Réhabiliter les grands-ensembles - Thèse professionnelle - Delphine Magnan

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Réhabiliter les grands ensembles, l’équation « ressources, confort, patrimoine »

Master spécialisé Architecture & Patrimoine contemporain Promotion 2020-2021 Delphine MAGNAN - Enseignante : Claudia Hernandez Nass

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Réhabiliter les grands ensembles,

l’équation « ressources, confort, patrimoine »

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Cité des 4000, La Courneuve (93), architectes Clément Tambuté et Henri Delacroix, 1956-1964 Source : Martin Argyroglo photographe 4


Remerciements Je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui m’ont soutenue dans la rédaction de cette thèse professionnelle, et particulièrement : Ma directrice de mémoire, Claudia Hernandez Nass pour ses nombreux conseils, le partage de ses connaissances, son temps… L’ensemble des professeurs du Master Spécialisé « Architecture et Patrimoine Contemporain » pour leurs enseignements durant cette année, qui nous ont guidés à travers ce grand monde qu’est le patrimoine. L’équipe des étudiants de la promotion qui ont enrichi cette expérience par leurs histoires, cultures, sourires. Mes collègues et employeur chez MBIngénierie, qui m’accompagnent dans ma formation professionnelle. Mes amis et ma famille qui m’ont soutenue une fois de plus dans ce projet, et qui ont pris le temps de m’écouter et de m’aiguiller avec engouement dans ces réflexions. Une pensée particulière pour Océane, Anthony et Lauriane.

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AVANTPROPOS

Déchets du BTP Source : https://batiadvisor.fr/dechets-btp-reglementation-et-comment-les-gerer/ 6


L’urgence des ressources et des déchets LES DÉCHETS DU BÂTIMENT « Un bâtiment représente une masse importante de matériaux qui, lorsque l’édifice arrive en fin de vie, ne trouvent d’autres usages que de remplir nos déchetteries. »1

Le 5 juillet 2021, au micro d’Europe 1, Christine Leconte, présidente du Conseil National de l’Ordre des Architectes, évoque les enjeux du XXIème siècle : aujourd’hui 66% des déchets proviennent du BTP et des infrastructures, issues notamment par les grandes démolitions. L’un des enjeux serait alors de moins démolir et de plutôt choisir la réhabilitation massive du parc existant, refaire de l’architecture à partir de l’existant.2

1 Jean-Louis Missika, adjoint à la Maire de Paris chargé de l’urbanisme, de l’architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité, texte issu du livre Encore Heureux, Matière grise, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 5 2 Christine Leconte, Démolir n’est plus une option possible, Europe 1, 5 juillet 2021 7


PÉNURIES DE RESSOURCES ET ÉNERGIES

Un exemple très parlant pour le domaine des ressources de la construction est celui du sable marin, composant du béton ou du verre (mais aussi utile pour la cosmétique ou les composants des ordinateurs). C’est la 2ème ressource naturelle la plus utilisée après l’eau : 15 milliards de tonnes sont extraits chaque année. Les conséquences se font d’abord sur les écosystèmes, générant ensuite des conflits entre la société civile et les groupes cimentiers : la pression sur la ressource de plus en plus forte.7

« A la fin des années 2000, le volume mondial des ressources extraites équivalait à 60 milliards de tonnes, tandis que le volume des déchets produits se montait à 12 milliards de tonnes », soit un prélèvement de 10

tonnes de ressources et une production de 2 tonnes de déchet par personne et par an.3 Malheureusement, la problématique écrasante des déchets n’est pas la seule composante de la crise environnementale. Parce que les humains consomment davantage que ce qu’offre la planète, les pénuries de matière, ressources, énergie apparaissent depuis l’utilisation industrielle des énergies fossiles.4 Chaque année depuis 1986, l’organisation non gouvernementale américaine Global Footprint Network détermine l’Earth Overshoot Day (ou jour du dépassement global) qui est la date théorique où l’humanité a consommé l’intégralité des ressources renouvelables pour l’année. En 2014 cette date a été calculée au 19 août. On peut réellement considérer notre dette écologique.5 Si en 2020, le ralentissement de l’économie lié à la pandémie du covid-19 a repoussé cette triste date, dès 2021 elle s’est avancé de nouveau.6 Nos modes de vie dégradent la planète plus vite que toutes nos actions réunies pour la préserver.

FAVORISER UNE FORME D’ÉCONOMIE CIRCULAIRE Une solution évidente à mettre en œuvre est alors de ralentir les productions de neuf pour utiliser ce qui existe déjà. Aujourd’hui la seconde main est de plus en plus populaire dans les consommations courantes avec des entreprises comme Leboncoin ou Vinted ou la mode des friperies. Bonne nouvelle : le principe de l’économie circulaire est aussi applicable au bâtiment. On peut choisir de réhabiliter plutôt que de construire du neuf. En 2003, la loi n° 2003-710 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine dite « Loi Borloo » souligne l’importance de la rénovation aux côtés de la production neuve dans le domaine du logement en France. L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) et le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) sont créés pour réhabiliter 600 quartiers en France et Outre-Mer.8

3 Encore Heureux, Matière grise, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 37 4 Rob Hopkins, Manuel de Transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale, Éditions Ecosociété, 2018, p. 5

7 Encore Heureux, Matière grise, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 37

5 Encore Heureux, Matière grise, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 11 6

8 https://www.anru.fr/le-programmenational-de-renovation-urbaine-pnru

Voir graphique page ci-contre 8


DES PROGRÈS ET DES OBJECTIFS DE SOBRIÉTÉ A TENIR

RICHESSE DU TRAVAIL AVEC L’EXISTANT

« Aujourd’hui, en France, on consomme six fois moins d’énergie qu’en 1970. L’objectif annoncé de la RT2020 serait d’atteindre 12kWh/m²/an, soit une consommation vingt-cinq fois moindre qu’en 1970. »,9

Travailler avec l’existant apparait donc comme une solution vertueuse. Or, ce type de travail ne doit pas être vu comme une contrainte, mais plutôt comme une opportunité de projet riche de sens. Par exemple, le travail avec l’existant considère les liens affectifs entre les individus et les bâtiments. Il peut y avoir de réels liens sociaux entre Hommes et bâti.10

9 Philippe Rahm, exposition Histoire naturelle de l’Architecture, Pavillon de l’Arsenal, mai à septembre 2021

10 Christine Leconte, Démolir n’est plus une option possible, Europe 1, 5 juillet 2021 Graphique des Earth Overshoot Days, les dates théoriques où l’humanité a consommé l’intégralité des ressources renouvelables pour l’année Source : https://www. overshootday. org/newsroom/ past-earthovershoot-days/

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Sommaire

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Remerciements......................................................................5 AVANT-PROPOS.....................................................................6 L’urgence des ressources et des déchets

Sommaire..............................................................................10 INTRODUCTION.................................................................12 PARTIE I : HISTOIRE, DÉFINITIONS ET ENJEUX DU CONFORT DOMESTIQUE..........................................18 1. Histoire de la notion de confort dans l’habitat 2. Le confort, une notion plurielle 3. Législations et labels pour la qualité du logement

PARTIE II : HISTOIRE, TYPOLOGIES ET VALEURS PATRIMONIALES DES GRANDS-ENSEMBLES..........50 1. Petite histoire des grands ensembles 2. Valeurs patrimoniales des grands ensembles

PARTIE III : RÉHABILITER EN CONCILIANT SOBRIÉTÉ DES RESSOURCES, CONFORT DU LOGEMENT ET QUALITÉ PATRIMONIALE................72 1. Les enjeux multiples de la réhabilitation des logements collectifs 2. La phase incontournable du diagnostic : exemple de la résidence la Tourre à Orange 3. Dispositifs de réhabilitations d’immeubles des Trente Glorieuses

CONCLUSION.................................................................100 Bibliographie ...........................................................................106

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INTRODUCTION

Couverture du livre Désirs de Toit de Daniele Voldman, illustration pour le salon des arts ménagers dans les années 1960 12


En 1972, le célèbre rapport Meadows du Club de Rome fait le constat que des ressources énergétiques telles que le pétrole ou le gaz ne seraient pas suffisantes pour assurer la pérennité d’une croissance exponentielle au-delà du XXIème siècle. Ainsi, depuis les années 1970, avec le choc pétrolier à répercussions internationales, notre société prend, à juste titre, conscience de l’urgence énergétique11 et les injonctions aux économies des ressources sont multiples. Cependant, il faudrait veiller à ne pas foncer tête baissée dans des rénovations énergétiques en ne considérant pas suffisamment toutes les dimensions du confort et de la qualité de vie dans les logements. AVOIR UN LOGEMENT CONFORTABLE En mars 2020, les français ont été contraints à rester chez eux pour télétravailler12, s’occuper de leurs enfants, y vivre 24h sur 2413. Soudainement, le logement n’était plus l’espace de passage entre le travail et le week-end, mais est devenu le décor perpétuel des habitants. Quand on passe toutes les journées chez soi et que la seule sortie autorisée est celle des courses, la question du confort et du bien-être chez-soi devient centrale. En l’occurrence, 20% des français (soit près de 8 millions de foyers) ont déclaré avoir « mal supporté » leur logement pendant le confinement. 14 Mais alors, qu’est-ce que le confort ? « confort thermique », « confort d’usage », « confort acoustique » ? La notion est multiple et complexe. 11

Voir « A propos », p. 5

12 Bond Society, Oh my desk, recherche sur le confort du télétravail lié au 1er confinement français en mars 2020, https://www.bond-society.com/homydesk 13 QUALITEL et IPSOS, Le confinement, révélateur des inégalités dans la qualité du logement, recherche sur le confort dans le logement lié au 1er confinement français en mars 2020, https://www.qualitel.org/magazine/leconfinement-revelateur-des-inegalites-dans-la-qualite-dulogement/ 14 Ibid. 13


LE PATRIMOINE DES GRANDSENSEMBLES

« Les grands ensembles se présentent comme les réalisations emblématiques de la politique menée par l’État après-guerre dans le domaine de l’aménagement du territoire et de la planification urbaine. »15

Les grands ensembles des Trente Glorieuses sont alors souvent pointés du doigt, décriés comme des « passoires thermiques ». Ce patrimoine du XXème siècle est indéniablement moins connu et reconnu, notamment par le grand public qui ne s’intéresse pas forcément à l’architecture. Inscrire ces architectures dans la culture collective s’impose comme un vrai défi. Pour certains elles seraient trop récentes, pour d’autres pas qualifiables comme patrimoine car toujours en usage... Un château du Moyen-Age ou une église gothique auraient alors plus de légitimité patrimoniale ? Le patrimoine est aujourd’hui clairement multiple. Les bâtiments sont à la fois des produits et des témoins de l’histoire. Le patrimoine bâti des Trente Glorieuses a totalement sa place en tant que « patrimoine » dans la mesure où il transmet une histoire, des valeurs, des paysages aux descendants.

UNE THÈSE PROFESSIONNELLE SUR LE LOGEMENT SOCIAL (MAIS PAS QUE) Cet exercice de thèse professionnelle me permet de croiser mes recherches au monde concret du travail du point de vue de la maitrise d’œuvre. Grâce à mon travail j’ai pu côtoyer différents acteurs du côté de la maitrise d’œuvre et de la maitrise d’ouvrage : architectes, bailleurs sociaux, bureaux d’étude, entreprises... Plusieurs des projets du cabinet de maitrise d’œuvre dans lequel je travaille concernent le logement social, c’est alors l’une des raisons qui m’ont poussée à spécifier mes recherches en ce sens : j’ai choisi de profiter de cette opportunité pour approfondir un sujet. Dans le logement social, la prise en 15 Raphaële Bertho, Les grands ensembles, Cinquante ans d’une politique-fiction française, Études photographiques n°31, printemps 2014

Age du parc immobilier français, Source : https:// www.qualitel. org/magazine/ le-confinementrevelateur-desinegalites-dansla-qualite-dulogement/

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Quartier des Flanades, Sarcelles (95), architectes Jacques HenriLabourdette et Roger Boileau, 1955-1970 Source : https:// www.leparisien.fr/ val-d-oise-95/

compte du confort de vie « se heurte

social.18 A Montpellier, ACM, le bailleur social le plus important de la ville, est à la tête d’un patrimoine de plus de 24 000 logements pour une ville de 148 000 ménages en 2017.19 En tout, c’est 13 millions de personnes qui vivent dans des logements sociaux en France.20 Avec un tel volume de logements en leur patrimoine, les bailleurs sociaux se doivent de présenter une certaine exemplarité en terme de qualité des logements, du point de vue du confort ou de la consommation d’énergie. Le décret du 8 février 2000 révise la notion de « logement décent » : au delà de l’équipement sanitaire, on doit désormais prendre en compte la qualité des équipements (chauffage, humidité, installations électriques)

à une économie de plus en plus tendue qui s’étend à la maitrise des dépenses énergétiques et doit s’articuler avec les nouvelles exigences environnementales. Une équation forcément complexe. »16

L’accès au logement est reconnu comme un droit fondamental depuis 1946 en France.17 Le logement social, politique publique menée par l’État, permet de maintenir la mixité sociale en ville. La loi Solidarité et Renouvellement Urbain n°2000-1208 oblige de produire des logements sociaux dans les communes carencées de plus de 3 500 habitants, et agglomérations de plus de 50 000 habitants comprenant une commune de plus de 15 000 habitants. A Paris, 23% du logement est aujourd’hui

18 Ian Brossat, Adjoint à la Maire de Paris en charge du logement, Accélérateur de la rénovation thermique des logements sociaux, conférence organisée par le Pavillon de l’Arsenal, 5 Mai 2021 16 Félicie Geslin, Mieux dans son chez-soi, Les Cahiers Techniques du Bâtiment n°388-389, septembre 2020 17

19 https://www.acmhabitat.fr/proposdacm-habitat/notre-patrimoine 20 Patrick Bouchain, Construire ensemble le grand-ensemble, Éditions Actes Sud, p. 2

Constitution Française, 1946 15


pour le confort des locataires.

UNE PROBLEMATIQUE, UNE EQUATION

UN ENJEU D’ACTUALITÉ

« La dimension énergétique est certes au cœur de ces projets (de réhabilitation énergétique) car c’est incontournable évidemment pour réussir à faire franchir à ces immeubles le cap des économies d’énergie, mais c’est vraiment dans une logique d’ensemble et d’amélioration du confort pour les locataires. »22

Les logements collectifs construits durant les Trente Glorieuses ont répondu à un besoin rapide d’abriter des masses de populations. Or, pour la plupart, ils présentent aujourd’hui des pathologies spécifiques et nécessitent des réhabilitations, que ce soit pour améliorer le confort ou limiter les dépenses énergétiques.

Si les enjeux environnementaux sont présents et légitimes, les réhabilitations à des buts d’économie d’énergie et d’améliorations du confort de vie dans le logement sont alors bien évidemment souhaitables. Il y a des paramètres différents à prendre en compte dans cette équation. On tentera d’amener des réponses pour répondre à la problématique : Quels

Les lois n°2009-967 du 3 août 2009 et n°2010-788 du 12 juillet 2010, dites « lois Grenelle 1 et 2 » introduisent l’évaluation et affichages des performances énergétiques (bâtiment basse consommation, BBC) et permettent l’octroi de crédit d’impôts pour rénovation énergétique.

enjeux et solutions pour l’équation de la réhabilitation des logements collectifs des grands-ensembles?

« Le rythme des opérations de réhabilitations s’est fortement accéléré ces dernières années depuis la parution de la loi Grenelle 1 de 2008 qui prévoyait la réhabilitation des 800 000 logements sociaux en France dont les consommations étaient supérieures à 230kWh/m²/an afin de les ramener sous 150kWh/m²/an. »21

PRÉSENTATION DU PLAN DE CETTE THÈSE PROFESSIONNELLE Pour exposer l’équation des différents paramètres de la réhabilitation vertueuse, on commencera dans une première partie à présenter la notion complexe et multiple qu’est le confort, qu’on a souvent aujourd’hui tendance à limiter au « confort thermique ». Dans un second temps on présentera l’architecture des grands ensembles du XXème siècle pour en dégager les valeurs patrimoniales à protéger. Enfin, dans une troisième partie nous

Or quand les idées vantées par le développement durable commencent à se généraliser dans la pratique de l’architecture, celle-ci favorise la recherche sur l’aspect énergétique au détriment d’autres piliers, comme le confort domestique ou les valeurs patrimoniales des édifices réhabilités.

22 Blanche Guillemot, Directrice du logement et de l’habitat de la Ville de Paris, Accélérateur de la rénovation thermique des logements sociaux, conférence organisée par le Pavillon de l’Arsenal, 5 Mai 2021

21 APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, Pratiques actuelles/nouveaux enjeux, 2016, p. 40 16


nous intéresserons de manière plus opérationnelles aux réhabilitations nécessaires pour remettre certains grands-ensembles à niveau en ce qui concerne le confort de vie ou les performances énergétiques tout en préservant ce patrimoine encore trop délaissé.

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PARTIE I : HISTOIRE, DÉFINITIONS ET ENJEUX DU CONFORT DOMESTIQUE

« La certification NF Habitat : l’assurance d’un logement où il fait bon vivre ! » Source de l’image : https://www.nf-habitat.fr/ 18


« Pourquoi faudrait-il, au nom d’une conception de l’isolation thermique propre à la France, que les habitants vivent dans des espaces sombres, percés de petites fenêtres, parfois sans ouvrant, pour éviter toute déperdition de chaleur, comme cela a été plusieurs fois le cas depuis le milieu des années 1970, au moment du premier choc pétrolier et à chaque fois que la question de l’isolation a rebondi à cause de nouvelles données économiques ? Cette alternative résume bien des paradoxes du confort d’aujourd’hui, mais aussi de l’hygiène et de la santé, car surestimer une variable conduit à des choix discutables. »23

23 Monique Eleb, Vu de l’intérieur. Habiter un immeuble en Île-de-France, 1945-2010, 2011, p.30 19


Selon le dictionnaire de l’Académie Française, le confort est « ce qui contribue

que les relations de l’architecture avec le corps humain ou la manière dont sont conçus la nature et l’espace. »25

du bien-être qui est l’état conforme à un idéal matériel mais également physique ou moral lié à un épanouissement optimal. Ainsi, on aurait pu dans cette thèse parler de « bien-être » plutôt que de confort. Pourtant, c’est bien de « confort » qu’il est question dans les labels ou articles : en ce moment on parle de « confort d’été », « confort thermique », « confort d’usage »... Dans le langage courant, mais également celui des auteurs, la nuance peut être floue et les deux mots peuvent devenir synonymes. Quoi qu’il en soit, on s’attellera ici à parler d’un confort/bienêtre pas seulement lié au matériel, mais somme de différentes composantes sociales, liées au perceptions de l’architecture et l’environnement, à l’humain. Le rapport entre confort du logement, qualité architecturale et qualité environnementale sont sous la responsabilité des architectes et maîtres d’œuvre.

En 2016, l’architecte Franz Graf et la professeure Giulia Marino publient un ouvrage regroupant plusieurs essais de chercheurs et architectes qui se sont penchés sur la question du confort en architecture, notamment pour les édifices du XXème siècle. Le confort est une notion souvent rattachée à des valeurs quantitatives : depuis les années 2000 on parle beaucoup de « confort thermique » qu’on valorise avec des labels. En réalité, le confort dépend certes de la qualité des services du logement, mais également de la perception de chacun. Ainsi, ce regroupement d’essais, balayant des approches plus sociologiques et sensibles, vient compléter les nombreuses définitions techniques et normatives que nous avons aujourd’hui l’habitude d’entendre à propos du confort. La notion de confort est donc mouvante en fonction des époques, des usagers...

au bien-être matériel, à la commodité de la vie ».24 Ainsi, il est une composante

Dans cette première partie nous tenterons d’esquisser une définition du confort et de présenter ses enjeux pour la qualité de vie dans le logement. Enfin, nous évoquerons le monde des réglementations et des labels au service de ce confort.

« Aujourd’hui nous sommes d’accord pour considérer le confort comme une notion objective. Nous avons tort. L’histoire de l’architecture des deux derniers siècles montre que le confort, loin d’être une question purement technique ou un simple équilibre hygrothermique entre les conditions climatiques et les constantes physiologiques, est une idée culturellement construite. Le bien-être n’est pas une sorte d’algorithme qui peut être calculé selon certains paramètres de température ou d’humidité relative – ou, tout du moins, non seulement cela, - mais un concept qui concerne des facteurs complexes et hétéroclites, tels

25 Eduardo Pietro, La culture du bien-être, les poétiques du confort dans l’architecture du XIXème et XXème siècle, dans l’ouvrage dirigé par Franz Graf et Giulia Marino, Les dispositifs du confort dans l’architecture du XXème siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde, Éditions Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016, p. 41

24 Dictionnaire de l’Académie Française. 9e édition, 1992 20


1. Histoire de la notion de confort dans l’habitat POURQUOI L’HABITAT ?

thermique entre 20 et 28°C. »26

« Pour comprendre l’origine de l’architecture, il faut revenir à notre condition « homéotherme » et à la nécessité de devoir maintenir notre corps à 37°C. Afin de garder une température constante, indépendamment des conditions extérieures, l’être humain compose entre ses moyens corporels internes que sont les différents mécanismes de thermorégulation (vasodilatation, sudation, contractions musculaires...) et les moyens externes, en particulier l’alimentation, l’habillement, la migration et, biensûr, l’architecture. Pour s’abriter des vents qui refroidissent la peau par convection, se protéger de la pluie qui accélère le refroidissement du corps par conduction ou se cacher du soleil dont les rayons brûlent par radiation, l’être humain construit des toits et des parois. L’architecture permet de confiner, entre sols, murs et plafond, une petite quantité d’air habitable, dont il devient possible de modifier la température sans trop d’efforts afin de la maintenir dans une zone de confort

La notion de confort du logement est forcément liée à une époque. En effet, les dispositifs disponibles évoluent avec le temps et les individus s’habituent à des commodités qui prennent peu à peu place dans leurs habitudes. Avec des dispositifs architecturaux et/ou technologiques (ventilation mécanisée, chauffage...) chaque culture possède ainsi sa propre perception du bien-être et du confort dans son habitat, ce qui conduit à des situations variées en fonction des zones géographiques et des époques, allant de l’abri rudimentaire à la maison ultra-domotisée climatisée.

