
DJIBOUTI GARDER LE CAP

En moins de deux dĂ©cennies, le changement climatique et ses consĂ©quences sont devenus une question de premiĂšre urgence pour lâAfrique. Nous sommes les plus pauvres, les plus fragiles, les moins dĂ©ve lopp Ă©s, et nou s so mm es pour ta nt lourde me nt impactĂ©s [voir notre dossier pages 32-41].
Nous avons trĂšs peu « contribuĂ© » Ă ce dĂ©rĂšglement. Les chiffres varient, mais disons que le continent gĂ©nĂšre 3 Ă 9 % des gaz Ă ef fet de serre. Miroir de notre pauvretĂ©, un milliard et quelques dâAfricains « polluent » moins que 20 0 millions dâAmĂ©ricains (11 %), presque trois fois moins que la Chine et son 1,5 milliard dâhabitants. Pour tant, le continent se rĂ©chauffe plus vite que la moyenne mondiale (+1,4 °C depuis lâĂšre prĂ©industrielle contre +1,1 °C), en impor tant le rĂ©chauf fement des autres Les canicules, fortes pluies, inondations, cyclones tropicaux et sĂ©cheresses persistantes ont dĂ©jĂ des ef fets dĂ©vastateurs. La montĂ©e des ocĂ©ans et des mers menace de grandes conurbations : Tunis, Casablanca, Dakar, Abidjan- Lagos, Luanda, Maputo Les coĂ»ts des pertes et dommages dus au changement climatique en Afrique sont estimĂ©s entre 290 et 440 milliards de dollars sur la pĂ©riode 2020 -2030.
LâAfrique nâest pas soutenue â loin de lĂ â Ă la hauteur du prĂ©judice. Elle est victime dâune injustice climatique majeure Elle contribue peu au changement climatique, elle utilise peu dâĂ©nergie carbonĂ©e, elle paie dĂ©jĂ un e fa ct ure Ă©c onom ique, so ci al e et hu main e disproportionnĂ©e Pour tant, elle est encore trĂšs peu aidĂ©e en matiĂšre de gestion des risques et de transition Ă©conomique. Le financement de lâadaptation au climat ne reprĂ©sente quâune gout te dâeau dans lâocĂ©an de ce dont a besoin le continent. Plus de 50 pays africains ont soumis leurs contributions au niveau national Pour mettre ces contributions en Ćuvre, il faudrait prĂšs de 2 80 0 milliards de dollars avant 2030. On en est loin, trĂšs loin Ce devrait ĂȘtre lâun des sujets principaux de la COP 29 Ă Bakou, en novembre prochain.
Les consĂ©quences concernent en premier lâagriculture (Ă laquelle on doit ajouter lâĂ©levage et la pĂȘche), un secteur clĂ© pour la stabilitĂ© sociale et lâĂ©conomie du continent. Lâensemble fait vivre six Africains sur dix Ă cause du changement climatique, la croissance de la productivitĂ© agricole a chutĂ©, selon
les Nations unies, de plus dâun tiers depuis 1961 (UN) Lâim por ta ti on de prod uit s al im enta ires conna Ăźt un e hausse co nt inue et la fa ct ure pourrait dĂ© passe r les 110 milliards dâeuros dĂšs 2025 Les cultures de rente, com me le caca o, so nt au ta nt to uchĂ© es qu e le s cultures vivriĂšres, qui constituent la base de la souverainetĂ© alimentaire de lâAfrique.
Dans ce contexte, on lui demande de rĂ©soudre une impossible Ă©quation, comme par miracle. Elle doit com bi ne r cr oi ssanc e Ă©c onomiqu e et dĂ© mographique avec adaptation au changement climatique. Elle doit dĂ©carboner, alors que son besoin en Ă©nergie est vital si elle doit Ă©merger de lâobscuritĂ© et du sous -dĂ©veloppement. Elle doit devenir un acteur majeur des Ă©nergies renouvelables, sans bĂ©nĂ©ficier, pour le moment, dâun soutien financier et technique massif des pays riches, et tout en ayant Ă rĂ©pondre Ă une multitude dâurgences en matiĂšre de santĂ©, dâinfrastructures, dâĂ©ducation, dâurbanisation⊠Il nây aura pas de solution pour lâhumanitĂ©, sâil nây a pas de solution pour lâAfrique. Si, demain, le continent devait at teindre un niveau de dĂ©veloppement comparable Ă celui de lâInde ou du Vietnam, si nous devions tripler notre revenu par habitant et notre niveau de vie â ce qui serait un minimum â, si nous devions fournir de lâĂ©nergie Ă la grande majoritĂ© des Africains, Ă toutes les entreprises, et pour un coĂ»t raisonnable, et si cet ef fort nĂ©cessaire, urgent, devait se faire sans transition vers des modĂšles renouvelables et durables, alors lâAfrique deviendrait lâune des principales causes du rĂ©chauffement et de la catastrophe globale Câest lâune des donnĂ© es fondamental es du problĂšme : le change me nt clima ti qu e, pa r dĂ© finitio n, nâa pa s de frontiĂšres
Une partie de lâavenir est entre nos mains. Par la bon ne go uver nan ce, par la mob ili sa tio n de no s entreprises, de nos entrepreneurs, de nos crĂ©atifs, de nos ing Ă©nieurs, par le soutien acti f de la puissanc e publique, par la mise en place de projets rĂ©alistes et ba nc ab le s, par la re montĂ© e de lâurge nc e dans le s circuits de financements multilatĂ©raux, les fonds, les fo nd at ion s⊠Câes t po ss ib le. Câes t ce rtai ne me nt un fa cteu r de cro is sa nc e et de dĂ©ve lopp em ent. Et de toute façon, nous nâavons pas le choix â
