AM 470 FREE

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DÉCOUVERTE

Djibouti

NOUVELLES ÉTAPES

Souveraineté, diversification, élection...

Un dossier spécial de 29 pages.

INTERVIEWS

w David Diop :

« Ce que le passé nous dit est précieux »

w Maïram Guissé :

« Ces femmes noires, héroïnes du quotidien, et qui sont mes stars »

BUSINESS

Les minerais, au cœur de la bataille de l’industrialisation

LA PROMESSE JEUNE

C’est l’une des révolutions les plus stupéfiantes d e l’humanité. En 19 00 , l’Af ri qu e com pt ai t 13 0 à 140 millions d’habitants, un immense espace naturel (30 millions de km2, presque 20 % des terres émergées), sous-peuplé, drainé par le choc de l’esclavage et de la colonisation À l’heure des indépendances, ce chif fre va à peine doubler, passant à 30 0 millions d’habitants. Et depuis, c’est l’explosion démographique. En un peu plus de soixante ans, une vie d’homme, nous avons quintuplé notre population. Aujourd’hui, nous sommes près de 1,5 milliard.

En parallèle, l’Afrique s’est urbanisée à très grande vitesse. En 1950, 15 % des Africains vivent en ville, 25 % en 1980, presque 45 % aujourd’hui, soit 60 0 millions de cita dins Et d’ic i à 20 50, on devrait com pter près de 1,5 milliard d’urbains. Lagos, Kinshasa, Dar es Salaam, N ai ro bi , Ad di s- Ab eb a, Le Ca ire ou Jo han ne sb urgPr et or ia so nt en tr ai n de de ve ni r de vé ri ta bl es m ég ap ol es , av oi si na nt ou dé pas sa nt le se ui l de s 10 millions d’habitants. Des conurbations voient le jour, comme celle qui reliera un jour Abidjan à Lagos. Une vraie révolution sociétale.

Cette dynamique n’a pas encore atteint son pic. D’ici à 20 50, le contin ent verra sa population passer d’environ 1,5 milliard à près de 2,5 milliards d’habitants, s au f inve rs io n de la te nd an ce So it un qu ar t de la population mondiale. Elles et ils sont aujourd’hui plus de 60 % à avoir moins de 25 ans. Et demain, ils seront 1,2 milliard Malgré l’ampleur de la poussée, l’Afrique ne s’ef fondre pas. Oui, la croissance ne va pas assez v it e po ur ab so rb er la dé mo gr ap hi e. Ou i, ce rt ai ns pays, en par ticuli er au Sahel et en Afriqu e centrale, s ont me na cé s pa r la va gu e, ma is gl ob al em ent, le continent progresse. En 1960, notre richesse globale dépassait à peine, en dollars courants, 70 milliards. Le PIB at teint aujourd’hui près de 3 00 0 milliards de dollars. N ous avons multipli é notre économie par 50 depuis les indépendances. Et nous devrions at teindre environ 6 000 milliards de dollars aux alentours de 2035 -2040. Mais les inégalités sont patentes et les sociétés, les règles sociales, les systèmes éducatif et de santé sont bouleversés par ce choc tellurique La « question jeune »

devient essentielle. Les digital natives – ou génération Z, celle qui est né e après 19 95, avec Internet – mènent le mouvement. Elles et ils se sont émancipés du récit postcolonial. Elles et ils sont connectés, conscients de ce qu’il se passe ailleurs Ils sont dans le réel Ils demandent plus d’éducation, plus de santé, plus d’emplois Et plus d’équité, de justice dans la répartition des richesses. Ils veulent déboulonner le « grand frérisme » et les codes so ci au x qu i prof itent so uvent ou trag eu se me nt au x « élites installées ».

Évidemment, c e « paysage jeune » n’est pas homogène. Elles et ils sont nombreux à être piégés dans la pauvreté (urb aine ou rurale), nombreux à ne pas avoir de formation, nombreux aussi à être tentés par le radicalisme religieux, le nihilisme, la violence ou l’exil Et cette « génération perdue » est tout aussi impactante que la génération Z. On pourrait alors verser dans le catastrophisme, celui du « grand nombre ».

Mais on peut aussi changer de prisme, de discours. L’Af ri qu e es t du ra bl em ent « je un e », au mo ins ju sq u’ à la fin du si èc le Et cette jeun esse est source aussi de force, de dynamisme, d’opportunités. En s’appuyant sur le nombre, justement, sur l’industrialisation progressive, sur l’urbanisation (et les services qui vont avec). Sur l’agriculture et l’agribusiness, sur les télécommunications et le digital, les énergies et le développement durable, en basculant progressivement vers un capitalisme africain, moins cloisonné, et surtout créateur d’emplois Et ce qui compte, en parallèle, ce sont des États investis dans l’équité sociale, la redistribution, la gouvernance (raisonnable), et l’urgence en matière d’éducation (en s’adaptant aux réalités locales et aux besoins) et de santé (en privilégiant les plus fragiles).

Les recettes du fameux « dividende démographiq ue » (q u’ont connu d’autres pay s comme la Chine) sont là. Le chemin sera long, mais cette génération et les suivantes (celles de l’intelligence ar tificielle) po rtent en el le s un e fo rm id ab le prom es se, ce ll e de la transformation du continent Cette jeunesse, nombreuse, motivée, pourrait être le chaînon manquant d’un véritable saut qualitatif et quantitatif pour le développement de l'Afrique. ■

PA R ZYAD LI MAM

3 ÉDITO

La promesse jeune par Zyad Limam

6 ON EN PARLE

C’EST DE L’ART, DE LA CU LT UR E, DE LA MODE ET DU DESIGN Libres échanges

24 PA RCOURS

Alain Serge Dzotap par Astr id Kr ivian

27 C’EST COMMEN T ?

La lente agonie des pays de l’AES par Emmanuelle Pont ié

106 VINGT QU ESTIONS À… Nadir Ben par Astr id Kr ivian

TEMPS FORTS

28 Gen Z : La grande exigence par Cédr ic Gouver neur et la rédact ion d’AM

40 David Diop : « Ce que le passé nous dit est précieux » par Astr id Kr ivian

76 Tarik Saleh : « Je passe mon temps à chercher où pouvoir tour ner » par Jean-Mar ie Chazeau

82 Teju Cole : « La dignité, c’est de refuser d’accepter sa propre négation » par Cather ine Faye

88 Maïram Guissé : « Ces femmes noires qui sont mes stars » par Astr id Kr ivian

DÉCOUVERTE

45 Djibouti : Vers la nouvelle étape par Zyad Limam et Rémy Darras

46 Une nation si sing ulière

48 Ismaïl Omar Guelleh : La st ratégie de l’éq uilibre

54 Les chiffres qui parlent

58 Cap vers les grands larges

62 Hassan Issa Sultan : « Notre objectif : défend re notre souveraineté »

66 L’exigence du rable

70 La du re écolog ie du cargo

72 Carte postale : voyagez Djibouti !

Zyad Limam

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com

Assisté de La ur en ce Li mo us in llimousin@afriquemagazine.com

RÉ DACTI ON Em ma nue lle Po nt ié

DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com

Isabella Meomartini

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Camille Lefèvre PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com

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ON T CO LL ABO RÉ À CE NU MÉ RO

François Bambou, Jean -Marie Chazeau, Rémy Darras, Aurélie Dupin, Catherine Faye Vanessa François Moïse Gomis, Cédric Gouverneur

Astrid Krivian, Luisa Nannipieri

Sophie Rosemont, Jihane Zorkot

VE NT ES

FRANCE Destination Media

66 rue des Cévennes - 75015 Paris

TÉL. : (33) 1 56 82 12 00

AB ON NE ME NT S

OPPE R SE RVICES

Léonce Ndikumana : « Le problème de la fuite des capitaux ne disparaîtra pas de lui-même » 100 Un nouvel accord entre le Maroc et l’UE

20, rue Rouget de Lisle 92130 Issy-Les -Moulineaux

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SAS au capital de 768 20 0 euros.

