PRIX GONCOURT DES LYCÉENS 2016 CRITIQUES LITTERAIRES

PRIX GONCOURT DES LYCÉENS 2016 CRITIQUES LITTERAIRES

Lycée Le Likès- La Salle Quimper Classe de 1ère L1

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SÉLECTION GONCOURT DES LYCÉENS 2016

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Natacha Appanah, Tropique de la violence, Gallimard ; Metin Arditi, L’enfant qui mesurait le monde, Grasset ; Magyd Cherfi, Ma part de Gaulois, Actes Sud ; Jean-Baptiste Del Amo, Règne animal, Gallimard ; Jean-Paul Dubois, La Succession, L’Olivier ; Gaël Faye, Petit pays, Grasset ; Frédéric Gros, Possédées, Albin Michel ; Ivan Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes, Seuil ; Régis Jauffret, Cannibales, Seuil ; Laurent Mauvignier, Continuer, Minuit ; Yasmina Reza, Babylone, Flammarion ; Leïla Slimani, Chanson douce, Gallimard ; Romain Slocombe, L’affaire Léon Sadorski, Robert Laffont ; Karine Tuil, L’insouciance, Gallimard.

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Avec la participation de : Aurélie Bertho, « Babylone : Une fête qui tourne au drame », Yasmina Réza, Babylone…………………………………………………….p.5 Sarah Blanchot, « suicide collectif ? », La Succession, Jean-Paul Dubois………………………………………………………………………………p.18 Camille Blavec, « Une hypocrisie collective », Possédées, Frédéric Gros,…………………………………………………………………………….p.31 Morgane Caoudal, « Laurent Mauvigner : en espérant qu'il continue ! », Laurent Mauvigner, Continuer…………………………..p.14 Phoebe Clayman, « Toujours vers l'avant », Laurent Mauvigner, Continuer………………………………………………………………………..p.13 Gwenvred Cloitre, “De l’amour au drame”, Cannibales, Régis Jauffray……………………………………………………………………………….p.58 Maela Cornic, « La guerre à hauteur d'enfant », Petit Pays, Gaël Faye…………………………………………………………………………………p.35 Agathe Crespel, « Laëtitia, une femme, un meurtre, un fait divers, une affaire politique, un livre. », Ivan Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….p.40

Éléonore Danckaert, « Le meurtre a ses raisons », Une chanson douce, Leïla Slimani……………………………………………………… .p.10 Margot Dejeux, « Ma quête d’identité », Ma part de gaulois, Magyd Cherfi………………………………………………………………………p.49 Louen Dupuis, « La mort en héritage », La Succession, Jean-Paul Dubois…………………………………………………………………………….p.19 Fabien Flochlay, « L’identité en crise », Magyd Cherfi, Ma part de gaulois……………………………………………….………………………….p.47 Eva Frerejouan, « Rétablir l’ordre du monde », L’enfant qui mesurait le monde, Metin Arditi…………………………………..…………p.54 Luna Gloaguen, « Entre Chiens et Loups », Tropique de la violence, Natacha Appanah……………………………………………………....p.24 Océane Grivel, « Un voyage intérieur », Continuer, Laurent Mauvignier………………………………………………………………………………p.15 Vanille Lagadec, « Le désordre du monde », Meti Arditi, L’enfant qui mesurait le monde…………………………………………………...p.53 Lucie Le Du, « Une chanson douce que me chantait ma maman… », Leila Slimani, Chanson douce………………………………………p.9 Loanne Le Goff, « L'enfant autiste et l'homme vieillissant », L’enfant qui mesurait le monde, Metin Arditi…………………… .…p.52 Naomie L’Hostis, « Un petit pays bien à lui », Un petit pays, Gaël Faye…………………………………………………………………………………p.34 Ieuan Fonteneau, « Le démon n'est pas toujours ce que l'on croit être », Possédées, Frédéric Gros,…………………………………..p.30 Shannon Le Guyader, « Une âme réduite au néant », Laëtitia ou la fin des hommes, Ivan Jablonka…………………………………..p.39 Louise Mayol, « Un mets au goût douteux », Régis Jauffret, Cannibales……………………………………………………………………………….p.57 Marvin Normant, « L'enfant sans racines », Tropique de la violence, Natacha Appanah……………………………………………………...p.25 Tishia Otha-Ndong, “Face cachée d’une île paradisiaque”, Tropique de la violence, Natacha Appanah………………………………..p.23 Juliette Prasit, « Une soirée particulière », Babylone, Yasmina Reza………………………………………………………………………………………p.7 Eloïse Primault, « Attendez vous à l’inattendu », Babylone, Yasmin Reza…………………………………………………………………………....p.6 Océane Renevot, « Laëtitia, tristement célèbre ou Le récit d'une vie trop courte », Ivan Jablonka, Laetitia ou la fin des hommes. …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..p.38

Jordan Saux, « Une vision interne des problèmes cachés de notre société », Magyd Cherfi, Ma part de gaulois……………………p.48 Élisa Vimare, « Succession de malheur », Jean-Paul Dubois, Succession…………………………………………………………………………………p.17 Milla Thomas, « Moïse, prophète revisité », Tropique de la violence, Natacha Appanah……………………………………………………...p.22

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Yasmina Reza, Babylone

Babylone : Une fête qui tourne au drame. Élisabeth est une femme à la soixantaine. Elle habite dans un appartement Parisien, c'est la narratrice de Babylone. Élisabeth décide d'inviter son voisin Jean-Lino Manoscrivi ainsi que sa femme Lydie à une fête de Printemps qu'elle et son mari organisent, lorsqu'elle le croise dans la cage d'escalier. Élisabeth admire Jean-Lino, elle trouve que c'est quelqu'un de très doux. Également elle décide d'inviter un autre couple d'amis à sa fête bourgeoise.

Les préparations de la petite fête se passent dans le stress et l'excitation. Pierre et Élisabeth préparent des tas de nourriture. Finalement la soirée se passe plutôt bien. Plus tard, dans la nuit, lorsqu'Élisabeth et Pierre se retrouvent tous les deux, un bruit de sonnette retentit. Jean-Lino annonce les faits : il vient de tuer sa femme.

Jean-Lino l'a étranglée.

Babylone est d'abord un récit descriptif et doucement drôle, par exemple lorsque le couple se ballade en caleçon rose et pyjama dans la cage d'escalier, ou encore face à l'excitation d'Élisabeth lorsqu'elle achète des tas de verres pour sa soirée. Les personnages sont touchants et attachants, même si Jean-Lino tue sa femme et qu'il paraît fou, on lui trouve un côté tendre, peut être que c'est lié au fait que la narratrice l'apprécie beaucoup.

Ensuite, Babylone est une sorte de faux polar, nous devinons très vite que le drame va se passer autour de Lydie.

Cependant les conséquences de ce drame sont dérisoires. La narratrice cherche à faire rire, elle exagère un peu.

La plume de l'auteur est très théâtrale, ainsi que les dialogues, Yasmina Reza est connue pour ses pièces de théâtre. Elle écrit ce récit avec beaucoup de description, il y a beaucoup de passages dans le passé. Les souvenirs de la narratrice, le livre ont beau être plutôt faciles à lire, il ne faut pas s'y perdre entre passé et présent. J'ai trouvé l'histoire longue, et je n'ai pas spécialement réussi à m'identifier aux personnages. Ils sont âgés et se sentent seuls. Les personnages sont soucieux de l'avenir. Ils se posent des questions, par exemple Élisabeth a peur de vieillir : « Comment est-ce possible ? Une fille fait les quatre cent coups, se trimballe dans la vie juchée et peinturlurée et tout à coup se met à avoir soixante ans". J'ai cependant apprécié le côté nostalgique de ce livre. J'aime beaucoup Paris et le récit se passe dans un appartement Parisien avec beaucoup de descriptions. Ce livre parle beaucoup de sentiments amoureux ou non. Ce livre pousse à nous remettre en question. Je trouve intéressant également le fait qu'on plaint les méchants et qu'on n'aime pas les gentils, autrement dit on plaint Jean-Lino d'avoir assassiné sa femme.

Je terminerais par dire que la lecture manque de rythme, le récit s’essouffle vers la fin et manque parfois de crédibilité mais que le contexte d'une romance dramatique m'a fait apprécier cette lecture. Finalement, même si je n'ai pu m'identifier aux personnages, je les ai trouvés touchants. Babylone est un bon livre, un récit inspirant, imagé et très bien décrit.

3076 caractères Aurélie Bertho

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Yasmina Reza, Babylone, Flammarion

Attendez vous à l’inattendu Babylone, c’est une histoire d’amitié entre voisins sexagénaires, sans ambiguïté, quand un drame survient à l’issue d’une soirée et rompt cet équilibre.

La narratrice, Elisabeth, mariée depuis longtemps à Pierre, vit dans un immeuble bourgeois de la banlieue Parisienne, où elle croise souvent dans les escaliers son voisin du dessus Jean-Lino. Ce-dernier forme un couple plus récent avec Lydie, une femme déjà grand-mère, chanteuse et un peu hippie. Contrairement au petit fils de Lydie, son chat s’est pris d’affection pour Jean-Lino. La veille des ses soixante ans, Elisabeth fait véritablement connaissance avec son voisin, une relation amicale naît alors entre les deux personnes. Un jour, Élisabeth décide d’organiser chez elle une « fête de printemps » avec des membres de sa famille, des collègues et des amis dont le couple de voisins. La soirée se déroule normalement, rieuse et arrosée, malgré quelques querelles banales de couples entre Jean-Lino et Lydie. Mais au milieu de la nuit, tout bascule, Jean-Lino revient sonner à la porte d’Élisabeth et Pierre, et leur annonce que sur un coup de folie, il vient de tuer sa femme Lydie.

Au premier abord, Yasmina Reza nous dépeint à la manière d’un film ou d’une pièce de théâtre, un récit comique. Le lecteur assiste à cette soirée pleine de rires et de gestes de la vie quotidienne, comme s’il en faisait partie. A travers les portraits dressés par la romancière, on apprend à connaître les personnages. L’écrivain a recours aux flashbacks et aux descriptions pour évoquer le temps qui passe, et les souvenirs de leur « jeunesse morte ». On peut donc définir chaque caractère et chaque histoire de nos personnages, et s’attacher à eux comme si nous les connaissions depuis toujours. Mais ce cadre festif et banal va brutalement déboucher sur un « thriller » inattendu. Le lecteur est spectateur du drame, et est amené à réfléchir sur les sentiments et les émotions que ressent chaque être humain, comme la solitude, la mélancolie, l’amour… Les mots peuvent faire rire mais aussi blesser, et les gestes peuvent tuer. Le roman nous questionne : Aurais-je fait les mêmes choix qu’Élisabeth ? Aurais-je couvert le crime par amitié ou dénoncer par raison ? Peut-on garder le contrôle sur notre vie ?

En tant que lectrice, j’ai beaucoup aimé la plume théâtrale de Yasmina Reza, qui amène le lecteur dans un sens de l’observation, ainsi que son style d’écriture fluide, simpliste et familier. En revanche, son roman ne m’a pas emportée, ni soulevé d’émotions fortes. Néanmoins, Babylone est un livre plaisant et intéressant à lire notamment grâce au décalage entre l’ambiance festive et la scène de crime, puis à la réflexion sur le contrôle du destin.

2737 caractères Éloïse Primault

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Yasmina Reza, Babylone, Flammarion

Une soirée particulière Le roman raconte l’histoire d’un couple qui invite des amis à dîner dans leur appartement parisien, parmi eux Jean–Lino et sa femme Lydie, les voisins du dessous. Elizabeth, la narratrice qui a la soixantaine, travaille à Pasteur au département des brevets. Son époux Pierre est professeur de mathématiques.

Jean-Lino et Élisabeth se rencontrent régulièrement dans l’escalier car ils ont en commun de ne jamais prendre l’ascenseur. Ils se lient d’amitié lorsque Jean-Lino invite Elizabeth aux courses à Auteuil. Ensuite, à l’occasion d’un café, ils échangent quelques confidences. Jean–Lino est simple, moche et sympathique. Lydie est déjà grand-mère, chanteuse, rousse et milite pour le droit des animaux.

La soirée se passe plutôt bien, arrosée et rieuse. Quelques heures après les avoir quitté, c'est le drame.

Jean-Lino revient voir ses voisins : dans un coup de folie, il a étranglé Lydie, sa femme. Élisabeth et son mari se demandent alors s’il faut couvrir les actes de Jean-Lino ou appeler la police. C’est le début d’une longue suite de péripéties pour faire disparaître le corps.

Entre la satire sociale et le roman policier, Yasmina Reza nous décrit cette étrange soirée de bobos au travers les yeux d’une femme, Élisabeth, une soirée qui tourne au drame.

J’ai apprécié le livre car il déroute le lecteur. En effet, au début on s’imagine que le roman va tourner autour d’une histoire amour-amitié entre Élisabeth et Jean–Lino alors qu’il s’agit d’un récit avec un certain suspense.

Le roman est bien écrit, on a hâte de savoir ce qui va se passer. On se pose beaucoup de questions sur les réactions parfois étranges des personnages.

Donc un roman plutôt sympa, qui se lit bien, avec une intrigue intéressante. Mais, j’ai trouvé qu’il y avait trop de détails inutiles. J’aurais aimé que la fin soit plus travaillée et originale.

1861 signes

Juliette Prasit

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Leïla SLIMANI, chanson douce.

UNE CHANSON DOUCE , QUE ME CHANTAIT MA NOUNOU …

Myriam, mère de deux jeunes enfants, commence à s’ennuyer de sa petite vie de mère au foyer. Elle veut s’échapper et s’épanouir professionnellement. Elle accepte un emploi d’avocate, malgré les réticences de son mari Paul. Le jeune couple de bobos parisiens se lancent alors à la recherche de la nounou « parfaite ». De leurs nombreux entretiens en est ressortie Louise, une vraie perle. Elle s’occupe non seulement des enfants mais aussi de l’entretien de la maison ainsi que de la cuisine. Les parents sont heureux et Louise leur devient très vite indispensable et gagne l’affection des enfants. Cette jeune fille frêle et fragile se dévoue entièrement pour la famille mais s’enferme dans la solitude et la mélancolie jusqu’au drame…

Pas de suspense dans ce roman. On sait d’emblée que les deux enfants, Mila et Adam, sont morts. Le roman débute par la vision morbide et cauchemardesque des corps des deux enfants que l’on sait assassinés par la nounou, Louise. Même si dès les premières pages on connait l’issue de l’histoire, la justesse et la précision d’écriture de l’auteure nous donnent envie de poursuivre la lecture de ce roman et de découvrir les raisons de ce drame.

Leïla Slimani, à travers ce thriller contemporain qui est inspiré d’un fait-divers américain, dépeint notre société avec ses failles et fait réfléchir chacun à sa place dans la société, à l’éducation de ses enfants et à l’amour qu’il leur porte.

L’histoire est compliquée et morbide mais l’auteure arrive intelligemment et subtilement à présenter les faits sans porter de jugement.

J’ai beaucoup aimé ce livre et le fait qu’on connaisse l’issue de l’histoire dès les premières pages ajoute un certain suspense et une espèce de tension qui nous donnent l’envie de dévorer d’une seule traite ce livre que je recommande vivement.

1848 caractères Lucie Le Du

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Leïla SLIMANI, Chanson Douce

Le meurtre a ses raisons Deux enfants, une nounou, un meurtre.

