Ferme Karona : La ferme aux mille vies

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ET PHOTOS D’ÉTIENNE
AGRONOME, M. SC. COMMENT DEUX FERMES LAITIÈRES, PARMI LES PLUS EXCEPTIONNELLES QUANT À LA QUALITÉ GÉNÉTIQUE DE LEUR TROUPEAU, ONT-ELLES PU SE RELEVER APRÈS DES INCENDIES DÉVASTATEURS ? EN FAISANT PREUVE D’UNE GRANDE RÉSILIENCE, EN TRANSFORMANT UN DÉSASTRE EN OCCASION OPPORTUNE… ET EN CHANGEANT SENSIBLEMENT LEUR PHILOSOPHIE D’ÉLEVAGE.
TEXTE
GOSSELIN,

L’ALIMENTATION DU TROUPEAU KARONA

COOPÉRATIVE

VEAUX

■ 0-2 mois : Lacto Goliath XLR 27-16 avec Goliath VO-21 Deccox

■ 2-4 mois : aliment Goliath totalveau VO-21 Deccox

■ 4-6 mois : aliment Goliath totalveau 22-2 + balles rondes

■ 6-12 mois : aliment Goliath totalveau 22-2 + balles rondes

■ 12-24 mois : balles rondes humides Minéral bloc synchro 10-10

TARISSEMENT

■ Bloc Transilac T-305 foin sec ■ Préparation au vêlage (– 21 jours) ■ Transimil 24 ■ Ensilage de maïs ■ Foin sec

VACHES EN LACTATION

RPM ■ Ensilage de maïs ■ Balles rondes humides ■ Maïs-grain ■ Tourteau de soya ■ Minéral Synchro VIP ALIMENT AU ROBOT

KARONA À NOUVEAU MAÎTRESSE DE SON DESTIN

C’est une ferme sacrée non pas une mais bien deux fois Maître-éleveur, en 2000 et 2014. Comment peut-on se moti ver à redémarrer un élevage quand 66 vaches, dont 25 classées Excellente, s’écroulent, inertes, et périssent ?

« Quand on entrait dans l’ancienne étable de la famille Caron, on péné trait dans une sorte de petit musée où s’alignaient les certificats, les prix, les trophées. Tout a brûlé », se désole Francis Bilodeau, technologue de VIVACO, qui accompagne les Caron dans leurs plus beaux jours comme dans leurs plus sombres.

Le 5 avril 2018, il faisait tempête. Comme il manquait d’électricité, on a branché un tracteur à la généra trice avant d’aller dîner. En quelques minutes, les vents aidant, la façade de l’étable à comble mansardé était com plètement embrasée. Des dizaines de bons samaritains sont venus prêter

main-forte dès les premiers instants, sortant les 10 vaches les plus près du foyer de l’incendie et 32 taures, ainsi que le biostat d’azote liquide conte nant des paillettes de semence et 40 bons embryons. Les certificats et les trophées ? On n’y pense pas trop dans ces moments où tout défile comme dans un mauvais film…

Il a fallu contenir les vaches par un cordon humain, car, c’est bien connu, lors d’évènements stressants, les ani maux d’élevage recherchent leur repère rassurant, soit l’étable. Les heures et les jours suivants, les Caron ont reçu de l’aide de leur communauté, des repas et des gâteries pour traverser la tem pête – au sens figuré, celle-là. « Nous ne nous sommes pas morfondus long temps », assure Pierre-Olivier Caron, fils de Pierre, qui ne travaillait dans la ferme familiale que depuis trois ans quand l’improbable s’est matérialisé.

16 COOPERATEUR.COOP – AVRI L 2020 VOS AFFAIRES
■ Robostart ■ Robocoop 18 ■ Robocoop 28
étable, fonctionnelle et confortable, comprend les
les plus modernes
convoyeurs-nourrisseurs, logettes
rotatives, ventilateurs recirculateurs,
Pierre et Pierre-Olivier Caron ont visité plus d’une cinquantaine de fermes robotisées avant de choisir une disposition en « L » pour leurs deux robots de traite.
La nouvelle
équipements
:
flexibles, brosses
litière de sable et de paille pour les vêlages.

