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Conférence internationale du

© Marcel Croizet/ILO Cette année, la Conférence internationale du travail se déroulera physiquement. En raison du Corona, la conférence de 2020 avait été annulée et s’est poursuivie virtuellement en 2021.

Conférence internationale du travail Sur fond de double crise

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Lorsque vous recevrez ce numéro de Syndicaliste dans votre boîte aux lettres, la conférence annuelle de l’Organisation internationale du travail (OIT) aura déjà commencé. Prévue du 27 mai au 11 juin 2022 à Genève, cette 110ème session s’inscrit dans un monde qui a été profondément secoué, d’abord par le Covid-19, puis par la guerre en Ukraine. Une fois encore, la CSC s’engage pleinement. L’objectif principal de cette année consiste à faire du droit à la sécurité et à la santé au travail une norme de travail universelle.

Conférence post-Covid-19

En 2019, nous avons célébré le centenaire de l’Organisation internationale du travail (OIT), fondée en 1919 sur les ruines de la Première Guerre mondiale. Cet anniversaire lui a donné un nouvel élan après une période difficile. Le banc patronal l’avait en effet plongé dans une crise sans précédent en lui refusant le droit de prendre des mesures contre les violations du droit de grève, qui fait partie des normes fondamentales du travail. Et puis est arrivée la crise du Covid-19. Avec toutes les difficultés à rassembler des gens du monde entier, la conférence de 2020 a été annulée. En 2021, étalée sur le printemps et l’automne, la conférence n’a été organisée qu’à distance, à travers des écrans. Les travaux se déroulaient donc entre 11 heures et 16 heures, car vers 11 heures, heure européenne, les Américains se lèvent et vers 16 heures, les Australiens se couchent. Cette année, la présence sur place est à nouveau assurée, mais beaucoup de gens ne suivront la conférence qu’à distance. Et encore une fois, avec des créneaux horaires serrés.

Construire des droits universels du travail

La cerise sur le gâteau (d’anniversaire) en 2019 a été la Déclaration du centenaire sur l’avenir du travail, soigneusement préparée par une commission spéciale dont faisait partie Luc Cortebeeck, président honoraire de la CSC. Cette commission a lancé le concept de la garantie universelle du travail: tous ceux qui travaillent, où qu’ils soient dans le monde, devraient avoir droit à un salaire adéquat, à une limitation de la durée du travail et à la sécurité et la santé au travail. L’objectif était d’ajouter ces trois droits à l’ensemble des normes fondamentales du travail de l’OIT. Aujourd’hui, cet ensemble se limite à l’interdiction du travail des enfants, du travail forcé et de la discrimination, ainsi qu’à la liberté syndicale et au droit à la négociation collective (y compris le droit de grève). La valeur ajoutée de cette reconnaissance en tant que norme fondamentale du travail est que tous les pays qui adhèrent à l’OIT doivent respecter ces droits, même s’ils n’ont pas ratifié les conventions concernées de l’OIT. De plus, il y aura un contrôle plus strict des éventuelles violations de ces droits. Les syndicats ont adhéré à la proposition de la commission. Les employeurs, également représentés au sein de la commission, ont toutefois estimé que le projet était trop ambitieux. Cependant, dans la Déclaration du centenaire, ils ont fini par ouvrir la porte à l’un des trois droits: la sécurité et la santé au travail. Trois ans plus tard, cette question est à nouveau à l’ordre du jour, afin de franchir officiellement le pas vers la reconnaissance en tant que norme fondamentale du travail. Stijn Gryp, à la tête du service Entreprise, représente la CSC dans ces discussions (voir page 19).

Les pays sur la sellette

La CSC a traditionnellement joué un rôle de pionnier dans l’une des commissions permanentes de la conférence: la commission de l’application des normes. Le président de la CSC, Marc Leemans, y est le porte-parole du groupe des travailleurs depuis des années. Il s’agit d’une sorte de tribunal où doivent comparaître les pays qui bafouent les normes internationales du travail. Normalement, la commission traite les cas de 24 pays,

mais comme la pandémie complique le travail, ce nombre peut être plus restreint. La liste des pays qui doivent apparaître cette année est encore en cours de négociation au moment où nous rédigeons cet article. La guerre en Ukraine a sérieusement bouleversé l’ordre géopolitique, avec de nouvelles querelles et de nouvelles alliances. Cette évolution aura un impact important sur le choix des dossiers et leur règlement. Il n’y a aucun doute là-dessus. Comme de coutume, cette commission commence par la discussion d’un rapport d’experts sur un sujet particulier. Cette fois, il s’agit d’un rapport sur les (une partie des) héros de la crise du Covid-19: le personnel soignant, sans oublier le groupe souvent sous-exposé des travailleuses et travailleurs domestiques. L’objectif sera d’évaluer le suivi de la convention de l’OIT sur le personnel soignant (n° 149) et de la convention plus récente sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n° 189).

