Followed #8

Page 19

du tratteggio, technique consistant à reproduire le motif par de petits traits successifs, qui font la blague de loin mais se détectent sans mal quand on a le nez dessus. Et lorsqu’il manque carrément des morceaux (on parle alors de restauration archéologique), pas question de faire autre chose que laisser un vide, en choisissant simplement un ton de fond uni qui ne perturbe pas l’œil. « Une belle restauration est une restauration honnête : on n’invente jamais ce qu’on ne connaît pas ! Et puis, l’idée est surtout que toutes les opérations soient facilement repérables, et donc réversibles par ceux qui, un jour, voudront les reprendre en profondeur. Ce qui se fait grosso modo tous les 150 ans, parfois moins. » Mais même lorsqu’un restaurateur, parfois plusieurs siècles auparavant, n’a pas pris ces précautions, on peut toujours retrouver les repeints, ajouts et autres modifications. Comme sur la Nef des fous de Jérôme Bosch (1450-1516), passée dans l’atelier il y a quelques mois : « Très clairement, le mât au milieu de la nef avait été transformé en arbre, et une montagne avait été ajoutée

à l’arrière-plan : après avoir beaucoup hésité, on a remis le tableau dans sa configuration d’origine. » Le même souci de réversibilité prévaut dans l’atelier de dorure sur bois, où trônent une magnifique console rocaille du XVIIIe siècle, appartenant au Louvre, ainsi que la quarantaine de pièces (fauteuils, piédestaux, candélabres...) du petit salon jaune de l’impératrice Joséphine au château de Fontainebleau. Les dorures vont en priorité être refaites avec des matériaux de substitution, comme de la poudre de mica, voire de l’aquarelle. Et les solvants, vernis et colles sont soigneusement sélectionnés, de manière à faciliter là encore les opérations de dérestauration. D’ailleurs, sur ces éléments, on trouve des vestiges de petites retouches, effectuées à la bronzine, un vernis dans lequel sont pris des pigments métalliques. Il faut impérativement profiter du passage en restauration pour les retirer (elles sont très sujettes à la corrosion) et les remplacer par un matériau plus stable. Parfois, l’atelier recourt encore à la feuille d’or, mais dans ce cas, elle est toujours marquée chimiquement pour pouvoir

L’atelier est orienté plein nord, pour avoir une lumière la plus constante possible.

Franziska et Patricia ont travaillé six ans à la restauration de cette œuvre. Elle vient de retrouver sa place.

19


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.