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Jeux mondiaux universitaires
Modèles diversifiés et Jeux mondiaux universitaires 1923 - 1940 Dès le début du XXème siècle, aux USA, Théodore Roosevelt, président de 1901 à 1909, impose un sport universitaire amateur, non violent comme outil majeur de la formation des élites américaines. Les spectacles sportifs dans les grands stades des universités dégagent des moyens permettant à des champions universitaires de dominer le sport mondial aux Jeux olympiques. La diffusion de cette identité du sport étudiant américain influencera le paysage sportif et va rendre plus difficile la construction d’un principe commun de compétition universitaire au plan mondial. En France, Pierre de Coubertin qui a voyagé en Angleterre, aux USA et en Australie, a pris l’initiative de rénover les Jeux olympiques et développe l’idée d’une éducation sportive à partir du modèle anglais tandis que d’autres théoriciens entrent en concurrence (Hébert, Démeny, Tissié…). Dans ce contexte, l’université française Jeux mondiaux se « débrouille » avec les étudiants sportifs. Ces derniers s’organisent en assemblées générales pour prendre des décisions et palier au manque universitaires de politiques publiques en matière de sport universitaire. Outre cette mission d’organisation
Universiades du sport étudiant, ils rayonnent à l’international au sein d’une Europe empoisonnée par les conflits. Dans ce cadre, des Jeux mondiaux universitaires sont promus sans pour autant atteindre l’objectif de mondialisation face à la puissance croissante des Jeux olympiques.
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C’est le français Jean Petitjean, délégué au sport de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) qui organise les premiers jeux mondiaux universitaires en mai 1923 à Paris. Sous l’égide de la Confédération internationale des étudiants (CIE), il organise ceux de 1925 à Prague, Rome en 1927, Paris à nouveau en 1928, Darmstadt en 1930, Turin en 1933, Budapest en 1935, Paris encore en 1937 et enfin Monaco en 1939. La presse relate l’évènement (L’Auto et Match). En 1928, les journalistes constatent du désordre dans l’organisation ainsi que la supériorité allemande (157 points contre 98 pour la France et 61 pour le Japon). En Août 1930 à Darmstad, l’équipe de France de Football « encaisse » 20 buts en deux matchs et la presse réclame une définition plus claire du statut d’universitaire.
Si la place prise par la France est d’importance, l’ensemble des pays concernés s’inscrit dans une spirale de conflits qui mènera à la guerre car l’essentiel des oppositions vient des positionnements idéologiques et de la montée des consciences nationales. A ce sujet, Jacques Thibault en 1989 expliquait les influences étrangères entre 1913 et 1936 : Jusqu’en 1935 le modèle italien est souvent décrit et admiré. Il signale également le souhait de Loisel, premier page
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par Jean-Pierre Lefèvre
directeur de l’Ecole normale d’éducation physique, au cours d’un voyage en Allemagne, de voir la France se doter de moyens semblables. Remarquons que les USA et l’Angleterre ne s’intéressent pas aux Jeux et que les pays nordiques ne postulent pas à leur organisation. De ce fait, l’accord sur le programme sportif est rapidement conclu (athlétisme, gymnastique, natation, sports collectifs, tennis) et quelques ouvertures ( judo, tir à l’arc, tennis de table…).
Si on s’amuse beaucoup à ces jeux, le niveau sportif reste aléatoire. Avec l’appui du Front populaire et de Jan Zay, l’UNEF réussit à restaurer une image positive de la France lors des jeux de Paris en 1937. Le congrès de la CIE dans le cadre de l’exposition universelle également à Paris témoigne du prestige français. La cité universitaire est pleine, le nouveau président Claude Delorme est vigilant sur les sujets abordés lors des conférences afin d’éviter de froisser les délégations étrangères du fait de l’invasion de la Rhénanie par les troupes allemandes en mars 1936 et le déclenchement de la guerre d’Espagne en juillet.
Les congrès suivants actant de la création de l’Office du sport scolaire et universitaire (OSSU) en France vont obtenir grâce à Jean Petitjean et Claude Delorme, que les VIIIème jeux mondiaux n’aient pas lieu en Allemagne. Le bureau exécutif du 15 mai 1939 désigne Monaco. L’Allemagne démissionne.