3 ĂDITO
Cl imat, le défi du siÚcle par Zyad Limam
8 ON EN PARLE
CâEST DE LâART, DE LA CU LT UR E, DE LA MODE ET DU DESIGN Nouveaux mondes
28 PA RCOURS
Nincemon Fallé par Astr id Kr ivian
31 CâEST COMM EN T ?
Un trafc ou blié par Emmanuelle Pontié
100 CE QU E JâAI APPRIS
Mohamed Abozek ry par Astr id Kr ivian
112 VI VR E MIEUX
Le foie, un pilier de votre santé par Annick Beaucousin
N° 45 3 JU IN 20 24 P.08
114 VI NGT QU ESTIONS Ă⊠AF FA par Astr id Kr ivian
32 Changement climatiq ue : Câest dĂ©jĂ demain par CĂ©dr ic Gouver neur
76 Nawel Ben KraĂŻem : La conscience politique au serv ice de lâar t par Luisa Nannipieri
82 Nabil Ayouch « Câest un flm miraculeux » par Jean-Mar ie Chazeau
88 Rachida Brakni
« Au nom de Kaddou r et des or ig ines » par Astr id Kr ivian
94 Saber Mansou ri : «Le roman se nou rr it du réel » par Astr id Kr ivian
P.76
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43 Djibouti : Garder le cap par Zyad Limam, avec Rémy Darras et Emmanuelle Pontié
44 Envers et cont re tous
46 La st ratĂ©gie de lâadaptation
52 Mahamoud Ali Youssouf : « Nous voulons cont ribuer à la paix et à la sécu rité »
56 Doraleh-DP World : Djibouti ne ferme pas la porte Ă un accord
60 Le projet Damerjog
64 Le futu r en objectif
70 Port folio : Entre terres et mers
102 Lithiu m : cont rÎler le nouvel « or blanc »
106 Ngone Diop : « Sans lâAfrique, personne ne pourra dĂ©velopper sa transition Ă©nergĂ©tiq ue »
108 Le Sénégal veut faire preuve de souveraineté
109 Commerce for issant entre la CĂŽte dâIvoire et le Sahel
110 La Fondation OCP, opérateu r de changements
111 Au Nigeria, la mégaraff nerie
Dangote en exemple par Cédr ic Gouver neur
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Les Ćuvres contemporaines exposĂ©es Ă lâIM A proposent un voyage dĂ©centrĂ© au cĆur dâune planĂšte Ă la dĂ©rive â mondialisation, Ă©cologie, migration, genre, dĂ©colonisation â, afin de penser des univers alternatifs. Plasticiens, photographes, performeurs, vidĂ©astes, tels Sophia Al-Maria, Fatima Al Qadiri ou Hicham Berrada, explorent ainsi les sphĂšres oniriques de la science-fiction et les nouveaux imaginaires arabes. Ă lâimage dâun laboratoire dâhy pothĂšses se dĂ©ployant dans tous les territoires de la crĂ©ation Ici, une photographie oĂč une
voiture volante (et violette) transporte sur son capot un personnage en djellaba Ă capuche ; lĂ , une vidĂ©o numĂ©rique oĂč une exploratrice avance sur des reliefs inhospitaliers, cernĂ©e de soucoupes mi-porcelaine mi-raie manta. Le fantastique cĂŽtoie le dystopique, le chimĂ©rique joue avec le politique. Et lâon se met Ă rĂȘver les mondes de demain, avec apprĂ©hension et expectative tout Ă la fois â Catherine Faye « ARABOFUTURS, SCIENCE-FICTION ET NOUVEAUX IMAGINAIRES », IM A, Paris (France), jusquâau 27 octobre 2024 imarabe.org
RY TH ME S
ĂĂ©couter maintenant !
Msak i& Tu batsi
Sy nt heti cHeart spar tI I,NoFor mat.
Un an seulementaprÚs la parution du premiervolet de Sy ntheticHearts,Msaki et Tubatsirev iennentavec un second chapitre tout aussiréussi, enregistré à Johannesburg.Entouré du violoncelle maßtrisé de ClémentPetit,leduo ici formépar Msak i(chanteuse dontsont fans DiploouPrinceKaybee) et Tubatsi Mpho Moloi (membredugroupe UrbanVillage) brilletantvocalement quesémantiquement. Hy pnotique.
AV EC SWAK EN,LEGROUPE
FR ANCO-M AROCAI N transfor me le coup dâessa i en Ă©lectriq ue conf ir mation.
DĂSLES PR EMIĂRESMESUR ES,lavoixdeYousraMansour nous captiveimmĂ©diatement,Ă©voquantles grandesdivas orientales comme lesicĂŽnesdupunkfĂ©minin britannique façonA ri Up.Dâailleurs,lâalbum aĂ©tĂ© enregistrĂ©dansles studiosRealWorld de PeterGabriel,dans le Wiltshire. Parson hybriditĂ©sonore, quelquepartentre le rockĂ 180° de LedZeppelin et la transe gnaoua, il respecte le cahier descharges du labelduchanteuranglais.Autourdelachanteuse, celuiqui a cofondĂ©Bab LâBluz avecelle, le guitariste et joueur de guembrifrançais BriceBottin,ainsi queBrahim Terkemani et JĂ©rĂŽme Bartolome, tous bien dĂ©terminĂ©s Ă ser virses litanies en darija.EllenâhĂ©sitepas non plus Ă dĂ©noncerles rouagespatriarcaux de la sociĂ©tĂ©marocaine, en abordant de front les problĂšmesdesantĂ© mentale. Un disque loindâĂȘtre tiĂšde, donc,qui mĂ©ritait cetĂ©crin rockânâroll hantĂ©donnant raison Ă son titre: en darija,« swaken »signifie ĂȘtre possĂ©dé⊠â Sophie Rosemont BABLâBLUZ, Swaken, Real World.
Flav ia Coel ho
Gin ga,PIA S.
Dans la lettre manuscrite quiaccompagne ce nouvel album, la chanteuse brĂ©silienneexpliquesaquĂȘteincessante dâunemusique toujourssincĂšre,endĂ©pit dâun statut dĂ©sormaisĂ©tabli, et sondĂ©sir de revenir auxsources :delamusique avec laquelle elle agrandi, de la sambaau G-funk,maisaussideson vĂ©cu personnel, adolescenteĂ R io de Janeiro. Avec une bonnedosedâamapiano, on tientun Ginga Ă lafoisdansant et fĂ©dĂ©rateur !
BallakéSissoko &DerekGripper
Ba lla k éS issoko &D er ek
Gr ipper,Platoon.
DĂ©cidĂ©ment fĂ©ru de collaborations, le cĂ©lĂšbre musicien malien fait icidialoguer sa kora avec la guitareduSud-A fricain DerekGripper,etcâest absolument superbe. Les27cordesici rĂ©unies modulent leshumeurs et lesĂ©motions, grĂąceĂ une Ă©coute mutuelle desdeux musiciensetĂ une sensibilitĂ©qui se dĂ©ploie au fils dessepttitressensibles, de «Ninkoy» à « Basle».Unduo presque Ă©v ident, mĂȘme si SissokoetGripper ne parlentpas la mĂȘme langue. â S.R
SO AP -O PĂ RA
Pour la prem iĂšre fois, une sĂ©rie nigĂ©riane a Ă©tĂ© tour nĂ©e en Inde. UN MĂTISSAGE COLORĂ, da ns lequel lâargent, la fa mi lle et lâamou r sâaffichent comme des va leurs sĂ» res. DA NS CET OR DR EâŠ
UNE QUINQUAGĂNAIRE nigĂ©riane richement enturbannĂ©e quitte Lagos pour se faire soigner en Inde, oĂč son frĂšre a fait fortune. Elle ne sait pas que son fils, qui lui cache sa vocation artistique, a gagnĂ© un concours de danse pour tourner un clip Ă Mumbai⊠En six courts Ă©pisodes, cette sĂ©rie raconte, façon tĂ©lĂ©novela chic, les « hasards » qui vont permettre de recoudre des fils familiaux distendus. Du golfe du BĂ©nin aux rives du Gange, le titre, Postcard s, colle bien Ă la mise en scĂšne, qui nâoffre que des images clichĂ©es et lĂ©chĂ©es des deux citĂ©s : autoroutes urbaines sans embouteillages dans la mĂ©galopole africaine ; cliniques rutilantes loin des bidonvilles dans la citĂ© indienne⊠Les difficultĂ©s dâintĂ©gration des Africains en Inde sont Ă©voquĂ©es au dĂ©tour des dialogues, mais aussi celles du mĂ©tissage, Ă travers le couple indo-nigĂ©rian formĂ© par un mĂ©decin et son Ă©pouse yoruba. En apparence progressiste, le scĂ©nario vante
un certain conformisme matĂ©rialiste (« On est riches, mais on nâest pas Elon Musk non plus ! »), voire moral, sur la famille et lâavortement Une femme est pourtant derriĂšre la camĂ©ra : Hamisha Daryani Ahuja, qui est aussi une productrice et actrice nigĂ©riane dâorigine indienne. Il y a quatre ans, dans un premier crossover, Namaste Wahala, dĂ©jĂ pour Netf lix, elle dĂ©crivait une love stor y Ă Lagos entre un banquier dâorigine indienne et une avocate nigĂ©riane. Cette fois, câest Nollywood qui sâest dĂ©placĂ© Ă Bollywood, scĂšnes de chant et de danse Ă la clĂ© (mention spĂ©ciale pour lâentĂȘtante chanson du gĂ©nĂ©rique), en partageant un humour finalement trĂšs british. Car comme le dit lâun des personnages : « On parle la mĂȘme langue, on a eu le mĂȘme colonisateur ! » â Jean -Marie Chazeau POSTCARDS (Niger ia), de Hamisha Daryan i Ahuja. Avec Sola Sobowa le, Tobi Ba kre, Richard Mofe-Dam ijo. Su r Net f ix
AL BU M
AprÚsu npremier al bu mt rÚsprometteu r, le chanteur sénéga la is signe Pa ssepor t,u nd isqueà lafoisGROOV YETCONSCIENT.