Mère au foyer débordée, Myriam s'occupe de ses deux enfants en bas-âges mais ne s'épanouit pas. Elle décide alors de travailler et engage avec son mari une nounou qu'ils choisissent avec soin. Dès lors, Louise s’immisce dans leur quotidien le rendant absolument merveilleux. Les parents se laissent endormir par la perfection de cette femme et en oublient qu'elle est humaine, jusqu'à ce que le drame se produise : Louise tue les enfants et se suicide.

Dès les premières pages, Leïla Slimani nous plonge dans une ambiance morbide, avec la description détaillée de la scène du meurtre des enfants. Puis, au cours du récit, elle nous amène à comprendre pourquoi la nounou a été conduite à commettre un tel acte. À travers des flash-back, le lecteur apprend à connaître cette nounou qui parait pourtant si parfaite, qui cuisine si bien, qui est tant appréciée des enfants, qui nettoie tout sans qu'on le lui demande et son histoire. Chanson Douce est un conte de fée à la Perrault, le décor est très propre et net, une famille parisienne aisée, un appartement bien tenu, des enfants heureux ; mais derrière se dissimule le passé et le présent d'une nounou accablée et constamment rabaissée.

La force de l'auteure dans ce livre, c'est d'écrire tout ce roman de manière totalement externe, sans laisser transparaître son opinion et sa position par rapport à cette histoire tragique. Elle campe les caractères des personnages sans les juger, elle amène le lecteur à mener sa propre enquête psychologique, elle le place comme un enquêteur qui reconstruit petit à petit les faits et les raisons du meurtre. On sait dès le début le dénouement de cette histoire, mais les circonstances en restent inconnues, c'est tout le sujet du livre. Les personnages ne sont pas attachants, même Louise, la nounou, ne donne pas envie que l'on s’apitoie sur elle, car si elle faisait tout pour des enfants qu'elle gardait, elle n'a pas pris la peine de s'occuper correctement de sa propre fille. Cependant, l'auteure les rend suffisamment complexes pour donner envie de poursuivre sa lecture et tenter de comprendre.

Leila Slimani dénonce l’égoïsme d'une famille, dont les principes sont « la détestation de l'argent, du pouvoir et le respect du plus petit que soi », et qui pourtant sont si centrés sur eux-mêmes qu'ils ne veulent pas s’embarrasser des soucis de leur entourage, car ils sont bien au chaud, protégés dans leur petit paradis, au détriment de la nounou, au point de la pousser dans la folie de l'assassinat. Car si la nounou a commis ce meurtre, c'est à cause d'un sentiment d'insécurité, sa situation financière délicate, la peur d'être mise à la porte comme un simple objet, puisque les enfants grandissant, elle sera bientôt inutile ; et les parents Masset font semblant de ne pas voir ses problèmes, laissant la malveillance s'installer confortablement dans le cœur de la nounou…

Après avoir fini ce roman, que j'ai dévoré car l'intrigue et le suspense me tenaient au ventre, j'étais tout de même un peu perplexe. On ne peut qu'être surpris par le fait que ce récit soit tiré d'une histoire vraie, bien que ce soit décrit de manière très réaliste. En effet la brutalité du meurtre comme la description psychologique de la nounou ne suffisent pas à rendre concevable cette histoire comme étant réelle.

3352 caractères Eléonore Danckaert

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Leïla Slimani, Une chanson douce, Gallimard, 226 p.

Solitude (s)

De prime abord, le titre du roman de Leïla Slimani a le doux parfum d’une berceuse pour enfants. De fait, il n’en est rien. Le récit s’ouvre sur un fait-divers atroce : une nounou a tué les deux enfants en bas-âge qui lui avaient été confiés laissant leurs parents anéantis et sidérés. La comptine a viré au cauchemar. Pourquoi ?

C’est que, dans cette histoire, Paul et Myriam, les parents, se montrent constamment soucieux du bien-être de leurs enfants que la surcharge de travail a éloignés d’eux. C’est que la nounou qu’ils engagent, après une longue quête, est parfaite, absolument parfaite. Les enfants l’adorent et elle le leur rend bien. Elle se rend vite indispensable au sein du foyer. Comme un meuble ?

Le roman entreprend alors de raconter la genèse d’un crime inconcevable, en apparence totalement gratuit. Telle une archéologue, à travers le portrait de Louise qu’elle dessine au fil des pages et de la révélation de ses frustrations, l’auteur met à jour les rouages enfouis et tragiques de la vie d’effacée de l’héroïne.

Car Louise semble marquée du sceau de l’invisibilité. Victime consentante de son asservissement social et affectif, elle avance dans la vie comme un robot, poussée par un déterminisme qui ne dit pas son nom, jusqu’à la rupture fatale.

Enfermée dans l’image figée de sa « mission », elle est condamnée à une vie parallèle qui ne rejoint jamais vraiment celle des autres, une vie de solitude.

Le style fluide, l’adoption du point de vue interne, les phrases brèves dénuées de tout pathos qui caractérisent ce récit retranscrivent très bien la difficulté à être et à dire de cette femme coupée de ses émotions, comme si elle était littéralement « empêchée ». Elles traduisent aussi la violence sociale ordinaire, sourde mais destructrice, des rapports humains et des conventions qui enferment chacun des personnages dans sa condition de maître ou d’esclave.

On comprend alors que la petite mélodie du bonheur qu’annonce le titre n’est qu’une antiphrase, une imposture, où pointe une ironie cruelle dénonçant les masques que nous empruntons. Et ce qui n’est, au départ, qu’une héroïne bien ordinaire se transforme en héroïne de tragédie, en figure monstrueuse que la justice – on l’imagine – aura soin d’abolir tout à fait. Cachez ce crime que je ne saurais voir…

Une chanson douce Que me chantait ma maman, En suçant mon pouce J’écoutais en m’endormant.

Cette chanson douce Je veux la chanter aussi, Pour toi ô ma douce, Jusqu’à la fin de ma vie Les paroles de la comptine d’Henri Salvador résonnent encore, lorsqu’émus et perplexes à la fois, on referme le livre. Mais leur mélodie, soudain, se fait dissonante. On dirait un S.O.S. Un S.O.S. que personne n’a entendu.

2698 caractères F.L

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Laurent Mauvinier, Continuer

Toujours vers l'avant Sybille est une femme à qui la jeunesse promettait un bel avenir. Seulement, elle a vu sa vie se défaire sous ses yeux. Elle est prête à tout pour récupérer son fils, Samuel, qu'elle perd de jour en jour et qu'elle voit sombrer dans la délinquance sans savoir quoi faire. Elle décide d'emmener Samuel au Kirghizistan afin de partager avec lui sa passion de la randonnée ainsi que pour changer d'air et tenter de le remettre dans le droit chemin. Alors, ils partent à cheval dans les montagnes du Kirghizistan découvrir de somptueux paysages, vivre des expériences fortes et laisser tout le reste derrière eux. C'est l'occasion pour cette mère et son fils d'avancer en prenant un nouveau départ.

Dans son nouveau roman, Laurent Mauvignier conjugue le roman d'aventures et le drame, « Continuer » est un subtil mélange entre deux genres directement reliés à travers ses textes.

Au premier abord, l'auteur annonce directement la couleur : on est vite plongé dans le vif du sujet. Le livre s'ouvre sur le réveil de Sybille et Samuel. Ils sont entourés d'hommes ayant l'air agressifs et menaçants. Ils ne savent pas ce que ces hommes veulent, voler leurs chevaux, les tuer. Sybille garde cependant son sang-froid et décide de partir et ce n'est pas sans mal. Le sang-froid dont Sybille fait preuve est un atout qui lui servira tout au long de leur périple.

En tant que lectrice sincère, j'avouerais qu'au premier abord, ce roman ne fut pas un coup de cœur : il y avait un trop-plein d'informations désagréables à lire, mais cependant, lorsque nous avançons dans la lecture, on ne peut plus s'arrêter, on veut connaître la suite. C'est comme si la plume de Laurent Mauvignier variait en même temps que l'humeur des personnages, ou encore, par exemple, lorsque que les chevaux marchaient, on retrouvait une écriture plutôt posée, mais lorsque la cadence augmentait alors nous étions emportés dans notre lecture au même rythme que celle-ci. Un vrai plaisir à lire qui nous plonge dans l'ambiance même de la scène.

Quand il évoque un sentiment, c'est comme si nous le ressentions, comme si nous nous faufilions dans l'intimité même du personnage afin de mieux le comprendre et d'évoluer avec lui. On s'accroche de plus en plus aux personnages, notamment à Sybille, femme épuisée, mais encore capable de tout faire pour son fils, une femme très forte. Mais aussi à Samuel qui ne voulait en aucun cas être là avec sa mère au Kirghizistan, mais qui se rend compte au fur et à mesure que c'est finalement ici qu'est sa place, image d'un enfant perdu qui se remet en question. Les personnages sont prêts à tout pour aller de l'avant, ensemble. Ils savent que le seul moyen d'y arriver est de « continuer », c'est ce que Sybille répètera souvent.

Pour conclure, je dirais que Continuer est un roman haut en couleur, il nous fait passer par une palette infinie de sentiments, c'est un message d'amour, de vie et de paix, que ce soit avec les autres, ou avec soi-même.

Ce livre pourrait inciter n'importe qui à ne pas, ou bien à ne plus, baisser les bras face aux difficultés. Il nous invite à toujours continuer d'aller vers l'avant.

3159 caractères

Phoebe Clayman

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Laurent Mauvignier, Continuer

Laurent Mauvigner : en espérant qu'il continue !

Continuer est un roman écrit par Laurent Mauvignier, qui nous porte dans son univers qui est celui d’êtres pris avec le réel, où les héros tentent de vivre leurs rêves malgré l’impossibilité que leur oppose la vie, et qui tentent de surmonter leurs traumatismes.

L'auteur parle dans son roman de Sibylle, une mère perdue dans sa vie sentimentale comme dans sa vie de famille, qui doit gérer un adolescent de 16 ans, Samuel. Mais celui-ci est perdu lui aussi. Il ne sait pas trop ce qu'il fait, où il va. Il fait de plus en plus de bêtises, et sa mère ne sait plus quoi faire. Un soir, Samuel se retrouve au commissariat de police/ Sibylle doit venir le chercher car il a soi-disant encore fait une ânerie. Cet acte est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les jours qui suivirent, Sibylle prit une décision. Elle décida de partir plusieurs mois avec Samuel, au Kirghizistan, pour partir loin de tout. Dans le passé Sibylle a fait ce genre d’excursion et fini à l’hôpital. Le père de Samuel ne voulait donc pas que cela se reproduise, surtout avec son fils. Mais ils partirent quand même en quête de renouveau, pour se retrouver eux mêmes, sans savoir ce qui les attendaient.

Je suis assez partagée en ayant lu ce livre. Je dirais qu'il y a des aspects négatifs mais aussi positifs. Dans ce roman, le point de vue narratif peut passer du point de vue omniscient au point de vue interne ce qui peut perdre le lecteur dans sa lecture. Les dialogues, eux, se font parfois avec des tirets, ou sans. Dans un même paragraphe on peut retrouver de la description et puis juste après un dialogue inscrit dans le même paragraphe.

C'est assez négatif, car on s'y perd un peu. Pour ce qui est des personnages, on arrive vraiment à s'identifier à eux. L'histoire nous paraît assez réelle. Les problèmes qu'ont Sibylle et Samuel sont assez similaires à ceux que peuvent avoir des personnes lambda. Ce roman parle de personnes perdues dans un monde qui ne leur ressemble pas, de personnes qui fuient leurs problèmes sans jamais vouloir les affronter.

Je pense donc que beaucoup de personnes peuvent apprécier ce livre, qui parle de la vie et des problèmes qui l’accompagnent. Je pense que ce livre peut faire réfléchir. Il peut faire réfléchir à nos problèmes, et pourquoi une grande partie de la population les fuient, se voile la face.

2388 caractères

Morgane Caoudal

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Laurent Mauvignier, Continuer

Un voyage intérieur Le roman Continuer de Laurent Mauvignier sur le thème du voyage, parle d'une thérapie familiale entre une mère et son fils. Plus précisément Sibylle, une mère dépressive, voit son fils Samuel, après un drame lié à de mauvaises fréquentations, se détériorer dans la criminalité. Sibylle décide donc de tout quitter, contre le gré de son ex-mari Benoit et de son fils, pour partir avec Samuel à cheval pendant plusieurs mois dans les montagnes du Kirghizistan. Ce périple leur fera rencontrer des personnes mais aussi des événements, des obstacles, du danger.

Comment s'en sortir lorsque le dialogue avec son propre enfant s'est perdu, laissant place à une incompréhension totale et que l'on assiste impuissant à sa dérive ?

Un seul mot : continuer. Cette histoire actuelle va démontrer comment retrouver un lien entre une mère et son fils, mais aussi comment ces deux êtres distincts vont se retrouver eux mêmes.

Le pari est ambitieux et jusqu'à la dernière ligne on ne sait pas si elle aura les vertus attendues...

Je n'ai pas aimé ce roman par rapport au style d'écriture de l'auteur, les dialogues peu présents sont noyés dans la description abusive. Ensuite les événements sont longs à arriver, le début du livre est donc monotone. Je n'ai pas eu d'attachement pour les personnages malgré leur vécu car on les connaît au fur et à mesure et trop tard, on apprend encore des choses sur la vie passée de Sibylle à la fin du roman. L'auteur, par ses procédés d’écriture, m'a perdue, lassée, ennuyée, alors qu'en elle même l'histoire est intéressante, divertissante.

Mon passage favori est lorsqu’après l'accident de cheval qui avait mis Sibylle dans le coma, Samuel arrive à l’hôpital accompagné de son père, et dit à sa mère qu'ils continueront ce voyage, tous les deux. J'aime ce passage car peut-être n'ont-ils pas été au bout de ce périple, mais ils ont atteint leur but, qui était de se retrouver.

Cette phrase marque l'aboutissement de ce roman.

Malgré mon avis négatif, ce roman est une réelle prise de conscience sur la société actuelle rendue malade par la surconsommation, aveuglée par la surmédiatisation, l’importance donnée à l'image et gouvernée par une individualisation poussée à l'extrême. Des travers propices à la violence, la méfiance, la haine, la superficialité et l'isolement que l'on retrouve nécessairement dans notre quotidien…

2365 caractères Océane Grivel

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Jean-Paul Dubois, La Succession

Succession de malheur

La Succession est un roman tragique qui raconte la vie d'un jeune homme de vingt-huit ans nommé Paul Katrakillis. L'histoire débute en 1983 en Floride, époque à laquelle le personnage coule des jours heureux et accède au métier de ses rêves : le pelotari. Pourtant, bon nombre des membres de sa famille se sont donné la mort par le suicide. Puis, un jour, son père suit la même logique et se jette d'un immeuble. Paul retourne donc dans sa ville natale, Toulouse, et se charge des affaires de son père pendant un mois. Lorsqu'il retourne en Floride, celui-ci se met en grève de cesta punta, jugeant que son salaire n'était pas assez élevé. Celui-ci n'a pas le dernier mot et travaille en tant que serveur dans un restaurant nommé le Wolfie's. Il entame une liaison avec sa patronne, qui finit par le licencier sans lui donner d'explications. Suite à son licenciement, Paul retourne en France et réouvre le cabinet médical de son père. Il exerce le métier de docteur en France pendant deux ans et décide de retourner en Floride, n'oubliant pas Ingvild, ancienne patronne du restaurant dans lequel il a été embauché, et femme pour laquelle il éprouve un sentiment amoureux. Il cherche cette dernière pendant plusieurs semaines, puis arrive à lui rendre visite à l'hôpital dans lequel elle est patiente. En voyant l'état dans lequel elle est, il découvre qu'elle est atteinte d'une maladie grave et que c'est pour cette raison qu'elle a quitté le restaurant. Suite au décès de cette dernière, il tombe en dépression et devient à son tour malade.

