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I : LE MOUVEMENT MODERNE ET LA THÉORIE DE L'ARCHITECTURE :

A) LE MOUVEMENT MODERNE:

1 - L'éclaircissement et l'avènement des fondement théoriques:

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Une difficulté est observée lorsque les historiens d'architecture tentent de cerner la période de genèse exacte du mouvement moderne. Plus la recherche s'approfondit, elle s'avère remonter davantage dans le temps. Une deuxième difficulté se rajoute lorsque l'on cherche à faire un bilan compréhensif de ce mouvement du fait que la période s'étend sur un laps de temps important d'autant plus que le terme d'architecture moderne est une expression chapeaux qui incluent plusieurs courants architecturaux. La complexité demeure, étant donné que ce mouvement est la conséquence de plusieurs sphères qui interagissent entre elles : allant des évolutions sociales et culturelles jusqu'aux développements d'ordre techniques et industrielles. Les historiens abordent en fonction de leurs buts plusieurs méthodologies de lecture. Faire un résumé couvrant tous les aspects de ce mouvement est donc une tâche quasiment impossible, ne serait-ce que le but de cette partie. Il s'agit ici plutôt de faire un récapitulatif de cette période, avec l'intention précise de soulever des éléments qui nous permettent de relier la pratique de l'architecture durant le mouvement moderne à la théorie de l'architecture. Pour se simplifier la tâche, on s'aide de la division du mouvement moderne proposé dans la préface de Leonardo Benevolo. En plaçant l'ouverture de l'école de Weimar par Gropius (significatif pour la mise en union des théories du mouvement moderne à la pratique) comme point centrale dans la chronologie, il place toutes les expériences du modernisme antérieures à cet événement, dont celles "de Morris, de Horta, de Wagner, de Hoffmann de Berlage, de Loos, de Perret, de Sullivan, de Wright"1 comme appartenantes à une période de croissance de ce mouvement. Les événements qui suivent ce point central, ceux de "Le Corbusier, Gropius, Mies Van der Rohe, Jacobsen, Tange, Bakema "2 appartiennent au contraire à une période de pleine maturité. (Leonardo Benevolo, 1998)3 Cette division nous permet donc d'avoir une vision schématique et de s'intéresser aux points clé du mouvement étudié. Revenons maintenant sur le point de départ de ce dernier.

Kenneth Frampton relève les problèmes exprimés auparavant et explique que le début de l'architecture moderne est généralement placé à la Renaissance ou au moins au XVIIIe siècle, lorsque les idéaux de l'architecture vitruviennes sont remis en question par les architectes à l'avenue de l'avancement dans la recherche de vestiges de l'antiquité et des transformations techniques qui ont eu lieu depuis les Lumières. (Kenneth Frampton, 2006)4. Leonardo Benevolo dans la préface de son œuvre cité plus haut, explicite de la même manière, que "les rapports entre architecture et société commencent à se transformer radicalement"5 à la moitié du XVIIIe siècle et qu'une simple étude des valeurs formelles architecturales, qui est possible pour les périodes précédentes, ne suffit plus. On peut ainsi aisément placer le début du modernisme vers le XVIIIe siècle. A titre indicatif, la Renaissance est une période qui a vu un ad fontes : terme utilisé durant cette époque pour signifier un retour général des réflexions de cette période aux sources de la culture grecque et romaine, altérées ou perdues durant le moyen-âge, jugées maintenant idéales. Dans l'architecture, ceci s'est traduit par les myriades de réinterprétation du traité de Vitruve, De Architectura.