À l’époque, les fermes de la région de Plessisville étaient passablement engorgées de vaches en surplus. C’est donc à la Ferme Counard, à SaintÉphrem-de-Beauce, que les 10 rescapées ont trouvé refuge. Des taures ont aussi été relogées dans une exploitation voisine, la Ferme Brassard et Fils, où 35 vaches ont commencé ou terminé leur lactation. Il aura fallu racheter 25 vaches à quatre éleveurs. Déjà, les résultats de deux rondes de classification des animaux de première lactation sont prometteurs, avec 1 vache à 87 points, 4 à 86 points et 20 classées Très Bonne.

C’est donc le 20 août 2019 que les bras robotisés s’animaient pour extraire le lait, lors d’une première traite sous haute surveillance. Aujourd’hui, 84 vaches comblent les 115 kg de quota. La nouvelle ferme est lumineuse, fonction nelle, confortable. Elle est conçue pour accueillir jusqu’à 120 vaches et produire 160-180 kg de quota. Avant de statuer définitivement sur un plan, les Caron ont visité une cinquantaine de fermes avec robots au Québec et en Ontario. « C’est important de prendre le temps de reconstruire, pour ne rien regretter », dit sagement Pierre Caron.

Père et fils ont finalement opté pour un modèle à disposition en « L » des deux robots de traite, dont la devanture est assez vaste pour éviter les embouteil lages. Un espace à l’arrière des robots permet de trier et d’isoler des vaches après leur passage à l’automate. Des convoyeurs-nourrisseurs, des logettes flexibles, des brosses rotatives, des ven tilateurs recirculateurs d’air, des allées tapissées de caoutchouc, une litière de

sable et une zone de vêlage paillée com plètent l’ensemble de ce nouveau temple pour futures vaches de renommée.

Ah oui : de nouvelles plaques de Maître-éleveur fraîchement étampées sont accrochées au mur à l’entrée de la nouvelle étable de Karona. Elles y sont bien en évidence, comme un hommage aux vaches qui ont permis cette recon naissance exceptionnelle, celles qui ne sont plus aujourd’hui.

EN CAS D’INCENDIE

1. En raison d’un échéancier serré, on a spécifié aux fournisseurs qu’ils auraient une pénalité financière de 2 % par mois de retard si les biens ou les services n’étaient pas livrés à temps. Quoique surpris, tous ont accepté. Il faut dire que 35 taures devaient vêler dans les trois premiers mois de la mise en service de l’étable!

2. C’est le lot de bien des fermes : l’électricité et l’eau qui alimentent la maison de la ferme passent par l’étable. C’est une bonne idée – en prévision d’un incendie ou d’une simple rupture – de géolocaliser les tuyaux et les fils électriques enfouis et de dresser un plan facilement accessible, dans la maison ou par infonuagique.

3. Les Caron ont pris les devants auprès de leur compagnie d’assurance en fournissant leur propre évaluation de la valeur financière de leurs animaux – qu’on devine bien supérieure à la moyenne. Ils ont eu la chance de compter sur la valeur moyenne des animaux de haute valeur génétique encantés lors de la liquidation du troupeau LEGAUDIÈRE, de Denis Legault, lui aussi titré deux fois Maître-éleveur.

En plus des balles rondes enrobées, la ferme a décidé de passer aux silos-couloirs et au maïsensilage. Les avantages technicoéconomiques de servir cet aliment viennent rentabiliser l’investissement dans l’infrastructure bétonnée.

PHOTOS ODREY CARON

De ga uch e à dro i t e : Raymond Caron et son frère Pierre, Jorden Le Hir, Odrey Caron, François Boutin. Absents lors de la prise de photo : MarcAndré Vigneault, PierreOlivier et Marie-Michel Caron, (enfants de Pierre)

rd roupeau arona

Par année, les frères Pierre et Raymond Caron de la ferme Karona peuvent accueillir jusqu'à 800 visiteurs, la plupart des éleveurs laitiers. Le 13 mars dernier, des membres de Groupe Dynaco, suivis d'un groupe organisé par La Coop des Appalaches ont marché l'étable et fait le tour d'un troupeau reconnu pour sa haute valeur génétique.

