

AFRICA RADIO & GONDWANA CITY PRODUCTIONS présentent
UNE ÉMISSION PRÉSENTÉE PAR WILLY DUMBO DU LUNDI AU VENDREDI SUR : AFRICA RADIO
11H10 TU
N°402 MARS 2020
P.24
3 ÉDITO
L’année du virus par Zyad Limam
6 ON EN PARLE
C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN
Daara J Family, rappeurs conscients
20 PARCOURS
Mohamed Kaci par Astrid Krivian
23 C’EST COMMENT ?
L’avenir en vert ? par Emmanuelle Pontié
34 CE QUE J’AI APPRIS
Abdoulaye Konaté par Fouzia Marouf
42 LE DOCUMENT
La saga du barbe par Zyad Limam
122 VINGT QUESTIONS À…
Mariana Ramos par Astrid Krivian
P.36
TEMPS FORTS
24 2050 : Plus de 2 milliards d’Africains ? par Cédric Gouverneur
36 Maghreb : Le déclin de l’islamisme ? par Frida Dahmani
78 Maryam Touzani : Portraits de femmes par Astrid Krivian
84 Imane Ayissi : « Je veux ma place si je la mérite » par Astrid Krivian
92 Rachid Benzine mesure toute la force de frappe de la fiction par Fouzia Marouf
98 Chine : La face cachée de la dette par Jean-Michel Meyer
Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com
45 Côte d’Ivoire : 2011-2020, le temps de l’émergence par Zyad Limam et Alexandra Fisch
46 Un nouveau départ
50 Une politique ambitieuse de développement
56 Les grands chantiers de la République
66 Une puissance agro-industrielle
68 Une croissance au service de tous
74 Abidjan, ville ouverte
76 Une pause à Bassam
112 MADE IN AFRICA
PARTEZ EN VOYAGE, PRENEZ VOTRE TEMPS Durban, l’autre Afrique du Sud
VIVRE MIEUX
118 L’estomac au centre de notre corps
119 Le bruit, ennemi quotidien
120 En finir avec une crampe
121 Des médicaments pas banals par Annick Beaucousin et Julie Gilles
FONDÉ EN 1983 (36e ANNÉE)
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Muriel Boujeton, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Catherine Faye, Alexandra Fisch, Glez, Cédric Gouverneur, Anne-Cécile Huprelle, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Fouzia Marouf, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont.
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Ndogo D et Faada Freddy sont les héritiers des griots.
YAAMATELE, c’est le nom du robot dans Onze pour une coupe, un dessin animé espagnol des années 1980, mais c’est aussi du jargon sénégalais désignant les accros aux écrans. Dans ce nouvel album enregistré entre Dakar, Paris et Kinshasa, le duo formé en 1997 par Faada Freddy et Ndogo D., amis d’enfance, évoque la distance qu’il faut prendre face aux réseaux sociaux et aux mirages numériques autant que capitalistes. Comme l’affirme le morceau « ADN », place à la vérité de la nature ! Quatre ans après Foundation, Yaamatele témoigne d’une énergie fédératrice, avec un rap déclamé en anglais, en wolof et en français. Leurs références ? Les griots sénégalais, mais également le funk de James Brown, la rumba congolaise, le hip-hop East Coast ou encore le reggae de Bob Marley et de ses Wailers. Et cela s’entend dans ce disque, sur lequel intervient notamment Gaël Faye sur le morceau éponyme, qui fait danser autant que réfléchir sur le sort du monde. ■ Sophie Rosemont DAARA J FAMILY, Yaamatele, Bois Sakré Records.
Djibril Vancoppenolle joue un garçon métis qui va voir son pays se déchirer durant la guerre civile.
DRAME
Grandir au Burundi quand se profile le génocide des Tutsis par les Hutus… Une adaptation juste du best-seller
de GAËL FAYE.
GABRIEL VIT À BUJUMBURA, au Burundi, au début des années 1990, dans l’insouciance de ses 11 ans et de ses copains qui se bagarrent à coups de mangues. Fils d’un Français blanc, chef d’entreprise, et d’une réfugiée rwandaise tutsie, ce jeune métis voit avec douleur ses parents se séparer. Au même moment, les relations se tendent entre Hutus et Tutsis, jusque parmi les employés de maison. À un drame familial va bientôt se superposer le dernier génocide du XXe siècle. On y est mêlé d’autant plus facilement que tout est juste, à commencer par les jeux de Jean-Paul Rouve (parfait en Blanc condescendant et en bon père), d’Isabelle Kabano (magistrale en mère faussement désinvolte avant de sombrer), et des non-professionnels (90 % de la distribution, dont les enfants) qui les entourent.