(1Leonardo Benevolo, Histoire de l'architecture moderne, Tome 1 La révolution industrielle, 1998)

(2Ibid)

(3Ibid)

(4Kenneth Frampton, L'architecture moderne, Une histoireCritique, 2006)

(5Leonardo Benevolo, Histoire de l'architecture moderne, Tome 1 La révolution industrielle, 1998)

Ainsi, les architectes du XVIIIe siècle, par leurs réfutations du canon vitruvien nous explicitent un premier élément important qui relie l'architecture moderne à une recherche d'un nouveau fondement théorique. Cette réfutation relève de l'incapacité des canons antiques, confrontées à la possibilité d'existence d'autres modèles, à tenir leurs statues d'universalité. Les événements de recherche de nouveaux fondements qui se développent durant cette période semblent à première vue ponctuelle, mais une fois la lecture de l'ensemble faite, ils racontent l'unité du discours du mouvement moderne.

Les prémices de la nécessité d'une nouvelle théorie en architecture certes ressenties depuis le XVIIIe siècle, les premières actualisations concrètes de celles-ci ne se font qu'au XIXe siècle en Angleterre, avec John Ruskin et William Morris. Le premier, dans une série de publications, explicite un premier positionnement anticlassique clairement formulé. Le deuxième, avec l'établissement de sa Red House entreprend la conception d'œuvres qui incarnent l'esprit d'une première variante de ce mouvement. Il est important de noter que les œuvres ne sont pas seulement architecturales, mais aussi tournées vers l'artisanat et que les critiques sont davantage alimentées de questions d'ordres sociales, économiques et politiques. Ces deux personnages, qui sont les précurseurs du mouvement Arts & Crafts, incarnent ainsi les critiques faits à l'industrialisation qui a pris le dessus par sa production en masse et qui a mis la place de l'artiste, de l'artisan et par extension celle de l'architecte, en question (Kenneth Frampton, 2006)1. On peut comprendre par ceci que l'industrialisation est un processus qui s'est fait premièrement en dehors de la sphère architecturale. On constate alors que la recherche de fondements théoriques, dans ce cas, ne se fait pas seulement à l'encontre des canons antiques, mais constituent plus précisément une réponse active contre la notion de progrès (transformations techniques) telle qu'elle s'actualise à cette époque et influence les sphères sociale, économique et politique et bien évidemment architecturale. Ces idées sont ensuite reprises et renforcées par C.R Mackintosh pour œuvrer l'École d'Art de Glasgow qui est le bâtiment précurseur du mouvement Arts & Crafts.

Une deuxième réaction à la nécessité de nouveaux fondements se fait par le théoricien Eugène Viollet-le-Duc, qui dans ses discours cherche primairement à porter le regard sur l'importance de la restauration d'œuvres du moyen-âge, explicite une nouvelle manière d'appréhender l'architecture. Son rationalisme structurel va à l'encontre du rationalisme classique et se base sur une compréhension des œuvres gothiques qu'il juge être inspiré des lois de la nature. Son approche devient une inspiration directe pour une multitude d'architectes, dont Gaudi, Horta, Guimard et Berlage. Ces architectes prennent les leçons de Viollet-le-Duc et les combines à leurs aspirations propres. Pour Gaudi, ses aspirations relevaient d'un "désir de faire revivre l'architecture locale et créer des formes totalement nouvelles"2. Horta, travaille son architecture par une maîtrise savante de matériaux, en particulier le fer, utilisé expressément dans leurs vérités structurelles. Quant à Guimard, il adopte "une expression relâchée, rustique, (...), un style urbain (...) une sorte de résille composite en fer et verre"3. Il est le fameux architecte qui crée le 'style métro'. Et enfin Berlage a une "volonté de rendre explicite la construction"4 par la simplification méthodique de la structure. Il met en avant des écrits théoriques qui démontrent de ces volontés. Il faut aussi noter que chaque architecte cité ici a une ambition plus ou moins marquée de créer un style national respectivement à son pays d'origine. Cette deuxième réaction relève d'une importance mis sur la vérité structurelle et en ce, est un des premiers signes d'une volonté d'abolition des ornements dans l'architecture. Elle considère que la bonne architecture relève d'une bonne compréhension des règles physiques qui s'opèrent derrière l'édification d'un bâtiment et considère qu'elle doit être exprimée explicitement dans la forme architecturale. On peut également noter que cette réaction cherche aussi une redéfinition de styles nationaux qui est permise par l'abolition des styles vue comme appartenant à la vielle époque à savoir le style classique, néogothique ou néo roman.

