MEMOIRE DE MASTER
Séminaire Territoires de l’eau : architectures, urbanismes et modes de vie
Etudiante : Clotilde Trolet Enseignants : Valter Balducci, Milena Guest
Etablissement : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie
Dates : Septembre 2022 - janvier 2023
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L’INVENTION D’UNE ILE IMAGINAIRE : ETUDE DE L’EVOLUTION PAYSAGERE, URBAINE ET ARCHITECTURALE DE LA COSTA SMERALDA EN SARDAIGNE DE 1960 A 1990.
Pourquoi la Costa Smeralda, et plus particulièrement Porto Cervo, constituent un des exemples de l’architecture balnéaire imaginaire au sein du bassin méditerranéen ?
AVANT-PROPOS p.4
INTRODUCTION ...p.5
I. L’ECHELLE TERRITORIALE ET LES PREMICES DE LA COSTA SMERALDA
1. Les outils urbanistiques et législatifs en l’Italie et en Sardaigne
Les lois sur l’urbanisme en Italie au XIXè et XXè siècles
Les dispositifs régionaux à l’échelle de la Sardaigne
………………….…p.8
2. La découverte de Monti di Mola et la naissance du projet Porto Cervo p.10
Les membres fondateurs et la création du Consortium
La genèse du projet et ses principaux acteurs
II. LE PAYSAGE ENTRE PRESERVATION ET TRANSFORMATION
1. Le patrimoine paysager et son devenir p.13
Les réserves naturelles marines, parcs nationaux et autres éléments naturels remarquables
Les initiatives locales et organismes de protection et de conservation
2. Un processus de conception entre densification et conservation p.16 L’urbanisation rapide d’un territoire naturel vierge Limitations du projet et respect du paysage
III. LES FORMES URBAINES ET ARCHITECTURALES AVANT ET APRES 1960
1. Une architecture entre tradition et modernité p.18 L’architecture vernaculaire de la région : le cas des « stazzi » Réinterprétation de l’architecture traditionnelle au service du projet
2. L’apparition de nouvelles urbanités et centralités……………………….…………p.23
Etat des lieux de la viabilité de la région à partir du lancement du projet Etude de la morphologie urbaine de la ville de Porto Cervo
3. L’évolution de l’architecture individuelle et collective p.30 Analyse des opérations touristiques collectives : le cas des hôtels Exemples et caractéristiques de l’habitat individuel dans la région
p.42
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CONCLUSION………………………………………………………………..……………………p.38 BIBLIOGRAPHIE
Source : vue pittoresque des détails de toitures et de façades, Porto Cervo, carte postale, 1983 (En ligne in www.delcampe.net, consulté le 10 novembre 2022)
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AVANT-PROPOS
L’écriture de ce mémoire qui porte sur l’étude des littoraux et de l’urbanisme sarde fait suite à une année passée en Sardaigne à étudier l’architecture locale et la manière d’aménager les villes et le paysage sur ce territoire insulaire. Elle s’inscrit également dans la continuité de l’enseignement reçu lors de ma deuxième année de master à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie au sein du domaine d’études AVT (Architecture de la Ville et des Territoires). C’est pourquoi ce sujet aborde des thèmes tels que l’urbanisme, le paysage, l’architecture, mais prend également en compte l’aspect de l’homme au sein de tout ce processus et de son impact, notamment avec l’arrivée du tourisme.
Cette étude a donc pour but de retracer l’évolution de l’aménagement de ce territoire aux caractéristiques remarquables, tout cela en prenant en compte divers éléments tels que les politiques d’urbanisme et collectivités locales, l’approche paysagère et environnementale, les types et formes architecturales vernaculaires et contemporaines, mais aussi le besoin de répondre à une clientèle particulière et surtout étrangère ainsi que l’avis de la population locale.
La période d’étude s’étend de 1960, début de processus de mutation urbaine de la région de Monti di Mola, à 1990, décennie au cours de laquelle les typologies urbaines et architecturales ont cessé d’évoluer et ont commencé à se présenter telles que nous les connaissons aujourd’hui.
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INTRODUCTION
Sujet et problématique
Ce mémoire rentre dans le cadre du cursus « Architecture de la Ville et des Territoires », dispensé en deuxième année de Master à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie, au sein de l’atelier de séminaire « Territoire de l’eau : architecture, urbanisme et modes de vie ». Il constitue un travail visant à analyser l’évolution des littoraux du nord de la Sardaigne et plus particulièrement de la Costa Smeralda de 1960 à 1990 à travers l’étude des typologies paysagères, urbaines et architecturales mais aussi à travers l’aspect social et touristique.
Ce travail portera principalement sur la ville de Porto Cervo, de sa genèse dans les années 1960 jusqu’aux années 1990, où son profil et son tissu urbain se sont plus ou moins figés. Cependant, d’autres villes seront également citées, l’une d’entre elles étant Porto Rotondo, qui sera abordée à titre de comparaison dans la continuité de l’étude de ce phénomène d’urbanisation à des fins touristiques ou de plaisance. L’objectif, in fine, étant de comprendre pourquoi la Costa Smeralda, et plus particulièrement Porto Cervo, constituent un des exemples de l’architecture balnéaire imaginaire au sein du bassin méditerranéen ? De cette problématique découlent plusieurs hypothèses de travail telles que la prise en compte du paysage remarquable de la région et son intégration au projet, l’influence de l’architecture vernaculaire locale et sa réinterprétation ou encore le rôle du tourisme et la manière dont il a contribué à cet imaginaire.
Articulation de l’étude
Afin de démontrer les hypothèses qui vont guider l’ensemble des recherches, ce travail se décomposera en plusieurs chapitres visant à mettre en exergue les caractéristiques du projet. Cela se fera à travers une analyse à différentes échelles, de la plus large à la plus rapprochée. D’abord l’échelle territoriale, puis paysagère, ensuite l’échelle urbaine et enfin l’échelle architecturale et donc du détail.
Le premier chapitre contient un état des lieux des politiques sur l’urbanisme en Italie et plus particulièrement en Sardaigne afin de comprendre le statut particulier qu’occupe cette région et en quoi cela peut avoir un impact sur les diverses lois qui régissent son territoire. Cette étape permet de remettre dans un contexte concret l’ensemble de l’étude ainsi que de comprendre le processus de conception et d’urbanisation des littoraux dans le cadre du projet de la Costa Smeralda. Elle est suivie par l’explication de la mise en place du projet et les acteurs qui ont contribué à son élaboration.
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Le second chapitre s’articule autour de la question paysagère. Aussi, sont exposés dans cette partie les différents types de classifications des espaces naturels du nord de l’île et leurs statuts à l’échelle régionale voire nationale ainsi que la question de leur gestion et de leur devenir. De plus, les questions de respect du paysage au cœur du processus de conception, la densification rapide ainsi que les limitations du projet sont abordées.
Le troisième et dernier chapitre traître des enjeux urbains et architecturaux. Tout d’abord en analysant l’architecture vernaculaire de la région et la manière dont celle-ci est réinterprétée au sein du projet de la Costa Smeralda et plus particulièrement de la ville de Porto Cervo, puis en expliquant l’évolution des espaces publics et l’urbanisation progressive à l’échelle de la région et enfin en étudiant l’échelle architecturale, c’est-à-dire celle du détail, des matériaux de construction, des qualités spatiales aussi bien pour les opérations collectives que les villas individuelles.
Sources et méthode
Ce mémoire est alimenté par des sources bibliographiques de natures diverses. Tout d’abord, l’étude de la cartographie locale, notamment à l’aide de Sardegna Géoportale, permet de comprendre les enjeux à grande échelle. L’ensemble du travail s’articule autour de l’étude de textes de loi, d’articles, de revues architecturales, d’ouvrages, de cartes postales, de photographies et dessins d’époque, mais aussi contemporaines, de témoignages ou de récits de personnes ayant joué un rôle de près ou de loin dans ce processus, tels que les architectes, les paysagistes, les commanditaires ou encore les locaux. Ces sources sont exploitées sous différentes formes, notamment par le biais de figures tout au long du texte mais aussi de citations ou de références.
La multiplication des médias de recherche et des sources offre un plus ample regard sur le phénomène et donc une analyse plus complète et détaillée. Aussi, la prise de contact avec des institutions locales ou des personnes ayant d’ores et déjà étudié le sujet permet d’apporter davantage d’informations et d’éléments à l’étude et de la nourrir de connaissances supplémentaires, aussi bien par le biais d’archives écrites que de dessins d’architectes et paysagistes de l’époque, ayant contribué au projet.