26 Philippe Rahm, exposition Histoire naturelle de l’Architecture, Pavillon de l’Arsenal, mai à septembre 2021 21


Frontispice de la deuxième édition de l’ouvrage Essai sur l’architecture de l’Abbé Laugier, 175 Source : BnF, Paris

animaux, ils purent marcher droits et la tête levée, contempler le magnifique spectacle de la terre et des cieux, et, à l’aide de leurs mains si bien articulées, faire toutes choses avec facilité : aussi commencèrent-ils les uns à construire des huttes de feuillage, les autres à creuser des cavernes au pied des montagnes ; quelques-uns, à l’imitation

L’ABRI PRIMITIF « Ce fut donc la découverte du feu qui amena les hommes à se réunir, à faire société entre eux, à vivre ensemble, à habiter dans un même lieu. Doués d’ailleurs de plusieurs avantages que la nature avait refusés aux autres

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ARTS DÉCORATIFS DISPOSITIFS DE CONFORT

de l’hirondelle qu’ils voyaient se construire des nids, façonnèrent avec de l’argile et de petites branches d’arbres des retraites qui purent leur servir d’abri. »27

« Jusqu’à l’avènement des techniques de régulation thermique modernes, la décoration d’intérieur joue un rôle crucial en apportant des revêtements aux surfaces internes des constructions - qu’il s’agisse des tapisseries du Moyen-Age, des boiseries de la Renaissance, ou des tentures qui doublent les murs des pièces au XIXème siècle. (...) Aujourd’hui, le divorce entre la décoration d’intérieur et régulation thermique prononcé au début de la modernité laisse place à une réconciliation inattendue. La lutte contre le réchauffement climatique et les réglementations récentes en matière de construction introduisent ainsi des éléments inédits d’aménagement intérieur : la laine isolante aux murs comme une réactualisation de la tapisserie, l’isolation des planchers comme un renouveau de l’art des tapis, la redéfinition de la ventilation comme un perfectionnement du principe de la cheminée, les films étanches posés sur les murs ou les « rideaux thermiques » placés devant une fenêtre comme un nouveau type de paravent ou de

Dans Le mythe de la cabane ou l’origine primitive de l’architecture, l’historien en art et architecture Thomas Renard présente le texte du théoricien romain Vitruve, qui a écrit l’un des plus anciens ouvrages consacrés à l’architecture qui nous soit parvenu, De Architectura. Pour Vitruve « comme chez beaucoup de ses successeurs, la cabane semble intimement liée à l’idée des origines et au besoin élémentaire de se protéger des intempéries. »28 Ainsi, la cabane, premier élément d’architecture, serait un outil de confort pour l’Homme primitif soumis aux conditions extérieures inconfortables telles que le froid ou les intempéries. L’architecture est alors à considérer comme un dispositif de confort pour les individus, dès les débuts de la sédentarisation. 27

Vitruve, De Architectura, livre II

28 Thomas Renard, Le mythe de la cabane ou l’origine primitive de l’architecture, Revue 303, n°141, 2016

Tapisseries dans les chambres du Château de Chambord (41) Source : photographie personnelle

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Le travail devient alors plus confortable et moins physique pour les individus. Cette mécanisation se met également au service du logement, améliorant le confort des habitants.

courtine ».29

Les tapisseries et tentures sur les murs utilisées dès le Moyen-Age permettaient de se protéger du froid émanant des murs en pierre, améliorant le confort de vie dans les intérieurs. On peut également citer le rôle des rideaux qui font barrière contre les courants d’air.

« c’est finalement en Angleterre, et à la chaleur de la Révolution industrielle, que l’idée de confort prendra le sens que nous lui attachons aujourd’hui, pour finalement devenir un élément essentiel de l’architecture »31

LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE AU SERVICE DU CONFORT DE L’HOMME

Après des décénnies d’éclairage et chauffage avec des systèmes à l’huile32 (assez inéficaces) ou au gaz33 (assez dangeureux), Frederick Hale Holmes fait breveter en 1846 la première lampe électrique34, qui équipe d’abord des phares. Après des années de recherches par de nombreux scientifiques, c’est finalement l’inventeur Thomas Edison qui trouva en 1879 la solution pour créer une lumière susceptible d’être commercialisée et de servir dans le cadre domestique.35 Dans les années 1880-1890, les réseaux électriques domestiques se développent aux États-Unis, permettant aux intérieurs Américains d’être éclairés et chauffés, changeant radicalement la vie des

En 1776, l’ingénieur écossais James Watt met au point une machine à vapeur qui transforme en énergie mécanique la vapeur produite par l’eau chauffée au charbon. 50 ans plus tard, en 1825, l’ingénieur britannique George Stephenson invente la locomotive et crée la première ligne ferroviaire ouverte au public. S’appuyant sur ces inventions révolutionnaires, l’Angleterre ouvre la Révolution industrielle dans les années 1830. Dans les années suivantes, les autres pays occidentaux la suivront dans ce basculement d’une société à dominante agraire et artisanale vers une société commerciale et industrielle. C’est le début d’une lourde exploitation des énergies fossiles apparemment illimitées. Désormais ce sont les machines qui travaillent au service de l’Homme, à un rythme décuplé. Il y a un passage de l’autoconstrucition aux marchés :

31 Eduardo Pietro, La culture du bien-être, les poétiques du confort dans l’architecture du XIXème et XXème siècle, dans l’ouvrage dirigé par Franz Graf et Giulia Marino, Les dispositifs du confort dans l’architecture du XXème siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde, Éditions Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016, p. 42

« une économie déterritorialisée et gorgée de pétrole. »30

32 Bill Bryson, Une histoire du monde sans sortir de chez moi, 2014, p. 167

29 Philippe Rahm, exposition Histoire naturelle de l’Architecture, Pavillon de l’Arsenal, mai à septembre 2021 30 Encore Heureux, Matière grise, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2014, p. 24 24

33

Ibid., p. 174

34

Ibid., p. 183

35

Ibid, p. 185


Salon bourgeios avec des lustres électriques, vers 1890 Source : MP1975.26.24 Musée McCord

Hommes de l’époque qui se voyaient offrir grâce à cette nouvelle technologie plus de temps dans une journée d’hiver.

Carrier parvient à contrôler sont taux d’humidité et découvre par hasard qu’il peut aussi contrôler sa température. Le système est rapidement industrialisé, la technique se simplifie, les dimensions et les coûts des appareils diminuent. Le climatiseur devient un produit de masse dès les années 1950, équipant habitations, bureaux et automobiles d’une majorité d’Américains. »36

L’ÈRE DU PÉTROLE, DE L’ÉLECTRICITÉ, DU CHAUFFAGE CENTRAL ET DE LA CLIMATISATION Au XXème siècle, la mécanisation des habitats est poussée, profitant de l’énergie à bas coût désormais apparemment disponible « à volonté ». Les nouveaux dispositifs mécaniques effacent les inconforts de l’environnement extérieur, rendant progressivement invisible la mission physiologique initiale de l’architecture.

Dans l’ouvrage Les dispositifs du confort dans l’architecture du XXème siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde dirigé par Franz Graf et Giulia Marino sont présentés plusieurs édifices dont les dispositifs du confort sont une composante essentielle des projets. Ainsi on peut (re)découvrir l’Equitable Building de Pietro Belluschi

« En 1902, l’ingénieur Willis Carrier, employé d’une entreprise américaine de ventilation, invente l’air conditionné. Il doit répondre à un problème de variation d’humidité de l’air ambiant dans une imprimerie à Brooklyn, à New-York (...). En appliquant avec une machine les principes de la thermodynamique à l’air, Willis

36 Philippe Rahm, exposition Histoire naturelle de l’Architecture, Pavillon de l’Arsenal, mai à septembre 2021 25


construite à Portland en 194837 (tour à pompe à chaleur à eau souterraine et réseau de distribution de chauffage et refroidissement simultané), la Fabrica Olivetti Argentina construite à Buenos Aires en 1954-1961 avec le système d’aération38, du Ministère de l’Éducation et de la Santé Publique de Lucio Costa construit à São Paulo en 193639 ou quelques projets d’Eugène Beaudoin, Marcel Lods, Jean Prouvé40. On constate ainsi que ces réflexions sur l’optimisation du confort sont surtout pensées pour des bâtiments d’industrie ou d’équipements afin d’en faire des machines à travailler optimisées pour une productivité maximale.41 Ainsi, dans l’architecture tertiaire en particulier, ces dispositifs techniques font partie intégrante de

l’esthétique de l’architecture. Pour ce qui est de l’architecture domestique, on recherche par la suite à masquer ces dispositifs techniques (chauffage...) visuellement trop « industriels ». La Farnsworth House de Mies Van der Rohe en est une bonne illustration : largement ouverte sur la nature, la maison ne laisse voir aucune installation de confort. Pourtant, c’est bien un système de chauffage au sol qui permet au logement de s’affranchir de tapis ou rideaux. La faible efficacité thermique des grandes baies est compensée par l’utilisation des dispositifs mécaniques et donc des énergies fossiles.42 « Grâce aux dispositifs mécaniques, le principe de la “respiration exacte”, mis au point par Le Corbusier et Pierre Jeanneret avec la complicité de Gustave Lyon, prétend renverser la raison même du bâtiment traditionnel qui devient enfin un volume vitré et étanche, autonome, hermétique, complètement affranchi des fluctuations climatiques extérieurs, incarnant un véritable fantasme des architectes du XXème

37 Franz Graf, Giulia Marino, Les dispositifs du confort dans l’architecture du XXème siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde, Éditions Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016, p. 142 38

Ibid, p. 10

39

Ibid, p. 19

40

Ibid, p. 11-13

41

Ibid, p. 17

42 Philippe Rahm, exposition Histoire naturelle de l’Architecture, Pavillon de l’Arsenal, mai à septembre 2021

Satire de la maison moderne ultra-domotisée inspirée de l’ « American Way of Life » Source : film Mon Oncle, Jacques Tati, 1958

26


Farnsworth house, architecte Ludwig Mies van der Rohe Illinois (USA), 1946-1951 Source : Mike Schwartz photographe

siècle ».43

saisons... » 44

« Après des siècles d’une architecture à la fois massive et frugale, qui était soumise à la contrainte pressante du site, du soleil, du vent, ect., le XXème siècle a été le premier à réaliser une architecture qui pouvait s’en affranchir complètement. La vision essentiellement technique alors prédominante – éclairage artificiel, climatisation – a conduit à concevoir l’intérieur des bâtiments comme une ambiance totalement contrôlée et a eu pour conséquence de rompre la continuité d’usage entre l’architecture, la ville et le paysage. Le confort est devenu synonyme de température et de lumière constantes. Un principe que nous devons aujourd’hui remettre en question afin de retrouver le plaisir de la variation – en fonction des conditions extérieures, du temps qui passe, des

A sa création, la VMC a été une vraie révolution qui a permis de mieux contrôler l’ambiance des bâtiments. Cependant, les problématiques écologiques et de gestions des ressources sont évidentes : on a trop consommé entre les XIXème et XXIème siècles et on ne peut plus se permettre de continuer ainsi avec les énergies fossiles.

43 Franz Graf, Giulia Marino, Les dispositifs du confort dans l’architecture du XXème siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde, Éditions Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016, p. 21

44 Jacques Ferrier, Architecture = durable, Éditions Picard, 2010 27


Environnement et échelle humaine au cœur des réflexions du Corbusier pour le confort des habitants Source : Pierre Kast, Le Corbusier, l’architecte du bonheur, 1957, film consultable sur : https://www. dailymotion.com/ video/xw8prl

28


RÉFLEXION SUR LE CONFORT DANS L’ARCHITECTURE MODERNE : LES THÉORIES CORBUSEENES

modulor. Selon l’architecte, si on veut construire pour l’Homme, on doit se servir des mesures de l’Homme. Avec ces principes l’immeuble de logements se met au service de l’Homme, lui offrant une vraie machine à habiter.45 La cellule d’habitat passe au cœur des réflexions et il cherche la meilleure ergonomie de vie pour les habitants, afin de rendre leur vie plus confortable, facilitée, radieuse.

Les architectes modernes sont très touchés par la question du confort de vie dans le logement. En effet, le logement moderne se présente face au logement ancien sombre et insalubre. En parallèle de l’exploitation des nouvelles technologies, des réflexions sont portées sur la recherche de dispositifs intrinsèques à l’architecture, et non pas aux éléments techniques. Les réflexions du Corbusier sont parmi les plus importantes et reconnues dans ce domaine. Au début de sa carrière, Le Corbusier commence par construire des villas où il se permet des petites excentricités avant-gardistes : intégrer un arbre dans une maison, installer un jardin sur un toit... Il a une obsession pour la recherche de la lumière naturelle, idée qu’il poussera ensuite dans ses réflexions sur le logement collectif avec la recherche de « l’architecture du bonheur » et de la « ville radieuse ». Ses théories se veulent de bon sens : c’est la courbe du soleil qui devrait déterminer la forme des maisons et la disposition des façades. Ses projets tentent à toujours mieux faire entrer le soleil dans les logements qui seront traversants dès que possible. Un second fondamental est de toujours prendre en compte les conditions de nature qui sont, après le soleil, l’espace et la verdure. L’Homme n’a plus a être séparé du paysage, mais il doit pouvoir librement le contempler pour en profiter. L’accès à la nature fait partie du concept du confort selon l’architecte. Le Corbusier a également inventé son propre système de proportions fondé sur l’échelle humaine, et donc en théorie confortable pour ce dernier : le

En 1969, l’historien et critique d’architecture Reyner Banham s’intéresse à la question du contrôle de l’environnement par l’Homme. Ses réflexions font directement le lien entre la naissance théorique de l’architecture dont le but est de protéger l’Homme des conditions extérieures et l’avènement concret des mécanismes de ventilation ou de chauffage qui se rependent couramment dans les logements à cette époque.46 Il faut noter que, parallèlement à ses recherches sur une cohésion entre l’Homme et la Nature, Le Corbusier des années 19301950 n’avait pas omis les bénéfices de la mécanisation des bâtiments : par exemple l’unité d’habitation, construite à Marseille entre 1947 et 1952, dispose d’un système de ventilation centralisé moderne. Il y a une vraie combinaison entre dispositifs architecturaux (double-hauteurs, logements traversants...) et dispositifs techniques (VMC, chauffage...) pour offrir un confort maximal aux habitants.

45 Pierre Kast, Le Corbusier, l’architecte du bonheur, 1957, film consultable sur : https:// www.dailymotion.com/video/xw8prl 46 Reyner Banham, The architecture of the Well-Tempered Environment, University of Chicago Press, 1969 29


réfléchie pour une utilisation passive des énergies solaires, épaisseurs des parois adaptées en fonction de la situation, choix des matériaux non toxiques et peu transformés...). Par exemple, l’architecte allemande Anna Heringer dit s’inspirer de l’identité locale des populations, des ressources propres à un paysage, à un environnement, des savoir-faire artisanaux pour développer son architecture.

LE CONFORT EN 2021 : HIGH-TECH VS LOW-TECH Au XXIème siècle, on prône la sobriété énergétique.47 Ainsi, il y a deux voies possibles : - la voie de la domotique / high-tech applicable au logement. - la voie de la low-tech qui prône un retour à une vie plus simple et moins carbonée. Le développement des nouvelles technologies en architecture, tournées vers le numérique et le digital, a permis de mettre au point des bâtiment high-tech dans laquelle sont mis au point des systèmes technologiques très développés pour optimiser les ressources énergétiques, et pour tendre vers des bâtiments et villes autonomes, dont la gestion des énergies ou des transports est contrôlée et automatisée par des dispositifs de technologie avancée qui permettent une gestion précise des températures, de taux d’humidité... et donc surtout des ressources. Le problème est le paradoxe entre l’énorme dépense d’énergie souvent nécessaire pour mettre en place des systèmes hyper performant qui permettrait d’avoir le moins de perte d’énergie possible. Vient s’ajouter en plus le contexte, qui rend la plupart de ces projets encore moins logique, quand on voit que les « smart buildings » et « smart cities » peuvent s’implanter dans des milieux parfois très défavorables, comme des déserts arides. C’est en réponse à ces constructions « qui sortent du bon sens » qu’émergent les pensées low-tech qui tendent à s’inspirer du vernaculaire, de principes simples et de bon sens (orientation des bâtiments 47

« Par opposition aux hautes technologies (high techs), les basses technologies (low techs) consomment peu d’énergie et mobilisent les ressources locales, tout en faisant appel à une main d’œuvre intensive. Elles sollicitent l’autonomie des populations. Elles créent des systèmes résilients. Je suis convaincue qu’il faut se rendre moins dépendant de la high tech en général, et compter sur les forces locales, plutôt que sur des systèmes sophistiqués et fragiles, coûteux et inaccessibles aux populations pauvres. »48

Les bâtiments d’Anna Heringer situés au Bengladesh se permettent ainsi de s’affranchir d’isolation ou technologie de chauffage, notamment grâce au climat local tempéré tout au long de l’année. Cependant, cette volonté de limiter la technologie s’ancre également en Europe, où notre climat n’est pas toujours des plus doux. Pour exemple, à l’issue d’une consultation lancée en 2020, la Métropole de Lyon vient de sélectionner l’offre du promoteur Nexity associé à Baumschlager Eberle Architekten, Petit Didier Pridoux Architectes, Atelier De Ville en Ville, MOZ Paysage et AIA Environnement 48 Anna Heringer, interviewée par la journaliste Agnès Sinaï, disponible sur : https:// www.actu-environnement.com/ae/news/ architecture-durable-global-award-annaheringer-13142.php4

Voir Avant-propos, p. 5 30


Le smart building, ou immeuble intelligent Source : https:// www.adeunis. com/domainedactivites-iiot/ smart-building/

Essentiel à Confluence, Lyon (69), Baumschlager Eberle Architekten, Petit Didier Pridoux Architectes, Source : Alexandre Besson perspectiviste

pour réaliser à Confluence les îlots B1 et C1 Nord, situés le long des quais du Rhône dans la deuxième phase d’aménagement du projet urbain. Le programme comprend la construction de 11 bâtiments, qui vont totaliser 19 000m² de logements, 2 000m² de commerces et 12 000m² d’établissements de formation et d’enseignement. Au sein de ce chantier, un bâtiment sans chauffage

sera conçu : dénommé Essentiel, le concept de l’immeuble repose sur une régulation de la température intérieure et de la qualité de l’air des espaces sans système technique. Il vise à garantir une température comprise entre 22° et 26° en toute saison.49 49 https://www.linkedin.com/posts/lyonconfluence_laconfluence-lyon-mixitaez-activity6843196753861210112-DjS8 31


2. Le confort, une notion plurielle « Vivre, c’est passer d’un espace à l’autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner. »50

« Le gain de confort peut être assuré par plusieurs améliorations : - Qualité d’usage des logements : taille, agencement, équipements, luminosité, qualité de l’éclairage naturel, - Confort acoustique, - Qualité des accès aux logements, - Qualité des services : ascenseurs, parties communes, espaces collectifs, espaces verts, stationnement, - Sécurité, - Confort thermique et confort d’été. »51

LE CONFORT, LES CONFORTS Il n’y a pas une formule magique unique en matière de confort domestique. Chaque bâtiment a son milieu propre (climat, orientation, situation...) et les dispositifs pour le confort de vie des habitants devront donc s’y adapter. Lumière, espace, volume, accès à l’extérieur, évolutivité, habitabilité… La qualité et le confort des logements sont-ils des ressentis subjectifs ou des données évaluables ? Aujourd’hui, notamment avec certains labels, on a tendance à résumer « confort » à « confort thermique ». Or, c’est une notion plus complexe qui est constituée de plusieurs dimensions que l’on détaillera ici en listant (de manière non exhaustive) des différents paramètres pour le confort de l’habitat.

LE CONFORT THERMIQUE Dans le contexte de prise de conscience du réchauffement climatique, c’est le paramètre qui est le plus mis en avant aujourd’hui, notamment dans les médias spécialisés d’architecture ou dans les médias classiques. On ne peut pas passer à côté : le climat change. Or, la température est un paramètre important pour le bien-être de l’Homme 51 Catherine Charlot-Valdieu, Philippe Outrequin, Réhabilitation énergétique des logements, Éditions Le Moniteur, 2018 p. 45

50 Georges Perec, Espèces d’espaces, Éditions Galilée, 1974 32


due à sa condition homéotherme.52 Evidemment, ce n’est pas le seul paramètre du confort, mais nous allons commencer par le présenter car c’est le plus représenté.

« La capacité de rafraîchissement d’un logement est fortement tributaire de son plan qui permet une circulation plus ou moins libre de l’air. »53

Ces principes architecturaux ont été mis de côté au moment de la Reconstruction, car les priorités étaient différentes à l’époque.

Le confort thermique est un état de satisfaction vis-à-vis de l’environnement thermique. Il est déterminé par l’équilibre dynamique établi par échange thermique entre le corps et son environnement. Le confort thermique perçu par un individu dans un bâtiment est conditionné par des facteurs physiques comme : - le métabolisme de l’individu, qui est la production de chaleur interne au corps humain permettant de maintenir celuici autour de 37 °C - L’habillement qui représente une résistance thermique aux échanges de chaleur entre la surface de la peau et l’environnement - La température ambiante de l’air - La température des parois - L’humidité relative de l’air - La vitesse de l’air

« Durant la période 1945-1974, la recherche de la rentabilité du plan incitera les concepteurs à épaissir de plus en plus les bâtiments au fil du temps, ce qui rendra la configuration « traversante » plus rare et donc l’habitat plus sensible aux questions de surchauffe estivales par manque de possibilités de ventilation. »54

On aura beau installer les meilleures systèmes de ventilation mécanisée, si le plan initial n’est pas réfléchi en fonction des orientations et courants d’air naturels, il sera plus difficile d’optimiser les énergies dépensées pour arriver au confort. Les campagnes et plans de relance qui ont poussé à isoler les bâtiments ces dernières années sont donc fondées pour un objectif de gestion des énergies mais aussi pour améliorer le confort des individus. Cependant, elles posent d’autres problèmes qui, on le verra plus tard, peuvent nuire à d’autres aspects comme la valeur patrimoniale des édifices.55

L’architecture d’un édifice est le premier dispositif qui permet à un bâtiment d’éviter la surchauffe ou de profiter du soleil, et donc offrir ce « confort thermique » à l’usager. Selon les situations, on cherchera différents dispositifs pour améliorer le « confort d’hiver » ou le « confort d’été » dans un bâtiment. Les principes de base du confort d’hiver ou d’été sont l’isolation mais aussi la situation des ouvertures, la protection solaire et l’aération naturelle, qui est facilitée quand le logement est traversant, ou avec une doubleorientation.

53 APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, Pratiques actuelles/nouveaux enjeux, 2016, p. 24 54

Ibid, p. 24

55 Voir partie III.3, Dispositifs de réhabilitations d’immeubles des Trente Glorieuses, ITE, p. 95

52 Voir Partie I.1. Histoire de la notion de confort dans l’habitat, p. 21 33


LE CONFORT SANITAIRE

employer, les ventilations à mettre en place, la sensibilisation des locataires. (...) en la matière il existe des vides réglementaires. » 58

La question du confort sanitaire, étroitement lié à la qualité de l’air, est étudié avec les réflexions hygiénistes dès le XIXème (Robert Owen, Charles Fourier...).

« Depuis 1982, il existe des exigences de débit d’air, mais celles-ci ne tiennent pas compte du renforcement progressif de l’isolation et de l’étanchéité des bâtiments. » 59

« Dans un traité sur les « maisons de bonne santé », dont la première édition parut en 1880, l’ingénieur britannique Douglas Galton a déclaré que pour bien aérer une pièce, il fallait 50 pieds cubiques par minute et par personne, un chiffre qui contraste avec les 15 pieds par minute et par personne qui sont recommandés pour les maisons d’aujourd’hui, dont l’étanchéité est bien supérieure à celles des bâtiments du XIXème. » 56

La ventilation optimale dépend aussi de chaque bâtiment. En effet, chacun a ses besoins spécifiques en fonction de sa disposition ou ses matériaux. La meilleure ventilation reste tout de même la ventilation naturelle possible grâce au courant d’air produit par la simple ouverture des fenêtres. Or, elle n’est pas toujours optimale selon le plan du logement. En effet, les logements mono-orientés seront défavorisés par rapport aux logements traversants ou multi-orientés, qui sont à privilégier.