(2Ibid)

Si la première réaction à la nécessité de nouveaux fondements théoriques de l'architecture va à l'encontre de la production industrielle, celle que l'on cite ci-après prend la direction contraire. Adler et Sullvian, érigent à Chicago, dans une ambiance de reconstruction, des bâtiments hauts, remarquables pour leurs ingénuités conceptuelle et technique ainsi que pour le développement d'un langage architectural qui leur son propre. Ces bâtiments se présentent alors comme l'avènement d'un mode de construction offert par l'industrie, à savoir l'ossature métallique, mais aussi comme l'expression d'une ornementation estompée qui semble émaner du matériau même. (Kenneth Frampton, 2006)1 On constate ici qu'il s'agit d'une recherche de pratiques architecturales qui fond l'usage de l'industrie tout en créant leurs propres bases esthétiques détachées de la tradition classique et développant l'idée d'une expression formelle sobre. Il en va de même pour l'architecte Frank Llyod Wright qui dans son mythe de la prairie, cherche "la transformation de la technique industrielle par l'art"2. Avec une inspiration d'architectures exotiques d'origines diverses: japonaise, précolombienne, égyptienne, assyrienne ou celte, mais aussi l'architecture neoroman qui est la norme de l'époque, Wright arrive à synthétiser et créer son style nouveau qui utilise l'avancement industriel comme moyen pour l'abstraction et la purification de ces oeuvres.

PÉRIODE DE MATURITÉ DU MOUVEMENT MODERNE à la recherche d'une objectivité architecturale:

D'un génie incomparable, Le Corbusier est une des figures importantes du zénith du mouvement moderne. Sa conception du principe de la maison "Dom-Ino" marque une de ses premières contributions remarquables pour sa rationalité structurelle. "Les cinq points de l'architecture moderne" s'expriment sur ce model "Dom-Ino". C'est à dire les pilotis ; le toit-terrasse; le plan libre; la fenêtre-bandeau et la façade libre. Ce model permet une efficacité révolutionnaire pour la conception et la mise en œuvre. Il développe entre autres sa théorie architecturale dans son livre Vers une architecture 1923 qui "articulera : d'un côté, le besoin impératif de satisfaire les exigences fonctionnelles par des formes empiriques ; de l'autre, le recours à des éléments abstraits"1. Une deuxième figure importante du modernisme est sans doute Mies Van der Rohe. Cet architecte dévellope une esthétique qui met en place une clarté formel et l'utilisation de materieaux comme le verre et l'acier. Le Pavillion de l'Allemagne en Barcelone est la synthèse des réflexions qu'il fait. Le plan libre avec les murs qui deviennent délimitant et non-porteuse et la fluidité de l'espace qui se fait grâce aux façades en verre et poteaux fin métallique sont les principales caractéristiques. On constate alors avec l'exemple des deux architectes ci-dessus que le mouvement moderne est en plein fleurissement, et que les fondements théoriques sont assez stable. Centrés sur l'importance de la fonctionnalité et de l'utilisation de formes sobres et abstraites.

On observe dans l'évolution du mouvement moderne, une recherche d'une nouvelle base théorique. Si durant la première phase, les intentions étaient celles d'un détachement des ordres classique de la Renaissance afin d'arriver à ce but, durant la maturité du mouvement, ils sont animés davantage par une recherche d'un style universelle, autodéterminé et suffisant. Durant cette maturité, le fonctionnalisme, le mode de production industrielle et une vision totalisante de la société sont mis en avant. (dépouillé de toute "poésie", même si l'intention initiale n'est pas celle-ci). On observe tout du moins, que quelques architectes relèvent, d'une manière nostalgique, l'importance d'un retour à la tradition ou l'importance de la création de nouvelles formes architecturales qui incarneraient cette "poésie" perdue. Ces derniers visons se concrétisent dans la période suivante et se manifestent par de nouvelles critiques, mais cette fois-ci, des valeurs du mouvement moderne précédentes.