Texte et photos par Isabelle Éthier

e troupeau Karona se développe de manière intensive depuis 25 ans. En tout 170 t êtes composent le troupeau dont 18 Excellentes (EX) et 51 Très Bonnes (TB) De ces vac hes, 42 sont présentement en lactation et 25 sont sur un programme de transplantation embryonnaire. La plupart, soit 94 %, porte le préfixe Karona. Le dernier relevé de lactation affiche une production moyenne de 12 800 kg de lait. L'entreprise possède un quota de 55 kg. La génétique et la vente d 'e mbryon constitue donc les deux principaux revenus de la ferme. À l'entrée de l'étable , une précieuse donneuse d'embr yons : Karona Lhéros Kamay, classée TB , est arrivée première dans la classe 2 ans à l'Expo-Québec de 2006. Son rendement a été évalué à 12 600 kilos de lait en première lactation. Un peu plus loin : Karona Emerson Bonnie, EX, cumulant 92 points, mère du très populaire et convoité taureau Karona Bonair. Aucun animal ne passe inaperçu .

La largeur des stalles, 1,83 mètre (6 pieds), témoigne de l'allure générale du troupeau. Fourche à la main , Raymond prendra le temps de présenter chacune des vaches et d'en souligner les particularités. La qualité du troupeau s'appuie sur des croisements dont les sujets proviennent de généalogie éprouvée « Toutes nos vaches sont issues de multiples générations entre 8 et 15 de mères qualifiées Très Bonnes ou Excellent es, insiste Pierre. C'est notre philosophie d'élevage , notre manière de nous démarquer. » Un troupeau uniforme , bien balancé qui attire l'œil autant par la conformation des sujets que par leur performance laitière Fait remarqué des visiteurs :

la robe rouge et blanche de quatre vaches. « Elles sont de plus en plus demandées en Europe », nous renseigne Raymond. Selon les statistiques colli gées par Holstein Canada, ces rouges et blanches représentent 1,6 % du total des enregistrements .

REPÈRES HISTORIQUES

Située à Plessisville, la ferme familiale Karona existe depuis 125 ans. Le grand-père, Arsène Caron, s'est d 'ailleurs qualifié à la médaille de bronze au concours de !'Ordre national du mérite agricole, en 1937 Cinquante ans plus tard, l'entreprise laitière, devenue entre temps la propriété de Gérard Caron, sera vendue à deux de ses sept enfants, Raymond et Pierre Caron. « C'est en allant faire un tour, en 1976, à la Royal Agricultural Winter Fair de Toronto que nous est venu l'intérêt d'investir dans du bétail de haut calibre génétique », se rappelle Pierre.

La base du troupeau de race pure s'est constituée sur une p é riode d 'envi ron six ans. I.;une des premières vaches souches qui a joué un rôle important dans le troupeau est Deslacs Klondike Julia (TB 86 4ans 10 *). Elle a donné trois filles classées Très Bonnes. Belgrove Attra Robin (EX 2e 5 *) a également été déterminante. Elle a engendré 21 filles du troupeau, dont six classée Excellentes et quinze Très Bonnes. Outre leurs sujets d'élevage, les frères Caron trouvent judicieux d'introduire des embryons provenant de l'extérieur. Ce fut le cas notamment des familles Ashlyn et Promise. Ill>-

MA I JUIN 2oos l Le Coopérateur agricole 37

C' e st en 2005 , que Raymond prendra sa retraire de la pratique vétérinaire pour se consacrer à temps plein à la ferme

« Nous avions des particularités en matière de distributeur d' aliments et de concentrés , expliq ue Pierre Caron Notre distributeur possède quatre compartiments seulement et nous ne voulions pas le changer. Les experts conseils coop ont été à l ' écoute de nos besoins et ont formulé les rations en conséquence »