Authentique aussi cette reconstitution minutieuse du quotidien d’une famille d’expatriés dans le Burundi de l’époque, de la marque de soda jusqu’à la radio branchée sur RFI. Face aux massacres, la caméra reste pudique : « Ne regardez pas, les enfants », leur intime le père en roulant doucement sur une route jonchée de cadavres tailladés. C’est à travers les récits des survivants que l’horreur va se concrétiser. L’artiste Gaël Faye a travaillé de très près à cette adaptation de son roman, largement autobiographique. Le résultat est à la hauteur de son livre, écrit à hauteur d’enfant, digne témoignage de l’onde de choc d’une tragédie absolue. ■ Jean-Marie Chazeau PETIT PAYS (France-Belgique), d’Éric Barbier. Avec Jean-Paul Rouve, Isabelle Kabano, Djibril Vancoppenolle.
Sawsan Abès, au centre, joue une jeune paysanne berbère qui se fait arrêter en 1956.
HISTORIQUE
Un hommage sincère à toutes les FEMMES OUBLIÉES qui se sont révoltées durant la guerre d’indépendance algérienne.
EN ADAPTANT SON PROPRE LIVRE (La Maquisarde, aux éditions Grasset) douze ans après son premier film (Des poupées et des anges, avec Leïla Bekhti et Samy Naceri), Nora Hamdi a voulu rendre un hommage à sa mère et à toutes celles qui ont résisté durant la guerre d’indépendance algérienne. Mais cette fois, elle n’a pas eu les moyens financiers de son ambition, et malheureusement, cela se voit : une forêt de la région parisienne pour figurer celle de Sidi Ali Bounab en Kabylie,
et un huis clos souvent chuchoté qui s’étire dans une sinistre geôle… Au cœur du film qui se déroule en 1956, il y a pourtant la rencontre d’une jeune paysanne berbère et d’une infirmière française, ex-résistante au nazisme, emprisonnée pour sa défense des Algériens face à la répression coloniale. Et une salutaire volonté de réconciliation. ■ J.-M.C.
LA MAQUISARDE (Algérie), de Nora Hamdi. Avec Sawsan Abès, Émilie Favre-Bertin.
Trois cordes à son arc UNE JEUNE MÈRE MALGACHE CÉLIBATAIRE ne peut plus payer l’école de sa fille : Haingo rejoint alors sa cousine à Antananarivo, à 1 000 km de chez elle, pour gagner de l’argent dans un groupe musical. Elle a trois jours pour apprendre une danse inconnue, elle qui appartient à l’ethnie antandroy, à la culture très différente de celle de la capitale. La vièle à trois cordes que lui a confiée son père, musicien reconnu, va peut-être lui sauver la mise… Un récit qui file à bonne allure, mélangeant docu et fiction. Aucun misérabilisme et des moments de grâce, comme celui où s’élève le chant pur d’une jeune fille au bord du lac Anosy, qui justifie à lui seul d’aller voir ce très beau film. ■ J.-M.C. HAINGOSOA (France-Madagascar). d’Édouard Joubeaud. Avec Haingosoa Vola, Marina Amagoa.
L’auteur
nous offre 50 portraits inattendus et intimes de CHEFS D’ÉTAT du monde entier. Et plus encore…
DE LÉOPOLD SÉDAR
SENGHOR à Mikhaïl
Gorbatchev, en passant par Jacques Chirac, Benoît XVI, Hassan II ou encore Ramsès II (si, si…), le célèbre paléontologue et codécouvreur en 1974 de l’australopithèque Lucy revient sur ses rencontres (ou presque) avec les puissants de ce monde. « Tous, sans exception, ont montré un intérêt réel pour le passé, l’histoire, la préhistoire et leurs témoins archéologiques ou paléontologiques dont je les entretenais », écrit le professeur émérite au Museum national d’histoire naturelle et au Collège de France. Ses souvenirs de rois, reines, présidents ou empereurs, entrevus ou côtoyés pendant plus de soixante-cinq ans de carrière, sont intacts. Hilarants, comme avec Carl XVI Gustaf : « “I am the King!” Et je répliquai, en souriant un peu : “I know, Majesty, I know !” » ; marquants, comme avec François Tombalbaye ou Idriss Déby au Tchad, son « premier grand terrain de jeu outre-mer (comme on dit) » ; inoubliables, comme avec Nelson Mandela : « La rencontre, même fugace, aura été une grande rencontre de regards. » On ne s’en lasse pas. Lui, non plus. À 85 ans, il n’a pas l’intention de lever le pied. ■ C.F.