DĂS 2022, BumayĂ© imposait son talent. NĂ© en banlieue de Dakar, inspirĂ© par les voix dâOumou SangarĂ© ou de YandĂ© Codou SĂšne, il asuimporter en France les mĂ©lopĂ©es ouest-africaines et la langue lingala. Produit par Jordan Kouby (quâon avuaux cĂŽtĂ©s dâImany, Keziah Jones ou Faada Freddy), ce second album rĂ©ussit une fois encore le mĂ©lange des genres, entre ballades mĂ©lancoliques et afro-pop bien sentie. CĂŽtĂ© collaborations, Lass est entourĂ© du pianiste Roberto Fonseca, quâil considĂšre «comme un frĂšre»,etdeDavid Walters :« Nous nous sommes rencontrĂ©s lors du projet de Voilaaa avec le producteur Bruno Patchworks, et nous sommes restĂ©s en contact depuis. Nous communiquons et collaborons frĂ©quemment sur divers projets, et notre lien sâest transformĂ© en amitiĂ©. » Loin dâĂȘtre dĂ©vorĂ© par son ego, il souhaite mettre sa crĂ©ativitĂ© au service de ses convictions, sans en oublier le pouvoir rĂ©parateur. Ăcommencerpar le titre mĂȘme de lâalbum :« Il vise simplement Ă attirer lâattention sur
une injustice majeure entre les continents :certains ont le bon passeport, quand dâautres nâen ont pas.
Aujourdâhui, nous parlons de la mondialisation et de la maniĂšre dont le monde est devenu un petit village planĂ©taire. Les Ă©changes culturels, Ă©conomiques et humains sont cruciaux. Il est incomprĂ©hensible quâun Africain doive demander lâautorisation de voyager.
Pendant ce temps, les EuropĂ©ens, les AmĂ©ricains ou les Asiatiques nâont quâĂ acheter un billet pour explorer le monde. Les Africains restent confinĂ©s sur le continent. »
Ăcesentiment claustrophobique, Lass rĂ©pond par la musique la plus Ă©clectique possible. Le trĂšs beau titre conclusif de Passeport,« Samba », tĂ©moigne de son Ă©ternelle curiositĂ© :« En tant quâartiste, je ne fixe pas de limites, jâexplore toujours. Je mâinspire de nombreux de mes pairs africains, tels que Bembeya Jazz, Orchestra Baobab, Youssou NâDour ou Salif Keita. Ce bassin diversifiĂ© dâartistes enrichit Ă©normĂ©ment mes horizons musicaux. » â S.R.
LASS, Passepor t, Wagram Music/ Chapter TwoRecords
Co nc er td onné su rl as cÚne de la plage, à E ssaouira.
Pour sa 25e Ă©d it ion, le Fest iva l Gnaoua et musiques du monde va Ă nouveau SECOUER LâANCI EN NE MOGA DOR.
ESSAOUIR ArĂ©sonne encore desconcertsdeJimmy Page et Robert Plant(LedZeppelin)avecMaĂąlemBrahim El Belkani, de la prestation de Randy Weston avecAbdellahBoulk hair El Gourdou de celledeCarlosSantana avec MaĂąlemMahmoud Guinia. Ălâorigine de cesrendez-vous culturelsdevenus cultes, il yalatradition dâuneconfrĂ©rie dâanciensesclavessubsahariens arrivĂ©sauMaroc parles caravanesde la traite nĂ©griĂšre, au cours du XV Ie siĂšcle.Puis,lafouguedâune poignĂ©edâamisqui lance, souslahoulettedeNeila Tazi,unfestivalavant-gardiste, guidĂ© parlâurgence de sauvegarderunpatrimoineancestral menacĂ© de disparition. LâidĂ©e ?Faire fusionnerpassĂ© et prĂ©sent, scĂšne internationale et hĂ©ritage immatĂ©riel.Lasymbiose et lâĂ©nergie sont telles quâelles placentaujourdâhui Essaouirasur la carte mondiale desv illes musicales, au mĂȘme titreque Montreux ou la Nouvelle-OrlĂ©ans. Inscrit surlaliste du patrimoine immatĂ©riel de lâUnesco en 2019,lefestivalfĂȘtecette annĂ©e en grandunquart de siĂšcle de passions musicale,patrimoniale et humaniste. Avec un programmeambitieux â C.F.
25E ĂDITION DU FESTIVAL GNAOUA ET MUSIQUES DU MONDE, Essaou ira, du 27 au 29 juin 2024. festival -gnaoua.net
LI VR E Un textefor tetnécessa ire su rLAQUEST ION desSANS-PA PI ERS.
LA PHOTOENNOIRET BL ANCsur la couverture du livreest en elle-mĂȘmeun actederĂ©sistance. On yvoitune jeunefemme,entre questionnement, colĂšre et dĂ©termination,assisesur descouvertures entassĂ©esaupieddâune alcĂŽve dâĂ©glise. Ăses cĂŽtĂ©s, un enfant dort.LibrementinspirĂ© desĂ©vĂ©nements de lâĂ©glise Saint-BernarddelaGouttedâOr, occupĂ©e pardes Ă©trangers «ensituation irrĂ©guliĂšre » du 28 juin au 23 aoĂ»t 1996, le rĂ©cit de Gauz remet surledevantdelascĂšne lesacteurs de cettelutte Dans unelanguequi sonneetrĂ©sonne,lâauteur du remarquĂ© Debout-payĂ© (2014),finaliste du prix internationalBooker, redonne ainsi unevoixaux hommes et auxfemmesqui furent au cĆur de la batailledes «sans-papiers ». â C.F.