Etat de l’Art
L’urbanisation des littoraux de la Sardaigne et plus particulièrement ceux situés au nord de l’île ainsi que le projet de Porto Cervo sont des sujets qui ont déjà été traités par de nombreux architectes, urbanistes et chercheurs et ce depuis plusieurs années. En effet, il est possible de
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trouver un grand nombre de travaux, d’articles notamment, sur la naissance du projet de la Costa Smeralda et la construction de Porto Cervo. Par exemple, Alessandra Cappai a rédigé plusieurs essais et articles1 à ce sujet. On retrouve également des écrits de Lidia Decandia2 , de Pisana Posocco3 , mais aussi le témoignage de Simone Gerlat4 ou encore l’ouvrage de Giovanni Gelsomino5. Tous traitent le sujet de la Costa Smeralda à travers divers aspects et points de vue. Ainsi, on retrouve de récits plutôt axés sur l’aspect historique et géographique du lieu, ou bien traitant principalement de l’aspect paysager et de la gestion des espaces naturels. D’autres s’intéressent plutôt au point de vue des architectes ayant contribué au projet et à leurs travaux. Certains abordent davantage les types architecturaux et établissent des comparaisons avec l’architecture vernaculaire et traditionnelle sarde. Enfin d’autres articulent leurs études autour de l’aspect social et touristiques, en confrontant le point du vue des locaux et des étrangers. En ce qui concerne l’études des politiques italiennes ainsi que les lois relatives à l’urbanisme et à l’expansion des territoires, on trouve les travaux de Julien Rochette6, de Philippe Graff7, de Robert Bergeron8 , ou encore d’Alberto Roccella9 .
Ces diverses sources bibliographiques10 ont permis de développer une analyse critique sur le sujet de la Costa Smeralda et de retracer son évolution à diverses échelles. Ces dernières font donc office d’exemples, de supports de recherche et d’observation critique, et permettent à ce mémoire de s’inscrire dans la continuité de multiples recherches déjà présentes sur le sujet
1 Alessandra Cappai, est ingénieure et docteure en urbanisme, diplomée de l’Université Polytechnique de Catalogne Elle rédige plusieurs études parmi lesquelles : CAPPAI Alessandra, Dal neorealismo italiano al landscape planning americano: La fondazione del paesaggio turistico della costa smeralda, thèse à Université Polytechnique de Catalogne, département d’Urbanisme, février 2014.
2 Lidia Decandia est docteure en planification territoriale et urbaine et enseigne au Département d’Architecture de l’Université de Sassari
3 Pisana Posocco est enseignante et chercheuse à l’Université « La Sapienza » de Rome, dans le département architecture. Elle est membre du Collège doctoral d'architecture et de construction.
4 GERLAT Simone, La Costa Smeralda. Il mito e il modello, Carlo Delfino Editore, Sassari, Juin 2006.
5 GELSOMINO Giovanni, Costa Smeralda Storia di un incanto, Iniziative Editoriali, Juin 2016.
6 Julien Rochette est docteur en droit international, diplômé de l’Université de Milan.
ROCHETTE Julien, Le conservatoire des côtes de Sardaigne : Une institution hybride In Revue Européenne de Droit de l'Environnement, n°3, 2008. pp. 277-279
ROCHETTE Julien, Les nouvelles dispositions juridiques applicables aux zones côtières de la région Sardaigne (Italie), in Droit maritime français, mars 2007
7 GRAFF Philippe, Une comparaison franco-italienne des documents d'urbanisme : Plan d'occupation des sols et Piano regolatore generale, Méditerranée, tome 96, Février 2001. In Politique urbaines à Naples et à Marseille: regards croisés. pp. 41-44
8 BERGERON Robert, L'évolution récente de l'économie sarde, in Revue de géographie de Lyon, vol. 48, n°1, 1973. pp. 61-97.
9 Alberto Roccella est professeur associé de droit de l’urbanisme à la Faculté de droit de l’Université de Milan.
ROCCELLA Alberto, Le Droit de l’urbanisme en Italie, in Annuaire français du droit de l'urbanisme et de l'habitat 1996, Edition Gridauh, 1996, pp. 495-520.
10 Voir bibliographie
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I.
L’ECHELLE TERRITORIALE ET LES PREMICES DE LA COSTA SMERALDA
1. Les outils urbanistiques et législatifs en l’Italie et en Sardaigne
Les lois sur l’urbanisme en Italie au XIXème et au XXème siècles
La première loi concernant la planification urbaine et la gestion de l’expansion des villes dans les nouveaux Etats italiens est celle de 186511, aussi appelée « Loi de Naples ». Cette loi introduit la notion de « piano regolatore generale communale », ce qui équivaut à un plan d’aménagement municipal, aussi appelé « plan directeur ». Cette dernière s’applique seulement à des territoires urbanisables, c’est-à-dire qu’elle ne prend en compte que le périmètre de la villeexistanteet quelquesquartierssitués enextérieurdeville,mais pas encoreleszones rurales ou non construites. S’ajoute à cela la notion de plan d’agrandissement (« Piano d’ampliamento »), qui concernent quant à eux l’extérieur des villes.
Le reste des lois sur la gestion du paysage et l’expansion urbaine n’apparaissent qu’au cours du XXème siècle. La première d’entre elles est la loi de 193912 sur la protection des beautés naturelles. Elle prend en compte tout type d’élément naturel ou bâti au caractère remarquable, qui est reconnu comme d’intérêt public et qu’il est donc nécessaire de protéger. Aussi, on peut retrouver dans la liste plusieurs catégories telles que des villas, des jardins, des parcs, des lieux panoramiques considérés comme cadrage naturel exceptionnel, certaines localitésplus larges…
Ce n’est qu’en 194213 , soit presque quatre-vingts ans après la création des plans directeurs que ces derniers sont légèrement modifiés et précisés. En effet, le « piano regolatore communale » devient le « piano regolatore generale» et prend désormais en compte les secteurs ruraux ou encore non urbanisés. Auparavant il ne nécessitait pas de niveau supplémentaire de mise en œuvre alors que cela est désormais obligatoire. Il introduit d’ailleurs d’autres dispositifs tels que les « piani territoriali di coordinamento » et les « piani particolareggiati » mais aussi de nouveaux concepts tels que la «pianificazione territoriale » et la « zonizzazione» qui tend à rendre la discipline encore plus précise et plus réglementée contrairement au seul et unique plan directeur qui existait autrefois.
Trente ans plus tard, en 197214 l’Etat italien attribue aux régions de plus amples pouvoirs et accorde donc à ces dernières le droit d’intervenir dans tout ce qui concerne la planification
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Legge 25 giugno 1865, n 2359
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Legge 29 giugno 1939, n. 1497 «Protezione delle bellezze naturali». G.U. 14 ottobre 1939, n. 241
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Legge 17 agosto 1942, n. 1150.
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Legge [4.1.1- L.R.] 24 maggio 1972, n. 8
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urbaine à l’échelle régionale. En effet, elles héritent des droits autrefois entièrement détenus par l’Etat central en matière d’urbanisme et bénéficient donc d’une plus grande liberté d’intervention à l’égard de leur propre territoire.
Enfin, en août 198515, la loi appelée loi « Galasso »16 introduit des protections sur les biens paysagers et environnementaux. Sont par exemples concernés les territoires côtiers compris dans une bande de 300 mètres de profondeur à partir du rivage mais également les terrains élevés au-dessus de la mer, les réserves et parcs nationaux et régionaux, ou encore les zones humides figurant sur la liste du décret présidentiel n° 448 de mars 197617. Cette loi oblige également les régions à soumettre le territoire concerné à des réglementations spécifiques d'utilisation et de mise en valeur de l'environnement en développant des plans de paysage ou des plans urbano-territoriaux (« piani paesistici ou piani urbanistico-territoriali »)
Les dispositifs régionaux à l’échelle de la Sardaigne
Comme l’introduit la loi de 1972, l’Etat confère un pouvoir plus important aux régions concernant lesdécisions qu’elles peuvent prendre àl’égarddel’urbanismeet del’aménagement de leur territoire, en terme d’expansion urbaine notamment.
La Sardaigne n’échappe donc pas à ce processus. Elle se voit d’ailleurs attribuer diverses autorisations mais est aussi dotée d’un statut spécial, au même titre que la Sicile, le TrentinHaut-Adige, le Frioul-Vénétie et la Vallée d’Aoste. En effet, en 1948, à peine dix ans après la loi visant à remanier les plans directeurs, une nouvelle loi voit le jour et celle-ci concerne ces quatre régions ainsi que la Sardaigne. Grâce à cette loi, la Sardaigne peut légiférer de manière exclusive sur l’aménagement de son territoire. Elle se voit donc attribuer de nombreux pouvoirs législatifs et notamment dans le domaine de l’urbanisme et du paysage. En effet, chaque région dotée de ce statut spécial a la capacité de gouverner et de faire des plans paysager. Cette loi est à présent remise en cause par l’actuel gouverneur qui souhaiterait revenir à un système plus général, dirigé par l’Etat, afin que ce dernier puisse agir sans l’accord des régions et modifier plus aisément et librement leurs territoires, notamment les littoraux avec une forte attractivité touristique.
15 Legge 8 agosto 1985, n. 431 (Galasso)
16 La Loi Galasso prend son nom de l’homme politique Giuseppe Galasso, né en 1929 à Naples. Il fût notamment membre de la Chambre des Députés de 1983 à 1994.
17 Le décret présidentiel en question concerne l'exécution de la Convention relative aux zones humides d'importance internationale, Ramsar, 2 février 1971.
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2. La découverte de Monti di Mola et la naissance du projet Porto Cervo
Les membres fondateurs et la création du Consortium
En 1952, le Prince Karim Al-Hussaini18, plus connu sous le nom d’Aga Khan, découvrit les territoire situés sur les côtes nord-est de la Sardaigne dans la province d’Olbia, aux côtés de cinq autres hommes qui sont Patrick Guinness19, Félix Gray20 , John Duncan Miller21, André Ardoin22 et René Podbielski23. Le prince, qui apprécia cette zone encore intacte et dépourvue de toute urbanité, décida d’acheter environ 2000 hectares de terrains à des fermiers, des agriculteurs et des paysans locaux, tous plus ou moins situés en bord de mer.