2 - L'éffondrement et la recherche d'une nouvelle voie:

La Charte d'Athène est le point culminant du mouvement moderne, mais une nouvelle génération critiquant les idées mise en place apparaît et on voit déjà les signes au CIAM VI, là ou ils cherchent à "transcender la stérilité abstraite de la 'ville fonctionelle' "1 en affirmant que "le but des CIAM est d'œuvrer à la création d'un cadre bâti qui satisfera les besoins émotionnels et rationnels de l'homme"2. Advient alors la naissance du Team X. Cet intérêt à la dimension émotionelle de l'Homme est une critique à l'indifférence que le fonctionnalisme engendre. Ainsi en prenant l'idée de la cellule familiale comme base pour le développement d'une nouvelle structure d'urbanisation, des personnages comme les Smithson, Van Eyck et Shadrach Woods entreprirent la recherche d'une réponse contre les déclarations fonctionnelles de la Charte d'Athène. Les Smithson proposent "une critique ouverte de la Ville radieuse et du zoning urbain en quatre fonctions (...) opposèrent à ces dernières les catégories plus phénoménologiques de maison, rue, quartier et ville."3 dans leur projet de Golden Lane. Ce projet est ainsi une nouvelle approche qui cherche à réduire l'échelle prise en considération lors de la conception d'un projet. Pour faire appel à des dimensions davantage correspondante à l'Homme et non à un cadre fonctionnaliste qui met à l'écart ce dernier. Van Eyck de son côté, accentue encore plus cette recherche en s'intéressant sur les notions d'intemporalité de l'homme et l'importance du pluralisme, au point où il se demande s'il est même possible d'avoir des réponses concrètes aux conséquences engendrées par le mouvement moderne. Il critique "le rôle joué par l'architecture moderne dans l'éradication du style comme du lieu."4 Dans un tempérament davantage positif que ce dernier, Shadrach Woods développe un projet non construit mais qui prenait en compte le contexte immédiat et le besoin émotionnel et réfute le fonctionnalisme du modernisme. Ceci est un prototype d'une ville en miniature, qui dans sa composition spatiale met en interaction plusieurs niveaux grâce à des escalators et qui cherche à avoir une densité forte d'occupation. Cela engendrerait donc une forte probabilité d'interaction sociale spontanée dut à sa nature complexe.

Si une vision centrée prenant en compte la dimension émotionnelle dans l'architecture se développe de l'intérieur même de l'équipe du CIAM, une autre réaction au modernisme centré sur un développement de la technique est observé. L'avant-garde architecturale des années 1960 cherche à pousser la technique à ses limites et cherche à répondre aux problèmes survenus. Parmi les néofuturistes on peut citer le groupe Archigramme ou le mouvement métaboliste japonnais dont Noriaki Kurokawa, avec sa tour de capsule, en faisait partie. Néanmoins, cette tendance est, entre autres, critiquée par Schnaidt qui voit dans ce mouvement seulement une échappatoire et non un avancement de l'architecture. Il dit que "Cette confiance illimitée dans les possibilités de la technique s'accompagne (...) d'une naïveté surprenante en ce qui concerne l'avenir de l'homme" (Schnaidt, Architecture et engagement politique, 1967).