PRÉSIDENT : Zyad Limam.

Photogravure : Philippe Martin

Imprimeur : Léonce Deprez ZI

Secteur du Moulin 62620 Ruitz

Commission paritaire : 0229 D 85602. Dépôt légal : novembre 2025

e d’inf ormation, sans aucun but publicit air e. La re pr oduction, même par tielle, des ar ticles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2023.

ON EN PA RL E

C’es t ma in te na nt , et c’es t de l’ar t, de la cu lt ur e, de la mo de , du de si gn et du vo ya ge

L’installation Parliament of Ghosts d’Ibrahim Mahama se déploie dans le bâtiment londonien d’Ibraaz

ÉCLIBRESHANGES

Le ghanéen IBRA HI M MA HA MA inaugu re I braa z, un nouveau lieu d’ar t, à Lond res.

FONDÉE PA R LINA LA ZA AR, critique d’art et commissaire d’exposition tunisienne, dans le cadre de la Fondation Kamel Lazaar – qui produit et soutient des initiatives et des projets artistiques et culturels dans toute la région MENA (Middle Ea st and North Af rica) –, Ibraaz a débuté, en 2011, comme une plate-forme en ligne dédiée aux scènes de tous ces pays. Installée depuis peu dans un bâtiment londonien classé, son extension physique, quelque 10 000 m2 et six étages, propose des espaces mis au serv ice des arts, de la culture et des idées. Pour son ouverture, l’artiste ghanéen Ibrahim Mahama a transformé l’une des grandes salles avec Parliament of Ghosts, une installation construite à partir de meubles de l’époque coloniale et de sacs de jute collectés pendant la période du Covid. Figure incontournable de l’art contemporain, reconnu pour ses installations monumentales, l’artiste nous confronte aux dispositifs de mondialisation historiques et contemporains. Ibraaz, qui signifie « éclairer » en arabe, se veut avant tout un lieu de découverte gratuit, où des communautés venues de tous les horizons peuvent se rencontrer et échanger Au niveau de la rue, la librairie Maktaba et le café Oula invitent la ville à entrer La salle de réunion Majlis accueille des expositions et des débats ; Minassa, au rez-de-chaussée, organise des projections et des spectacles ; et Iqra, la bibliothèque, offre un espace de réflexion et de lecture. Un site protéiforme, où l’écoute et la prise de risques forgent de nouvelles solidarités. ■ Catherine Faye

IBRAHIM MAHAMA, Parliament of Ghosts, Ibraaz, Londres, jusqu’au 15 février 2026 ibraaz .org

EX PO

ALTITUDES

IVOIRIENNES

Instal lé àA bidjan depu is desdécen nies, NABIL ZORKOT su rvoleson pays, appa reil photoetd rone àlamai n.

LESLECTEURSDUM AGAZINEpeuvent voir régulièrementses images dans noscolonnes. Et ce depuis de nombreuses années. Forméinitialementaux métiersducinéma, NabilZorkot, chasseur d’images ivoirien d’originelibanaise,auraitpresque pu être né avec un appareil photodansles mains. Installé àAbidjan depuis près de quarante ans, il s’impose commel’undes plus constantsetprolifiques témoinsv isuels de sonpays, qu’ilsillonne du nord au sudetd’est en ouest. En essayant d’être au plus près,depratiquer une« photographie sans artifice ». Le photographeseveutaussi éditeur– avec la maison Profoto–etcréateurdeliv res, avec descollections quis’intéressent au voyage,aupatrimoine, àlacuisine…Ledernier ouvrageparu, La Côte d’Ivoire vueduciel, préfacépar Yann Arthus-Bertrand, spécialiste du genre, invite àsur voleretà découv rirunpaysnédel’eau,sculpté parles lagunes, lesf leuves,l’océan,maisaussi parlaforêt,lasavane et la montagne.DelalaguneÉbrié auxreliefs du mont Nimba, desterresocredunordaux mangrovesdulittoral, en passant parladensité urbained’Abidjan, ce beau livrerévèlelamultiplicité géographique ivoirienne et la manièredontles populations entretiennent, depuis si longtemps, un lien intime avec leur environnement. Un voyage visuel quimet aussienlumière la transformation du pays :infrastructures modernes,v illes en expansion, zonesagricoles et minières quiportent l’élan économique.L’aventureacommencéaveclacomplicitédupilote Noël Succar.Etaurapuêtreachevée avec l’aide très précieuse du drone, quipermetdes’éleverjusquesousles nuages,etaussi d’échapper au maldel’air du photographel’œil collésur le viseur Un kaléidoscope grand-anglequi restitue la complexité,labeauté brute, l’équilibredynamique desmatières, destextures, des couleurs quicomposent cetteCôted’Ivoireminérale, aquatique, urbaine, traditionnelle,et particulièrement vivante. ■ Zyad Limam

SO UN DS

Àécouter maintenant !

At aKak, Bata kari , AwesomeTapes From Af rica /Modulor

Ça dansetoujours secchezlechanteur et compositeurghanéen, quimaîtrise comme personne lessonorités sy nthétiques.Entémoignece Batakari né grâceauretourdef lammedontAta Kak, auteur d’un cultemaisignoré Obaa Sima (1994),abénéficié il yaquelquesannées. S’ouvrantsur un morceautaillépour le dancef loor,ilneperdpas en beats jusqu’au «K ae »final,ludique et festif

JoweeOmici l, sMiL es , Ba sH! Vi llageRec ords/Modulor

Suda nA rchives, Th eBPM , Stones Th rowRec ords

Né àMontréalausein d’unefamilleoriginaire d’Haïti, ce brillant multi-instrumentiste mais,surtout,saxophoniste,réinvente aujourd’huilefabuleuxetapriori inatteignablerépertoiredeMiles Davis… en év itantleformatattendu de l’album de reprises ! sMiLes proposedonconze pistes au jazz très,trèslibre,de« Throw it Away », d’AbbeyLincoln,auformidable «SHouLdIsMiLe?»,partagé avec la chanteuseDominique Fils-A imé. Elleécrit,compose, chante,joueduv iolon, jongle entreles genres musicaux tout en célébrantlaculture noire… Avec ce nouvel albumporté parla vitalité activistedes scènes dance, houseettechnodeChicago et Détroit, SudanA rchivesdirigeunOrchestral BlackDance Musicultraperformant, dont l’ambition n’estpas sans rappeler celledeSun Ra,deJohnColtraneou de George Clinton. ■ Sophie Rosemont

CI NÉ MA

«J’AITUÉ UNARABE »

La nouvel le adaptation au ci néma de L’ÉT RA NGER , d’Al bert Ca mus, replacel ’A lgér ie colonialeaucœu r d’un desl iv resf ra ncophonesles plus traduits au monde. Un fi lm POLI TIQU Eautantq u’ESTH ÉT IQUE.