Ces terrains étaient quasiment vierges, très peu exploités en terme de construction et surtout très peu accessibles. Malgré cela, leur potentiel est indéniable et les premières réflexion de projet commencent alors à voir le jour.
Afin de pouvoir mettre en œuvre tout ce projet, les six hommes fondent dix ans plus tard, en 1962, le Consortium de la Costa Smeralda. Ce Consortium consiste en une lettre d’intention, signée par les six nouveaux propriétaires de ces terres et c’est ce dernier qui marque officiellement le début du projet et de tous les changements qui vont s’opérer sur les côtes nord de la Sardaigne des années 1960 aux années 1990. C’est à partir de cette date que le visage de ce littoral, auparavant isolé, enclavé, quasiment désert, va inéluctablement se métamorphoser
18 Karim Al-Hussaini, dit Karim Aga Khan IV, né à Genève en 1936, est le chef spirituel des ismaéliens nizârites. Il est diplômé de Harvard en histoire Islamique. Membre fondateur du Consortium.
19 Patrick Benjamin Guinness, né en mars 1931 Il étudie à Eton College, Windsor, Berkshire, Angleterre. Il obtient le grade de lieutenant au service des Royal Horse Guards. Membre fondateur du Consortium.
20 Félix Gray est le bras droit de l’Aga Khan. Membre fondateur du Consortium.
21 John Duncan Miller est un journaliste britannique et grand financier. Membre fondateur du Consortium.
22 André Ardoin est un avocat français . Membre fondateur du Consortium.
23 René Podbielski, né en Pologne en 1914, est un écrivain de nationalité allemande. Membre fondateur du Consortium.
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Figure 1 : Berger sarde dans les plaines, photographie d’époque (Spano B., Gallura 1960, p.349). Figure 2 : Vue de la végétation sur les collines, photographie d’époque (Spano B., Gallura 1960, p.347).
L’objectif premier de ce Consortium est de contribuer au développement urbain sur l’intégralité du territoire en proposant divers plans d’aménagement tout en veillant à la conservation et à la protection du patrimoine paysager, architectural et culturel déjà présent dans la région. Cette vision portée par l’Aga Khan propulse la province d’Olbia et plus particulièrement le secteur
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Figure 3 : Délimitation du secteur Costa Smeralda, carte. (En ligne in Consorzio Costa Smeralda, www.consorziocostasmeralda.com/confini-territoriali/, consulté le 29 décembre 2022).
de Monti di Mola au sein d’un processus de développement touristique qui, pour l’époque, semble démesuré mais qui tient pourtant à respecter les caractéristiques naturelles du lieu.
La genèse du projet et ses principaux acteurs Dans cette zone, à l’époque prénommée Monti di Mola, il n’y avait que très peu d’infrastructures construites, pas de routes, ni maisons, ni électricité, ni eau. Seulement des chemins et quelques maisonnettes de fermiers et de paysans. De par ce manque d’accessibilité, la région reste peu habitée jusqu’au milieu du XXème siècle et de ce fait, très peu développée. Malgré cela, les six associés souhaitaient faire de ce lieu une destination touristique incontournable au cœur de la mer Méditerranée, offrir au public un projet et une île qui serait comme un morceau de paradis à seulement quelques kilomètres de chez eux. En effet, en 1952, seulement dix ans après la reconfiguration des Plans directeurs de 186524, les dispositifs urbanistiques étaient des concepts encore relativement frais et parler de tourisme semblait d’autant plus invraisemblable. Il s’agit d’une notion quasiment inconnue dans le cadre des politiques locales et cela pouvait donc leur sembler risqué en terme d’investissement. Malgré ces différents obstacles, les six fondateurs et plus particulièrement l’Aga Khan ne renoncent pas et maintiennent leurs efforts pour inclure les politiques au sein du projet et obtenir leur soutien. Ils obtiennent gain de cause et certaines figures politiques intègrent le projet. Outre l’importance de l’accord et de la participation des élus locaux dans la mise en place du projet, il était aussi primordial defaire appel àdes architectesqualifiés afindeprendreen mainl’aspect plus concret, c’est-à-dire l’aspect constructif. Aussi, la même année que la signature du Consortium est fondé le comité d’architecture de la Costa Smeralda. Il comprend notamment
les architectes Luigi Vietti25, Jacques Couëlle26 , Michele Busiri Vici27, Antonio Simon Mossa28 et Raymond Martin29 .
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Cf. Legge 17 agosto 1942, n. 1150
25 Luigi Vietti, né en 1903 à Cannobio, Italie, est un architecte et urbaniste, diplômé avec mention en architecture de l'Université La Sapienza à Rome en 1928.
26 Jacques Couëlle, né à Marseille en 1902, est un architecte et scénographe français. Il est détenteur de la Légion d’Honneur de l’Académie Française.
27 Michele Busiri Vici, né à Rome en 1894, est un architecte et urbaniste italien de la famille d’architectes Busiri Vici. Il est diplômé de l' École supérieure d'ingénierie de Rome en 1921.
28 Antonio Simon Mossa, né à Padova en 1916, est un architecte , homme politique , journaliste , poète et écrivain italien, représentant de l' indépendance sarde. Il fonde une école en Sardaigne où il dispense des cours sur l’archéologie, la culture et l’histoire sarde.
29 Raymond Martin, né à Paris en 1910, est un sculpteur français. Il intègre l’Ecole des Arts Appliqués en 1925 puis l’École nationale supérieure des beaux-arts entre 1927 et 1929.
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Contrairement aux autres projets similaires sur les côtes méditerranéennes ayant été construits quelques années auparavant30, et dans la continuité des conditions établies dans le Consortium, le comité détermine de nombreuses règles et met en place des contraintes afin d’éviter de dénaturer le lieu. Ils définissent donc où l’on construit et surtout comment. Ils ont pour objectif d’installer de manière pérenne le projet et de l’intégrer au mieux dans le paysage remarquable de la région, dans la végétation existante et dans la topographie vallonnée des différents sites. Tout cela en s’inspirant notamment de l’architecture vernaculaire et traditionnelle sarde. Ces différents contraintes deviennent donclemodèleàsuivrepourtoutes les opérations prévues au sein du projet et font l’objet de notre étude à venir.
II. LE PAYSAGE ENTRE PRESERVATION ET TRANSFORMATION
1.
Le patrimoine paysager et son devenir
Les réserves naturelles marines, parcs nationaux et autres éléments naturels remarquables
La Sardaigne comporte de nombreux espaces naturels remarquables. On note la présence de plusieurs catégories de classification, toutes sujettes à des dispositifs de protection à diverses échelles. Aussi, on retrouve des parcs nationaux, des parcs régionaux, des réserves naturelles, des aires d’intérêt naturalitisque, des monuments naturels remarquables, des aires naturelles marines, ou encore des zones humides. Certains sites sont également gérés par la WWF31 . Au total, on dénombre 8 parcs régionaux, 60 aires protégées, 24 monuments naturels et 16 aires d’interêt naturalistique32 .
Parmi tous ces sites à caractère naturel remarquable, plusieurs sont situés dans la région de Monti di Mola ou à proximité de celle-ci En effet, le nord de la Sardaigne comporte plusieurs zones d’intérêt naturel et parmi les plus importantes le Parc National de l’Archipel de la Maddalena et l’aire naturelle maritime protégée de Tavolara. Ces deux zones sont aux extrémitésnord et sud du secteur deprojet Outreces deuxsecteursde grand intérêt, on retrouve également des sites dispersés sur le territoire des régions nord de la Sardaigne.
30 Exemples : Fernand POUILLON, Immeuble de La Tourette, Marseille, 1947-1956 Jean-Jacques DE MAILLY, La Frontale du Port, surnommée « La Muraille de Chine », Toulon, 1953
31 La WWF (littéralement « World Wildlife Fund» en anglais) est une organisation non gouvernementale internationale qui a pour but de protéger l’environnement et le développement durable. Elle est fondée en avril 1961 par des biologistes britanniques.
32 Ces aires particulières sont répertoriées dans la loi du 7 juin 1989 [Legge Regionale 7 giugno 1989, n. 31] qui définit les normes pour l’institution et la gestion de toute aire d’intérêt naturel ou environnemental.
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On compte plusieurs réserves naturelles telles que celle du Mont Cugnana, dans la province de Sassari, celle de Capo Testa, au nord-ouest des îles de la Maddalena, ou encore celle de Capo Figari, à l’est de la ville de Porto Rotondo, à quelques kilomètres du Golfo Aranci. Au sud d’Olbia, se trouve l’étang de San Teodoro, zone humide protégée. Il s’agit d’un site d’intérêt communautaire qui jouit du statut de zone de protection spéciale. Enfin, on note la présence de plusieurs monuments naturels remarquables. Parmi ces derniers se trouve notament le Mont Pulchiana, situé à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Porto Rotondo ainsi que la statue du Capo d’Orso appelée Roccia dell’Orso, situé dans la commune de Paulau, au nord-ouest de Porto Cervo.
