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Special Olympics, vision, ambitions
Special Olympics une vision et des ambitions
C’est en 1968 qu’est créée par Eunice Kennedy Shriver Special Olympics, la première organisation mondiale dédiée à la reconnaissance, au respect, à l’acceptation et à l’inclusion des personnes handicapées mentales par les activités physiques et sportives.
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Les racines du mouvement La Fondation Joseph P. Kennedy Jr (JPK Jr.), organisation à but non lucratif a été fondée par l’ambassadeur Joseph P. Kennedy Sr. en 1946 en mémoire de son fils aîné mort au combat. Dès les prémisses, les objectifs de la fondation visaient à mettre l’accent sur la façon étaient accompagnées les personnes handicapées mentales, en se penchant tout particulièrement sur le diagnostic et la prévention. C’est la première fondation à concentrer ses efforts sur cette population alors négligée. A cette époque la plupart des enfants, des adolescents et des adultes présentant une déficience intellectuelle étaient soit placés en asiles, soit vivaient reclus au sein de leurs familles ou de leur communauté. Dès 1948 la fondation JPK Jr. défend la recherche sur les causes de la déficience intellectuelle, octroyant des subventions conséquentes pour l’époque. Pour exemple, en 1959 elle octroie un million de dollars pour établir les Laboratoires Joseph P. Kennedy Jr. dédiés à la recherche sur le retard mental au Massachusetts General Hospital qui est le premier centre de recherche dans ce domaine au monde.
En 1960 est élu à la présidence des Etats-Unis John F. Kennedy. Suivant les préconisations de sa sœur Eunice Kennedy Shriver, le président nouvellement élu fait de la déficience intellectuelle une priorité de sa nouvelle administration. En suivra en 1962 la création de l’Institut National pour la Santé de l’enfant et le développement humain. L’objectif est le développement de la recherche visant à comprendre le développement humain en mettant l’accent sur les troubles du développement, y compris la déficience intellectuelle (en 2008, l’institut sera rebaptisé Eunice Kennedy Shriver National Institute of Child Health and Human Development en hommage à son “rôle essentiel” lors de sa création). Le 31 octobre 1963 le président Kennedy signe un projet de loi pour financer la construction d’institutions dédiées à l’accompagnement des personnes déficientes intellectuelles incluant des installations sportives. Une mention particulière de la loi porte sur le financement de formations spécifiques à l’attention des enseignants, ce qui constitue une grande première et une reconnaissance de l’impact de l’éducation auprès de ces enfants. De 1964 à 1968 se tiennent plusieurs conférences dont l’objet est de promouvoir et développer les programmes d’activités physiques de loisir pour les personnes déficientes intellectuelles, sponsorisées par la fondation JPK Jr. C’est alors
que six universités prestigieuses se mobilisent en développant non seulement des projets de recherche mais aussi des formations menant à des diplômes spécialisés dans les loisirs pour les personnes souffrant de déficience intellectuelle.
Eunice Kennedy Shriver, une femme d’exception Eunice Kennedy, l’une des filles de Joseph Patrick Kennedy qui a fait fortune dans les années 1930 et de Rose Fitzgerald, fille du maire de Boston, est la cinquième de la fratrie composée de Joseph Jr, John, Rosemary, Kathleen, Eunice, Patricia, Robert, Jean et Edward. Elle épouse en 1953 Robert Sargent Shriver, ambassadeur des Etats-Unis en France de 1968 à 1970. En 1957, elle prend la présidence de la fondation JPK Jr. Avec son époux, désireux d’aller de l’avant, d’améliorer la qualité de vie, la participation sociale des personnes déficientes intellectuelles, ils mènent une campagne de sensibilisation à travers les EtatsUnis dans les institutions spécialisées et recrutent des experts et conseillers tels que le Dr Jerome Schulman, de la Northwestern University Medical School, le Dr Richard Masland, de l’Institut national des maladies neurologiques et le Dr George Tarjan, du Pacific State Hospital ou encore le Dr Robert Cooke, directeur du département de pédiatrie de la faculté de médecine de l’université Johns Hopkins.