La question de la ventilation des logements devient rapidement une préoccupation pour le logement d’après-guerre afin d’offrir aux occupants un habitat sain. Après l’utilisation de la ventilation naturelle, c’est dans les années 1960 que la Ventilation Mécanique Contrôlée se généralise dans l’habitat (à Paris). C’est un système qui déresponsabilise (déséduque?) l’habitant, qui n’a même plus à penser à ouvrir ses fenêtres.57 Aujourd’hui, dans un contexte pandémique, la question sanitaire reste toujours d’actualité dans le bâtiment.

LE CONFORT ACOUSTIQUE Le confort acoustique est un élément souvent négligé des espaces intérieurs. Or l’équilibre psychologique et la productivité au travail des occupants y sont intimement liés : un bon confort acoustique a une influence positive sur la qualité de vie au quotidien et sur les relations entre usagers d’un bâtiment. A contrario, un mauvais confort acoustique génère des effets négatifs sur l’état de santé (nervosité, stress, sommeil contrarié, fatigue). Le bruit est une réelle nuisance. On distingue communément trois types

« Beaucoup de bailleurs s’interrogent sur les angles d’action, les matériaux à 56 Franz Graf, Giulia Marino, Les dispositifs du confort dans l’architecture du XXème siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde, Éditions Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016, p. 49

58 Félicie Geslin, Mieux dans son chez-soi, Les Cahiers Techniques du Bâtiment n°388-389, septembre 2020, p. 90

57 APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, Pratiques actuelles/nouveaux enjeux, 2016, p. 26

59 34

Ibid, p. 90


de bruit : - Les bruits aériens, qui sont émis par une source dans l’air environnant et se propagent par l’air (voix, TV, musique…) - Les bruits solidiens, qui ont pour origine un choc ou une mise en vibration directe de la structure. Egalement appelés bruits d’impact, ils sont produits lors des déplacements de personnes ou de meubles, par les chutes d’objets - Les bruits d’équipements (ascenseur, chaufferie…)60 L’acoustique du logement a un lien direct avec le sentiment d’intimité de l’habitant.

d’objets qui y habitent. » 61 Le plan d’un bon logement compose avec différentes dimensions : - Les relations du logement avec son environnement - L’organisation même du plan, d’où découleront les circulations, les usages...

Dans un premier temps, un atout du confort du logement sera offert par un rapport judicieux avec son environnement. Un logement bien orienté sera plus agréable à vivre car plus lumineux ou plus facilement aérable... Dans ses réflexions, Le Corbusier considère comme « plaisirs essentiels » la liberté de profiter du soleil et de la vie en plein air, en adaptant les fonctions d’habiter au rythme du soleil.62

L’épaisseur des cloisons entre les différentes pièces est une donnée qui conditionne grandement le confort acoustique des logements. Des cloisons de 5 centimètres (épaisseur minimale autorisée) permettent difficilement d’isoler correctement les espaces. Il y a donc des choix à faire en terme de mise en œuvre et matériaux.

Il est aussi important de réfléchir à un plan de logement agréable. Un plan agréable offre plusieurs chemins, une liberté de circulation à ses habitants qui ne seront pas contraints par un conflit de porte, un manque de rangement...

LE CONFORT D’USAGE AVEC LE NOMBRE ET L’ORGANISATION DES PIÈCES

Les plans des logements sont en constante évolution, mais pas toujours pour le meilleur effet... Ces évolutions sont notamment effectives à causes de pressions économiques qui poussent à produire des logements toujours plus « rentables ». Par exemple, les dégagements d’entrée (avec leurs placards de rangement), celliers et buanderies ont tendance à disparaitre car ce ne sont pas des surfaces « habitables » donc « vendables », mais

Le confort d’usage est une notion en lien avec le mode de vie et son évolution dans les époques (nombre de pièces, organisation du logement...). « La notion de confort est inévitablement associée à la configuration de l’espace architectural et au type d’individus et

61 Franz Graf, Giulia Marino, Les dispositifs du confort dans l’architecture du XXème siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde, Éditions Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016, p. 50

60 Centre d’Information et de Documentation sur le Bruit (CIDB), Confort sonore des logements existants, Principes d’amélioration, Compatibilité avec l’isolation thermique, Aides financières, 2010

62 35

Ibid, p. 52


des espaces de circulation ou stockage moins valorisables financièrement qu’un espace « utilisable » qu’offre 1m² de chambre ou de salon. Si supprimer l’entrée peut permettre d’économiser des mètres carrés, qui peuvent être redistribués à l’ensemble du logement afin d’augmenter la surface de certaines pièces, sa disparition génère davantage de circulation dans les pièces attenantes (séjour ou cuisine), pouvant nuire à la qualité de ces espaces. Le manque de rangements intégrés dans les logements tout comme la raréfaction des caves à l’échelle de l’immeuble peuvent également peser directement sur l’usage des espaces extérieurs (balcons ou jardins encombrés).

LA SURFACE DU LOGEMENT « Une belle pièce, pour presque tout le monde, c’est une grande pièce. Un bel appartement, c’est d’abord un grand appartement. »64 « Quand vous voyez les publicités des promoteurs : « un beau trois pièces de 57m² ». Il n’y a pas de beau trois pièces de 57m², ce n’est pas vrai. »65 « en 1922, une loi fixe pour la première fois les surfaces dévolues aux HBM (Habitations à Bon Marché), par exemple, pour un logement de trois pièces (une cuisine-séjour avec deux chambres et un WC, la surface doit se situer entre 35m² et 45m², aucune pièce ne devant faire moins de 9m² une norme minimale qui est encore en usage un siècle plus tard ! »66

Les cuisines ouvertes, qui ont pu paraître comme un symbole de « convivialité » de la famille, sont aujourd’hui souvent réduites à n’être qu’un mur au fond du salon, difficilement aérable naturellement, et qu’on ne peut plus séparer car on créerait une pièce aveugle. La fusion entre le séjour et la cuisine tend à rendre plus floues les limites de ces deux espaces. Il devient difficile d’estimer la surface réelle du séjour. Ces dispositions permettent parfois difficilement d’installer confortablement un véritable coin repas et les habitants sont contraints à manger sur la table basse de leur salon. Mais où est passée la salle à manger des derniers siècles?63

Dans les années 1930, Le Corbusier recommande des cellules qui offrent 14m² par habitant.67 Les années passant la taille des logements augmente en France jusque dans les années 1960.68 Depuis, il n’y a pas eu de progression, voire même une régression : « il est incroyable de constater que les logements démolis aujourd’hui sont 64 Jean Nouvel, à propos de son projet Nemausus, 1987, http://www.jeannouvel.com/ projets/nemausus/ 65 Paul Chemetov, Les possibilités d’une ville, conversation entre les architectes Paul Chemetov et Rudy Ricciotti, Radio France Culture, 19 mai 2021 66 Jacques Lucan, Habiter, architecture, EPFL Press, 2021, p. 372

63 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021, aout 2021

ville

et

67 Le Corbusier, La Ville Radieuse, Plans n°9, novembre 1931 68 Jacques Lucan, Habiter, architecture, EPFL Press, 2021, p. 373 36

ville

et


composante à part entière du confort d’usage d’un logement. Elle permet en effet de créer du confort domestique car c’est une composante de base pour créer des plans moins contraints, plus fluides, mais permettra également de créer plus facilement de la mutabilité dans le logement. En effet, une pièce plus vaste peut permettre plus de possibilités : on peut choisir d’installer un bureau contre un mur et un canapélit dépliable pour créer une chambre d’amis que l’on utilisera de temps en temps (la fameuse « pièce en plus », disposer son lit dans un sens ou dans l’autre selon ses préférences... Si la notion de « surface habitable » est centrale, encore faut-il distinguer les différents termes reflétant différent modes de calculs des surfaces bâties : SHOB, SHON, SDP, superficie Loi Carrez, SHAB...70

environ 15% plus grands que ceux que l’on construit, alors que la demande de logements différents et de grands logements s’impose. »69

Aujourd’hui, les cahiers des charges de bailleurs sociaux tentent de fixer des surfaces minimales selon le nombre de pièces. En France, le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques d’un logement décent indique que tout logement doit comporter pour être mis en location au moins une pièce principale présentant une surface habitable de 9m² et une hauteur sous plafond minimale de 2,20m ou un volume habitable total de 20m³. En 2019, le Code de la Construction et de l’Habitation fixe à l’article R 1112 l’obligation pour la construction de tout logement neuf de disposer d’une surface minimale de 14m² et de 33m³ au moins par habitant prévu lors de l’établissement du programme,de construction pour les quatre premiers habitants et de 10m² et 23m³ au moins par habitant supplémentaire au delà du quatrième. La surface du logement est une

Malheureusement, on observe aujourd’hui une tendance à la baisse des surfaces, notamment dans le logement neuf proposé par les promoteurs. C’est 70 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021, p. 63

69 Frédéric Druot, Anne Lacaton et JeanPhilippe Vassal, Les grands ensembles de logements territoire d’exception, Barcelone, Editorial Gustavo Gili, 2007, p. 29-31

20m³, c’est la capacité d’un petit camion, ou le volume habitable minimal d’un logement louable en France Source : https://www. clovislocation. com/

37


l’une des conclusions principales de l’étude menée par l’Institut des Hautes Etudes pour l’Action dans le Logement (IDEHAL) en août 2021 sur le logement construit depuis les années 2000.71

de logements aux pièces neutres, permettant une totale modularité et appropriation ? »72

L’ADAPTABILITÉ / LA MUTABILITÉ

« Un espace extérieur pour chaque logement ne serait pas de trop. La crise sanitaire et le confinement forcé de millions de familles ont illustré cette nécessité. Nexity, l’un des plus importants groupes de promotion immobilière en France a d’ailleurs annoncé ne plus construire un seul logement sans espace extérieur à l’avenir (Les Echos, 2020). Preuve donc que ce gain d’espace et d’usage sur l’extérieur, généralisé à tous les logements, est non seulement nécessaire, urgent, mais aussi entièrement réalisable. »73

AVOIR UN EXTERIEUR

Depuis des siècles, le logement est conçu pour répondre aux besoins de la famille nucléaire. La colocation, l’émergence des familles dé/reconstituées... peinent à être accompagnés d’arrangements spatiaux adéquats. Ainsi, la capacité d’adaptabilité/mutation d’un logement peut être considérée comme un facteur de confort pour ses habitants. « La pandémie a montré à quel point il est nécessaire de disposer d’espaces adaptables, pouvant accueillir des usages différents au cours d’une même journée. Le télétravail imposé pendant des mois s’est déroulé dans des conditions difficiles pour un grand nombre de familles. Les espaces supplémentaires ou indéfinis au sein du logement permettent de respecter l’autonomie, l’intimité et les besoins de chacun. Faudrait-il, comme le propose Sophie Delhay, proposer davantage

De la cigarette fumée sur un petit balcon à l’organisation d’un repas convivial sur une grande terrasse ensoleillée, la présence d’un extérieur attenant au logement offre des possibilités de nouveaux usages à l’habitant qui pourra s’épanouir dans son chezlui grâce à cette surface annexe extérieure. On peut considérer qu’une 72 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021, p. 32

71 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021, p. 63

73

Libre appropriation d’un même plan par différentes familles Source : Sophie Delhay architecte

38

Ibid, p. 30


Le balcon, ou la pièce en plus Source : Images commerciales iStock

terrasse est une pièce en plus car elle peut être le décor de vrais usages. On l’a bien vu durant les confinements répétitifs : les personnes qui pouvaient prendre l’air depuis chez eux ont mieux vécu l’assignement à domicile. Cet espace a une place particulière entre espace privé intime et l’ouverture sur le monde extérieur, avec lequel il peut créer des interactions plus ou moins fortes, ce que l’on a aussi pu observer avec les applaudissements collectifs ou les concerts des confinements de 2020.

LE CONFORT SOCIAL COLLECTIF A L’INTIME

:

DU

Le confort social, c’est quand on se sent à l’aise dans un groupe social. En ce qui concerne le logement, on considérera que le groupe social en question est celui du voisinage. Pour se sentir en confort avec ce voisinage, il y a un double objectif à atteindre : pouvoir à la fois se sentir en intimité dans son chez-soi tout en pouvant avoir des interactions agréables (ou au moins pas désagréables) avec les autres quand on doit/veut les croiser. Il faut bien penser les séquences entre collectif et intime.

39


Premièrement, la sensation d’intimité dans le logement touche directement à une bonne isolation acoustique74 et visuelle. Un logement confortable est celui où on peut se sentir dans son propre chez-soi, sans outrage à son intimité.

copropriété. »75

On peut oser aller plus loin que les locaux partagés obligatoires (locaux poussettes et vélos) et proposer des pièces en plus appropriables par les résidents, comme une salle polyvalente où on peut organiser une petite fête ou réunion de manière occasionnelle. Si ce ne sont pas des espaces directement vendables, ils offrent tout de même indéniablement des potentialités de confort en plus pour les résidents.

Le confort social, c’est surtout le fait d’être confortable avec les autres et pouvoir partager des moments/des services dans la bonne entente. Ce sentiment peut être très lié à la taille de la résidence dans laquelle on vit. Quand les immeubles sont trop grands et qu’il y a trop de logements, on peut se sentir comme un numéro parmi tant d’autres et il peut être plus difficile de créer du lien avec ses voisins. La cohabitation d’un trop grand nombre de résidents au même immeuble peut être source d’inconfort, et c’est notamment ce qui a pu être reproché aux grands ensembles. Un travail des parties communes est souhaitable si l’on veut créer des opportunités de rencontres, notamment par exemple en créant des espaces communs plus larges et bien éclairés et entretenus où l’on peut prendre le temps de s’arrêter et discuter plutôt que des couloirs sombres, étroits et sans fin.

LE SENTIMENT DE SÉCURITÉ Se sentir à l’aise dans son logement passe forcément par un sentiment de sécurité. Le chez-soi c’est cet espace privilégié qui nous abrite physiquement et psychiquement du monde extérieur. Se sentir en sécurité c’est se sentir détendu(e) et calme à un moment où il n’y a pas de menace ou de danger réel. Matériellement et architecturalement parlant, on peut tenter de régler ces problématiques avec des accès contrôlés aux espaces semi-privés et privés. LE CONFORT DE LA BONNE LOCALISATION S’il est important de se sentir bien chezsoi, se sentir libre de pouvoir se déplacer librement est également une priorité. Ainsi, un logement facile d’accès, proche des transports, pourra offrir un certain confort à ses habitants qui bénéficieront de temps de trajets limités pour vivre leur vie. C’est pour cela que les logements en centre-ville sont généralement plus

« Au-delà du logement, éclairer naturellement les parties communes s’avère être un enjeu touchant à la fois à la santé, la sécurité et la sociabilité entre résident-es, tout en réduisant les factures énergétiques de la

74

75 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021, p. 59

Voir p. 34 40


chers : ils bénéficient de la proximité des équipements (transports publics, routes, ERP, commerces...). C’est un paramètre de confort qui est bien intégré et recherché par la société.

menée par l’Institut des Hautes Études pour l’Action dans le Logement (IDEHAL) a ébauché une grille de lecture pour évaluer le confort des logements, en proposant des systèmes de mesure quantifiables pour des paramètres qui semblaient ne pas forcément pouvoir l’être.

LE CONFORT, UNE NOTION PROPRE A CHACUN Le confort est un état de bien-être général et stable. Cette sensation dépend, comme nous venons de le voir dans ce passage en revue non exhaustif, de nombreux facteurs qui vont de l’état de santé au confort thermique, en passant par la qualité de l’air, l’éclairage ou le sentiment de sécurité. Ces critères inter-réagissent entre eux. Il n’y a pas d’optimum universel : chacun apprécie son confort en fonction de ses propres attentes. Par exemple, là où certains préféreront vivre en centre ville pour pouvoir « tout faire à pied », d’autres privilégieront une maison isolée « au calme en pleine nature ». Chaque individu est différent et aura des besoins et envies qui évolueront tout au long de sa vie en terme d’habitat, selon ses aspirations du moment. Aussi, le nombre de critères est non exhaustif et là aussi est subjectif. Il y aurait des milliers d’autres facteurs qui permettent aux individus de se sentir bien : sécurité financière, sécurité de l’emploi, ou au contraire possibilité de liberté, taux de luminosité, qualité de la vue offerte par le logement... La problématique de tous ces facteurs c’est que pour la plupart ils sont difficilement mesurables. Cependant ce n’est pas impossible : la dernière recherche76

LE CONFORT LOGEMENT DOIT SUIVRE LES CHANGEMENTS SOCIÉTAUX « C’est en observant la vie de chacun que l’on pourra avoir une production de la ville qui corresponde à des modes de vie inconnus jusqu’ici. »77

Au XXIème siècle la famille type (si encore on peut parler de famille type) n’est plus celle du siècle dernier : on vit plus longtemps, on fait des longues études et du télétravail, les enfants de parents divorcés se déplacent d’un logement à l’autre... Autant de situations inédites qui doivent pousser à la réflexion dans le logement pour l’adapter aux nouveaux usages.

76 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021

77 Patrick Bouchain, Construire ensemble le grand-ensemble, Éditions Actes Sud, mai 2010, p. 2 41


3. Législations et labels pour la qualité du logement ÉVOLUTION DES RÉFÉRENTIELS

On peut aller plus loin en certifiant les édifices. La certification prouve une qualité supérieure aux réglementations. La certification est une démarche volontaire qui peut être demandée par le constructeur pour faire reconnaitre la qualité de la construction, de la rénovation ou de l’exploitation du bâtiment. Un organisme certificateur accrédité indépendant et impartial le délivre à l’issue d’une évaluation précise sur plusieurs critères (thermique ou ventilation ou acoustique ou sécurité ou qualité des matériaux...). La certification représente un véritable gage de qualité pour un logement confortable et/ou sain et /ou économe en énergie.

Nous venons de voir que la perception du confort varie d’un individu à l’autre. Pourtant, des paramètres de confort sont collectivement validés dans les sociétés. Par exemple, au XXème siècle, les français ont l’habitude d’avoir accès à l’eau courante chaude ou froide. C’est un service du logement qui parait aujourd’hui évident, et son absence rendrait le logement inconfortable. Ainsi, certaines normes et législations harmonisent officiellement les services de confort des logements des sociétés, ce qui permet d’atteindre des niveaux de confort reconnus et plus ou moins performants. RÉGLEMENTATION, NORMES, CERTIFICATIONS, LABELS

Les normes peuvent être : - réglementaires (rendues obligatoires par la réglementation) - volontaires (quand les professionnels d’un secteur se mettent d’accord pour définir des caractéristiques ou des critères communs pour leurs produits ou services).

La réglementation est ce que la loi impose de respecter. Pour les bâtiments, elle concerne notamment les dimensions thermiques ou acoustiques.

42


Certains labels sont fiables et d’autres moins. Un label reconnait la qualité dans un domaine spécifique (matériaux, performance énergétique...). Certains labels sont délivrés par des organismes certificateurs, qui peuvent alors être assimilés à une certification et d’autres sont fondés sur une charte à respecter sans vérification par un tiers. Ces derniers ont ainsi plus ou moins de valeur. Les propriétaires doivent alors bien se renseigner pour comprendre d’où viennent les labels et comment ils sont délivrés.

brique ou en béton. » 79

Avant la réglementation thermique de 1974 (RT1974), les bâtiments n’étaient pas isolés thermiquement. La première isolation thermique mise en place est alors le système de la lame d’air entre deux parpaings. Dans les années 1980 apparaissent les premiers matériaux isolants tel que le polystyrène. A cette époque la volonté première est de réduire la consommation d’énergie produite pour chauffer ou refroidir un logement. L’État s’engage dans des politiques de réhabilitations qui accompagnent financièrement les bailleurs sociaux avec la prime Paululos. Cette aide est créée pour l’amélioration des logements à utilisation locative et à occupation sociale. Une première vague de réhabilitations a donc lieu à cette époque.

RÉGLEMENTATIONS THERMIQUES « La première réglementation thermique intégrée à la loi française est la RT1974, induite par le choc pétrolier de 1973. L’objectif est alors de baisser la consommation d’énergie des bâtiments sous le seuil de 225 kWh/m²/an. Il est estimé que les bâtiments construits entre 1950 et 1970 consommaient environ 300 kWh/m²/an. La motivation de cette réglementation de 1974 n’est pas de lutter contre le réchauffement climatique, mais de diminuer la consommation générale d’énergie dans un contexte politique de guerre entre Israël et ses voisins égyptiens et syriens, ayant entraîné une hausse du prix du pétrole de 70% par les membres de l’OPEP. »78

Une nouvelle vague de réhabilitation s’organise avec la mise en place de la politique de rénovation urbaine établie par la loi n° 2003-710. Elle instaure la création de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), chargée de piloter et de financer le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU), doté de 12 milliards d’euros de subventions.80 En 2007, le Grenelle de l’Environnement rehausse les exigences en fixant l’objectif ambitieux d’une division par quatre au taux de gaz à effet de serre en 2050, par rapport aux émissions de 1990. La RT 2012, issue de la loi Grenelle 1, met l’accent sur le recours aux énergies renouvelables. Elle porte une attention

« Les réglementations thermiques françaises suivantes (1978 et 1980) conduisent à utiliser de vrais matériaux isolants, spécifiques, comme le polystyrène (d’une épaisseur de 3 centimètres), que l’on appose sur les matériaux de la structure porteuse, en

79 Philippe Rahm, Histoire naturelle de l’architecture, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2020 p. 117

78 Philippe Rahm, Histoire naturelle de l’architecture, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2020, p. 116

80 https://www.anru.fr/le-programmenational-de-renovation-urbaine-pnru 43


https://www. nf-habitat.fr/ certification/

des labels d’État réglementaires (Label Bâtiment Biosourcé), des labels d’État non-réglementaires (Label Énergie Carbone E+C-) sur lesquels s’appuient de nombreuses Certifications et labels privés (NF Habitat HQE, Bâtiment BBCA, BEPOS...)... D’après l’Observatoire BBC 2021, près de 893 782 logements collectifs sont engagés dans une démarche de labellisation en France81. Avoir un logement avec label garantirait un logement sain et confortable avec une consommation énergétique optimale. Cela augmente aussi la valeur immobilière du bien.

particulière à la limitation des ponts thermiques, à l’isolation et à l’étanchéité à l’air du bâtiment. La surface vitrée du logement doit être supérieure ou égale à 1/6ème de sa surface totale et équipée de protections solaires. Il est désormais nécessaire de pouvoir mesurer ou estimer la consommation énergétique du logement. La RE 2020, entrant en application en janvier 2022 marquera une nouvelle étape déterminante : toute nouvelle construction devra produire davantage d’énergie qu’elle n’en consomme, sur le principe des bâtiments à énergie positive. L’impact carbone sera désormais mesuré sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment pendant sa construction puis sur la durée de son exploitation. Cette nouvelle législation est ainsi centrée sur des préoccupations environnementales.

NF HABITAT HPE & HQE Le label Haute Performance Énergétique (HPE) se décline en plusieurs autres labels en fonction de la performance énergétique et de la consommation d’énergies. Il y a une grille avec différentes valeurs du label : - Le label HPE (Haute Performance Énergétique) correspond à une consommation d’énergie inférieure de 10% à la consommation de référence.