Figure 4 : Fabio Carboni, Zones protégées de la Sardaigne, carte, octobre 2010. (En ligne sur Wikipédia, Aires protégées de Sardaigne, https://fr.wikipedia.org/wiki/Aires_protégées_de_Sardaigne#/media/Fichier:Aree_protette_della_Sardegna.svg, consulté le 3 janvier 2023).
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Les initiatives locales et organismes de protection et de conservation
En raison de la forte urbanisation des littoraux du nord de l’île - notamment depuis le début des années 1960 avec l’arrivée du projet Costa Smeralda, mais pas seulement - et afin de répondre aux enjeux écologiques et environnementaux, des initiatives locales sont mises en place et des organismes voient le jour afin de réguler et de protéger ces territoires naturels, pour certains fragiles.
A la fin des années 1980, la loi appelée « Loi Régionale du 7 juin 1989 »33 répertorie les zones d’intérêt naturel et les classifie parmi différentes catégories, citées précédemment. Cela a pour objectif de protéger des sites particuliers, notamment en instaurant des règles et des sanctions administratives. Cette loi met également en place divers outils afin de valoriser non seulement l’environnement mais aussi la planification culturelle. On peut par exemple trouver dans ce texte de loi que le département régional chargé de la protection de l'environnement encourage et coordonne les initiatives visant à la reconnaissance des valeurs environnementales et à la connaissance du milieu naturel, aux fins de sa protection, de sa gestion et de sa jouissance. Le Département régional chargé de la protection de l'environnement peut accorder des financements aux organismes, associations et groupes opérant dans les zones protégées aux fins visées au premier alinéa.34
Plusrécemment,en2006,unnouveaudispositifvoitlejour :ils’agitduPlanPaysagerRégional (PPR). Le Plan paysager régional fait de la zone côtière sarde un environnement préservé, établissant des règles d'urbanisme tout à fait restrictives et s'attachant au traitement des spécificités locales par le recours au concept d'environnement paysager côtier35. Une autre loi datant de mai 2007 constitue le point de départ de la création du Conservatoire des Côtes de Sardaigne. L’ambition première du Plan Paysager ainsi que de ce nouveau Conservatoire est donc de préserver le littoral insulaire par le biais de l’identification et l’acquisition des terrains à protéger ainsi que par la mise en place de nouvelles politiques de gestion et de protection foncière du territoire
33 Legge Regionale 7 giugno 1989, n. 31 : Norme per l’istituzione e la gestione dei parchi, delle riserve e dei monumenti naturali, nonché delle aree di particolare rilevanza naturalistica ed ambientale.
34 D’après le texte de loi de la Loi Régionale du 7 juin 1989.
35 Pour une présentation du Plan paysager régional : SCOVAZZI T., ROCHETTE J., Les nouvelles dispositions juridiques applicables aux zones côtières de la région Sardaigne (Italie), in Droit maritime français, mars 2007, p.276-280, cité dans : ROCHETTE Julien, Le conservatoire des côtes de Sardaigne : Une institution hybride, in Revue Européenne de Droit de l'Environnement, n°3, 2008. pp. 277-279
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2. Un processus de conception entre densification et conservation
L’urbanisation rapide d’un territoire naturel vierge
Le projet de la Costa Smeralda est un projet ambitieux. Il vise à aménager en réseaux viables, en services, en voieries, en infrastructures diverses et variées et en habitations - de manière rapide et pérenne - un territoire qui, jusqu’à lors, ne suscitait aucune attention externe et qui était uniquement exploité à des fins agricoles et pastorales. Aussi, l’objectif est qu’en dix ans, les 55 kilomètres de côtes et les 80 plages soient équipés intégralement et qu’environ 9000 constructions soient érigées36. Les moyens déployés sont donc colossaux pour parvenir à cet objectif dans le temps imparti.
Compte-tenu des modifications considérables qui aillaient subvenir aussi bien du point de vue paysager, urbain, qu’architectural, il était primordial de définir des zones bien précises sur tout le territoire, capables de répondre à divers degrés de densification et une programmation particulière en fonction de la localisation et des caractéristiques topographiques et naturelles du site. L’Etat ainsi que le gouvernement régional participent à la délimitation de ces secteurs Cela a pour conséquence la création de quatre zones principales qui sont les suivantes37 :
1) Une zone de 1 hectare, sur de laquelle la densité des constructions ne doit pas excéder les 0,10 m³/m², destinée aux vastes propriétés
2) Une zone d’environ 4000 m², sur laquelle la densité des constructions ne doit pas excéder les 0,20 m³/m², destinée aux propriétés moyennes.
3) Une zone de développement semi-intensive avec des parcelles de minimum 1500 m², sur laquelle la densité des constructions ne doit pas excéder 0,40 m³/m².
4) Une zone de développement intensive avec des parcelles de minimum 800 m², sur laquelle la densité des constructions ne doit pas excéder 0,80 m³/m².
Cette hiérarchie permet de préserver les secteurs les plus isolés et les plus remarquables en interdisant la sur-densification mais octroie malgré tout le droit de construire de manière intensive dans deux des quatre zones établies. Il y a donc, en réalité, deux dynamiques de densification différentes à l’échelle de la région.
36
GERLAT Simone, La Costa Smeralda : il mito e il modello, Carlo Delfino Editore, Sassari, Juin 2006, p.40.
37
GERLAT Simone, La Costa Smeralda, cit., p.40
16
Limitations du projet et respect du paysage
Outre le développement complet à l’échelle du territoire, le facteur qui prédomine à l’échelle du projet est celui du paysage et de la végétation. Il se traduit notamment par la grande importance accordée à la vue et à ce qu’elle renvoie. Cela permet par exemple de limiter le surétalement du projet sur le territoire. La vue et le végétation vont donc avoir un lien de cause à effet dans l’intégralité du processus de conception. Ainsi, la végétation joue un double rôle dans le paysage touristique de la Costa Smeralda : d'une part elle représente un élément autochtone presque "sacré" qui nécessite un contrôle et une protection absolus, et d'autre part elle constitue un outil de camouflage, qui se traduit par l'intégration de la zone bâtie au paysage ou par son ouverture sur celui-ci38 . L’emplacement des futurs habitations et infrastructures touristiques est donc extrêmement contrôlé. En effet, il est primordial que le bâti ne se détache pas du paysage de manière trop excessive d’un point de vue extérieur - lorsqu’on l’observe depuis la côte par exemple – mais également que la distance entre chaque intervention soit suffisanteafinquedepuis l’intérieur,onpuissejouird’unevuedégagée vers différents éléments du paysage sans que celle-ci soit obstruée par un autre bâtiment. La vue et le paysage doivent donc fonctionner ensemble pour maximiser les qualités spatiales et architecturales du projet. De ce fait, lors des toutes premières réflexions sur l’implantation des bâtiments et notamment sur leur hauteur, l’échelle maximale se rapporte à un élément précis du paysage sarde : les genévriers39. En effet, les architectes apportent une telle importance au respect du paysage qu’ils considèrent que le bâti ne doit pas s’élever au-delà de la hauteur atteinte par ces arbres locaux. L’architecture doit aussi s’intégrerparfaitementaumouvement duterrain et des massifs rocheux afin d’intervenir le moins possible sur ces derniers. Il est également important de prendre en compte les quelques habitations préexistantes et donc de ne pas interférer avec les qualités intrinsèques du lieu.
L’attention portée au paysage et à sa sauvegarde ont un but qui, au fil du temps, reste malgré tout équivoque. L’objectif premier est celui de conserver la faune et la flore locale afin de contribuer à son bon développement et à sa préservation dans le temps mais il y a également une raison plutôt tournée vers l’image que renvoie l’île et ce, d’un point de vue touristique. Aussi, l’idée est de pouvoir alimenter l’imaginaire collectif en conservant la végétation existante mais aussi en venant introduire de nouvelles espèces qui contribuent à la fabrication et à la diffusion de cet imaginaire.
38 CAPPAI Alessandra, Dal neorealismo italiano al landscape planning americano, cit., p.30 39 D’après CAPPAI Alessandra, L’architettura turistica di Vietti, cit., p.89
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III. LES FORMES URBAINES ET ARCHITECTURALES AVANT ET APRES
1960
1. Une architecture entre tradition et modernité
L’architecture vernaculaire de la région : le cas des « stazzi »
Le Nord de la Sardaigne et plus particulièrement les provinces de Sassari et d’Olbia, furent, pendant longtemps, parmi les régions les plus pauvres de l’île. Principalement associée aux activités d’élevage et d’agriculture – bien que les terres rocailleuses ne permettent pas toujours une culture fertile – cette zone regorge d’édifices traditionnels qui lui confèrent une identité architecturale et culturelle forte. Les littoraux, encore très peu exploités avant la seconde moitié du XXème siècle, ne présententpas de formesd’habitat particulier. Les maisons traditionnelles, représentatives de l’architecture vernaculaire de la région se trouvent plutôt dans les terres, là où l’on habitait et où l’on cultivait.
Un des éléments les plus typiques, et celui que l’on retrouve de manière récurrente sur tout le territoire de la Gallura40 est le « stazzo ». Ce bâtiment de petite taille est caractéristique de l’architecture ruro-pastorale du Nord-Est de la Sardaigne. Sa volumétrie s’exprime par une forme simple, généralement rectangulaire sans étage, comprenant une seule et unique pièce, parfois deux. La forme de la toiture est systématiquement la même : une toiture à deux pentes, capable de résister aux intempéries. Il n’y a que très peu d’ouvertures et ces dernières sont de petites tailles. On retrouve généralement la porte d’entrée sur le long côté et les pignons restent aveugles.
