à ce pont. Au Moyen Age, Westminster était une ville distincte de la City de Londres, à laquelle elle était reliée par deux artères : Fleet Street et le Strand. Elle tirait son importance de la présence de l’abbaye de Westminster et du Westminster Palace. Là encore on peut constater que les monuments sont les premiers marqueurs d’une ville.

Fig 42 : Place de Covent Garden, gravure de 1720

PREMIER PLAN D’URBANISME Sous Jacques Ier des STUART, l’architecte Inigo JONES, un disciple classique de PALLADIO, conçoit le premier plan d’urbanisme de Londres. Il se voit confier à Covent Garden la réalisation d’une opération immobilière par le comte de BELFORD. Son projet devient le prototype d’un ensemble destiné à un grand avenir : une place quadrangulaire inspirée des piazzas italiennes de l’époque. En 1670, le comte de SOUTHAMPTON reprend la formule pour aménager Bloomsbury Square, qui en présente une version plus achevée et est également la première place à porter le nom de « square ». Devenue un idéal résidentiel, la formule connaît ensuite un succès grandissant auprès des membres de la haute aristocratie qui désirent lotir leurs grandes propriétés (estates en anglais) situées à l’ouest de la City (d’où son nom : «West End». Le square est bordé de maisons de trois étages assez étroites, de façon à rentabiliser le terrain. 51


Au centre du square se trouve souvent un jardin réservé à l’usage des riverains. Le modèle est repris par le comte de SAINT-ALBRANS sur le domaine qu’il possède à St James’s Fields. Il y aménage St James’s square. En 1666, Londres est frappée par deux catastrophes : une épidémie de peste et un grand incendie. La peste, qui avait déjà sévèrement touché Londres, fait rage pendant huit mois et fait au moins 80 000 victimes, environ un Londonien sur cinq. À peine ce fléau passé, le Grand incendie de Londres détruisit la plus grande partie de la City : la cathédrale SaintPaul, 87 églises, 44 maisons de corporations et 13 200 maisons. Les architectes Christopher WREN et John EVELYN proposent de reconstruire la ville de zéro, en oblitérant jusqu’au tracé des anciennes rues qu’ils ne jugent plus d’actualité. Si leurs plans peuvent paraître rationnels, ils sont extrêmement onéreux et les autorités ne suivent pas leurs concepteurs. C’est de cette époque que datent l’actuelle cathédrale SaintPaul et de nombreuses autres églises. Après le Grand incendie, de nombreuses familles aristocratiques préfèrent néanmoins se faire construire une nouvelle demeure dans le West End, notamment dans le quartier de Saint James’s, à proximité du palais de Whitehall. Lorsque celui-ci est détruit par un incendie en 1698, St. James’s Palace prend sa place comme résidence royale.

Fig 43 : Plan de Saint-James’s Square

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Fig 44 : Plan reconstruction de Londres proposĂŠ en 1666 par Christopher WREN

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XVIIIème SIÈCLE Le XVIIIème siècle est une période de croissance rapide. La population passe de 500 000 en 1700 à 900 000 en 1801. Londres s’étend au-delà de ses limites anciennes, tant vers les beaux quartiers situés à l’ouest (West End) que vers les quartiers populaires à l’est (East End) où se situe la zone portuaire en aval de la City. De son côté, cette dernière tend à se spécialiser dans les activités commerciales ou financières. Le développement du West end s’était amorcé au siècle précédent. Il continue à s’opérer par lotissements de domaines (estates) autour d’un square. Leur aménagement associe généralement un grand aristocrate propriétaire des terrains et un promoteur immobilier. Le quartier de Mayfair est doté, grâce aux fonds des promoteurs, de trois superbes squares : Hanover Square (1714), Berkeley Square et Grosvenor Square (1737). On peut considérer ici que c’est une manière pour les promoteurs de souligner leur importance dans la construction de la ville en lui offrant des éléments publics. Ici la place prend une fonction de monument.

Fig 45 : Sutton NICHOLLS, Grosvenor Square, gravure

XIXème SIÈCLE La population passe très rapidement, d’un million vers 1800 à 6,7 millions à la fin du siècle. Cette augmentation est due à l’immigration rurale, à laquelle s’ajoute un afflux d’immigrants. L’accroissement de la population s’accompagne de la multiplication des quartiers de taudis, rendus célèbres par les romans de Charles DICKENS. La situation sanitaire est déplorable et Londres doit faire face à une série de fléaux, tels que le typhus, la variole ou le choléra. La zone urbanisée va 54


maintenant largement au-delà des limites de la City. L’extension de l’agglomération londonienne est rendue possible par le développement spectaculaire des transports publics (le premier métro du monde est construit à Londres), permettant à un nombre croissant de personnes de se déplacer entre leur domicile et leur lieu de travail. Un des événements les plus célèvres du règne de la reine VICTORIA fut la « Great Exhibition of the Works of All Nations », la première exposition universelle. Pour l’abriter, Joseph PAXTON construisit un étonnant bâtiment en fonte et en verre, le Crystal Palace, qui devint un réel monument de son temps. Le développement des transports publics permit à six millions de personnes de se rendre à Londres pour visiter l’exposition, qui était une ode à la puissance industrielle de la Grande-Bretagne et à son empire.

Fig 46 : Crystal palace de Joseph PAXTON

LONDRES FACE AUX GUERRES MONDIALES La Première Guerre mondiale vit les débuts de la guerre aérienne. À partir de 1915, Londres fut soumise à des bombardements allemands. Ces raids ne causèrent que peu de victimes. Par contre, au cours de la Seconde Guerre mondiale Londres eut à souffrir de violents bombardements. La première phase de la bataille ne visa que des aéroports et des industries. Une seconde phase, celle du Blitz, fut plus violente pour la ville. Les bombardements firent 13 000 morts et 1,5 million de sansabri. Buckingham Palace ou les Maisons du Parlement furent touchés, ainsi que la British Library. La cathédrale Saint-Paul, jamais touchée et pourtant très proche de l’East End, le quartier le plus touché, devint le symbole de la ville qui restait toujours debout malgré tout.