EN QUAT RE-V INGTSA NS,c ’est seulementlaseconde adaptation au cinéma de ce best-sellerdelalit térature mondiale.Traduit en 75 lang ues, L’Ét ranger,d’A lber t Camus, paru en 1942,est devenu un film en 1967,réalisé àA lger parLuc hino Visconti,maissousle cont rôle st rict de la veuveduPri xNobel de littérat ure, avec Marcello Mast roiannien tête d’af fiche. En 2025,FrançoisOzonn’a pasputourner en Algérie, mais au Maroc, àTanger, et il a choisi un jeunecomédienf rançais(Benjamin Voisin)pourle rôle pr incipal, en prenantquelquesliber tésavecleroman Ainsi, au lieu de commencerpar :« Aujourd’hui, mamanest morte»,lerécit commence parune phrase placée quelques pagesplusloin: «J ’ait ué un Arabe. »Une façonderecentrer l’action dans le contexte colonial de l’époque.Noussom mes en 1938,l’A lgér ie estsousdominationf rançaise,etles populationsd’origineseuropéenne, arabeetberbère ne se mélangentpas vraiment.Meursault,jeune employé de bureau sans ambition,sembleindif férent àtoutcequi ar rive autour de lui, et même dans sa vie, commeétrangerà

lui-même.Ilf réquente unejolie jeunef illesansexprimerle moindresentiment,abatf roidementsur uneplage un jeune Arabequi avaitmenacéson voisin et,lorsduprocèsqui suiv ra,sever ra bien plus reproc herdenepas avoirpleuréà l’enterrementdesamèreque d’avoirassassiné un Algérien. C’estcet te distance quifaittoute la forceduf ilm, quipasse moinspar la parole (avecderares recoursà la voix of f) que parl’image,subliméepar un noir et blancbaignédusoleil du Maghreb. En donnantunprénomàlasœurdelav ictime et en la faisantdialoguer avec la fiancéedumeurt rier, François Ozon (dontune partie de la familleavait dû rent rerd’A lgér ie en France dèslaf in desannées1950) se permet unetouchedemoder nité quin’enlèver ienaux interrogations d’Albert Camussur le sens de la vie. Sa fille Cather inead’ailleurs validé le résultat.Celiv re iconique estloind’êtreécorné, au cont raire. ■ Jean -Marie Chazeau

L’ÉTRANGER (France),deFrançoisOzon, avec Benjam in Voisin ,Rebec ca Ma rder [photo ci-d essu s], Haja rB ou zaou it.E nsal le sle29o ctobre

MU SI QUE

AMADOU & MARIAM L’HYMNE À LA VIE

Avec L’AMOUR À LA FOLIE, la chanteuse et son mari, aujourd’hui disparu, signent un manifeste d’AFRO-BLU ES incandescent et engagé.

« IL FAUT RA PPELER à tout un chacun qu’il ne faut pas, en dépit de mauvaises nouvelles incessantes, perdre de cette beauté de la vie. Il faut la prendre telle qu’elle est », nous confiait-il, il y a quelques saisons. Disparu le 4 av ril 2025, Amadou Bagayoko ne brille pourtant pas par son absence ici puisqu’il aura veillé au bon cheminement de cet album – à moitié posthume, donc. Fidèle à l’esprit du duo, performatif par essence, sa veuve Mariam Doumbia va désormais porter sur scène L’Amour à la folie. Imaginé comme une célébration de la vie, ce nouvel album d’Amadou et Mariam témoigne toujours de leur formule magique, façonnée grâce à des décennies de concerts, moult collaborations internationales et une curiosité à toute épreuve : le mariage d’instruments traditionnels et de textures électroniques, de blues malien et d’influences occidentales majoritairement pop. Conçu entre Bamako, Barcelone et Paris, il condense une vie nomade et néanmoins fidèle aux traditions ouestafricaines Sous la direction du réalisateurarrangeur Pierre Juarez, déjà complice du duo depuis Lamomali, la guitare d’Amadou retrouve son rôle de boussole Autour de lui et de Mariam, Busy Twist, producteur anglais master ès sonorités afro et caribéennes, Manu Chao, de retour après Dimanche à Bamako (« Mogolu »), et la star nigériane Fally Ipupa invitée sur l’imparable « Sonfo ». Riffs psychés, ry thmiques pulsatiles… Derrière la pluralité sonore, il s’agit d’assortir le mental au corps, de célébrer le monde et l’amour dans le bien nommé « Je t’aime à la folie », d’appeler à un réveil des consciences avec « Généralisé » et « On veut la paix ». Enfin, la ballade acoustique « Tanu » nous donne à écouter pour la dernière fois le timbre accueillant et fédérateur d’Amadou Car l’amour fou résiste à tout. Même au silence. ■ S.R.

OJ OZDR AMADOU ET MARIAM, L’Amour à la folie, Because Music.

LETICIAN’CHO, Slimane&Marie –tome 1, éd it ions Leticia N’cho, 40 pages, 12 €

LI VR E

AU FILDEL’EAU

L’ARGENT RACONTÉ AUXENFANTS

Unebande dessinée joyeuseet at tachante pour poserles bases d’uneÉDUCATION FI NA NCIÈRE.

QU’EST-CEQUE C’EST, L’ARGENT ?À quoi il sert ?D’oùilv ient ? Et pourquoi c’estimportant d’apprendreà le gérer? Ce sont tant de questionsqu’il estparfois difficiled’aborder en famille, même si le faireencouragerait la prisededécisionenautonomie et responsabilité chez lesplusjeunes. Avec la collection de bandes dessinées« Slimane&Marie », l’entrepreneuseet ancienne Miss Côte d’Ivoire LeticiaN’Cho s’estdonné pour objectif d’encourager le dialogue entreparents et enfantssur la valeur de l’argent,leurproposant uneœuv re ludiqueet utile, inspirée de sa viequotidienne.Les deux protagonistes, Slimane, 9ans,etMarie,7 ans, vivent desaventures pleines d’émotionetd’humour, quileurapprendront lesbases de l’éducationfinancièreentoute simplicité.Lepremier tome de cettesérie de BD,àlireensemblepourfavoriser leséchanges, s’accompagne d’un cahier de défis, un carnet d’objectifset un mini-lexique quiprolongentl’apprentissage de manièreinteractive.Àpartirde7 ans. ■ LuisaNannipieri BD

Sous la plumev ir tuose d’ELIF SH AFAK, unet raversée dessiècles, DESCON TI NENTS ET DESCULTU RES.