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Figure 5 : Vue aérienne d’un stazzo au sein de la campagne de la Gallura, Luogosanto, photographie contemporaine (En ligne in Live in Sardegna, www.liveinsardegna.com, consulté le 02 décembre 2022)
40 Région du nord-est de la Sardaigne, située autour des villes d'Olbia et de Tempio. Elle comprend notamment toute la Costa Smeralda mais aussi la ville d’Arzachena.
Les matériaux utilisés pour sa construction sont ceux que l’on trouve à proximité, c’est-à-dire de la pierre de granit, souvent recouverte d’un enduit en argile à l’intérieur. Il arrivait parfois que les extérieurs soient blanchis à la chaux par la suite. Son apparence austère reflète le mode de vie simple des habitants de la région, où l’aspect pratique domine sur l’esthétique.
Certaines de ces maisons ont évolué au fil du temps et des besoins des habitants. En effet, on remarque parfois l’ajout de pièce supplémentaires - de stockage par exemple - sur les pignons, créant ainsi une volumétrie plus complexe que celle d’origine. Il existe également des stazzi qui s’élèvent sur un étage. Ces derniers ont donc un statut particulier et sont appelés « palazzu »41 . Ce mot deviendra par la suite « palazzo » qui signifie « palais ».
Figure 6 : Vue d’un palazzu, Luogosanto, Gallure, photographie contemporaine (En ligne in Live in Sardegna, www.liveinsardegna.com, consulté le 02 décembre 2022)
Figure 7 : Vue sud-est du Palazzu di Baldu, Sardaigne, photographie contemporaine (Unicity S.p.A., Patrimonio Culturale Sardegna, Virtual Archaeology, in www.virtualarchaeology.sardegnacultura.it, consulté le 21 novembre 2022).
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41 Voir figure 7 et 8
Figure
Ces maisons sont pour la plupart assez isolées, mais il peut parfois arriver de retrouver des regroupements de plusieurs d’entre-elles dans un même secteur proche. On appelle cela une «cussorghia». Il s’agit en réalité d’un rassemblement de plusieurs familles de bergers et d’agriculteurs qui forment entre eux une sorte de communauté avec une hiérarchie bien définie pourlestâches quotidiennes. Celaleurpermet une plus grandeproduction mais aussi unpartage de leurs différents savoir-faire.
A partir des années 1960, simultanément au lancement du projet de la Costa Smeralda et donc au début du processus dedéveloppement de la région, les stazzi perdent peuà peu leur fonctions rurales et deviennent des bâtiments résidentiels. L’une des principales raison de ce changement de statut est l’abandon de l’activité agricole et pastorale et à l’accroissement de l’activité touristique.
20
8 : Vue d’un Palazzu, dessin axonométrique. (Progetto Pilota per la Riqualificazione degli stazzi della Gallura, Telti, Italie, 2007).
Réinterprétation de l’architecture traditionnelle au service du projet
Conscients de la présence de ce patrimoine architectural et afin de minimiser l’impact visuel de nouvelles constructions à venir, les architectes chargés de la conception de Porto Cervo s’inspirent de ces édifices ruraux. Ces derniers vont en quelques sortes être l’une des inspirations de l’écriture architecturale du projet. Cependant, étant lié à une économie très pauvreetgénéralement réduitàuneformelaplussimplequ’ilsoit,le stazzo danssonexpression exacte n’est pas le modèle idéal pour répondre aux besoins du projet de la Costa Smeralda. C’est pourquoi les architectes, comme Luigi Vietti par exemple, s’en inspirent mais veillent tout de même à le réinterpréter afin de s’adapter au programme mis en place pour le projet. Ainsi, on remarque de nombreuses similitudes avec les stazzi lorsque l’on observe les différents bâtiments réalisés à partir des années 1960 sur les littoraux de la Costa Smeralda
L’architecte Luigi Vietti, accompagné de l’Aga Khan, effectue en amont un voyage dans le nord de la Sardaigne afin de relever ce patrimoine architectural existant et de s’en imprégner avant de concevoir les plans de Porto Cervo. Ce voyage leur permet de mieux appréhender le paysage et ses composantes - aussi bien naturelles que construites – afin de proposer une solution respectueuse et vertueuse dans le cadre du projet. Vietti va d’ailleurs fonder toute sa réflexion autourdu dessin architectural, c’est-à-direuneélaborationpartant d’uneéchelleplutôt rapprochée, puis va élargir cette pensée au grand territoire seulement dans un second temps42 .
Ainsi, lorsque l’on observe la volumétrie et l’implantation des constructions imaginées par Luigi Vietti - entre autre – pour la future ville de Porto Cervo, on peut remarquer plusieurs éléments qui reprennent l’identité des stazzi. En effet, les nouveaux bâtiments ne s’élèvent pas au-dessus de la garrigue (soit environ environ 4-5 mètres de haut) et s’inscrivent dans la pente du site43. Ils s’adaptent aux vues qu’offre le grand paysage et sont donc souvent tournés vers la mer. A l’image du stazzo traditionnel individuel, Vietti imagine des constructions en bandes ou groupé par îlot, ce qui permet de densifier l’espace et faire ville44. Malgré cela, et grâce à un jeu de décalages vis-à-vis de la rue, le front de mer bâti ne prédomine pas sur la nature environnante. L’imbrication de ces petits volumes crée un dessin pittoresque qui semble faire référence aux villages traditionnels. La présence des toitures à deux pentes renforce encore davantage ce désir de s’intégrer au paysage et de reprendre les codes de l’architecture locale.
42 D’après CAPPAI Alessandra, « [...] a Porto Cervo si parte dal dettaglio architettonico », In La costruzione dello spazio turistico nella costa smeralda, cit., p.8 43 Voir Figure 9. 44 Voir Figure 10
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Figure 9 : La ville de Porto Cervo dans le paysage valloné, Sardaigne, carte postale, 1966 (En ligne in www.delcampe.net, consulté le 24 novembre 2022).
Figure 10 : Le port de Porto Cervo vu d’en haut, Sardaigne, carte postale, 1984. (En ligne in www.delcampe.net, consulté le 24 novembre 2022).
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Outre la volumétrie, la matérialité des façades fait également écho à ce patrimoine vernaculaire. Les nouvelles constructions sont réalisées comme celles d’autrefois avec des assemblages de pierres sèches. On retrouve également de nombreuses maisons recouvertes d’enduit blanc à la chaux45, comme c’est le cas pour certains stazzi.
Tout cela contribue donc à entretenir, dans l’imaginaire collectif de l’époque, cette idée d’une destination idyllique, une sorte de paradis à l’écart des grandes villes, dans un écrin de verdure et un cadre paisible. On y réinterprète les formes traditionnelles, avant tout par respect pour le paysage mais aussi dans le but d’accentuer l’idée de dépaysement que l’on veut promouvoir.
2. L’apparition de nouvelles urbanités et centralités
Etat des lieux de la viabilité de la région à
partir du lancement du projet
La ville de Porto Cervo est une ville relativement récente dans l’histoire de l’urbanisation de la Sardaigne puisque sa construction débute dans les années 1960, après la signature du Consortium de la Costa Smeralda Comme évoqué précédemment, les membres fondateurs accompagnés par les architectes, dont Luigi Vietti, souhaitent implanter cette nouvelle station balnéaire dans une région jusqu’à lors très peu desservie en réseaux routiers et donc très peu accessibles. Si l’on veut y construire des complexes hôteliers et autres infrastructures pour les touristes, il faut donc donner l’accès à tout ce territoire.
La première étape de ce processus de planification urbaine consiste à équiper tout le secteur d’un nouveau réseau de voies viaires et donc réaliser en priorité les travaux liés à la viabilité Les territoires en bord de mer sont reliés aux agglomérations les plus proches par une route en
23
Figure 11 : Vues intérieures de la Cala Romantica : Corpo F, photographie d’époque (Consorzio Costa Smeralda, Recueil de photo, 1964, © Archive Costa Smeralda, Porto Cervo)
45 Voir figure 11
forme de boucle qui longe la côte. Cette route est l’axe principal qui débute à Cugnana au Sud et remonte vers le Nord en passant notamment par Portisco, Caprioccioli, Cala di Volpe, Golfo Pevero et se finissant au niveau de Porto Cervo46. L’objectif de cette unique route est de desservir en réseau tous les futurs centres villes qui composeront l’ensemble du projet. Depuis Porto Cervo, il est ainsi possible de rejoindre Arzachena et Capriccioli en moins de trente minutes ou bienmême Olbia en moins d’une heure. Cette artère qui longe lacôte constitue donc la base du projet de planification et d’implantation des nouvelles centralités tout au long des littoraux du nord de la région. Ce n’est que par la suite que l’on élabore le dessin du réseau secondaire, propre à chacune de ces nouvelles centralités.