Ce livre ne m'a pas vraiment plu parce que je n'apprécie pas les histoires tristes et qu'il traite d'une succession de malheurs, d'un personnage qui cherche en vain sa place dans le monde. De plus, l'histoire contient plusieurs petits détails qui rendent la lecture longue et un peu ennuyeuse. Il contient aussi des mots en espagnol, ce qui rend la lecture plus difficile lorsque l'on n'est pas bilingue. J'apprécie tout de même le fait que l'histoire soit écrite sous forme de « journal de bord » et qu'il nous donne chaque date pour chaque évènement, parce que ces petits détails nous aident à nous retrouver plus facilement dans la lecture puisque Paul effectue plusieurs voyages entre la France et la Floride.

C'est néanmoins une histoire émouvante parce que le personnage perd tout ce qui lui est cher à ses yeux, et qu'on se prend de compassion pour lui. À ce sujet, le passage qui m'a le plus marquée traite de la mort du chien de Paul, animal qu'il a sauvé de la noyade au tout début du récit, et qui l'accompagne tout au long de ses péripéties. « Et je reconnus l'endroit où j'avais repêché Watson. Comme si cela s'était déroulé la veille, je revis son museau accroché à la surface, sa bonne tête de chien qui ne demandait qu'à vivre, je sentis ses pattes s'agripper à moi, et je l'entendais dévaler les escaliers de la maison jusqu'à cogner à ma porte. Ensuite, les mains sur la barre, conservant un cap imaginaire, je me mis à pleurer comme un enfant parce que c'était la seule chose qu'un homme raisonnable puisse faire à un moment pareil. » Ce passage est pour moi l'un des plus émouvants parce que l'on s'attache à Watson parce qu'il était le seul compagnon du personnage avant qu'il ne rencontre l'amour de sa vie, et que l'on retrouve l'humanité du personnage principal, ce qui diffère du passage où son père décède et qu'il ne réagit pas.

Je recommande ce livre aux amateurs d'histoires tragiques et aux lecteurs qui aiment les histoires émouvantes.

3534 caractères Elisa Vimare

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Jean-Paul Dubois, La Succession

Suicide Collectif ?

Le narrateur se nomme Paul Katrakilis. Pour lui l’exil a été la meilleure solution pour fuir sa famille. Dressons l’inventaire familial : au départ, ils étaient cinq. Tout d’abord, le grand-père d’origine russe, prétendant avoir été le médecin de Staline et avoir récupéré une lamelle du cerveau de celui-ci. Puis la mère et l’oncle, qui ont vécu collés l’un à l’autre comme mari et femme. Ces trois-là ont mis fin à leur vie sans raison apparente, la mère et l’oncle à quelques jours d’intervalle. Il ne reste donc plus que le père, Adrian, un médecin de famille. Père et fils donnent l’impression d’être incompris l’un de l’autre. Paul décide donc s’exiler et il se retrouve à Miami, une ville gaie, le changeant de l’environnement de sa vie morbide à Toulouse. Depuis tout petit, il joue à la pelote basque et, à Miami, il réussira à faire de sa passion son métier. Il sera pleinement heureux dans sa nouvelle vie jusqu’au jour où il apprendra le suicide de son père. Il retournera en France pour la succession mais repartira aux Etats-Unis où son club de pelote basque sera en grève. Il trouvera donc un autre travail dans un fast-food, le Wolfie's, où il vivra une courte histoire d’amour avec sa patronne, une norvégienne de 25 ans son aînée qui répond au nom de Ingvild Lunde. Cette histoire se terminera en déception amoureuse. Il finira par retourner en France pour reprendre le cabinet médical de son père. Il trouvera dans celui-ci deux carnets appartenant à son père. Grâce à ces carnets, la perception qu’a Paul envers son père va changer. Paul assumera la charge du cabinet, mais au bout d’une dizaine d’années, il arrêtera, épuisé physiquement et moralement détruit, et il reprendra la succession psychologique de sa famille.

Au milieu du livre, l’existence de Paul devient un long calvaire, entre une déception amoureuse et la reprise du cabinet médical de son père. La succession porte donc bien son nom, car dans ce livre, nous avons à faire à deux types de succession. Tout d’abord la succession professionnelle car il est fils et petit-fils de médecin et qu’il reprend le cabinet médical de son père, puis une succession psychologique : la tendance suicidaire.

Le roman est plongé dans la mélancolie. Il est aussi marqué par un manque d’amour et une fin de vie prédestinée. On en apprend à chaque page sur les personnages grâce à des détails cocasses et insolites. L’auteur use d’un humour absurde afin de parler de sujets qui ne le sont guère, comme les relations familiales difficiles et la mort.

Un roman où le narrateur se questionne sur la vie et sur les névroses familiales qu’on traine de génération en génération.

2685 signes.

Sarah Blanchot

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Jean-Paul Dubois, La succession

La mort en héritage La succession est un roman écrit par Jean-Paul Dubois qui fait référence à la transmission, le déterminisme familial et la fin de la vie, tout cela accompagné par un soupçon de mélancolie et un brin d'humour noir. La mélancolie nous accompagne tout le long du roman. Mais sans trop se mettre en avant, l'auteur place des petites touches d'humour noir à quelque endroit, ce qui fait que tout le long du roman, on peut lire un sourire en coin sur le visage du lecteur.

Tout au long de cette histoire nous suivons Paul Katrakilis, un joueur de pelote basque professionnel de 28 ans vivant à Miami. Il a tous les diplômes pour être médecin mais ne pratique par, car il préfère son sport.

Pour lui, la vie est heureuse jusqu’à ce qu'on le contacte pour lui annoncer le suicide de son père. Ses impératifs familiaux l’obligent à rentrer en France pour enterrer son père et vider la maison de son enfance. Ce voyage le replonge dans une vie antérieure accompagnée d’une famille plutôt loufoque et suicidaire. Il rencontre un ami de son père très intriguant et intrusif. Il débarque dans la vie de Paul en un éclair et chamboule certains souvenirs.

Le grand-père de Paul Katrakilis était russe et selon lui, il conserverait une lamelle du cerveau de Staline dans un vieux bocal de formol. Selon les dires de son grand-père, il aurait été le médecin de Staline. Le père de Paul était Grec et excentrique. Étant médecin, il aimait faire ses consultations en short. L'oncle et la mère de notre protagoniste sont toujours ensemble. Ils tiennent un atelier de réparation de montres. L'oncle se suicide en moto en fonçant à vive allure dans un mur. La mère de Paul le suit dans la mort, en se suicidant au monoxyde de carbone au volant de la Triumph du médecin excentrique. Son père lui dit : « Un jour tu finiras par prendre ma succession » Cette phrase résonne dans la tête du lecteur tout au long de l'histoire. Un jour l'oncle de Paul lui dit : « Il ne faut jamais se tromper de vie. Il n'existe pas de marche arrière » Cette phrase a suivi Paul tout au long de sa vie.

Ce roman m'a beaucoup plu car l'auteur arrive à dérouler la vie de Paul tout au long du roman sans le faire grandir. Nous abordons le protagoniste quand il est adulte et on nous raconte son histoire d'enfance jusqu’à sa mort. Pour moi, c'est juste l'histoire d'une vie doublée d'une interrogation sur la succession qu'installe l'auteur par le biais d'une famille suicidaire. La remarque de l'oncle m'a interpellé car elle soulève la question du choix de vie. Le romancier met en relation la pelote basque et la vie, car une pelote file droit tout au contraire de la vie. Jean-Paul Dubois nous montre Paul comme quelqu'un de très modeste et heureux mais quand l'auteur entre en décadence c'est la descente aux enfers. Toute cette histoire nous montre comment un évènement comme la mort de son père peut affecter la vie de cette personne. Paul Katrakilis a tenté d'échapper à la mort en partant à Miami, mais elle l'a vite rattrapé.

3007 caractères Louen Dupuy

19

Jean-Paul Dubois, La succession, éditions de l’Olivier, 234 p.

Hériter ou ne pas hériter, telle est la question.

Être (ou ne pas être), c’est forcément, à un moment donné, se poser la question de notre filiation et de notre héritage. Voilà en tous les cas le constat auquel parvient le narrateur de ce roman, Paul Katrakilis, médecin par accident, professionnel de la pelote basque par passion à Miami, où il s’est réfugié pour échapper à sa famille, au milieu des années 1980.

Car le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est issu d’une drôle de famille, aux origines aussi muettes que sulfureuses, et surtout, d’une lignée de personnes qui ont toutes en commun de s’être suicidées sans prévenir. Un bien étrange héritage que Paul rejette, loin des siens et de ses souvenirs, entouré de l’affection d’un chien rescapé des eaux et d’amis bagarreurs. Mais un message de son père l’invitant à lui succéder, après qu’il s’est suicidé à son tour, remet tout ce bel ordre en cause. Le voilà de retour à Toulouse, sur la terre de son enfance, confronté à ses souvenirs enfouis et aux mystères de sa filiation : hériter ou ne pas hériter ? Telle devient la question.

Raconté à la première personne du singulier, le récit se déroule sans heurt, dans un style vif et léger – à moins qu’il ne s’agisse d’une politesse du désespoir. D’étonnements en constats désabusés, le narrateur parcourt le temps et les pages de son histoire personnelle sans que jamais on ne s’ennuie. Mais derrière l’apparente légèreté de l’histoire, Jean-Paul Dubois soulève en réalité des questions existentielles et interroge les recoins les plus archaïques de l’âme humaine. Car l’héritage auquel est confronté Paul Katrakalis est celui de la mort, rien que ça ! Celui de la fatalité qui pèse sur sa famille. Comment concevoir l’inconcevable ? Peuton échapper au destin familial ? Et voilà le narrateur métamorphosé en Œdipe du troisième millénaire débutant.

Au fond, rien ne change. Les questions que se pose tout un chacun restent les mêmes et elles restent sans réponse. Les vies les plus ordinaires, finissent par flirter avec le mythe et leurs héros sont épuisés, déjà vaincus.

Lire La succession, c’est un peu comme rouvrir un vieil album de photos de famille en secret, ouvrir les tiroirs du bureau de son grand-père dans l’espoir d’y découvrir quelques secrets enfouis sur la famille, qui pourraient nous en apprendre plus sur nous-mêmes, habités par le sentiment contradictoire du désir de connaître et de la peur de savoir.

2497 caractères

F.L

20

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http://www.babelio.com/couv/CVT_Tropique-de-la-Violence_3735.jpg

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Natacha Appanah, Tropique de la Violence

Moïse, prophète revisité Tropique de la violence est un roman de Natacha Appanah. Entre fiction et réalité, ce livre nous fait voyager sur l'île de Mayotte, au large de Madagascar. Il nous emmène dans cette île où richesse et pauvreté, paradis et enfers sont confrontés. Écrit polyphoniquement, ce roman nous permet de nous évader dans la tête de 5 personnes différentes tout au long du récit. Tout d'abord, on suit Marie, mère adoptive de Moïse. L'auteur nous fait part de l'histoire touchante d'une infirmière, n'arrivant pas à avoir d'enfant. Lors d'une de ses interventions, une femme africaine est arrivée avec son bébé, les yeux vairons. Elle proclame que ce bébé est fils du djinn et porte malheur à sa famille. Marie le serre dans ses bras et décide de le prendre sous son aile. Elle va négocier son divorce contre un certificat de reconnaissance de paternité de son mari pour pouvoir garder l'enfant. En grandissant, Moïse est complètement perdu, et lui reproche de lui avoir volé sa vraie vie. Après le décès subit de sa mère, il se cherche et se refugie très rapidement dans la délinquance, auprès des voyous du célèbre bidonville de Gaza. L'incompréhension, le doute, la peur, la colère : tous ces sentiments sont très présents dans ces passages, comme tout au long du roman.

J'ai beaucoup apprécié la plume de l'auteur, Natacha Appanah. Son roman, Tropique de la violence, sonne presque comme un documentaire car il est basé sur des faits réels, comme par exemple le quartier surnommé Gaza, qui existe bel et bien. J'ai énormément aimé ce livre, car passer de personnage en personnage, toujours d'un point de vu omniscient, donne envie de continuer le livre toujours un peu plus loin. Tropique de la violence est un roman très émouvant. On s'attache très rapidement au personnage de Moïse que nous avons envie d'aider. Nous avons envie de connaitre son évolution, savoir s'il va s'en sortir, et de quelle manière il aura l'occasion de le faire.

Pour conclure, ce roman, réaliste et humaniste, nous fait ouvrir les yeux face aux malheurs se trouvant dans notre monde, bien qu'il soit très dur moralement et plein de douleurs. Ce roman bouleverse la vision de la mort, de la vie, des personnes qui nous entourent et nous fait réfléchir aux conséquences de nos paroles et de nos actes. Il nous amène à réfléchir sur nous-mêmes.

2334 caractères Milla Thomas

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Face cachée d’une île paradisiaque Tropiques de la violence écrit par Natacha Appanah est un roman très dur. L'auteur nous entraine dans un enfer qui s'appelle Mayotte et c'est en France ! Mayotte est une petite île située dans l'archipel des Comores dans l'océan Indien. Mais Mayotte ce n'est pas une île paradisiaque avec des plages de sable blanc et des cocotiers ? Non !

Mayotte c'est une île où la pauvreté, la délinquance, le chômage sont le quotidien de la population locale.

C'est à travers cinq personnages différents que l'on plonge dans la réalité de cette île « paradisiaque » tout d’abord : Marie (personnage important), une infirmière venue du continent après son mariage avec un Mahorais.

Moise, jeune garçon Mahorais adopté par Marie à la naissance car il fut abandonné par sa mère à cause de ses yeux vairons (œil du djinn, superstition Mahoraise), Bruce, la grosse brute qui règne sur le bidonville surnommé Gaza. Olivier le gendarme, et Stéphane jeune volontaire qui travaille pour une ONG. Marie est une jeune femme seule, sans enfant malgré son désir d'en avoir un, mène une triste vie où la routine triomphe, jusqu'au jour où une femme lui donne son bébé en raison des superstitions qu'il y a sur les personnes aux yeux vairons. Moise comble de bonheur sa mère, qui l'élève avec beaucoup d'amour et d'attention. En grandissant, il s'interroge sur sa vie passée. Il veut savoir d''où il vient et commence à se rebeller. Puis un beau jour, Marie meurt violemment d'un AVC dans sa cuisine, sa mère étant morte depuis des jours, l'enfant Moise s'en va rejoindre les jeunes délinquants qui errent dans Gaza, et commence à fréquenter Bruce, « le chef de Gaza » et ses gardes. Ensemble, ils s'enfoncent dans le monde de la violence, de vols et des viols dans Gaza, mais Moise se rend compte que tout cela ne le correspond pas. Il décide donc de ne plus obéir aux ordres de Bruce et finira par commettre l'irréparable.

Ce roman déploie une tension qui s'appuie entre la réalité et l'imaginaire. Le style d'écriture de Natacha Appanah, qui ne cherche pas à donner dans le spectaculaire mais plus dans l'émotion, m'a séduite. La progression par touches successives permet de saisir les contradictions des personnages. Cela renforce le sentiment d'injustice que distille ce roman. La beauté de l’île sauvage de Mayotte permet, à nous lecteurs, de respirer face à l'abjection des conditions de vie affreuses de ces adolescents livrés à eux-mêmes dans le bidonville. On se rend vite compte que derrière la beauté du lagon se cache une réalité bien réelle et bien triste.