Conflits et restauration après la seconde guerre mondiale La période de Vichy a détruit un modèle associatif issu des initiatives étudiantes. C’est alors que Pierre Rostini réactive le sport universitaire en France. Il est proche des courants de pensée décrits par l’historien américain Robert Paxton qui montre comment après 1945, en pleine guerre froide, des responsables associatifs restaurent l’esprit de liberté et de démocratie face à tous les totalitarismes. Au congrès de l’UNEF en novembre 1944, Pierre Rostini est élu vice-président du syndicat étudiant puis secrétaire général de l’union patriotique des organisations étudiantes (UPOE) qui regroupe l’UNEF et les organisations politiques et confessionnelles issues de la résistance. Il maintient l’influence des étudiants français dans un contexte troublé en organisant les IXe jeux mondiaux universitaires à Paris en août 1947 sous l’égide de la confédération. Dans le même temps, l’Union étudiante internationale (UEI) pourtant édifiée en 1946 avec le concours des Français Rostini, Trouvat et Bouchet organise également ses jeux à Prague. Ceux de Paris sont très imprégnés de l’esprit du PUC et voient une équipe de football Française remporter une médaille d’or (3 à 2 devant l’Egypte au Parc des princes).
Alors qu’en 1949, une première forme de Fédération internationale du sport universitaire (FISU) se fonde à Luxembourg et que l’UNEF vient d’organiser les Jeux mondiaux à Budapest, la concurrence s’établit entre la FISU et l’Union internationale des étudiants de France (UIEF) dans un contexte de guerre froide naissante. La grande Affiche des Jeux universitaires mondiaux 1947

nouveauté est en 1957, à Paris quand les Jeux s’ouvrent aux pays d’Europe de l’Est sous régime communiste, évolution qui se fait en partie sous influence française. Les Jeux bien organisés par Jacques Flouret et l’OSSU et par l’UNEF avec l’aide du Paris université club (PUC), sont un succès, durent dix jours et voient s’affronter les meilleurs athlètes étudiants du monde (Stépanov, Germar…) dont ceux de l’Est en grand nombre qui remportent la plupart des médailles. Les délégations (1600 athlètes dont la Chine, l’URSS, les USA) hébergées à la cité universitaire d’Antony sont bien reçues et s’affrontent sur les meilleurs installations sportives de Paris. La presse lance les débats à nouveau sur le statut d’athlète universitaire et remarque les faibles résultats des USA au regard de leur potentiel.
Championnats du monde universitaires
transformations en cours. Alors que le débat tourne autour du statut « universitaire » des athlètes de l’Est, les Jeux universitaires deviennent des passages obligés de préparation pour de nombreux athlètes : le triple sauteur français Eric Battista est présent à Paris, le sera aux JO l’année suivante et sera à Beyrouth en 1959 pour les Jeux Méditerranéens. Il faut signaler qu’en France la situation politique est marquée par l’affaiblissement de la IVème République et l’influence croissante du Parti communiste. L’UNEF est traversée par des débats qui aboutiront à sa division. Les évènements de Hongrie, l’avènement en France d’une Vème République vont accélérer les
En 1959 alors que le Général de Gaulle est au pouvoir, une grave crise va secouer le système français, le mettant en danger alors même qu’il a joué un grand rôle. Le régime gaulliste ambitionne de redonner à la France une place prépondérante. On prépare les jeux olympiques de Rome, la guerre d’Algérie s’enlise, et l’ONU débat du problème. Le Haut commissaire aux sports, Maurice Herzog déconseille aux fédérations de nouer des relations avec des pays comme la Chine ou la RDA. Il renforce le contrôle de l’État au Conseil national des sports.
Dans ce climat, en août 1959 sont organisés les Jeux universitaires de Turin concrétisant la réunification du sport universitaire à laquelle Jacques Flouret, directeur de l’OSSU, avait tant travaillé. On pensait d’ailleurs qu’il pouvait viser la présidence de la FISU créée, entre autre, pour préserver le sport des courants idéologiques qui pourraient le ruiner. Tous les pays sont invités. Or le ministre des affaires étrangères italien sans en avertir la FISU organisatrice refuse les visas des athlètes chinois et nord coréens. Flouret et Dreyer au nom de l’OSSU expédient un télégramme de protestation au ministre italien. Maurice Herzog considérant Timbre des Jeux universitaires latinoaméricains 1962 que c’est une faute qui peut mettre la

diplomatie française en danger « démissionne » Flouret de son poste de directeur de l’OSSU. Un grave conflit se développe.