Fig 47 : Saint-Paul’s Cathedral

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III. LE PRÉSENT DE CES VILLES

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III. LE PRÉSENT CES VILLES

Après cette présentation nécessaire de l’évolution du patrimoine de Rome, Paris et Londres dans le temps, on peut maintenant s’interroger à leur statut dans notre XXIème siècle. Nous arrivons ainsi au cœur de notre réflexion qui questionne la possibilité de projet contemporain dans ses villes que l’on aurait du mal à modifier.

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Fig 48 : Plans des zones protégées par l’UNESCO à Rome, Paris et Londres 1/100 000

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III. LE PRÉSENT DE CES VILLES A. VILLES MUSÉIFIÉES DU XXIème SIÈCLE?

INSCRIPTION DES CENTRE-VILLES PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO

sur cette liste en 1980 ; les rives de la Seine qui constituent le cœur de Paris y figurent en 1991. A Londres il n’y a pas de généralisation du centre mais une inscription d’éléments ponctuels (Westminster Palace et Westminster Abbaye en 1987 et la Tour de Londres en 1988). On peut alors donc imaginer une souplesse un peu plus acceptable dans le centre londonien que dans les romain ou parisien en ce qui concerne le projet architectural. Ces inscriptions ne sont pas sans conséquences. Elles permettent premièrement de recevoir des subventions de l’UNESCO pour participer à la conservation des dits éléments de patrimoine. Des réglementations spécifiques, plus strictes en matière d’urbanisme et de projet sont également appliquées dans ces zones.

AU

L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (en anglais «United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization», UNESCO) est une institution spécialisée de l’Organisation des Nations unies créée le 16 novembre 1945 à la suite des dégâts et des massacres de la Seconde Guerre mondiale. Elle a pour objectif selon son acte constitutif de « contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations unies reconnaît à tous les peuples »12. L’UNESCO est connue depuis 1972 pour sa liste du patrimoine mondial pour le patrimoine matériel, culturel et naturel. Le but du programme est de cataloguer, nommer, et conserver les biens dits culturels ou naturels d’importance pour l’héritage commun de l’humanité. Le centre historique de Rome est inscrit 12

CONSERVER LES «VUES» On reconnaît avant tout une ville par, son paysage qui lui est propre. C’est cette image caractéristique que les acteurs de la protection veulent particulièrement conserver. A Londres, dans le domaine urbanistique, la course à la verticalité commencé dans les années 1980 se poursuit dans les années 2000 : deux des exemples les plus représentatifs, sont le « Gherkin » (le « cornichon »), inauguré en 2003 et haut de 180 mètres, et le « Shard » (« l’écharde ») terminé en 2012, qui est, avec ses 310 mètres, le plus haut gratte-ciel d’Europe. Ces immeubles, qui se veulent emblématiques, particulièrement nombreux dans la City ou à Canary Wharf, changent la silhouette de Londres, qui était resté une ville horizontale, dominée par des églises et quelques bâtiments publics. Ce bouleversement se heurte à l’opposition des défenseurs du patrimoine et a suscité une

Site internet de l’UNESCO

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législation visant à maintenir des «couloirs de vue» des principaux monuments historiques. Si ces perspectives sont souvent bouchés, il y a un bâtiment sur lequel les services d’urbanismes sont particulièrement attentifs : Saint-Paul’s cathedral. En effet, depuis la fin de la seconde guerre, aucun bâtiment masquant la vue de la cathédrale n’a été autorisé. A Paris, les fuseaux protègent le paysage de la ville. C’est une réglementation cartographiée basée sur les paysages perçus. La réglementation vise à protéger le paysage situé dans notre champ de vision, dessinant des cônes en plan. Ils déclarent illégal interdits toutes constructions à l’intérieur de ces axes. L’inscription au Patrimoine Mondial des rives de la Seine s’applique aussi à ces fuseaux de protection. Néanmoins cette méthode ne garantit pas garantie du même paysage parisien pour l’éternité. Par exemple, au bout de l’axe Concorde-Arc de triomphe, on devine les nouvelles constructions de la Défense à laquelle la législation ne s’applique par car ils se situent à l’extérieur de Paris intra-muros.

FUSEAUX DE PROTECTION DU SITE DE PARIS Ech. : 1/10 000 .55 35

cote d'altitude du point de visée plan horizontal avec cote d'altitude

D

34

lettre indicative du fuseau

60

lignes isohypses cotées

70

surface inclinée du fuseau

73

ligne cotée de rupture de pente

75

ligne de rappel de la surface 80

VUES PANORAMIQUES

Monument

A

Place Charles de Gaulle

M

B

Butte Montmartre

N

C

Parc des Buttes Chaumont

D

Butte Bergeyre

O

Porte Saint-Denis

E

Parc de Belleville

P

Porte Saint-Martin

AA

Cimetière du Père Lachaise

Q

Tour Eiffel

Colonne Vendôme Eglise Saint-Vincent de Paul Hôpital Lariboisière

FAISCEAUX DE VUES

R

Tour Saint-Jacques

F

Hôtel des Invalides

S

Eglise Saint-Germain de Charonne

G

Sacré-Coeur de Montmartre

T

H

Ile de la Cité - Notre-Dame de Paris

U

Place des Vosges

I

Panthéon

V

Muséum d'histoire naturelle

Cirque d'hiver

ECHAPPEES

W

Hôpital de la Salpétrière

J

Eglise Saint-Sulpice

X

Hôpital de Bicêtre

K

Arc de Triomphe

Y

Chapelle du Val-de-Grâce

L

Eglise Saint-Augustin

Z

Observatoire

Parcellaire

Voie

Parc

Plan d'eau

Courbes de niveau

TOURISME En 2012, le tourisme mondial a apporté une recette mondiale de 837 milliards d’euros.13 Il est alors évident que ce secteur a intérêt à préserver ses ressources : le patrimoine (architectural, culturel, naturel...). C’est ainsi que l’UNESCO encourage, par des chartes, «le développement de stratégies à travers une large mobilisation des parties prenantes pour la planification, le développement et la gestion du tourisme durable selon une approche