2575 caractères Tishia Otha-Dnong

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Natacha Appanah, Tropique De La Violence, Gallimard

Entre Chiens et Loups

Marie, la trentaine, blanche de peau, est infirmière dans une clinique mahoraise, mariée à Cham, qui lui est originaire de l'archipel des Comores, la quitte pour une clandestine. La cause ? Marie ne peut répondre à un besoin que tous deux expriment : l'envie d'un enfant. Un soir de déluge, une adolescente est assise dans la salle d'attente de la clinique, dans ses bras, un nourrisson. Marie, intriguée, s'en approche. L'enfant est presque momifié par son emmaillotement de bandelettes. Elle le trouve extraordinairement beau, parfait, et elle irait presque dire que lui et elle partagent des traits communs. La jeune fille lui tendra son enfant avec horreur et dégoût, avant de s'enfuir, lui laissant la charge de l'enfant. Marie est mère, enfin, après des années d'attente, ce manque de maternité est comblé. Elle le nommera Moise, un prénom non innocemment choisi. Seulement, quelque chose ne colle pas, cet enfant tombé du ciel est loin d'être un ange : ses yeux sont bicolores, l'un est noir comme le sable de son île, l'autre de la couleur émeraude des forêts. Pour ce peuple mystique, aucun doute, il a le Djinn en lui. C'est le fils du Diable. Il est le symbole de la peur. Dès le début du roman, on sait qu'il a commis l'irréparable. Au fil des chapitres, on entreprend alors une terrible ascension à travers cinq voix, pour comprendre ce qui a poussé Moise à commettre ce drame.

"Ne t'endors pas Mo, ne te repose pas, ne ferme pas les yeux, ce n'est pas terminé" Tropique de la Violence, publié aux éditions Gallimard, est le sixième roman de Natacha Appanah, après Les Roches De Poudre d'Or, Le Dernier Frère, Les aventures de Tikoulou, paru en simultané avec sa dernière œuvre, Petit éloge des fantômes. L'auteure, qui nous plonge en plein cœur de l'enfer mahorais, écrit en connaissance de cause : elle a effectué un séjour de deux ans sur cette île. Mayotte, cet archipel perdu, ce cent et unième et dernier département français, trop souvent oublié. Là où éclate quotidiennement des guérillas urbaines entre des gangs d'enfants abandonnés, l'extrême pauvreté de ce peuple livré à lui-même, l'horreur, et la peur. Celui qui l'évoque le plus lorsque son nom est prononcé, est celui qui est le plus respecté, il devient le chef, le loup dominant, l'Alpha, le Roi de Gaza, et derrière lui, une meute de chiens errants qui l'adule et le craint. Cette triste île aux enfants, sans foi ni loi, qui volent, violent et terrorisent. Ces Français, cette part de la France reniée, qui se réveille sous le bruit des mitraillettes, et qui se couche, la fumée bleue et chimique plein les narines, dans la crasse de la ville et le goût âpre et métallique du sang dans la bouche.

C'est le premier roman de Natacha Appanah que j'ouvre, et j'ai la certitude que ce ne sera pas le dernier.

Son écriture directe, franche, m'a percutée de plein fouet. C'est une claque en pleine figure qui m'a réveillée de mon ignorance. Elle nous tient à la gorge tout au long du roman, nous plonge la tête sous l'eau durant cent soixante-quinze pages. C'est un récit violent, sombre, noir, apocalyptique. A travers cet enfer, Natacha Appanah réussit à instaurer, malgré l'extrême violence des événements, une poésie. Les mots nous frappent. Ils ne cessent d'accélérer, passent de vitesse en vitesse, prennent leur envol, et finissent par exploser au dessus de nos têtes. L'atmosphère oppressante qui règne nous étrangle, le souffle nous manque, et nous ne pouvons respirer qu'à la dernière phrase, qu'au dernier mot. C'est un livre fort à ne surtout pas manquer.

3566 caractères

Luna Gloaguen

24

Natacha Appanah, Tropique de la violence __________________

L'enfant sans racines Dans son dernier roman, Tropique de la violence, Natacha Appanah nous livre une histoire violente et terriblement humaine, suite à un voyage à Mayotte où elle découvre une jeunesse à la dérive. Natacha Appanah décide d'écrire, pour faire réagir le monde sur la violence qui règne sur cette île. Elle découvre, stupéfaite, des enfants sans parents ni avenir et dont la vie se résume et se résumera à errer sans but sur une île à l'apparence paradisiaque mais qui n'a rien à envier à l'enfer. Elle peint un portrait peu flatteur de cette île gangrenée par la drogue et la pauvreté.

L'auteur nous présente Moïse, un jeune enfant abandonné par sa mère à la naissance, et recueilli par une jeune infirmière. Sa vie bascule à la mort brutale de sa mère d'adoption, ayant pris connaissance de son passé douloureux quelques temps auparavant. Il se lance alors dans une quête d'identité qui le poussera dans les basfonds de Mayotte. Son identité l'obsède. Un profond sentiment de malaise social s'installe dans la vie du jeune Moïse. La mort de sa mère d'adoption le laisse seul dans ce monde de violence et le pousse à partir.

Le roman est défini par deux parties bien distinctes de la vie du jeune Moise. La période heureuse de sa vie se caractérise par une enfance douce et légère au coté de sa mère, l'auteur utilise des termes très doux et nous montre une vision simpliste du monde qui l'entoure, ce qui provoque un profond sentiment de bien-être chez le lecteur. Puis à la mort de sa mère, Moise rentre alors dans une phase de violence et de tristesse. De la vision enfantine du monde, l'auteur utilise des termes très noirs et une grande désillusion s'installe dans la vie de Moise. Cette vision très réelle et très pesante du monde, provoque chez le lecteur un malaise permanent et installe un climat d'instabilité et de violence. Cette seconde partie est aussi caractérisée par un suspense ardent quant à la sécurité de Moise.

L'ambiance générale du roman nous transporte vers un enfer au semblant de paradis. Le roman nous peint une violence aussi bien physique que psychologique et dénonce un problème d’ordre social au sein de la communauté mahoraise. Il dénonce ainsi le problème d’identité nationale qui touche principalement les jeunes.

Aucun d'entre eux ne se dit de nationalité française.

Natacha Appanah nous plonge dans un roman au suspense puissant et à la dénonciation violente.

Marvin Normant 2465 caractères

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Natacha Appanah, Tropique de la violence, Gallimard, 175 p.

Tristes tropiques (bis)

Mayotte, Territoire d’Outre-Mer ; petit morceau de la France niché au milieu de l’Océan Indien qu’on imagine bordé de plages paradisiaques, de palmiers et de cocotiers, rempli des parfums d’une flore luxuriante et exotique. Un rêve de métropolitain piégé dans la grisaille des villes métropolitaines, en somme.

Il n’en est rien, si l’on en croit ce roman âpre au titre évocateur. Mayotte y fait plutôt figure de no man’s land gangrené par une violence proliférante où viennent se briser les illusions et les espoirs de ses habitants.

Mahorais ? Une appellation elle aussi trompeuse. Aussi trompeuse que la nationalité française. Car ici, on est Blanc – à l’image de cette France trop lointaine qui a trahi – ou on est Noir, qui est toujours, que l’on soit Mahorais ou Comorien, la couleur du désespoir. Entre ces identités-fantômes, qui servent de masques aux personnages-narrateurs brisés, le malentendu est consommé depuis longtemps, quand bien même leurs frustrations sont communes.

Le choix d’une narration polyphonique à la 1ère personne du singulier, qui mêle les points de vue de ces voix presqu’anonymes, s’avère redoutablement efficace pour pénétrer, le temps de la lecture, l’infinie solitude de ces êtres du bout du monde. Dans une prose économe et dense, les phrases brèves, sèches comme des uppercuts, s’enchaînent, traduisant l’épuisement des personnages, mais aussi la violence des rues, celle des habitants ; le contraste de plus en plus insoutenable entre la beauté des paysages et la réalité miséreuse des Mahorais.

C’est un livre sombre que signe-là Natacha Appanah. Il interroge la perte d’identité, le sentiment d’abandon et celui de l’impuissance dans une atmosphère de tragédie. On s’y heurte à des murs – murs de verre comme de béton. Dans cet univers, il n’y a plus d’air à respirer, plus d’espace de liberté où se réfugier. L’horizon qu’ouvre l’Océan est bouché. Celui-ci n’est plus que le lieu où viennent s’échouer les Comoriens en quête d’une France réduite à l’état de fantasme. Quand ils ne s’y noient pas.

Tristes tropiques, en vérité, que ces îles dont le nom fait rêver. L’auteur, par ce roman, apporte sa contribution au constat désenchanté que faisait Lévi-Strauss en son temps. Tristes tropiques. Bien tristes tropiques. Ici, l’exotisme se réduit à la violence. Ici, il n’y a plus ni luxe, ni calme, ni volupté…

2428 caractères F.L

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Jean-Baptiste Del Amo, Règne animal, Gallimard, 419 p.

Basiques instincts

A l’aube de la Première guerre mondiale, dans le sud rural de la France, vivent Éléonore, le père, la mère et Marcel, le cousin sorti de nulle part que ces premiers supportent bon gré mal gré. Propriétaires de quelques porcs et d’un lopin de terre, ils survivent tant bien que mal, travaillant sans relâche et sans états d’âme. Éléonore, l’héroïne alors enfant, apprend la vie et les usages du monde dans cet univers clos où l’instinct tient lieu de pensée, borné par les secrets bien cachés et la peur du curé. Un monde brutal, frustre, marqué par la mise à mort violente et répétée des animaux, qui ne laisse pas un seul instant pour s’attendrir.

Puis la guerre éclate, boueuse, assassine, impitoyable, déshumanisante, comme un écho démultiplié de l’enfer ordinaire de la petite ferme. On dit de l’homme qu’il est un loup pour l’homme. On pourrait dire aussi que l’homme est un porc comme tous les autres porcs. Ce n’est que de la viande, de la chair à canon dont se gorgent les rats. Marcel revient vivant de cette grande boucherie, mais c’est une « gueule cassée «, privé de la seule chose qui le rattachait encore à l’humanité. Il ne lui reste plus, à présent, que de se fondre tout à fait dans le règne animal. L’homme n’est après tout qu’un maillon de la chaine alimentaire. Sa survie ne semble tenir qu’à sa capacité à dominer toutes les autres espèces.

1981. On retrouve Éléonore devenue une vieille femme dans la ferme des origines, entourée de sa descendance. La porcherie s’est considérablement agrandie. La technologie a pris le relais. La sensibilité à l’égard des animaux a évolué. Les temps changent, oui, mais la violence et les bas-instincts, eux, sont restés. Ils s’insinuent comme un mauvais virus dans les couples, dans les fratries. La porcherie s’est muée en système concentrationnaire, régie par des lois qui lui semblent propres. « La porcherie comme berceau de leur barbarie et de celle du monde « (p. 298) observe avec amertume l’un des personnages. Cette remarque constitue un excellent condensé de ce roman âpre, saisissant mais éprouvant. L’écriture neutre, sans affect, économe, souvent descriptive, directe, transmet sans filtre la violence de ce microcosme agricole jusqu’à frôler l’insoutenable. Dans cet univers, les porcs s’humanisent jusqu’à prendre le pouvoir, jusqu’à décider eux-mêmes de leur propre mort, tandis que les hommes agonisent dans l’oubli de leur humanité. A la fin, il ne reste que des cadavres et des cendres brûlées. Tel est la loi immuable du règne animal où tout effort de pensée semble voué à l’échec. Écrit sans concession, ce récit laisse peu de place à l’action et beaucoup à l’ellipse. En ressort la sensation d’étouffer et même un sentiment de malaise.

Une allégorie bien sombre de la nature humaine et du XXème siècle.

2851 caractères F.L

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Frédéric Gros, Possédées, Albin Michel

Le démon n'est pas toujours ce que l'on croit être 1632, Loudun, calme village non loin de Poitiers. Le vieux curé de la ville venant de mourir, l'arrivée de son successeur ne tarda pas. Ce dernier se nomme Urbain Grandier, un très bel homme, fier, et séduisant quiconque viendrait à lui parler, si bien que la fille du procureur de la ville, lors de cours de latin qu'elle avait avec le curé, tomba enceinte de ce dernier. L'histoire fit écho dans le petit village et parvint rapidement aux oreilles du procureur. Grandier fut démis de ses fonctions et passa quelques mois en prison. Au même moment, au couvent des Ursulines, les religieuses semblent possédées par le diable : convulsions, positions à caractère sexuel et autres blasphèmes verbaux. Furent alors appelés des exorcistes pour stopper les démons ayant pris le contrôle des religieuses, et suite à leurs maintes tentatives, les possédées désignèrent leur maître en la personne d'Urbain Grandier. Complots politiques, fanatiques religieux et intrigues judiciaires sont au cœur de ce récit inspiré de faits historiques ayant fait parler d'eux jusqu'à aujourd'hui, avec nombre de livres, films et autres traitant de ce sujet.

M'étant renseigné sur le sujet avant et après avoir lu ce récit, je peux en dire qu'il retranscrit assez fidèlement les événement des possédées de Loudun, autant d'un point de vue judiciaire que d'un point de vue historique.

On se rend compte de la stupidité affolante des fanatiques de l'époque, étant prêts à tuer pour leurs « dogmes religieux ». Aussi horrible que cela paraisse, l'auteur semble à s'y méprendre décrire certains fanatiques des temps modernes. On dénote ici l'arrière goût actuel de ce récit se situant tout de même au cœur du 17ème siècle, époque n'étant pas forcément réputée pour être une époque très pacifiste et « évoluée ».

Malgré le nombre de légendes et mythes de cette époque, rares furent ceux qui purent être élucidés et clarifiés de cette manière, d'où l'intérêt autour de cette histoire. Il est amusant de constater que les personnages ayant été au cœur de cette affaire semblent créés de toutes pièces, dans le seul but d'exister pour cette histoire, tant leur histoire paraît romanesque : un amour interdit mêlé à la religion et au diable, tout ceci semble tout bonnement sorti tout droit d'une imagination fertile. Il n'en est rien, du moins en partie, et c'est là que cette histoire devient passionnante.

En tant que lecteur, je fus très intéressé par l'histoire en elle même mais je fus très vite lassé au fur et à mesure de mon avancée dans ce récit. La cause de cette lassitude est le rythme d'écriture de l'auteur, très lent et pesant. J'ai malgré tout apprécié la manière dont Frédéric Gros a revisité cette affaire.

2757 caractères Ieuan Fonteneau

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Frédéric Gros, Possédées

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Une hypocrisie collective Ce récit nous relate le destin tragique au 17ème siècle d’Urbain Grandier, le prêtre de Loudun. Il fut orchestré par les sœurs du couvent des Ursulines, le cardinal Richelieu, procureur du roi et de nombreux ennemis le considérant trop gênant.

En effet, l'homme d'Église, de par son éloquence et sa beauté, séduit les femmes du village. Il aime ce jeu de séduction. Cela en devient une manipulation de tout instant, ce qui déplaît fortement aux hommes du village, jaloux. Entre temps, les sœurs du couvent des Ursulines dirigé par la mère supérieure Jeanne des Anges sont déclarées possédées. Forcés par l'exorcisme, les « démons » se logeant dans leurs corps désignent leur maître : Urbain Grandier. De faux témoignages sont alors recueillis par Laubardant, un magistrat cherchant par tous les moyens à détruire Grandier. Ce dernier est alors arrêté puis enfermé en attente de son jugement. Celui ci est sans équivoque : Urbain Grandier est un sorcier au service de Satan.