La commission De Ségogne qui rassemble tous les acteurs du sport scolaire et universitaire se réunit dès sa création le 2 juillet 1960 pour des travaux qui durent plus d’une année. On aboutit enfin à la création de l’ASSU en octobre 1961. Cet organisme reprend les initiatives concernant le sport étudiant. Les jeux de Turin sont vus ainsi par la presse : On peut contester la dénomination de Championnats du monde universitaires puisque les Américains ne pouvaient y participer, leurs universités ouvrant leur porte le premier septembre, que les Britanniques s’abstiennent systématiquement et que les Soviétiques ont un peu boudé cette année. » Ou encore : « Les Français tirèrent leur épingle du jeu qu’ils soient préparés au sein des clubs et non de leur établissement scolaire importe peu.
Après ces Jeux de Turin, puis l’échec français aux JO de Rome en 1960, la France se transforme dans un contexte concurrentiel où d’autres Jeux , Commonwealth, Méditerranéens, Asiatiques voient le jour. Pierre de Coubertin avait perçu ces antagonismes possibles dès 1930 dans « La charte de la réforme sportive» : il préconisait la suppression de tous les Jeux mondiaux faisant double emploi avec les Jeux Olympiques, la tenue de championnats mondiaux tous les deux ans seulement, la fin des constructions par des municipalités d’énormes stades destinés au seul spectacle sportif. Il réclamait aussi la création d’associations sportives scolaires. Il ressentait les dangers d’un sport trop mercantile ou trop soumis aux exigences de représentation internationale dans un champ politique concurrentiel.
Normalisation fédérale Comment pérenniser le sport étudiant autour de valeurs universelles face à des évolutions destructrices ? Des initiatives sont à noter à Chamonix pour la première Universiade d’hiver en 1960 organisée par Primo Nebiolo (élu président de la FISU en 1961 et qui le restera jusqu’à son décès en 1999) ; on décide de ne pas jouer les hymnes nationaux lors de la remise des médailles. Le poids des pays communistes au sein de la FISU est important et le sport universitaire joue sa carte au sein d’un grand ensemble qu’est le sport mondial. Nebiolo assume d’autres responsabilités et fait partie des grands dirigeants du sport international avec l’espagnol Samaranch et le brésilien Havelange. Dans ce cadre, la France suite à la loi Mazeaud de 1975 crée la Fédération nationale du sport universitaire (FNSU) dirigée par Jean Letessier et organise aussi des championnats du monde dans certaines disciplines. Les pays méditerranéens sont influents, l’Italie organise pas moins de quatre universiades d’été (Turin1959 et 1970, Rome1975 et Sicile1997) et cinq d’hiver. Depuis les Affiche Jeux universitaires mondiaux 1949 page
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universiades d’été de Zagreb en Yougoslavie en1987 puis celles de Palma de Majorque en1999 la FISU a les moyens financiers d’installer son siège à Bruxelles ce qui lui assure un positionnement stable sur l’échiquier international avec un comité exécutif de 24 membres et une représentation importante de pays méditerranéens dont la France avec Claude-Louis Gallien. Cet universitaire, ancien président du PUC, sera élu président de la FISU en 2011.
Les Universiades sont devenues les « FISU World University Games » et un nouveau siège est installé à Lausanne, signe de la puissance d’une fédération qui organise le second plus grand évènement multisports au monde après les jeux olympiques : 111 pays, 5893 athlètes à Naples en 2019. On introduit le foot américain et le base ball et paradoxalement on observe une montée des victoires qui concerne la Chine et la Russie. On associe à ces grands évènements l’organisation de conférences, spectacles, travaux pour la promotion de l’éducation physique dans le monde en relation avec l’UNESCO. Dans le même temps aux Etats Unis des discussions s’engagent sur la possibilité de payer les athlètes universitaires sans aboutir cependant pour l’instant tant le dogme de l’amateurisme est historiquement fort et fondateur au sein des universités depuis Théodore Roosevelt. L’ambivalence subsiste.
Universiades

Jean-Pierre Lefèvre MCF honoraire