LABELS Pour aller plus loin que les réglementations imposées par la loi, il est possible de faire certifier les logements pour faire valoir leurs qualités environnementales, énergétiques, de confort ou de qualité architecturale avec des labels. Chacun a ses propres spécificités : bâtiments à énergie positive, à haute performance énergétique, utilisation de matériaux bio-sourcés... Il existe

81 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021, p. 55 44


- Le label THPE (Très Haute Performance Énergétique) correspond à une consommation d’énergie inférieure de 20% à la consommation de référence. - Le label BBC (Bâtiment Basse Consommation) correspond à une consommation inférieure de 50% à la consommation de référence. - Le label HQE est inspiré du label Haute Performance Energétique auquel il ajoute une dimension sanitaire, hydrologique et végétale.

C6. Gestion des déchets d’activités C7. Gestion de l’entretien et de la maintenance - Les Cibles de Confort C8. Confort hygrothermique C9. Confort acoustique C10. Confort visuel C11. Confort olfactif - Les cibles de Santé C12. Qualité sanitaire des espaces C13. Qualité sanitaire de l’air C14. Qualité sanitaire de l’eau

La normalisation Haute Qualité Environnementale introduit en 2004 en France une série de changements techniques et de procédés appliqués à la construction, à l’entretien et à l’usage du bâtiment. Le label HQE est inspiré du label haute performance énergétique auquel il ajoute une dimension sanitaire, hydrologique et végétale. Ainsi, on peut considérer qu’il est plus complet dans ses critères.

Bien que de manière globale certaines cibles correspondent au confort et à la santé des habitant, la conception du bien-être qu’elle propose reste sommaire. Elle exclut certains aspects directement liés à l’usage des espaces architecturaux ou plus «sociaux».82 « En fait on se focalise beaucoup aujourd’hui sur la question de l’écologie, du durable, des matériaux, et évidemment ça en fait partie, mais ce qu’on oublie aussi de mettre dans le durable c’est la qualité de vie. On voit bien que quelques fois, les bâtiments les plus labellisés ne sont pas forcément les plus intéressants en terme de qualité de vie, de qualité d’espace. Alors ça ne veut pas dire qu’il faut faire un choix pour l’un ou l’autre, mais je pense qu’il faut comprendre que faire des bâtiments c’est un ensemble de paramètres qu’il faut évaluer, y compris ceux qui ne sont pas quantifiables comme le plaisir

NF Habitat est la marque de certification délivrée par les organismes certificateurs de l’Association QUALITEL, qui garantie le bon respect des valeurs HPE et HQE. DES CRITÈRES LIMITES ? Les normes de la Haute Qualité Environnementale balayent quatre champs de travail avec des cibles précises : - Les cibles d’éco-construction C1. Relations harmonieuses du bâtiment avec son environnement immédiat C2. Choix intégré des produits, systèmes et procédés de construction C3. Chantier à faibles nuisances

82 Claudia Hernandez Nass, L’espace domestique du bien-être à l’ère du durable, DPEA Architecture et Philosophie, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris La Villette, Septembre 2008

- Les cibles d’éco-gestion C4. Gestion de l’énergie C5. Gestion de l’eau 45


d’être quelque part, les relations... »83

petits trous en façades et des surfaces de plus en plus étroites. La paranoïa thermique, la peur d’avoir froid l’hiver, la peur d’avoir chaud l’été : c’est une caricature du regard scientifique. On est complètement cartographié par diverses paranoïas : le facteur lumière du jour, les échanges thermiques, le confort thermique d’été, le confort thermique d’hiver, le confort thermique intermédiaire... Enfin il y a toujours une série de contraintes, on le sait, on n’apprend rien. Mais je crois qu’il est vain de penser que la souffrance qu’ont vécu les mal-logés pauvrement logés puisse apporter des réponses. (...) Le champ normatif est radin, on le sait, les gens qui écrivent les champs normatifs n’ont pas d’expérience de la luxure, de l’érotisme, de l’espace et sont plutôt convoqués à l’exile de la beauté, à l’exile du plaisir, donc il n’y a pas de raison que ça change. » 85

DES CRITÈRES LIMITANTS ? Si les normes et labels sont là pour garantir une certaine qualité, qu’elle soit environnementale, énergétique ou autre, elles ont malheureusement souvent tendance à être très contraignantes et pas forcément facilement adaptables à toutes les situations. C’est ce que dénoncent de nombreux architectes qui regrettent la non prise en compte du « cas par cas » à cause de la rigidité et l’obligation des normes. « L’engouement suscite une explosion de textes et d’obligations, parfois contradictoires ou contre-productifs, toujours complexes. Pourquoi, au nom de telle norme thermique, fixer un pourcentage maximal de vitrage ? La vue et la lumière naturelle ne sontelles pas environnementales ? » 84

« Si l’on examine ces normes environnementales et techniques, elles ne sont là rien que pour vendre de l’isolant extérieur, parce-que leurs calculs ne sont pas vrais, on ne tient pas compte exactement des apports gratuits du soleil. On peut très bien les pervertir et, quand vous travaillez avec des thermiciens intelligents, trouver 1000 solutions autres que du tartinage de polystyrène : la récupération de l’air chaud des salles de bain par exemple. (...) Ça n’a pas de sens : un vitrage au nord et un vitrage au sud n’ont pas le même comportement. » 86

« Il est vain d’espérer une prospective, une nouvelle manière d’imaginer le logement puisque le logement est extraordinairement codifié de manière très sévère par des centaines de textes de réglementation et ne permet pas l’utopie ou d’envisager une exploration nouvelle de l’espace. (...) La conception du logement échappe totalement aux architectes. Elle est entre les mains soit des spéculateurs du logement social, ils existent ceux-là ! soit entre les mains des entreprises qui le fabrique, soit des organismes qui le gère. Il est vain d’imaginer que ça va changer ! La tendance est de faire des logements avec de moins en moins de vitrage, des façades de plus en plus petites avec des

85 Rudy Ricciotti, à propos de la conception du logement par rapport aux périodes de confinement liées à la pandémie de covid-19, Les possibilités d’une ville, conversation entre les architectes Paul Chemetov et Rudy Ricciotti, Radio France Culture, 19 mai 2021

83 Anne Lacaton, La ligne, le sillon et la trace, conférence à la Friche de la Belle de Mai le 15 septembre 2021

86 Paul Chemetov, Les possibilités d’une ville, conversation entre les architectes Paul Chemetov et Rudy Ricciotti, Radio France Culture, 19 mai 2021

84 Jacques Ferrier, Architecture = durable, Éditions Picard, 2010 46


Ainsi, on peut s’interroger sur le fondement des réglementations et labels. Il y a forcément toujours des conflits d’intérêt et il est légitime de se poser des questions sur le sujet.

productivité d’électricité et exige une mesure de l’étanchéité des bâtiments, sans pour autant imposer une valeur précise. - Le label Rénovation Responsable qui prend en compte les émissions de CO2.

« Nous avons grandi dans des écoles en béton, dans lesquelles nous avons appris à dessiner des bâtiments en béton. Nous avons fait nos premiers pas avec des architectes brillants qui avaient grandi en construisant des bâtiments en béton, et un jour on leur a dit d’emballer les bâtiments dans du polystyrène et ils l’ont fait. »87

- Le label BBCA Rénovation qui lui aussi vise une baisse des émissions de CO2. D’AUTRES LABELS De la même manière que les dimensions thermique et/ou énergétique ont tendance à supplanter toutes les autres dimensions du confort dans la pensée collective, plusieurs labels pour le confort mais pas pour la thermique existent. Par exemple, la label HSS (Habitat Senior Services) se présente comme un dispositif de maintien à domicile qui garantit entre autres une mixité générationnelle préservée pour favoriser le lien social et l’entraide entre voisins, des logements et des parties communes adaptés pour plus de sécurité, de confort et d’accessibilité ou des services personnalisés du bailleur pour faciliter le quotidien des personnes âgées.

LABELS EN RÉHABILITATION « (pour les logements construits dans les années 1950-1980), il n’est pas toujours judicieux de viser le niveau de performance thermique le plus élevé, le label BBC-rénovation créé il y a déjà une dizaine d’années. Une rénovation moins ambitieuse, et moins coûteuse, peut se révéler préférable pour ne pas dénaturer une architecture intéressante, tout en restant dans un juste compromis entre économie et technique. » 88

Il existe différents labels spécifiques aux réhabilitations. Ici une liste non exhaustive :

Autre label pour un autre sujet : le label Architecture Contemporaine Remarquable, attribué aux immeubles, aux ensembles architecturaux, aux ouvrages d’art et aux aménagements faisant antérieurement l’objet du label « Patrimoine du XXe siècle » qui ne sont pas classés ou inscrits au titre des monuments historiques, parmi les réalisations de moins de 100 ans d’âge, dont la conception présente un intérêt architectural ou technique suffisant. Les critères d’éligibilité sont : - la singularité de l’œuvre - le caractère innovant ou expérimental

- Le label BBC Effinergie Rénovation est porté par l’association Effinergie (+ de 80 memebres dont des conseils régionaux). Il pose des conditions de 89

87 Christelle Gautreau, architecte associée chez Bond Society, podcast Ville en Œuvre participe au débat sur le “construire écologique”, 26 mars 2020 88 Fréderic Miallet, Rénovation environnementale, AMC n°285, mars 2020, p. 56 89

Ibid, p113 47


de la conception architecturale, urbaine, paysagère ou de la réalisation technique - la notoriété de l’œuvre - l’exemplarité de l’œuvre dans la participation à une politique publique - la valeur de manifeste de l’œuvre en raison de son appartenance à un mouvement architectural ou d’idées reconnu - l’appartenance à un ensemble ou à une œuvre dont l’auteur fait l’objet d’une reconnaissance nationale ou locale L’attribution du label engage le propriétaire à informer les autorités compétentes sur son intention de réaliser des travaux, et ce préalablement à leur réalisation. Le label ACR procure les avantages suivants : - Mention dans les documents de communication diffusés par le ministère

de la Culture, notamment à l’occasion des Journées nationales de l’architecture - Possibilité d’obtenir une signalisation routière spécifique portant le logotype, selon le même processus que les édifices protégés au titre des monuments historiques - Autorisation d’utiliser le label et son logo sur tous les documents de communication et de signalétique - Aide technique pour adapter à de nouveaux usages les ouvrages labellisés subissant des transformations afin que les qualités initiales du bien soient préservées lors des travaux - Aucune servitude d’utilité publique à publier au service de la publicité foncière ; le propriétaire du bien labellisé conserve la libre jouissance de son bien mais à charge pour lui d’informer le préfet de région en cas de mutation de

http://www. habitat seniorservices.fr/

https://www. culture.gouv. fr/Aidesdemarches/ Protectionslabels-etappellations/ LabelArchitecturecontemporaineremarquable 48


propriété. 90 SPÉCIFICITÉS DU LOGEMENT SOCIAL « Le logement social reste garant d’une certaine qualité, car il pose des gardefous, notamment en terme de surface. (...) Généralement on observe des ratios supérieurs de 5%, (quand un T3 sort à 62m² dans le privé, le locatif social varie entre 63m² et 65m²) » 91

Les bailleurs voudront éviter d’avoir à refaire entièrement les logements tous les 10 ans et voudront éviter à leurs locataires de payer des charges conséquentes qui s’ajouteront à leur loyer. Le bailleur essaie d’éviter ce qui est fragile au profit du durable (en théorie) contrairement à un promoteur qui vend et se sépare rapidement de ses appartements. « Les bailleurs cherchent à réduire le montant des charges grâce à une très bonne performance thermique du bâti. « Pour des questions de cout d’entretien et de maitrise des charges de la part du bailleur, la production d’énergie est (presque) systématiquement centralisée. » 92

La démarche de label pour les bailleurs sociaux est volontaire mais souvent vivement encouragée par les pouvoirs publics.93 90 https://www.culture.gouv.fr/Aidesdemarches/Protections-labels-et-appellations/ Label-Architecture-contemporaineremarquable 91 Félicie Geslin, Mieux dans son chez-soi, Les Cahiers Techniques du Bâtiment n°388-389, septembre 2020, p. 84 92

Ibid, p. 87

93

Ibid, p. 85 49


PARTIE II : HISTOIRE, TYPOLOGIES ET VALEURS PATRIMONIALES DES GRANDSENSEMBLES

Grand-ensemble d’Epinay Source : film Le temps de l’urbanisme, 1962, Réalisation : Philippe Brunet pour le MRU 50


Au delà d’une ode aux grands-ensembles, cette partie de la thèse visera à présenter le patrimoine des grands-ensembles à travers leur histoire et leurs qualités, pour prendre conscience des points à mettre en avant lors d’une potentielle réhabilitation. On commencera par une présentation historique puis on terminera par la mise en évidence des différentes valeurs de ces édifices.

51


1. Petite histoire des grands ensembles HABITATIONS BON MARCHE

LE CONTEXTE LOGEMENT

A la fin du XIXème déjà, des initiatives privées Fondation philanthropique dès 1888, le Groupe des Maisons Ouvrières dès 1899 ou la Fondation Rothschild dès 1904) commencent à bâtir des cités ouvrières pour héberger les travailleurs dans les régions industrielles. En 1889, c’est la création de la Société Française des Habitations à Bon Marché qui voit le jour94, ce qui « agit comme un révélateur de la question du logement populaire auprès d’architectes qui , jusque là, avaient été très rares à s’en être préoccupé »95. Désormais, des concours d’architectes sont lancés pour ce type de projets de logements collectifs.

94 Jacques Lucan, Habiter, architecture, EPFL Press, 2021

ville

DE

CRISE

DU

Dès le début des années 1940, la Guerre a sinistré des pans de villes entiers et des millions de français ont tout perdu, se retrouvant sans domicile. 400 000 logements ont été détruits.96 L’enjeu a été de s’abriter pour l’hiver notamment. Après avoir déblayé on a commencé à construire des logements provisoires : des baraquements en bois qui se montent rapidement. Des villages de maisons en bois préfabriquées voient ainsi le jour. L’urgence est à la reconstruction de masse, à des coûts les plus faibles possibles. On s’inspire des modèles de baraquements militaires réalise en masse des cités provisoires. On peut notamment citer la contribution de l’architecte Jean Prouvé à qui le Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, commande une série de maisons démontables afin de reloger les sinistrés de Lorraine. Acheminées en pièces

et

95 Roger-Henri Guerrand, Propriétaires et Locataires, les origines du logement social en France 1850-1914, Éditions Quintettes, 1966

96 Charles Rambert, L’habitat collectif. Problème urbain, Paris, 1956, p7 52


Baraquements en bois pour loger les sinistrés de la Guerre Source : ina.fr

détachées, elles peuvent être montées en une journée.

retrouvant sans logement à la suite des bombardements, il faut ajouter l’explosion démographique du babyboom, et par la suite les mouvements migratoires qui auront lieu dans les années 1960-1970, notamment avec les rapatriements d’Algérie. Les grands ensembles apparaissent ainsi comme le remède à la crise du logement avec l’avènement de logis modernes et sains, en opposition aux centre-villes anciens présentés comme insalubres dans les films institutionnels. Au lendemain de la guerre, les logements de certains sont de véritables taudis. Les grands ensembles sont associés à la modernité car ce sont des villes nouvelles adaptées à l’Homme contemporain.98

« C’est dans des logis pitoyables que vivent encore et que vivront encore pendant des mois près d’un million de français ruinés par la guerre. Sur les vestiges du combat, la misère laissée par l’occupation n’a pas permis sans doute de recréer pour l’hiver qui vient des conditions d’habitation normale. Il fallait un gîte à deux millions de français. Tous ne seront pas relogés dans les conditions espérées mais le temps était court pour une tâche aussi gigantesque. »97

L’urgence est réelle. Durant l’hiver 1954, l’appel de l’abbé Pierre met le projecteur sur ces milliers de français sans logis. Il faut noter qu’aux français se 97 Les actualité françaises, Construction de baraquements provisoires face au problème du logement, 23 novembre 1945, consultable sur : https://enseignants.lumni.fr/ fiche-media/00000000329/construction-debaraquements-provisoires-face-au-problemedu-logement.html#infos

98 Camille Canteux, Filmer les grands ensembles, conférence du 15 novembre 2016, consultable sur https://www.canal-u.tv/video/ chs/filmer_les_grands_ensembles.35843 53


Carte postale de la Cité de la Muette, Drancy (93), Eugène Beaudouin et Marcel Lods architectes, 19291946 Source : geneanet.org

UNE POLITIQUE AMBITIEUSE

PUBLIQUE

logements sont construits en France. Les grands ensembles sont aujourd’hui emblématiques de la politique menée par l’État après la Seconde Guerre mondiale.

En novembre 1944 est créé le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, avec l’homme politique Eugène Claudius-Petit comme ministre, qui a des missions de direction de la construction, la reconstruction et l’aménagement du territoire. Le MRU occupe une place prépondérante dans l’encadrement de la construction et dans la réglementation des activités liées au logement.99 Le Ministère fixe des objectifs quantitatifs : 240 000 logements sont à construire avec le plan Courant de 1953. Par la suite sont créées les Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP) par décret en 1958. Elles établissent des zones pour planifier et encadrer le développement urbain. Dans ce contexte, 1,2 millions100 de

LE PASSAGE D’UN SECTEUR ARTISANAL A INDUSTRIEL

Après la Seconde Guerre Mondiale, il a fallu reconstruire les villes et les agrandir afin d’accueillir la nouvelle générations de baby-boomers. C’est en effet près de la moitié du parc immobilier actuel qui est bâti à cette époque. C’est donc naturellement en hauteur que les constructions se profilent pour libérer de l’espace au sol et y installer des jardins. Comme il faut faire vite, les techniques de préfabrication sont largement utilisées : une contrainte qui va forcer l’ingéniosité des architectes et des urbanistes, lesquels inventent là une nouvelle forme architecturale.101

99 Gwenaëlle Le Goullon et Danièle Voldman, Les grands ensembles en France genèse d’une politique publique, conférence du 15 septembre 2015, consultable sur : https:// www.canal-u.tv/video/chs/genese_des_grands_ ensembles.35833

« Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le secteur du bâtiment 101 tema.archi, CAUE Ile-de-France, Des Petits et des grands ensembles, podcast Voyages d’architecture, 2017

100 Grégoire Allix, L’utopie manquée des cités-dortoirs Le Monde, 05 décembre 2005 54


En 1930 l’Office Public d’Habitat à Loyers Modérés de la Seine fait construire à Drancy la Cité de la Muette, édifiée par les architectes Eugène Beaudoin et Marcel Lods qui ont utilisé des techniques plus industrielles. En effet, concevoir du logement collectif permettait de réduire les coûts du foncier et de construction et offrir massivement des logements dans cette période de crise. Pour dynamiser cette marche vers l’industrialisation et passer d’un secteur artisanal à industriel, des capitaux sont investis. Dans une France d’après-guerre ruinée, l’Etat et des entrepreneurs s’engagent dans cette aventure, avec notamment des chantiers expérimentaux. L’objectif est toujours de construire beaucoup et peu cher.103

connaît en France un bouleversement sans précédent. Les besoins immenses de la Reconstruction, puis de la construction massive de grands ensembles de logements seront l’occasion de moderniser un secteur dont tous les acteurs de l’époque – architectes, ingénieurs, entrepreneurs, politiques – s’accordent a` d’énoncer l’archaïsme. Créé en novembre 1944, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) va être le moteur de cette modernisation, dont les fondements techniques sont puisés dans l’un des mythes fondateurs de la modernité´ architecturale du début du XXe siècle : l’industrialisation de la construction. »102

Avant la Seconde Guerre Mondiale, des facteurs gênent la production de logements à grande échelle : - les entreprises du bâtiment étaient des petites entreprises artisanales avec peu de matériel (grues, bétonnières...) et un manque de qualification de main d’œuvre. - Avec la crise des années 1930, les moyens financiers sont limités. Malgré ces problématiques, les entreprises de bâtiment et travaux publics commencent à réfléchir à une organisation plus industrialisée et rationalisée de la construction. Il y a des études pour développer l’industrialisation et la préfabrication, incitant à l’innovation dans le domaine. On situe la naissance des grands ensembles au moment de la création du MRU, mais les méthodes qui permettaient de construire plus rapidement et efficacement pour avoir plus de logement trouvent leur origine dès les années 1930.

La notion de « grand-ensemble » est utilisée pour la première fois en 1935 dans un article que l’ingénieur et urbaniste Maurice Rotival publie dans l’Architecture d’Aujourd’hui. Il préconise la construction de quartiers neufs en se basant sur des principes héliothermiques.104 Dans cette thèse on considérera comme « grand-ensemble » tout immeuble de logements de grande envergure (au moins des centaines de cellules, à voir selon les villes) construits entre les années 1930 et 1970 pour pallier à la crise du logement en France.

103 Gwenaëlle Le Goullon et Danièle Voldman, Les grands ensembles en France genèse d’une politique publique, conférence du 15 septembre 2015, consultable sur : https:// www.canal-u.tv/video/chs/genese_des_grands_ ensembles.35833

102 Yvan Delemontey, Le béton assemblé, Formes et figures de la préfabrication en France, 1947-1952, Histoire urbaine n° 20, 2007, p. 15

104 Maurice Rotival, Les Grands ensembles, L’Architecture d’Aujourd’hui n°6, juin 1935, p. 57 55


œuvre particulièrement représentatifs de la diversité de la préfabrication au lendemain de la guerre :

LA PRÉFABRICATION

Le MRU lance à partir de 1944 ses programmes annuels dits des « chantiers d’expérience » dont le premier est la réalisation de plusieurs îlots du centre reconstruit d’Orléans dirigée par Pol Abraham.105   Une quarantaine d’autres opérations pilotes suivent rapidement entre 1947 et 1948. L’objectif est de comparer et de mettre en œuvre à une échelle « semi-industrielle » un certain nombre de techniques nouvelles de construction pour construire beaucoup plus rapidement.  On distingue quatre grands types de procédés de gros

- La construction en parpaings agglomérés de béton évidés (procédés Alphilaire, Barbé, Besser, Coignet, Ottin, Préfadur, Rouzaud, etc.) possédant des propriétés physiques comparables aux matériaux traditionnels, mais dont l’isolation thermique est obtenue au moyen d’alvéoles judicieusement placées ou de construction à double paroi, - Les procédés alliant une ossature (en éléments de béton moulé ou en métal) montée très rapidement et entre laquelle est fixé un remplissage de dalles de parement en béton (procédés Cimap-Schueller, Inotro, JEEP, Phénix, SIUBB, Stran-Steel

105 Pol Abraham, « Une expérience de préfabrication. Montage d’immeubles en maçonnerie : les îlots 1,2,4 et 5 d’Orléans », Annales de l’Institut technique du bâtiment et des travaux publics, no 245, avril 1947, p. 1-24 A.S. Reconstruction Laruelle et cie : Orléans - îlot 7A, vers 1949-1950 Source : Archives municipales d’Orléans

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Procédé de préfabrication lourde Technove Source : Techniques et Architecture n°4, mai-juin 1965

- Les procédés mettant en œuvre des dalles ou panneaux de moyennes dimensions d’environ 1 m² qui participent directement à la résistance générale du bâtiment ou qui permettent de couler à l’intérieur une ossature en béton armé (procédés Lemay, Schindler, Village français, SEGFIC, SEHM).