GAUZ , Les Portes, Le NouvelAttila, 192pages,18,50 âŹ
CI NĂ MA
Pour Ă©v iter dâĂȘt re EX PU LSĂDEFRA NCE, un jeu ne AlgĂ©rien va travail lerpou rdes pompes fu nĂšbres musu lmanes et renouer avec lesracines quâi lrejetaitâŠ
NĂ
ĂSĂTIF,filsdediplomatequi abeaucoupvoyagĂ©, Sofianeest un Ă©tudiant algĂ©rien pastrĂšsintĂ©ressĂ©par sesĂ©tudesenFrance, oĂč il vitavecsafamille. RĂ©sultat :lâuniversitĂ©nerenouvellepas soninscription,etilest menacĂ© dâexpulsion. Pour rester,ilvadevoirtrouver un contratdetravail.Etcâest dans uneentreprise de pompes funĂšbres musulmanes quâune possibilitĂ©sâoffre Ă lui.Pourlejeune homme, Ă©loignĂ©delareligion, venant dâun milieu plutĂŽt aisĂ© et rejetant sesracines, lâapprentissagevaĂȘtredifficile.BienquâĂ©gocentriqueetunpeu fanfaron,ilva finir parsâintĂ©resser auxautres⊠On dĂ©couv re avec luides gestes ritualisĂ©s sur lescorps desdĂ©f unts, rarement montrĂ©sdanslafiction,etonsuitlâĂ©volution de sonpersonnage, longtemps indĂ©chiffrable.LerĂ©alisateur algĂ©ro-brĂ©silien Karim Bensalah semble avoirmis beaucoup de luidanscepremier long-mĂ©trage, dĂ©licat et souventlumineux. Sâil forceparfois un peules Ă©vĂ©nements dans le scĂ©nario, sonportraitcomplexe dâun jeunearabe dâaujourdâhuiest plutĂŽt rĂ©ussi. â J.-M.C
SIXPIEDS SU RTER RE (France),deKar im Bensalah. Avec Ham za Meziani,Kader Affa k, SouadA rsane. En sa lles
« ĂTHIOPIE, LA VALLĂE DES STĂLES », MUSĂE FENAILLE, Rodez (France)
Du 15 juin au 3 novembre musee- fenaille.rodezagglo.fr
Le mu sĂ© e Fen aill e dâarchĂ© ologi e.
LE
MUSĂE FENA ILLE prĂ©sente des Ćuvres except ionnel les, issues dâun site un iq ue au monde, qu i fascine les archĂ©ologues depuis plus dâun siĂšcle.
DA NS LA VA LLĂE du Rift Ă©thiopien, sur les contreforts des hauts plateaux du sud-est, sâĂ©tend le pays gedeo, patrimoine culturel de lâUnesco depuis septembre 2023. Dans les forĂȘts sacrĂ©es, au-dessus des pentes cultivĂ©es, on pratique encore les rituels traditionnels et, le long des crĂȘtes, se dressent des milliers de monuments mĂ©galithiques vĂ©nĂ©rĂ©s par les Gedeo.
Les chercheurs tentent de percer les secrets de ces mystĂ©rieuses stĂšles phalliques ou anthropomorphes depuis plus dâun siĂšcle Ă lâoccasion dâune nouvelle mission archĂ©ologique française sur place, le musĂ©e Fenaille prĂ©sente « Ăthiopie, la vallĂ©e des stĂšles » : plus de 90 piĂšces originales, une sĂ©lection unique de mĂ©galithes provenant du site de Tuto Fela et dix stĂšles monumentales en pierre conser vĂ©es au Weltkulturen Museum de Francfort, exposĂ©es pour la premiĂšre fois dans lâHexagone Des objets collectĂ©s sur le terrain, croquis, vidĂ©os et entretiens avec les habitants, complĂštent le parcours Lâexposition sera dĂ©clinĂ©e dans un deuxiĂšme temps en Ăthiopie, en collaboration avec le musĂ©e national dâAddis-Abeba. â Lu is a Na nnip ier i
UN E RĂFLEX ION SU R LâEX IL , lâident itĂ©, les or ig ines, la mĂ©moi re, et le ta ngage entre deux pat ries, deux univers : la France
de la mĂšre, lâAlgĂ©rie du pĂšre.
« PETI TE , SI JE PR ENAIS LâAV ION EN HI VER, je voyais que lâAlgĂ©rie Ă©tait verte et que la France Ă©tait grise. Mais si câĂ©tait lâĂ©tĂ©, je voyais que la France Ă©tait verte et lâAlgĂ©rie ocre » Aller, venir, part ir, revenir Pour Yasmina Liassine, comme pour beaucoup dâautres, les or igines et les frontiĂšres nour rissent un questionnement sans fin, permanent, laby rint hique. Câest dâailleurs celui de la cathĂ©drale du SacrĂ©- CĆur dâAlger, matĂ©rialisĂ© par une mosaĂŻque composĂ©e de cinq carrĂ©s datant de 324 aprĂšs J.- C., qui amorce le cheminement de lâauteure. Cette piĂšce unique de lâar t chrĂ©tien antique est la plus ancienne reprĂ©sentation de lâĂglise sous forme de laby rint he Le dĂ©dale conduit au cent re, oĂč lâon peut lire dans tous les sens : Sancta Ecclesia (« Sainte Ăglise »). La pr imo-romanciĂšre, qui a signĂ© deux essais sur les mathĂ©matiques voilĂ quelques annĂ©es, sâest rĂ©appropriĂ© cette image mĂ©taphor ique pour sâengager dans une dĂ©ambulation intime Ă lâentour de ce quâelle nomme sa Sancta Al geria : « Jâai pr is conscience de tenir quand mĂȘme une sorte de fil dâAr iane qui me permet trait, je lâespĂ©rais, non pas de sort ir du laby rint he, car ce laby rint he est ma place et je mây trouve bien mieu x que dans toutes les rues rectilig nes du monde, mais du moins de mây promener sans crainte. » Avec une voix sincĂšre et cadencĂ©e, chargĂ©e de parf ums, de sons et de couleurs, cette fille issue dâun mariage franco -algĂ©rois, dans les annĂ©es 1960, avance, er re, se perd, rev ient sur ses pas, scrute ses souvenirs, cherche Ă comprendre les dissonances entre lâhistoire of ficielle et les histoires plur ielles dâune AlgĂ©rie oĂč cohabitent Ă©poques et communautĂ©s, dĂ©cr ypte les liens mĂȘlĂ©s de ce pays avec la France Elle nous entraĂźne dans un entrelacs dâĂ©motions, de sensations et de conf idences, distille histoires de vies, destinĂ©es de femmes, relents de nostalgie, dĂ©noue thĂ©orĂšmes, paradoxes et incohĂ©rences, lit et Ă©crit, « car le dĂ©compte object if du temps passĂ© dans un lieu ne ref lĂšte pas vraiment le reste, le temps passĂ© Ă rĂȘver, se souvenir, espĂ©rer » Un rĂ©cit fin et vrai Entre ombre et lumiĂšre. â C.F.
YASMINA LIASSIN E, LâOiseau des Français, Sa bi ne Wespieser, 184 pages, 19 âŹ.
Tour dâ hor iz DU CONT IN dâ inspirat ion,
rema rq uer lo SA LON DU
LES DESIGNERS les milanaise sâexposent au Salone Satellite, qui offre un vĂ©ritable tremplin Ă de jeunes crĂ©atifs triĂ©s sur le volet. Cette annĂ©e, la Tunisie a dĂ©barquĂ© en force avec le projet Creative Tunisia et les Ćuv res de Hassene Jeljeli, qui prĂ©sentait les nouvelles lampes en mĂ©tal ajourĂ© de sa marque JK lighting Faites Ă partir de feuilles de mĂ©tal rĂ©cupĂ©rĂ©es et artistiquement superposĂ©es, celles-ci diff usent une lumiĂšre changeante et douce, sublimant une matiĂšre nĂ©gligĂ©e. La Marocaine Selma Lazrak, basĂ©e Ă Munich, a exposĂ© son interprĂ©tation contemporaine des tables basses traditionnelles. Un travail Ă©purĂ© et minimaliste qui Ă©voque, Ă travers les lignes fines du bois et du travertin, mais aussi un jeu dâombres et de lumiĂšres, lâarchitecture du pays dans son essence. My riam Bouraga, quant Ă elle, a choisi de mettre en valeur le savoir-faire des artisans du Moyen Atlas, qui rĂ©alisent en laine locale les tapis uniques quâelle dessine
Ta pis Cha nti lly
Drea m, de ch ez
Ma rmouc ha, c i- contre ; la ve rs io n made in Africa du Big Ea sy, pa r Ro n Arad , ci -d es sous
dâart tissĂ©e Ă lâimage dâun tapis de la rĂ©gion de Mârirt, tout en nuances et contrastes doux. Chez lâĂgy ptienne Rania Elkalla, ce sont les coquilles de noix et dâĆufs qui sont Ă lâhonneur, avec Shell Homage Le bioplastique bariolĂ© est utilisĂ© pour crĂ©er une incroyable variĂ©tĂ© dâobjets : des coques de tĂ©lĂ©phones portables, des plateaux et mĂȘme des tables Mais les designers du continent ont aussi leur place chez les grands. Dolce & Gabbana a inclus des Ćuvres de Thabisa Mjo (A frique du Sud) et Ella Bulley (Ghana) dans le deuxiĂšme volet du projet GenD, qui crĂ©e des ponts entre la tradition italienne et le reste du monde Ă travers le travail de dix designers. Et Moroso a travaillĂ© avec Ron Arad pour proposer une version Made in Africa de son iconique Big Easy et rev isiter ses assises inspirĂ©es du continent, avec les collections Modou et MâAfrique. Toutes exposĂ©es dans le prestigieux cadre de la galerie Rossana Orlandi. â L.N.