En juin 1962 elle organise le premier camp d’été pour des enfants et adolescents handicapés mentaux chez elle, dans la banlieue de Washington. Cette « colonie de vacances » accueille alors des dizaines de jeunes des institutions spécialisées voisines de 6 à 16 ans avec le concours de bénévoles de lycées et d’universités, préalablement formés par des experts du domaine tel que les docteurs John Throne et George Jervis. Rien n’est laissé au hasard. L’accompagnement, à hauteur d’un bénévole par personne est requis, avec une formation de ces derniers en amont et un accompagnement pendant la durée du camp. Se succèdent alors chaque année les camps d’été, avec un accent de plus en plus prononcé sur l’exercice physique et les jeux, accueillant plus de 7000 enfants et jeunes en 1967. Eunice Kennedy Shriver souhaite qu’au-delà des camps d’été les activités physiques et sportives puissent être proposées tout au long de l’année aux enfants. Elle révèle cette année-là que sa sœur Rosemary souffre d’une déficience intellectuelle. C’est la première reconnaissance publique de ce type par la famille Kennedy, qui permet de comprendre d’où viennent ces projets et actions. L’article paru dans le Saturday Evening Post intitulé “Hope for the Retarded” (espoir pour les retardés) est connu comme un “tournant dans le changement d’attitude envers les personnes souffrant de retard”. L’article a suscité nombre de réactions mais a surtout permis de convaincre les parents qu’avoir un enfant, un frère ou une sœur souffrant d’une déficience intellectuelle n’était pas une raison pour avoir honte ou se sentir coupable.
Le 28 mars 1968, Eunice annonce l’organisation des premiers « jeux olympiques spéciaux » pour les enfants déficients intellectuels qui signeront la naissance de Special Olympics dont la mission est de proposer des activités sportives et de plein air aux personnes déficientes intellectuelles. À ce titre, elle est la seule femme américaine qui, de son vivant, est apparue sur une pièce des États-Unis, en 1995, sur le Dollar

d’argent Special Olympics. Jusqu’à son dernier souffle en 2009, elle n’aura de cesse de s’engager pleinement et physiquement auprès des athlètes pour améliorer leur bien vivre par l’activité physique et sportive, alliant des programmes liés à la santé, à l’inclusion et à la participation sociale. Un livre lui sera dédié « Eunice, la Kennedy qui a changé le monde », mettant en avant sa contribution internationale pour l’acceptation des personnes déficientes intellectuelles, l’amélioration de leur accompagnement notamment par l’activité physique et sportive, les programmes de santé et les pratiques inclusives.
Les Jeux Olympiques Spéciaux levier du mouvement Les premiers Jeux olympiques spéciaux internationaux d’été se sont déroulés le 20 juillet 1968 à Chicago. Ces jeux, dès la première édition, mettent en avant les valeurs et les lumières de l’olympisme : lors de la cérémonie d’ouverture, un athlète portant une torche allume la “Flamme de l’espoir ». Chacun, quelles que soient ses aptitudes, peut y participer pleinement. L’équité est au cœur de l’organisation de ces jeux et de tous ceux qui suivront. Eunice Kennedy Shriver, lors de la cérémonie d’ouverture partagera l’une des phrases clés de Special Olympics : « Laissez-moi gagner, mais si je ne peux pas gagner, laissez-moi être courageux dans ma tentative ». Plus de 200 épreuves sont proposées, dont le saut en longueur, le lancer de balle, la natation, le saut en hauteur, le sprint et le waterpolo. Special Olympics est officiellement constitué le 2 août 1968 à la suite de ces premiers jeux, avec le Dr Frank J. Hayden, Beverly Campbell et Wallace Duncan comme co-fondateurs. Ces Jeux ne se veulent pas des événements uniques mais le flambeau du développement de programmes d’activités physiques au quotidien pour les personnes déficientes intellectuelles.
