Zut Strasbourg n°48

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Hiver 2021

Éloge de la lenteur

Strasbourg


GRAND EST


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édito Éloge de la lenteur Par Sylvia Dubost

C’est un feuilleton sans fin. D’abord, on a eu envie de sortir, de se retrouver, de revivre. Après, on s’est dit qu’il fallait vraiment s’y mettre pour faire advenir enfin ce satané monde d’après dont on a tant rêvé. Faire autrement, avec les autres, en tout cas pas comme avant. Et puis tout s’est emballé. On a recommencé à tout faire comme avant, mais en pire. On est repartis, plus vite, plus fort, l’organisation en moins. En cet automne tellement chaotique, comme nous avons été nombreux à le constater, il a été quasiment impossible de ne plus sacrifier la réflexion à l’efficacité, comme on se l’était promis. En serrant les dents, espérant que ce ne soit que conjoncturel, et pas une nouvelle normalité. Et le constat est amer : il ­fallait que tout change pour que rien ne change. Tout, tout de suite. On avait dit, pourtant, qu’on n’en voulait plus. Alors, pourquoi c’est toujours pire ? Comment fait-on pour ralentir ? Pour simplement prendre le temps de réfléchir, de se nourrir, intellectuellement, émotionnellement ? Comment avancer lorsqu’on nous condamne à être sans cesse le nez dans le guidon ? On ne demande rien de plus que de pouvoir bien faire les choses. Peut-être à reprendre la main, quand même, aussi… Au fond, nous sommes sans doute les architectes de notre propre enfer, à vouloir tout, tout de suite, pour nous aussi. De la livraison en prime au streaming, plus le temps d’attendre, pas envie de renoncer. Comment, dès lors, regretter qu’on nous impose ce que nous-mêmes impulsons ? L’autre soir, au théâtre, j’ai vu des gens sortir de la salle alors que le spectacle ne durait qu’1h30. Ne sommes-nous plus capables de patienter, de nous ennuyer ? De perdre une heure de notre vie à nous confronter à un discours ou une vision du monde qui n’est pas la nôtre ? « Il ne faut pas que le réflexe remplace la réflexion, disait Paul Virilio il y a plus de dix ans. Il faut se laisser le temps de réfléchir, le temps d’aimer… » Changer de vitesse, mais surtout changer d’attitude, pour reprendre la main. Plus que jamais, ralentir, c’est entrer en résistance.

Zut magazine

2021—22 Prochaines parutions

Hors-série RCSA Une saison dans le vide 13 décembre

Hors-série Artisanat n° 4 fin mars

zut-magazine.com

Strasbourg n°49 début avril

Haguenau et alentours n° 10 début avril


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3 fois Daho 01—Variations Daho, un livre illustré de Christophe Lavergne 02— Dahovision(s), un livre de Sébastien Monod 03— Hôtel des infidèles, un livre photo de Nicolas Comment et Étienne Daho

Photo Zut team

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Retrouvez toutes nos parutions à La Vitrine

14, rue Sainte-Hélène - Strasbourg

www.chicmedias.com


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Les dernières publications 04— ZUT Haguenau et alentours, le journal trimestriel lifestyle 05— Novo, le magazine culturel du Grand Est, #61 06— Carnet de Bains, en collaboration avec les éditions 2024 pour la SPL Deux-Rives, collection de trois carnets sur les Bains municipaux de Strasbourg + coffret collector

07— Programme de saison 21/22 pour le Manège Maubeuge, scène nationale (conception, rédaction et direction artistique) 08— ZAP. Zone d’Architecture Possible, magazine pour l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, #4 09— ZUT Strasbourg, magazine trimestriel lifestyle 100% local, #47 10— L’Industrie magnifique, mook, retour en images sur l’édition 2021


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Zut team Directeur de la publication & de la rédaction Bruno Chibane Administration et gestion Gwenaëlle Lecointe Rédaction en chef Sylvia Dubost Rédaction en chef Cahier La Table Cécile Becker Directrice artistique et rédaction en chef Cahier Le Style Myriam Commot-Delon Directeur artistique brokism

Contributeurs Rédacteurs Cécile Becker, Valérie Bisson, Lucie Chevron, Myriam CommotDelon, Emmanuel Dosda, Sylvia Dubost, Tatiana Geiselmann, Caroline Lévy, JiBé Mathieu, Chloé Moulin Styliste Myriam Commot-Delon

Ce magazine trimestriel est édité par chicmedias 37, rue du Fossé des Treize 67000 Strasbourg +33 (0)3 67 08 20 87 www.chicmedias.com Sàrl au capital de 47 057 euros Tirage : 9000 exemplaires Dépôt légal : décembre 2021 SIRET : 509 169 280 00047 ISSN : 1969-0789

Photographes Jésus s.Baptista, Pascal Bastien, Klara Beck, Alexis Delon / Preview, Brokism, Thomas Lang, Dorian Rollin, Christophe Urbain, Sandro Weltin Illustratreur

Ce magazine est entièrement conçu, réalisé et imprimé en Alsace Impression Ott imprimeurs Parc d’activités « L es Pins » 67319 Wasselonne Cedex