TOM BUK-SWIEN T Y, La Lionne :Karen Blixen en Afrique, GaĂŻa Ăditions, 912pages,33 âŹ
Un récitcaptiva nt su rlav ie de KA RENBLI XENauKenya,r ichement illustrépar 230photographies.
SâAPPU YA NT surune correspondance et desdocuments dâarchives inĂ©dits, le journaliste, historienetĂ©crivain danois TomBuk-Swienty livreunportraitsaisissantdelâauteure de La Fermeafricaine (1937), romanautobiographique quiainspirĂ© le film OutofAfrica (1985),de Sydney Pollack. Si nous gardonssurtout en mĂ©moirelafolle passion quilie la future Ă©crivaineĂ lâaristocrate anglaisDenys FinchHatton, incarnĂ©s parMer yl StreepetRobertRedford,ledestinde cette hĂ©roĂŻnedela« vraievie »relĂšvepresque du my the. Celui dâunefemme libreetaventuriĂšre,passionnĂ©eetsanslimites. De sa jeunesse danoise Ă son Ă©mancipation littĂ©raire, sonparcours illustre et questionne une Ă©poque âcolonisation, PremiĂšre Guerre mondiale,relations entreles peuples,rapportsĂ lâautre et Ă lanature, etc. â, mais Ă©galementune personnalitĂ© complexemarquĂ©e parlaforce du dĂ©siretlarĂ©sistance Ă laperte et Ă lâĂ©chec.Pendant lesdix-sept annĂ©esquâelle passeau Kenya,mariĂ©epuisdivorcĂ©eaubaron suĂ©doisBrorvon Blixen-Finecke âqui luitransmetuntitre de noblesse, mais aussilasyphilisâ, KarenBlixendirige pendant dixans la Karen Coffee Company, une fermedecafĂ©comptant plusieurs centaines dâemployĂ©s.Devenue lâune despremiĂšresdirigeantes de grande entreprise au monde, avantde tout perdre,elleconnaĂźt surtoutune grande histoire dâamouravec lâAfriqueorientale britannique :« Un vasteunivers de poĂ©sie sâest ouvert Ă moi et mâalaissĂ©e pĂ©nĂ©trer en lui, ici, et je luiaidonnĂ© mon cĆur.» UnemaniĂšre de trouverunĂ©quilibre dans lâailleurs,pourcelle queles hautsetles basnâauront cessĂ©detourmenter. â C.F.
BA ND ED ES SI NĂ EUn ouvragedocumenta ire implacable su rlav ie SACR IFIĂEDES EN FA NTSSOL DATS.
EN 2020,A nnePoiret, journaliste et rĂ©alisatrice de filmsdocumentaires, prĂ©pare un reportage surles enfants de lâĂtat islamique. Troisans aprĂšslavictoire de lâIrak,elleveutanalyserlâaprĂšs-guerre, le traumatisme, ce quâilreste du conf lit en eux. Parmices «lionceaux du califat», certainsYĂ©zidis sont parquĂ©sdansdes camps de dĂ©placĂ©s.Câest au camp de Kadiaquâelle recueilleletĂ©moignagedeMahar,kidnappĂ© Ă dix ansauKurdistan irakien. Dans lesrangs de Daech, il connaĂźtlâendoctrinement desĂ©colescoraniques, la violence des centresdâentraĂźnement, lâenferdes combats. Ădouze ans, il se batĂ Deir ez-Zor,enSyrie, et Ă Mossoul,enIrak. Ătout cela, il asur vĂ©cu. Mais Ă quelprix? Saisissant â C.F.
AN NE POIR ET ET LA RS HORN EM AN, Mahar le lionceau,oulâenfanceperdue des jeunes soldatsdeDaech, Delcourt,144 pages, 18,95 âŹ
Lâa ct ric e Nisr in E rrad i incarn e ici u ne ar ti ste incom prise
LO NG -M ĂT RA GE
Une chanteuse ma roca ine, hĂ©ritiĂšre dâune trad it ion Ă lâodeu r de souf re, rĂȘve de gloi re Ă Casa blanca. Na bi l Ayouch livre un sa isissa nt PORT RA IT DE FEMME, prĂ©sentĂ© en prem iĂšre mond ia le au Fest ival de Ca nnes.
LA DERNIĂRE IM AGE du film nous cueille. On ne la racontera pas ici, mais la scĂšne finale est Ă la hauteur des ambitions du nouveau scĂ©nario de Maryam Touzani et Nabil Ayouch : nous faire suivre le parcours dâune artiste venue des marges de la sociĂ©tĂ© et des confins du Maroc. Touda fait partie de ces femmes mal comprises, notamment par les hommes, issues dâune lignĂ©e de chanteuses : les cheikhat ParĂ©es de leurs plus beaux atours, leurs longs cheveux souvent lĂąchĂ©s, elles dĂ©clament des textes dâamour, de rĂ©sistance ou dâinitiation, souvent grivois et qui viennent du fond des Ăąges Farouchement indĂ©pendantes, fardĂ©es et portant de lourds bijoux sur leurs robes somptueuses, les cheikhat ont souvent mauvaise rĂ©putation et payent cher leur amour pour ces chants immĂ©moriaux et impudiques Touda, radieuse quand elle chante, au bord de la transe, doit rappeler brutalement Ă ceux qui prennent ses paroles au premier degrĂ© : « Je suis une chanteuse, pas une pute ! » Le malentendu est aussi artistique : on lâapprĂ©cie pour ses talents de chanteuse â « tout le monde aime Touda », comme le dit un animateur de soirĂ©e, donnant son titre un peu ironique au long-mĂ©trage. Mais elle veut surtout incarner ce cri des cheikhat, la aĂŻta, un appel puissant et rugueux, assez Ă©loignĂ© des chansons taillĂ©es pour les mariages ou les cabarets
Câest alors quâelle se met en tĂȘte de rejoindre Casablanca, oĂč elle pourra prouver son talent et lâexposer sur les plus grandes scĂšnes. Afin dâincarner un tel personnage, il fallait bien une actrice Ă poigne, capable de laisser exploser toutes ses Ă©motions. Nisrin Erradi incarnait dans Adam (2020), de Maryam Touzani, une femme perdue, enceinte, qui parvenait Ă attendrir une veuve un peu revĂȘche, pĂątissiĂšre dans la mĂ©dina Comme dans le cinĂ©ma italien en noir et blanc, elle a la trempe dâune Anna Magnani pour camper une femme du peuple qui ne se laisse pas faire. Mais son personnage est ici sublimĂ© par la mise en scĂšne colorĂ©e de Nabil Ayouch, qui avait su si bien montrer dans Much Loved (2015) le quotidien solidaire de prostituĂ©es de Marrakech confrontĂ©es Ă lâhy pocrisie morale de la sociĂ©tĂ©. Cette fois-ci, il nâest pas question de rapports tarifĂ©s, ni de soutien entre pairs : Touda est toute seule dans ses rĂȘves, son ambition, et elle se raccroche Ă lâamour quâelle porte Ă son petit garçon pour avancer et porter au sommet un art dĂ©criĂ© quâelle maĂźtrise avec fougue Sa destinĂ©e nous emporte avec elle, magnifiquement, jusquâau dernier acte, bouleversant â J.-M.C EVERYBODY LOVES TOUDA (Maroc-France), de Nabil Ayouch. Avec Nisrin Erradi, Jalila Talemsi, Abdellatif Chaouqi En salles prochainement
Le voyage en sâhabillant
Patrice Kouadio, DESIGN ER
IVOI RI EN nous pa rle de
Ma rrakech Ă travers ses CA RT ES
POSTAL ES VEST IM EN TA IR ES.