«LONGTEMPS APRÈS, quandl’orage aura passé, chacun parlerades ravagesqu’il alaissés derrière lui, alorsque personne,pas même le roi, ne se souviendra quetoutcelaa commencé parune seulegouttedepluie.» Le treizièmeroman de l’autriceturcobritanniqueest magnétique.Àtravers le temps et l’espace,ElifShafaknousentraînedansun voyage quasimétaphysique, de l’Assy rieantique au Londresdu XIXe siècle,enpassant parl’Iraket la Turquied’aujourd’hui.Autourdelamétaphore de l’eau, elle emboîteles récits de troisdestins commeautantdepiècesd’unpuzzleinsolite. Encore unefois, l’écrivaines’intéresse àcequi transcende lesfrontières, la libertédepenser et d’être.Exiléeelle-même,depuisque le régime d’Erdoganlatient sous hautesur veillance,cette opposanteféministe vitàLondres.Son second roman, La Bâtarded’Istanbul, best-selleren Turquieen2006, luiavait d’ailleurs valu d’être poursuivie en justicepouravoir traité du génocide arménien.Pétri de réalisme et de merveilleux, LesFleuves du ciel, uneodyssée poignanteetpoétique, confirme sontalent et sonengagement. ■ C.F.

ELIF SH AFAK, LesFleuves du ciel, Flammarion, 512pages,24 €

L’ex posi ti on de Roxa ne Mb an ga a inau gu ré le li eu au mo is d’octo bre.

L’a rt is te y a in stal lé so n « Gran d Sa lo n ».

BIENVENUE À LA MAISON

La Ma nsA, nouveau cent re cu lt urel consacré au x cu lt ures af rica ines et af ro-d iaspor iq ues, OU VR E SES PORT ES À PA RIS.

L’OR IGINE DE LA MA ISON DES MONDES AFRICA INS (MansA) remonte à 2021, lorsque le philosophe et historien camerounais Achille Mbembe remet un rapport à Emmanuel Macron, dans le cadre du Nouveau Sommet Afrique-France Il y préconise la création d’un établissement pluridisciplinaire entièrement voué à la création africaine et diasporique moderne et contemporaine. « Quelque chose de nouveau et de puissant est en train d’émerger d’Afrique. […] C’est dans cette perspective qu’il conv ient de situer le projet », écrit-il un an plus tard, toujours dans cette optique. C’est finalement dans un ancien atelier de couture parisien que la MansA ouvre enfin ses portes, dévoilant un espace éphémère de 800 m2 sur trois étages, pour une période déterminée de deux ans. Financé à hauteur de 9 millions d’euros par le ministère des Affaires étrangères et celui de la Culture, ce lieu hybride se positionne comme une vitrine pour les artistes, une tribune pour des débats ouverts et un tremplin pour les jeunes entrepreneurs afro-descendants Son nom, MansA, s’appuie sur deux références : mansio, qui signifie « demeure » en latin, et Mansa Moussa, le souverain malien du XI V e siècle. L’exposition inaugurale, « Noires », de Roxane Manga, s’est voulue sy mbolique Elle incarne la vision et le pari de la fondatrice du concept, Liz Gomis, journaliste et réalisatrice de documentaires. L’artiste émergente y invite à entrer dans son « Grand Salon», un espace vivant où elle tisse les récits de ses héritages guadeloupéen, camerounais et ivoirien, mêlés à ceux qu’elle a glanés au fil de ses voyages. L’événement n’aura été que de courte durée. C’est le tempo voulu pour cet espace décloisonné, dans tous les sens du terme, où s’enchaînent les lectures, les concerts, les expositions, les conférences, et où l’on aperçoit l’équipe travailler à l’étage. Un collectif majoritairement féminin, incarnant une mosaïque de trajectoires et de cultures – Angola, Mexique, Côte d’Ivoire, Maroc, Bénin, Sénégal, Rwanda, Arménie. Mêlant galerie, forum et incubateur, ce lieu transitoire marque une étape importante En attendant la dotation d’un site pérenne d’ici 2027 ■ C. F.

MAISON DES MONDES AFRICAINS (MANSA), 26, rue Jacques Louvel-Tessier, Paris Xe (France) maisondesmondesafricains.org

LÉ VI SI ON

LES BOSS

DE DEMAIN

Su r TV5MON DE, quat re mentors du busi ness af rica in doivent choisi r les meil leurs PROJ ETS D’APPR EN TIS entrepreneurs du cont inent.

LES « NOUVEAUX CHEFS », en français dans le texte, ça aurait fait un peu trop grande cuisine ou petite hiérarchie de bureau. Va pour « Les Nouveaux Boss », lancée par la chaîne francophone TV5Monde ! Le concept est simple, déjà vu ailleurs, mais décliné cette fois à la sauce africaine, avec jusqu’à 500 000 euros à la clé pour financer des projets « porteurs de valeurs sociales et environnementales », à condition de convaincre les quatre mentors de l’émission : la Béninoise Claude Borna, directrice générale de l’agence de développement de Sèmè City ; l’Ivoirien A’Salfo, chanteur de Magic System impliqué dans le développement culturel [photo ci-desssus] ; la Congolaise Nicole Sulu, femme d’affaires qui a fondé le réseau d’influence Makutano ; et le Marocain Yassine Laghzioui, entrepreneur de la tech Avec des interventions du champion guadeloupéen Teddy Riner pour « la discipline, le mental et la capacité à se relever après chaque chute ». Seize candidats (sur plus d’un millier de dossiers reçus) vont suivre un parcours en huit émissions, jusqu’à la finale (avec l’ex-ministre franco-capverdienne Élisabeth Moreno). Avis aux ambitieux ! ■ J.-M.C

LES NOUV EAUX BOSS. Su r les hu it chaî nes généra listes de TV5MON DE et su r la plate-forme de st ream ing TV5MON DE+, à pa rt ir du 15 novembre

CONVOI SAHARIEN

L’

histoi re docu mentée et fict ionnel le d’un

PÈLERI NAGE MY TH IQUE.

IL FIGURE PA RMI les cinq ouvrages finalistes du prix Ivoire 2025 pour la littérature af ricaine d’expression francophone. L’Eunuque et l’Empereur, fiction historique foisonnante, propose une plongée dans l’histoire précoloniale et dans la cour de l’un des plus puissants royaumes d’Af rique, l’empire du Mali. L’auteur, Solo Niaré, n’en est pas à son premier coup d’essai. Passionné d’histoire, cet écrivain malien-guinéen, également homme de théâtre, aime raconter l’Af rique au fil du temps et des civilisations. Son écriture romanesque met en lumière des récits méconnus, qu’il fait émerger à travers des personnages at ypiques et inattendus, réels ou imaginaires. Ici, c’est un my the fondateur de l’histoire af ricaine qui porte son texte. Au XI V e siècle, l’empereur Mansa Moussa, l’homme le plus riche de tous les temps, décide de se rendre à La Mecque, en pèlerinage, accompagné de son peuple – près de 20 000 hommes et femmes. Lors de cette expédition à travers le Sahara, d’oasis en oasis et d’ouest en est, avec ses prédateurs et ses trafiquants, Kounandi, un esclave en quête de justice nourri par son expérience passée de captif, puis d’eunuque à Médine, devient un atout exceptionnel pour déjouer les intrigues du parcours de l’empereur Cette aventure, qui nous entraîne au-delà de la période du Mali médiéval, jusqu’au déclin de l’empire du Ghana et l’arrivée de la colonisation française dans les plaines de Bandiagara, laissera durablement son empreinte dans l’imaginaire du lecteur. ■ C.F.