J'ai aimé suivre Urbain Grandier, prenant plaisir à tourmenter les villageoises par de fins stratagèmes, les faisant tomber peu à peu sous son charme. Le voir tomber à son tour devant la douce et innocente Maddalena, m'a attendrie. Nous le découvrons alors, sous un nouveau jour : celui d'un amoureux transi. Le voir évoluer tout au long de ce récit historique fut plaisant : passant d'un homme sûr de lui aux airs supérieurs à un homme juste et honnête. J'ai également apprécié la juste répartie de Grandier face aux accusations blasphématoires à son encontre.

J'ai aimé découvrir l'ascension de la mère supérieure du couvent des Ursulines : Jeanne des Anges. Dès l'enfance, celle-ci éprouve un fort désir d'être au plus près de son Dieu et ressent le besoin de lui dédier sa vie.

Elle s'extasie à sa mention. J'ai adoré découvrir au fil des pages, ce personnage malsain et sadique, éprouvant un malin plaisir à punir et à être puni. Son irrésistible curiosité libérée dans le parloir, à confesser les villageoises.

Découvrir le relationnel et la manière de vivre à cette époque m'a plu.

Malgré cela, j'ai trouvé les scènes de possession grotesques. Le comportement de ces femmes « possédées » me parut ridicule et exagéré. Cris, grognements, insultes, rires devint le quotidien de ces pécheresses. Le diable doit connaître toutes les langues parlées en cette terre. Malgré cela le « démon » « possédant » la pauvre mère supérieure fut incapable de répondre à l'exorciste lorsqu'il fut questionné en anglais. Ceci nous prouve la déloyauté de ces femmes envers leur Dieu. Cette hypocrisie collective m'a éreintée au plus haut point. Je désapprouve le comportement de ces sœurs jouant la comédie. Profitant de la cacophonie ambiante pour se livrer à la débauche après de nombreuses privations (telle que celle de la chair), mais j'ai apprécié découvrir leur libération temporaire. J'ai eu en horreur ces faux dévots cherchant par le prétexte de l'hérésie à se débarrasser du prêtre.

Le récit fut pour ma part, complètement gâché par sa lenteur. Ce fut un supplice de tout instant. De plus, celui-ci comportait trop de protagonistes, ce qui tout au long du récit me déstabilisa. Je mélangeais sans cesse les différents personnages. Le style de l'auteur me déplut également. J'ai trouvé qu'il n'était pas assez direct.

Son style d'écriture m'a échappé.

Pour conclure, ce fut une lecture pesante en dépit de ce rtains personnages attachants par leurs défauts. La lenteur du récit et le style d'écriture de l'auteur ont gâché ma lecture. Toutefois, j'ai aimé découvrir ce récit historique qui m'était inconnu.

Camille Blavec - 3597 signes

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Frédéric Gros, Possédées, 296 p.

La voix du Seigneur est impénétrable

1634. Sur une place publique d’une province du royaume de France, un homme d’Église meurt dans les flammes de l’Inquisition, sous les yeux ébahis de la foule et ceux, satisfaits, du Tribunal qui a arraché sa condamnation. Il avait 44 ans et il s’appelait Grandier. Son crime ? Avoir abusé de la crédulité de jeunes religieuses qui lui avaient été confiées et de les avoir livrées au Diable.

Dans un style très romanesque, Frédéric Gros reconstitue ce qui fut l’un des faits-divers les plus marquants du règne finissant de Louis XIII et de Richelieu, dans une France marquée par la persécution des Huguenots et les affaires de sorcellerie. L’adaptation romanesque de ce fait historique met en lumière quelques-uns des personnages-clés de cette affaire sous l’angle intime, en permettant au lecteur de pénétrer les sentiments de chacun de ses acteurs. S’y lisent alors ce que les comptes rendus journalistiques ou les récits historiques ne disent pas : l’incompréhension, la souffrance morale, l’esprit de vengeance, le trouble, le chagrin, la sidération, le courage et la lâcheté. Bref, tout ce qui fait la nature humaine dans les moments les plus critiques.

S’y dénonce aussi la laideur de la dénonciation, de la suspicion, de la manipulation sans scrupule des esprits les plus fragiles, les tractations douteuses d’un pouvoir en quête d’hégémonie au mépris du respect de la justice et de la vie, la trahison de l’Église envers ses plus fidèles serviteurs : notre histoire et peut-être, qui sait, encore notre actualité.

La réussite de Frédéric Gros est d’être parvenu à conjuguer récit historique et récit romanesque : si les faits appartiennent à l’Histoire, l’écriture, elle, se déploie faisant la part belle au lyrisme et au sentiment, à la multiplication des intrigues et des complots. Pour un peu, on croirait lire un roman d’Alexandre Dumas !

On s’interroge sur la crédulité de cette époque, mais ne dit-on pas que la réalité dépasse souvent la fiction et les limites mêmes de notre imagination ? La voix du Seigneur est décidément impénétrable : les temps changent, les mœurs évoluent, mais les superstitions et les boucs émissaires demeurent, dans les temps d’incertitude de l’Histoire. Ce pourrait être, en fin de compte, la moralité de cette histoire.

2341 caractères

F.L

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Gaël Faye, Petit Pays, Grasset

Un petit pays bien à lui Ce premier roman de Gaël Faye nous entraîne dans la vie de Gabriel, dix ans. Enfant métis issu d'une mère Rwandaise et d'un père Français, il vit avec eux et sa sœur dans un quartier aisé d’expatriés, à Bougainville au Burundi. Tout au long du roman, Gabriel (ou Gaby comme il préfère) nous plonge petit à petit dans son monde d'enfant, puis d'adolescent, dans son inquiétude par rapport à la séparation de ses parents, il nous parle de son quartier, de sa bande de copains, de sa famille, de l'école et bien évidemment de ses sentiments par rapport à cette guerre Hutus contre Tutsis tant mystérieuse à ses yeux. Gabriel est un enfant plutôt calme qui sera au fil du roman rongé par la violence, la haine, puis reviendra à lui même c'est-à-dire un enfant mature et réservé. Lui qui se croyait seulement enfant va se découvrir également métis, Tutsi, Français...

Sorti en Août dernier, ce roman a déjà obtenu le prix du roman Fnac et est nominé pour plusieurs autres grands prix littéraires comme le prix Goncourt, le prix Fémina, Médicis, Interallié, Renaudot. L'auteur, Gaël Faye est un chanteur Franco-rwandais arrivé en France à l'âge de douze ans pour fuir cette guerre civile. S'il se défend d'avoir écrit un roman autobiographique, Gabriel et lui partagent les mêmes origines et une enfance similaire, marquée par le vécu de la guerre. Ce qui donne probablement autant de vérité à ce roman et toute sa puissance émotionnelle.

Ce livre nous engage à réfléchir sur notre propre vision de la vie tout au long de la lecture.

Le style, fluide, léger et poétique nous fait tourner les pages sans nous en rendre compte. Gaël Faye a fait de Gabriel un personnage attachant, mature malgré son jeune âge. Il nous interroge sur le sens de cette guerre absurde, vécue différemment par les grands et les petits. Chaque personnage est affecté à sa façon selon son histoire, sa personnalité.

Au fil de la lecture, on se laisse embarquer par la montée en puissance de ce roman. Ce qui était un fleuve tranquille au début du récit devient peu à peu un océan déchaîné. La présence de la guerre se fait de plus en plus prégnante pour Gabriel, ce qui était autrefois bien loin et presque inimaginable, devient bien présent autour de lui.

Ce roman est une petite pépite à ne pas manquer, un roman poignant qui vous bouscule. La rencontre avec Gabriel laisse une empreinte indélébile.

2432 caractères

Naomie L’Hostis

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Gaël Faye , Petit Pays, Grasset

La guerre à hauteur d'enfant C’est avant tout l’histoire d’une enfance. L’enfance de Gabriel qui habite au Burundi dans les années 90 avec son père Français et mère Rwandaise dans un confortable quartier d’expatriés. Gaby passe le plus clair de son temps à s’amuser avec les copains dans l'impasse, voler les mangues de Madame Economopoulos, se baigner dans la rivière ou juste faire les quatre cent coups. Il fait d’abord face au divorce de ses parents puis à la montée de la haine qui gronde dans le pays. Bientôt son petit pays est bouleversé par les conflits ethniques entre Hutus et Tutsis. Gaby, ce petit garçon amoureux de la vie et un tantinet naïf, ne comprend pas pourquoi on lui demande de choisir un camp. Les Tutsis et les Hutus n'ont pour seule différence la forme de leur nez alors pourquoi cette haine si féroce ? Malmené par l’histoire, ce petit garçon doit grandir bien plus vite que prévu.

J'ai beaucoup apprécié être dans la tête de ce jeune garçon, suivre son fil de pensée. Il est intelligent, spontané mais en même temps réfléchi. Il se pose toujours les bonnes questions, mais a des interrogations enfantines, ce qui parfois peut donner le sourire. Il est innocent. C'est cette innocence qui est mise à l'épreuve dans ce roman. Et par des choix tragiques, irréversibles, ses illusions d'enfant vont être balayées par une haine féroce.

C'est pourquoi je dirais que ce roman est un mirage. Durant plus de la moitié du livre nous sommes bercés par des petits bouts de l'enfance de Gaby, souvent sans vraiment d'importance. Le jour où on lui a volé son vélo, quand il va à l'école, quand il s'amuse avec les copains. C'est un agréable voyage en Afrique. On a presque l'impression d'y être et de marcher aux côtés de Gaby et de ses amis, de sentir l'odeur des Bougainvilliers et de la mangue. Le mirage disparait à travers les pages quand si soudainement la montée des tensions au Rwanda bouscule tout. Les descriptions si légères jusqu’alors deviennent dures. On entre dès lors dans une période sombre de l'histoire du Rwanda et du Burundi, où tous les Tutsis étaient massacrés par familles entières, hommes, femmes et enfants. Les descriptions que nous offre Gaël Faye sont parfois crues, souvent percutantes. On aurait envie de détourner les yeux de notre lecture pour éviter de lire l'horreur et les massacres dont a été témoin le petit Gabriel.

Gaël Faye, rappeur profondément attaché à ses racines, dévoile dans son tout premier roman un témoignage fort. A la lisière de l'autobiographie, il explique dans les quelques interviews qu'il a données pour la sortie du roman qu'il a beaucoup de points communs avec Gabriel, mais que contrairement au narrateur qui est lucide au moment où les évènements se déroulent, lui ne comprend que par bribes ce qui se passe. Ayant été témoin des événements dont a été victime le Burundi, il offre un roman paradoxalement doux et frais en comparaison du thème qu'il traite. Ce livre est une bouffée de fraicheur, une image de la guerre à hauteur d'enfant. De ce fait, ce roman est d’autant plus touchant par la justesse dont faire preuve l’auteur sur chaque passage, chaque phrase qui retracent peut-être l’histoire d’un enfant au Burundi. Alors voilà, c’est une lecture que j’ai beaucoup appréciée, elle est à la fois douce et dure, un hommage à un petit pays ancré dans le cœur de l’auteur dont les plaies n’ont pas fini d’être pansées. Magnifique et terrible.

3426 signes Maëla Cornic

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Gaël Faye, Petit pays, Grasset, 217 p.

Rester enfant

Comment rester enfant quand on est, dès le plus jeune âge, confronté brutalement à la violence du monde et de l’Histoire ?

Gaël Faye, musicien d’origine franco-burundaise, dont c’est le premier roman (remarqué), entreprend de répondre à cette question à travers un récit d’enfance à la fois touchant et très sombre. Entre petits soucis de la vie quotidienne d’un enfant semblable à tous les autres enfants du monde et soubresauts brutaux de l’Histoire qui remettent tout en cause, Gabriel, 10 ans, fils d’une rwandaise réfugiée au Burundi et d’un Alsacien tout ce qu’il y a de plus blond, raconte, à hauteur d’enfant et avec ses mots, son enfance joyeuse au Burundi, alors qu’à la frontière toute proche le génocide des Tutsis se prépare.

Mêlant fraîcheur, innocence et gravité, le récit pose, entre les lignes, avec délicatesse et pudeur, la question de ce que nous héritons du passé ; la question, aussi, de la mémoire et de l’oubli, surtout lorsque, comme le narrateur -et sans doute aussi l’auteur lui-même – ce passé est fondé sur un épisode traumatique. « Je ne sais pas comment cette histoire finira. Mais je me souviens comment tout a commencé », conclut le narrateur. Revenant, adulte, sur les lieux de son enfance, celui-ci s’interroge sur le devoir de mémoire : se souvenir de son enfance pour se reconnecter avec soi-même ; pour mesurer le chemin accompli, depuis. Se souvenir pour rendre hommage à ceux qui, depuis, ont disparu, comme son père ou qui, comme sa mère, ont sombré dans la douleur. Mais surtout, se souvenir pour retrouver l’enfant qui posait sur le monde un regard confiant, plein d’attente, de curiosité et d’espoir, envers et contre tout. Pour pardonner, aussi, peut-être. Pour continuer. Évocation nostalgique d’un paradis perdu, la force de ce roman, c’est qu’au-delà du témoignage personnel, le récit parvient à s’adresser à tous les lecteurs tant il traduit admirablement ce moment, plus vague que précis, où l’enfant que nous avons été a basculé dans l’âge de raison

2046 caractères

F.L

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Ivan Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes

Laëtitia, tristement célèbre ou Le récit d'une vie trop courte Laëtitia a eu une enfance difficile avec sa sœur jumelle Jessica. Son enfance a été faite de violence, de maltraitance et de nombreux placements, d'abord en foyer puis en famille d’accueil. C'est d’ailleurs dans cette dernière qu'elle a terminé sa vie, à 18 ans. Son père était violent, il a donc été mis en prison. Sa mère était dépressive, en conséquence elle a dû être placée en hôpital psychiatrique. Elle vivait dans la peur et le questionnement continuel : « Papa tape maman ; Maman pleure ; On a mis papa au coin ; c'est ma faute ; Maman est partie ; est-ce que papa et maman vont revenir ? » (p.48). Puis Tony Meilhon, délinquant multirécidiviste, est arrivé dans la vie de Laëtitia pour y mettre fin, au moment où elle commençait justement à aller mieux. Elle aura connu la violence de sa naissance à sa mort, car elle a été tuée d'une des manières les plus violentes qui puissent exister. En effet elle a été battue, étranglée puis découpée en morceaux pour finir jetée dans un point d'eau.

Ce livre de Ivan Jablonka, écrivain, historien, professeur d'histoire contemporaine et chercheur en sciences sociales, français, est le récit d'un fait-divers devenu affaire d'État. Selon moi, on ne peut pas vraiment placer ce livre dans un genre littéraire précis. Il mélange de nombreux genres comme le roman policier, la chronique journalistique, ou encore le livre documentaire sur la vie de cette jeune femme ayant connu la violence durant toute sa vie. On peut également classer ce livre dans un registre réaliste, par le grand nombre de détails apportés qui augmentent la réalité de l'histoire.

J'ai particulièrement apprécié ce livre, tout d'abord parce que, pour moi, il y avait un réel suspense d'autant plus angoissant, de chapitre en chapitre, attendant le dénouement final. Je n'avais jamais entendu parler de cette affaire, ou du moins je ne m'en rappelais pas : je n'avais que dix ans quand c'est arrivé. Ensuite parce que j'aime beaucoup les romans policiers, et celui-ci étant une histoire vraie, cela rend la lecture tout de suite plus angoissante, plus triste (lors de la découverte du corps par exemple), tout simplement plus vraie que lors de la lecture d'un simple récit de fiction. Et enfin parce que je trouve que ce livre est très bien écrit, on a aucun mal à se plonger dans l'histoire et à imaginer les scènes, tant l'auteur les décrit avec une grande force de détails. Il est quasiment impossible d'arrêter la lecture tellement le livre est captivant.