« Les architectes, les dessinateurs se sont mis au travail. Ils ont préparé les plans et les devis. Le ciment est maintenant le maitre matériau des bâtisseurs. Nos usines ont broyé, malaxé des tonnes de calcaire et d’argile. Pour armer le béton, pour rendre les maisons désormais solides comme l’acier, les fonderies ont coulé des millions de tonnes de fonte et fer. Toutes les ressources, toutes les techniques encourent au même but : construire. La préfabrication procède de la même nécéssité : faire vite. C’est ici le triomphe de la méthode. Chaque pièce a été minutieusement étudiée. L’un après l’autre, chaque élement

- Les procédés de béton banché qui touchent à la préfabrication dans le sens où les coffrages qui permettent de couler le béton sont constitués d’éléments moulés, jouant le rôle de parement définitif (procédé SEPCA).

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Ce procédé sera le modèle de réflexion de plusieurs systèmes constructifs dans les années suivantes. Avec le recul, on peut aujourd’hui repprocher à ces systèmes d’avoir créé des parois trop fines, pas assez isolées, ce qui pose aujourd’hui problème d’un point de vue «d’efficacité thermique». Or, on rappelle qu’à l’époque on ne se souciait pas autant de ce facteur, et que la priorité était à la construction massive de logement pour abriter la population française de plus en plus nombreuse.

de construction prend sa place avec une rapidité que l’on ignorait jusqu’à ce jour. Des heures de travail sont économisées et cinq étages seront édifiés en huit mois seulement. La préfabrication n’interdit pas la diversité : les modèles sont nombreux et avec les mêmes éléments une agglomération de maisons préfabriquées peut présenter des aspects les plus variés, sans sacrifier au confort, ni au charme de l’ensemble. »106

Pour pouvoir construire des logements standardisés en série et à grande échelle, la solution que les architectes et ingénieurs trouvent est celle de la préfabrication des éléments de construction en usine ou sur le chantier pour les assembler ensuite in situ. C’est intéressant car ça fait baisser les coûts et délais et de construction. L’accent est mis sur l’innovation technique et on cherche sans cesse des procédés plus efficaces pour construire toujours plus rapidement.

LE CHOIX DES GRANDS ENSEMBLES

Dans le cadre des chantiers expérimentaux poussant à la recherche et l’innovation, sont testés différents types de logements (pavillons indépendants, pavillons mitoyens, collectifs...). La forme qui a finalement été privilégiée par les acteurs politiques de l’époque est celles des grands ensembles. Dès le milieu des années 1950, les personnalités publiques qui font ce choix des grands ensembles essaient de prévenir dans la mesure du possible les problèmes déjà identifiés qui pourraient survenir dans ces grands ensembles. Il faut noter également que toutes les opérations ne sont pas surveillées par l’État. Par exemple, les maisons Phenix sont issues d’une entreprise privée et contemporaines des grands ensembles.108

« Cette période des années 1950 voit aussi l’émergence d’un procédé totalement novateur en celui de la préfabrication lourde. Elle est notamment initiée par le procédé Camus en France qui est employé pour la première fois à Orléans (sur un chantier expérimental). Cette technique marque une rupture dans l’industrie du bâtiment. Le principe constructif est de pré-fabriquer tous les éléments nécessaires à l’édification du bâtiment en usine, les chantiers se résumant alors à un simple lieu d’assemblage des modules préfabriqués. » 107 106 MRU, Mur en quatre heures, film de communication, 1945

108 Gwenaëlle Le Goullon et Danièle Voldman, Les grands ensembles en France genèse d’une politique publique, conférence du 15 septembre 2015, consultable sur : https:// www.canal-u.tv/video/chs/genese_des_grands_ ensembles.35833

107 APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, Pratiques actuelles/nouveaux enjeux, 2016, p. 8 58


CRITIQUES DES GRANDS ENSEMBLES

CIRCULAIRE GUICHARD : LA FIN DES GRANDS ENSEMBLES

Dès les années 1960, les grands ensembles commencent à être critiqués, notamment dans les médias, qu’ils soient de fiction ou documentaires. Sont soulevées les problématiques de leur gigantisme ou souligner leur caractère de « villes-dortoirs ». Les grands-ensembles revêtent par la suite dans l’imaginaire collectif un visage pathogène, voire criminogène, qui est encore d’actualité aujourd’hui. C’est à cette période qu’on entend pour la première fois parler dans la presse de la « sarcellite », qui serait le mal qui touche les habitants du grand-ensemble de Sarcelles. Ces personnes seraient déprimées par la monotonie de leur ville sans âme. Il faut noter cependant que ce sont des représentations dans les films ou la presse, mais qui ne représentent pas forcément la réalité.109 Dans les années 1970, la vision des grands-ensembles s’empire. Progressivement les grands ensembles deviennent l’emblème de la banlieue mal fréquentée et dangereuse.

En mars 1973, le ministre de l’équipement et du logement, Olivier Guichard signe une circulaire marquant la fin de la construction des grands ensembles, porteurs selon lui de ségrégation sociale, liée notamment à la présence majoritaire de logements sociaux en leur sein. « Ils [les grands ensembles] ne correspondent plus aux aspirations des français. Dans la mesure où ils sont très grands, ils sont un facteur de ségrégation sociale ! »110

109 Camille Canteux, Filmer les grands ensembles, conférence du 15 novembre 2016, consultable sur https://www.canal-u.tv/video/ chs/filmer_les_grands_ensembles.35843

110

Olivier Guichard, 21 mars 1973 Le personnage principal du film ne trouve plus sa maison remplacée par le nouveau grand ensemble de Sarcelles Source : Henri Verneuil, Mélodie en sous-sol, 1962

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Destruction des tours des Minguettes à Lyon (69) le 9 juin 1983 Source : Bibliothèque municipale de Lyon / P0901 FIGRP01098 003

APRES LES GRANDS ENSEMBLES

finalement comme les nouveaux taudis qu’ils ont fait disparaitre des années auparavant. La banlieue, et donc les grands-ensembles, deviennent un véritable sujet. Les grands ensembles sont montrés comme les nouveaux habitats précaires. Dans les années 1980, on en vient à se demander s’il faut raser les grands ensembles pour soigner ces problèmes. Le 23 janvier 1982, Michel Polac présente une émission télévisée intitulée « Faut-il raser les grands ensembles? » où sont invités les architectes reconnus Fernand Pouillon et Ricardo Bofill pour répondre à la question. C’est en 1983 que les premières tours de grands ensembles sont démolies dans la banlieue lyonnaise.113

« Rapidement, la critique des grandsensembles s’attache à en dénoncer l’uniformité et la répétition. Les difficultés sociales dont ils sont le cadre ne font que les stigmatiser, et si on les nomme rapidement les « quartiers », c’est en leur ajoutant le qualificatif de « difficile » : les « quartiers difficiles ».»111 « Dans les années 1970, en France, des projets d’habitat intermédiaire ainsi que le Plan Construction lancé par le Ministère de l’Équipement créent un climat favorable pour un renouvellement de l’architecture urbaine. »112

Dès les années 1970 les grands ensembles deviennent le lieu de grande précarité sociale, porteurs de nombreuses problématiques dont l’immigration massive ou les tensions et violences urbaines. Ils apparaissent et

Cette période est également marquée par le choc pétrolier de 1973 et la prise de conscience générale sur la consommation des énergies et matériaux, qui présentent les grands-

112 Fédération Française du Bâtiment, Les bétons du patrimoine, Histoire - Diagnostic Rénovation, Éditions SEBTP, 2021, p. 22

113 Camille Canteux, Filmer les grands ensembles, conférence du 15 novembre 2016, consultable sur https://www.canal-u.tv/video/ chs/filmer_les_grands_ensembles.35843

111 Jacques Lucan, Habiter, architecture, EPFL Press, 2021, p. 199

ville

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ensembles comme trop consommateurs de ressources.

façon schématique, on peut qualifier cette période comme celle étant l’avènement du pont thermique dans la construction. Outre les pathologies thermiques liées à l’enveloppe, les systèmes de chauffage, généralement collectifs, affichent des consommations très élevées qui posent de nombreuses difficultés à une époque où la contrainte carbone devient pressante. » 115

CLICHES QUI PERSISTENT L’idée que les grands ensembles ne sont que des ghettos pour les immigrés a tendance à persister dans l’imaginaire collectif. Dans les faits, les immigrés commencent à entrer dans les grands ensembles dans les années 1970-1980. Il ne faut pas naïvement croire que c’était la fonction première que de regrouper les communautés étrangères marginalisées et précaires. Si c’est souvent le cas, les grands ensembles ne sont pas systématiquement la propriété de bailleurs sociaux, mais sont en accession à la propriété (une grande partie de Sarcelles). L’image des grands ensembles est aussi très généralement rattachée à l’image de la banlieue des grandes villes. Or, ce n’est pas toujours vrai : certains sont construits en pleine ville (Place des Fêtes à Paris) ou d’autre encore sont construits ex nihilo (Mourenx, Bagnolssur-Cèze...).114

A l’époque de leur construction, les grands-ensembles ont donc sauvé la vie de milliers de personnes qui auraient vécu dans des logements précaires si l’on avait pas pu construire si rapidement cette masse de logements. Le caractère expérimental et rapide de leur construction engendre des problématiques liés aux modes constructifs utilisés. Les problématiques les plus mises en évidences aujourd’hui (et qui préoccupent majoritairement les législations et labels presque uniquement thermiques) sont celles des ponts thermiques, créés notamment par les balcons et loggias (qui apportent un certain confort aux logements) ou les éléments de menuiserie (grandes fenêtres modernes). On peut aussi citer des problématiques d’inconfort d’été car les occultations sont le plus souvent absentes. Pendant très longtemps on s’est soucié du confort d’hiver mais peu de celui d’été, dont on a tendance à malheureusement évoquer aujourd’hui à cause des problématiques de réchauffement climatique. Posent aussi problème la qualité des parois et des cloisonnements trop fins qui laissent passer courants d’air et bruits entre les appartements. Enfin les équipements techniques

DES PATHOLOGIES SPÉCIFIQUES A RÉPARER « L’après-guerre marque le début de la production industrielle du logement en France. Les bâtiments produits entre 1945 et 1974 à Paris ont généralement appliqué les nouveaux modes de fabrication alors émergents tels la préfabrication lourde, la préfabrication légère et le coffrage industriel. Ces bâtiments souffrent de pathologies intrinsèques, liées à leur conception et à leur réalisation en phase chantier. De 114 Camille Canteux, Filmer les grands ensembles, conférence du 15 novembre 2016, consultable sur https://www.canal-u.tv/video/ chs/filmer_les_grands_ensembles.35843

115 APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, Pratiques actuelles/nouveaux enjeux, 2016, p. 4 61


(chauffage, équipements sanitaires) ont forcément vieilli et ne sont plus d’actualité aujourd’hui. Leur remplacement fait d’ailleurs très souvent partie des opérations de réhabilitations des logements HLM par les bailleurs sociaux aujourd’hui. « Parmi les raisons pour lesquelles les grands-ensembles ont été rapidement dénigrés, la mauvaise isolation acoustique figure en bonne place. Depuis 1969, de nombreux arrêtés sont donc entrés en vigueur afin de garantir une isolation acoustique de qualité, fixant des seuils de décibels acceptables dans l’espace du logement. Progressivement, l’extérieur du logement (parties communes, types de voiries attenantes, zones bruit) est davantage pris en compte pour permettre une isolation acoustique convenable. »116

116 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021, p. 55 62


2. Valeurs patrimoniales des grands ensembles DÉFINIR LE PATRIMONIAL

VALEUR DE REPRÉSENTATIVITÉ

A la notion de « Patrimoine », l’historien français Pierre Nora donne la définition suivante : « Bien constitutif de la mémoire d’un groupe ».117 Il apparait alors comme un bien d’intérêt public. Le patrimoine n’est pas un concept neutre. C’est le résultat de choix d’une société (conserver un élément ou pas). Il est question de perpétuer la mémoire d’un homme ou d’un événement remarquable lorsque l’on parle de conservation et transmission du patrimoine.

Comme nous l’avons vu précédemment, les grands ensembles répondent au besoin urgent que connait la France dès le début des années 1940. « Les grands ensembles se présentent comme les réalisations emblématiques de la politique menée par l’État après-guerre dans le domaine de l’aménagement du territoire et de la planification urbaine. »118

En 1944 c’est la création du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, qui est le premier Ministère dédié à la construction. On peut d’ailleurs rappeler qu’aujourd’hui le service de la Direction générale des Patrimoines et de l’Architecture est une branche du Ministère de la Culture. Le MRU crée des conditions de pratique différentes : on oublie le découpage parcellaire pour construire des

Les grands ensembles ne sont souvent pas appréciés par le grand public car ils présentent des limites avérées. En revanche, ils ont quand même beaucoup de qualités qui ont tendance à être oubliées. Ces caractéristiques permettent de mettre en valeur leur intérêt patrimonial à protéger.

118 Raphaële Bertho, Les grands ensembles, Cinquante ans d’une politique-fiction française, Etudes photographiques n°31, printemps 2014

117 Pierre Nora, Présent, nation, mémoire, Paris : Gallimard 2011, p. 25 63


EFFICACITÉ SPATIALE

ensembles d’une nouvelle dimension pour pallier à la crise du logement qui frappe le pays.

Les grands-ensembles ont été construites pour abriter une masse de population. Par leur forme de tours ou barres, ils permettent de concentrer les individus là où des lotissements s’étalent démesurément, ce qui pose une véritable problématique de la construction sur le foncier disponible. La question de la densité du bâti est plus que jamais un sujet d’actualité pour réfléchir aux enjeux écologiques.

Ainsi, on peut considérer que les grands ensembles sont un objet d’histoire, représentatifs des choix de la société à cette époque pour répondre à une situation précise.119

119 Voir PARTIE II.1, Petite histoire des grands-ensembles, p.52

Très récemment, a été mis en avant la

Plan de la ZUP de la Croix-Rouge, Chambery (73), Jean Dubuisson architecte, 1966-1968 Source : Technique et Architecture n°5, juillet-aout 1964

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problématique de l’étalement urbain induit par l’habitat individuel :

ensembles fait un peu disparaitre. »121

La forme urbaine des tours et barres issues des théories des architectes et urbanistes du mouvement moderne et permises par l’affranchissement du parcellaire permet d’implanter des grands nombres de logements mais également de libérer le sol pour composer un espace public avec des aires de jeux, des terrains de sport, des espaces publics et des parcs. Les espaces extérieurs sont pensés pour être traversés, on a souvent des compositions avec des barres ou des ensembles de barres proposant des cours ouvertes pour favoriser une fluidité des circulations.

« ce modèle du pavillon avec jardin n’est plus soutenable et mène à une impasse. Il s’agit d’un fonctionnement urbain dépendant de plus en plus de la voiture individuelle, d’un modèle derrière nous et même d’un non-sens écologique, économique et social »120

QUALITÉ URBAINE « C’est la recherche d’une harmonie et le plan masse y contribue. (...) Dans la partie est nous avons fait un axe principal qui passe par une place centrale qui est en réalité le forum antique, avec des axes secondaires qui distribuent toute la cité, et tout autour de cette composition nous avons réuni des sortes d’unités d’habitation, de petites places de village qui permettent de réunir là des espaces verts, des jeux d’enfants où les véhicules n’ont pas accès et où cela crée une sorte d’intimité que naturellement la notion des grands

On entend souvent des la critique du manque d’équipement des quartiers des grands ensembles. En réalité ce n’est pas toujours justifié. Il est cependant vrai que dans de nombreux cas, dans leur première phase de construction, la priorité était donnée au logement car c’était l’urgence absolue. Les équipements n’ont pas forcément vu le jour dans les mêmes temporalités et 121 L’architecte à propos de la ville de la cité de Mont-Mesly à Créteil,le Journal de Paris, le 15 juillet 1964, disponible sur : https://www.ina.fr/ video/CAF89027150/les-grands-ensembles-decreteil-video.html

120 Emmanuelle Wargon, ministre du logement, discours de clôture de la concertation portant sur « Habiter la ville de demain », prononcé le 14 octobre 2021

Mont-Mesly, Créteil (94), Charles-Gustave Stoskopf architecte, 1956-1987 Source : https:// www.ville-creteil. fr

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Lake Shore Drive, Chicago (USA), Mies Van Der Rohe architecte, 1949-1951 Source : https://fr. wikiarquitectura. com/b%C3% A2timent/ appartementslake-shoredrive-860-880/

La Rouvière, Marseille (13), Raoul Guyot architecte, 1966-1975 Source : photographie personnelle

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sont souvent implantés dans un second temps. On comprend alors l’émergence des critiques à ce moment là des « cités dortoirs » ou « cages à lapins »122. Aujourd’hui, selon les quartiers, ce n’est plus véridique. UNE NOUVELLE MODERNE

États-Unis en 1937 et y apportent leur vocabulaire architectural moderne. C’est avec ce vocabulaire que les skycrappers américains en béton et métal sont construits et deviennent des références. Certains architectes français comme Marcel Lods, Eugène Beaudouin, ou Jean Dubuisson s’inspirent de l’esthétique épurée moderne des ces buildings pour l’architecture de leurs grands-ensembles. L’esthétique moderne des grands ensembles rompt avec l’image classique qu’on connaissait de l’architecture à l’époque. C’est un élément dont sont conscients les constructeurs. Dans son article évoquant pour la première fois le terme de grand ensemble, l’ingénieur Maurice Rotival écrit :

ESTHÉTIQUE

« Une population beaucoup plus nombreuse trouve là beaucoup plus de confort, d’hygiène, de soleil et d’espace libre. Cependant, ces bâtiments géants, surfaces plates, volumes cubiques, géométries monotones risquent de conduire à une autre laideur. Quoi que harcelés par les impératifs d’urgence et de prix, les architectes s’efforcent d’y pallier. Comme à Epinay, ils recherchent la diversité des volumes, la variété des couleurs, l’inattendu des perspectives. »123

« l’œil n’est pas encore habitué et qui sera sans doute critiquée du point de vue romantique, artistique pendant encore fort longtemps »124.

Les immeubles modernes que sont les grands ensembles ont un aspect qui découle directement de la Charte d’Athènes rédigée par Le Corbusier en 1933 et qui pose les principes de l’architecture et l’urbanisme moderne, et qui prend elle même des inspirations de l’architecture épurée du Bauhaus de Walter Gropius ou du mouvement artistique cubiste dans les années 1920. C’est vers 1930 que le mouvement moderne s’introduit en Amérique à une époque quand la crise politique pousse de nombreux architectes de premier plan à passer d’Europe en l’Amérique du Nord. Walter Gropius et Ludwig Mies van der Rohe arrivent aux

QUALITÉ DU LOGEMENT

122 tema.archi, CAUE Ile-de-France, Des Petits et des grands ensembles, podcast Voyages d’architecture, 2017

Les architectes qui réfléchissent aux grands ensembles ont l’occasion de mettre en œuvre de nouveaux principes pour ces projets d’envergure inédite : on peut se permettre de créer des logements traversants, ce qui est assez inédit dans le logement moyen. Par exemple, à Créteil, Paul Brossard conçoit un ensemble où tous les T3 et T4 ont une double orientation pour garantir le meilleur ensoleillement aux logements. Les chambres orientées à l’est profitent de la lumière du matin et les pièces de vie bénéficient d’un ensoleillement maximum en milieu de journée. Cette disposition d’appartements traversants est facilitée par la trame

123 Philippe Brunet, Le temps de l’urbanisme, 1962, film disponible sur : https:// www.dailymotion.com/video/xgj2zz

124 Maurice Rotival, Les Grands ensembles, L’Architecture d’Aujourd’hui n°6, juin 1935, p. 67 67


désormais industrialisée.

accolés les uns aux autres mais séparés de manière à avoir un grand développé de façade pour avoir de grandes surfaces que l’on peut ouvrir pour la lumière, l’aération. En effet, le travail de la lumière à l’intérieur des logements est central. On peut citer l’immeuble Mouchotte de Jean Dubuisson à Paris. Dans cet immeuble il conçoit des baies vitrées qui éclairent du sol au plafond. L’architecte a aussi l’ingéniosité

« La construction sur refends porteurs obéit à un rythme voulu par le procédé de construction industriel. »125

Les bâtiments modernes ne sont plus 125 Henri Delacroix et Clément Tambuté, architectes de la Cité des 4000 à la Courneuve, citation issue de l’ouvrage de Jacques Lucan, Habiter, ville et architecture, EPFL Press, 2021, p. 190 Appartements traversants à la Cité des Bleuets, Créteil (94), Paul Brossard architecte, 1959-1962 Source : RVA Architecture

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Immeuble Mouchotte, Paris (75), Jean Dubuisson architecte, 1966 Source : JPHH Photographe

d’intégrer une tablette horizontale dans son motif de façade, offrant un élément de mobilier aux habitants. L’implantation des bâtiments des ensembles est réfléchie en fonction de la course du soleil pour permettre aux logements d’être justement éclairés en fonction du moment de la journée. Les ingénieurs et architectes calculent les ombres portées des immeubles pour ne pas que l’ombre d’un bâtiment en assombrissent un autre.

logement et 20% des WC intérieurs.126 ADAPTABILITÉ/MUTABILITÉ Si les grands ensembles ont des défauts, notamment la mauvaise efficacité thermique qui est aujourd’hui beaucoup mise en avant, ils ont une qualité majeure : ils sont assez facilement adaptables car leur mise en œuvre n’est pas si complexe. Ces bâtiments offrent généralement des vastes espaces libres qui permettent d’installer des équipements tiers.127

QUALITE DES ÉQUIPEMENTS TECHNIQUE POUR LE CONFORT Les logements des grands ensembles ont permis d’élever le niveau de vie en offrant le confort moderne des équipements techniques : des salles d’eau, des toilettes individuels. Auparavant, selon un recensement de 1946, seulement 9 résidences principales sur 10 disposaient de l’électricité, 6% possédaient une douche ou baignoire, 37% l’eau courante à l’intérieur du

126 Virginie Dejoux, Morgane Valageas et Maryse Gaimard, Panorama de l’évolution des conditions de logement en France depuis la fin des années 1960, 2019 127 APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, Pratiques actuelles/nouveaux enjeux, 2016, p. 47 69


Tours Nuages, Nanterre (92), Emile Aillaud architecte, 1973-1981 Source : https:// www.docomomo. fr/actualite/lettreouverte-pourla-rehabilitationdes-toursnuages-demileaillaud

UN PATRIMOINE VARIE

« La réalisation des « grandsensembles » n’empêche pas quelques rares architectes de souhaiter retrouver une certaine diversité urbaine qui serait aux antipodes « des alignements, des ordonnances ou des répétitions mêmes rythmées, et qui proposerait des replis, des clôtures, des ouvertures et des enclos auxquels chacun s’adapte, se modèle et s’attache. »128

Si les grands-ensembles sont très souvent caractérisés par les aspects présentés cidessus, ce ne sont évidemment pas des caractéristiques absolues. Les grandsensembles ont tendance à être réduits à une vision de « tours et barres rectangles » identiques et uniformisées, cependant, on peut citer des travaux d’architectes qui rompent clairement avec cette idée reçue et ouvrent les possibles du grandensemble. Un exemple évident serait le travail de l’architecte Émile Aillaud, qui préfère les courbes aux lignes droites. Il conserve certains aspects des grands ensembles (la densité, le grand jardin central pour le quartier) mais propose une esthétique différente.