Comme cela est visible entre 1955 et 196847 , un second réseau de voieries vient se raccrocher àla routeprincipale qui dessert toutes les villes. Ce réseausecondairepermet d’accéder au cœur des villes et de se rapprocher de la côte. Contrairement à l’axe principal qui reprend les caractéristiques de la voie rapide, c’est-à-dire deux voies dans les deux sens de circulation, les routes au sein des villes sont plus étroites. Il s’agit de voies d’une largeur n’excédant pas les 6 mètres. On retrouve également par endroit des ruelles au profil encore plus étroit puisqu’elles ne font que 4 mètres de largeur48 46 Voir figure 12 47 Voir figures 13 et 14. 48 D’après GELSOMINO Giovanni, “Costa Smeralda 1962-2012”, cit., p.91.
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Figure 12 : Carte du réseau viaire du nord de la Sardaigne (GELSOMINO Giovanni, « Costa Smeralda 1962-2012”, cit., p.8).
Figure 13 : Le réseau viaire autour de Porto Cervo, photographie aérienne, 1955. (En ligne in www.sardegnageoportale.it, consulté le 3 octobre 2022).
Figure 14 : Le réseau viaire autour de Porto Cervo, photographie aérienne, 1968 (En ligne in www.sardegnageoportale.it, consulté le 3 octobre 2022).
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Etude de la morphologie urbaine de la ville de Porto Cervo
Pour chacune des futures villes composant le projet, un plan de développement par étape fût instauré afin de réaliser les interventions dans un ordre bien précis. Ce plan de développement est le suivant49 :
1) Viabilité principale et secondaire (Viabilità principale e secondaria)
2) Lotissements et viabilité interne (Lottizzazioni e viabilità interna)
3) Services : lignes électriques, aqueducs, lignes téléphoniques, services portuaires (Servizi : eletrodotti, acquedotti, , linee telefoniche, servizi portuali)
4) Zonage côtier et interne (Zonizzazione costiera ed interna)
5) Zones et centres d’hébergement (Zone e centri alberghieri)
6) Zones et centres d’attractions (Zone e centri di attrazione)
7) Villages pour pêcheurs (Villaggi per pescatori)
8) Zones et centres sportifs (Zone e centri sportivi)
Le fait d’organiser comme cela les interventions permet d’assurer le bon déroulement du projet et de fonctionner par séquences à diverses échelles. Ainsi, la viabilité principale (1) concerne l’ensemble du secteur de Monti di Mola et permet de créer une continuité à l’échelle de tout le territoire. Cette intervention constitue donc un travail à grande échelle. En revanche, dès que l’on passe à l’étape numéro (2), qui correspond à la création des lotissements et à la viabilité interne, l’échelle d’intervention est plus rapprochée et il faut répéter le processus pour chaque ville. C’est donc également le cas pour Porto Cervo.
Dans cette partie, nous analyserons la morphologie urbaine de Porto Cervo à travers différents aspects : l’organisation de la voierie interne, la délimitation du parcellaire et des interventions et l’implantation du bâti au sein des nouvelles parcelles. Tout d’abord, concernant l’organisation delavoierie,onremarqueunehiérarchieentrel’extérieuret les abordsdelaville, et l’intérieur. Nous allons ici nous intéresser à l’organisation interne, lorsque l’on quitte la voie rapide et que l’on entre au sein de la ville elle-même. Une fois à l’intérieur du centre, les voies ne suivent pas un dessin précis, ni orthogonal ni avec une géométrie particulière. Elles traversent le territoire de manière organique pour desservir les terrains en hauteur mais aussi descendre jusqu’à la plage. Ainsi, la voierie s’adapte avant tout à la morphologie du site et arbore une forme sinueuse qui suit les masses rocheuses, la végétation existante et les courbes
49
D’après GELSOMINO Giovanni, “Costa Smeralda 1962-2012”, cit., p.91
26
de niveaux50. L’objectif étant d’impacter au minimum le paysage existant. Chacune de ces routes est aussi prévue pour desservir les différents lots prédéfinis durant cette même étape.
Figure 15 : Coupe paysagère du Golf de Porto Cervo (GERLAT Simone, La Costa Smeralda : Il mito e il modello, cit., planche 1, p.23.)
Figure 16 : Courbes de niveaux autour de la ville de Porto Cervo, carte topographique (En ligne in Sardegna Geoportale, www.sardegnageoportale.it, consulté le 5 octobre 2022).
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50 Voir figure 16
En parallèle du dessin des voies, il est question de définir où l’on va pouvoir construire. Cette étape va de pair avec celle du réseau viaire puisque l’une doit s’adapter à l’autre et vice-versa. Malgrécela,quelquesédificessont construitsponctuellementavant quelesplansdelotissement soient établis de manière définitive51. C’est par exemple le cas de quelques villas privées et d’un hôtel, dont la construction commence avant que les parcelles soient dessinées Ces quelques interventions indépendantes devront donc s’intégrer dans le plan parcellaire qui sera dessiné ultérieurement.
Aussi, par la suite, chaque parcelle devra être définie par plusieurs critères afin de mieux structurer le territoire et éviter l’étalement organique du bâti52. Ces critères sont les suivants : être plus ou moins reliée au nouveau réseau de voies, bénéficier de larges espaces extérieurs et enfin, avoir toujours un point de vue panoramique tourné vers la mer. Il est primordial que chacun des futurs habitants ou potentiels touristes puissent avoir un accès facile vers son lieu de résidence mais aussi de ce dernier vers la plage. Dans cette organisation, le port devient le noyau central de la conception et tous les autres éléments urbains gravitent autour de ce dernier. Enfin, la répartition au sein des parcellaires suit le modèle établi par Luigi Vietti, reprenant son interprétation de l’architecture vernaculaire de la région. C’est-à-dire que l’on retrouve, dans la majeure partie des cas, des logements en bandes avec une volumétrie rythmée par des jeux de reculs, d’avancée, de renfoncements, de balcons, terrasses ou loggias… Cela permet d’affirmer l’aspect pittoresque que l’architecte souhaite mettre en exergue. L’objectif est que la ville s’apparente à une village de pêcheurs traditionnel d’où le choix de ces bâtiments assemblés entre eux par petits groupements sans pour autant sembler trop denses. Afin de s’insérer davantage dans le paysage, le bâti en bande suit des formes organiques, qui semblent répondre à la ligne du littoral mais aussi à la topographie du site. Ainsi, on remarque généralement des formes arrondies, en arc de cercle pour la plupart. Cela permet de recréer des petites centralités et espaces collectifs au sein de la ville. C’est par exemple le cas de la place principale située au niveau du port. Cette dernière reprend la forme de l’arc de cercle s’ouvrant vers la mer53 et accueille nombreux commerces, restaurants et autres activités Sa forme en anneau en fait un lieu de rencontre au cœur du noyau actif de la ville.
51 D’après CAPPAI Alessandra, L’architettura turistica di Vietti, cit., p.88 52 Voir figure 17. 53 Voir figures 18 et 19
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29
Figure 17 : Ville de Porto Cervo, plan du parcellaire ou “Piano di Lottizzazione” (Luigi Vietti, 1968, in CAPPAI Alessandra, L’architettura turistica di Vietti, cit., p. 91).
Figure 18 : Vue aérienne de Porto Cervo, carte postale, 1973 (En ligne in www.delcampe.net, consulté le 11 décembre 2022)
Figure 19 : Vue de la place principale, Porto Cervo, carte postale, 1981 (En ligne in www.delcampe.net, consulté le 11 décembre 2022)
3. L’évolution
de l’architecture individuelle et collective Analyse des complexes touristiques collectifs : le cas des hôtels
Après la mise en place de la viabilité et la définition des différents zonages, le plan de planification prévoit des espaces dédiés à la construction de complexes touristiques collectifs et notamment de nombreux hôtels. Il en existe deux types : les hôtels de grande taille, appelés
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« Grand Hôtel » et ceux de taille plus réduite, appelés « Hôtel Club »54. Cela annonce d’ores et déjà le but final qui est double : être en mesure d’accueillir de nombreux touristes mais également deproposerdes prestations dequalitépourrépondreauxbesoins delaclientèlevisée. Ces complexes hôteliers doivent donc comprendre un certain nombres d’infrastructures pour les activités et les loisirs telles que des piscines, des terrains de tennis ou parfois de golf, des salles de cinémas, des magasins... Ils sont généralement implantés au sein de larges espaces verts afin d’accueillir ces équipements sportifs.
A l’image de l’ensemble du projet, les constructions hôtelières se doivent de respecter le paysage et de s’y intégrer du mieux que possible55. Selon leur emplacement et la topographie dela zone d’implantation,leshôtels peuvent sedéveloppersous différentes formes. Soit unseul élément monolithique, soit plusieurs blocs individuels disposés les uns à côté des autres ou juxtaposés à une structure principale. L’ensemble est généralement complexe puisqu’il est constitué d’une multitude de formes imbriquées. Ce processus d’imbrication permet dans un premier temps de répondre aux contraintes du site mais sert également à évoquer l’esprit du village traditionnel, à renvoyer une image pittoresque du lieu en reprenant les codes d’une architecture spontanée Certains de ces hôtels ont également connus divers agrandissements ou extensions au cours des années, ce qui accentue encore davantage leur aspect hétérogène.
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54 D’après
55 Voir figure 20
Figure 20 : Vue lointaine de l’Hotel Cala di Volpe dans le paysage, Porto Cervo, carte postale, 1980 (En ligne in www.delcampe.net, consulté le 14 décembre 2022).