Lorsque les gens de La Coop des Appalaches font leur entrée dans l'espace d'accueil précédant l'accès à l'étable, Pierre prendra le temps de les saluer et d 'exp rimer sa fierté de pouvoir accueillir des gens de sa région. « On a souvent le réflexe d'aller visiter des fermes loin de chez nous et d ' oubli er celles situées à proximité.» D 'e ntrée de jeu , l'éleveur souligne le support et la complicité des experts-conseils de la coopérative. « Nous avions des particularités en matière de distributeur d 'al iments et de concentrés, explique Pierre Notre distributeur possède quatre compartiments seulement et nous ne voulions pas le changer. Ils ont été à l'écoute de nos besoins et ont formulé les rations en conséquence. »

L'alimentation est surtout constituée de foin enrobé, pratiquement sec, et la dose quotidienne de concentrés se limite à 15 kilos par tête. Les vaches ont ainsi droit à six repas par jour. De la mélasse liquide est donnée pour stimuler la

consommation de' fourrage. Le troupeau possède de très grandes capacités génétiques sur le plan de sa conformation, ce qui lui permet d'augmenter les capacités physiques d'ingestion et de transformation de la matière sèche. « Les Holstein canadiennes, poursuit Pierre, ont la réputation d 'ê tre bien balancées dans toutes leurs parties Elles ont des côtes longues et arquées qui leur confèrent une profondeur qui se distingue sur le marché international. Or, le fait d ' offrir aux animaux une fibre longue permet de développer et de maintenir cette profondeur et par le fait même leur capacité d'ingestion » À condition, bien entendu, que l'animal soit génétiquement prédisposé. Une nuance apportée par les expertsconseils en nutrition animale présents lors de la visite Alexis Doucet, responsable du groupe des visiteurs agit à titre d'expert-conseil en alimentation auprès de ces éleveurs élite. ....

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38 Le Coopérateur agricole I MAI-JUIN zoos

UNE !EXPERTISE RECONNUE DANS Pl.US DE 20 PAYS

Une quarantaine de vaches et de génisses et un peu plus de sept cents embryons sont mis en vente chaque année. Lorsque les acheteurs se manifestent, précise Raymond, ce qu'ils souhaitent, en venant ici, c' est de miser sur des sujets ayant un très bon potentiel de retransmission. Or, nous avons bâti notre réputation sur une généalogie canadienne éprouvée , tant du côté maternel que paternel. Il n' est pas rare d'avoir des demandes précises de croisement, poursuit Raymond. Nous les analysons et recommandons parfois autre chose. »

Responsable de tout ce qui concerne la commercialisation, Raymond passe une grande partie de son temps à entretenir les relations avec les acheteurs potentiels. Depuis 2005, il œuvre à temps plein pour ,]' entreprise. « Cela fait toute la différence en ce qui concerne le suivi et les ventes, reconnaît ce vétérinaire retraité. Assisté d'une bonne équipe de travail , l' œil aguerri des frères Caron offre aujourd'hui une expertise qualifiée en matière de génétique laitière.

Commentaires

Plusieurs éleveurs en visite cherchaient à en savoir plus sur les donneuses d'embryons du troupeau Karona. Pour d'autres, ce sont les généalogies derrière les croisements qui captaient davantage leur intérêt. La production de lait et l'alimentation utilisée par ces bêtes hautement performantes et équilibrées ont fait également partie des sujets abordés. Et puis, comme l'ont souligné deux agricultrices de passage :« C'est toujours inspirant de se comparer aux meilleurs. On revient chez soi enrich i, encouragé et plus motivé! » Il faut dire que l'environnement de cette étable est particulièrement agréable et se prête bien à la visite et aux discussions . Les employés, aussi accueillants que les patrons, nous donnaient envie de participer à la traite du soir. Hélas, il fallait repartir

Nicolas Marquis et Bernard Brillant , experts conseils à Groupe Dynaco , en compagnie de Raymond et Pierre Caron
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Une succursale en Eur

Désireux de développer un marché en Europe p ur leurs sujets laitiers, les prop1iétaires de la ferme Karona se so t associés avec un éleveur français.

Une succursale: c'es t le terme qui décrit le mieux la structure que la ferme Karona s'est donnée pour vendre des suJets en Europe.