La « rigidité» des grands-ensembles a été questionnée assez tôt par plusieurs architectes qui ont proposé d’autres formes pour des logements collectifs d’envergure. On peut citer l’Habitat 67 (1967) à Montréal de Moshe Safdie 128 Jacques Lucan, Habiter, architecture, EPFL Press, 2021, p. 193 70

ville

et


des grands-ensembles.129

qui propose un développement tridimensionnel plus aléatoire, le Toulouse-le-Mirail de Georges Candilis (années 1960) qui développe le principe de la matrice en nid d’abeille ou les villes nouvelles classiques de Ricardo Bofill. Ces bâtiments, sont directement issus de réflexions sur les grands-ensembles classiques. Ce sont autant de nouvelles solutions qui n’auraient jamais existé sans les grands-ensembles. Ils sont automatiquement liés au patrimoine

129 Jacques Lucan, Habiter, ville architecture, EPFL Press, 2021, p. 194 à 207

et

Habitat 67, Montréal (Canada), Moshe Safdie architecte, 1965-1970 Source : Nora Vass photographe Plan du quartier du Mirail, Toulouse (31), Georges Candilis architecte, 1969 Source : Fonds Candilis

Les Arcades du Lac & le Viaduc, Saint-Quentinen-Yvelines (78), Ricardo Bofill architecte, 1982 Source : Ricardo Bofill architecte

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PARTIE III : REHABILITER EN CONCILIANT SOBRIETE DES RESSOURCES, CONFORT DU LOGEMENT ET QUALITE PATRIMONIALE Jardin d’hiver pour la Tour du Bois le Prêtre, Paris (75017) Source : Lacaton Vassal Architectes 72


« En France, les plans de rénovation énergétique des bâtiments mis en place depuis une décennie visent à traiter 500 000 logements par an, avec un argumentaire axé uniquement sur les économies d’énergie. Mais, au regard du temps de retour sur investissement des actions engagées, l’amélioration de la qualité d’usage des intérieurs, la plus-value patrimoniale et la possibilité de recourir aux ressources locales devraient également être mises en avant. »130 En effet, on ne peut pas se limiter à un enjeu unique alors que la réalité est beaucoup plus complexe. Dans cette partie on citera quels peuvent être les différents enjeux des réhabilitations, puis on présentera l’exemple d’un diagnostic, qui est la première étape indispensable pour concevoir la meilleure réhabilitation, la plus adaptée. Enfin, on présentera plusieurs cas de référence pour des réhabilitation toutes différentes, qui répondent chacune à des enjeux environnementaux, sociaux, patrimoniaux et économiques.

130 Fréderic Miallet, Rénovation environnementale, AMC n°285, mars 2020 73


1. Les enjeux multiples de la réhabilitation des logements collectifs CONSERVER OU DÉMOLIR ?

Cependant, si l’on considère l’immense production de déchets du bâtiment133 aujourd’hui, (66% des déchets proviennent du bâtiment et des infrastructures en France134) il faut vraiment réfléchir à deux fois avant de détruire un édifice.

« Ce qui est inhabitable doit être démoli. Tout ce qui est réparable, tout ce qui est perfectionable, tout ce à quoi on peut additionner de nouvelles choses doit être gardé. » 131 « Démolir un bâtiment peut être une décision pertinente si le bâtiment est trop vétuste ou ne permet pas de répondre à l’usage qui en est attendu ou encore si l’on souhaite créer des espaces pour de nouveaux aménagements. Réhabiliter est une décision pertinente si le bâtiment peut être rendu performant tout en satisfaisant les objectifs sociaux et économiques attendus. » 132

La réhabilitation a souvent tendance à être rabaissée par rapport à la construction neuve, pas considérée comme un acte architectural à part entière. Or, réhabiliter est un travail qui demande autant sinon plus de travail de la part des maîtres d’œuvre. Le choix de la réhabilitation est une véritable équation à poser pour chaque situation.

131 Paul Chemetov, Les possibilités d’une ville, conversation entre les architectes Paul Chemetov et Rudy Ricciotti, Radio France Culture, 19 mai 2021

133

Voir avant-propos, p. 7

134 Christine Leconte, interview pour A’A’, aout 2021, disponible sur : https://www. larchitecturedaujourdhui.fr/lordre-et-larehabilitation-entretien-avec-christine-leconte/

132 Catherine Charlot-Valdieu, Philippe Outrequin, Réhabilitation énergétique des logements, Éditions Le Moniteur, 2018 p. 48 74


« Économiser l’énergie » c’est toucher à deux aspects : - Les enjeux environnementaux/ climatiques - Les enjeux sociaux/économiques (avec notamment la notion de précarité énergétique, voir paragraphe suivant)

« Les grands ensembles ils existent. C’est l’épopée des années 70 quand la ville était totalement planifiée. (...) Le sujet c’est de travailler la réparation aujourd’hui et d’éviter de démolir, c’est la moindre des consciences. C’est un scandale de détruire les constructions des années 70. Aujourd’hui ils sont menacés par la tyrannie du nouveau, extrêmement critiquable. » 135

Les enjeux climatiques sont aujourd’hui reconnus par la société et les pouvoirs publics incitent à la sobriété énergétique pour limiter l’utilisation des énergies, notamment les énergies fossiles. La transition énergétique devient une nécessité.

L’architecte Rudy Ricciotti évoque ici les questions de sobriété environnementales, mais également la valeur patrimoniale de représentativité des grands-ensembles.136

« Les pouvoirs publics ont intensifié la marche vers la transition écologique, en visant zéro émissions carbone pour 2050. Dans la rénovation, depuis le 1er janvier 2017, les opérations lourdes doivent obligatoirement inclure l’isolation thermique des façades et des toitures. L’objectif de procéder à la rénovation thermique de 500 000 logements par an (HLM et privés) adopté dès 2012, s’il n’a pas été atteint, a été relancé fin 2017 par le gouvernement. » 138

ÉCONOMISER L’ÉNERGIE ET ALLER VERS LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE « À la fin des Trente Glorieuses (...) on comprend que les stocks en énergie fossile sont limités. De plus, la nature non renouvelable de ces énergies suscite une inquiétude quant à la pérennité des modes de vie très énergivores des sociétés occidentales. »137 135 Rudy Ricciotti, Les possibilités d’une ville, conversation entre les architectes Paul Chemetov et Rudy Ricciotti, Radio France Culture, 19 mai 2021 136

Voir partie II. 2, p. 63

137 Philippe Rahm, Histoire naturelle de l’architecture, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2020, p. 263

138 Fréderic Miallet, Rénovation environnementale, AMC n°285, mars 2020, p. 55 Les postes de consommation d’énergie en France Source : www.edf.fr

75


AMÉLIORER LA QUALITÉ DE VIE

en valeur des espaces extérieurs (végétalisation, désimperméabilisations des sols, développement équipements mobilités douces) mais aussi viser la neutralité carbone au travers d’autres actions que celles de l’économie d’énergie (traitement des déchets, recyclage, économie circulaire, réemploi).

La « réhabilitation énergétique » a une vocation environnementale, mais également sociale car elle se met au service du confort de l’humain et permettre une réduction des factures, ce qui est appréciable pour augmenter son pouvoir d’achat. La réhabilitation peut, dans des cas plus critiques, permettre de lutter contre la précarité énergétique. La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement pose une définition de la précarité énergétique : « est en situation de précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ».139 Evidemment, on peut améliorer le confort d’un logement sans qu’il n’ait atteint la barre de l’inconfort total pouvant conduire à une précarité énergétique de ses occupants.

Lors de la conférence « Accélérateur de la rénovation thermique des logements sociaux » organisée par le Pavillon de l’Arsenal le 5 Mai 2021, Valérie de Brem, directrice générale Élogie-Siemp, et François Brugel, architecte associé de l’agence FBAA, ont présenté le projet de la réhabilitation d’un l’immeuble de 173 logements datant des années 1965-1970, rue du Chevaleret (75013). L’opération de rénovation thermique ouvre et porte le projet qui devient multiple. L’architecte présente trois enjeux majeurs pour ce projet : - Associer pérennité et frugalité dans le même mouvement, ce qui n’est pas si simple. L’inscrire dans la culture matérielle de notre époque. - Améliorer, réanimer, rapprocher le bâtiment de son quartier. Le quartier est très paupérisé donc il y a un réel enjeu social inhérent au projet. - Essayer d’améliorer le quotidien des gens, du point de vue du confort, de la sécurité, du cadre de vies. Donner des signes tangibles pour que l’intervention fasse sens. L’architecte décide ainsi de travailler les murs pignons qui étaient fermés, faire un travail sur le rez-de-chaussée qui fonctionne assez mal par l’installation d’une maison de santé pour raccrocher le bâtiment à la ville, créer des espaces verts eux aussi en lien avec le quartier, et offrir des balcons aux locataires. Plus que le passage d’une étiquette E à une étiquette B, les réactions des

On remarque qu’aujourd’hui la volonté d’être économe en énergie passe au premier plan. Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, il ne faut pas confondre confort et économie d’énergie. Les aspects de mise aux normes, de sécurité, d’esthétique... sont aussi à embarquer dans la réhabilitation. Ainsi, il est judicieux d’accompagner les travaux de réhabilitation thermique à proprement parler à des opérations plus ambitieuses et complètes articulant les travaux énergétique à la valorisation patrimoniale du cadre de vie : mise 139 https://www.ademe.fr/exper tises/ batiment/quoi-parle-t/precarite-energetique 76


Lors de la réhabilitation énergétique de l’immeuble rue du Chevaleret, l’agence a proposé la création d’un rez-de-chaussée ouvert aux habitants pour compléter le projet de remplacement des menuiseries extérieures car ces espaces communs améliorent la qualité de vie dans l’immeuble Source : François Brugel Architectes Associés

habitants sont valorisantes. Il faut rendre les gens plus fiers de leur quartier.

intermédiaire pourrait alors être celle de la prise en compte des envies et besoin des habitants en amont du projet pour nourrir la conception.141

Pour proposer des espaces confortables pour les habitants, encore faut-il s’intéresser à leur ressenti. Souvent aujourd’hui, l’acte de bâtir ou réhabiliter n’implique pas forcément les premiers concernés : les habitants.140 Les concertations et les solutions participatives dans les phases du projet sont alors des solutions idéales pour les projets. Cependant, si l’on est honnête, cela demande souvent une grande organisation et peut compliquer et ralentir considérablement l’acte du projet architectural. Une solution

RENOUER AVEC LE « VIVREENSEMBLE » Nous avons évoqué plus tôt la notion de « confort social »142 et la nécessité de trouver le bon dosage entre collectif et intime pour se sentir bien dans sa résidence. Si le logement collectif parait être la solution la plus efficace contre l’étalement urbain, encore faut-il que les individus s’y sentent bien pour 141 Voir exemple du diagnostic de la résidence La Tourre, p. 88

140 Christophe Castaros, dans l’ouvrage dirigé par Patrick Bouchain, Construire ensemble le grand-ensemble, Éditions Actes Sud, mai 2010, p. 2

142 Voir Partie I.2. Le confort, une notion plurielle, p. 39 77


choisir ce mode d’habiter plutôt que le pavillonnaire par exemple.

SAUVEGARDER LE PATRIMOINE DES TRENTE GLORIEUSES AVEC LES RÉHABILITATIONS

L’un des problèmes des grandsensemble est qu’ils ont parfois été construits comme des accumulations de cellules (parfois des petites cellules) et que les espaces communs ne sont pas si généreux. On arrive alors à l’image de la « cage à lapins ». Il y a un véritable enjeu pour certains bâtiments de retravailler les espaces communs pour les rendre plus accueillants et conviviaux pour les résidents. On peut aller plus loin en imagianant des espaces en plus à partager entre les locataires. C’est un dispositif qui est par exemple de plus en plus mis en place dans les résidences universitaires neuves : les étudiants qui ne bénéficient que d’un studio personnel peuvent alors organiser des réunions dans la cuisine commune, regarder un film ensemble dans la salle vidéo. Certes, ces espaces supplémentaires ne sont pas directement des espaces louables, mais ils participent pleinement à l’amélioration du bien-être des habitants de la résidence. C’est très certainement un dispositif à généraliser, y compris dans le logement social.

Si la recherche du confort et la durabilité sont les premiers objectifs cibles pour les réhabilitations, il ne faut pas occulter l’aspect patrimonial. Nous avons mis en évidence les valeurs patrimoniales des logements collectifs des Trente Glorieuses144. Pour ces diverses raisons nous considérons que l’on est face à un réel patrimoine architectural et qu’on a intérêt à la conserver car il fait partie de notre passé, qui a forgé notre identité présente. Notre regard sur le passé sera induit par les choix de transmission que nous faisons aux générations futures. Ainsi, pour prolonger l’espérance de vie de ces édifices, on peut procéder à des réhabilitations qui en prolongeront l’usage, s’appuyant sur leurs qualités intrinsèques (qualité urbaine, mutabilité...) FAIRE PRENDRE DE LA VALEUR À UN BIEN Une réhabilitation est un investissement au bénéfice des édifices car elle permet entre autres de baisser les risques de pathologies structurelles et sanitaires futurs, rendant l’édifice plus durable. Forcément, un immeuble en bon état a plus de valeur qu’un immeuble pour lequel il faudra investir dans des travaux. Une réhabilitation performante permet une meilleure maîtrise des charges, l’amélioration du confort pour les habitants ainsi que la mise ne valeur du bien.

Dans son ouvrage « Construire ensemble le grand-ensemble », l’architecte Patrick Bouchain ouvre le débat sur cet « habiter ensemble » solidaire. Pour lui, la conception du logement, même social, devrait être fait avec les réflexions des occupants. Il étend ainsi la notion du « vivre-ensemble» au « concevoir ensemble » et « expérimenter » plutôt que « programmer ».143

143 Patrick Bouchain, Construire ensemble le grand-ensemble, Éditions Actes Sud

144 Voir partie II.2, Valeurs patrimoniales des grands-ensembles, p. 63 78


LA QUESTION DU COUT ET DE L’ORGANISATION DU PROJET

Selon les moyens on peut envisager différentes envergures dans la réhabilitation : - on peut choisir des travaux pour une valorisation immédiate, mais pas forcément un résultat global (gérer le confort d’été, le confort d’hiver, le confort d’usage, la mise en valeur patrimoniale...) car on n’a pas les moyens de mettre ceci en œuvre en une seule fois et on se focalise sur un point (par exemple c’est souvent le confort d’hiver avec l’isolation). Cette démarche est à expliquer au maître d’ouvrage qui doit comprendre qu’il paie une réhabilitation incomplète. - on peut avoir les moyens d’une réhabilitation plus complète avec des résultats à plus long terme, avec un coût global. Il faut faire au mieux selon les situations et il faut forcément faire des choix.

La question économique est souvent tendue pour les projets de réhabilitation. Cet aspect peut être un véritable frein. Par exemple, la nécessité d’un désamiantage est fréquente, mais aussi coûteuse, et peut facilement reporter une opération de réhabilitation, notamment dans le secteur du logement social. « L’idéal est de réaliser l’ensemble des travaux en une seule fois. Malheureusement ce n’est pas toujours possible financièrement. Dans ce cas, il faut phaser les travaux et prévoir les interfaces entre lots. Par exemple, si pour des raisons économiques on change uniquement les menuiseries et la ventilation mais que l’on n’anticipe pas comment une future isolation en façade viendra se raccorder aux menuiseries : le projet sera dans une impasse ! En revanche si les nouvelles menuiseries sont posées de sorte qu’une isolation en façade puisse à terme se raccorder sans pont thermique et de manière étanche à l’air et à l’eau, on conserve la capacité d’atteindre la cible BBC dans le futur ».145

L’OPPORTUNITÉ D’UN MARCHE ECONOMIQUE Les architectes ont encore tendance à se positionner plus nombreux sur des projets de construction neuves que des projets de réhabilitation. Or, à une époque où la volonté d’arrêter l’étalement urbain fait consensus, il est plus qu’intéressant de s’intéresser au « déjà-là » et de développer ses compétences en ce sens.

Le phasage des travaux peut devenir une solution si on n’a pas les moyens de réaliser une réhabilitation complète en une seule fois. Cependant, il faut encore plus réfléchir à l’organisation du projet dans le temps car il faut essayer d’anticiper des futurs travaux qui auront peut-être lieu dans des années, quand on aura enfin les moyens.

« Si la construction neuve peut avoir un aspect plus prestigieux , avec une rénovation on inscrit l’histoire du bâtiment dans une continuité. C’est très important car la morphologie du bâtiment existant nous oblige, architectes, à composer avec cette histoire faite par un autre concepteur,

145 MOOC Rénovation performante, les clés de la réhabilitation énergétique, ASDERArcanne, 2017 79


compétences spécifiques, et est source de réelles opportunités pour les professionnels (architectes, maîtres d’œuvre, entreprises). Se spécialiser dans la réhabilitation c’est s’assurer une montée en compétences dans un domaine pour les acteurs. Ce champ d’action n’est pas sur le devant de la scène aujourd’hui mais il deviendra forcément majeur si l’on observe l’évolution des réglementations d’urbanisme, et l’objectif « Zéro Artificialisation Nette ».149

ou le même 30 ans avant. » 146

Dans la construction neuve, les maîtres d’œuvre sont souvent assujettis et bloqués par le programme du maître d’ouvrage, alors que dans la réhabilitation les maîtres d’œuvre plus qualifiés ont des vraies compétences techniques à apporter pour trouver les meilleures solutions pour valoriser le bâti existant. Les tests d’étanchéité à l’air à la fin d’un chantier de réhabilitation permettent de valider et faire reconnaitre le travail des professionnels, ce qui valide leur valeur ajoutée dans le projet de réhabilitation. Les projets de réhabilitation sont techniques et les entreprises peuvent être force de proposition.

Il faut aussi penser que pour une réhabilitation réussie, les clients seront satisfaits et par conséquent.… ils vous amèneront potentiellement d’autres affaires ! De même, si une réhabilitation est bien exécutée, des retours sur chantier ne seront pas nécessaires et donc le travail sera rentable pour les professionnels de la réhabilitation.

« Ces nouveaux sujets de réhabilitation permettent aussi d’ouvrir la commande à des entreprises plus artisanales et être à l’initiative de nouvelles filières d’apprentissage, de nouveaux métiers. »147 « En 2017, le chiffre d’affaire consacré à l’entretien-rénovation était déjà estimé à plus de 77 milliards d’euros »148

La réhabilitation est un marché économique d’importance, et en devenir. Il fait appel à de nombreuses 146 Marie Schweitzer, architecte, Accélérateur de la rénovation thermique des logements sociaux, conférence organisée par le Pavillon de l’Arsenal, 5 Mai 2021 147 Hélène Schwoerer, Directrice générale adjointe Paris Habitat OPH, Accélérateur de la rénovation thermique des logements sociaux, conférence organisée par le Pavillon de l’Arsenal, 5 Mai 2021 148 Colas Paris, Ingénieur bâtiment à la direction régionale Auvergne Rhône-Alpes de l’ADEME, MOOC Rénovation performante, les clés de la réhabilitation énergétique, ASDERArcanne, 2017

149 80

Voir Objectif 1.3 ci-contre


« Objectif 1.3 - Limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette. L’étalement urbain et l’artificialisation des sols, en détruisant et en morcelant les espaces naturels, agricoles et forestiers, contribuent directement à la dégradation du fonctionnement des écosystèmes et à l’érosion de la biodiversité. Les politiques d’urbanisme et d’aménagement commercial seront revues afin d’enrayer l’augmentation des surfaces artificialisées (bâtiments, infrastructures de transports, parkings, terrains de sports...), de favoriser un urbanisme sobre en consommation d’espace et d’améliorer la mise en œuvre de la séquence « éviter – réduire – compenser »150

Le Plan biodiversité vise à renforcer l’action de la France pour la préservation de la biodiversité et à mobiliser des leviers pour la restaurer lorsqu’elle est dégradée. Dévoilé le 4 juillet 2018, il a pour objectif d’améliorer le quotidien des Français, et de garantir celui des générations à venir.

150 https://www.ecologie.gouv.fr/planbiodiversite 81


2. La phase incontournable du diagnostic : exemple de la résidence la Tourre à Orange diagnostic.

Dans le projet de réhabilitation, la phase de diagnostic (DIAG) est primordiale. Il s’agit d’évaluer les particularités d’un édifice : ses qualités et ses faiblesses afin de déterminer les travaux de réhabilitation le plus justement possible. Le diagnostic doit être complet et multiple. Pour cette partie, on prendra comme exemple du diagnostic de la résidence la Tourre à Orange. Propriété du bailleur social Vallis Habitat, la résidence est séparée en trois bâtiments et compte 259 logements (c’est assez peu pour être considéré comme un grand-ensemble, mais à l’échelle de la moyenne ville d’Orange, c’est tout de même un nombre conséquent qui peut justifier cette appellation).

L’IMPORTANCE DU DIAGNOSTIC Le diagnostic des édifices existants doit aujourd’hui prendre en compte deux dimensions : - L’analyse de la qualité architecturale et patrimoniale, réalisée par l’architecte qui peut s’accompagner d’historiens ou autres spécialistes - L’analyse technique réalisée par le maître d’œuvre (architecte ou non) qui peut s’accompagner de bureaux d’études ou autres spécialistes. Le diagnostic doit permettre de trouver le bon équilibre entre les aspects patrimoniaux, les contraintes économiques et les exigences énergétiques. Pour ce projet, la motivation principale est celle de l’économie des énergies (atteindre un niveau de performance HPE). Cependant, on ne peut pas rester uniquement focalisé sur un cet objectif unique si on veut réaliser la meilleure réhabilitation. Il faut aussi y associer les objectifs de la mise en conformité des

Le diagnostic est réalisé dans le cadre d’un futur projet de réhabilitation de l’enveloppe et des logements dessiné par l’agence Perrin François Seidel, accompagné du maître d’œuvre MBIngénierie (chez qui je travaille). Les travaux seraient souhaités en 2023. Dans cette partie on ne parlera pas du projet mais on restera focalisé sur la phase de 82


Résidence La Tourre, Orange (84), Roger Denizon architecte, 1965 Source : https:// earth.google. com/

appartements et l’amélioration du cadre de vie des locataires.

DIAGNOSTIC MULTIPLE Le diagnostic du maître d’œuvre doit permettre : - L’analyse de l’architecture des bâtiments existant pour déterminer les éléments de la qualité architecturale du bâti (diagnostic architectural) - L’étude du contexte urbain et les espaces publics attenants (diagnostic urbain) L’examen des contraintes administratives et réglementaires (diagnostic réglementaire) - L’étude du ressenti des locataires dans les logements (diagnostic du confort selon les habitants) - L’étude des équipements techniques pour s’assurer de leur conformité (diagnostic des équipements techniques) - La détection potentielle d’amiante ou plomb - La vérification de la cohérence du programme de réhabilitation au regard des points précités ainsi que la hiérarchisation des objectifs et évaluer les priorités d’intervention (pour anticiper les phases suivantes).