Fig 49 : Extrait de la cartographie des fuseaux de protection vues à Paris

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chiffre obtenu sur data.gouv.fr


de destination et qui vise à renforcer les communautés locales»14. L’idée du «tourisme responsable» est de permettre un accès au patrimoine tout en conservant celui-ci grâce aux fonds engendrés par le tourisme et en les réinvestissant dans la conservation du patrimoine, et ainsi de suite. SOLUTIONS ORIGINALES Fig 50 : Admiralty Arch lors d’un défilé de la garde

En Grande-Bretagne, le gouvernement, cherchant à réduire les dépenses publiques, à trouvé une nouvelle solution pour se délester des monuments dont l’entretien est onéreux. Les autorités ont décidé de se séparer de nombreux bâtiments officiels du centre de Londres en les vendant à des propriétaires privés, délocalisant les activités en banlieue. A White Hall, la rue des ministères, l’immobilier est cher et le pouvoir a alors réduit son nombre de bâtiments officiels : 143 en 2010 et 71 en 2014 pour un objectif de 23 en 2020. Parmi les bâtiments concernés, l’un des plus emblématiques est l’Arche de l’Amirauté («admiralty arch»). C’est un symbole de Londres car il est associé à la famille royale. En effet, lors des cérémonies officielles, les Windsor sont les seuls à pouvoir emprunter la porte centrale de ce grand portique monumental. Ce bâtiment, idéalement situé entre Buckingham Palace et Trafalgar Square, a été racheté il y a deux ans par un promoteur immobilier espagnol pour une concession de 125 ans obtenue avec beaucoup de difficulté car la concurrence a été rude. L’objectif final est de faire de ce bâtiment un hôtel de luxe qui conservera son architecture. L’ouverture est prévue pour 2017.

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http://whc.unesco.org/fr/tourisme/

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III. LE PRÉSENT DE CES VILLES B. PROJETS CONTEMPORAINS

Si les centres-villes paraissent assez intouchables, il est tout de même possible d’imaginer des nouveaux projets architecturaux pour les besoins actuels. Ce n’est souvent pas simple, mais c’est nécessaire. LE NOUVEAU MUSÉE DE L’ARA PACIS RICHARD MEIER A ROME

Fig 51 : Musée de l’Ara Pacis des années 30

DE

Construire à Rome c’est proposer un projet qui sera forcément scruté, décortiqué et analysé pour en évaluer la justesse dans la ville. Si les réglementations italiennes sont à priori strictes, il est possible de les remettre en question pour aller vers une cohérence architecturale du nouveau projet. C’est un vrai challenge pour l’architecte pour un architecte d’y faire accepter son projet. En 1995 est lancé un projet de nouveau musée devant accueillir l’Autel de la Paix d’Auguste et des expositions relatives. Ce nouveau projet vient en remplacement d’une ancienne structure datant de la période mussolinienne (démoli en 2001). C’est Richard MEIER qui remporte le concours. Pourtant, son projet ne fait pas l’unanimité. Aucune réalisation n’avait été réalisée dans le centre de Rome depuis les années 30.

Fig 52 : Musée de l’Ara Pacis par Richard MEIER

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LE MACRO D’ODILE DECQ ET BENOIT CORNETTE A ROME

L’architecte se confrontait alors à un exercice complexe attirant presque forcément les foudres des politiques ou médias. La presse s’est emparée de cette polémique et beaucoup ont demandé la suppression du projet qu’ils jugeaient « trop contemporain ». D’autres architectes et spécialistes du patrimoine ont également commenté le projet : Federico ZERI, historien italien s’exclame : « MEIER connait la Rome antique aussi bien que je connais le Tibet où je ne suis jamais allé ! » ; c’est une « prothèse stupide » selon Massimiliano FUKSAS en 2003.15 Face à la polémique et suite à son accession au pouvoir, Silvio BERLUSCONI fait cesser le chantier du musée déjà entamé. Richard MEIER est alors contraint de changer son projet et de faire une proposition plus proche de celle de l’ancien musée des années 30. Le chantier d’un projet, qui ne fait toujours pas l’unanimité, reprend en 2003 pour un édifice inoguré en 2005. Aujourd’hui encore, le projet trouve des réfractaires à l’évolution des centres anciens. D’autres ne sont pas du même avis : Jean NOUVEL s’indigne dans un entretien accordé au journal Corriere della Sera en mai 2006 : « Assez de tabou dans les centres historiques, construisez ! ». Dans ses polémiques, le projet de MEIER à Rome a réveillé la question : « peut-on faire du contemporain avec l’ancien ? Y-A-t-il une cohabitation possible ? ». Le débat du musée de l’Ara Pacis fut long, rude, engagé et toujours d’actualité. On peut dire que ce bâtiment fut indéniablement à l’articulation d’une nouvelle ère plus tolérante de Rome envers les projets contemporains.