Cette ferme la1t1ère n'a pas vraiment besoin de présentation. Dans le m ilieu laitier, à tout le moins, car c'est certainement un des troupeaux Holstein québécois les plus connus. Elle vend beaucoup de suJets de haute qualité 1c1 comme à l'étranger. Pi erre Caron, un de ses quatre propriétaires, confie que l'an dernier, 60 pour cent des revenus de l'entreprise provena ient de la vente de suJets.

Plusieurs de ces suJets ont été acquis par des éleveurs européens. Des éleveurs attirés par la haute valeur génétique de ce troupeau et par la réputation du cheptel Holstein canadien. Nous employons ici le mot •SUJets• dans son sens le plus large puisque le plus souvent, ce sont en fait des embryons congelés qui ont traversé l'Atlantique.

Les éleveurs européens recherchent généralement de la qualité et peuvent se la payer. C'est donc un marché extrêmement intéressant pour nos éleveurs qui ne ménagent pas leurs efforts pour le développer, que ce soit sur une base ind1v1duelle ou par le biais d'organismes. Des organis mes comme les associations de race et Boviteq, une firme qui se consacre principalement à l'exportation d'embryons. Pour accroître leurs ventes sur le marché européen, les propriétaires de la ferme Karona ont adopté une formule pour le moins originale. Ils se sont associés a un éleveur français a qui ils envoient des em bryons Celui-ci implante ces embryons sur des suJets de son propre élevage. Karona peut a1ns1 offrir directement a la clientele française et européenne des genisses et des eaux mâles sans avoir à assumer les coûts élevés liés au transport d'animaux par a 10n. L'entreprise s'évite aussi les

mesu res san itaires exigeantes inhérentes au commerce international d'animaux. En somme, c'est comme s1 Karona possé dait une succursale en Europe! Le proJet ne manque pas d'audace.

A petits pas

Les premiers veaux européens de Karona sont nés en octobre dern ier. On avait implanté 30 embryons. desquels ont résulté 20 gestations. Des 20 nouveaux nés. 18 ont survécu.

On se d ira peut-être que 30 embryons, ce n'est pas beaucoup. Les propriéta i res de Karona l'ont voulu a1ns1. De commenter Raymond Caron: • Il n'aura it pas fallu offrir 50 génisses d'un coup! On préfère démar rer lentement et prendre le t emps de se fa mliiariser avec ce marché.• En fait, ils de marrent même plus lentement que les chif fres ne l'indiquent puisque sur les 18 su jets, certains veaux males étaient déJà pro mis à des centres d'insémination.

Jusqu'ici, les frais directs sont relative ment modestes. L'envoi des embryons en France a coûté 600 dollars En vertu de l'entente avec le partenaire français, les frais d 'élevage sont assumés par ce dernier, la ferme Karona ayant pour sa part la responsab1l1te de •fournir l a génétique• Nulle publicité n'a été faite, ces éleveurs

misant plutôt sur les contacts directs avec les clients potentiels et sur le bouche à oreille. Ces éleveurs ont toutefois tenu un kiosque et exposé six de ces génisses au dernier Simagéna, le Salon 1nternat1onal de la machinerie agrico le et de la génétique animale qui se tient à Paris. Les organisateurs avaient m i s gratuitement des kiosques à la d1spos1t1on d'éleveurs étra ngers.

Les propriétaires de la ferme Karona en sont conscients, le succès de l'affaire reposera pour une large part sur l'harmonie entre les associés. C'est pourquoi ils ont soigneusement cho1s 1 leur partenaire. .. c·est un éleveur qui a de bonnes anten nes et qui Jouit d'une solide réputation làbas. décrit Raymond Caron. C'est aussi un eleveur qui s'interesse depuis longtemps à la génétique canad1 nne. Il a même su1v1 un cours de classificateur 1c1. Et puis, la chimie est très bonne entre nous .•

Les ventes d'embr ons canadiens en Europe ont pris de l'ampleur depuis quel ques années. On réa l ise cependant que les embryons ne p uvent combler les at tentes de tous les éleveurs. Certains pre fèrent acheter des an1mau v1 ants •Il a quelques années, décrit Raymond Caron, les embr ons se vendaient sur la base cash and carry Mais aujourd'hui. certains

