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5. Analyse des externalités
5.1 Dépendance à l’automobile
Dans le contexte actuel de crise climatique, nos efforts de réduction des émissions de GES doivent être orientés vers le secteur du transport de personnes par automobile ou camion léger, qui représente 22% des émissions générées dans la province. La dépendance à l’automobile, qui induit des déplacements en auto solo dans des véhicules de plus en plus imposants, est un défi d’envergure auquel nous devons nous attaquer.
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Au Québec comme dans plusieurs sociétés occidentales, la dépendance à l’automobile repose sur une combinaison de facteurs : l’aménagement favorisant l’automobile réalisé au fil des années, le maintien d’une symbolique positive à la voiture et au mode de vie qui s’y rattache, et la culture populaire puis la publicité qui y sont destinées. À cet effet, une certaine idée de succès est présente dans l’imaginaire collectif : un propriétaire d’une vaste maison unifamiliale détachée ayant plusieurs garages habitant dans un territoire suburbain accessible essentiellement en automobile. Un attachement psychologique, difficile à contrecarrer, découle de cette image ancrée au cœur de notre mode de vie nord-américain (Laviolette, 2018).
Cela dit, plusieurs MRC limitrophes à la CMM ont connu une importante croissance démographique au cours des dernières décennies. Cette croissance aux limites de la CMM l’a menée à une forte intégration socioéconomique avec son territoire périphérique. Un indicateur clé qui permet d’apprécier cette intégration est l’augmentation du navettage domicile-travail de la population demeurant dans les MRC limitrophes. En effet, en 2016, 28 % de la population active occupée résidant dans les MRC périmétropolitaines navettait vers un lieu de travail situé sur le territoire de la CMM, ce qui représente une augmentation de trois points de pourcentage comparativement aux données de 2006 (CMM, 2020).
La faible accessibilité aux infrastructures de transport en commun sur le territoire périmétropolitain incite les navetteurs ayant un lieu de travail dans la CMM à utiliser presque exclusivement l’automobile pour s’y déplacer. Le principe d’accessibilité, soit la facilité à atteindre des destinations, est une mesure clé d’usage du sol et d’interaction entre différents territoires. Plusieurs études démontrent qu’une plus grande accessibilité aux emplois par transport collectif est associée à une plus grande proportion d’utilisateurs de transport en commun et une utilisation diminuée de l’automobile (Lussier-Tomaszewski et Boisjoly, 2021). Également, l’environnement bâti a une grande influence sur les choix de modes de transport de la population. Il est hautement probable que des milieux denses, ayant un haut niveau de marchabilité et une forte mixité d’usages favorisent l’utilisation des infrastructures de transport collectif par rapport à l’utilisation de l’automobile (Cervero, 2002).
La durée et la distance des trajets domicile-travail permettent d’avoir un bon aperçu de la mobilité dans un territoire donné. L’analyse des distance parcourues et de temps de déplacement nous donne des indications sur les propriété de l’espace urbain, mais surtout sur les habitudes de mobilité de la population. L’analyse de ces indicateurs prend tout son sens dans la mesure où « les lieux ne sont pas différenciés par leur contenu propre, mais par la distance qui les sépare, c’est-à-dire par les coûts à supporter pour aller de l’un à l’autre » (Aydalot, 1980). Relativement aux trajets domicile-travail, j’ai choisi de présenter, par les tableaux 5.1 et 5.2, les trajets de 35 km et plus, et de 60 minutes et plus, car ce sont ces données qui illustrent mieux les plus contrastes en regard à l’utilisation de l’automobile pour le territoire d’analyse.
5.1.1 Durée des trajets domicile-travail
Au premier coup d’œil, on constate que les déplacements domicile-travail ayant pour origine les MRC dans la CMM sont généralement plus courts en distance, mais de plus longue durée. Par exemple, 14 % des trajets provenant de la MRC de Deux-Montagnes ont une durée de 60 minutes et plus, mais seulement 3 % atteignent 35 km ou plus. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la congestion fréquente augmente la durée de déplacement même pour de courts trajets dans les territoires de la CMM. Également, on peut supposer que dans ces MRC, l’utilisation plus élevée de transports en commun pour se rendre au travail donne lieu a des trajets légèrement plus longs qu’en automobile.