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En 2007, Odile DECQ et Benoit réalisent le MACRO, musée d’art contemporain de Rome à 20 minutes à pieds des thermes de Caracalla. Dans une conférence donnée à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon en 2012, l’architecte française Odile DECQ présente Rome dans son approche patrimoniale : « Ils sont extrêmement sympathiques, la nourriture est bonne, il fait toujours beau, la ville est magnifique, la lumière est belle… y travailler c’est une autre affaire ! ». En effet, de nombreuses contraintes sont imposées par la ville. La Surintendance en charge du projet (équivalent italien de notre commission des monuments historiques) a demandé à ce que l’intégralité de la façade de l’ancienne usine soit conservée sur rue pour un développement du projet à l’intérieur de l’enceinte de l’ancienne usine. Les architectes n’ont pas apprécié l’idée d’un simili-façadisme, ils ne voulaient pas masquer leur architecture contemporaine. Pour transgresser cette règle, l’agence a choisi d’évider l’angle de la façade sur rue pour y installer l’entrée du nouveau musée. Un nouveau monde contemporain était créé derrière les murs, mais pas « caché » derrière les murs. La commission a aussi exigé que le projet ne dépasse pas la façade d’origine. Or, c’était nécessaire pour accueillir le restaurant au-dessus des salles d’exposition en exploitant la toiture comme la tradition romaine le fait si bien. Un long dialogue de négociations ont finalement fini par aboutir pour les architectes et la commission a permis des écarts aux règles pour donner une cohérence au projet. Selon Peter BAALMAN, collaborateur d’Odile DECQ,

Site internet ExibArt

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si la législation italienne est très complexe, elle permet néanmoins le dialogue pour aboutir à un projet juste. L’Italie permet une certaine flexibilité des règlementations. Si en France les architectes ont la hantise de se voir confronté à des vestiges archéologiques, cela fait partie intégrante d’un chantier romain ou la ruine fait presque partie de la vie quotidienne. Lors du chantier du MACRO, des vestiges antiques ont été trouvés sur le site de projet. Cependant, ces traces de l’histoire ont été considérées comme non remarquables. Cette découverte a donc imposé une légère modification de la structure pour éviter de détériorer la ruine mais n’ont pas totalement stoppé le projet. Même si des ruines antiques sont présentes sur le terrain, elles n’ont pas grandement handicapé le projet contemporain et sa cohérence avec les usages du 21ème siècle.16

Fig 53 : Le MACRO par Odile DECQ

LES HALLES DE PATRICK BERGER ET JACQUES ANZUITTI A PARIS L’histoire du quartier des Halles est liée à celle du marché présent sur place depuis le XIIème siècle. Le marché proliférant, les constructions se multiplient avec le temps, formant un ensemble assez hétérogène. Entre 1852 et 1870, et en 1936 pour les derniers, 12 pavillons de fonte et de verre sont conçus par l’architecte Victor BALTARD. Dans les années 1970, le quartier change radicalement de visage avec le transfert à Rungis du marché de gros alimentaire des

16 CUILLERAT Mickaël, La ville musée a-t-elle un avenir au XXIème siècle ? Regard sur la ville italienne, 2013, mémoire de master d’un élève de l’ENSA Lyon

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Halles. La centralité du lieu est alors mise à profit pour l’installation d’une gare RER et métropolitaine de la ville. Suit l’ouverture de « l’ancien Forum » et de ses commerces en 1979, puis celle du « nouveau Forum » en 1985 avec ses équipements culturels et sportifs. C’est la plus grande opération d’urbanisme souterrain jamais entreprise en France. Plus de 30 ans après son ouverture, le site des Halles doit être restructuré et modernisé du fait du vieillissement de ses structures ainsi que l’évolution des normes de sécurité. Ni table rase, ni retouche superficielle, le projet se prévaut tout à la fois de «l’aménagement urbain, de la création architecturale et de la rénovation en profondeur.»17 C’est une réorganisation de l’espace public en surface et une recomposition des espaces souterrains. On peut s’interroger sur la forme architecturale des nouvelles halles qui semblent bien s’affranchir de leur image du XIXème siècle. La «Canopée», avec sa structure acier et ses 18 000 écailles de verre, a une esthétique organique qui n’a plus rien à voir avec Baltard. Comme presque tout nouvel édifice dans un centre de métropole, le projet de Patrick BERGER a eu le droit à son lot de remarques et comparaisons ; les parisiens l’assimilent à une «soucoupe volante»18. Le prix du bâtiment qui double entre la prévision et la construction (120 millions à 250 millions d’euros) n’est pas non plus réellement au goût des contribuables parisiens qui n’ont pas manqué de s’indigner devant la manque d’étanchéité ou la couleur «jaune lavasse» ou «beurre rance» de la Canopée.

Fig 54 : Les Halles Baltard du XIXème siècle

Fig 55 : Image du projet des Halles de Patrick BERGER en 2016

17 parisleshalles.fr

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Le Monde.fr


En revanche, la nouvelle proposition de Patrick BERGER s’accorde avec les besoins contemporains. La fonction des halles reste similaire dans le temps mais s’adapte à son époque. D’une certaine manière c’est une façon de conserver le patrimoine. Le lieu reste une place de rencontre incontournable de Paris quelque soit l’époque.

difficilement en juin 2015) de la Samaritaine à Paris. La Samaritaine est constituée de trois grandes parties : le «Magasin Principal», construit dans le style Art Déco donnant sur le Quai du Louvre, l’immeuble «Jourdain», de style Art Nouveau construit en 1910 et l’îlot «Rivoli», aujourd’hui partiellement démoli. A l’origine, les immeubles que l’on appelle aujourd’hui «Samaritaine» sont des logements construits à la fin du XVIIIème siècle. Les immeubles sont rapidement achetés par un même homme d’affaire qui décide de réaliser des locaux commerciaux. Le premier magasin de la Samaritaine ouvre en 1870. Au fil du temps, le propriétaire acquiert les bâtiments voisins dans le but de créer un grand bâtiment unitaire avec une façade sur la rue de Rivoli et l’autre sur le quai du Louvre. C’est en 1904 que Frantz JOURDAIN dessine le plan unificateur de ce projet. S’enchaînent dans les années 30 une série de chantiers d’extension pour aboutir à quatre grands magasins.