Graphisme Séverine Voegeli

Manon Debaye

Directrice du développement Catherine Prompicai

Relectures

Chargée de projets & développement Léonor Anstett

Retouche numérique

Diffusion Novéa 4, rue de Haguenau 67000 Strasbourg

Emmanuel Van Hecke / Preview

Abonnements abonnement@chicmedias.com

Chargée du développement digital & culture Adèle Augé Commercialisation

Léonor Anstett

Mannequin Anna / Up Models www.upmodels.fr Coiffure

Léonor Anstett 06 87 33 24 20

Alexandre Lesmes / Avila @avilacoiffure

Bruno Chibane 06 08 07 99 45

Make-up Sophie Renier

Philippe Schweyer 06 22 44 68 67

Stagiaires

Anne Walter 06 65 30 27 34

Bettina Chibane Tanguy Clory

Célia Blaess 06 74 62 31 50 Catherine Prompicai 06 80 00 59 47 Claire Schneider 06 01 14 78 26 contact@chicmedias.com ou prenom.nom@chicmedias.com

Crédits couverture Maillot vintage Maison Claude. Escarpins Saint Laurent chez Ultima. Bijoux Eric Humbert. Chocker Perrine Taverniti chez Marbre. Ballons Fiesta Republic. Photos | Alexis Delon / Preview Mannequin Anna | www.upmodels.fr Studio Photo / Preview 28, rue du Général de Gaulle 67205 Oberhausbergen www.preview.fr


Découvrez la collection au showroom Farrow & Ball, 1 rue de la Nuée-Bleue à Strasbourg Ces motifs imprimés sont sous licence de Liberty Fabrics Limited. Copyright © Liberty Fabrics Limited 2021 .


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Sommaire

12  Carte blanche Éloge de la lenteur, par l’illustratrice Manon Debaye 14  T’es de Stras toi ? Victor Weinsanto 16  La sélection de la rédaction 18  L’actu Nos idées de cadeaux pour les fêtes. 24  Strasbourg vu par — Noé Thirion — Marisol Abeilhe-Godard et Gwendoline Dulat — Manuel Feig — Caroline et Cédric Kempf — Sara Khbaizi

35 La Cité 36  Arts Les arts et le temps Entretien avec Alexandre Tharaud et Etienne Rochefort, artistes en résidence à Strasbourg, sur leurs rapports au temps. 40  Lecture Portraits de lecteurs Des Strasbourgeois amoureux des livres se confient sur leur plaisir solitaire. 40  Photo Grand Est – Une Mission photographique Des photographes ont sillonné la Région pour en dresser le portrait. 48  Le métier Les métiers de l’ombre #3 Solène Fourt, costumière au TNS. 50  Culture S’arrêter et regarder Une sélection subjective où les arts nous invitent à revisiter notre rapport au temps et au monde.

58  Jeune Public Momix Comment s’adresser aux jeunes, quand ils ne sont plus les mêmes qu’hier. 60  Instant Flash Un apéro avec Mansfield.TYA 62  Médecine Ce que la méditation fait au cerveau Avec Jean-Gérard Bloch, le médecin strasbourgeois qui a fait rentrer cette pratique à l’hôpital et à l’université. 64  Société Thierry Kuhn Le directeur d’Emmaüs Mundo’ nous raconte une vie d’engagement. 70  Société La Tribu Ralentir le temps, avec les pêcheurs du bord de l’Ill.


Crémant d’Alsace. Simplement brillant.

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Tant de personnalité(s) * Le savoi r- f a i re d e s vignero ns al saciens co nfère au Crémant d ’Alsace un e robe br illante et délicate

L’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É , À C O N S O M M E R A V E C M O D É R A T I O N


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Sommaire

73 Le Style

105 La Table

74  La mode Bain de minuit.

106  Le produit Le chou Mais à choucroute, s’il vous plaît !

124  Le questionnaire La bouche et le temps Avec Carole Eckert et Jean Walch.

108  Dossier La fermentation Quand les produits prennent leur temps : tout un art… culinaire.

126  Noël Une table de fêtes Des idées à picorer pour un dîner parfait.

88  Les métiers Humer, toucher, contempler Avec les parfums Serena Galini, les fleuristesglaneuses de Ronsard et Valérie Pombart de Revenge Hom. 94  L’artiste Harmonie Bégon Cet hiver, la designer touche-à-tout est partout… y compris chez nous. 98  L’actu

116  Les nouveaux lieux Poupadou Oma Augusta A cantina Jaja 118  Le test Anatomie de la knack La sélection knackante de la team Zut. 120  Le portrait Levanthym Aux portes de Hautepierre, un zaatar libainais issu d’une recette de grand-mère. 122  La recette Des cookies de Noël façon Maison Naas

128  L’actu Retourner chez Jojo Un p’tit déj à la Villa René Lalique. 130  Le QG de Catherine Mueller au Bistrot Paulus.


Illustrations : Emilie Angebault – Photo : Gettyimages

Allumons les étoiles

du 26 novembre au 26 décembre noel.strasbourg.eu


Carte blanche

Éloge de la lenteur. Par Manon Debaye Crayons de couleurs et pastels secs, histoires d’amitié, d’amour, de doutes et d’émotions : depuis sa sortie de l’école Estienne en 2014 et de la HEAR en 2017, Manon Debaye fait du réalisme de la dentelle. Une inclination pour la nostalgie qui a dans l’œil du New York Times, de Kiblind ou de Society. Sa première BD, La Falaise, est sortie cet automne et a déjà fait le bonheur de la rédaction (lire ZUT n°47).