SOLO NIAR É, L’Eunuque et l’Empereur, Ni mba Éd it ions, 294 pages, 15,90 €.

NÉ MA

QUAND LE PIÈGE SE REFERME…

Après Le Caire conf ident iel et La Conspiration du Caire, TAR IK SA LEH poursu it sa plongée da ns les rouages pa ra noïaques du régi me ég yptien, qu i étend son in fluence jusq ue da ns le monde du ci néma… RÉJOUISSAN T ET EFFR AYAN T.

SURNOMMÉ Le Pharaon de l’écran, adulé pour son rôle dans Le Premier Ég yptien dans l’espace, George Fahmy est approché par le pouvoir pour incarner rien moins que le président al-Sissi. Aucune ressemblance physique, mais peu importe : le film sera à la gloire du maréchal ! Difficile de refuser pour le comédien star (incarné avec prestance et nuances par Fares Fares, révélé par cette « trilogie du Caire »), car on lui fait comprendre qu’il pourrait arriver des ennuis à ses proches… Une acceptation forcée qui va bousculer sa confortable vie de vedette et le plonger dans les rouages d’un pouvoir militaire omnipotent Inspiré d’une vraie série télé ég yptienne, le nouveau film de Tarik Saleh recrée Le Caire – faute de pouvoir y tourner, le cinéaste vivant en exil [voir son interview p. 76] –, mais utilise d’authentiques images du président al-Sissi, et donne

un coup de projecteur sur un personnage de l’ombre, le docteur Mansour (A mr Waked), éminence grise du raïs, un méchant subtil très réussi qui suit de près le tournage du biopic hagiographique. Tour à tour hommage au cinéma ég yptien qui a enchanté des générations dans le monde arabe, comédie sociale plus ou moins enlevée (avec Ly na Khoudri en jeune fiancée de l’acteur vieillissant), thriller politique implacable et glaçant, pour finir par une magistrale scène épique, cette plongée en cinémascope au cœur d’un pouvoir paranoïaque est instructive et convaincante Avec cette question : jusqu’où peut-on aller contre ses conv ictions, par confort ou par peur ? ■ J.-M.C

LES AIGLES DE LA RÉPUBLIQUE (France, Suède), de Tarik Saleh. Avec Fa re s Fa re s, Ly na Khoudr i [photo ci-d essu s], Zi neb Tr ik i. En sa lles le 12 novembre

SAINT- EX, UNE PASSION

Une nouvel le éd it ion du splend ide TE RR E DE S HOMM ES illustrée
pa r Riad Sattou f.

PLUS D’UNE VA LEUR relie l’écrivain, aviateur et reporter français et l’auteur de bande dessinée et réalisateur franco-syrien. L’humanisme, le dépassement, le sens de la responsabilité… Les voici réunis dans un récit fondateur du père du Petit Prince, enrichi de plus de 150 illustrations de l’auteur de L’Arabe du futur. Publié pour la première fois en 1939, lauréat du grand prix de l’Académie française, Terre des hommes est, au-delà de l’histoire de l’aventure des pionniers de l’Aéropostale, une méditation sur l’amitié, l’honneur et la condition humaine. Le texte commence ainsi : « La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle » Sublimée par le langage coloré de Riad Sattouf, la puissance narrative d’Antoine de Saint-Exupér y s’en trouve hautement revivifiée. ■ C.F.

AN TOIN E DE SAIN T-EXUPÉRY, illustré par Riad Sattou f, Terre des hommes, Gallimard, 288 pages, 26 €

RÉIMAGINER

LE NIGERIA

Mo nu me nt to th e Re stitutio n of th e Mi nd and Soul, de Yi nka Sh on ib are.

L’ex position inaugu ra le du MOWA A de Beni n City est une invitation à observer le passé à travers l’ar t et à réfléchi r au futu r possible de la nation.

INAUGURÉ EN NOVEMBRE, le musée d’Art de l’Afrique de l’Ouest (MOWAA) de Benin City sort pour la première fois sa collection historique, qui comprend des œuvres jamais exposées dans le pays, et accueille l’exposition du pavillon nigérian à la Biennale d’art de Venise.

Intitulée « Nigeria Imaginary : Homecoming », elle sera installée dans plusieurs espaces du campus, en dialogue direct avec les lieux, invitant les visiteurs à explorer et à s’approprier la nouvelle institution. « Nigeria Imaginary » propose de bouleverser les récits hérités, d’imaginer le Nigeria autrement, comme un pays composé d’une constellation d’histoires, de désirs, de ruptures et de rêves Les onze artistes invités, une sélection volontairement multigénérationnelle et interdisciplinaire, sont issus de diverses régions du Nigeria et reflètent cet imaginaire pluriel. Les œuvres font référence à divers aspects de l’histoire et de la vie nigérianes traditionnelles, comme la sculpture yoruba et l’architecture vernaculaire tubali, et contemporaines, comme les peintures modernistes de Ben Enwonwu. Elles touchent à la spiritualité architecturale de la Maison Mbari ou imaginent un univers alternatif dans lequel l’expédition du Bénin de 1897 n’a pas eu lieu. Dans son itération « Homecoming », l’exposition revient sous une forme élargie, avec quatre nouveaux artistes : Kelani Abass, Modupeola Fadugba, Ngozi-Omeje Ezema et Isaac Emokpae. En s’adressant cette fois directement au public du continent, elle espère ouvrir de nouvelles perspectives et stimuler le dialogue et la réflexion sur l’État et les possibilités de la nation. wearemowaa.org ■ L.N.

LES PROIES LI VR E

Avec La Nuit au cœur, en lice pour LE GONCOU RT, NATH ACHA APPA NA H rend just ice au x vict imes de violences conjugales.