Une autre critique au mouvement moderne axé une nouvelle fois sur une dimension sociale est celui des neo-rationaliste initié par les Italiens qui voit un avènement chez les Allemands. Oswald Mathias Ungers est un parfait exemple de ce mouvement qui cherche à s'opposer à un consumérisme excessif dans la nouvelle culture. Théoricien, il explicite l'importance de la 'transformation typologique' au sein de la ville. Que ce processus est la raison même de l'architecture et que l'architecture doit découler du genuis loci. Une idée qui va à l'encontre du fonctionnalisme dictant la forme. Dans la même inclinaison le néo-structuralisme prend naissance dans l'idée de proposer avec l'architecture une opportunité pour les usagers de faire leurs "interprétation individuelle" de toutes modèles collectifs " en d'autres mots de proposer un "espace poly- alent" aux usagers, libre d'appropriation.

D'autres réactions au modernisme avec des idéologies plus prononcées se produisent. Si avec le productivisme les architectes se replient aux demandes d'une société consumériste qui voit l'architecture comme un produit, et que le postmodernisme se bat contre le dénuement formel du modernisme avec un retour satirique à ornementation et la référence historique, c'est avec le déconstructivisme que l'on voit une rupture totale des valeurs architecturales, sociétales, historique et cetera. Une architecture qui ne cherche pas à affirmer un style, mais qui relève des questions provocantes, architecturales, sociétales ou voir même politque.

Cette période peut donc être caractérisée comme une agrégation des critiques sur les conséquences du mouvement moderne, mais aussi une recherche active de réponses. Elle est le résultat d'une nouvelle génération, qui confrontée aux productions des actions prises auparavant, quêtent, dans une version la plus agressive, de se détacher du modernisme ou dans une version plus tempérée, d'unir les idéaux du modernisme avec le sentiment toujours grandissant de l'importance de la création de lieux. Ce phénomène est toujours d'actualité et vue que l'architecture est influencée par plusieurs sphères tel que les évolution sociales, économiques, techniques, industrielles, politique et cetera, l'architecte est confronté à une prise de position incessante au sein des discours culturels qui dépassent la simple discipline. Voyons alors quel rôle joue la philosophie dans l'architecture en passant par la théorie de l'architecture.

1 - La philosophie comme fond à la théorie:

GENÈSE:

Si l'architecture a été un métier pratiqué pendant des millénaires, la théorie de l'architecture est un phénomène bien plus récent dans l'histoire. La théorie de l'architecture est apparue concrètement à la Renaissance et se développe premièrement par une analyse d'une époque antique lointaine. C'est, comme vue auparavant, les réinterprétations du traité de Vitruve qui actionnent les considérations théoriques de l'architecture. "L'image de l'architecte mute donc vers celle d'un philologue* " 1 qui fait une analyse critique de textes pour arriver à ses propres conclusions. Les traités sont les écrits principaux dans la théorie de l'architecture et le moyen de transmission des idées architecturales développées. "Le développement de l'imprimerie et en conséquence la possibilité d'illustrer les écrits, joue un rôle primordial dans le décloisonnement entre les écrits (litterae) et l'art architectural (ars meccanica) du moyen-âge.2 " Ce dernier permet à l'architecte d'approfondir ses réflexions sur son sujet mais aussi d'étendre son horizon sur d'autres sphères tel la politique, la société et la philosophie. Nous avons donc ici un premier lien possible entre théorie de l'architecture et philosophie, mais approfondissions ceci.

LIENS À LA PHILOSOPHIE:

La genèse de la théorie de l'architecture se fait à la même époque où la philosophie traverse une régénération. Les philosophes dite modernes tel que Pétrarque et Thomas More pour la période de la Renaissance, mais aussi des personnages tel que Descartes, Spinoza et Leibniz pour la période des Lumières, avancent leurs idées Humanistes. On peut donc supposer de cette simultanéité, que les architectes théoriciens s'inspirent des méditations philosophiques de leurs temps, étant donné aussi que le développement de l'imprimerie le permet et que cela transparaisse dans leurs théories architecturales et par extension dans leurs œuvres. Mais l'on peut citer des cas concrets tels que le philosophe Leon Battista Alberti qui est aussi théoricien en architecture qui s'inspire explicitement de la philosophie pour formuler ses théories. Et il y va de même pour le polymathe Léonard de Vinci. Ceci n'est pas étonnant du fait que durant cette période plusieurs disciplines sont pratiquées par la même personne.