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making places

* habiter les lieux

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ALSACE/BELFORT/VOSGES/HAUTE SAONE mobilier contemporain pour la maison et le bureau 4 Le Schlossberg 68340 Zellenberg – tél 03 89 21 72 00 www.@decoburo-store.com – contact@decoburo.com


Victor Weinsanto Tu viens de Stras, toi ? Par Caroline Lévy / Photos François Quillacq

C’est qui, lui ? Prodige de la mode, le jeune designer de 27 ans, qui a fait ses armes chez Jean Paul Gaultier, a électrisé la dernière Fashion Week parisienne avec sa collection Hopla Geiss. Hommage à ses origines, Victor Weinsanto y réinvente les codes de la culture alsacienne dans un univers burlesque outrageusement décalé. Créations en kelsch, coiffes XXL et sacs en forme de Kougelhopf : tout y est ! Son parcours strasbourgeois « J’ai grandi à Souffelweyersheim jusqu’à mes 18 ans, avant de rejoindre l’Atelier Chardon Savard à Paris. Petit, j’étais au Conservatoire de Strasbourg pour m’orienter vers une carrière de danseur, ce qui m’a conduit à Cannes en internat. Je me suis rendu compte que l’univers de la danse ne me convenait pas et je suis rentré au bercail, direction le lycée Marc Bloch à Bischheim ! » Son souvenir marquant « L’enseignement de la danse auprès du chorégraphe et professeur Jean-François Duroure au Conservatoire. Il m’a ouvert l’esprit et la voie, vers le spectacle vivant et toutes les disciplines de danse. J’étais le seul petit garçon de ma promo et j’en garde un chouette souvenir. » Son héritage « Mes grands-parents m’ont toujours parlé en alsacien, ça fait vraiment partie de ma culture. J’ai d’ailleurs appelé ma dernière collection Hopla Geiss, une expression fourre-tout aussi entraînante que positive. À la Fashion Week, c’est la voix de ma grand-mère qui a ouvert le défilé, en dialecte évidemment ! » Son histoire insolite « La marque Weinsanto est inspirée par le nom de jeune fille de ma mère [il s’appelle Victor Brunstein, ndlr]. Ce patronyme est le résultat d’une erreur à l’arrivée à Strasbourg de mon aïeul Vincent Dau, dont le nom a été transformé dans une version germano-alsacienne par Weinsanto!

Son QG « Je passais ma vie à la Taverne française ! Avant mon admission en école de mode, je m’entraînais du matin au soir à faire des croquis dans mon calepin. C’était le seul endroit où tu pouvais rester toute la journée sans prendre plusieurs consos : le bon spot quand tu es lycéen ! » Sa gourmandise « La tarte flambée et les bredele, c’est toute ma vie ! Quand je viens à Strasbourg, je fais toujours un passage au resto À la Carpe à Souffel. » Ce qui lui reste ici ? « Toute ma famille, qui est très nombreuse ! Même si je rentre assez peu souvent, je me sens bizarrement plus alsacien aujourd’hui que lorsque j’y vivais. » weinsanto.com

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46 rue des Hallebardes 67000 Strasbourg | 03 88 32 43 05 | www.eric-humbert.com


La sélection de la rédaction

L’insta d’Anne Immelé 1 par Myriam Commot-Delon

« Ce sont des comptes comme celui-ci qui ont ma préférence, on se dit qu’on ne perd pas toujours son temps à avaler journalièrement et goulûment tout un flot d’images souvent insipides et vulgaires. Celui d’Anne Immelé, photographe mulhousienne, fait partie de « ma famille » d’abonnés, de « mes intimes » (j’avoue en suivre une floppée d’autres, beaucoup moins poétiques que le sien). La mémoire qu’elle photographie est mienne et universelle. Elle me raconte les lacs, l’enfance, le temps qui passe, des gens que je ne connais pas et qui me touchent, la montagne, tous ces espaces apaisants et ces poses arrêtées qui se répondent et me font réfléchir à ce qui m’entoure. Son travail a le pouvoir de me remettre dans le droit chemin quand je me noie dans un verre d’eau. » @anneimmele

Niderwind 2 par Cécile Becker « Je reconnais que la démarche ne m’a d’abord pas séduite. Igor, qui se cache derrière cette nouvelle gamme de vins assemblés à Strasbourg, préfère valoriser le goût du vin plutôt que son terroir. Moi qui défends le travail de la vigne et des femmes et hommes avait été décontenancée. Et puis, finalement, pourquoi pas, si la démarche permet de faire découvrir des vins avec peu d’intrants ? Igor achète des raisins bio, les vinifie et les assemble. Sa « cuisine » me fait penser à celle des parfumeurs. À goûter : son vin sec Riesling, Pinot Gris et Gewurztraminer, droit, subtil, sec et léger. À faire découvrir à Noël, aux oncles et tantes réticents aux vins natures. Dispo chez nos amis d’Œnosphère. » niderwind.com