ÉVÉNEMENT
Une
invitation à appréhender autrement l’espace et le monde par le
BIAIS D’ŒUVRES
d’artistes internationaux émergents.
CE N’EST PAS UN HASARD si le nom de cette exposition est tiré d’une chanson de Yoko Ono. Il a été choisi à double titre. Pour les paroles d’abord – «Have you seen a horizon lately, if you have, watch it for a while, for you never know, it may not last so long » –, qui donnent tout leur sens aux œuvres d’artistes internationaux émergents qui sont exposées et qui interrogent les sujets agitant le monde actuellement. Pour sa performance ensuite, en écho à la palette éclectique de l’artiste expérimentale japonaise. Installations, vidéos, photographies et peintures abordent des thèmes tels que l’écologie, la répartition des richesses ou encore la colonisation des territoires. Engagées et suggestives, les œuvres appellent à la résistance, urgente. À l’image du travail de la Marocaine Amina Benbouchta, de l’Angolaise Kiluanji Kia Henda ou de la Nigériane Rahima Gambo. ■ C.F. « HAVE YOU SEEN A HORIZON LATELY?», Musée d’art contemporain africain Al Maaden, Marrakech (Maroc), jusqu’au 19 juillet 2020. macaal.org
Benbouchta, Éternel retour du désir
, 2019.
DANSE
Une troisième édition où les artistes du pourtour méditerranéen sont plus que jamais mis
À L’HONNEUR.
L’ENJEU DE CE FESTIVAL, à l’initiative de l’Institut du monde arabe, est de porter l’actualité chorégraphique contemporaine arabe. Tout au long du printemps, neuf scènes parisiennes et franciliennes proposeront une programmation réunissant des artistes d’Égypte, de Palestine, du Liban, de Tunisie ou encore de Syrie. À l’occasion de ce rendez-vous annuel devenu incontournable, danseurs et chorégraphes interrogent leurs racines et le rapport à l’autre, mêlant styles et influences. Tels la Marocaine Camélia Montassere, danseuse attitrée de la doyenne du raï Cheikha Rimitti, la chorégraphe algérienne Nacera Belaza ou encore les virtuoses du hip-hop, Karim KH ou les breakers Saïdo Lehlouh et Johanna Faye. Une créativité et des énergies contagieuses. ■ C.F. LE PRINTEMPS DE LA DANSE ARABE, différents théâtres de Paris et de sa banlieue (France), du 18 mars au 26 juin 2020. imarabe.org/fr
INTRIGUES DE COUR, amants, assassinats, relations conflictuelles, guerres fratricides, complots, révoltes… Ce troisième volume d’une tétralogie consacrée à Cléopâtre VII Philopator (69-30 avant J.-C.), qui régna sur l’Égypte entre -51 et -30, alterne entre la vie romaine, devenue impossible pour la sulfureuse reine, et sa fuite en Égypte après la mort prématurée de Jules César. Le destin si particulier de cette habile stratège oscille entre pouvoir, sensualité et ambition. Mais ce qui attend Cléopâtre au pays des pyramides, affamé par la sécheresse, n’est pas de tout
« J’AI VÉCU DE NOMBREUSES VIES dans ce corps. J’ai vécu de nombreuses vies avant qu’on ne m’y place. Je vivrai de nombreuses vies quand on m’en sortira. » L’exergue parle d’elle-même. Nous sommes dans quelque chose de fantastique et de troublant. Et si Akwaeke Emezi évoque et invoque les esprits contradictoires qui habitent son héroïne Ada, c’est pour mieux interroger sa propre vie. À 33 ans, cette autrice et vidéaste nigériane se définit comme non-binaire, c’est-à-dire ne se sentant ni femme ni homme, ou les deux à la fois. Elle a donc
MARIE & THIERRY GLORIS, JOËL
MOUCLIER, Cléopâtre, La Reine fatale (volume 3), Delcourt, 56 pages, 14,95 €.
repos. Elle va devoir réaffirmer son autorité pas à pas. Et dans le sang, s’il le faut. Le récit, haletant, plonge avec justesse dans des événements complexes. Très bien documenté et intelligible, l’ouvrage se dévore grâce à un rythme enlevé et des dessins très détaillés, presque incarnés. ■ C.F.