LA SAMARITAINE DE SANAA A PARIS «Rénover et mettre en valeur un patrimoine architectural exceptionnel, accueillir de nouveaux usages nécessaires à la vitalité du cœur de Paris dans des immeubles exemplaires en matière d’écologie urbaine, renouveler l’image de la Samaritaine par un geste architectural contemporain et innovant sur la rue de Rivoli.» Tels sont les slogans que l’on peut lire sur le site internet présentant le nouveau projet (dont le permis de construire a été obtenu

Fig 56 : La Samaritaine, un assemblage de différentes époques

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En 2005, malgré d’importants travaux de mise aux normes, la Samaritaine est fermée au public après avis défavorable de la Préfecture de police à la poursuite de l’exploitation pour des raisons de sécurité incendie. À l’initiative de la Ville de Paris un comité de site examine différentes hypothèses de réouverture. Le diagnostic technique démontre l’impossibilité de répondre aux normes incendie sans porter atteinte au patrimoine remarquable. Il est alors nécessaire de réaliser d’importants travaux de restructuration pour faire renaître le site. En 2009, une consultation d’architectes met en compétition l’agence d’HERZOG & DE MEURON et l’agence SANAA. C’est le projet japonais qui est retenu en raison de sa meilleure insertion dans le paysage urbain La nouvelle rénovation consiste à adapter à des usages contemporains une partie des anciens magasins de la Samaritaine. Le projet se promeut comme une mixité des formes architecturales et une mixité sociale de par ses différents éléments programmatiques : hôtel de luxe, commerces, bureaux, logements sociaux, crèche. Cette mixité programmatique a permis le sauvetage de la Samaritaine. En effet, les règlementations de sécurité ne sont pas les mêmes pour des commerces et des logements. Un bâtiment au programme exclusivement commercial était plus contraignant au niveau des évacuations et n’aurait pas permis de concilier respect du patrimoine et respect de la sécurité des personnes. En modifiant les proportions des affectations du bâtiment, les maîtres d’ouvrages ont pu jongler avec les réglementations et rendre le projet concevable. Le projet de réouverture a pour but de redynamiser le quartier qui a souffert de la fermeture de 2005. Le bâtiment originel du début du XXème siècle était construit sur un système de patios

Fig 57 : La Samaritaine aujourd’hui en travaux

Fig 58 : Image du projet de la Samaritaine par SANAA

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pour éclairer tous les niveaux de l’immeuble de commerces. Peu à peu, l’immeuble a connu des extensions qui ont occulté la lumière, rendant le projet plus compact et complexe. La proposition de l’agence SANAA oppose à cette situation un plan masse plus clair. Inspirées du hall Jourdain qui constitue le centre emblématique du magasin, de vastes patios éclairés naturellement par la lumière zénithale sont créés au cœur de l’îlot Rivoli. Un «passage parisien» traversera les îlots déclinant des ambiances à la fois contemporaines et historique. Trois cours rythmeront la nouvelle promenade liant la rue de Rivoli au quai du Louvre. La renaissance du site sera l’occasion de réaliser le projet inabouti de Frantz JOURDAIN en donnant à la Samaritaine une façade rue de Rivoli. La proposition de l’agence Sanaa reprend le chantier en ce point précis où il s’est interrompu pour proposer un renouvellement de l’image de la Samaritaine sur l’espace public. Il est prévu de reconstruire la verrière telle qu’elle a été construite en 1905, ainsi que l’escalier monumental du hall Jourdain. L’identité architecturale de la nouvelle Samaritaine se construira dans un dialogue entre conservation et création. A côté du patrimoine architectural art Nouveau et Art déco hérité des architectes JOURDAIN et SAUVAGE, qui sera restauré et mis en valeur, l’architecture contemporaine du futur îlot Rivoli matérialise l’esprit d’évolution de la Samaritaine.19 Le bâtiment de SANAA est caractérisé par une façade de verre ondulé qualifiée de «rideau de douche» par la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) et SOS Paris, qui sont allés en justice pour arrêter les travaux. En janvier 2015, la cour

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administrative d’appel confirme l’annulation du permis de construire. LVMH, maître d’ouvrage, fait appel, et obtient finalement gain de cause. Cette décision permet au groupe LVMH d’obtenir les autorisations administratives pour toute «construction de projets d’architecture contemporaine pouvant déroger aux registres dominants de l’architecture parisienne et pouvant retenir des matériaux ou des teintes innovants». LE SHARD DE RENZO PIANO A LONDRES Alors que les métropoles se livrent à une course à la hauteur on voit émerger dans les vieilles métropoles européennes de nouvelles problématiques liées à l’impact paysager des tours. Londres a ainsi dû revoir sa politique de régulation de la skyline. Depuis les années 2000, une dizaine de tours ont été construites et près d’une cinquantaine sont en passe de transformer radicalement la ligne d’horizon londonienne, chargée d’histoire et de symboles. Ces nouvelles tours tendent à assumer la stature de métropole économique de Londres. Ces nouvelles tours suscitent cependant débats et controverses, autour de la question du respect du patrimoine bâti. Le Shard, plus haute tour européenne (310m), est un bâtiment qui représente bien toutes ces controverses. Construire une tour, c’est aussi modifier la skyline urbaine. Le projet de tour Shard, dévoilé en 2000, est la première tour mixte de Londres, une ville verticale mêlant commerces, bureaux, hôtel 5 étoiles, logements et plate-forme d’observation. Son architecte, Renzo PIANO, avait déjà connu les controverses avec le musée Pompidou à Paris. La tour, achevée en 2012, se situe à London Bridge, sur la rive Sud de la

