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La plus haute des épiceries
L’épicerie de Chandolin un projet participatif et rassembleur
Les rues de Chandolin sont parfois bien silencieuses. En dehors de la saison touristique, les lieux sont clos et l’atmosphère un peu fantomatique. Le village est pourtant très habité, avec de nombreux enfants. Mais les habitants ne savent plus où se réunir, où se retrouver. Chacun vit dans sa bulle. Les sociétés locales s’essoufflent par manque de relève et peinent à déclencher l’enthousiasme. Bien sûr, la Covid et son cortège de restrictions ont rétréci nos vies. Mais certains habitants s’inquiètent, car la vie du village avait déjà beaucoup perdu bien avant la pandémie : l’esprit de Chandolin est-il en train de mourir à petit feu ? N’est-ce pas un problème plus large, aux racines plus profondes et qui risque de perdurer même quand la crise liée à la Covid sera surmontée ?
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Des habitants se sont réunis il y a déjà de nombreuses années pour partager cette impression et échanger sur des solutions pour faire renaître la vie de village. Ils ont décidé de créer « une épicerie qui ressemblerait à ses habitants, un lieu convivial et participatif, offrant un assortiment le plus complet possible, avec de l’essentiel et du local, de l’accessible et du bio, permettant un accès diversifié, en direct ou par commande en ligne et livraison. Avec aussi l’idée d’une partie café, pour se rencontrer, discuter, déguster et pourquoi pas écouter une causerie ou un concert ou s’informer de l’actualité du village, avec un Point Relais La Poste ». Le mercredi 24 mars 2021, la coopérative de Chandolin était née. Une épicerie financée et gérée par des coopérateurs, habitants ou non ? Mais comment cela est-il possible ? A quoi cela va-t-il ressembler ? Stéphanie Guex et Alexander Dorr, tous deux habitants de Chandolin et dévoués à la concrétisation de leur rêve, vont nous décortiquer ce projet pour qu’on y voie plus clair.
Comment est née cette idée de coopérative et à quel besoin veut-elle répondre ? Stéphanie : Il y a trois ans, le magasin a failli arrêter son activité. Pour éviter cela, les habitants se sont renseignés sur ce qu’il était possible de faire et ils ont compris que la meilleure solution était de racheter les locaux. Ils ont créé une coopérative dans ce but, mais ils n’ont pas réussi à réunir assez de coopérateurs et d’argent pour que le projet aboutisse. Par chance, 13*PAM a alors repris la gestion du magasin en louant les locaux. Par contre, ces derniers sont restés en vente et Alex les a rachetés pour rendre possible le nouveau projet de coopérative.
Alex : Je faisais partie des coopérateurs du premier projet et j’ai été très ému et déçu quand tout s’est arrêté. Les gens étaient très motivés, ils avaient vraiment envie de faire quelque chose ensemble. Ce qui a fait échouer la première coopérative, c’était les murs, représentant un investissement financier important. J’ai alors décidé de prendre les choses en main de mon côté. Je me suis dit que la seule possibilité pour débloquer la situation était de racheter les locaux, c’est ce que j’ai fait à titre individuel. Après quelques mois de négociations, 13*PAM s’est retiré comme acheteur potentiel et j’ai finalisé l’achat. J’ai fait cela pour avancer, mais à un moment donné je vais me retirer lorsque le projet tournera. Suite à l’assemblée générale constitutive, les coopérateurs ont commencé à acheter des parts sociales d’une valeur de 1000 frs. N’importe qui peut devenir coopérateur, même quelqu’un qui n’est pas domicilié à Chandolin, car le but est de créer quelque chose en commun. Notre modèle est aussi celui d’une coopérative pour tous et pas seulement d’un magasin réservé aux coopérateurs, car cela ne fonctionnerait pas dans notre environ-
Séance constitutive de la coopérative en 2021

Vieux village de Chandolin en 1959. Photo archive familiale Gustave Zufferey
nement touristique. Mais il y aura aussi des avantages pour les coopérateurs.
Stéphanie : Nous voulons que la coopérative soit ouverte à tous ceux qui aiment Chandolin, que les gens puissent se sentir des acteurs de ce projet et qu’ils n’en soient pas exclus sous prétexte qu’ils ne résident pas suffisamment de temps sur place ou qu’ils n’ont pas déposé leurs papiers en Anniviers.