PLONGER DANS MARRAKECH, son architecture, ses couleurs, ses paysages, prendre des Ă©lĂ©ments de la culture ivoirienne et tout mĂ©langer pour donner vie Ă un style particulier, oĂč chaque piĂšce raconte une histoire. Patrice Kouadio a alliĂ© sa passion pour la mode et pour lâarchitecture Ă son histoire personnelle pour donner vie Ă TRAVEL. en 2023. Un label qui lui a permis de dessiner des vĂȘtements qui lui ressemblent et de partager en mĂȘme temps son amour pour la ville ocre. Telles des cartes postales vestimentaires uniques, ses silhouettes sont conçues pour Ă©voquer des souvenirs de voyage et dâailleurs. Ivoirien trentenaire
installé au Maroc depuis ses études en ingénierie marketing, Kouadio travaille sur ce projet depuis plusieurs années.
Over sized et confor ta ble s, le s coup es sâad a pte nt Ă toutes le s mo rpho lo gi es.
Prenons cet Ă©lĂ©ment dentelĂ©, qui est une sorte de signature de sa marque et de son agence de crĂ©ation et arts visuels, EsthĂšte studio. Ce symbole gĂ©omĂ©trique que lâon retrouve partout Ă Marrakech, il lâavait remarquĂ© lors de ses flĂąneries estudiantines dans la mĂ©dina, sur le minaret de la Koutoubia. CaptivĂ©, il en a fait le point de dĂ©part de son projet, le transformant en poche de chemise au dĂ©part, et par la suite en en faisant un motif ciselĂ© sur ses boutons chrome et or de quatorze carats. Au fil des saisons et des capsules, rĂ©alisĂ©es en Ă©dition limitĂ©e par une ancienne petite main de Dior, le designer troque la laine bouclette pour le coton kĂ©ria local et pour la soie â des tissus provenant de fins de stocks des grandes marques, quâil mĂ©lange parfois avec du pagne baoulĂ© ivoirien dĂ©structurĂ©. Il garde, en revanche, toujours lâamour des coupes oversized, souples, dĂ©contractĂ©es et adaptĂ©es Ă toute morphologie. Dans la derniĂšre collection, « Symphonie de lâĂ©tĂ© », ses Traftans (Travel+caftan) sâinspirent du coucher de soleil sur Marrakech, ou de la vue de la ville depuis lâavion. Lâensemble Dot archi-kech reprend le tracĂ© des parcelles cultivĂ©es avec un motif Ă pois qui est un clin dâĆil au point du logo. Dâautres piĂšces Ă©largissent la palette au reste du pays, Ă©voquant le ciel dâEssaouira ou les pierres et le sable de la terre dâAgafay. @shop_travel â L.N.
mmage s Ă la vil le oc re, son arc hi te ct ure et ses pa ysag es, le s co ll ecti on s de Koua d io ra conte nt un e hi stoire.
TROIS SPOTS oĂč sâarrĂȘter pour savourer la ville dans un environnement culinaire
COSMOPOLITE ET MODERN E.
BOUILLONNA NT, le Cap est lâune des villes les plus vivantes de la scĂšne gastronomique sud-africaine. Un panorama oĂč Vadivelu occupe une place spĂ©ciale Avec le slogan « Indian With Attitude », ce resto Ă la dĂ©co jungle-contemporaine, inaugurĂ© en 2023 dans la trĂšs trendy Kloof Street, propose des plats 100 % sud-africains et indiens â câest-Ă -dire les recettes de la diaspora, notamment tamoule, arrivĂ©e dans le pays Ă la fin du XIXe Ă la carte, vegan-friendly, de la streetfood, comme les Pop Cones (galettes farcies avec fromage panir, chou mijotĂ© et oignons sautĂ©s) ou les bouchĂ©es de gambas tik ka, mais aussi les curr ys en tout genre. Y compris ceux de Durban, sans crĂšme, lait, yogourt ou beurre Dans le centre-v ille, on peut sâarrĂȘter chez Shuck + Scoop pour goĂ»ter les huĂźtres du Cap, parmi les meilleures au monde, que le chef pluri-primĂ© Rikku OâDonnchu sert accompagnĂ©es de glaces crĂ©meuses au sĂ©same, au chou-f leur ou au yuzu, et autres mets croustillants Une expĂ©rience sensorielle multiple, qui va du sandwich Tempura Oyster Club aux huĂźtres pochĂ©es dans la biĂšre, avec Ćufs brouillĂ©s aux algues nori et kimchi au concombre. Des combinaisons inĂ©dites dans un lieu
particulier : The Wiggle Room. Il sâagit dâun concessionnaire automobile, qui fait aussi bar, resto et boutique de luxe Loin du front de mer, dans le quartier mĂ©tissĂ© et bohĂ©mien dâObser vatory, le biologiste reconverti Ă la food Tapiwa Guzha a ouvert en fĂ©vrier 2020 Tapi Tapi, un cafĂ©-glacier pas comme les autres Pour les ingrĂ©dients, des glaces et des plats avant tout. Et ils sont tous fiĂšrement indigĂšnes : des pousses de bident hĂ©rissĂ©es de rooibos au millet, en passant par le tamarin. Mais aussi pour la dĂ©co, qui cĂ©lĂšbre lâhĂ©ritage africain, et lâambiance Dans une ville trĂšs blanche et hipster, ce cafĂ©, dont le nom Ă©voque tant les sucreries quâune joie enfantine Ă ceux qui parlent le shona, est un lieu oĂč tout le monde peut se sentir Ă lâaise. vadivelu.co. za/ wiggle.capetown/tapitapi.co. za â L.N.
LâARCH IT ECTE BR ITAN NICO-GHA NĂEN a livrĂ© une rĂ©sidence ar tist iq ue en terre, bois et bĂ©ton qu i ma rq ue son retour su r la scĂšne loca le.