projet.samaritaine.com

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Tamise, en face de la City de Londres. Sur demande de l’organisme statutaire en charge de la protection du patrimoine en Angleterre, English Heritage, une enquête publique est ouverte sur l’impact de la tour en 2003. English Heritage dénonce l’intrusion du gratte-ciel dans l’arrière-plan de la vue protégée de Saint-Paul’s cathedral depuis le nord-ouest du centre-ville. La mairie de Londres reconnaît l’altération la vue sur la cathédrale mais souligne que ses qualités architecturales sont telles qu’elles compensent cette intrusion dans le paysage. L’UNESCO s’en est même mêlé, jugeant qu’il nuisait à « l’intégrité visuelle » de la Tour de Londres, inscrite à son patrimoine mondial. La question de la gestion de la conservation génère souvent des débats qui cachent souvent des intérêts financiers ou politiques et vont parfois jusqu’aux batailles juridiques et médiatiques.20 Richard ROGERS, architecte et conseiller principal au design auprès de la mairie, fait alors glisser le débat vers la subjective « qualité architecturale ». Pour soutenir le projet de Renzo PIANO, il déclare pour le journal Telegraph en 2001 que le Shard est un « chef d’œuvre d’architecture et de design. Le contraste entre le dôme de Saint-Paul et la flèche de verre transparente de Shard renforce la silhouette de la cathédrale ». L’architecture du Shard a dû beaucoup évoluer au rythme des amendements demandés par la Commission for Architecture and the Built Environment, la mairie d’arrondissement de Southwark et English Heritage : la hauteur de la tour est passée de plus de 400 m à 310 m, son revêtement opaque a été remplacé par

du verre transparent et sa forme pyramidale étirée verticalement afin que le sommet soit le plus fin et transparent possible. Le Shard se veut en écho aux flèches des églises et des mats des navires du Londres de CANALETTO. La tour pourrait ainsi susciter selon PIANO une admiration similaire à celle que les Londoniens vouent à Saint-Paul ou les Parisiens à la Tour Eiffel. Si le permis de construire de Shard est validé en 2003, la construction ne débuta pas avant 2009. Comme le Swiss Re de Norman FOSTER, surnommé le « cornichon de la City, le Shard révèle aussi comment les considérations esthétiques et environnementales sont mobilisées pour légitimer le projet et compenser l’intrusion de sa silhouette dans le paysage de la ville. Il marque aussi la volonté d’instrumentaliser l’architecture audacieuse de certaines tours pour la promotion des intérêts des acteurs économiques et politiques. Dans la voie ouverte par les gratte-ciel Heron, Swiss Re et Shard, les projets de tours se sont multipliés. En 2011, sur 404 projets d’immeubles de grande hauteur (supérieure à 30 m) soumis aux municipalités du Grand Londres, 223 ont été approuvés et 64 sont en construction. En réponse, une réglementation visant à protéger les perspectives et vues des monuments historiques contre la prolifération des tours a été mise en place par la municipalité de Londres en 2007. La London View Management Framework est une des législations élaborées par la municipalité en 2007. Elle a pour objet de clarifier les règles du jeu entre les parties (mairies d’arrondissement, promoteurs, investisseurs, architectes, organismes de préservation du patrimoine et associations) pour protéger la mise en scène du patrimoine. La LVMF identifie des monuments à protéger dans le skyline (Saint-Paul, le Parlement, la Tour de Londres,

20 Georg GERMANN et Dieter SCHNELL, Conserver ou démolir ? Le patrimoine bâti à l’aune de l’éthique, Editions Infolio, 2014, p. 9.

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Buckingham Palace…) et des vues protégées dans lesquels la silhouette de ces monuments doit pouvoir être vue distinctement dans la ligne d’horizon. Sont ainsi fortement contrôlés les édifices proposés devant et en arrière-plan depuis des points de vue définis. Le débat reste donc vif et porte encore et toujours sur la pertinence des tours dans la ville patrimonialisée. D’un côté, la mairie de Londres souligne la qualité architecturale, le besoin de densification et la contribution des tours au statut de Londres. De l’autre, English Heritage dénonce toujours l’intrusion des tours dans les perspectives des monuments mais aussi dans des compositions paysagères qui n’ont pas été protégées par la LVMF. La skyline des villes est une dimension du paysage urbain, une composition évolutive plus ou moins maîtrisée, coproduite et interprétée, résultant des interactions et intentions des architectes, promoteurs, résidents, associations, urbanistes et hommes politiques. Dans cette acception, la skyline est un enjeu de pouvoir et de construction identitaire passées, présentes et futures.

Fig 59 : Logo du site touristique «The View from the Shard» qui tend à renforcer l’aspect marquant de la tour dans la ville

Fig 60 : Skyline présentant le Shard et SaintPaul’s Cathedral

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CONCLUSION entrevoir certaines parentés sur le projet de la ville. Ces réaménagement de la ville lient en effet également production de monuments, organisation des tracés majeurs et intervention sur le tissu urbain».21 Les centres anciens des villes européennes sont définitivement porteurs d’icônes architecturales mises en scène les unes avec les autres pour donner à chaque ville un visage unique, propre à son histoire, sa politique, sa géographie... Aujourd’hui, la ville européenne doit se poser la question de la gestion de son centre historique car il est son cœur chronologique et symbolique. Il faut trouver un équilibre à la surconservation et pondérer l’importance de la préservation d’un objet de patrimoine par rapport à une éventuelle action nouvelle qui serait bénéfique aux besoins nouveaux de la ville. On pourrait croire que le nouveau projet architectural n’est pas possible lorsque tout est protégé. Or, l’évolution de la ville contemporaine peut ne pas être le résultat brut de législations, réglementations et interdictions. Tout est une question d’argumentation pour la construction de projets justes.