C’EST UN LI VR E dont on ne ressort pas indemne. Un livre où les monstres sont des messieurs tout-lemonde. Où l’on réinterroge ce qui, peut-être, chez soi ou tout près de chez soi, nous hante ou ce qui, peut-être encore une fois, reste un secret « lls ne sont pas entièrement mauvais. S’il existait une manière de les presser pour en extraire un jus, ce jus ne serait pas tout à fait imbuvable, non, parfois sous son amertume empoisonnée il y aurait un arrière-goût de douceur. »

Dès les premières lignes, dans une langue limpide, sensible et délicate, Nathacha Appanah donne à voir, presque comme un docu-fiction, le témoignage intime de l’emprise qu’elle a endurée, entre ses 17 et 24 ans, alors qu’elle était une jeune autrice en plein élan, et celui de deux féminicides. Se réclamant d’Albert Camus, qui affirmait dans son discours du Nobel que « l’écrivain est au service de ceux qui subissent l’histoire », elle tresse son récit autobiographique avec le parcours de sa cousine, morte assassinée par son mari, dans le silence insoutenable de sa famille, et avec l’histoire de Chahinez Daoud, Algérienne venue s’installer en France, où elle fut brûlée vive par son compagnon le 4 mai 2021 Avec ce fait divers, le roman mute en enquête. D’une justesse pudique. Chirurgicale. Révélant le mécanisme de la domination exclusive exercée sur un individu, La Nuit au cœur s’inscrit dans la démarche littéraire de l’autrice de Tropique de la violence, prix Femina des lycéens en 2017 Un tour de force littéraire. ■ C.F.

NATH ACHA APPA NA H, La Nuit au cœur, Gallimard, 288 pages, 21 €

NKWO design

Cette ma rq ue NIGÉRI AN E cont inue de démont rer au monde qu’avec une vision et du savoir-fai re, on peut transfor mer des DÉCH ETS EN PI

ÈCES UN IQUES.

LE LABEL ARTISANAL NKWO DESIGN a presque 20 ans. Lancé en 2007 au Royaume-Uni, puis relancé en 2012, il commence à se faire connaître quelques années plus tard Sa fondatrice, la styliste nigériane Nkwo Onwuka, est retournée au Nigeria en 2015, où elle a fait le pari de la mode durable, en devenant l’une des pionnières du secteur Elle expérimente avec les chutes de tissus, récupère vêtements et accessoires de seconde main, et les transforme en ressources avec l’aide de plusieurs artisans traditionnels triés sur le volet et des femmes vulnérables qu’elle forme au métier. Elle invente ainsi un nouveau tissu africain éthique, tissant à la main un mélange de chutes de denim et d’autres textiles, qu’elle appelle Dakala Cloth. Suivront le Dakala Strings, une technique qui transforme les chutes de tissus en fils et ficelles qui sont ensuite tressés ensemble, et le Dakala Web, une tessiture à main libre en toile d’araignée qu’elle intègre dans certaines créations. Ses pièces sont sélectionnées par le Victoria & Albert Museum, qui les inclut dans l’exposition

La st yl is te Nk wo Onwu ka ut ili se de s chutes de ti ssu pour se s créa ti on s.

« Africa Fashion » en 2022, année où NKWO remporte aussi le prix de la Mode durable de la Chambre nationale de la mode italienne. L’une de ses créations emblématiques a par la suite intégré la collection permanente de l’institution britannique. Cette année, elle a présenté au Portugal sa collection « Favourite Things », une sélection de best-sellers et d’icônes discrètes qui ont fait le succès de la marque, associés à des nouvelles pièces plus structurées, réalisées à partir de draps blancs de très haute qualité, récupérés dans des hôtels de luxe d’Abuja. « Mes créations reflètent la façon dont je vois le monde », explique la designeuse depuis le Nigeria, où elle s’apprête à participer à la Lagos Fashion Week. « Mes dernières pièces sont moins fluides. Je sens que, dans ce contexte chaotique, j’ai besoin de structure et de calme. D’où, aussi, le choix de me tourner vers le blanc et d’autres couleurs plus apaisantes, maintenant que je vis au Nigeria Lorsque j’étais au Royaume-Uni, par contre, la couleur était une nécessité. » nk wo.design ■ L.N.

Reda Amalou le voyageur

Ses pièces si ng ul ières brou il lent les pistes avec leur fausse si mplicité, alors que LES JEUX de cont raste et les déta ils dévoilent un ar tisa nat D’EXCEPT ION.

« MA PR EMIÈRE SOURCE d’inspiration est le voyage. »

Le designer Reda Amalou est un citoyen du monde. Sa formation d’architecte, son enfance algérienne et ses missions aux quatre coins du globe lui ont permis de cultiver un œil pour les détails, les ambiances, les textures et l’excellence artisanale. Un bagage culturel qui fait la richesse de ses créations. Prenons les pièces qu’il a imaginées pour l’exposition en hommage à l’esprit Art déco, dans la parisienne Secret Galler y. L’idée de la collection « Babylone », en marbre Nero Marquina et noyer américain, deux tables basses, une table d’appoint et une console, lui vient lors d’un voyage en Tanzanie.

Pourtant, ni le nom ni les matières n’ont un lien direct avec le pays : son travail vise plutôt à restituer le souvenir qu’il en a gardé. Pour donner corps à ses idées, Amalou fait appel aux artisans spécialisés là où ils se trouvent : ses Sign Box modulables (un plateau, trois boîtes) ont été finement laquées par des maîtres vietnamiens. Leur apparence fun et minimaliste, l’effet de bichromie et le travail en creux sur la masse de chaque objet, pour créer les poignées, dévoilent une exécution minutieuse Ce même savoir-faire précieux, on le retrouve dans la marqueterie de paille, les incrustations de coquilles d’œuf ou le travail du métal des artisans marocains.

Parfois, on le devine simplement dans l’élégance intemporelle des formes Comme celles du paravent Panama, sculpturales et mouvantes, qu’il vient de présenter dans une époustouflante itération en laque noire. redaamalou.com ■ L.N.

Boîtes Sign Box mo du la bl es et ta bl e d’ap po int Ba bylo ne

LONDON CALLING

Sur une scène GASTRONOMIQU E londonienne en perpétuelle évolution, la cuisine d’Afrique de l’Ouest se fait la part belle et continue d’étonner.

À LONDRES, l’une des capitales de la cuisine africaine en Europe, les restos innovants se multiplient. Inauguré en 2023, après des expériences pop-up qui ont toujours fait carton plein, Chishuru, de la cheffe Adejoké Bakare, a déjà une étoile au Michelin Une première pour une cheffe noire au Royaume-Uni. Le menu fixe, entré, plat et dessert, propose des variations étonnantes de recettes régionales Du ayamase, un populaire ragoût nigérian de viande en sauce pimentée, au ek wang de poisson, farci d’églefin fumé et assaisonné maison, en passant par l’ak lui, un dessert béninois à base de riz au lait à la citronnelle, compote de rhubarbe et poiv re de Timur.

Chez Shakara, tout juste récompensé comme meilleur nouveau restaurant de Londres aux British Restaurant Awards, Angelo Gonzalez et Victor Okunowo allient gastronomie sud-américaine, africaine et occidentale pour proposer une véritable aventure culinaire. Les ailes du poulet jerk caribéen sont farcies à

l’ananas fumé et à l’oignon vert, et les crevettes grillées s’accompagnent d’une sauce ogbono et de citron vert grillé. À tester avec un cocktail maison, comme le Jollof Mary (inf usé au gin, jus de pomme et soju au raisin).