« Une réhabilitation énergétique associant la performance et le confort d’usage doit prendre en compte, dès la conception du projet, l’impact de la rénovation sur l’inertie thermique du bâtiment, les conditions de la mise en œuvre de l’étanchéité à l’air et de la suppression des ponts thermiques, les comportements futurs des occupants et leur capacité d’adaptation, le tout dans le respect bien évident de la réglementation thermique et... la maitrise des coûts. Pour intégrer ces différents aspects, la nécessité d’une approche intégrée (associant les facteurs techniques, économiques et humains) est évidente. »151

151 Catherine Charlot-Valdieu, Philippe Outrequin, Réhabilitation énergétique des logements, Éditions Le Moniteur, 2018 83


DIAGNOSTIC ARCHITECTURAL

abord comme sans intérêt. »

« Si l’objectif d’économie d’énergie est bien sûr une priorité, à l’échelle nationale, beaucoup d’opérations ont été menées hâtivement sans prise en compte de la qualité architecturale des édifices qui est souvent jugée de prime

Le label Architecture Contemporaine Remarquable protège un certain nombre d’édifices remarquables mais cet inventaire n’est pas exhaustif. Tout

152

152 APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, Pratiques actuelles/nouveaux enjeux, 2016, p. 40

Façades de la résidence la Tourre Source : photographies personnelles

84


Pathologies des façades Source : photographies personnelles

édifice, le plus banal qu’il puisse être, peut présenter un intérêt architectural.

Les bâtiments présentent 2 façades types : les façades cuisine/chambre et les façades séjour/chambre. Chaque appartement est ainsi traversant, ce qui est une véritable qualité pour les appartements qui peuvent être ventilés naturellement et plus lumineux.

Nous sommes ici en présence d’immeubles datant de 1965 (précisé sur les plans que le bailleur avait en sa possession). L’architecte est Roger Denizon. Il a été architecte départemental du- Diagnostic Vaucluse de 1950 à Réhabilitation Résidence La Tourre - IND A 153 1962 . Il a été accrédité par le MRU154 en tant qu’ « architecte de la Reconstruction ».155 Cette procédure d’agrément des architectes mise en place par le MRU a servi pour organiser et contrôler la Reconstruction des villes détruites. En effet, pour prétendre aux marchés de reconstruction financés par l’État (bâtiments publics et travaux pour les associations de sinistrés), les architectes devaient obtenir cet agrément.

Pour les façades côté cuisine, l’architecte a proposé pour des longues façades rythmées par des bandeaux de fenêtres verticaux et des habillages en claustras pour une pièce supplémentaire à chaque logement : un cellier hors d’eau mais pas hors d’air accolé à la cuisine. Cependant, le mur entre cuisine et cellier n’est pas isolé, ce qui génère un inconfort pour les locataires. Pour les façades côté séjour nous sommes en présence de loggias en porte-à-faux qui offrent un espace extérieur de 9m² à chaque appartement. Ces façades ont une écriture assez épurée.

153 FRAD084_4 N : référence du dossier aux archives départementales du Vaucluse 154 Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, voir p. 54

Des campagnes d’isolation ont été réalisées mais cette isolation s’est aujourd’hui dégradé et confère un aspect vétuste au bâtiment, en plus de ne plus être suffisamment efficace.

155 19771065/79, n° d’agrément : 3327 DENIZON, Roger : référence du dossier de demande d’accréditation aux archives nationales 85


L’état général est vétuste et présente des fissures, éclats, farinage, encrassement biologique et présence de microorganismes. Les joints de dilatation sont eux aussi dans un mauvais état. Les teintes des façades sont variées, certainement à cause de ravalements successifs, ce qui nuit à l’image de la résidence. Les façades sont pas ou peu (5-6cm) isolées.

situation géographique de la résidence représente un véritable atout. Les espaces extérieurs (routes, espaces verts, signalisation...) souffrent d’un manque d’entretien et sont globalement dégradés. L’organisation et la qualité d’aménagement des espaces extérieurs constitue pourtant un aspect crucial pour la perception et le bien-vivre d’un quartier. Malgré cela, ce volet est trop souvent considéré comme secondaire dans les opérations de réhabilitation. Sur ce projet, les cœurs d’îlot colonisés par le stationnement sont à repenser entièrement. Les trois îlots ont un angle ouvert, qui donne accès à l’espace central, aménagé avec quelques espaces verts et du stationnement. Le nombre de places de stationnement en cœur d’îlot correspond au nombre de logements desservis depuis cet espace. Le reste du stationnement s’organise sur la voie publique, à l’extérieur des îlots, en bord de trottoir, et sur les parkings au NordEst de la résidence. Nous constatons du stationnement sauvage, qui s’explique d’une part par l’augmentation du nombre de véhicules par logement, mais aussi par la volonté de certains habitant de se garer directement devant leur entrée. On pourrait par exemple proposer d’inverser l’accès des cages d’escalier accessibles depuis la rue pour augmenter la fréquentation piétonne en cœur d’îlot, mais évidemment, cela aurait un coût et les locataires ne seraient certainement pas tous prêts à se garer plus loin dans le quartier. L’hypothèse de contrôler l’accès des cœurs d’îlot est, à notre sens, peu utile sur cette résidence car les problèmes de parking ne semblent pas dus à des personnes externes. Par ailleurs,

Une inspection des toitures (ici plates et tuiles) est également effectuée. Il n’y a pas de fuite ou de problèmes mais certaines tuiles doivent être remplacées et les acrotères non réglementaires doivent être rehaussés. Il serait préconisé d’isoler ces toitures qui ne le sont pas. Les menuiseries extérieures sont assez grandes, ce qui offre une bonne luminosité aux logements. En revanche, ces surfaces vitrées relativement importantes impliquent la nécessité d’une protection solaire efficace. Aujourd’hui ce sont des persiennes métalliques, parfois en mauvais état, qui assurent ce rôle. Les garde-corps barreaudés ne protègent pas l’intimité des locataires qui installent généralement individuellement des dispositifs d’occultation qui nuisent à l’unité de la résidence. DIAGNOSTIC URBAIN ESPACES COMMUNS

ET

DES

La résidence La Tourre est située au Sud-Ouest du centre-ville, dans un quartier résidentiel mixte, constitué de villas, de logements collectifs, divers équipements publics, et quelques commerces de proximité. Le centreville est situé à 10 minutes à pied. Globalement, nous considérons que la 86


Espaces extérieurs de la résidence la Tourre Source : photographies personnelles

les facteurs d’insécurité constatés (trafics divers, regroupements, …) ne se concentrent pas sur les cœurs d’îlots mais aux abords de la résidence, leur clôture ne changerait pas grand-chose.

qualitatifs, résiduels au milieu des places de parking, et surtout dégradés. En été les arbres existants ne sont pas suffisants pour garantir la fraicheur. Les espaces communs (halls) sont aussi visités afin d’estimer leur état pour prévoir des futurs travaux de mise

Hormis de beaux arbres, les espaces verts des cœurs d’îlots sont peu 87


en conformité (accessibilité) et mise en valeur. En effet, les murs et sols mériteraient une réfection.

au-dessus de la cote de référence. Pour ce qui concerne les réglementations incendie, les immeubles ont une hauteur d’environ 11ml pour les R+3 et 14 ml pour les R+4. Les immeubles en R+3 sont classés en 2ème famille. Les immeubles en R+4 sont classés en 3ème famille A. La réglementation incendie applicable en réhabilitation pour ces immeubles est la circulaire 82-100 du 3/12/1982. Le principe de cette circulaire est que les travaux de réhabilitation ne doivent en aucun cas aggraver les risques dus à un incendie. Il n’y a pas d’obligation de se conformer aux normes de protection incendie actuelles. Néanmoins, dans le cadre d’une réhabilitation de cette envergure, il parait judicieux d’améliorer la sécurité incendie en se rapprochant, là ou techniquement faisable et financièrement raisonnable, de la réglementation actuelle. Les interventions proposées seront spécifiées dans le descriptif APS.

DIAGNOSTIC RÉGLEMENTAIRE L’analyse réglementaire s’intéresse aux documents d’urbanisme auxquels sont soumis les édifices (PLU, PSMV, PPRI...) ainsi que l’ensemble des réglementations à appliquer aux bâtiments (sécurité incendie, accessibilité...). L’étude est nécessaire pour la conception des futurs projets. La résidence La Tourre est située dans une zone UC du PLU. C’est une « zone à dominante résidentielle dense présentant une diversité fonctionnelle et des formes urbaines diverses. La zone UC correspond à une zone urbaine mixte regroupant l’ensemble des fonctions urbaines, habitat, équipements publics, commerces et activités économiques.»156 Les règles de cette zone sont assez classiques pour un PLU, à savoir des obligations de respecter des hauteurs maximales ou normes de stationnement...

DIAGNOSTIC DU CONFORT SELON LES HABITANTS L’approche quantitative des économies d’énergie est à associer à une étude qualitative du cadre de vie des habitants. Pour ce diagnostic, l’équipe de maitrise d’œuvre a mis en place des dispositifs pour être au plus près des attentes des locataires pour le projet de réhabilitation. Des visites de chacun des logements ont été organisées, accompagnées de questionnaires remplis par les habitants (sur une tablette numérique grâce à un logiciel/application) sur des questions de l’état des surfaces et équipements, mais aussi sur leur ressenti dans leur appartement (bruits, courants d’air, sentiment de sécurité...). Toutes les données sont collectées grâce au logiciel (Kizeo) et traitées par l’équipe

La parcelle étant situé dans le rayon de protection de monuments historiques classés (rempart romain d’Orange et colline Saint-Eutrope), le projet envisagé devra être soumis au regard de l’Architecte des Bâtiments de France de la zone. Sur le périmètre du projet s’applique le PPRI Aygues, Meyne et Rieu. Les parcelles du projet sont situées en zone verte, correspondant à un aléa résiduel. Les prescriptions applicables sont assez peu contraignantes, mais les installations vulnérables seront à implanter à 20cm 156

Règlement du PLU d’Orange 88


-

persiennes accordéon structure métallique et remplissage bois. Fenêtre 4 vantaux (2 ouvrants et 2 fixes) en PVC pour les salons en RDC. Elles présentent des occultations de type persiennes accordéon structure métallique et remplissage bois. Porte fenêtre 2 vantaux ouvrants en PVC pour les chambres et cuisines. Elles présentent des occultations de type persiennes accordéon structure métallique et remplissage bois.

Présence de courants d'air :

39% 31%

Raison principale (74 réponses) :

Oui

Fenêtres ou portefenêtres

71%

Non

30% 1%

Sans réponse ou appartement vacant

Ventilation

11%

17%

Porte cuisine

Porte palière

Gêne par le bruit :

Raison principale (90 réponses) :

Oui

57%

53%

34%

47%

Bruits de la rue

Bruits des logements voisins

9%

Non

Bruits des parties communes

Nousmaitrise avons constaté lors de nos visites sur visites site que, de manière générale, les menuiseries extérieures des logements de d’œuvre. Ainsi, 233 de branchement présentent des ponts thermiques des logements (sur 259importants. logements) - Le réseau de terre Près d’un tiers des locataires interrogés ressentent des courants d’air à l’intérieur de leurdes logement, principalement à ont été effectuées et documentées - Le câblage et douilles luminaires cause de leurs menuiseries extérieures en PVC. grâce à diverses investigations - Les alimentations électriques Plus de la moitié des locataires interrogés se dit gênée par le bruit, notamment celui provenant de la rue. (inspection visuelle, relevés, reportage - Les appareillages et courants forts photographique, analyse technique - Les appareillages et courants faibles La plupart des persiennes sont d’origine et dégradées par le temps. des équipements, questionnaires aux - Les appareils de réception TV et Les teintes des occultations ne sont pas unifiées : certaines sont peintes en bleu, d’autres en vert, d’autres laissées en locataires). Avec ces informations téléphone bois naturel. Cette diversité nuit à l’image de la résidence. compilées157, il est possible de concevoir - Les équipements de ventilation, un projet de réhabilitation cohérent notamment en toiture en ciblant les besoins des locataires et - Les conduits de ventilation les travaux réellement nécessaires. Les - Les entrées d’air des menuiseries travaux en site occupés étant souvent extérieures compliqués, cela permet de bien - Les bouches d’extraction anticiper les localisation des travaux - Les grilles de transfert d’air entre les pour chaque appartement et ainsi de pièces humides Réhabilitation Tourre - Diagnostic - IND A gagner en Résidence efficacitéLaen phase chantier. - Les chaudières - Les évacuations des fumées DIAGNOSTIC DES ÉQUIPEMENTS - Les radiateurs TECHNIQUES - Les thermostats pour la régulation du chauffage Une analyse par un professionnel - Les évacuations EU-EV (bureau d’études spécialisé) est - Les alimentations et gaines gaz souhaitable pour évaluer la conformité - Les alimentations en eau potable des équipements comme : - Les tableaux électriques/disjoncteurs Un professionnel doit également réaliser une étude acoustique pour garantir le 157 Voir p. 90-91 confort des locataires.

89


SOL PLINTHES MUR

CUISINE

ENTRÉE 3 NOM DU LOCATAIRE Tarfaoui

SOL PVC

Carrelage Vétuste

ÉTAT Vétuste

PLAFOND

MUR

MEUBLE ÉVIER

PLINTHES

SOL

1

0 Vétuste

TYPOLOGIE 5

SATELLITE SOUHAITÉ ##satellite_souhaite##

PVC lès

Vétuste

ÉTAT Bon

PLINTHES

SOL

Peinture

Peinture

Bois

PVC lès

Moyen

Vétuste

ÉTAT Bon

CHAMBRE 4

DURÉE DE PRÉSENCE Entre 5 et 10 ans

Bois

MUR

0

Moyen

PLAFOND

Moyen

Vétuste

ÉTAT

Bon

0

1

NOMBRE INTERRUPTEUR

3

PRISE TÉLÉPHONE

ÉCLAIRAGE

0

OBSERVATION CHAMBRE 4

PRISE TV ÉTAT DU RADIATEUR

Moyen

PRISES DE COURANT

ELECTRICITÉ

PLACARD

Bon

0

1 Douille

Peinture

0

OBSERVATION CHAMBRE 1

PRISE TV ÉTAT DU RADIATEUR

Bon

ÉTAT

Moyen

ENTRÉE

PVC lès

Moyen

CHAMBRE 2

Bois

Moyen

ÉTAT

Gouttelette peinte

CHAMBRE 1

RÉSIDENCE LA TOURRE - VALLIS HABITAT - VISITE DES LOGEMENTS NUMÉRO DU LOGEMENT 23

ÉTAT Bon PLINTHES Mauvais

SALLE DE BAIN

PVC lès Vétuste

Mauvais

POSTE D'AMÉLIORATION Électricité

PVC Peinture

PLACARD

Peinture Bon

MUR

Moyen

Bon

PLAFOND

Mélangeur

Autoportant

1

Moyen

Moyen

LAVABO

INTERRUPTEUR

3

Moyen

ROBINETTERIE LAVABO Bon

PRISES DE COURANT

Peinture

Bon Oui Moyen

PRISE TÉLÉPHONE

ÉCLAIRAGE

Peinture, Toile de verre

ÉTAT

Non

Grès

Moyen

Vétuste

0

Inox FAÏENCE LAVABO

Mitigeur

NOMBRE

CUISINE ÉQUIPÉE

Moyen Douche

Faïence Oui

INTERRUPTEUR

ELECTRICITÉ

ÉVIER Mélangeur Moyen

HABILLAGE BAIGNOIRE

ROBINETTERIE BAIGNOIRE

ROBINETTERIE ÉVIER Oui Mélaminé

Bon

Bon

1 Douille

1 FAÏENCE BAIGNOIRE Non

PRISES DE COURANT 16A

Moyen

Oui

BRAN. MAC. À LAVER

Non

Non

Conforme

BIDET

1

PRÉSENCE DE WC

ÉTAT

Non Moyen

Bon

Moyen

BRAN. MAC. À LAVER

PLAFOND

ÉTAT

FAÏENCE SUR ÉVIER

R. O. A. I. HOTTE ASPIRANTE

Moyen NOMBRE

1 NOMBRE

Moyen

Moyen

ELECTRICITÉ

SAUNIER DUVAL

1

PLACARD

3 1

Bon

PLINTHES

Peinture, Toile de verre

90

CHAUFFE BAIN

INTERRUPTEUR

LINOLITE

PVC lès

Vétuste

MUR

Source : diagnostic résidence la Tourre par MBIngénierie

ELECTRICITÉ

PRISES DE COURANT 0

Bois

Moyen

0

Peinture

SOL Peinture

PLACARD

PLAFOND

SOL MUR

Moyen

ÉTAT

0

Peinture

1 0

Vétuste

PLACARD

ÉTAT

ELECTRICITÉ

NOMBRE

ELECTRICITÉ

INTERRUPTEUR

ÉCLAIRAGE

OBSERVATION ENTRÉE

Bon

0

PVC lès

Moyen

Mauvais

PRISE TÉLÉPHONE

NOMBRE

PLAFOND

1 Douille

PRISES DE COURANT ÉCLAIRAGE

Moyen

ÉTAT

1

1 Douille OBSERVATION SALLE DE BAIN

SÉJOUR

0 Vétuste

OBSERVATION CHAMBRE 2

Bois

DÉGAGEMENT

Peinture

SOL

MUR

ÉTAT

CHAMBRE 3

ÉTAT DU RADIATEUR

PRISE TÉLÉPHONE

PVC lès

Bon

Bon Bois

Bon

Moyen

INTERRUPTEUR

ÉCLAIRAGE

SOL

Peinture

0

Peinture Peinture

PRISE TV

Moyen

PLINTHES

PLINTHES

3

Moyen

ÉTAT

MUR

Bon

ÉTAT

PRISES DE COURANT

ÉTAT DU RADIATEUR

Bon

PLAFOND

Équipement électrique dans le volume d'eau : Oui

Vétuste

Moyen

Bon

LINOLITE

1 Douille

1 1

ATTENTE ou PC32A ÉCLAIRAGE RADIATEUR OBSERVATION CUISINE Présence d'une hotte parisienne : Oui

PVC lès

Mauvais

WC

PVC

SOL

Peinture

PLINTHES MUR

1

Moyen

NOMBRE

1 Luminaire ÉCLAIRAGE

4 ÉTAT

SOL

PLINTHES PLINTHES

Bon

Moyen

Vétuste

Moyen

Bois

1

PVC lès 1

Moyen

Moyen

Moyen

Moyen

ÉTAT

Peinture

Peinture

NOMBRE DE PLACARD

PLAFOND

MUR

Moyen

PRISE TÉLÉPHONE

Moyen

Peinture

2

NOMBRE

0

0

OBSERVATION DÉGAGEMENT

1 Douille

1 PLAFOND

PRISE TV ÉTAT DU RADIATEUR

OBSERVATION SÉJOUR

INTERRUPTEUR

ELECTRICITÉ ÉTAT

PRISES DE COURANT

PRISE TÉLÉPHONE

ÉCLAIRAGE

Vétuste Moyen Non 1 Douille

0 Moyen OBSERVATION CHAMBRE 3

0

3

1

NOMBRE

0

PRISE TV ÉTAT DU RADIATEUR

PRISE TÉLÉPHONE

ÉCLAIRAGE

PRISES DE COURANT

INTERRUPTEUR

ELECTRICITÉ

PLACARD

Vétuste

PRISES DE COURANT

INTERRUPTEUR

ELECTRICITÉ Moyen

Mauvais

1 Douille

Non

Peinture

OBSERVATION WC

1

NOMBRE

PLAFOND ÉTAT DES WC

ELECTRICITÉ

CHASSE ÉCONOMIQUE

INTERRUPTEUR ÉCLAIRAGE

toilette ce bouche tout le temps

Observation logement 23 : Tableau électrique : Non-conforme Observations du locataire :

Fiche synthétique des réponses au questionnaire du confort proposé à chaque locataire


2.1.4 Salles de bain Représentation graphique synthétique : Peinture

Types de murs :

État des murs :

Tapisserie 3% 4%

64% 15%

Toile de verre

21%

Faïence

10%

Moyen Vétuste

50%

Lambris PVC

Mauvais

Autre

3% 1%

Types de sol :

État des sols :

PVC lès

Moyen

16%

Carrelage

19%

Bon 20%

24%

PVC dalles

25%

53%

Vétuste 40% Mauvais

Autre

3%

État des plafonds :

Types de plafonds : Gouttelette brute

15%

71%

2% 2% 5% 4%

38%

Gouttelette peinte

30%

Lambris PVC Polystyrène

9%

État de la robinetterie des lavabos :

Bon Moyen

71% 21%

Vétuste

État de la robinetterie des douches ou baignoires :

3%

Vétuste

Bon Moyen Vétuste

7% Mauvais

2%

Moyen

Mauvais

Autre

66%

72%

3%

29%

Toile de verre

État des faïences (lavabos et douches/baignoires) :

23%

Bon

Peinture

1%

11%

23%

6%

Gouttelette peinte

Bon

1%

Mauvais

Bon Moyen

14%

Vétuste

Mauvais

Synthèses graphiques des réponses de tous les locataires pour les questions concernant les salles de bain Source : diagnostic résidence la Tourre par MBIngénierie Réhabilitation Résidence La Tourre - Diagnostic - IND A

91


3. Dispositifs de réhabilitations d’immeubles des Trente Glorieuses Nous avons vu que les édifices du XXème siècle sont très inégaux dans leur rapport au confort. Si pour certains ce volet a totalement été pris en compte et a même été une composante importante du projet, certains autres architectes ne semblent pas avoir vraiment bien considéré la question et les bâtiments présentent aujourd’hui des carences à ce niveau. La réhabilitation est alors souhaitable pour maintenir une agréabilité de vie dans ces logements et leur permettre de traverser encore des décennies. Le patrimoine étant très hétérogène, un diagnostic individuel de chaque bâtiment est indispensable. Par la suite, nous présenterons, au travers d’exemples, différents dispositifs de réhabilitation des édifices de logements collectifs.

patrimoine, soulevait la problématique du « positionnement du curseur entre la réfaction à l’identique ou le nouveau projet architectural »158. C’est le diagnostic qui permet de définir ce qui fait patrimoine et ce qui a du sens pour un bâtiment. Ainsi, plusieurs postures peuvent se dessiner, de la plus discrète à la plus visible pour actualiser les usages des bâtiments. Il y a autant de natures de réhabilitations qu’il y a de bâtiments et d’usages. Nous présenterons différents dispositifs de mise en œuvre pour des réhabilitations, s’appuyant sur des exemples de références. Il ne sera pas question de détailler chaque projet, mais d’observer chaque réhabilitation au travers d’une grille unique pour juger la réalisation selon des critères :

Lors de la journée d’études L’architecture du XXème siècle : Reconnaitre, restaurer transmettre organisée par Docomomo France et la Cité de l’Architecture & du patrimoine le 15 avril 2021, Marie-Hélène Contal, directrice du développement culturel de la Cité de l’architecture & du

158 L’architecture du XXème siècle : Reconnaitre, restaurer transmettre, journée d’étude organisée par Docomomo France et la Cité de l’Architecture & du Patrimoine, 15 avril 2021 92


- aspect énergétique - aspect confort de vie - aspect patrimonial - aspect économique

CHANGEMENT DE MENUISERIES « Dispositif fonctionnel et esthétique, la menuiserie de fenêtre participe pleinement du dessin de façade et concourt à l’expression architecturale du bâti. Travaillée avec soin et savoirfaire, agrémentée d’éléments de serrurerie raffinée, elle contribue à la qualité des ambiances intérieures et au confort de vie. »159

Evidemment, ce sont des exemples parmi tant d’autres, mais ils nous permettront d’évoquer certains sujets récurrents en terme de réhabilitation des immeubles des années 1945-1975 en France.