.. Raymond Caron en compagnie de Jean Marc Thorny , le partenaire de Karona en Europe
Affair s agricoles• mai juin 1995 39

éleveurs nous demandent de partager les risques .•

En élevant leurs suJets sur place, les pro pnéta1res du troupeau Karona profitent d ' un avantage add1t1onnel: la prox1m1té de la clientèle. D'e pl1quer Raymond Caron : • Parcourir une longue distance pour aller chercher un animal, c'est pas la mentalité là-bas, à la différence d ' ici. Par exemple, quand les Espagnols ont su que nous avions des taureaux à Lyon, ils se sont montrés beaucoup plus intéressés à ache ter. Ils ne sont qu'à environ trois heures de là. •

Ce qui complique tout ça, c ' est que cha que pays a sa propre idée sur ce qu ' est de la génétique de pointe • Au Canada, e pli que Pierre Caron, l'1nd1ce génétique est basé à 60 pour cent sur la production et à 40 pour cent sur la conformation En France, ils ont un 1nd1ce qui tient compte presque exclusivement de la protéine .• •Pour leur part, enchaîne Raymond Caron , les éleveurs irlandais sont amateurs de beaux animaux. La production est moins importante. • Le Canada dispose, c ' est connu, d ' une gé nétique où la conformation Joue un rôle 1m

vient comme tendance, note Raymond Caron C' est pourquoi, par e emple, on a acquis deu descendants de Rocky Vu Ectasy Ebon , qui a été trois ans de file la meilleure vache aux Etats Unis. On a voulu s ' accrocher derrière la locomotive. •

Investissements é lev és

L' enjeu est attirant. Comme nous le souli gnions plus tôt , les Européens ont les moyens de se payer la meilleure génét1 que Les embryons que les propnéta1res de la ferme Karona expédient chez leur as socié français vaudraient au moins 700 portant. De décrire Raymond Caron : • Une dollars chacun s'ils étaient vendus tels Des

indices différents

L · affaire n'est cependant pas gagnée d'avance . Les Européens forment une clientèle très exigente •Il faut leur offrir de la génétique top niveau, commente

Raymond Caron La vache moyenne, ou bliez ça! Ils recherchent de la génétique qu ' ils connaissent , donc des sujets dont les mères et grand mères étaient très su périeures Pour pouvoir s'introduire dans ce monde-là, il faut que les indices généti ques soient très élevés. •

belle vache , harmonieuse et fonction nelle • En comparaison , les Américains , qui sont aussi de gros exportateurs d ' ani maux, proposent un animal plus spectacu laire, dont les premières lactations sont très fortes

Même si c ' est un animal dont la longévité, de l'avis de plusieurs, est plus faible, Il sé duit une partie importante de la clientèle et les éleveurs d'1c1 ne peuvent négliger ce fait. Les propnéta1res de la ferme Karona l'ont bien perçu • Il faut flairer ce qui s ' en

quels . En revanche , les coûts d ' élevage sont élevés, avertit Pierre Caron • Ça coûte une fortune, faire ces embryons là, s·ex clame-t-11. On vient de payer une vache 32 000 dollars .•

Notons que le troupeau Karon comprend 40 vaches et un total de 160 têtes, dont une quarantaine de vaches porteuses Quelque 200 embryons sont prélevés cha que année.

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La révolution génétique

Pierre Caron , de la ferme Garona à Plessisville, est de ceux qui ont rapidement pris conscience de l ' intérêt de la transplant a tion embryonnaire. Sur cette ferme, on élève pour vendre. Le fait de se r e trouver, e n 1986 , avec la meilleure productrice Holstein de tous les temps , la célèbre Julia, devait faire naître une demande.

Pierre Caron et ses associés décidèrent d 'en profiter en récoltant les embryons. À sa mort le 15 décembre dernier,julia avait donné, grâce à cette technique , 45 génisses et plusieurs mâles, et 20 embryons étaient en gestation dans des mères porteuses Une seule génisse se trouve sur la ferme; les autre s descendants , mâles et femelles , vivent aux quatre coins du monde.