LA RĂSIDENCE ARTISTIQUE Dot.ateliers, constr uite sur le front de mer dâOsu, Ă Accra, Ă la demande du GhanĂ©en Amoako Boafo, avait Ă©tĂ© partiellement inaugurĂ©e en fanfare dĂ©but 2023. Le cabinet de David Adjaye, responsable du projet, a rĂ©cemment annoncĂ© avoir apportĂ© les derniĂšres touches au bĂątiment carrĂ© de trois Ă©tages en terre et en bois, ponctuĂ© dâĂ©lĂ©ments en bĂ©ton brut Il accueille un espace de cowork ing et une bibliothĂšque, mais aussi un cafĂ© avec jardin, un studio et une galerie dâexposition InstallĂ©e au dernier Ă©tage, cette derniĂšre a Ă©tĂ© recouverte par un toit en dents de scie et des verriĂšres qui lâinondent de lumiĂšre naturelle Chaque ouverture du bĂątiment a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e pour favoriser la transition intĂ©rieurextĂ©rieur, encadrant des vues de la ville et de lâocĂ©an, et Ă©clairer doucement les espaces. Pour Adjaye, qui gĂšre toujours la direction ar tistique du cabinet, mais a cĂ©dĂ© la gestion de ses trois agences quelques mois aprĂšs avoir Ă©tĂ© accusĂ© dâagressions sexuelles par des anciennes salariĂ©es (accusations quâil nie) et avoir perdu plusieurs commandes, ce projet annonce un retour. Un test en terrain sĂ»r â son Ghana natal â avant de livrer en fin dâannĂ©e le chantier du Museum of West Af rican Ar t, Ă Benin City. dotateliers.space â L.N.
Alassane et Do mi niqu e Oua ttara, avec, Ă ga uc he, Al ly Coul ib aly, gran d ch ancel ie r de lâordre nat ional, et Ă droite, Da niell e Be n Ya hm ed, Fran ço is e Rem arck , mi nis tre de la Cu ltu re, et Zyad Li ma m.
Ă droi te, DBY ann onc e le lancem ent du prix.
un hommage a Ă©tĂ© rendu Ă BBY, avec lâannonce dâun prix Ă son nom.
JEUDI 16 MA I. Bienvenue au magnifique
Parc des expositions dâAbidjan, que lâon doit Ă lâarchitecte Pierre Fakhoury Câest la semaine du Salon international du livre (SIL A), quatorziĂšme Ă©dition, le plus important de la rĂ©gion, avec une foule de passionnĂ©s, de curieux, dâĂ©tudiants et dâĂ©coliers. MalgrĂ© la fragilitĂ© du secteur, lâĂ©crit, le livre, ne se porte pas si mal en CĂŽte dâIvoire Pour Anges FĂ©lix NâDakpri, prĂ©sident de lâAssociation des Ă©diteurs de CĂŽte dâIvoire (A ssedi) et commissaire gĂ©nĂ©ral du SILA, le secteur bouge, mĂȘme si une grande part des publications relĂšve encore du marchĂ© des livres scolaires. Ce 16 mai, câest aussi une journĂ©e particuliĂšre pour nous Dans le cadre du SILA, un hommage est rendu Ă BĂ©chir Ben Yahmed, fondateur de Jeune Af rique, lâhomme qui a eu lâintuition improbable et rĂ©volutionnaire de crĂ©er et faire vivre un magazine indĂ©pendant pour tout le continent. Un hommage Ă celui qui nous a quittĂ©s il y a dĂ©jĂ trois ans, le 3 mai 2021, le mĂȘme jour que celui de la libertĂ© de la presse, comme dans un remarquable et ultime message. BBY aura Ă©tĂ© un entrepreneur dĂ©terminĂ©, un journaliste convaincu, un militant des Suds, un observateur lucide, sans complexe, de la vie internationale. Cet hommage dâAbidjan, on le doit dâabord Ă son Ă©pouse
Danielle Ben Yahmed, bien dĂ©cidĂ©e Ă faire vivre lâĆuv re de BBY, Ă transmettre lâhĂ©ritage aux nouvelles gĂ©nĂ©rations. On le doit au prĂ©sident Alassane Ouattara, et Ă la PremiĂšre dame
Dominique Ouattara, des amis de BBY et de DBY, qui ont soutenu la dĂ©marche, et qui se sont associĂ©s Ă la cĂ©rĂ©monie. Cet hommage, on le doit enfin Ă Ally Coulibaly, grand chancelier de lâordre national. Ă Françoise Remarck, ministre de la Culture et de la Francophonie et ses collaborateurs. Et aussi Ă Anges FĂ©lix NâDakpri et aux Ă©quipes du SILA Le moment
aura aussi donnĂ© lâoccasion au prĂ©sident et Ă la PremiĂšre dame de visiter les stands du SILA Une visite prĂ©sidentielle chaleureuse, quasiment historique, la premiĂšre depuis prĂšs de vingt ans. Alassane Ouattara et BĂ©chir Ben Yahmed Ă©taient amis de trĂšs longue date, lâun Ă©tant politique, lâautre Ă©tant journaliste et Ă©diteur, ce qui ne manquait pas dâanimer leurs conversations et leurs Ă©changes. Et câĂ©tait normal de tous se retrouver Ă Abidjan. Les tĂ©moignages et les discours ont Ă©tĂ© de grande qualitĂ©, sincĂšres, Ă©mouvants, vivants, et drĂŽle parfois, avec lâanecdote nĂ©cessaire. Des amis, des anciens collaborateurs Ă©taient venus dâun peu partout : de Paris, de Tunis, de Conakr y, de Casablanca, de Bamako, de Dakar, dâAbidjan Ă©v idemment, de Librev ille aussi. Des journalistes, des entrepreneurs, des auteurs, des professionnels de la presse sont prĂ©sents dans la salle.