5.1.2 Distance des trajets domicile-travail
Parallèlement, des MRC hors du périmètre métropolitain ont des durées et distances de trajet très raisonnables. Les trajets dans la MRC Les Maskoutains atteignent ou dépassent 35 km dans un part de 11%, mais seulement 4 % durent 60 minutes ou plus. Cela pourrait s’expliquer par le fait que cette MRC relativement dense a un taux de travail local élevé, et son principal centre urbain, Saint-Hyacinthe, est riche en activités économiques accessibles dans un rayon restreint, et ce, possiblement à pied et en transport en commun.
Dans la CMM, la moyenne des temps de déplacement en automobile est de 29 minutes, contre 25 minutes pour les MRC périmétropolitaines. La moyenne des temps de déplacement en transport en commun, elle, s’élève à 60 minutes pour les MRC de la CMM, et à 58 minutes pour les MRC périmétropolitaines (Statistique Canada, 2011). On peut conclure que l’usage de l’automobile est favorisé par les temps de déplacement nettement supérieurs du transport en commun, et qu’il l’est encore plus dans les MRC périmétropolitaines.
Part de déplacements domicile/travail, 60 min et +, 2016 Tableau 5.1 - Part de déplacements domicile-travail de 60 minutes et plus, 2016
Marguerite-D'YouvilleMirabel(Ville-MRC)RoussillonVaudreuil-SoulangesLaVallée-du-RichelieuThérèse-de-BlainvilleLesMoulins Deux-MontagnesL'AssomptionLesMaskoutains Beauharnois-SalaberryJoliette
LesJardins-de-NapiervilleRouvillePierre-de-Saurel
LeHaut-RichelieuD'AutrayLaRivière-du-NordArgenteuilMontcalm
Source : Statistique Canada, profil du recensement de 2016.
Part de déplacements domicile/travail de 35km et +, 2016 Tableau 5.2 - Part de déplacements domicile-travail de 35 km et plus, 2016
Thérèse-de-BlainvilleLesMoulinsRoussillonDeux-Montagnes
LaVallée-du-RichelieuMarguerite-D'Youville
Mirabel(Ville-MRC)L'AssomptionVaudreuil-SoulangesRouville
Source : Statistique Canada, profil du recensement de 2016.
LeHaut-Richelieu
Beauharnois-Salaberry
LesMaskoutainsJoliette
LesJardins-de-NapiervillePierre-de-SaurelLaRivière-du-NordMontcalmArgenteuilD'Autray
5.1.3 Part modale de l’automobile
La part modale de l’automobile est un indicateur direct des choix de mode de déplacement d’une population pour ses déplacements quotidiens. Malgré tout, cela n’indique pas directement le mode de transport des individus, mais représente plutôt les options de mobilité auxquelles les gens ont accès. Comme établi précédemment, l’automobile est aujourd’hui perçue comme un outil indispensable à la participation à la vie économique et sociale pour une grande majorité de la population, à l’exception peut-être des résidents des quartiers urbains plus denses. Même dans ces milieux urbains où les lieux d’activités sont plus rapprochés et les solutions de mobilité alternatives sont multiples, la voiture est largement retenue comme un besoin essentiel (Laviolette, 2020).
À la vue de la figure 5.1 et du tableau 5.3, on constate que la part modale de l’automobile est généralement plus élevée hors de la CMM qu’à l’intérieur de ses limites. En effet, la part modale moyenne de l’automobile s’établit à 87 % pour les MRC de la CMM, et à 91 % pour les MRC périmétropolitaines. Le transport en commun plus accessible dans les MRC adjacentes aux grands centres urbains, les modes de vie et l’aménagement des milieux des différentes MRC étudiées pourraient expliquer cette différence. On constate également que la part modale de l’automobile des MRC de la couronne Nord est plus élevée que dans les MRC de la couronne Sud.
Part modale de l'automobile, 2016
Tableau 5.3 - Part modale de l’automobile, MRC de la CMM et MRC périmétropolitaines, 2016