A mon avis la seule chose qui complique un peu la lecture, pour quelqu'un de mon âge, c'est le fait qu'il y ait beaucoup de termes juridiques. Ils rendent la compréhension parfois difficile et ou font perdre le fil de l'histoire. Bien que ceux-ci soient importants pour l'histoire puisque qu'ils apportent un maximum de détails utiles à son déroulement.

Pour conclure je dirais qu'il faut vraiment lire ce livre car il est, outre les quelques parties plus techniques, assez simple à lire et à comprendre. Il nous apporte vraiment toutes les informations importantes de l'affaire.

Il y a des chapitres qui ne parlent que de la vie de Laëtitia et Jessica et d'autres qui parlent seulement de l'enquête à proprement parler. Parallèlement à cette lecture, j'ai également lu des articles de l'époque sur l'enquête et je les ai vraiment tous retrouvés dans ce livre, en plus approfondis.

3426 mots Océane Renévot

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Ivan Jablonka, Lætitia ou La Fin Des Hommes

Une âme réduite au néant Lætitia Perrais était belle, elle était une jeune fille remplie de joie de vivre.

Elle était plutôt réservée, elle ne parlait pas beaucoup et restait dans l'ombre contrairement à sa sœur jumelle Jessica, qui elle, parle de tout, librement et sans aucune contrainte. L'une était le contraire de l'autre.

Pourtant, elles se ressemblaient physiquement comme deux gouttes d'eau. Elles habitaient dans la petite ville de Pornic. Lætitia et Jessica ont vécu une enfance difficile, supportant les coups et la maltraitance de leur père.

Un père indigne qui semait le mal autour de lui. Leur mère, souffrait également tant bien physiquement que moralement. Venant de son mari alcoolique, elle recevait des insultes, des coups ainsi que des violences sexuelles. Celles-ci ont finit par la rendre malade. Dès l'âge de deux ans, Lætitia et sa sœur jumelle ont été transférées dans une famille d'accueil, dont le père d'accueil a violé Jessica quelques années après leur arrivée.

Elle était l'exclue de sa famille par rapport à sa sœur jumelle envers son père biologique. C'était une enfant de trop.

Ce livre a été écrit en deux parties. La première consiste à annoncer, et détailler la mort de Lætitia tout en racontant les derniers instants de sa courte vie, ainsi que les premiers moments de la mort de celle-ci. Dans la seconde partie, l'auteur nous annonce le déroulement de l'enquête dans le but de choquer le lecteur à travers la description de la découverte des multiples membres du corps de cette jeune fille.

Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, Lætitia a été portée disparue. Des indices laissaient penser qu'elle avait été enlevée car son scooter avait été retrouvé accidenté près de chez elle. Elle ne donnait aucun signe de vie. L'enquête a révélé que Lætitia avait été tuée. Après avoir été enlevée, elle a été poignardée, égorgée puis démembrée. Les différentes parties de son corps avait été retrouvées dans un lac, quelques semaines après son décès. En écrivant son livre, Yvan Jablonka a rendu hommage à Lætitia en s'inspirant de son histoire. Elle n'avait que 18 ans. Elle cherchait à s'évader, s'enfuir de son enfance, de cette jeunesse qui l'a anéantie, fuir son passé.

Lorsqu'elle est devenue majeure, elle était libre de son destin, libre de ce qu'elle pouvait dire et faire.

Aujourd'hui, Lætitia a été tuée. Elle n'a pas pu vivre sa vie de femme car la vie l'en a empêchée. Le politicien Nicolas Sarkozy s'est mêlé de ce fait divers, et en a déduit que la législation pénale ne faisait pas son maximum et était trop laxiste envers les délinquants sexuels. De ce fait, l'affaire de Lætitia Perrais est devenue une affaire d’État.

En tant que lectrice, ce livre qui n'est pas un roman, mais un livre basé sur une histoire réelle, m'a particulièrement touchée car apprendre la raison de ce fait divers avec les détails pertinents de son décès, et de ses derniers instants à vivre m'ont laissée sans voix. Une jeune fille, qui commençait à vivre sa vie seulement lorsqu'elle est devenue majeure décède lorsqu'elle pouvait profiter de chaque instant de sa vie. Certains détails m'ont outrée, et terrifiée à l'idée de connaître le passé d'une fille ordinaire, une fille que l'on pourrait croiser dans la rue chaque jour avec une histoire similaire. Connaître la vie d'une personne décédée, du moins son passé rempli de violences tant bien morales que physiques, me fait juste retenir mon souffle.

3424 caractères Shannon Le Guyader

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Agathe CRESPEL Ivan Jablonca, Laëtitia

Laëtitia, une femme, un meurtre, un fait divers, une affaire politique, un livre.

Lætitia est le titre du livre écrit par Ivan Jablonka, un écrivain et historien français. Ce livre n'est ni un roman policier ni un roman réaliste inventé de toutes pièces. C'est le récit de l'histoire juridique de Laëtitia Perrais. Ce livre retrace le parcourt du meurtre de la jeune femme, de sa première citation dans les faits divers d'un journal, jusqu'au procès de l'accusé en passant pas son engouement médiatique, provoqué par le Président de la République en 2012. M. Jablonka a voulu rendre la part d'humanité perdue de la jeune femme lors de cette enquête. « Laëtitia n'a existé qu'à travers son meurtre », explique l’écrivain. Le livre est là pour éclaircir l'affaire et toutes ses zones d'ombre. L'affaire a été compliquée et complexe, suite au nombreux « retournements de situation » et de la transparence ou non des protagonistes de l'affaire. Elle se déroule principalement autour de la ville de Pornic. Le narrateur et locuteur, l'historien, donne le plus possible la parole aux proches de la victime ainsi qu'à elle, par l'intermédiaire de sa sœur jumelle Jessica, très éprouvée et détruite pas ce drame. L'affaire est suivie selon plusieurs points de vue, celui de Jablonka, celui de Jessica principalement et ensuite des jurés, de la famille, des voisins, des journalistes présents, grâce notamment aux témoignages venant du dossier et de l’enquête menée par l'historien en parallèle.

J'ai particulièrement apprécié ce livre. L'affaire et facilement comprise, et retranscrite fidèlement dans le livre. L’écriture n'a pas pour but de choquer, même si les événements ne sont pas simples à expliquer. Les « personnages » sont criants de vérité et l'histoire en elle même est bouleversante. J'ai ressenti tout un panel de sentiments lors de la lecture : de la tristesse pendant le récit de l'enfance des jumelles, du dégout en découvrant l’image de l'homme que leur environnement leur a montré, de la joie en voyant la peine attribuée à l'accusé.

Le vocabulaire est soutenu, mais simple à comprendre. Nous rentrons facilement dans le récit. Le dénouement est annoncé au début. J'ai apprécié ce livre car il est émouvant. L'histoire des deux jumelles montre bien les failles de notre société, bouleversant par les témoignages, par les tournures de certaines phrases.

Le livre Laëtitia, est un très bon livre, un très bon récit juridique. Il mérite d’être lu par le plus grand nombre, et il mérite que l'on n'oublie pas la femme derrière l’affaire, la jeune fille et sa famille.

Il ne faut pas oublier Laëtitia ni Jessica Perrais. Les victimes innocentes de la défaillance de notre système.

2705 caractères

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Ivan Jablonka, Laëtitia, Seuil.

Au nom de Laëtitia L’héroïne supposée que le titre de cet ouvrage met en avant, dans une relation de proximité supposée que l’absence de nom suggère, est en réalité la victime d’un fait-divers bien connu qui a défrayé la chronique en 2011, remettant en cause les rouages de la justice et l’aide sociale. Laëtitia Perrais était en effet cette jeune fille nantaise confiée par l’ASE à une famille d’accueil, dont on a découvert le cadavre démembré dans la Loire. Elle avait été assassinée quelques semaines plus tôt par Toni Meilhon, marginal instable et récidiviste, comme ça, pour rien.

Par cette mort atroce, Laëtitia devient à la fois « un fait-divers » et une figure familière pour tous les Français ; l’héroïne malheureuse dont on fait des émissions de télévision, des articles à foison et même des discours politiques.

Laëtitia est pour toujours ce cadavre martyrisé, sujet de conversation parmi tant d’autres dont on parle autour de la machine à café.

Est-ce à dire que ce livre n’est qu’un énième ouvrage sur un fait-divers propre à susciter la compassion du lecteur, avec le risque de voyeurisme que cela implique ? Comme s’il pressentait cette remarque, l’auteur – historien de formation – s’empresse, dans une longue introduction, de définir l’originalité de sa démarche : il n’entend pas seulement enquêter sur le déroulement des faits qui ont emporté la jeune fille, mais de lui rendre la totalité de son histoire en reconstituant sa vie, pour lui rendre hommage, mais surtout pour qu’il reste autre chose d’elle, dans la mémoire collective, qu’un cadavre décomposé.

L’intention est louable et l’enquête que mène l’auteur est rigoureuse et informée. De même, la biographie qu’il livre de la jeune femme, souvent sous la forme de dialogues imaginaires mais vraisemblables, est touchant. Elle redonne vie à un être que la vie a malmené depuis le début et qui laisse autour d’elle des « vivants » éplorés, comme sa sœur jumelle, littéralement coupée en deux.

Mais cela suffit-il à faire de la littérature ? Certes, le simple fait de faire de Laëtitia le prétexte de l’écriture la transforme d’emblée en objet littéraire, avec le risque – pas complètement évité – de la dénaturer en héroïne pathétique façon Manon Lescaut ou Melle de Saint-Yves. Le pari était risqué.

L’aspect le plus intéressant de ce récit est toute compte-fait l’analyse de la dimension historique et sociologique du fait-divers à laquelle Ivan Jablonca se livre en conclusion. Pour lui, les faits-divers sont des symptômes dont la portée est sous-estimée, trop galvaudés qu’ils sont par la presse à sensation. Il plaide pour que leur soit rendue la dimension et l’intérêt qu’ils méritent. Œuvre hybride, à mi-chemin entre la biographie, l’essai sociologique et l’enquête journalistique, Laëtitia se lit avec intérêt du fait de son actualité. Mais si le projet qui la sous-tend se comprend et malgré toutes les précautions prises par l’auteur, le résultat pose question. L’honnêteté intellectuelle a parfois des limites et ce livre pourrait en être, au final, une illustration.

3072 caractères F.L

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Karine Tuil, Insouciance, Gallimard, 524 p.

Chaos C’est un roman qui s’ouvre comme le 3ème millénaire s’est ouvert : sur l’attentat du 11 septembre 2001, sur une déclaration de guerre. Une guerre mondiale d’un nouveau genre, vicieuse, qui déploie ses tentacules sur des territoires désertiques et éloignés, écrasés de chaleur, où le clan des pays démocratiques sacrifie chaque année son tribut de soldats qu’ils envoient combattre un ennemi abstrait mais dont la violence, elle, est toujours aussi meurtrière. A l’image de ce baptême de feu inaugural, les phrases de Karine Tuil se déversent en flots ininterrompus et rageurs, coupant le souffle, dessinant les contours d’un monde apocalyptique.

Lorsque les personnages de ce récit entrent tour à tour en scène, dans la France « en paix » de 2008, la voix narrative se calme et le récit devient plus conventionnel. Mais ce n’est qu’une apparence, car il s’agit désormais de raconter le destin croisé d’êtres happés par la violence d’un monde devenu fou et de montrer comment celle-ci s’est insinuée dans tous les rouages de la société, jusqu’à ses recoins les plus intimes. S’y dessine en creux le portrait d’un « Homme Nouveau », miné par une violence qui le détruit peu à peu.

Parmi eux se trouve Romain Roller, soldat de retour d’Afghanistan qui souffre d’une dépression posttraumatique ; Marion Decker, grand reporter de guerre qui cache l’ennui de sa vie en se donnant des frissons sur les champs de bataille. Elle est la nouvelle épouse de François Vély, brillant et très fortuné business man franco-américain à qui tout réussit, si ce n’est que son ex-épouse s’est suicidée et que ses enfants le méprisent ; si ce n’est qu’il découvre que sa judéité oubliée est un problème hautement politique qui le dépasse. Dans ce concert dissonant, il y a aussi Osman Diboula, fils d’immigrés ivoiriens, qui s’est arraché de sa banlieue du 9-3 pour devenir une personnalité politique. Sauf que la vie des courtisans est pleine d’aléas et il en fait l’amère expérience. Tous illustrent, chacun à leur façon, l’état de sidération d’une humanité qui ne contrôle plus rien.

Par la magie de la fiction, très habile, que met en œuvre l’auteur, ce petit monde se rencontre, sous la mode du coup de foudre ou de la détestation, croisant leur expérience intime de la violence sous toutes ses formes : violence de la guerre, mais aussi violence sociale, violence familiale ; violence physique et violence des mots. Jusqu’à la perte d’identité. Jusqu’à la folie, le renoncement de tout. Jusqu’à la mort. Dans cet univers, à la fois proche et éloigné du lecteur que nous sommes, le monde n’est plus qu’un immense chaos.

Le titre de ce roman est évidemment trompeur, car c’est la fin de l’insouciance que décrit Karine Tuil.

Elle relate l’atrocité de ce qu’est devenue la réalité du monde ; la peur qui paralyse, l’absurdité » des réponses apportées, les préjugés qui, littéralement, tuent. Le style est très littéraire et la langue belle et riche. Ils contrastent avec la réalité de ce qui est relaté et donne à ce roman une puissance épique et tragique indéniable.

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Romain Slocombe, L’affaire LÊon Sadorski, Robert Laffont

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Dans la tête d’un collabo Dans la France occupée de 1942, Léon Sadorski coule des jours tranquilles à Paris auprès de sa femme et de ses collègues, malgré la défaite. Fonctionnaire zélé à la solde du gouvernement de Vichy, dont il partage l’antisémitisme et les « valeurs » patriotiques, il collabore sans états d’âme avec les Allemands, appliquant à la lettre les mesures discriminatoires et répressives qui visent les étrangers, les Juifs, les Résistants ou tout autre personne suspecte. Mieux : il épluche soigneusement les lettres de dénonciation qui parviennent à son bureau, traque les Juifs qu’il s’entraîne à repérer par leurs caractéristiques physiques supposées, participe de bon cœur aux rafles inopinées qui se multiplient. Et à l’occasion, il assiste avec curiosité à une séance de tabassage ou à une exécution. Le reste du temps, il pense à la joie de retrouver sa femme et son foyer douillet, au bon repas qu’elle va lui préparer malgré les restrictions imposées. Car on mange à sa faim quand on sait obéir et quand on sait où sont les vraies valeurs. Quand on est un bon Français.

On l’aura compris, le héros de ce roman est un homme très ordinaire. De cet ordinaire-là qui fait la médiocrité.

De cette médiocrité-là qui devient de la monstruosité dans les temps perturbés où les valeurs et les droits les plus fondamentaux sont piétinés. Alors il n’y a plus de garde-fous. C’est le triomphe des imbéciles.

Pourtant, Léon Sadorski n’a rien d’un salaud ni d’un monstre. La preuve, il souffre de toute son âme et de tout son corps lorsqu’il est, à son tour, arrêté par la Gestapo et transféré à Berlin ; lorsqu’il frôle la mort – ou du moins qu’il le croit. Mais nulle « prise de conscience salutaire » pour autant, lorsqu’il est de retour à Paris, si ce n’est l’intérêt choisi qu’il porte à une petite Juive dont il a arrêté les parents. Léon Sadorski est un homme bon en plus d’être un bon Français.

