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Henri Didon

1er Semestre 2019 Henri Didon

pédagogue épique et apôtre olympique

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Didon

par Alain Arvin-Bérod

Je devais approfondir le système anglais où les sports athlétiques occupent une place prépondérante dans la formation de leur jeunesse.

Notre envoyé spécial du « Gaulois » Ferdinand Blanc a rencontré le 12 mai de cette année 1899, le Père Henri Didon, Prieur du Collége Albert-leGrand d’Arcueil. Il revenait d’un voyage en Angleterre désireux de mettre à jour ses connaissances sur le système éducatif britannique et en comparaison avec l’organisation du nôtre en France. Le dominicain s’était vu délivré une lettre d’accréditation par le Ministre de l’Instruction Publique du Royaume Uni afin de faciliter ses investigations en toute liberté.

« Mr le Prieur vous êtes rentré de votre voyage d’études en Angleterre et nos lecteurs veulent connaître les impressions que vous avez gardées de ce périple outre-manche. Et si des idées du même type peuvent être exportées chez nous ? »

Père Didon : « Lors du Congrés olympique du Havre il y a deux ans j’avais eu l’opportunité de rencontrer le révérend De Courcy Laffan headmaster du collége de Cheltenham représentant des headmasters anglais. Mon «cher Vaillant» comme je surnomme avec affection mon ami Pierre de Coubertin, avait eu la bonne idée d’inviter ce dernier à prendre la parole à ma suite. Et sans aucune concertation préalable nous nous sommes trouvés en plein accord lui et moi, sauf dans le style, le headmaster étant plus réservé que votre serviteur… j’avais évoqué que l’être libre est un être affranchi et qu’on ne doit lui parler que comme à un être souverain, je m’en souviens encore. Et ce jour-là le révérend anglais se sentit «appelé» selon ses propres paroles à servir la cause olympique! Ce qui fut un ravissement pour le baron qui me confia alors «un nouveau collaborateur tombe du ciel! ». Je compris alors que je devais approfondir le système anglais où les sports athlétiques occupent une place prépondérante dans la formation de leur jeunesse. Fort de la lettre d’accréditation du ministre britannique je me suis rendu successivement à Cambridge, puis à Oxford où j’ai été prié de donner une conférence. J’ai visité ensuite les collèges protestants de Winchester, d’Eton, d’Harrow, d’Edimbourg, l’externat de Saint Paul à Londres. Le collège catholique de Saint Charles dirigé par les oblats du cardinal Newman et celui de Birmingham dirigé par les oratoriens m’ont ouvert grandes leurs portes. Vous devez vous doutez que je n’ai pas manqué l’occasion de me rendre du même coup à Rugby dont le baron m’avait vanté le rôle de pionnier dans les sports athlétiques. Ma curiosité intellectuelle n’a pas été déçue bien au contraire! Si je devais résumer mon sentiment avant d’entrer dans les détails, je dirais à vos lecteurs que je suis

revenu plus assuré que jamais sur la nécessité de développer l’autonomie et l’initiative des élèves: les Anglais ont un mot pour cela qui est le self government. dont j’étais un adepte avant de connaître le mot! »

Quel rôle est-il dévolu aux sports dans l’éducation anglaise ? Père Didon : « Ils sont à la fois un socle éducatif pour la formation morale de leur jeunesse et un fer de lance pour l’aguerrir à l’esprit de conquête qui sied à merveille à notre époque moderne. L’orgueil national trouve dans ces affrontements physiques une occasion de développer l’influence anglaise dans le monde. Etant un libéral convaincu j’ai mesuré à quel point l’appel aux vertus viriles et au respect de l’adversaire dans le fair play durant leurs joutes était forgé et consolidé par les sports. Ces exercices physiques avaient été, il y a plus de mille ans dans la Grèce antique, aux fondements d’une civilisation dont nous sommes tous les fils au demeurant. Mon image quelque peu militaire est fondée sur le tempérament énergique et parfois violent des collégiens britanniques. Mais cette vitalité est aussi imprégnée d’un amour de la liberté et de l’autonomie qui devrait devenir la marque distinctive de notre enseignement chez nous. C’est ce que j’ai mis en œuvre à Albert le Grand et dans les institutions qui en dépendent. C’est ce que j’entends présenter à la Commission d’enseignement présidée par Joseph Ribot son président etc… »

Vous allez donc être invité à l’Assemblée Nationale ? Mais dites m’en plus s’il vous plaît. Père Didon : « Je vais présenter mon analyse le mois prochain sur les méthodes éducatives françaises et je vais évidemment faire toute sa place aux sports athlétiques. Je leur dirais à peu près ceci: on a beaucoup médit d’eux preuve qu’ils triompheront ! car le culte de l’effort physique est le commencement des autres efforts. Je souhaite leur proposer de développer la méthode éducative dans trois directions: initiative, virilité et liberté. Et qu’on ne nous reproche pas de faire des athlètes et des gymnastes. Nous avons ici à Arcueil un concours interscolaire. Savez vous ce qui m’a le plus frappé? Ce n’est pas la vigueur du jarret, du bras, du cœur et des poumons, c’est la vigueur de la volonté. Et j’en ai conclu que celui qui sait commander à ses bras, à ses jambes, à ses poumons, à son cœur et à ses muscles est bien prêt de commander à lui-même. Des médecins sont sceptiques allez vous me dire, je le sais. Mais défions nous des pharmaciens, des docteurs à fioles, à potions, à pilules, à calmants à kola... si vous voulez faire des hommes robustes, voici le moyen: le grand air. Parfois on me dit «Ah oui ces dominicains ne tiennent pas leurs enfants…» mais soyez plus large, plus intelligent dis- je aux parents d’élèves. Je rappellerais qu’en 1891 quand certains ont été étonné de me voir convier sur notre champ de manœuvre à Arcueil les élèves des lycées d’Etat, pour se mêler à nos luttes athlétiques j’avais vu à ce moment le symbole et le commencement de la fraternité future… Mon cher Vaillant ne s’y était pas trompé! Ensuite les résultats aux concours d’entrée aux grandes écoles comme Saint Cyr, Polytechnique, Normale, Navale et aux écoles de droit de médecine, de sciences etc… ont attesté de la réussite des méthodes éducatives propres à Arcueil. La semaine dernière encore alors que j’étais à Grenoble au Petit Séminaire du Rondeau pour retrouver mes souvenirs et mes amis, j’ai envoyé un télégramme à l’annonce de la réussite d’un pensionnaires d’Albertle-Grand à l’X, Aimé Félix pour ne pas le nommer, pour demander que l’on arrose Arcueil de champagne! Ce que je ne conseillerai pas aux membres de la Commission Parlementaire… »

1896 - Stade panathénaïque

Merci Mr le révérend pour votre liberté de ton, vos propos et propositions que nos lecteurs ne manqueront pas d’apprécier je l’espère.

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