Au-delĂ de lâhommage, et de la rĂ©union dâamies et dâamis, lâĂ©vĂ©nement a permis Ă Danielle Ben Yahmed dâannoncer un moment fort : la crĂ©ation dâun prix de journalisme BĂ©chir Ben Yahmed Lâambition sera de soutenir et distinguer ceux et celles, en Afrique, qui contribuent activement Ă ce mĂ©tier si nĂ©cessaire, plus encore aujourdâhui. Le travail est en cours. Il sâagit de mettre en place le conseil de personnalitĂ©s chargĂ©es de finaliser le projet, dâidentifier clairement les catĂ©gories primĂ©es. Avec comme objectif lâattribution des prix, lâannĂ©e prochaine, en mai 2025 Et avec certainement dâici lĂ une ou deux Ă©tapes intermĂ©diaires. On en reparlera, Ă©v idemment â Zyad Limam
du prix
. Son roman dâapprentissage Ces soleils ardents dĂ©peint avec justesse et maturitĂ© lâentrĂ©e dans lâĂąge adulte de deux amis Ă©tudiants Ă Abidjan, entre aspirations, espoirs et difficultĂ©s. propos re cueillis par Astrid Krivian
En langue guĂ©rĂ©, son prĂ©nom signif ie « le feu nâest pas Ă©teint » : une philosophie qui traverse son premier roman, justement nommĂ© Ces soleils ardents Nincemon FallĂ© narre le parcours de deux jeunes amis, Iro et Thierr y, Ă©tudiants en lettres Ă lâUniversitĂ© FĂ©lix HouphouĂ«t-Boigny, Ă Abidjan. AnimĂ©s par la flamme de leurs aspirations, de leurs passions â lâĂ©criture pour lâun, la couture pour lâautre â, dĂ©sireux de se faire une place au soleil, ils font face Ă la prĂ©caritĂ© Ă©tudiante, aux perspectives dâavenir compromises, aux Ă©preuves personnelles, aux injonctions sociĂ©tales, au poids de lâhĂ©ritage familial. « Je voulais raconter la jeunesse ivoirienne, qui a des ambitions, soif de rĂȘves, mais qui se trouve dans des situations difficiles, compliquĂ©es », dĂ©roule lâauteur Nourris de ses propres doutes, ses hĂ©ros sont inspirĂ©s de ses observations lors de ses Ă©tudes dans cette mĂȘme facultĂ©. Pour eux, rĂ©ussir est la seule option possible. « Ils nâont pas de soutien familial ; la sociĂ©tĂ© ne se plie pas en quatre pour les aider. Il faut donc prendre des dispositions particuliĂšres. » Le goĂ»t amer de la dĂ©faite laisse vite place Ă lâespoir. « La rĂ©silience est intrinsĂšque aux Ivoiriens. On trouve une lueur dans lâobscuritĂ©. Mon roman transmet un message dâespoir : malgrĂ© notre situation, on va se battre et sâen sortir. » Ce rĂ©cit dâapprentissage aborde aussi la transmission, le rappor t pĂšre-f ils â comment se constr uire quand le pĂšre est « dĂ©faillant » ? Iro et Thierr y vont sâaffranchir de la norme, se libĂ©rer du rĂŽle auquel on veut les assigner. « La sociĂ©tĂ© attend dâun homme quâil Ă©tudie, travaille, gagne de lâargent, achĂšte une maison, fonde une famille. Refuser ce schĂ©ma, ce canevas, est un travail de dĂ©constr uction difficile, mais nĂ©cessaire, afin de creuser son propre chemin. » Le primo-romancier de 22 ans partage avec son personnage Iro une vision absolue de lâĂ©criture. « Il faut sây consacrer entiĂšrement, tout donner de soi â ses sentiments, ses Ă©motions », confie-t-il. En grandissant Ă Yopougon, « la commune populaire de la joie, de la fĂȘte, Ă Abidjan », il se passionne trĂšs tĂŽt pour le dessin, quâil pratique, le cinĂ©ma, la BD, la photographie. Les livres ? Un objet prĂ©tentieux Ă ses yeux. Mais quand son pĂšre et son grand-pĂšre lâincitent Ă lire, Ă dĂ©couv rir des auteurs, il y prend goĂ»t. Premier coup de cĆur : le palpitant Les Frasques dâĂbinto, dâAmadou KonĂ©, dĂ©vorĂ© en deux jours. Ă lâadolescence, il Ă©crit des histoires cour tes publiĂ©es sur les rĂ©seaux sociaux. La saga LâAmie prodigieu se, dâElena Ferrante, nourrit son dĂ©sir de dĂ©peindre une amitiĂ© tout en racontant en toile de fond un peuple, une ville. En parallĂšle de ses Ă©tudes de lettres modernes, il passe un BTS en communication visuelle, puis devient graphiste dans une agence de communication Câest le prix littĂ©raire Voix dâAf riques, lancĂ© par les Ă©ditions JC LattĂšs, RFI et la CitĂ© internationale des ar ts, qui le pousse Ă Ă©crire Ces soleils ardents « Je fonctionne beaucoup Ă la pression » Pari gagnĂ© : il est le laurĂ©at 2024. « Un rĂȘve Ă©veillĂ© ! », dâautant que lâĂ©crivain sĂ©nĂ©galais Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021, prĂ©sidait le jury « Ses encouragements, ses fĂ©licitations mâont rĂ©confortĂ© », sâenthousiasme-t-il. Loin de se reposer sur ses lauriers, il planche dĂ©jĂ sur son prochain roman. â Ces soleils ardent s, JC LattĂšs, 306 pages, 20 euros
«Je
voulais raconter la jeunesse ivoirienne, qui a des ambitions, soif de rĂȘves, mais qui se trouve dans des situations diffciles, compliquĂ©es.»
Ou parlebiais denotre prestataireaveclebulletinci- dessous Contem po ra in , en pr is e avec cetteAfr iq ue qui ch an ge, ouvert su rl em on de dâaujourdâhu i, es tvot re rendez- vous mens uel in di spen sabl e.
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Câes t un fl Ă©a u au quot idien, qu i se dĂ©velop pe, croĂź t et em pire tranquillement dâannĂ©es en annĂ©es. Entre les coups dâĂtat, les guerres, le terrorisme, les sĂ©cheresses et autres actualitĂ©s alarmantes qui frappent le continent, on lâa presque oubliĂ© Pour tant, le trafic de mĂ©dicaments et les contrefaçons explosent en Afrique de lâOuest, et font environ 50 0 000 victimes par an. Selon un rappor t de lâOf fice des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), entre 19 et 50 % des molĂ©cules qui circulent en Mauritanie, au Mali, au Niger ou au Tchad sont de qualitĂ© infĂ©rieure Ă la moyenne ou falsifiĂ©es Un chif fre qui grimpe Ă 80 % en GuinĂ©e ou au Burkina Faso, selon dâautres Ă©tudes menĂ©es par la Cedeao.
Ce trafic, selon certaines estimations, serait encore plu s lu cr at if que ce lu i de la dr og ue. Il rapportait dĂ©jĂ en 2019 autour dâun milliard de dollars. Et dâaprĂšs les experts et enquĂȘteurs, les faux mĂ©dicaments et vaccins se sont multipliĂ©s depuis le Covid -19, palliant pour beaucoup la pĂ©nurie gĂ©nĂ©rale vĂ©cue pendant la pandĂ©mie Ces mĂ©dicaments prolifĂšrent en toute impunitĂ©, faute dâun cadre juridique adaptĂ©, et proviennent de deux circuits qui se complĂštent. Ils peuvent ĂȘtre directement produits dans des usines clandestines de faux installĂ©es au Maroc, au Ghana, au SĂ©nĂ©gal, au Nigeria, ou encore en Inde ou en Chine. Il pe ut au ss i sâag ir de m Ă©d ic ame nt s dĂ© ro utĂ©s Ă pl usi eu rs en dr oi ts dâun e ch aĂźn e de pr od ucti on lĂ©gal e. La corruption gĂ©nĂ©ralisĂ©e, depuis lâemployĂ© de labo au revendeur sur le marchĂ©, en passant par les transpor teurs et les agents de sĂ©curitĂ©, se charge du reste. On se souvient par exemple quâen 2022, 70 enfants gambiens mouraient brutalement aprĂšs avoir ingĂ©rĂ© un sirop contre la toux fabriquĂ© en Inde⊠Entre les placebos, les mĂ©dicaments pĂ©rimĂ©s et les substances carrĂ©ment toxiques, ce trafic tue en toute impunitĂ©.
En Af rique de lâEs t, cer taines in st it ution s exis tent, traq uent les fi liĂšres, mai s di spos ent en co re de peu de leviers juridiques pour aller plus loin. Et on vient par exemple de faire retirer de la vente au Kenya, en Afrique du Sud ou au Nigeria un sirop pour enfants commercialisĂ© par une marque amĂ©ricaine, pour surdosage en diĂ©thylĂšne glycol, qui peut ĂȘtre toxique, voire mor tel. Mais il est bien rare de voir le sujet des faux mĂ©dicaments et des substances frelatĂ©es clairement mentionnĂ© dans les politiques de santĂ© des pays dâAfrique de lâOuest On le sait, tout trafic, international de surcroĂźt, est trĂšs difficile Ă enrayer. Mais celui- ci touche particuliĂšrement notre continent et prospĂšre au vu et au su de tous, presque en silence. Il serait temps dâen faire une prioritĂ©. Aussi. â
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