Special Olympics prend de l’ampleur Cette organisation qui a vu le jour aux États-Unis commence à se répandre dans le monde entier. Deux ans après sa création, en août 1970 ce sont plus de 1500 athlètes provenant des 50 états des USA, du Canada et de la France qui participent aux jeux d’été. Pourquoi des jeunes français font partie de l’aventure ? A cette période, Servant Shriver est ambassadeur des Etats-Unis en France. Eunice qui l’accompagne œuvre au développement d’activités physiques et sportives pour les enfants et les jeunes handicapés mentaux en France et leur ouvre les portes de l’activité physique et sportive. Les événements sportifs locaux, nationaux et internationaux ont non seulement l’ambition de permettre le partage d’émotions, la confrontation mais aussi de changer le regard vis-à-vis des personnes déficientes intellectuelles sur les terrains de jeu et en dehors. Après une décennie, les Jeux olympiques spéciaux internationaux d’été attirent des milliers d’athlètes du monde entier. Les Jeux d’été ont été organisés tous les quatre ans aux USA de 1968 à 1999 puis en 2003 à Dublin, 2007 à Shangai, 2011 à Athènes, 2015 à Los Angeles, 2019 à Abu Dhabi en 2019 qui réuniront 7500 athlètes de 190 pays. Les prochains jeux d’été internationaux se dérouleront à Berlin en 2023. Les jeux d’hiver se mettent en place dès 1977 à Steamboat Springs (USA) accueillant 500 athlètes de 7 pays. En 1985 la poste américaine édite un timbre des Jeux d’hiver de Special Olympics spéciaux de Park City, dans l’Utah, signe d’une réelle reconnaissance du mouvement. Ces jeux seront organisés jusqu’en 1989 aux USA avec jusqu’à 18 pays représentés. Dès leur organisation en Autriche en 1993 le nombre de délégations fait un bond avec la participation de 1600 athlètes de 50 pays. Les jeux d’hiver suivants qui se tiendront au Canada, aux USA, au Japon, en Corée du Sud et en Autriche verront un accroissement progressif des participations pour atteindre 3000 athlètes de 110 pays lors des jeux de 2017. Les prochains se dérouleront à Kazan en 2022.
La santé des athlètes, une préoccupation majeure Les personnes déficientes intellectuelles souffrent de problèmes de santé souvent non diagnostiqués. Special Olympics, dans une perspective d’améliorer la qualité de vie et la santé bio-psycho-sociale s’est associée à des bénévoles du secteur médical, paramédical, à des enseignants et étudiants en activité physique adaptée. Le programme « Healthy
athletes » ou Athlètes en bonne santé devient en 1997 l’un des programmes phares de Special Olympics dans le monde entier. Il s’agit de proposer aux athlètes lors des événement nationaux ou internationaux des examens gratuits de la vue, de l’ouïe et de la dentition, des tests physiques et une éducation nutritionnelle. Les données recueillies ont fait l’objet de nombreuses recherches sur l’état de santé des personnes déficientes intellectuelles et furent à l’origine de recommandations et d’actions internationales portées par l’Organisation Mondiale de la Santé et les Nations Unies. Ce programme sera ensuite renommé « Santé inclusive » pour que l’accès aux soins et aux programmes de santé soient accessibles. Une sensibilisation et un accompagnement des professionnels médicaux et paramédicaux est conduite pour pallier ces écueils. En France, le programme santé est non seulement proposé lors des événements nationaux mais se décline également dans les institutions spécialisées pour permettre le diagnostic et le suivi de davantage d’enfants, adolescents et adultes car tous ne participent pas aux événements sportifs.
Les pratiques inclusives au centre de visions et ambitions partagées L’un des objectifs majeur porté par Special Olympics est de changer le regard de la société vis-à-vis des personnes handicapées mentales. Pour ce faire, nombre d’études ont montré que les campagnes de sensibilisation sont peut-être une première étape, mais qu’une participation commune à des activités, des moments de vie partagés avaient un bien plus grand impact, d’autant plus s’ils sont pérennes. En 1986, les Nations Unies suivent le mouvement et l’encouragent en lançant l’année internationale des Jeux olympiques spéciaux en mettant en avant le slogan “Special Olympics-Unifiant le monde”. En février 1988, le Comité International Olympique signe un accord avec Sargent et Eunice Kennedy Shriver, approuvant et reconnaissant officiellement les Jeux Olympiques Spéciaux. Dès juillet 1988 des programmes de Sport Unifié sont lancés, rassemblant des athlètes avec et sans déficience intellectuelle. Timothy Shriver, fils d’Eunice qui a pris le flambeau de Special Olympics en 1996 a appuyé le déploiement des programmes inclusifs, son leitmotiv étant « la révolution est l’inclusion », en invitant tout un chacun à faire partie d’une nouvelle génération qui célèbre toutes les différences, toutes les capacités.