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Le Marché OFF 3 par Sylvia Dubost « Ce n’est pas une nouveauté, certes, mais j’ai réalisé à ma grande surprise que beaucoup de Strasbourgeois ne connaissaient pas (encore) le Marché OFF. Ils ne savent donc pas qu'on peut tout à fait composer son menu et faire l’intégralité de ses cadeaux ici, où les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire, en plus de présenter leurs actions, proposent vêtements, objets de déco ou encore produits de la ferme. Des produits éthiques, locaux, éco-responsables et solidaires, pour redonner du sens à ses achats de Noël, à cette fête tout simplement, et prendre de nouveaux réflexes au quotidien. » Jusqu’au 24 décembre place Grimmeissen marcheoffstrasbourg.fr

Garage Store 4 par Hugues François « Je tombe toujours sur les choses par hasard, peut-être parce que je ne suis jamais vraiment au courant de ce qui se passe autour de moi. Mais en flânant à la COOP et en croyant pénétrer dans l’atelier d’un nouvel artiste ultra-prolifique, je découvre en définitive un lieu d’expo, Le Garage Store, comme ils l’appellent, qui rassemble une bonne partie des résidents du Garage COOP : Central Vapeur, les éditions 2024, Terrains vagues et bien d’autres, au travers d’affiches, de livres, de textiles, de céramiques… Une belle occasion de constater l’effervescence créative du lieu et, pour moi qui n’aime pas beaucoup la foule et l’agitation, de profiter d’un shop inspirant et reposant qui donne autant envie d’acheter que de créer. » Du jeudi au dimanche les après-midis, mais c’est pas clair…


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3 — Photo Laetitia Piccarreta

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Pour une fin d’année qui dit Zut au temps qui passe trop vite, et pour dénicher des cadeaux bien faits et sourcés à Strasbourg, c’est par ici ! Cadeaux

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Par Myriam Commot-Delon

Photo Alexis Delon / Preview

Il est l’heure !

Dans le sens des aiguilles d’une montre série de trois bougeoirs Candleholder en bronze or (vendus à l’unité), lampe de table portable Como SC53 en aluminium anodisé, série de trois bougeoirs en laiton bruni et serre-livre, le tout issu de la série Collect par Space Copenhagen pour &Tradition. À gauche de la lampe décapsuleur Bell à cloche intégrée en acier inoxydable or, design Jiang Qian pour Norman Copenhagen. Au sol décapsuleur Fein en laiton doré, design Trine Andersen pour Ferm Living. Le tout chez Fou du Roi - 4, rue du Faisan - fouduroi.eu


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Bien joué

Grandir toute sa vie

La vie en rose

Lampe de table Snoopy à réflecteur en métal et pied en marbre de Carrare blanc, design Achille and Pier Giacomo Castiglioni (1967), Flos chez Salustra – 97, route des Romains – salustra.fr

Duo de pin’s Le Câlin, Ernest et Célestine en laiton doré à l’or fin 24 carats chez Céleste – 30, Grand’Rue boutiqueceleste.com

Sac Geneve mini, A.P.C aux Galeries Lafayette – 34, rue du 22 Novembre galerieslafayette.com

Tic tac

Espace-temps

Horloge murale Turbine Clock, collection Wall Clocks (1948-1960), design George Nelson, Vitra chez Fou du Roi – 4, rue du Faisan fouduroi.eu

Livre Un siècle de photographie en Alsace / 1839-1939 par Philippe Lutz et Christian Kempf, Éditions Mediapop à La Vitrine Chicmédias – 14, rue Sainte Hélène - et sur mediapop-editions.fr

Suspension Lederam Manta, métal et fabrication artisanale italienne, Catellani & Smith chez Salustra – 97, route des Romains salustra.fr

Show chaud

Anti-âge

Garde-temps

Bonnet en laine côtelée, Robert Mackie of Scotland chez Curieux? / Curieuse! – 6A, quai Kellermann et 4, quai des Bateliers curieux-store.com

Soin régénérant La Grande Crème, packaging en cristal poli à la main en France, Biologique Recherche Paris en exclusivité chez Ollisane Maison de Beauté – 32, avenue Léon Dacheux ollisane.fr

Montre Rehab 360 fabriquée à Besançon, en métal doré et mouvement squelette automatique à 21 rubis, FOB Paris chez Algorithme La Loggia - 6, rue Gutenberg algorithmelaloggia.com

Le temps des lumières


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Pas si tradi Livre de recettes sur le Kouglof, 100 Coolglofs de Sonia Verguet aux Éditions Keribus à la Librairie Quai des Brumes – 120, Grand Rue – quaidesbrumes.com

Pantoufler

Strasbourg, ma belle

Chaussons en feutre, La Charentaise chez Marbre – 14, quai des Bateliers marbre-strasbourg.com

Affiche Strasbourg, format A4 et papier 300 gr, illustration Alexiane Magnin chez Le Générateur, Boutique de créateurs 8, rue Sainte-Madeleine - boutique. generateur-strasbourg.fr

De grès et de tendresse Cruche et gobelets en grès pyrité, Lisa Débat – 5, quai Charles Altorffer lisadebatceramique.com

À poing nommé

Photo Alexis Delon / Preview

Bracelet Upercut, collection Bim, en laiton plaqué or 3 microns (sur commande), Camille Goutard / Black Hole 13, rue Sainte-Madeleine blackholebrand.com

Résistance Roman graphique Des Vivants par Raphaël Meltz, Louise Moaty & Simon Roussin aux Éditions 2024 editions2024.com


MediaSchool.eu/strasbourg

Communication Journalisme Web Métiers du sport Informatique Transition écologique et solidaire Rendez-vous par téléphone au 03 88 36 37 81 ou par mail à strasbourg@mediaschool.eu Presqu’île Malraux 16, rue du bassin d’Austerlitz 67100 Strasbourg

Retrouvez-nous sur les réseaux


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Ralentir, enfin !