Travail après le Covid-19

Autre commission permanente: celle de la «discussion récurrente». Cette commission a été créée sur la base de la déclaration de l’OIT sur la justice sociale de 2008. Cette déclaration définit quatre objectifs stratégiques pour le travail de l’OIT: le travail décent, la protection sociale, le dialogue social et le respect des normes fondamentales du travail. Chaque année, l’un de ces quatre thèmes est abordé, et ce thème est ensuite au centre des travaux ultérieurs de l’OIT. Cette année, c’est au tour de l’emploi, dans un monde où les marchés du travail ont été fortement secoués par la crise du Covid-19 et de la crise ukrainienne. Nous en ressentons aujourd’hui les conséquences énormes pour l’Europe et pour notre pays. Une conférence comme celleci nous oblige cependant à ouvrir nos esprits et à prendre en compte les conséquences désastreuses pour le Sud et l’Est. Dans son rapport pour la conférence, Guy Ryder, le directeur général sortant de l’OIT, a attiré l’attention sur l’impact de ces crises sur les pays les moins développés. Avec la hausse mondiale des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, le pire risque encore d’arriver dans ces pays.

Économie solidaire

Un défi particulier en matière d’emploi est discuté au sein d’une commission distincte: quelle mission l’économie sociale peut-elle remplir? Dans le jargon de l’OIT: l’économie sociale et solidaire (ESS), avec un accent particulier sur le rôle des coopératives. Le rôle des ESS a été explicitement reconnu dans la Déclaration du centenaire. En particulier pour les pays du Sud et de l’Est, elle est souvent considérée comme un moyen de passer de l’économie informelle et non réglementée à une économie formelle, avec des droits complets pour les travailleurs. Une discussion générale lors de la conférence devrait permettre de mieux orienter les travaux de l’OIT dans ce domaine. Ne serait-ce que pour délimiter ce que nous entendons tous par ESS.

Normes pour les apprentissages

En Belgique comme dans le monde entier, nous voyons comment les apprentissages et la formation sur le lieu de travail sont mis à profit dans les processus d’apprentissage des jeunes. Mais aussi comment ils sont trop souvent utilisés abusivement comme des emplois bon marché. Lors de la conférence de 2012, dans le cadre d’un débat sur le chômage des jeunes à la suite de la crise financière de 2008, le gouvernement a été invité à mieux garantir qu’il s’agit de parcours d’apprentissage à part entière et non d’un moyen commode de remplacer des travailleurs ordinaires. L’objectif est d’aller plus loin et d’instaurer une nouvelle norme de l’OIT pour ce type de formation sur le lieu de travail. Une proposition de contenu possible nous est présentée. La première lecture est prévue pour cette année. La deuxième lecture, l’année prochaine. Il faut également décider s’il s’agira d’une convention de l’OIT ou d’une simple recommandation. À votre avis, quel sera le choix des employeurs? | Chris Serroyen |

La Conférence internationale du travail veut parvenir à de meilleurs accords pour que les stages pour les jeunes ne soient pas utilisés abusivement comme des emplois bon marché.

La sécurité et la santé au travail, le 5ème principe fondamental de l’OIT?

Les syndicats, les employeurs et les gouvernements discuteront à Genève de la question de savoir si et comment la sécurité et la santé au travail doivent être reconnues comme un principe fondamental de l’OIT.

La sécurité et la santé au travail deviendraient ainsi le cinquième principe fondamental de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998, en plus de (1) la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective, (2) l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, (3) l’abolition effective du travail des enfants et (4) l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. La reconnaissance de la sécurité et de la santé au travail comme principe fondamental serait une confirmation importante de l’importance cruciale d’un environnement de travail sûr et sain pour tous les travailleurs, où qu’ils soient dans le monde. Un travailleur ne devrait jamais avoir à craindre pour sa santé, et encore moins pour sa vie, lorsqu’il exerce son métier. Malheureusement, nous savons que la réalité est encore trop sou-

vent différente aujourd’hui. Pensons, par exemple, aux nombreux accidents (mortels) de travail ou aux nombreux travailleurs qui ont contracté (été affectés par) le Covid-19 au travail au cours des deux dernières années. La discussion au sein de l’OIT n’y changera bien sûr rien dans l’immédiat. Pourtant, il importe que les syndicats, les employeurs et les gouvernements du monde entier continuent de souligner l’importance de la sécurité et la santé au travail et l’érigent en principe fondamental. Cette reconnaissance contribuera également à ce que l’OIT soit obligée d’aider ses membres à accroître la sécurité et la santé au travail. La discussion sur la reconnaissance de la sécurité et de la santé au travail ne part pas d’une page blanche. De nombreuses déclarations et conventions de l’OIT soulignent déjà l’importance de la sécurité et de la santé. Le travail à «Un travailleur ne devrait jamais avoir à craindre pour sa santé, Genève se poursuivra dans cette lignée. La CSC veillera à ce que les accents adéquats soient donnés, par exemple l’importante responsabilité qu’ont les employeurs de et encore moins pour sa vie, lorsqu’il exerce créer un environnement de travail sûr et sain pour leurs travailleurs. son métier.» | Stijn Gryp |

Il importe que les syndicats, les employeurs et les gouvernements du monde entier continuent de souligner l’importance de la sécurité et la santé au travail et l’érigent en principe fondamental.

À propos de l’OIT

Unique agence tripartite de l’Organisation des Nations unies (ONU), créée en 1919, l’Organisation internationale du travail (OIT) réunit des représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs (syndicats) de 187 États membres. Ensemble, ils établissent des normes internationales, élaborent des politiques et conçoivent des programmes visant à promouvoir le travail décent pour tous les hommes et les femmes dans le monde.

En savoir plus:

• À propos de l’OIT: www.ilo.org • Voir la vidéo explicative l’OIT au travail (5 minutes):

www.ilo.org/global/about-the-ilo/lang--fr/index.htm

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