En quoi cette épicerie coopérative est-elle différente d’un supermarché classique ? Alex : Comme c’est une coopérative, l’idée est de vraiment marcher ensemble, de créer un nouveau magasin et un tea-room, car ce qui nous manque c’est un endroit social d’interactions, un lieu de vie qui soit ouvert toute l’année.
Stéphanie : Hors saison, c’est plus compliqué pour ceux qui travaillent de faire leurs courses à Chandolin, les horaires sont parfois restreints. Nous comprenons bien sûr qu’il est difficile de maintenir des ouvertures durant cette période-là, et c’est pour cela que l’idée d’une coopérative nous paraît intéressante et complémentaire. On voudrait un magasin exploité à l’année, qui puisse concilier les besoins des habitants avec ceux des vacanciers, un endroit où se rassembler et où on pourrait profiter de services même quand il y a un petit peu moins de monde au village. L’idée est d’utiliser les forces et les compétences locales, et aussi de profiter de l’endroit d’une autre manière que seulement de janvier à avril et en juillet-août. Hors saison, je suis fatiguée d’arriver après le travail et qu’il n’y ait que peu de lumières dans les commerces. Il manque quelque chose, une vie de village. Pourtant, cela n’a pas toujours été ainsi. Il y a une vingtaine d’années, les gens de la vallée montaient à Chandolin pour manger au restaurant, et pourtant, il n’y avait pas plus d’habitants qu’aujourd’hui. La population de Chandolin est stable depuis les années soixante. Il y a même beaucoup d’enfants : ils étaient quinze à prendre le car postal chaque matin il y a deux ans ! Mais les habitants n’ont plus de lieu où se réunir. Il y a beaucoup moins d’engouement pour beaucoup de choses, et cela va certainement avec le fait qu’on se voit moins, on se croise moins, on s’investit moins. Pouvoir se retrouver est primordial, parce que si on perd le bénévolat, on devra changer toutes les structures et les fonctionnements du village. Les animations ne vont pas se faire toutes seules. C’est par exemple difficile pour le ski club ou la société de développement de renouveler leurs membres.
Alex : On veut arrêter le chacun pour soi et faire quelque chose ensemble. Réunir les habitants à l’année et les résidents occasionnels de Chandolin pour créer un lieu convivial et participatif, un magasin, un café, un espace culturel où on pourrait faire une exposition ou un petit concert. Nous aimerions faire des travaux pour transformer complétement l’espace. Nous voulons garder un aspect de supermarché et proposer une gamme à bon prix pour que les habitants puissent faire leurs courses ici au lieu de descendre chaque fois en plaine. Nous voulons proposer des produits de proximité, locaux et de qualité, et prêter une attention particulière à la gestion des déchets et au développement durable.
Stéphanie : Le tea-room et les produits frais seraient dans l’espace du dessus, avec le supermarché. Au début, on pensait faire du vrac, mais on ne sait pas encore si ça va être possible. Au sous-sol se trouveront les stocks et une cuisine aménagée, qui permettra peut-être de confectionner des plats à l’emporter.
Alex : Nous voulons adapter les horaires aux arrivées, surtout pour les résidences secondaires le vendredi soir, et proposer des plats cuisinés simples et de qualité, des livraisons, des achats en ligne et même un service au chalet.
Comment fonctionne la coopérative ? Alex : Le projet de coopérative suit une évolution organique. Nous sommes 16 membres fondateurs à l’heure actuelle, donc c’est un bon début.
Stéphanie : Les membres sont répartis entre le comité et différentes commissions: le magasin, le tea-room, la communication, les travaux, … C’est une structure horizontale et non centralisée. Les responsabilités sont déléguées aux commissions qui sont autonomes. Ce sont les coopérateurs qui prennent les décisions et choisissent, cela les motive à s’investir. Ils ont chacun une voix à l’assemblée générale. Ils donnent leur avis pour moduler la structure en fonction de leurs désirs.
Alex : Par exemple, la commission du magasin sera responsable du choix des produits. Nous avons aussi mis en place une boîte à idée.
Stéphanie : Nous sommes encore loin du but, nous aimerions que ce projet se réalise. Il nous faut passer par de nombreuses étapes administratives, avant de pouvoir mettre en route concrètement le projet ! L’été sera décisif ! Vous pouvez prendre des informations et nous rejoindre en visitant notre site internet : www.epiceriedechandolin.com