Ivor y Seasons, ouvert cet été, s’est fait remarquer par sa cuisine audacieuse, qui rend hommage à l’héritage africain tout en s’ouvrant au monde. Brochettes de bœuf yaji, parfaitement épicées, chou-f leur au curr y grillé, avec sauce au lait fermenté, noisettes, raisins secs et échalotes grillées, et surtout une soupe egusi (graines de melon moulues et épices) de bar poêlé avec palourdes, citrons confits et herbes marines parf umées. Un plat-signature majestueux, qui vaut le détour chishuru.com/shakaraldn.com/ivor yseasons.com ■ L.N.

SP OT
S SHAK ARA
CHISHURU
IVORY SEASONS

LE JA RDIN MA JORELLE est l’un des lieux les plus connus de Marrakech, lié à double fil à l’histoire d’ Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé. Mais si les visiteurs s’émer veillent devant les couleurs de la maison Ar t déco voulue par le peintre Jacques Majorelle ou les collections du Musée berbère, ils oublient parfois que cette oasis urbaine abrite une richesse botanique et faunistique exceptionnelle Pour rendre hommage au

AR CH I

Un pavillon a poussé dans le jardin Majorelle

La FONDAT ION qu i gère ce lieu em blémat iq ue rend hommage à sa richesse bota nique, grâce à une arch itectu re éphémère qu i évolue avec la natu re.

jardin dans sa dimension végétale, le président de la Fondation jardin Majorelle, Madison Cox, a commandé à la jeune

architecte Hiba Bensalek un pavillon temporaire qui apporte une touche contemporaine au lieu et stimule les sens Diplômée à Toulouse, passée par Paris et Johannesburg avant de retourner au Maroc et d’ouvrir son agence avec sa mère, Hiba Bensalek a imaginé une structure

légère, qui évoluera au fil des saisons, comme les plantes qui l’entourent. Elle a travaillé à partir de matériaux qu’on retrouve dans le jardin : des briques en terre cr ue pour les murs remplis de bambous, une ossature en bois et des fibres végétales tressées pour le plafond, qui laisse pénétrer tant la lumière ajourée que les intempéries. Le pavillon s’adapte au lieu, intégrant le parcours des visiteurs, qui y découv rent

depuis cet été une délicate exposition d’ar t botanique, « Flore Majorelle : collection vivante ». Temporaire, il restera sur place quatre ans ma ximum, mais la Fondation prévoit déjà de poursuiv re l‘expérience Un concours national sera bientôt lancé pour inviter les jeunes architectes marocains à concevoir les futurs pavillons éphémères du site hibabensalek.com ■ L.N.

DE ST IN AT IO N

ACCR A, VILLE TOURBILLON

Fidèle à sa renommée de « CA PITALE DU COOL », la métropole ghanéenne est à croquer à pleines dents, pour un shoot d’énergie culturelle, festive et gastronomique.

LA SA ISON SÈCHE, à partir de novembre, est la meilleure période pour organiser un voyage à Accra, la capitale du Ghana. Les journées sont agréablement chaudes et les nuits sont fraîches et aérées, ce qui permet de profiter pleinement de visites historiques et culturelles (Fort James et le château Osu, la place de l’Étoile noire, le mausolée de Kwame Nk rumah) comme de l’animation urbaine : flâner entre les étals des marchés de Makola et de Kaneshie ou se relaxer sur la plage de Bojo ou de Labadi en journée puis, la nuit,

explorer la scène gastronomique en plein essor et celle des clubs et lounges où danser jusqu’au petit matin. Le mois de décembre, ou Dett y December, est d’ailleurs une période très spéciale pour visiter Accra, qui mérite pleinement son surnom de « capitale du cool ». Pendant un mois, elle se transforme en hub culturel et musical, avec des milliers d’événements dans tous les quartiers. On citera Afrochella, aujourd’hui renommé Afrofuture Un festival, pensé au départ comme une invitation aux diasporas à se reconnecter

avec le continent, qui attire aujourd’hui des célébrités, des stars de l’afrobeat et des touristes du monde entier Bruyante, énergisante, en pleine rénovation urbaine, Accra pointe même son nez dans la liste des quartiers les plus cool au monde dressée par Time Out. En dixième position, Labone, autrefois un quartier résidentiel paisible ponctué de manguiers, attire artistes et expats avec sa multitude de pubs, galeries, bars à vin et boutiques haut de gamme comme Kua Designs, où acheter des fantastiques bijoux et

sacs faits main. Il accueille des restos du monde, comme la cantine mexicaine La Borracha, mais aussi des spots quasilégendaires comme Katawodieso, connu pour ses délicieux waakye et ses plats traditionnels ghanéens. Récemment, le studio Limbo Accra y a inauguré un musée de design et d’architecture, Limbo, réanimant une villa brutaliste abandonnée. Un nouveau spot culturel qui s’ajoute à des institutions à la pointe dans l’art contemporain africain, comme la Galler y 1957 ou la Nubuke Foundation ■ L.N.

Ci -c ontre, le ma us ol ée de Kwam e Nkru ma h. Ci -d es su s, de s pa rt ic ip ants du fe st ival Af ro ch el la , re ba pt is é Af rofu tu re
Ci -d es su s, le ma rc hé Ma ko la et la pl ag e de Bojo

Alain Serge Dzotap

POÈTE, AUTEUR POUR LA JEUNESSE,

ce Camerounais est un amoureux de la langue française. Les aventures de ses personnages, traduites dans le monde entier, captivent les petits lecteurs de tous pays. Sa signature : de la poésie, de l’humour, un regard tendre et des valeurs éducatives. propos recueillis par Astrid Krivian

Rien ne le prédisposait à écrire des histoires. « Mes parents étaient analphabètes en français et en anglais, langues officielles du Cameroun, lequel pays compte 250 autres idiomes. Dans ma jeunesse, j’ai manqué de livres. Aujourd’hui, je parle à l’enfant que j’ai été, pour ainsi m’adresser à tous les gamins », confie l’auteur Alain Serge Dzotap, né en 1978 à Bafoussam. Vers ses 12 ans, en époussetant la grande malle du grenier familial, il découvre un véritable trésor : des poèmes écrits par son grand frère. Émer veillé, il prend la plume pour l’imiter. Plus tard, sur les conseils de son ami le regretté comédien et dramaturge Wakeu Fogaing, il commence à écrire des récits pour la jeunesse, car « la poésie ne nourrit pas son homme ». Il envoie ses textes à des maisons d’édition en France ; en 2007, Petit Hippo et son st ylo magique est édité par Bayard, d’abord dans la revue Tralalire, puis en album, en 2010 Il se vendra à plus de 12 000 exemplaires et sera adapté en spectacle de marionnettes en Angleterre Depuis, son œuvre riche d’une vingtaine d’ouvrages a été traduite en russe, en anglais, en chinois, en hébreu, en arabe, en néerlandais, en grec, en portugais, en hongrois, en coréen Il imagine des histoires pour rire, mais aussi pour réfléchir, éduquer, sensibiliser les jeunes lecteurs à certaines réalités : Adi de Boutanga (A lbin Michel, 2019) évoque ainsi le mariage forcé et la scolarisation des jeunes filles ; La femme qui attendait un enfant à aimer et l’homme qui attendait un garçon (Pastel, 2022) aborde le sexisme et les violences intrafamiliales. « J’essaie aussi de transmettre aux lecteurs l’amour de la langue française, sa beauté Elle m’a sauvé la vie », témoigne l’écrivain, chevalier de l’ordre du Mérite camerounais. Il cherche l’inspiration auprès de ses enfants ou à partir d’une peinture, une photo, une illustration : « Quand j’écris, j’ai toujours une image devant moi ; elle me nourrit, me permet de me concentrer Parfois, je la fixe tellement que j’ai l’impression de l’avoir complètement vidée. » Il puise aussi dans des contes de la tradition orale du peuple bamiléké au Cameroun