AKWAEKE EMEZI, Eau douce, Gallimard, 256 pages, 20,50 €.
mis en scène une petite fille qui grandit sous l’influence d’esprits de la tradition igbo (ethnie dont elle est issue elle-même), qui se disputent le contrôle de sa vie. Avant d’être traduit en France, ce premier roman a bousculé le monde littéraire américain. Plus qu’un audacieux ouvrage introspectif, c’est un véritable hommage aux esprits et aux dieux de l’Afrique de l’Ouest. ■ C.F.
Créée par la fondation Montresso, la 3E ÉDITION de ce programme s’est tenue fin février dans la cité ocre, en parallèle de la foire d’art contemporain africain 1.54. Cinq plasticiens de la République démocratique du Congo se dévoilent jusqu’au 28 avril.
SENSIBILISER, ACCOMPAGNER, FÉDÉRER, tels sont les maîtres-mots d’In-Discipline, programme de soutien à la création et à la diffusion des artistes du continent. Initié par la fondation Montresso, dans le cadre de la 1-54 Contemporary African Art Fair, il met, chaque année, un pays à l’honneur : le Bénin en 2018 et la Côte d’Ivoire en 2019.
Cette troisième édition, inaugurée le 23 février dernier, est exclusivement consacrée à cinq plasticiens de la région du fleuve Congo. Ces derniers se sont installés, comme leurs prédécesseurs, au sein de la résidence d’artistes Jardin Rouge. Situé à une quarantaine de kilomètres de Marrakech, cet espace de 10 ha est implanté au cœur de la zone rurale de Ouidane, dans un décor calme, offrant à perte de vue des palmiers et des oliviers centenaires. Loin de l’énergie frénétique et du chaos incessant de Kinshasa, Hilaire Balu Kuyangiko, Serge Diakota Mabilama, Vitshois Mwilambwe Bondo, Kouka Ntadi et Fransix Tenda Lomba ont pu explorer, triturer, pousser les limites de leur imagination. Ces fers de lance de la jeune école kinoise sont habitués à travailler ensemble, comme l’explique Vitshois Mwilambwe Bondo, parrain de cette édition : « Nous sommes réunis depuis la fondation de Kin ArtStudio à Kinshasa. C’est un laboratoire
Fransix Tenda Lomba en train de travailler sur Entre nous, à la résidence d’artistes Jardin Rouge, en 2019.
expérimental dédié aux talents émergents, que j’ai créé il y a sept ans. Tous disposent d’ateliers, d’une bibliothèque et de salles d’exposition. » Celui-ci a vu l’une de ses peintures primée à la foire contemporaine de New York en 2012 et a récemment exposé au musée des Civilisations noires, à Dakar [voir Afrique Magazine n° 401]. Kouka Ntadi, lui, s’inspire de pièces de récupération. Tel un passeur d’art entre Brazzaville et Marrakech,
le JT 64’ Le Monde en français ainsi que l’émission culturelle
Maghreb Orient Express sur TV5 Monde. Le journaliste décrypte en profondeur l’actualité et propose une autre lecture des événements, donnant la parole à ceux qui font bouger les lignes. par Astrid Krivian
Le journalisme ? Un métier d’empathie, de proximité, fondé sur le contact humain, « qui se perd dans ce monde paradoxal, globalisé, mais en repli », expose l’animateur. Sa vocation naît au fil d’un cheminement. Les voyages forment la jeunesse, disait Montaigne, et amènent Mohamed Kaci, né en 1978 à Ivry-sur-Seine, curieux et féru de lecture, à la rencontre des peuples et de leurs cultures : des vacances en Algérie, pays d’origine de ses parents kabyles, un séjour chez son correspondant dans une Allemagne tout juste réunifiée, et plus tard, seul en sac à dos, au Viêt Nam, en Palestine, en Israël, au Mali… Il découvre les réalités de la jeunesse et des plus fragiles. Ces expériences forgent sa conscience du monde, déterminent son désir de raconter les maux, les difficultés d’une société, mais aussi ses forces et ses richesses. Avec pour éthique de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas.