Tout l’intérêt de ce roman, qui traite une matière historique ayant fait l’objet de nombreuses descriptions, est d’emprunter franchement le chemin de la fiction romanesque. Cela permet à l’auteur d’introduire le lecteur dans la tête d’un collabo inventé de toutes pièces. On profite ainsi d’une perspective un peu inhabituelle sur cette époque honteuse de l’histoire de France puisque tous les événements sont relatés du point de vue du personnage principal. Ce procédé n’est pas si original, mais il est habile et plaisant, car il n’empêche pas la vérité historique de s’exprimer. Romain Slocombe prend d’ailleurs soin de le préciser à la fin de son livre : les événements racontés s’inspirent d’histoires vraies qu’il a découvertes aux Archives.

Ce parti-pris de l’auteur pour la fiction présente un autre intérêt, plus étonnant encore : il parvient à faire d’une figure et de situations qui ne prêtent en principe pas à rire, un récit burlesque, tant la bêtise satisfaite et les manières du personnage sont grotesques.

Cela n’empêche pas le sentiment de nausée de monter par moments, devant le déluge de dénonciations immondes, de trahisons en tout genre ou de violence inouïe et gratuite qui s’abat soudain au coin d’une rue et qui font l’objet de descriptions souvent très précises et très crues.

Bref : c’est un roman convaincant, parfois un peu troublant, car on aurait préféré continuer de croire que les collabos étaient tous des détraqués.

3414 caractères

F.L

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Magyd Cherfi, Ma part de gaulois

L’identité en crise Magyd est un jeune arabe de la rue Raphaël dans les quartiers nord de Toulouse. Magyd vit une enfance tourmentée, sa vie est alliée aux différentes violences incessantes qu'il subit par les autres jeunes de sa cité.

Cette violence s'explique par la passion dévorante que porte Magyd à la littérature ce qui le rend différent des autres jeunes. Ces multiples violences s’associent à la crise identitaire que vit Magyd qui se perd entre ses origines arabes et sa nationalité française. C'est accompagné de ses deux acolytes Momo, l'artiste de la tchatche et Samir, le militant que Magyd vouera son adolescence à donner des cours particuliers à des jeunes en difficulté ; néanmoins il passera cette période à être le témoin impuissant de la pauvreté et de la violence faite aux femmes au sein même de son quartier. Il tentera de soulager sa colère par l'écriture et la poésie.

Vient alors l'année du bac, une formalité pour les Français mais une véritable épreuve pour Magyd. Cette année ne sera pas la plus simple pour notre jeune écolier. Magyd tentera de jongler entre les fortes pressions subies par sa mère et sa crise identitaire de plus en plus forte pour atteindre son but ultime et décrocher son billet pour la liberté.

Dans ce roman autobiographique, l'auteur arrive subtilement à nous faire vivre la vie de jeunes des cités ; nous devenons alors témoins de la violence et du rejet que subissent les habitants de ces quartiers, qui malheureusement ne font rien pour arrêter cela. L'auteur arrive alors à nous amener dans les lieux qui nous sont inconnus que sont les cités. Ce roman nous montre alors des quartiers où l'éducation est réduite car la plupart de ces jeunes quittent l'école en 4éme. C'est au milieu de ces différences que Magyd tentera de grandir mais c'est aussi dans ce décor que nous verrons Magyd évoluer et surpasser ces différents problèmes. Magyd Cherfi ressort alors grandi de cette expérience de vie au sein même des faces désolantes de notre société.

Ce roman est une véritable claque littéraire qui nous sensibilise sur un sujet qui nous est inconnu.

L'auteur nous immisce dans sa vie grâce à l'usage subtil d'un langage familier ce qui l'aide à nous toucher intimement. Ce vocabulaire rend aussi les personnages plus vivants et nous surprend nous imaginant faire partie de leur bande d’amis. Magyd Cherfi arrive alors à aborder des sujets sensibles comme la violence faite aux femmes.

A la fin de sa lecture, le lecteur en sort plus mature. Ce roman est un livre puissant qui a largement la capacité de se faire un nom dans la littérature.

Fabien Flochlay 2620 caractères

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Magyd Cherfi, Ma part de gaulois

Une vision interne des problèmes cachés de notre société

Magyd, petit Beur de la rue Raphaël, quartiers nord de Toulouse vit une enfance compliquée.

Subissant les violences physiques et verbales des autres jeunes de son quartier dues à sa passion pour la littérature et une crise identitaire entre ses origines arabes et sa nationalité française. Il grandira en « schizophrène » ne sachant choisir entre Français et Arabe. Accompagné de ses amis Samir et Momo, surnommés « les trois pd » par les jeunes du quartier, il donnera des cours particuliers à des jeunes en difficulté et il rêvera d'un avenir meilleur. Témoin des violences faites aux femmes et à la pauvreté de son quartier, il exprimera sa colère à travers l'écriture et la poésie, ce qui lui permettra de survivre jusqu’à ses dix huit ans.

L'année de sa majorité Magyd passe le bac. Une banalité pour tous les Français mais un exploit pour les arabes des quartiers nord. Magyd vivra une année difficile, subissant les pressions incessantes de sa Mère. Il tentera d'obtenir le premier bac arabe de la cité, un bac qui lui offrira peut-être la liberté qu'il cherche depuis si longtemps. Mais avant d'y parvenir, il devra se trouver lui même et avancer.

Dans ce roman autobiographique, l'auteur nous plonge dans l'enfer que peut être la vie dans les quartiers, les violences et la pauvreté omniprésentes mais aussi le sentiment d'isolement dans ces quartiers, une impression de rejet que les habitants ne tentent pas vraiment d'arranger. L'auteur nous entraîne dans ces quartiers, visages inconnus de notre société mais pourtant très présents. Il nous montre à travers ce roman la difficulté d'avancer et d'évoluer dans un environnement où les traditions perdurent. Ce livre montre à quel point l'éducation est proscrite dans ces quartiers où la plupart des jeunes quittent l'école en 5ème et ou ceux qui continuent sont rabaissés, insultés, frappés. C'est dans cet environnement que Magyd évoluera et c'est aussi dans cet environnement que nous découvrirons à travers les 272 pages un Magyd tiraillé et perdu mais qui au fur et à mesure de son évolution et de sa vie va se découvrir une véritable identité et un vrai avenir. L'auteur ressort grandi et mature de cette expérience exceptionnelle au cœur des faces sombres et cachées de notre société.

Ce roman a la fois touchant et drôle, alliant moments chocs et fous rires entre personnages.

L'auteur nous permet de mieux rentrer dans l'histoire grâce à un vocabulaire familier qui donne vie aux personnages dans notre esprit et qui retranscrit à la perfection l’expérience personnelle de l'auteur et ses sentiments, souvent de la haine qu'il exprime à travers ses écrits, mais aussi de la tristesse, de l'indécision et de la joie.

Jordan Saux 2738 signes

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Magyd Cherfi, Ma part de Gaulois

Ma quête d'identité « L’exception française c'est d'être Français et de devoir le devenir. » 1981, c'est l'année de l'élection de Mitterrand mais également celle du baccalauréat pour Magyd, un maghrébin du quartier nord de Toulouse. Le quartier de Magyd, est un lieu peuplé de «reubeus» qui sont déscolarisé avant même de finir le collège, Magdy est le premier à passé son bac, un événement qui vient perturber l'histoire de sa cité. Ce jeune homme n'est pas comme les autres adolescents de son quartier. Dès son enfance, il trompe le ballon de football dans une liaison passionnante avec les lettres. Il est dans le quartier, à la fois le poète, le dramaturge, l'aide aux devoirs, l'assistant social mais également le «pédé», le «con de ta mère » ou encore «la tarlouze». Magyd fait face à une quête d'identité à laquelle il tente de répondre, partagé entre ses origines, l’Algérie, sa famille, son quartier et la France, Flaubert, le baccalauréat, les filles, la musique.

C'est dans un récit poignant que Magyd Cherfi nous retrace son vécu ainsi que la réalité dramatique des banlieues. Ce roman autobiographique est également une véritable mise à nu de l'auteur, chaque mot est habité par une sincérité et une vérité qui nous captive jusqu'à la dernière phrase du roman. Son histoire est pleine d'ironie et d'autodérision mélangeant une très belle réflexion sur la France, la langue, les classes sociales mais également les violences faites aux femmes. Magyd est le poète de ces dames, cependant son écriture reste étonnement simple, son style fluide et son vocabulaire familier. Cela permet de nous rapprocher davantage de lui, on devient son journal intime. Magyd se joue de la langue française, la caressant et la giflant à la fois, ce qui permet de mettre en lumière le métissage que fait la France ce qui s'avère être une mosaïque surprenante. En outre, l'auteur se révèle être un féministe, à travers le personnage de Bija, où il dénonce la violence faite aux femmes, ce qu'il condamne fermement. Ce récit a donc pour but de dénoncer l'État des quartiers et cette jeunesse qui se sent délaissée par l'État.

J'ai beaucoup aimé cet ouvrage car il traite d'un sujet d'actualité bien qu'il a été écrit dans les années 1980.

Magyd m'a redonné espoir, il m'a permis de prendre conscience que la vie est un combat perpétuel. Lui qui a combattu pour les lettres, contre l'ignorance et la violence. J'ai aimé Magyd pour sa sincérité bien que j'aie été déçue par son comportement à la fin du roman. Je ne comprends pas pourquoi il a fait appelle aux services d'une prostitué, lui qui a toujours défendu la cause féminine. Le récit de Magyd est un choc de civilisation, tel une guerre de religion, entre les maghrébins et les Français qui ont du mal à cohabiter. Il m'a également attristé puisqu'il nous fait le récit d'Une France dissoute, ce qui m'a fort rappelé les amalgames auxquelles les maghrébins peuvent être victime de nos jours, avec les terribles attentats qui ont frappé la France.

En clair, Magyd m'a apporté un regard neuf sur les maghrébins. À présent lorsque mon regard se croise avec celui d'une femme voilée, je lui souris pour la mettre en confiance et pour lui montrer qu'elle est chez elle ici, en France et qu'elle est libre de sa religion. Magyd a-t-il réussi à me faire prendre conscience de l'inégale intégration des maghrébins et des immigrés ? Ces femmes musulmanes ont-elles trouvé leur part de gaulois ou sont-elles, comme Magyd l'a été, en quête d’identité ?

3520 caractères Margot Dejeux.

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Magyd Cherfi, Ma part de gaulois, Actes Sud, 258 p.

Une adolescence entre deux rives

Magyd Cherfi, connu pour avoir enflammé les dance floors avec son groupe Zebda, entreprend, dans ce récit haut en couleurs, de raconter l’année (héroïque !) où, seul arabe de la cité des quartiers nord de Toulouse - où il vivait avec sa famille d’origine kabyle - il passa avec succès son bac littéraire. C’est l’occasion, pour le chanteur, de se faire conteur, croquant tour à tour les figures marquantes -de ses copains bagarreurs et de sa redoutable mère – de son enfance entre deux rives : la France, où lui et ses pairs se sentent stigmatisés, et l’Algérie, pays des origines familiales qu’il ne connaît pas et où il n’a plus sa place.

Ma part de gaulois est un récit plein de verve et de cocasserie, truculent, où s’entrechoquent, dans un joyeux mélange, les mots de la cité, ceux des grands poètes et chansonniers de la culture bourgeoise et française, les phrases à la grammaire impeccable auxquelles le jeune Magyd aspire tant, pour tenter de s’extirper d’un quotidien limité par les préjugés et les rancœurs des uns comme des autres, des deux côtés de la rive invisible qui les sépare.

A travers une multitude de saynètes mi figue-mi raisin, l’auteur dresse un autoportrait en adolescent aux prises avec son identité : qu’est-ce qu’être Arabe en France dans les années 1980 ? Qu’est-ce qu’être Français quand on a « des origines « ? « Nos ancêtres les Gaulois » : quel sens cela a-t-il pour qui vient d’Algérie ou du Maroc ? Est-il possible d’être une Française libre et libérée quand on est musulmane ? Être un homme, c’est quoi pour celui qui est en équilibre instable entre deux rives que les événements tragiques de l’Histoire ont séparées dans la douleur et dans la rancœur ?

Mine de rien, l’autobiographie est l’occasion de poser des questions brûlantes qui sont toujours d’actualité, voire qui ne l’ont jamais été autant qu’aujourd’hui où le modèle républicain de l’intégration est en panne, et où le multiculturalisme affiche ses limites. C’est l’occasion, aussi, de ressusciter une époque – celle de l’accession au pouvoir de la Gauche, incarnée par François Mitterrand, qui suscita dans la communauté du narrateur, autant d’espoirs que de peurs.

Dans ce cloaque chaotique, les rivalités et les frustrations, mais aussi la débrouille et la solidarité scandent le quotidien. Magyd y fait figure d’exception, érigé par son « peuple » au rang de poète de la Cité, véritable aède des temps modernes, sur lequel, mine de rien, chacun fonde sa revanche sociale…surtout son intraitable et inimitable mère. Ah ! Cette mère ! Tout un poème. Magyd en dresse un portrait à la fois rosse et tendre ; hommage, à ne pas en douter, aux femmes du monde entier qui s’obstinent coûte que coûte à croire en leurs enfants quand eux-mêmes n’y croient plus.

Depuis, Magyd Cherfi a fait son chemin et prouvé que sa mère avait raison de croire en lui, même s’il n’est pas devenu ingénieur. Il a forgé sa langue propre, nourrie de ses deux cultures, de sa sensibilité et de ses expériences. Par delà le constat un peu triste qu’il fait des difficultés pour les enfants d’immigrés de trouver leur place dans la société française, l’auteur prend le parti de l’optimisme. Un optimisme bienvenu, à l’heure où la France se crispe autour de son identité et la peur de l’Autre.

3356 caractères F.L

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Metin Arditi, L’enfant qui mesurait le monde

L'enfant autiste et l'homme vieillissant Le livre que j'ai lu au début de l'année dans le cadre du concours de lycéens est L'enfant qui mesurait le monde de Metin Arditi. Ce roman parle d'amitié, de l'économie, de la mythologie grecque et de l'autisme. À Kalamaki, une île grecque rongée par la crise économique, nous suivons trois personnages qui vivent près l'un de l'autre. Eliot, un architecte américain retraité revient à ses racines en Grèce poursuivre le travail inachevé de sa fille morte. Yannis, un enfant autiste qui mesure l'ordre du monde en comparant des données à celles de la veille ; et sa mère Maraki, qui subvient à ses besoins et à ceux de son fils en pêchant à la palangre.

Un projet d'hôtel sur l'île va remuer tous les habitants. Il sera mis en danger par un projet de construction d'une école, ce qui va semer le trouble au sein de Kalamaki et de la Grèce toute entière. Au milieu de ce conflit, une amitié va s'installer entre l'enfant autiste et l'homme vieillissant.

J'ai beaucoup apprécié la lecture de L'enfant qui mesurait le monde car on comprend facilement l'histoire qui est racontée sous différents points de vue et avec certains sauts dans le temps qui expliquent ce qu'il a pu se passer avant. Les personnages, tous différents les uns des autres, sont très attachants, notamment les trois personnages principaux. L'intrigue de l'histoire est très bien montée ; on ne sait pas quel projet de construction sera choisi jusqu'à la toute fin du livre. Il y a également un jeu autour de Maraki et Eliot qui se rapprochent au fil du temps. J'ai trouvé très émouvant la manière dont les habitants de l'île soutiennent Maraki en s'occupant eux aussi à leur manière de Yannis. J'ai trouvé l'histoire très bien écrite et que les descriptions des paysages que fait Metin Arditi nous emmenaient totalement sur place, dans les îles grecques.