Au fil du temps

Bredele time

Livre pour enfants Le Temps qui passe, par Stéphanie Demasse-Pottier et Juliette Léveillé, aux éditions Maison Elisa chez Joy Concept Store – 46, rue du Jeu des Enfants - joy-concept.fr

Plateau de service Stadio 2, en frêne ou en orme, design Shi Bui chez Les Woodcutters (eshop boisé strasbourgeois) les-woodcutters.fr

Six emporte-pièces Christmas, Meri Meri chez Mom Pop – 106, Grand’rue www.mompop.fr

Jus d’ombre et de soleil Eau de parfum Bruma par le parfumeur d’origine alsacienne Antoine Lie pour Cire Trudon aux Galeries Lafayette – 34, rue du 22 Novembre - galerieslafayette.com

Genèse Monographie de l’exposition de JeanJacques Henner, La chair et l’Idéal au musée des Beaux-Arts, Musées de la ville de Strasbourg à la Librairie des Bateliers 5, rue Modeste Schickelé

Jardin intérieur Terrarium Carl, modèle taille M composé de ficus ginseng et microscarpa, de fittonia et de mousse d’Alsace, Tchungle 20, rue de la Division Leclerc tchungle.com

Lumière nomade

Photo Alexis Delon / Preview

Lampe de table, Manhattan SC52, design Space Copenhagen, &Tradition chez Fou du Roi - 4, rue du Faisan fouduroi.eu

Paradis terrestres Livre Elysian Fields d’Alyne Olukman, Éditions Médiapop à La Vitrine Chicmedias 14, rue Sainte-Hélène et sur mediapop-editions.fr



Ils vivent, travaillent, créent et sortent à Strasbourg. Les femmes et les hommes qui font vibrer la ville nous font découvrir leur lieu préféré. Propos recueillis par Myriam Commot-Delon et Caroline Lévy Photos Jésus s.Baptista

Strasbourg vu par

Caroline et Cédric Kempf, avec Suzie 36 et 40 ans 10 mois

Co-gérants de Fiesta Republic

Où ? Presqu’île Malraux, au pied des Black Swans

« La première maison de nos deux enfants. On adore ce quartier, qui est le théâtre de beaucoup d’animations, de créations, et au sein duquel nous avons de merveilleux souvenirs ! »

Zut à qui ou à quoi ?

« Zut aux lendemains de soirée : on a de plus en plus de mal à s’en remettre ! »

Actu ? Rachat de Fiesta Republic,

créé par les parents de Caroline en 1984 (Comptoir des Fêtes à l’époque). www.fiesta-republic.com Caroline : jean et manteau Brownie & Blondie aux Galeries Lafayette. Boots et bonnet perso. Cédric : mac réversible et bonnet Paul Smith chez Algorithme La Loggia. Jean et baskets perso.

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Manuel Feig

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49 ans

Directeur de l’école MJM Graphic Design

Où ? Square Louise Weiss

« L’important pour moi, c’est d’avoir les pieds dans l’eau ! Du liquide amniotique d’avant ma naissance, jusqu’à la pratique du canoë-kayak : c’est mon élément. »

Zut à qui ou à quoi ?

« Zut au conformisme, aux habitudes et au temps qui file (ce qui, au final, est une remarque très conformiste). »

Actu ? Journées de présentation des métiers MJM le 11.12.2021 et portes ouvertes le 26.02.2022 www.mjm-design.com

Caban et pull Valentino et écharpe chez Ultima Homme. Pantalon et baskets perso.


Illustration : Zeloot - Alphabet : Daniel Depoutot

Ouverture de la billetterie le 1er décembre


Marisol Abeilhe Godard et Gwendoline Dulat 31 et 33 ans Ateliers graphiques Terrains Vagues et BIG

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Où ? La Virgule

« C’est ici que nous nous sommes rencontrées. La Virgule marque le point de départ des collaborations entre nos deux collectifs : Le Garage Coop et le CRIC. Elle est surtout un lieu de rencontres et d’émulation créative au cœur du Port du Rhin, notre quartier fétiche !

Zut à qui ou à quoi ?

« Zut aux gens qui disent que le Port du Rhin, c’est trop loin ! »

Actu ? Lancement de PDR : Port du

Rhin, Peur de rien, journal trimestriel participatif avec les habitants du Port du Rhin, éd. Chicmédias. Marché de Noël Garage COOP + CRIC, les 11, 12, 17 et 18 décembre et soirée Merry Cricmas, concerts, performances et DJ set, le 18 décembre à partir de 20h à la Virgule. terrainsvagues.fr @bureau.intervention.graphique (BIG) Marisol : pull Gran Sasso, veste en velours côtelé Vanessa Bruno / Gwendoline : pull Paul Smith et veste en peau Benedetta Novi. Le tout chez Marbre.