GELSOMINO Giovanni, Costa Smeralda 1962-2012, cit., p.57
Au sein de ces édifices, on retrouve généralement des formes organiques, des murs courbes, des arches, des arcades, des voûtes,des piliers à sectioncirculaire...Les espaces dedistributions sont de longs couloirs aux formes douces, situés au centre des étages et constituant un dédale à travers ces long édifices complexes. Les pièces de vie, celles dédiées aux touristes telles que les chambres ou les espaces de détente et de restauration sont orientées vers le paysage et s’ouvrent généreusement vers ce dernier. C’est par exemple le cas dans l’Hôtel Cervo56 et l’Hôtel Cala di Volpe57 construits dans les années 1960. Ces deux hôtels figurent parmi les premiers construits du projet et font donc office de modèle par la suite Ils reprennent les principes évoqués précédemment comme les lignes courbes, les formes irrégulières, les longs espaces de distribution, le cadrage vers l’extérieur58… Les ouvertures suivent cette idée d’hétérogénéité puisqu’elles varient d’une façade à l’autre, ou parfois même sur une seule et même façade.59 Des dispositifs sont mis en place afin d’offrir les meilleures vues tout en se protégeant du soleil. En effet, les espaces extérieurs sont couverts, ou en retrait. La plupart des balcons sont en réalité des loggias. Cela permet d’offrir des espaces extérieurs ombrés et agréables, ainsi que d’optimiser le confort thermique en été.
En ce qui concerne les matériaux utilisés pour la construction, l’objectif est de se rapprocher au plus des techniques traditionnelles et vernaculaires, tout en apportant les savoir-faire contemporains. Aussi, la structure principale est faite de murs porteurs en pierre et en béton. Les planchers sont également en béton. Les façades sont quant à elles recouvertes de briques enduites, parfois à la chaux blanche, parfois de diverses couleurs. Les cloisons intérieures sont en pierre ou en brique, elles sont aussi recouvertes d’un enduit blanc à l’aspect rustique. Les toitures sont de grandes dalles de béton inclinées, recouvertes de tuiles. Les menuiseries et cadres de fenêtres sont en bronze et certains cadres décoratifs sont en bois.60
56 Hôtel construit à Porto Cervo entre 1960 et 1963, imaginé par Luigi Vietti, Jacques Couëlle et Michele Busiri Vici.
57 Hôtel conçu par l’architecte Jacques Couëlle à Porto Cervo, en 1963
58 Voir figures 21A et 21B.
59 Voir figures 22A et 22B.
60 D’après Ministero per i Beni e le Attività Culturali, Direzione Generale per l’Architettura e l’Arte Contemporanee, per le province di Sassari e Nuoro avec Università Degli Studi Di Sassari,Facoltà di Architettura, Dipartimento di architettura e pianificazione, pour “Architettura e territorio dal dopoguerra ad oggi nella Sardegna Settentrionale.”, En ligne in architetturecontemporanee.beniculturali.it
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Figure 21A et 21B : Hotel Cala di Volpe, vues intérieures, photographie contemporaine (ph. Stefano Ferrando, 2018).
Figure 22A et 22B : Hotel Cala di Volpe, vues extérieures, photographie contemporaine (ph. Stefano Ferrando, 2018).
Figure 23A : Jacques Couëlle, Plan d’une villa de l’Hotel Cala di Volpe.
Figure 23B : Luigi Vietti, Plan d’une villa de l’Hotel Cervo (1969, Architecture Française, 325, in CAPPAI Alessandra, La costruzione dello spazio turistico nella costa smeralda, cit., p.9)
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Exemples et caractéristiques de l’habitat individuel dans la région
Les constructions de type collectif ne sont pas les seules à voir le jour à partir des années 1960. En effet, l’habitat individuel est lui aussi fortement impacté par les transformations qui s’effectuent dans la région à cette époque. De nombreux architectes italiens, mais aussi d’autres nationalités, s’intéressent au nord de la Sardaigne et construisent des villas privées sur la côte et dans les terres. Bien que l’on note la présence de maisons d’architectes dans la région avant
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Figure 24 : Luigi Vietti, Jacques Couëlle, Michele Busiri Vici, Hotel Cervo, Porto Cervo, 1960-1963. Plan du complexe (Archivio CSAC, Fondo Vietti, in POSOCCO Pisana, Luigi Vietti e l’avventura della Costa Smeralda, cit., p.4).
les années 1950-1960, les cas étudiés dans cette partie appartiennent tous à la seconde moitié du XXème siècle et sont donc contemporains au projet de création de la Costa Smeralda. Ils sont tous deux situés près des côtes.
A l’origine, la plupart de ces villas individuelles sont destinées à une occupation partielle dans l’année, il s’agit donc plutôt de villégiatures balnéaires, de maisons de vacances. Elles sont donc conçues pour un public aisé. Puisqu’il s’agit d’habitation individuelle privée, leur implantation est moins dense et règlementée que celle des complexes hôteliers et on en retrouve de manière plus parsemée tout au long de la côte et parfois même plus à l’intérieur des terres. Elles sont construites sur des terrains plus dissimulés et donc généralement moins accessibles du grand public.
Le premier cas que nous allons étudier est celui d’un villa de vacance à Arzachena, ville située à une vingtaine de minutes de Porto Cervo, vers l’ouest. Il s’agit en réalité de deux maisons voisines, construites sur le même terrain et imaginées par l’architecte Marco Zanuso61 en 1962. Ceprojetestappelé« Casa per vacanze ad Arzachena »,cequisignifie« Maisonpourvacances à Arzachena ». Ces deux édifices d’apparence très simples sont en réalité assez complexes Depuis l’extérieur, il s’agit de deux maisons de forme cubique, très peu ouvertes si ce n’est que paruneseulegrandeouverturequi fait également officed’entrée.Ces deux blocsmonolithiques sont construits en pierre sèches et rappellent ainsi les constructions nuragiques62 présentes sur l’île depuis de nombreux siècles. Leur matérialité ainsi que leur forme leur permettent de se fondre dans le paysage. Malgré cette insertion au sein de la nature environnante, l’essentiel du projet setrouve àl’intérieur. Eneffet, une fois passécet épais périmètreextérieurquasi aveugle, on rentre dans une cour centrale, à l’abri des regards mais aussi du vent, qui est le lieu principal de vie du projet. Les pièces fermées telles que les chambres sont disposées au quatre coin du plan carré afin d’en libérer le centre. L’intériorité du projet requestionne la manière d’habiter et créé un espace de rencontre central, intime et singulier en son cœur, tout en permettant d’apprécier et de respecter les caractéristiques naturelles remarquables du lieu.
61 Marco Zanuso est un architecte et designer italien, né en 1916 et mort en 2001 à Milan. Il étudie à l’Ecole Polytechnique de Milan et réalise la plupart de ses œuvres durant la période de l’après-guerre.
62 Les Nuraghe sont des constructions verticales en pierre, sorte de tour conique tronquée, apparue environ 2000 ans av. J-C en Sardaigne et sont caractéristiques du patrimoine architectural sarde. Ils peuvent appartenir à un complexe plus grand, formant ainsi des complexes nuragiques, pouvant faire office de forteresse ou tout simplement de lieux d’habitation.
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Figure 25A, 25B et 25C : Marco Zanuso, Villa de vacances, Arzachena, 1962, vues. (Abitare, n. 34, 1965, p.29).
Figure 26 (à gauche) : Marco Zanuso, Villa de vacances, Arzachena, 1962-1964, plan (Abitare, n°34? 1965, p.29).
Figure 27 (à droite) : Roberto Menghi, Casa Franchetti, 1969-1970, plan (Abitare, n°97-98).
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Le second cas concerne une villa cette fois-ci située à Olbia, à environ une trentaine de kilomètres de Porto Cervo. Il s’agit d’un projet de Roberto Menghi63 réalisé entre 1969 et 1970. Ce projet se nomme « Casa Franchetti ». Ici, en plus des formes géométriques à angles droits, on retrouve également des formes circulaires. A l’image de la villa imaginée par Marco Zanuso, Roberto Menghi recrée une sorte d’intériorité au centre du projet, sans pour autant mettre à distance le paysage. En effet, la villa est composée de plusieurs éléments individuels, espacés de manière régulière et identique, laissant entrevoir le paysage vers toutes les directions64. De plus, les fenêtres en bandeau offrent des vues vers l’extérieur en cadrant la nature environnante. Ces différents blocs forment entre eux un ensemble homogène qui s’adapte à la topographie du terrain et permet de créer un lien fort entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’architecture et le site sur lequel elle s’implante.
Ces deux projets ont pour point commun l’intérêt qu’ils portent au paysage et à la nature présente sur le site. En effet, dans la plupart des cas, c’est la nature qui prime sur l’architecture et c’est le site qui influence les grands principes du projet. L’objectif des architectes est de préserver la végétation et de la mettre en valeur. Ils établissent ainsi un nouveau langage architectural, visant à créer un lien fort entre l’intérieur et l’extérieur, ce qui n’existait pas auparavant65. C’est aussi le cas pour les complexes collectifs, dont la conception priorise l’ouverture sur des espaces extérieurs, comme des balcons, loggias, terrasses ou vers les grands parcs au sein desquels ils s’implantent et qui place ainsi la nature au centre de la réflexion.
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Roberto Menghi, né en 1920 et décédé en 2006 à Milan, est un architecte et designer italien. Il est diplômé de l’Ecole Polytechnique de Milan. Il a enseigné l’architecture à l’Université de Venise et de Milan.