Président de Special Olympics International et co-fondateur de UNITE - une initiative visant à promouvoir l’unité nationale et la solidarité au-delà des différences, Tim a collaboré avec des dirigeants mondiaux tels que Nelson Mandela, Bill Clinton, George W. Bush, Bertie Ahern, Rafiq Hariri, Thabo Mbeki, Julius Nyerere, Shimon Peres et bien d’autres pour faire progresser la mission et la vision des Jeux Olympiques Spéciaux tout en incitant les nations à adopter des politiques plus justes et plus favorables. Il a impulsé nombre de programmes innovants dans les domaines de la recherche interculturelle, de la santé, de l’éducation et du soutien aux familles. Parmi ces programmes, Special Olympics Healthy Athletes® est devenu le plus grand programme de diagnostic et d’éducation en matière de santé publique pour les personnes souffrant de déficience intellectuelle. Special Olympics Get Into It® et Unified Sports® favorisent l’inclusion et l’acceptation des personnes déficientes intellectuelles dans le monde entier. Il est nommé en 2019 chairman de la chaire de l’UNESCO « Transformer la vie des personnes handicapées, leurs familles et communautés par l’éducation physique, le sport, les loisirs et le fitness » dont l’un des programmes phares et UFIT qui visa l’inclusion des personnes handicapées dans le secteur des loisirs, du fitness et du sport.
D’autres programmes inclusifs concernent les jeunes enfants de 2 à 6 ans auxquels sont proposés des programmes ludiques et inclusifs avec leurs frères et sœurs, leurs voisines ou voisins, auprès de leur domicile, en permettant également à leurs parents des temps de partage et de pause. Ce programme « jeunes athlètes » a été lancé en France en janvier 2014 à Carrières sur Seine en présence de la marraine Natalia Vodianova.
Le développement personnel et professionnel de tous et de chacun Les fondateurs et dirigeants de Special Olympics souhaitent que les athlètes prennent une place majeure dans le mouvement et aient des opportunités d’épanouissement personnel et professionnel. Se tient le premier Congrès international des athlètes à La Haye, aux Pays-Bas en 2000. Des athlètes de toutes les régions du monde se réunissent pour discuter de l’avenir du mouvement. Malgré les différences de langue, de culture, d’âge et de sexe, ils discutent et votent de nouvelles résolutions.
Se développeront ainsi des programmes de formation et d’accompagnement des athlètes leur permettant de devenir ambassadeurs de Special Olympics pour prendre la parole lors de congrès ou d’instances nationales et internationales ou encore de devenir entraîneurs associés comme c’est le cas de Micheline Van Hees, athlète belge, coach associée, que nous avons eu le plaisir de rencontrer. Elle entraîne des jeunes déficients intellectuels en natation. Sa sensibilité et sa compréhension des enfants font d’elle une personne clé de leur apprentissage et de leur participation. Elle intègre nombre d’instances en Belgique et fait désormais partie du conseil mondial des athlètes de Special Olympics.
Pour assurer la qualité des programmes, des formations sont élaborées à l’attention des enseignants, des entraîneurs, des bénévoles, mais aussi des professeurs d’universités afin de former les étudiants, lesquels jouent un rôle majeur tantôt comme partenaires lors des sports unifiés, bénévoles ou encore coaches. Ce programme de formation à destination des universitaires fut créé dans les années 2000 par Glenn Roswal et Mariusz Damentko. Ce programme sera dispensé en France dès 2008 à l’Université Paris Nanterre. S’en suivront de nombreux projets et coopérations entre Special Olympics, les associations et les universités.
Des innovations toujours en lice Les dernières avancées sont liées à la situation actuelle liée à la pandémie du COVID 19 qui touche tout particulièrement les personnes déficientes intellectuelles et leurs familles. Special Olympics va toujours de l’avant avec les athlètes, mettant en lumière depuis toujours le message clé de la convention des droits des personnes handicapées des Nations Unies : « rien pour nous sans nous ». Ont ainsi été développés depuis l’année dernière des séances d’activités en ligne proposés tant par les dirigeants come Tim Shriver que par des athlètes, postant très régulièrement sur les réseaux sociaux des messages et des vidéos pour inciter à la pratique d’activités physiques. L’innovation et le partage sont au cœur d’une nouvelle manière d’imaginer la vie active pour tous aujourd’hui et de demain.
Claire Boursier Maître de Conférences en STAPS / APA Past-Présidente de l’IFAPA Lead Development Officer chez Mooven