Les menuiseries font partie des éléments principaux de la façade d’un bâtiment, et sont également souvent au cœur des problématiques de réhabilitation car elles sont au cœur des problématiques de déperditions thermiques pouvant jouer sur l’inconfort tout en étant des éléments de second œuvre délicats. Cas d’étude sélectionné : Réhabilitation de la résidence Point du Jour160 Ville : Boulogne-Billancourt (92) Architecte bâtiment : Fernand Pouillon Année de construction : 1957-1963 Programme : 2 260 logements répartis sur plusieurs immeubles de 1 à 15 étages avec espaces verts et bassin centraux Reconnaissance patrimoniale : label patrimoine du XXème siècle obtenu en 2008 Maître d’œuvre réhabilitation : Atelier 11 Année de la réhabilitation : 2018 Coût de la réhabilitation : ? Les appartements de la résidence avaient besoin d’une meilleure isolation thermique et phonique. La rénovation de ces menuiseries s’avère colossale. 159 Diane Bouteiller, Qualités et ambiances des menuiseries de fenêtre, Monumental semestriel 1 2020, p. 96 160 http://www.lorillard.fr/actualite/ fiche/5-mai-2021-85-ans-de-renovation 93


Résidence le Point du Jour de Fernand Pouillon en 2014 Source : Jacqueline Poggi photographe

Remplacement des menuiseries de la résidence le Point du Jour en 2018 Source : http:// www.lorillard. fr/actualite/ fiche/5-mai2021-85-ans-derenovation

Empreintes du style architectural de Fernand Pouillon, certaines portesfenêtres mesurent plus de 24 m de long et donnent sur des balcons filants. Les menuiseries choisies pour ce projet de réhabilitation s’inscrivent dans la même trame et la même teinte que l’existant. La volonté est de rendre la rénovation imperceptible.

phonique grâce à des menuiseries contemporaines adaptées. Aspect patrimonial : prise de valeur du bien qui sera plus durable, en ayant gardé son esthétique. Aspect économique : moins de dépenses énergétiques. Le remplacement des menuiseries est un poste coûteux (surtout pour ces grandes baies vitrées) mais c’est un investissement sur le long terme pour la résidence.

Aspect énergétique : moins de déperditions grâce à des menuiseries contemporaines adaptées. Aspect confort de vie : moins de courants d’air, meilleure isolation 94


banalisée avec des édifices anciens « déguisés » en bâtiments récents. Cette « défiguration » est un vaste sujet. Il est évoqué par l’historienne et architecte Anne Wilson dans un article intéressant de la revue Criticat.162 Cependant, il est quand même possible de conserver les modénatures des façades en mettant en place une ITE, si on se donne les moyens de travailler les détails. C’est ce qu’ont réalisé les architectes de le réhabilitation de la Cité de l’Étoile à Bobigny.

ITE L’Isolation Thermique par l’Extérieur est un véritable sujet. D’un côté c’est la solution la plus efficace pour isoler les bâtiments existants en améliorant l’inertie thermique et en limitant au maximum le nombre de ponts thermiques sans modifier la surface intérieure des logements, mais de l’autre elle va presque forcément modifier l’aspect extérieur du bâti, ce qui peut être problématique dans le cadre de projets patrimoniaux. Il faut donc faire attention car la mise en œuvre d’une ITE, qui enveloppe la totalité des bâtiments, se fait en général au détriment de leurs singularités architecturales et patrimoniales.161 Elle peut aussi réduire les apports de lumière en épaississant les parois et réduisant les fenêtres. L’autre grand risque est aussi à plus grande échelle, de produire une ville

Cas d’étude sélectionné : Réhabilitation de la Cité de l’Étoile, Tour 25 Ville : Boulogne-Billancourt (92) Architectes bâtiment : Georges Candilis, Alexis Joisic, Shadrash Woods Année de construction : 1956-1963 Programme : environ 700 logements (toute la cité) Surface : 6150m²

161 Catherine Charlot-Valdieu, Philippe Outrequin, Réhabilitation énergétique des logements, Éditions Le Moniteur, 2018 p. 76

162 Ariane Wilson, Date de péremption, voir l’emballage, Criticat, n°17, printemps 2016, p. 89

Photographies de la tour de Georges Candilis, Alexis Joisic et Shadrash Woods au long de son histoire Source : Groupe Ellipse Architecture 95


Reconnaissance patrimoniale : label patrimoine du XXème siècle Maître d’œuvre réhabilitation : Groupe d’Architecture Ellipse Maître d’ouvrage réhabilitation : Emmaüs Habitat Année de la réhabilitation : 2013-2019 Coût de la réhabilitation : 6,2M€ HT

de jouer avec les volumes avec l’ITE : on ne doit pas penser qu’avec cette mise en œuvre les façades « lissées » et sans modénatures sont le seul résultat possible. Aspect énergétique : moins de déperditions grâce à des menuiseries contemporaines adaptées et une ITE performante. Aspect confort de vie : moins de courants d’air, meilleure isolation phonique grâce à des menuiseries contemporaines adaptées. En plus de la réfection des façades, les appartements ont été retravaillés (notamment déclassement164 des appartements car ils étaient globalement petits pour s’adapter aux modes d’habiter actuels. Aspect patrimonial : la recherche approfondie sur l’existant a permis de mettre en place un nouveau système d’ITE qui reprend le dessin de la façade existante, ce qu’avait détérioré la campagne d’isolation des années 19801990. Aspect économique : moins de dépenses énergétiques. La réhabilitation reste un investissement pour la durabilité de la résidence, et ici elle permet aussi de rendre de la valeur patrimoniale à l’édifice, effaçant la réhabilitation précédente maladroite.

L’architecte de la réhabilitation Patricia Martineau fait remarquer que l’architecture passe toujours par une « succession de filtres » (modes constructifs, normes, époque, modes...) qui expliquent les choix des architectes d’un bâtiment.163 Sur cet immeuble les architectes ont ciblé leur travail sur la cellule de logement, que l’on peut clairement lire sur la composition des façades. Ils ont ainsi trouvé des combinatoires de logements qui créent des morphologies urbaines variées mais aussi des façades travaillées avec des pleins et des vides, des ombres portées, des profondeurs. Ils ont trouvé un système d’architecture assez rationalisé mais qui permet une composition. Dans les années 1980 le bâtiment a subi une rénovation : changement des menuiseries par de nouvelles en PVC, réduction des ouvertures... Afin de proposer un projet de réhabilitation le plus juste possible il est nécessaire de faire des recherches pour comprendre au mieux les intentions des architectes. Un travail sur la colorimétrie a été effectué grâce à des enduits sur ITE pour restituer les contrastes des façades initiales. Le remplacement des menuiseries a également permis la réussite de cette réhabilitation. Si on se donne la peine, il est totalement possible 163 Patricia Martineau, Loïc Josse, Rénovation de la Cité de l’Étoile à Bobigny, colloque L’Architecture du XXème : matière à projet, 8 juin 2018

164 Transformer un T5 en T4, un T4 en T3, un T3 en T2... 96


Isolation Thermique par l’Intérieur Source : https:// www.baticopro. com/guides/ isoler-des-mursorientes-aunord-et-adapterl-isolation-al-orientationmurale.html

ITI

neufs ou en réhabilitation pour des projets de plus petite envergure avec des façades anciennes, difficilement reproductibles avec de l’ITE (brique, pierre de taille...). Là encore on peut se poser la question de la considération des grandsensembles : ces bâtiments sont-ils moins remarquables pour qu’on n’hésite moins à en dissimuler les façades?

L’isolation Thermique par l’Intérieur a l’avantage de préserver les façades des édifices, mais l’inconvénient est que sa mise en place réduit la surface intérieure.165 De plus, sa mise en œuvre est souvent complexe en milieu occupé car les logements doivent être libérés. Cependant, dans certains cas où l’on détermine que l’image de la façade est prioritaire par rapport à la surface habitable, on peut choisir cette mise en œuvre.166 Pour les raisons de complexité de mise en œuvre (nombreux travaux de raccord) et la perte de surface habitable, l’ITI reste aujourd’hui largement moins choisie que l’ITE, qui apparait aujourd’hui comme la solution par défaut pour de nombreux projets de grands-ensembles. Aujourd’hui l’ITI est surtout privilégiée dans des projets

Aspect énergétique : moins de déperditions grâce à une ITI performante. Aspect confort de vie : moins de courants d’air, meilleure isolation phonique grâce à l’isolation, mais perte de surface intérieure. Aspect patrimonial : Grâce à cette méthode on peut totalement garder l’aspect extérieur de la façade. Aspect économique : Difficulté de mise en œuvre en réhabilitation en site occupé (il faudra faire plus de travaux à l’intérieur des logements) et perte de surface.

165 Catherine Charlot-Valdieu, Philippe Outrequin, Réhabilitation énergétique des logements, Éditions Le Moniteur, 2018 p. 75 166 APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, Pratiques actuelles/nouveaux enjeux, 2016, p. 43 97


EXTENSIONS, RÉAMÉNAGEMENTS

le-Prêtre a répondu favorablement aux besoins de confort et d’hygiène de ses premiers occupants. C’est d’ailleurs le cas d’une très large majorité des grands ensembles de logements. Ces architectures sont donc défendables et respectables dans le contexte dans lequel elles ont été produites. »168

Une mission de réhabilitation d’un immeuble peut être une bonne occasion pour améliorer profondément le confort des habitants en leur proposant des nouveaux usages.167

Le projet propose un agrandissement des appartements, notamment des séjours, par la création de nouveaux planchers sur toute la périphérie de la tour, qui permettront d’agrandir les séjours et de créer des jardins d’hiver et des balcons continus, et d’améliorer le confort, la lumière naturelle et les vues dans les appartements, et de réduire significativement la dépense énergétique de chauffage.169 La structure porteuse est conservé et des

Cas d’étude sélectionné : Réhabilitation de la tour Bois le Prêtre Ville : Paris (75017) Architectes bâtiment : Raymond Lopez Année de construction : 1961 Programme : 100 logements Surface : ? Reconnaissance patrimoniale : Maître d’œuvre réhabilitation : Lacaton & Vassal, Druot Maître d’ouvrage réhabilitation : Paris Habitat Année de la réhabilitation : 2009-2011 Coût de la réhabilitation : 11,7M€ HT « Construite en 1959-1961, la tour Bois-

168 Frédéric Druot, Anne Lacaton, JeanPhilippe Vassal, Transformation, métamorphose, réhabilitation, texte issu du livre dirigé par Jacques Ferrier, Architecture = durable, Éditions Picard, 2010

167 Voir partie III.1, Les enjeux multiples de la réhabilitation des logements collectifs, p. 76

169 h t t p : / / w w w . l a c a t o n v a s s a l . com/?idp=56#

Photographies de la tour de Raymond Lopez au long de son histoire Source : APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, 2016, p. 64-65 98


modules préfabriqués d’une épaisseur de 3m sont rapportés sur la façade.170 Les habitants de la tour sont restés sur place pendant les travaux.

Aspect économique : l’épaisseur du jardin d’hiver permet de limiter les déperditions et donc de limiter les dépenses énergétiques. Ce type de réhabilitation est particulièrement coûteux, mais il apporte des bienfaits pour les habitants qui vont bien au delà du confort thermique : c’est un jardin d’hiver privatisé qui leur est offert, une vraie pièce en plus appropriable.

Aspect énergétique : le jardin d’hiver créé permet de créer un sas entre l’intérieur et l’extérieur. Aspect confort de vie : il est considérable car on a pu créer des pièces en plus pour les appartements171 Aspect patrimonial : on peut questionner ce paramètre car l’immeuble n’a clairement plus la même façade. Cependant, le bénéfice confort de vie est tel qu’il justifie cette transformation. Il faut aussi noter que la façade des années 2000 n’était déjà plus à l’image de la façade existante car l’immeuble a subi une campagne d’ITE dans les années 1990, ce qui avait peutêtre déjà bien affecté l’image de l’édifice. 170 APUR, Réhabilitation des bâtiments construits à Paris entre 1945 et 1974, Pratiques actuelles/nouveaux enjeux, 2016, p. 31 et 63 171

Voir photographie p. 72 Source : Lacaton Vassal Architectes

99


CONCLUSION

La Rouvière, Marseille (13), Raoul Guyot architecte, 1966-1975 100


ÉLARGIR LA QUESTION DU CONFORT ? Initialement motivée par une envie d’approfondir mes connaissances sur la réhabilitation, cette recherche m’a permis d’approfondir un autre sujet : celui du confort. Comme nous avons pu le voir, le « confort » reste souvent automatiquement associé et réduit au « confort thermique », notamment avec les campagnes de « rénovation énergétique » comme MaPrimeRénov.172 « En quelques années, les réglementations thermiques, les labels et certifications qui les accompagnent se sont imposés à toute l’industrie de la construction. Désormais indispensables pour obtenir un permis de construire, les engagements imposés en matière d’amélioration de performances énergétiques ont d’abord été accusés de faire augmenter les coûts de construction avant d’être absorbés dans un processus global. Ces contraintes sont désormais acceptées, considérées comme indispensables pour l’environnement et plus remises en cause. »173

Nous avons vu avec ce travail que la qualité thermique d’un logement participe à sa qualité et ainsi au confort qu’il promulgue à son habitant, mais il est loin d’être la seul facteur. Il y aurait alors un intérêt à élargir les législations pour qu’elles englobent plus de dimensions du confort telles que la luminosité, la qualité des espaces communs, des extérieurs attenants au logement... La liste peut être infinie. Ces préoccupations devraient donner naissance à des référentiels applicables au neuf ou au projet de réhabilitation. Dans les faits, on peut observer que, notamment grâce au confinement, la question du confort du logement est devenue un sujet de recherche, ce qui est une bonne chose. Par exemple, en 172 h t t p s : / / w w w . b a t i a c t u . c o m / e d i t o / lactivite-renovation-energetique-bondit-grace-amaprimerenov-62903.php 173 Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de-France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021, p. 72 101


Catherine Chevillot, présidente de la Cité de l’Architecture, Emmanuelle Wargon, ministre chargée du logement, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture et Christine Leconte, présidente du Conseil National de l’Ordre des Architectes réunies pour lancer un appel à manifestation d’intérêt (AMI) inédit pour la qualité du logement

octobre 2021, la ministre de la Culture et la ministre chargée du logement ont lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) inédit à l’attention des maîtrises d’ouvrage et des architectes, visant à « expérimenter et inventer de nouvelles formes de production et de conception du logement de demain » pour encourager l’innovation dans la qualité des logements.174

De toute évidence, les grandsensembles ne font pas consensus. Ils sont pourtant porteurs de certaines qualités comme peuvent l’être tous les bâtiments. S’il a été question de les raser pour construire du neuf à la place, avec les préoccupations environnementales actuelles, la démolition à grande échelle n’est plus crédible et viable.176 Il faut alors trouver les solutions pour adapter ce bâti existant aux usages d’aujourd’hui’hui grâce à la réhabilitation. Pour lancer ce type de projet, le premier enjeu est alors de mieux valoriser ces immeubles pour que les individus aient l’envie de travailler avec cet existant malheureusement souvent peu considéré. Des labels (ACR)177 ou associations (Docomomo)178 s’investissement dans ces missions de valorisation et protection du patrimoine plus récent. Ce travail a la volonté d’aider à cette valorisation en ayant

FAUT-IL JETER LES GRANDS ENSEMBLES ? La poésie brutaliste des grands ensembles « ne séduit qu’un public restreint et le plus grand nombre n’y voit que la médiocrité architecturale et le mal-vivre des banlieues. »175

174 https://www.architectes.org/actualites/ lancement-du-programme-d-innovationengages-pour-la-qualite-du-logement-dedemain

176

Voir Avant-propos, p. 5

177 Voir partie I.3, Législations et labels pour la qualité du logement, p. 47

175 Fédération Française du Bâtiment, Les bétons du patrimoine, Histoire - Diagnostic Rénovation, Éditions SEBTP, 2021, p. 22

178 102

docomomo.com ou docomomo.fr


mis en évidence quelques qualités de plusieurs édifices.179 DES REHABILITATIONS / EQUATIONS VERTUEUSES ? Réhabiliter un édifice, c’est comme résoudre une équation. Premièrement, grâce au diagnostic180, il faut mettre en avant les qualités des édifices (et il y en a toujours) pour s’appuyer dessus, et souligner les faiblesses à consolider pour un projet de réhabilitation efficace. Ces données sont les composantes de 179 Voir partie II, Histoire, typologies et valeurs patrimoniales des grands-ensembles, p. 50 180 Voir partie III.2, La phase incontournable du diagnostic, p. 82

l’équation de réhabilitation. Une réhabilitation réussie est une réhabilitation qui doit considérer et faire au mieux dans différents aspects : - - - -

Prise en compte des enjeux des ressources énergétiques Confort et usages améliorés Prise en compte des enjeux des ressources économiques Mise en valeur architecturale grâce à la reconnaissance des qualités des édifices

Pour résoudre cette équation on peut considérer qu’il y a une multitude de réponses possibles. En effet, réhabiliter c’est faire des choix et pondérer les différentes composantes et enjeux pour un projet.

Ressources énergétiques maîtrisées et optimisées

Confort d'usage/de vie amélioré

REHABILITATION VERTUEUSE

Patrimoine respecté et architecture valorisée

103 Bibliographie en construction...

URGENCE ENERGETIQUE ET ARCHITECTURE DURABLE

Ressources économiques maîtrisées et optimisées


Avec cette thèse professionnelle, j’ai essayé de mettre en évidence l’importance des aspects fondamentaux à considérer pour un projet de réhabilitation. Ces quatre aspects forment ainsi le socle d’une nouvelle méthodologie que j’ai commencé à élaborer. C’est en quelque sorte une nouvelle éthique de travail qui s’engage à considérer plus exhaustivement les bâtiments à réhabiliter.

d’isolation par l’extérieur peuvent conduire à une uniformisation des édifices. Avec un diagnostic complet, on peut choisir où placer son curseur entre conservation et transformation profonde en prenant en compte les qualités d’une résidence et les besoins du projet de réhabilitation. Avec ce travail, j’ai pu croiser plusieurs thèmes de réflexion pour les mettre au service d’une cause commune : la réhabilitation vertueuse des grandsensembles, qui est une mission urgente du 21ème siècle à laquelle je souhaite prendre part.

Si la stratégie la plus prudente de la réhabilitation d’un édifice existant est celle de la réfaction à l’identique (on répare et remplace, en prenant soin de ne pas modifier l’image de l’édifice), il est parfois plus judicieux de transformer plus profondément et visiblement un édifice si l’opération apporte une vraie plus-value en terme de confort (une extension qui offre un nouvel usage, une réorganisation du bâtiment...) ou d’utilisation des ressources (énergétiques et économiques). Certains choix peuvent rendre légitimes des changements d’esthétique d’une façade, même pour un bâtiment « patrimonial ». Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réhabilitation, mais il faut la justifier pour que le projet soit en accord avec les idées prônées. Tout est question de choix et d’optimisation des ressources. Bien entendu, les rénovations énergétiques sont souhaitables pour limiter notre impact sur notre planète. Cependant, nous avons vu avec ce travail qu’il fallait prendre en compte d’autres éléments dans les projets de réhabilitation et ne pas foncer tête baissée dans une campagne d’ITE car elle est poussée par des subventions publiques. Nous avons vu que par le passé (et d’ailleurs encore dans le présent), les opérations massives 104


Vue du Gratte-ciel n°1 d’Édouard Albert, en couverture de la revue Le Panneau, image choisie pour la journée d’étude « Reconnaître, restaurer, transmettre » organisée par Docomomo France le 15 avril 2021 Source : Photographie de Jean Fortier, 1960. Fonds Albert conservé à la Bibliothèque Kandinsky (Centre Pompidou), ALB35.2.79 105


Bibliographie

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URGENCE ÉNERGÉTIQUE ET ARCHITECTURE DURABLE • • •

Jacques Ferrier, Architecture = durable, Éditions Picard, 2010 Podcast Ville en Œuvre, Débat sur le “construire écologique”, 26 mars 2020 Paul Chemetov, Rudy Ricciotti, Les possibilités d’une ville, Radio France Culture, 19 mai 2021

CONFORT ET BIEN-ÊTRE EN ARCHITECTURE • Reyner Banham, The architecture of the Well-Tempered Environment, University of Chicago Press, 1969 • Centre d’Information et de Documentation sur le Bruit (CIDB), Confort sonore des logements existants, Principes d’amélioration, Compatibilité avec l’isolation thermique, Editions Aides financières, 2010 • Franz Graf, Giulia Marino, Les dispositifs du confort dans l’architecture du XXème siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde, Éditions Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016 • Claudia Hernandez Nass, L’espace domestique du bien-être à l’ère du durable, DPEA Architecture et Philosophie, École Nationale Supérieure d’Architecture Paris La Villette, Septembre 2008 • Pierre Kast, Le Corbusier, l’architecte du bonheur, 1957, film consultable sur : https://www.dailymotion.com/video/xw8prl • Anne Lacaton, La ligne, le sillon et la trace, conférence à la Friche de la Belle de Mai le 15 septembre 2021 • Philippe Rahm, Histoire naturelle de l’architecture, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2020 • Vitruve, De Architectura, livre II, 15 av J-C • Félicie Geslin, Mieux dans son chez-soi, Les Cahiers Techniques du Bâtiment n°388-389, septembre 2020 • Thomas Renard, Le mythe de la cabane ou l’origine primitive de l’architecture, Revue 303, n°141, 2016 • Bond Society, Oh my desk, recherche sur le confort du télétravail lié au 1er confinement en mars 2020, https://www.bond-society.com/homydesk • Le Corbusier, La Ville Radieuse, Plans n°9, novembre 1931 • QUALITEL et IPSOS, Le confinement, révélateur des inégalités dans la qualité du logement, recherche sur le confort dans le logement lié au 1er confinement français en mars 2020 • Pauline Dutheil, Samuel Rabaté, Alexandre Néagu, Nos logements, des lieux à ménager, Étude sur la qualité d’usage des logements collectifs construits en Île-de- France entre 2000 et 2020, IDEHAL Recherche, aout 2021 107


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« Pourquoi faudraitil, au nom d’une conception de l’isolation thermique propre à la France, que les habitants vivent dans des espaces sombres, percés de petites fenêtres, parfois sans ouvrant, pour éviter toute déperdition de chaleur, comme cela a été plusieurs fois le cas depuis le milieu des années 1970, au moment du premier choc pétrolier et à chaque fois que la question de l’isolation a rebondi à cause de nouvelles données économiques ? Cette alternative résume bien des paradoxes du confort d’aujourd’hui, mais aussi de l’hygiène et de la santé, car surestimer une variable conduit à des choix discutables. »

Monique Eleb, Vu de l’intérieur. Habiter un immeuble en Île-deFrance, 1945-2010, 2011, p.30

Le Meilleur des Mondes, réinterprétations de cartes postales des années 1950-1980, 2006 Source : Mathieu Pernot photographe

Habilitations & partenariats :

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