Nous avons pu mettre en évidence une logique de patrimonialisation de la ville européenne avec une certaine sacralisation/ cristallisation qui apparaît à la fin du XIXème siècle avec toute une série de réglementations, législations et organismes dédiés. Auparavant, on n’avait pas la même crainte à se servir plus directement du patrimoine. On peut prendre l’exemple des réutilisations des bâtiments pour des fonctions de son temps, comme par exemple la transformation du théâtre Marcellus en logements. Il y a aussi eu des périodes où le pouvoir, plus radical, a compris qu’il pouvait réellement se servir du patrimoine en sa faveur : instrumentalisation fasciste et éventrements de certains quartiers, Haussmannisation en liant des points d’intérêt modernes... « De la Rome de SIXTE QUINT au Paris d’HAUSSMANN, la grande différence des époques et des enjeux laisse cependant

Nous pensions initialement que Londres serait plus «libérale» dans sa gestion du patrimoine. Dans un sens, ce n’est pas faux, mais l’affirmation reste à nuancer. En effet, si contrairement à Rome, seuls quelques kilomètres carrés sont protégés et contrôlés par l’UNESCO, des organismes militent pour

21 Bernard LAMIZET et Pascal SANSON, Les langages de la ville, Editions Parenthèses, 1997, chapitre de Jean-Pierre GAUDIN : Politique de la mémoire, les projets sur la ville dans la première moitié du XXème siècle, p121

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une conservation de l’identité paysagère londonienne et le nouveau projet architectural y est autant scruté et analysé que dans d’autres villes. Construire dans le centre de Paris est compliqué car le centre est dense, laissant peu de place à la nouveauté. Les projets qui nous avons mis en évidence touchent directement le patrimoine historique parisien, ce qui sensibilise plus les parisiens à leur réalisation. Il y a du renouvellement, mais pas réellement de création nouvelle dans le centre de Paris, principalement faute de place. On est alors contraints à s’éloigner un peu pour pouvoir par exemple créer une nouvelle grande fondation d’art contemporain ou une philharmonie. A Rome, les projets pris en exemple montrent que l’Italie, bien que très stricte sur son patrimoine dans un premier abord, reste ouverte aux questionnements et nouveautés architecturales qui s’inséreraient justement dans le tissu urbain. C’est dans la complexité qu’on peut parvenir à des projets plus ambitieux. La ville ancienne est née pour des besoins qui ne sont plus les notres, mais dont le plan persiste et reste le cadre de notre ville contemporaine. L’enjeu est de ne pas se laisser enfermer dans ce dessin du passé.

polémiques médiatiques (même en tant que «starchitecte»), la sensibilité architecturale restant une notion subjective. Il est impossible de faire l’unanimité. « Faire la ville sur la ville », de quelle manière ? Où ? Comment ? Une ville qui se reconstruit sans cesse sur elle-même finitelle irrémédiablement par effacer des traces antérieures d’occupation? Dans quelle mesure cela peut-il être toléré ? Ces questions, au cœur des grandes problématiques urbaines contemporaines, n’ont pas une seule réponse possible et attendent une multitude de réponses.

Nous sommes aujourd’hui, après la période plus conservatrice de la fin du XIXème, dans un monde qui a intégré le fait que la ville puisse évoluer et changer. Cependant, il faut faire attention à ne pas construire pour l’acte unique de faire de l’architecture en centre historique. Les projets doivent trouver une justesse dans leur site, être un objet équilibré entre respect du patrimoine et cohérence dans sa contemporanéité. Il est donc possible d’imaginer des projets pour ces centres anciens à condition d’avoir pris en compte les problématiques et de ne pas avoir peur des 75


BIBLIOGRAPHIE LIVRES

Dana ARNOLD et Jean-Louis-COHEN, Paris-Londres, Editions Infolio, 2015 Rémy BETHEMONT, Histoire de Londres, Editions Tallandier, 2011 Françoise CHOAY, Pour une anthropologie de l’espace, Editions du Seuil, 2006 Alfred FIERRO, Histoire de Paris illustrée, Le Périgrinateur Editeur, 2010 Georg GERMANN et Dieter SCHNELL, Conserver ou démolir ? Le patrimoine bâti à l’aune de l’éthique, Éditions Infolio, 2014 Gustavo GIOVANNONI, L’urbanisme face aux villes anciennes, Éditions Points, 1998 Bernard LAMIZET et Pascal SANSON, Les langages de la ville, Editions Parenthèses, 1997 Jean-Michel LENIAUD, Les archipels du passé, Le patrimoine et son histoire, Paris : Fayard, 2002 Jules MICHELET, L’Histoire romaine, Editions Eux et Eux, 2003 Pierre NORA, Présent, nation, mémoire, Paris : Gallimard 2011 Steen Eiler RASMUSEN, Villes et architectures, Éditions Parenthèses, 1990

MÉMOIRES

Mickaël CUILLERAT, L’avenir des villes musées, l’exemple italien, Mémoire de Master à l’ENSA Lyon, 2013 Jérémie MANGUIN, La stratification urbaine à Rome, la place de l’architecture contemporaine dans le centre de Rome, Mémoire de Master à l’ENSA Paris-Belleville, 2008

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SITES INTERNET parisleshalles.fr projet.samaritaine.com unesco.org

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ICONOGRAPHIE COUVERTURE Montage photographique personnel. PAGE 8

Fig 1 : La City à Londres, photographie personnelle.

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Fig 2 : Gravures représentant les Sept Merveilles du Monde, source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sept_merveilles_du_monde

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Fig 3 : Gravures représentant Alexandre LENOIR avec l’Empereur NAPOLEON au Musée des Monuments historiques, source internet.

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Fig 4 : Notre Dame de Paris, photographie personnelle. Fig 5 : Chapelle Rosslyn, photographie, source internet. Fig 6 : Porte Ticinese, gravure, source internet. Fig 7 : Porte Ticinese, photographie, source internet.

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Fig 8 : Plan de Rome 1/50 000.

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Fig 9 : Les Sept collines de Rome, schéma, source internet.