Néanmoins, cette interaction entre architecture et philosophie n'est pas limitée à la seule période de genèse de la théorie de l'architecture. Évidemment elle est présente dans les époques qui suivent, mais aussi comme démontrée par José Ferrater Mora, elle est présente durant le moyen-âge gothique :

" les caractères de totalité (énumération suffisante), ceux de disposition selon un système de parties homologues, subdivisées à leurs tours (articulation suffisante), enfin la distinction logique et la cohérence déductive (inter-relation suffisante), tous ces caractères qu'on trouve dans la somme, on les retrouve aussi dans l'architecture de l'époque, non certes que les constructeurs des cathédrales gothiques eussent lu Gilbert de la Porrée ou saint Thomas d'Aquin, mais parce qu'ils furent influencés par le point de vue scolastiques. 3 " .

Il y aurait donc un certain entrelacement entre l'architecture et la philosophie, qu'il soit fait en passant par la théorie ou pas. Comme si l'architecture est la révélation concrète des pensées d'une culture. On peut rajouter à ceci, des exemples extérieurs

* philologue: Spécialiste de l'étude historique (grammaticale, linguistique, etc.) des textes. Le Robert. (s.d.)

(1 BERND, EVERS, Théorie de l'architecture, 2011)

(2Ibid)

3 (José Ferrater Mora, Philosophieetarchitecture 1955) tel que l'architecture égyptienne antique qui est révélateur d'une culture et philosophie orientées vers la religion et la vénération de la mort tel qu'il sont expressament montrées par la construction des pyramides. Ou l'on peut aussi orienter notre regard vers l'est et voir les architectures traditionnelles: japonaise, qui se base, faute de généralisation, sur le bouddhisme, chinoise sur le confucianisme ou indienne sur l'hindouisme et cetera. Les exemples sont infinis.

LA THÉORIE ET L'ANTI-THEORIE

Il est aussi intéressant de voir que dans l'évolution de la théorie de l'architecture deux tendances prennent cours. D'une part, l'architecture est vue comme agent permettant de trouver l'ordre dans le monde. Visant par la programmation et une création d'un système autosuffisant. L'architecture vue comme " un tout fait de parties isolées 1". Cette création de système cherche à prendre en compte une myriade de paramètres (soient-ils fonctionnels, esthétiques, sociaux, économiques, politique et cetera) pour aboutir à une proposition de manière d'habiter. Dans les cas extrêmes, ce système peut s'avérer être utopique et détachés de la réalité, mais toujours dans l'intention de créer une structure fermée. D'une autre, un mouvement de l'Anti-Théorie, qui au contraire cherche à affranchir l'architecture de cette démarche d'impositions préalables déterminantes (BERND, EVERS, 2011).

Si la théorie de l'architecture prête attention aux développement stylistiques au cours des siècles, elle est comme démontrée plus haut liée à la philosophie. Son développement par ailleurs nous montre deux tendances intéressantes celle de la théorisation et de l'anti-théorie. Certes, la conscience de l'existence d'un lien entre culture et architecture n'est pas d'une grande nouveauté et elle est abondamment admise dans le discours architectural contemporain. Jean Nouvel, dit : " L’architecture est la pétrification d’un moment de culture " et il en va de même pour plusieurs autres architectes. Mais il est question ici de montrer l'existence d'une relation encore plus inhérente entre architecture et philosophie. Comme quoi la philosophie serait inévitablement dirigeante de l'architecture. Cette recherche nous incite donc à rentrer un peu plus dans le détail et à proposer des corrélations plus spécifiques. Et pour cela intéressons nous au développement de la philosophie et plus particulièrement à l'ontologie qui est la branche qui nous intéresse.

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