64 Voir figure 27
65 Les maisons traditionnelles (Cf. « stazzi ») ne sont que très peu ouvertes vers l’extérieur. Les ouvertures sont de petites tailles et peu nombreuses. Ce lien intérieur/extérieur n’est pas au centre de la conception architecturale vernaculaire.
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Figure 28 : Roberto Menghi, Casa Franchetti, 1969-1970, photographie (Abitare, n°97-98).
CONCLUSION : MULTIPLICATION DU MODELE, TOURISME ET INFLUENCES
La multiplication du processus : le cas de Porto Rotondo
Dans la même dynamique que celle portée par le projet de Porto Cervo, d’autres villes balnéaires voient le jour dans le nord de la Sardaigne à partir des années 1960. C’est par exemple le cas de la ville de Porto Rotondo. Cette ville est située à une vingtaine de kilomètres au sud de Capriccioli et une quinzaine de kilomètres au nord d’Olbia. La ville naît sous l’initiative de deux frères vénitiens, Nicolò et Luigi Donà dalle Rose66 , au printemps 1964. Le projet de Porto Rotondo n’est pas de la même ampleur que celui de Porto Cervo, cependant il commence lui aussi par la construction d’un hôtel et les objectifs finaux sont similaires. Plusieurs architectes, artistes, sculpteurs sont contactés, sous la direction des deux frères en charge du projet, pour faire de cette ville un lieu d’architecture et d’art. Aussi, Alessandro Pianon67, Andrea Cascella68, Mario Ceroli69 ou encore Emmanuel Chapalain70 prennent part au projet. Les éléments majeurs de ce projet et ceux qui constituent l’emblème de la ville sont l’église de San Lorenzo, le campanile et la place San Marco, imaginés par Andrea Cascella ainsi que le théâtre, réalisé par Marco Ceroli. L’étude urbaine et l’implantation des maisons du centre-ville, notamment celles situées autour de la place San Marco, sont prises en charge par l’architecte Alessandro Pianon. Tous ces éléments sont imaginés au sein d’un parcours allant progressivement du cœur de la ville vers la mer.
A l’échelle urbaine comme à l’échelle architecturale, la ville de Porto Rotondo reprend le modèle établi pour l’ensemble de la Costa Smeralda. On retrouve ainsi des constructions basses, recouvertes d’enduit à la chaux, qui s’inscrivent dans le paysage, articulées en plusieurs blocs joints les uns aux autres, formant des rues au dessin organique, s’élargissant par endroit pour créer des places circulaires, s’ouvrant dès que possible vers la mer ou vers le paysage environnant. Ces différents places sont des points clés qui ponctuent le parcours au sein de la ville et qui constituent des lieux de rencontres et de vie, aussi bien pour les habitants que pour les touristes, comme c’est aussi le cas à Porto Cervo.
66Nicolò et Luigi Donà dalle Rose sont les deux frères fondateurs de la ville de Porto Rotondo.
67 Alessandro Pianon, né à Venise en 1931 et mort en 1984, est un designer et architecte italien. Il a étudié à l’école d’architecture de Venise.
68 Andrea Cascella, né à Pescara en 1919 et mort en 1990 à Milan, est un céramiste, peintre et sculpteur italien. Il est directeur de l’Académie des Beaux-Arts de Brera. Il exposa notamment à la Biennale de Venise et au musée Guggenheim à New York.
69 Mario Ceroli, né à Castel Frentano en 1938, est un sculpteur, peintre, créateur d’objet et scénographe italien. Il étudie à l’Institut d’Art de Rome.
70 Emmanuel Chapalain, né en Bretagne en 1965, est un artiste français. Il réalise « Le Sentier de l’Art » de la ville de Porto Rotondo en 2007.
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Le public visé, la place des locaux et leur impact sur la conception du projet
L’objectif des membres du Consortium de la Costa Smeralda est d’ouvrir ce projet à l’Europe et plus particulièrement aux riches familles susceptibles de venir séjourner en Sardaigne pour des vacances, sans avoir besoin de se déplacer à des milliers de kilomètres de chez eux. En effet, après avoir découvert ces terres aux caractéristiques naturelles remarquables en plein cœur du bassin méditerranéen, l’Aga Khan et ses associés décèlent un fort potentiel pour le tourisme d’élite. Par exemple, bien que l’accès vers ces terrains rocailleux et vallonnés semble assez compliqué depuis les terres, il était plus facile de se projeter avec une population en mesure de s’y rendre par avion ou bien même en yachts, rejoignant ainsi leslieux les plus privés et donc prisés directement par la mer, ce qui n’était pas donné à tout le monde. Cette approche visant à attirer un tourisme d’élite va d’ailleurs guider l’ensemble du projet puisque les infrastructures mises en place sont d’abord pensées pour répondre à une clientèle d’exception. Effectivement, il est primordial que les villes qui voient le jour à cette période bénéficient d’un grand nombre d’activité et de loisirs. C’est pourquoi, tout au long de la côté, on retrouve de nombreux hôtels avec piscines, bars, restaurants aux chefs étoilés, yacht clubs, beach clubs, terrains de golf, de tennis, de basketball et autres équipements sportifs, magasins de luxe, théâtres, cinémas, etc… Le tout pour parfaire ce sentiment d’un lieu de plaisance raffiné, alliant qualités naturelles et confort haut de gamme.
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Figure 29 : Le sentier d’art de la ville de Porto Rotondo imaginé par E. Chapalain, plan. (Fondazione Porto Rotondo, Percoso dell’Arte, Maggioni Type Milano, Italie, 2019).
Certains services et infrastructures sont mis en place pour les habitants mais ils sont de nature différente et s’adressent plutôt à des usages quotidiens. En effet, on note la présence d’églises ou de chapelles, de pharmacies, de marchés et épiceries artisanales. A l’échelle du plan général, certains noyaux sont prévus pour accueillir l’activité des pécheurs, quelques écoles, des habitations résidentielles pour la population locale ou encore des postes de police. Malgré cela, le projet n’est pas toujours perçu d’un bon œil par les locaux. En effet, le nouveau statut qu’occupe la région, les populations étrangères qui s’y rendent ainsi que les partis pris architecturaux mis en place peuvent poser question. En ce qui concerne les habitudes locales, elles sont intégrées de manières ambigües au projet. Certains nouveaux centres sont qualifiés de villages de pêcheurs mais sont malgré tout destinés à des fins touristiques. Ce sont dans ces villages que l’on prévoit de loger une partie de la population locale au même titre que certains touristes, leur offrant ainsi une vision plus authentique du lieu, notamment par la présence de l’artisanat local et de ports de pêche pittoresques. La juxtaposition de ces usages, aux antipodes les uns des autres, amène à un rejet du projet par une partie des habitants de la région.
Un langage
architectural méditerranéen plutôt que sarde ?
L’écriture architecturale du projet semble puiser son inspiration dans les formes traditionnelles de la région, notamment les « stazzi » et pourtant s’en éloigne lorsqu’elle tend à se rapprocher de l’imaginaire collectif, de l’île inventée que l’on souhaite créer. Un écart s’installe entre la théorie du projet et sa mise en pratique. En effet, les codes de l’architecture vernaculaire sarde semêlent enréalité àdes influences provenant d’autres régions dubassinméditerranéen comme les îles Cyclades, les Baléares, la côte Amalfitaine ou bien même quelques villages de la côte d’Azur. Cela crée alors une sorte de mélange, de fusion – voire confusion - entre différents styles architecturaux, tous issus de territoires côtiers ou insulaires autour de la Méditerranée.
Ainsi, le projet de la Costa Smeralda reprend les codes de l’architecture sarde et sa culture mais pas seulement. Il comprend de nombreuses inspirations qui vont au-delà des côtes de la Sardaigne et qui contribuent à le faire basculer dans une nouvelle dimension, une dynamique qui n’existe pas encore à l’époque de sa conception. En ayant pour double objectif d’attirer une part très ciblée de la population et avant tout de respecter le paysage, il fallait apporter une réponse unique et inédite, en réinventant les codes traditionnels et en transcendant la réalité.
C’est pour cela que l’on peut considérer, avec tous ces facteurs, qu’il ne s’agit non pas d’un simple projet de réinterprétation contemporaine de l’architecture traditionnelle du nord de la Sardaigne mais plutôt d’une pure création, l’invention d’un lieu imaginaire.
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Source : Vue depuis une habitation, Porto Rotondo, photographie, novembre 2021. (ph. TROLET Clotilde)
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Source : Vue depuis la place principale vers la mer, Porto Rotondo, photographie, novembre 2021. (ph. TROLET Clotilde)
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Documentations et articles, PERSEE, Disponible sur : https://www.persee.fr/
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MEMOIRE DE MASTER
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Séminaire Territoires de l’eau : architectures, urbanismes et modes de vie Etudiante : Clotilde Trolet Enseignants : Valter Balducci, Milena Guest Etablissement : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie Dates : Septembre 2022 - janvier 2023 Source : vue aérienne du golfe de Porto Cervo, photographie d’époque. (YCCS, Yacht Club Costa Smeralda 2022 [en ligne], disponible sur : https://www.yccs.it/en/magazine/2022/i_sessantanni_della_costa_smeralda/we_came_from_the_sea-18.html).