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Noé Thirion

Chargé de mission Marché OFF

30

27 ans

Où ? Place Grimmeissen

« Parce que c’est sur cette place que la magie de Noël solidaire et responsable va enfin reprendre vie, entre containers et dômes, en plein cœur de la Petite France. Un lieu festif et convivial pour apprendre à consommer autrement ! »

Zut à qui ou à quoi ? « Zut à la consommation non-responsable ! »

Actu ? Marché OFF jusqu’au

24 décembre, avec des acteurs engagés dans une démarche d’achat responsable, programmation de conférences, rencontres, ateliers et spectacles. marcheoffstrasbourg.fr Blouson zippé à capuche Tagliatore et écharpe Begg chez Revenge Hom.


du au

27 nov 30 déc

Noel

2021

à Haguenau Office des Sports et Loisirs HAGUENAU


Sara Khbaizi

32

29 ans

Fondatrice de Monsieur Mimosa

Où ? Hôtel Tandem

« C’est dans le premier hôtel écoresponsable de Strasbourg que j’ai choisi d’organiser le défilé de la nouvelle collection, en accord avec les valeurs de la marque. J’ai aussi un amour pour les vieilles pierres et cet établissement est une bâtisse en grès des Vosges sublime ! »

Zut à qui ou à quoi ? « Zut à la fast fashion ! »

Actu ? Nouvelle collection Monsieur

Mimosa. Organisation du Pop up des créateurs en collaboration avec l’épicerie fine Levanthym, jusqu’au 24 décembre au 13, rue de la Mésange. monsieur-mimosa.com Chemise et pull en laine Monsieur Mimosa.


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Mon passe-temps favori, c’est laisser passer le temps, avoir du temps, prendre son temps, perdre son temps, vivre à contretemps. Françoise Sagan

La Cité.


Prendre son temps pour créer, pour construire son parcours d’artiste, pour que les expériences et les rencontres se sédimentent. Laisser reposer, reprendre l’ouvrage. Rencontre avec deux artistes en résidence à Strasbourg – l’occasion de se poser un peu – autour de leur rapport aux temps et au travail. La Cité—Rencontres

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Propos recueillis par Sylvia Dubost / Photos Klara Beck (Alexandre Tharaud) et Jésus s.Baptista (Étienne Rochefort)

Des temps pour l’art L’actu d’Alexandre Tharaud à Strasbourg — Lueur boréale, concert symphonique, les 2 et 3 décembre au Palais de la musique et des congrès + Dodo Taro, moment méditatif et poétique dans le noir après le concert du 3 décembre — Récital, le 12 décembre à la Cité de la musique et de la danse — Fantaisie, musique de chambre, le 27 mars à la Cité de la musique et de la danse — Récital avec Jean-Guihen Queyras (violoncelle), le 31 mai au Palais de la musique et des congrès

Alexandre Tharaud Pianiste

En résidence à l’Orchestre philharmonique de Strasbourg Star du piano, déjà 25 ans de carrière, des enregistrements multiples et des concerts dans le monde entier. Alexandre Tharaud est un artiste éclectique, aussi à l’aise en récital qu’en formation de musique de chambre, qui s’exprime sur son art dans des livres et s’aventure volontiers sur des chemins de traverse : le répertoire de Barbara, le spectacle équestre de Bartabas, le cinéma de Michael Haneke. Il est en résidence à l’OPS pour la saison 21-22. Le musicien et le temps Le temps, c’est sur quoi je travaille au quotidien, et c’est en même temps le plus grand challenge de ma vie. Un musicien triture le temps, le malaxe, le distend, le rétrécit. C’est celui qui vous fait perdre le rapport au temps, vous le public, dans un concert. On peut suspendre le temps, il y a peu de métiers qui peuvent se targuer de cela. En même temps, je fais un métier d’anticipateur. Des études montrent qu’on fait partie des métiers où le réflexe d’anticipation est le plus rapide. On joue de manière virtuose, on a l’habitude d’anticiper dans le milliardième de seconde. On joue une note et on est déjà dans la note d’après. Et en même temps, on prévoit le temps très longtemps à l’avance. J’ai des dates de concert prévues dans quatre ans. C’est très vertigineux. Donc le temps, c’est pas rien. C’est tout, même.

Le temps de l’apprentissage C’étaient les plus belles années de ma vie. Je me préparais à ma vie future mais sans aucune pression. Je n’avais pas le trac. Je n’avais qu’une envie, c’est d’être au centre de la scène, d’être applaudi. Je me sentais bien avec tous ces compositeurs, il n’y avait pas de jugement extérieur. Ma vie, je la fantasmais, maintenant je suis en plein dedans, et il y a plus de difficultés. Mais on sait déjà, quand on est jeune, et c’est la première des mauvaises surprises, qu’on n’aura pas assez de notre vie pour jouer le 100e de ce qu’on aurait envie de jouer. Il y a des œuvres que je n’approcherai jamais parce que je n’ai plus trop de temps. Par exemple, le 3e Concerto pour piano de Rachmaninov que j’ai voulu jouer toute ma vie. Maintenant je me dis que j’ai d’autres priorités. Les chefs d’œuvre sont tellement nombreux qu’on est obligé de faire des choix. C’est un énorme concerto, qui demande une grande préparation. Je peux me donner le temps de le faire, mais il y en a d’autres, et j’ai plus de 50 ans. La vie avance, je sais aussi que dans 20 ans je n’aurais pas la même technique, ça va baisser. Martha Argerich a une technique extraordinaire à 80 ans, et elle n’a pas d’équivalent. J’ai encore 20 ans pour jouer les œuvres virtuoses comme j’entends les jouer. Il y a un temps qui devient étroit, comme un entonnoir.