Diplômé en biochimie (« un bagage très utile quand je reçois un scientifique »), puis de l’École supérieure de journalisme en 2002, il écrit dans un premier temps des piges pour la presse spécialisée, réalise des documentaires. À sa troisième candidature, en 2006, il intègre TV5 Monde, première chaîne francophone au monde, diffusée dans 198 pays et une ligne éditoriale en adéquation avec ses valeurs : « À travers une pluralité de points de vue, cette chaîne généraliste propose un angle transversal, qui sort de la vision Nord-Sud habituelle. Ni précipitation, ni sensationnalisme, on privilégie le temps de l’analyse, le traitement de fond. »
Présentateur de 64’ Le Monde en français en semaine, il pilote l’émission Maghreb Orient Express (MOE) le week-end. Née en 2011, portée par les Printemps arabes, celle-ci convie des acteurs culturels, des artistes de disciplines et d’expressions diverses issus des rives de la Méditerranée. Effervescences créatives, richesses d’un patrimoine, leurs œuvres et témoignages se font l’écho des pays, de leurs avancées, leurs blessures, leurs enjeux politiques et sociétaux qui les traversent. « On écoute les intéressés, au lieu de parler à leur place. On ne se cantonne pas aux sujets anxiogènes. Il s’agit d’amener un regard différent, neuf. On s’attache à faire tomber les clichés, à briser les tabous. Et MOE donne une large place aux femmes. » Le magazine établit également un trait d’union entre le Maghreb et le Moyen-Orient, des mondes qui ne se comprennent pas toujours : « On s’intéresse aux problématiques communes. De même que l’on aborde le Maghreb dans sa profondeur africaine. » Sous-titré ou traduit en arabe selon les pays, MOE est aussi un outil d’initiation à la langue française. Parmi les rencontres marquantes, « la beauté du métier », le journaliste cite le poète sud-africain Breyten Breytenbach, ancien militant anti-apartheid, ou les performeurs de la révolution tunisienne, investissant l’espace public après l’effondrement de la dictature. En dehors de son emploi du temps trépidant au sein de la rédaction, il s’aère grâce au sport, s’évade en Europe ou en Afrique, consulte la presse et très peu la télé. Bûcheur, il dévore les ouvrages en vue de préparer ses émissions. « Tonton a des devoirs à vie !», observe sa petite nièce. ■
«On écoute les intéressés, au lieu de parler à leur place.»
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PAR EMMANUELLE PONTIÉ
Côté protection de l’environnement, l’Afrique est forcément à la traîne. Les raisons invoquées pullulent : manque de volonté politique, absence de moyens, de formation, d’éducation, d’accès à l’énergie… Ou encore, on parle des freins traditionnels, comme la déforestation due à la coupe de bois de chauffe, etc. Lors des dernières COP, les pays du continent, moins pollueurs que les autres, demandaient des fonds, des aides et des soutiens dans ce domaine qui ne passionne pas les foules chez leurs électeurs, souvent bien empêtrés dans des soucis plus urgents, plus criards du quotidien, et peu enclins à se préoccuper des décennies futures. Et pourtant… Depuis quelques années, on assiste à une évolution inattendue et plutôt rapide dans le secteur. Le Sénégal ouvre le plus grand parc éolien d’Afrique de l’Ouest. La Côte d’Ivoire vient de signer un énième protocole avec un pays européen afin de doubler ses énergies renouvelables d’ici dix ans et prévoit de réduire de 28 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. De même, le Cameroun annonce qu’il veut porter sa capacité en matière d’énergies renouvelables à 25 % pour 2030. La plupart des pays ont déjà opté pour le mix énergétique, qui se développe à la vitesse grand V, comme au Mali.
À Lagos, une entreprise locale a levé 20 milliards de dollars pour l’électrification des marchés par panneaux solaires et stockage d’énergie sur batteries. Et des projets de smart cities sont lancés au Rwanda ou bientôt au Bénin.
Finalement, le continent décollerait-il en matière d’avenir vert ? Fréquemment appelée « dernière frontière de la croissance » et vantée pour l’immense marché qu’elle promet, l’Afrique attire aussi, et de plus en plus, les investissements dans le secteur de l’environnement. Et il semble que le temps où l’on entendait des « analyses » du genre « Ah oui, l’Afrique a plein de soleil, mais ça coûte trop cher pour elle d’installer des panneaux » est en passe d’être révolu.
Les projets avancent, trouvent des financements, les gouvernements se retroussent les manches, s’informent, entrent dans la danse. Et si la tendance se confirme, ce sera une super bonne nouvelle pour l’avenir du continent et des prochaines générations. Ainsi qu’un excellent moyen pour claquer gentiment le beignet aux afro-pessimistes ronchons qui restent persuadés que l’on est condamnés à rater tous les trains qui mènent vers des lendemains meilleurs. ■