Pour Pierre Caron, le marché de l'exportation est incontestablement le plus intéressant, surtout l 'Europe où les embryons entrent plus facilement que les animaux vivants. Mais la demande est trop changeante pour l ' inciter à créer une banque d ' embryons. Avec une trentaine de vaches et une popularité variab le des taureaux , il préfère produire sur demande.

Julia a une relève qui a produit une vingtaine d 'embryons en 1989. Les ac tionnaires de Garona ne mettent pas l'accent sur la quantité mais plutôt sur la qualité. Ils estiment qu ' il n 'y a aucun intérêt à produire des embryons en

Il y a d'abord eu la transplantation embryonnaire. Ensuite est apparue la congélation d'embryons. Voici qu'on commence maintenant à cloner les embryons et qu'on nous annonce pour bientôt le sexage et d ' autres techniques.

Dans le domaine de la reproduction bovine, le rythme des changements est absolument stupéfiant. Dans le dossier que voici, notre collaborateur Rénald Bourgeois décrit les innovations récentes et prochaines, et en analyse les conséquences pour les éleveurs.

quantité et à les vendre à peine au coût de production.

Un marché intéressant mais limité

Mais la ferme Garona n ' est pas la seule à faire de la récolte et de la congélation d ' embryons. Denis-Pierre Ménard , vétérinaire à Boviteq , une filiale du Centre d ' insémination artificielle du Québec, estime qu ' il s ' est produit et congelé l'an dernier quelque 12 000 embryons au Québec , dont 2 000 à Boviteq. La technique de congélation , maintenant bien au point , donne une gra nde flexibilité aux producteurs. Ils peuvent conserver les embryons et attendre le moment propice pour la transplantation , et vendre partout dans le monde .

De plus , les services professionnels sont assez largement disponibles. En effet, une cinquantaine de vétérinaires offrent un service de transplantation dont une quinzaine lui ajoutent la congélation et même le commerce. Il existe un marché intéressant surtout pour l 'exportation . Localement , certa in s producteurs vont acheter pour essayer, mais pas plus. Le CIAQ a décidé de publier un catalogue pour faire connaître ses embryons. Le marché l ocal

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Dossier
Suite à la page 42 Le
agricole / février 1990
coopérateur

Suite de la page 32

La révolution génétique

reste à développer et le catalogue est un moyen de promotion qui donne de bons résultats.

Boviteq dispose présentement d'une étable de 80 places pour y accueillir ses vaches donneuses d'embryons. Des vaches qui ont e n moyenne plus de huit ans et qui présentent des qualités de productivité et de confor mation supérieures Tout est maintenant en place pour produire annuellement plus de 2 000 embryons.

En 1989 , les principaux pays acheteurs furent la Hollande , l'Irlande , l'Angleterre, l'Australie et la Nouvelle Zélande . L'Espagne se serait même informée sur la possibilité d 'acheter

plusieurs milliers d 'embryons.

Pour Jean-Guy Trudeau, exportateur de bovins laitiers , le marché des embryons reste à développer. Il ne manque pas les occasions qui lui sont données de trouver des marchés pour les vaches et en profite pour offrir des embryons à partir d'une liste de donneuses de quelque 300 vaches. Il exporte annuellement quelque 10 000 têtes. En 1989 , les principaux pays acheteurs étaient l'Espagne , l' Iran et le Mexique . Le prix des embryons est pourtant compétitif, mais le volume de vente n'est p as encore très important.

Les prix vont de 300 à quelques milliers de dollars , selon la qualité et la

demande. Mais au prix minimum, c'e~ à peine si on couvre les coûts de pro duction. Il y a présentement deux type d 'ac heteurs: ceux qui achètent au plu bas prix pour essayer , et ceux qui cher chent les sujets de grande qualité Entn les deux, il y a peu de preneurs.

Les embryons ne remplaceront pa l' insémination dans un proche avenir Mais si le prix des embryons diminuai beaucoup pour une qualité supérieure ce serait autre chose . Les éleveur. gardent le contrôle de l'amélioratiot génétique bovine pour le moment. Il. doivent cependant être conscients d< la rapide évolution du dossier et prêts; s'adapter au changement. •

42
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