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Le temps de la scène C’est un temps défini, éphémère, dans lequel tout est plus fort que dans la vie normale. On vit les mêmes émotions mais multipliées par 100. L’amour, la fièvre, la connexion avec les autres, le manque : tout est magnifié. C’est un temps absolument précieux pour ça. C’est tellement plus beau que tout le reste, et c’est toujours triste quand ça s’arrête. Quand on est sur scène, on pourrait faire un camembert avec les pourcentages de personnes : les aficionados, ceux qui viennent pour la première fois, ceux qui vous connaissent, ceux qui ne vous connaissent pas, ceux qui vous adorent,

ceux qui ne vous aiment pas… C’est une question de disponibilité. Un artiste de scène est digne de ce nom, et honnête, à partir du moment où il est entièrement disponible. Et on est entièrement poreux. Il suffit d’une seule personne qui soit heureuse, on se sent utile et il n’y a que ça qu’on demande. Et on joue beaucoup mieux. Il y a des musiciens qui n’ont pas ce contact avec ce public qui peuvent jouer de manière égale quel que soit le public, sans attendre un retour particulier. Moi je ne peux pas du tout. Sur scène, avec un public heureux, vous vous laissez jouer. C’est eux qui jouent pour vous. Arriver sur scène, c’est entrer en connexion avec les autres.


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Le temps de l’enregistrement C’est tout le contraire, c’est un face à face, enfermé à double tour. Ce sont des moments pénibles mais que j’adore, parce qu’on va loin, on va chercher de l’inspiration, de la force, de la lumière au fond de soi, parce que quand on joue le même passage 40 fois, on n’a plus rien à dire. C’est vraiment aller chercher des choses très profondes. C’est de plus en plus long pour moi. Quand j’étais jeune, j’enregistrais en deux jours, maintenant j’enregistre en deux semaines. Je me fatigue plus. Quand on fait un disque solo, c’est très dur. On ne peut pas jouer toute une journée, pour en plus donner la meilleure version qui soit… Le temps de la collaboration Ça fait beaucoup de bien de travailler avec des gens d’autres métiers. Je n’en fais pas assez. Quand on travaille avec des gens géniaux, ça nous fait du bien. Michael Haneke, avec qui j’ai fait Amour, arrivait à me faire bien jouer en tant qu’acteur. Quand j’enregistrais la musique du film, Schubert, Bach, Beethoven, il est venu en studio. Il voulait un autre tempo ; je me suis dit, quand même, il n’est pas musicien ! Mais je me suis rendu compte que je n’avais pas le choix, et j’ai décidé d’accepter tout ce qu’il me disait. C’était très intéressant, il me parlait avec ses mots, c’était une expérience unique dans ma vie. Quand je joue Schubert, je pense à cette expérience que j’ai eue avec lui. Le temps de la résidence Ben, c’est un an [rires]. C’est très agréable parce que venir plusieurs fois dans un même lieu la même saison, c’est rare. Se poser, c’est très rare. On est sur des rails, quand on est sur scène on est focalisé sur le concert suivant. Une résidence, c’est retrouver un public fidèle, une équipe, des musiciens. On crée plusieurs situations, pour le public c’est intéressant, parce qu’on oublie vite les artistes. Je venais ici quand j’étais très jeune, je faisais des concerts avec l’association AJAM (les amis des jeunes artistes musiciens), je jouais dans des tout petits lieux, j’étais à peine payé mais j’étais content, je rodais ma vie future. Me voici de retour.

A écouter (discographie subjective) Schubert, 2021 Le poète du piano, 2020 Variations Goldberg de Bach, 2015 Le tout chez Erato