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Fig 10 : Le Colisée à l’époque de VESPARIEN, gravure, source internet. Fig 11 : Le Circus Maximus lors d’une course de chars, gravure, source internet. Fig 12 : Arc de Titus, photographie personnelle.

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Fig 13 : Basilique Saint-Jean-de-Latran, photographie personnelle. Fig 14 : Théâtre Marcellus, photographie personnelle.

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Fig 15 : Place du Capitole à Rome, gravure, source internet.

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Fig 16 : Victor-Jean NICOLLE, La Colonne Trajane, 1800, aquarelle et encre. Fig 17 : Chateau Saint-Ange, photographie personnelle. Fig 18 : Plan de la Piazza Navona, source internet.

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Fig 19 : Plan d’aménagement de Rome sous Sixte V. Fig 20 : Il Vittoriano, photographie personnelle.

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Fig 21 : Axe Saint-Pierre de Rome - Château Saint-Ange, photographie, source internet. Fig 22 et 23 : Affiches de propagande de Benito MUSSOLINI, source internet.

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Fig 24 : Plan de Paris 1/50 000.

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Fig 25 : Plan de l’enceinte Philippe-Auguste, source internet.

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Fig 26 : Notre-Dame de Paris, photographie personnelle.

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Fig 27 : Michel-Charles FICHOT, L’Hôtel de Cluny, vers 1800, lithographie et dessin préparatoire. Fig 28 : Eglise Saint-Etienne du Mont, photographie, source internet. Fig 29 : Aile Lescot de la Cour Carrée du Louvre, photographie, source internet.

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Fig 30 : Israël SILVESTRE, L’Hôtel d’Angoulême côté jardin, 1650, gravure, musée Carnavalet.

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Fig 31 : Place Vendôme, photographie aérienne, source internet.

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Fig 32 : Michel-Charles FICHOT, Le Palais des Tuileries et le Louvre, 1850. Fig 33 : ARNOUX, Eglise Sainte-Geneviève d’après un dessin de WILLMANN, 1883, gravure.

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Fig 34 : Arc de Triomphe, photographie personnelle. Fig 35 : Pont d’Iéna, photographie personnelle.

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Fig 36 : Plan des percées Haussmanniennes, source internet. Fig 37 : Avant/après HAUSSMANN, diptyque photographique, source internet.

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Fig 38 : Plan de Londres 1/50 000.

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Fig 39 : Abbaye de Westminster, photographie, source internet. Fig 40 : Tour de Londres, photographie, source internet. Fig 41 : Westminster Hall, photographie, source internet.

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Fig 42 : Place de Convent garden, 1720, gravure, source internet.

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Fig 43 : Plan de Saint-James Square, source internet.

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Fig 44 : Plan de Londres proposé par Christopher WREN en 1666, source internet.

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Fig 45 : Sutton NICHOLLS, Grosevenor Square, gravure. Fig 46 : Crystal Palace de Joseph PAXTON, gravure. Fig 47 : Saint-Paul’s Cathedral, photo personnelle.

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Fig 48 : Plans des zones protégées par l’UNESCO à Rome, Paris et Londres, 1/100 000.

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Fig 49 : Extrait de la carte des fuseaux de protection des vues à Paris, source unesco.org.

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Fig 50 : Admiralty Arch, photographie, source internet.

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Fig 51 : Musée de l’Ara Pacis dans les années 30, photographie, source internet. Fig 52 : Musée de l’Ara Pacis de Richard MEIER, photographie personnelle.

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Fig 53 : MACRO d’Odile DECQ, photographie, source internet.

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Fig 54 : Les Halles de BALTARD au XIXème siècle, photographie, source internet. Fig 55 : Les Halles de Patrick BERGER, image de projet, source : site internet de Patrick BERGER.

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Fig 56 : L’évolution de la Samaritaine de Paris, dessin, source internet. Fig 57 : La Samaritaine aujourd’hui, photographie personnelle. Fig 58 : La Samaritaine de SANAA, image de projet, source : projetsamaritaine.com. Fig 59 : The View from the Shard, logo, source : theviewfromtheshard.com. Fig 60 : Le Shard et Saint-Paul’s Cathedral, photographie, source internet.

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L’Europe, ou le «vieux continent» bénéficie d’un passé riche. Depuis des siècles, ses habitants ont fondé de réelles civilisations créant de nombreuses villes qui seront les témoins de l’histoire qu’auront dessiné leurs habitants. C’est ainsi que des édifices bâtis à telle ou telle période deviennent des symboles car ils resteront dans le temps alors que l’Homme s’éteint. Il peut être alors intéressant pour l’Homme de se servir de ces éléments qui lui survivront ; plusieurs choix s’offrent à lui : s’appuyer sur ces édifices, les nier avec leur passé ou au contraire les conserver religieusement pour conserver le souvenir d’un évènement marquant... Se pose donc la question de la contemporanéité entre la passé d’une ville et son présent avec ses besoins actuels. Dans son ouvrage, l’architecte et ingénieur italien Gustavo GIOVANNONI utilise la formule : «une opposition irréductible entre la Vie et l’Histoire : d’un côté les besoins positifs du développement et du mode de vie moderne ; de l’autre, le respect des souvenirs historiques et artistiques et le maintien du cadre général de la ville ancienne». Le poids de l’Histoire et la densité du patrimoine rendent parfois difficile l’adaptation de la ville européenne aux exigences contemporaines de la vie des grandes métropoles. Tout ceci pose le problème de la muséification de la ville. Si ce sujet a déjà souvent été traité par des spécialistes (historiens, architectes, sociologues...), c’est la comparaison de Rome, Paris et Londres qui est plus originale dans cette étude. Comment à Rome, Paris et Londres, le patrimoine architectural des centres anciens est-il protégé? Y-a-t’il pour chaque ville des caractéristiques particulières héritées du passé? Quelles sont les similitudes ou particularités?


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