Le moment de l'histoire le plus marquant selon moi, c'est aux premières paroles de Yannis, car durant les premiers chapitres on comprend qu'il parle mais on ne peut pas réellement lire ce qu'il dit. C'est pour cela que j'ai trouvé émouvant le passage où il réagit au portrait de lui qu'a fait Eliot. J'ai également beaucoup aimé les descriptions des paysages de Kalamaki. Surtout celles de l'amphithéâtre dans lequel se rendait la fille d'Eliot pour sa recherche du Nombre d'Or. Selon moi, le roman L'enfant qui mesurait le monde mérite 5 étoiles comme note et c'est un livre que je recommande à tous de lire.

2473 caractères

Loanne Le Goff

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Metin Arditi, L’enfant qui mesurait le monde

Le désordre du monde Le roman L'enfant Qui Mesurait Le Monde, de Metin Arditi raconte de manière simple mais détaillée la vie d'un jeune garçon autiste, Yannis, de sa mère, Maraki et donc de toutes les difficultés qu'elle peut rencontrer par rapport à son enfant, et d'Eliott, un ancien architecte American venu en Grèce pour retracer la vie de sa fille, décédée sur cette petite île nommée Kalamaki.

La « maladie » de Yannis provoque chez lui un besoin « d'ordre du monde », ce qui lui fait donc mesurer chaque détail de l'île comme les poissons pêchés chaque jour ou encore le nombre de personnes au café de l'île à une heure précise. Chaque jour, il se plie à cette tâche et compare les résultats avec les jours précédents.

L'auteur nous transmet bien ces angoisses, ce besoin « d'ordre » et de régularité. Sa mère, Maraki a des difficultés avec son fils, étant donné que pour le nourrir elle doit travailler et quand elle travaille, elle doit trouver quelqu'un pour s'occuper de Yannis. Elle souffre particulièrement du fait que son fils ne lui montre aucune forme d'affection, il ne parle que très peu et n'aime pas qu'on le touche. Quant à Eliott, il n'arrive pas à faire le deuil de sa fille et est totalement seul. Un jour Eliott va proposer à Maraki de garder son fils pendant qu'elle travaille et ça va être le début d'une nouvelle ouverture pour chacun d'entre eux. Une complicité va grandir entre les deux hommes solitaires et Maraki va se trouver plus apaisée. La plus grande partie de l'histoire est basée sur la crise en Grèce, qui touche particulièrement la petite île de Kalamaki. Le père et ex-mari de Yannis, étant maire de l'île, fait des projets pour tenter de sortir la tête de l'île de l'eau mais rien n’y fait. C'est en plus un père plus impliqué dans vie de l'île que dans celle de son fils, et c’est peut-être mieux comme ça.

J'ai trouvée cette histoire très touchante, un beau parallèle fait entre le jeune autiste et Eliott qui vient de perdre sa fille. Le choix du point de vue omniscient est également très intéressant : on a les points de vue des trois personnages principaux mais aussi celui d'une journaliste qui se bat pour la « survie » de son île (niveau naturel et social), mais aussi d'un simple patron de café. Cela apporte le point de vue de l'île en général, son fonctionnement. Ca apporte une proximité avec les habitants de Kalamaki. J'ai également aimé le choix d'un personnage atteint d'autisme parce que je crois que l'autisme n'est pas une maladie mais presque un don, celui de lire le monde de manière particulière, que ce soit avec des chiffres ou des ressentis. J'ai aussi beaucoup aimé le fait que la première scène soit la même que l'avant-dernière avec ses évolutions. Ce genre d'écriture me plait beaucoup.

Pour conclure, je dirais que ce livre amène au questionnement, celui de la situation financière actuelle de la Grèce, et celui de la « maladie » de l'autisme qui est peut-être plus à écouter et à prendre en compte que ce que nous croyons. Je m'attendais avec ce livre à un chamboulement, je ne dirais pas qu'il est arrivé, mais il m'a quand même énormément plu et je le recommanderais si vous voulez un roman touchant et plutôt sentimental !

3203 caractères Vanille Lagadec

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L’enfant qui mesurait le monde, Metin Arditi

Rétablir l’ordre du monde

C’est l’histoire d’un enfant autiste qui grandit dans un monde qu’il désirait parfait, une mère qui manque d’attention de la part de son enfant et un homme, un père qui tente par tous les moyens de faire son deuil, voilà la présentation des premiers personnages de Metin Arditi.

Il les fait changer dans un cadre magnifique, une île grecque où tout le monde connait son voisin et le respecte. Dès les premiers chapitres, l’auteur nous plonge dans son roman avec l’histoire d’Eliott, qui tente de faire le deuil de sa fille Evridiki, en s’installant sur l’île où elle est morte il y a plusieurs années déjà. Il va parcourir la Grèce et poursuivre les études d’Evridiki sur le nombre d’or. Le peuple de l’île soutient l’américain, comme il le fait avec Yannis, petit garçon autiste de 11 ans qui se rassure avec les chiffres qu’il mémorise chaque jour, que ce soit le nombre de clients au café du coin, l’ordre d’arrivée des bateaux ou encore combien de kilos de poissons ont été péchés. Il rétablit l’ordre du monde avec des pliages plus ou moins compliqués. Au fil des pages Yannis grandit, sa vision change, il évolue. Enfin vient Maraki, la mère de Yannis, qui manque d’affection, affection que son fils ne peut lui donner. Son fils qui n’est pas comme les autres. Il ne va pas à l’école et refuse qu’on le touche.

La vie de ces trois individus change. De nouveaux personnages entrent dans l’histoire, avec un projet pour relancer l’économie de l’île. Un projet qui défigurerait une partie de l’île, que l’auteur décrit comme étant magnifique.

Par ses mots et son écriture simple Metin Arditi nous transporte dans son roman, qui se développe tout autour de ses personnages. L’histoire m’a absorbée. J’ai trouvé que tous les personnages avaient une personnalité propre, ce qui les rendait intéressants. On découvre un peu plus chaque personne au cours des chapitres. On se rend rapidement compte qu’ils sont tous liés, comme les habitants de l’île, et que pourtant ils ont tous une histoire différente qui se transforme au fil des pages.

A travers de jolies descriptions de l’île, un environnement qui m’était inconnu et des personnages que j’ai adoré découvrir et suivre tout au long du roman, Metin Arditi m’a fait voyager.

Eva Frèrejouan – 2320 caractères

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Metin Arditi, L’enfant qui mesurait le monde, Grasset, 294 p.

Le vieil homme et l’enfant

Eliott est un architecte gréco-américain à la retraite en deuil de sa femme et de sa fille. Quand l’heure de la retraite sonne, il revient vivre à Kalamaki, petite ile grecque autrefois paradisiaque, aujourd’hui ravagée par la crise de 2008. Là, il fait la rencontre de Yannis, petit garçon autiste qui mesure avec le plus grand des sérieux l’ordre du monde, entouré de sa mère, Maraki, pêcheuse à la peine, et de son père Andréas, maire déchu de l’île.

Ce roman doux-amer est d’abord l’évocation d’une Grèce livrée à elle-même depuis qu’elle a été mise au ban de l’Europe par le FMI. Dans la misère qui la ronge un peu plus de jour en jour, elle est la proie de promoteurs véreux qui, tout à leur quête de profits, ne s’encombrent guère de la défigurer et de piétiner, au passage, sa haute valeur patrimoniale pour l’humanité. Kalamaki, dans ce récit, ne fait pas exception à la règle, mais le vieil homme et l’enfant, unissant leur douleur et leurs espoirs secrets, parviennent, avec la ruse des héros de la mythologie, à déjouer les plans des prédateurs et à faire gagner leur rêve d’utopie.

Le récit est plein de fraicheur, d’optimisme et de tendresse qui contrastent avec la réalité brutale de l’environnement qu’il décrit. S’y succèdent des chapitres courts qui sont autant d’instantanés de la vie et des habitants pittoresques qui peuplent ce petit port méditerranéen baigné de soleil ; le tout dans une langue à la fois classique et burlesque qui fait sourire autant qu’elle charme l’ouïe du lecteur délicat.

Ce roman, qui met en scène des êtres malmenés par la vie, comme brisés de l’intérieur mais qui ont le don de réinventer la solidarité et même l’amour, touche par son humanité et l’empathie qu’il dégage. Il se distingue surtout par le regard inhabituel qu’il porte sur l’autisme. Car ici, c’est l’enfant complexe, que les règles du monde tel qu’il est, dérangent, qui se révèle le plus à même de comprendre la complexité que la crise a engendrée. Entre fantasme et réalité, l’enfant-autiste est peut-être celui qui détient les clefs d’un monde devenu fou.

L’enfant qui mesurait le monde est somme toute la belle histoire d’une rencontre, celle d’un vieil homme désabusé et d’un enfant muré dans son monde. C’est aussi un plaidoyer vibrant pour la différence et une invitation à la réflexion sur l’Autre.

2403 caractères

F.L

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Régis Jauffret, Cannibales

Un mets au goût douteux

Cannibales est un roman écrit par Régis Jauffret qui a aussi écrit, Microfiction, Sévère, Clautria, la ballade de rickers island et bravo. L’auteur, dans ce roman met en valeur la déception amoureuse. Dans tous ses romans, Régis Jauffret met en scène la souffrance, l’humiliation et la domination.

C’est un roman épistolaire qui met en scène Noémie une jeune artiste peintre de vingt-cinq ans qui après avoir rompu avec Geoffrey, un architecte trentenaire, envoie une lettre d’excuse à Jeanne, la mère de ce dernier. Au début du roman Jeanne déteste Noémie et fait tout pour défendre son fils. La mère de Geoffrey prévoit donc un séjour à Cabourg pour toutes les deux. Après ce petit week-end, les deux femmes s’emploient donc dans une correspondance maléfique et développent même des tendances cannibales envers Geoffrey.

Jeanne et Noémie au fil des lettres créent un lien fort et particulier. Elles se confient sur leur vie, elles se trouvent même des points communs. On se rend compte à travers l’histoire que plus Noémie est odieuse plus Jeanne s’attache.

Je n’ai pas apprécié la lecture de ce livre car je trouve que l’écriture hyperbolique de l’auteur ne permet pas de me convaincre, et je n’arrive pas à imaginer que cela puisse être réel. L’absence de narrateur dans ce roman m’empêche de me projeter. Le fait que le livre soit épistolaire me perturbe, je ne trouve pas cela assez précis. Ce roman est trop exagéré. Je trouve que l’histoire est vraiment étrange, qu’il faut être très ouvert pour aimer ce genre d’écriture. Les métaphores trop accentuées deviennent douteuses et au final, elles ne sont plus visibles et cela est dommage. Le fait que nous ne connaissons pas plus Geoffrey me rend perplexe et ne m’a pas aidée à comprendre pourquoi voulaient-elles le manger. Nous savons juste qu’il aime les femmes pas comme les deux protagonistes le voudraient. Je trouve que cela est trop facile de vouloir tuer et manger un humain pour des raisons comme celles-ci.

2027 caractères Louise Mayol

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Régis Jauffret, Cannibales

De l’amour au drame Noémie, une artiste, et Jeanne, une retraitée, sont deux femmes liées par un homme, Geoffrey. Il est le fils de Jeanne et l’ex petit-ami de Noémie. Lorsque le couple se sépare, une correspondance débute entre les deux femmes. Noémie souhaite expliquer les raisons de sa rupture avec le fils de Jeanne. Au premier abord, elles ne semblent pas s’apprécier mais au fil des lettres elles deviennent comme mère et fille. Les deux femmes élaborent un projet fou, celui de tuer et manger l’être qui les relie. Noémie est atteinte d’une maladie mentale et d’un dédoublement de personnalité, ce qui pourrait expliquer ce projet fou mais on ne peut donner aucune explication au fait que Jeanne projette de tuer son fils. Aucun des arguments de Jeanne ne sont crédibles ou compréhensibles.

Elles se rencontrent à plusieurs reprises dans la demeure de Jeanne pour échanger sur leur plan diabolique. Geoffrey intervient parfois, certaines lettres lui sont adressées. A la fin du roman, Noémie semble donner de moins en moins d’intérêt à cette cause. Elle trouve un nouvel amant et ne répond presque plus à Jeanne. A la fin du roman, on peut se poser la question si Noémie est réellement morte comme le prétend la mère de Geoffrey ou si elle préfère se faire oublier. C’est une histoire d’amour qui tourne mal. Deux êtres qui s’aiment et finissent par se haïr. Un semblant de vrai dans cette histoire folle et impossible.

Je n’ai pas particulièrement aimé l’histoire de ce livre, qui traite d’un sujet peu commun. Les termes sont parfois trop crus et ce livre manque souvent de subtilité, par exemple le passage où l’auteur nous décrit le choix de la sauce avec laquelle elles cuisineront Geoffrey. Le thème principal de ce roman est le cannibalisme et la vengeance. La plume de l’auteur est agréable et le fait que le livre se construise sous forme épistolaire facilite sa lecture et permet de bien connaître les personnages : on sait qui parle et quand. Cependant, il est possible de se perdre lorsque Geoffrey intervient ou lors de l’utilisation de surnom par l’auteur. L’histoire est très irréaliste et effroyable mais donne envie aux lecteurs tout au long de la correspondance de savoir si le plan va aboutir.

En conclusion, cette histoire d’amour qui se termine en haine absolue est peu crédible.

2311 caractères Gwenvred Cloitre

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Régis Jauffret, Cannibales, Seuil, 186 p.

Conciliabule de mantes religieuses

Naomie, 24 ans, n’aime plus Geoffrey ni ses tempes grisonnantes et le quitte. Elle l’écrit à la mère de ce dernier, Jeanne. S’ensuit, entre les deux femmes, tout à tour rivales et complices, une correspondance ahurissante. Au centre de ce conciliabule aux allures de gynécée, la parole masculine se perd. Geoffrey, absent omniprésent, est réduit à l’état de simple objet dont se jouent les deux femmes qui envisagent de le dévorer et de le digérer pour de bon. Au sens littéral du terme…

Le titre de ce « sauvage roman d’amour » a de quoi intriguer. De fait, Régis Jauffret s’enfonce dans la brèche, multipliant à l’envi les délires cannibales de ses narratrices – complètement « barrées » -, tout en ayant soin de les désamorcer par le travail d’orfèvre qu’il effectue sur la langue et la forme. Ainsi, les choses les plus triviales, voire obscènes, sont constamment mises à distance par un style on ne peut plus académique qui rappelle l’esthétique feutrée, tout en élégance, en raffinement et en énormités sadiques des romans libertins du XVIIIème siècle.

Difficile, d’ailleurs, de ne pas lire ce court roman épistolaire – dont l’intrigue est mince et les personnages peu crédibles et peu consistants – comme un hommage de l’écrivain aux célèbres Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Il pourrait en effet en être une réécriture mutine où Naomie et Jeanne apparaîtraient comme des Merteuil modernes, plus diaboliques encore, qui auraient cette fois triomphé des hommes et des bassesses du sentiment amoureux. Quant au Marquis de Valmont, il ne reste plus rien de sa superbe, même pas son spectre. L’amour n’est plus que la névrose dont les personnages de Choderlos de Laclos tentaient de se préserver. Y céder, c’est mourir à coup sûr.

Au final, Cannibales s’impose sans doute plus comme un exercice de style brillant et habile que comme un roman. Pour qui cherche le sens, mieux vaut passer son chemin.

1944 caractères

F.L

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