Re ste avec nous, bé bé , Pa stel , 20 25, 15 €

Sa règle d’or : avoir toujours plusieurs histoires sur le feu. Actuellement, en plus de ses livres pour la jeunesse, il planche sur des paroles pour une grande chanteuse camerounaise, et peaufine son recueil de poésies, revenant ainsi à ses premières amours. Cet été, il était en résidence d’écriture en France, à la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, puis à Arles à l’automne, dans le cadre du festival de l’association culturelle Paroles Indigo. Il a aussi animé des ateliers d’écriture à Sarcelles : « C’est intéressant de transmettre sa passion et d’observer l’inventivité des enfants. Leur imagination est toute fraîche, ils ont toujours de belles trouvailles. »

Une fois rentré à Bafoussam, comme dans son livre La Graine inconnue (Éditions des éléphants, 2025) – « une histoire de patience et de jardinage » –, il cultive son verger : avocats, agrumes, safoutiers. « J’aimerais un jour y accueillir des enfants pour leur parler de littérature, mais aussi de la nécessaire préser vation de notre environnement, leur dire de veiller à la qualité de notre alimentation. La nature est notre plus beau cadeau. » ■

«Aujourd’hui, je parle à l’enfant que j’ai été, pour ainsi m’adresser à tous les gamins.»

Contem po ra in , en pr is e avec ce cont in ent qu icha ng e, ouvert su rl em on de d’aujourd’hu i, es tvot re rend ez -vou s mens uel in di spen sa bl e. 1AN 39 SEUL EM

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LA LENTE AGONIE DES PAYS DE L’AES

Le 16 septembre 2023, à la suite de coups d’État en cascade – au Mali en 2021, au Burkina en 2022 et au Niger en 2023 –, naissait l’Alliance des États du Sahel. Une sorte de G3, un bloc de défense mutuelle pour contrer l’ éventuelle intervention de la Cedeao, harassée un temps par la floraison de ces juntes militaires peu disposées à organiser des élections. Depuis, ces trois pays, sortis du concer t des nations, semblent oubliés de la communauté internationale. Dans chacun d’eux, l’espoir de l’organisation d’une présid entie ll e s’ él oi gn e peu à peu. Le gé né ra l ma li en Assimi G oï ta s’est au to -o ct royé un ma nd at prés id enti el de cinq ans en juillet dernier. Le capitaine Ibrahim Traoré avait été désigné président de la transition jusqu’à la présidentielle prévue en juillet 2024 au Burkina, avant de rallonger son mandat de soixante mois en mai de la mê me an né e. Et en ju il let de rni er, il a dé ci dé de di ssou dre la co mm issi on él ecto ra le au moti f qu’e ll e était une source inutile de gaspillage d’argent… Enfin, Abdourahamane Tiani entérinait le 26 mars 2025 une transition sans échéance électorale, profitant de l’occasion pour s’auto -élever au grade de général.

Dans ces trois pays, la population, surtout les jeunes, a vu un temps dans l’arrivée de ces juntes au pouvoir un espoir. Un rêve d’indépendance et de souveraineté, une rupture avec le passé et la misère qu’il avait engendrée. Ils ont écouté, les yeux souvent remplis d’étoiles, les discours enflammés aux slogans galvanisants du nouvel homme fort arrivé à la tête de leur pays.

Pourtant, aujourd’hui, le rêve s’est peu à peu brisé. Et le réveil est rude. À Tombouctou, à Bobo-Dioulasso comme à Agadez. Les trois nations de l’AES, aux économies exsangues, aux armées faibles, aux soutiens inexistants, se révèlent être totalement dans l’impossibilité de faire face aux at tentes de la population En matiè re d’ éducatio n, de sa nté, d’em plo i. Et de protection Sur le plan de la sécurité, elle est gangrenée peu à peu par les islamistes et les groupes armés fanatiques. La menace est arrivée aux portes des capitales. À Bamako, les camions- citernes qui ravitaillent la capitale sont régulièrement incendiés par le Groupe de sou-

tien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al -Qaida, mettant les habitants sous pression Des pans entiers du territoire malien sont déjà pratiquement passés sous le joug islamiste. Le même groupe GSIM attaquait encore la ville de Djibo, au nord du Burkina, fin septembre, tuant au moins 40 civils Au Niger, les at taqu es du groupe armé État islamique au Sahel (EIS) multiplient régulièrement les exécutions sommaires et les incendies de villages entiers. Et il y a peu d’espoir que cet enfer au quotidien cesse.

Les patrons des trois juntes, malgré l’absence de solution, semblent déterminés à garder jalousement le pouvoir, et ont démontré jusqu’à aujourd’hui qu’ils n’on t pa s vr ai me nt en vi e de pa ss er pa r l’ ép re uv e de s ur ne s. Il s ont dé mo nt ré au ss i qu e le ur ma ni ère de gouverner envoie de mauvais signaux sur le plan démocratique Comme au Burkina, où des magistrats, des avocats et des journalistes sont enlevés par des p er so nn es se prés enta nt co mm e de s me mb re s de l’Ag en ce na ti on al e du re ns ei gn em en t. Qu an d on s’at taque aux magistrats ou aux médias, la tradition est de dire que les contre -pouvoirs sont menacés. Le c ap itai ne Ib ra hi m Trao ré es t au ss i ac cu sé pa r de s orga ni sa ti on s am ér ic ai ne s de pio ch er al lè grem ent dans les réserves d’or du pays, afin de financer la junte et son maintien au pouvoir.

Au Mali, un lourd climat de suspicion s’est installé. Les gens craignent de parler et évitent de critiquer le système par crainte des représailles Ailleurs, comme au Niger, des décisions politiques farfelues sont prises Le général Abdourahamane Tiani, soucieux de pallier la situation économique désastreuse du pays, a lancé l’opération « 10 0 FCFA pour la patrie » – l’étendant aux enfants dans les écoles… – dans le but de financer un Fonds de solidarité pour la sauvegarde de la patrie. Et personne ne sait vraiment où iront les sous récoltés Bref, deux ans après la création de l’AES, on ne peut pas dire que le bilan soit brillant Et s’il l’était, nos trois présidents en transit organiseraient des présidentielles d ém oc ra ti qu es et libres sa ns craindre d’ êt re rejetés par une population désenchantée et appauvrie. Dont, malheureusement, pas grand monde ne se soucie ■

PA R EM MA NUE LL E PO NT IÉ

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