Je lis partout, tout le temps. J’ai juste arrêté de lire en marchant, ça peut être dangereux.
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Anne Herduin
— Alain Giorgetti
— Frédéric
« J’ai commencé à lire et à écrire quasiment en même temps. Je ne lisais jamais quand j’étais petit, à part Pif Gadget. J’ai découvert les livres très tard, vers 22 ans, comme dans un conte, dans une malle familiale au grenier et dans une période difficile. Là, se cachait toute la littérature classique, Flaubert, Zola, Maupassant. J’ai tout lu, plusieurs fois, en n’y comprenant pas grandchose et je notais tout ce que je ne connaissais pas. Cela a duré quatre ans. Je me suis alors demandé ce que je voulais faire de ma vie et j’ai décidé d’écrire. Puis j’ai commencé à lire tout de A à Z, sans discrimination. Je passais d’Aristote à d’Arvor… Je suis tombé dans la littérature sans m’en rendre compte et j’ai continué à lire et à écrire plusieurs livres en même temps. J’ai toujours lu et écrit en même temps, je lis lentement et j’écris lentement, je divague, je digresse. Le renversement est constant, ça coule, ça découle et des fois ça stagne. Je vois les livres comme ça, ils plaisent, séduisent, et parfois ils construisent quelque chose, cela fait sens et s’imbrique avec le reste. C’est comme ça que je range ma bibliothèque. Ce que je préfère ce sont les incursions du fantastique dans le réel, les coïncidences de la vie. Je pense que je lis tout le temps, tout cela me traverse en permanence. J’essaye de thésauriser mes lectures mais j’aime aussi reconnaitre les lectures naïves, celles qui apportent autre chose et qui sont inconsciemment traversées par l’imaginaire. Si je ne demande rien aux livres, ils m’apportent beaucoup. Ils sont le miroir fêlé qui laisse passer la lumière de ce qui est de l’autre côté et c’est cet autre côté qui m’intéresse. On le saisit parfois dans la relecture, ça ressurgit comme un bouchon de liège à la surface de l’eau. Si je devais citer l’auteur qui illustre le mieux cela ce serait Julio Cortázar, celui qui reste, qui est mon étoile nocturne et diurne. Et peutêtre aussi Un peu profond ruisseau de Catherine Millot. »
Ton premier émoi de lecteur ? John Fante, Mon chien stupide.
Auteur
Alain Giorgetti, La nuit nous serons semblables à nous-même, Alma
Ancien dyslexique
La lecture pour toi c’est quoi ? Avec mon passé de dys, la lecture a d’abord été le moyen de faire moins de fautes d’orthographe. Puis ce fut l’autorisation de l’accès à la connaissance, ce que l’école m’avait en quelque sorte interdit. Cette autorisation, je l’ai trouvée dans les livres que me passaient mes petites copines et je m’en suis saisi. Aujourd’hui, je lis de plus en plus, comme si je voulais rattraper le temps perdu, et cela m’offre une vraie rupture avec le quotidien, un moyen de sortir de la spirale des obligations. Ton livre sur une île déserte ? Le plus gros possible ? Proust, À la recherche du temps perdu. Et au retour, tout Dostoïevski. Si tu étais un livre ? L’Iliade et/ou L’Odyssée.
Du livre et de la lecture Petite bibliographie non exhaustive : — Laure Adler, Les femmes qui lisent sont dangereuses, Flammarion — Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur, Seuil. — Mona Chollet, Chez soi, une odyssée de l’espace domestique, Zones — Bruno Tackels, Walter Benjamin, une vie dans les textes, Actes Sud — Virginia Woolf, Entre les livres, La Différence