Etienne Rochefort Danseur et chorégraphe

Artiste associé à Pole-Sud, 2020-2022 Hip hop, skate, magie, cinéma, dessin… Etienne Rochefort a exploré au fil de son parcours des formes et des disciplines multiples, qui toutes viennent nourrir ses spectacles. Une écriture dynamique et singulière, biberonnée aux danses urbaines, avec laquelle il explore aujourd’hui des thèmes plus politiques. Comme avec Bugging, sa prochaine création, présentée en avril 2022. Qu’est-ce que cela signifie, d’être d’artiste associé ? En amont, cela signifie une reconnaissance. J’ai très longtemps ressenti un manque de légitimité, je me demandais si j’avais une vraie place dans tout ça. J’ai un parcours autodidacte et brouillon, très éclectique, où j’ai tout poussé très loin, mais il m’a fallu du temps pour savoir comment réunir ces influences en un projet cohérent, singulier, et qui me ressemble. Quand le téléphone a sonné pour me proposer cette association, validée par le ministère, c’était une manière de me dire que ce que je fais a du sens. Qu’est-ce que cela permet ? De l’argent ! [Rires] Une visibilité accrue : tous les autres CDCN [centre de développement chorégraphique national, label de Pole-Sud, NDLR] ont été obligés de regarder qui j’étais. Pour moi, c’est aussi l’occasion de mûrir. Je suis encore très jeune dans mon parcours artistique, j’apprends en faisant, sur le terrain. Cela m’offre les conditions pour que mes projets se construisent le mieux possible. La sérénité aussi ? Non, ce n’est pas le bon mot. L’assise, je dirais. Mais rien n’est acquis. Quel est votre rapport au temps dans le travail ? C’est mon sujet, en tout cas. Rembobiner, revenir dans le passé, dilater les moments, ralentir, donner une impression hallucinogène, grâce à la mise en scène. J’ai créé une gestuelle qui m’appartient et qui évoque cela. C’était notamment le sujet de Wormhole, d’après Kubrick, c’est aussi celui de Bugging : le monde qui bugge, qui dérape. Il m’a fallu vraiment beaucoup de temps avant de mûrir un projet identifié, qui m’appartienne, une dizaine d’années de déboires, d’expériences, de rencontres, d’apprentissages, de


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Étienne Rochefort pendant les répétitions de sa nouvelle pièce Bugging, présentée en avril prochain

réflexion pour pouvoir cerner quelque chose. Maintenant le temps devient plus oppressant, alors j’essaye de le détourner. Le nom de votre compagnie est 1 des si. Pourquoi revendiquer l’indécision ? Je n’y accorde pas énormément d’importance. L’indécision a été mon début de vie, et de tous ces si, il a fallu un réaliser un. J’y trouve mon compte. Je me suis aperçu que tout pouvait participer en termes d’influence et nourrir le travail, tout avait un intérêt, et me permettait d’approfondir la réflexion. Est-on plus créatif lorsqu’on a le temps ou lorsqu’on en manque ? Perso, et c’est une vraie confidence, je peux vraiment bien marcher quand je suis pressurisé, à l’arrache, et quand il faut faire le truc pour demain. Mais c’est un gros défaut que j’ai appris à nuancer. Maintenant que devient une plus grosse usine, avec plusieurs projets qui marchent en même temps, c’est un peu une bataille. Et puis, il y a toujours une part inconsciente des choses qui

Les actions de la saison Artiste associé pour deux saisons, Etienne Rochefort présente à Pole-Sud ses créations et mène aussi une série d’actions envers différents publics. Lui et les danseurs de sa compagnie animent ainsi de nombreux ateliers de pratique artistique avec des étudiants, des élèves d’élémentaire, de collège et de lycée. Ils sont toujours en lien avec des spectacles, notamment avec Bugging, la nouvelle création. « En vieillissant, ont commencé à naître des questions plus politiques. Je travaille beaucoup en direction des publics, sur le fait qu’ils soient déconnec-

tés des salles de théâtre, que les publics de ces lieux ne se renouvellent pas. Le projet de Bugging est lié à la réflexion sur les réseaux sociaux, c’est d’abord une mini-série dont le spectacle sera le dernier épisode. On y évoque des questions liées à la collapsologie, à un système tellement compliqué qu’on n’arrive pas à le gérer. Et ça parle à tout le monde. » Bugging, du 27 au 29 avril 2022 à Pole-Sud pole-sud.fr


La lecture : sans doute l’activité qui dilate le plus le temps et l’espace. Solitaire, apparemment immobile, c’est aussi un acte exploratoire qui ouvre des mondes, des pensées, appelle des émotions et des transformations. Portraits de lecteurs strasbourgeois, de tous âges et de toutes chapelles, au plaisir et au besoin de lire contagieux. Par Valérie Bisson / Photo Thomas Lang La Cité—Lecture

L’œuvre au noir

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Semblable est mon destin. Je pense à quelque chose D’immortel et d’essentiel que j’ai laissé Sur ces profondes étagères du passé… Jorge Luis Borges « Lecteurs », Œuvre poétique 1925-1965 Parce que la vie ne saurait suffire, pour l’amplifier ou vivre d’autres vies que la sienne, il est un acte qui se distingue entre tous : la lecture. Un geste universel qui porte en lui le paradoxe de l’immobilité et du mouvement. L’acte intime de la lecture, de cette lecture intériorisée et silencieuse que nous connaissons tous, est une invention relativement récente. La lecture à haute voix la précède, celle des clercs et des moines du réfectoire, celle de la distraction du pouvoir lors des banquets, celle du théâtre et des lois. La lecture telle que nous la concevons aujourd’hui naît en même temps que le concept d’auteur et donc de littérature, à partir du XIIIe siècle. ­Aujourd’hui la lecture s’est démocratisée, le secteur du livre engrangeait en 2019 un chiffre d’affaire de 42,5 milliards de dollars dans 14 pays, États-Unis en tête. En 2007, Tzvetan Todorov publiait La littérature en péril et rappelait qu’« une conception étriquée de la littérature, qui la coupe du monde dans lequel on vit, s’est imposée dans l’enseignement, dans la critique et même chez nombre d’écrivains. Le lecteur, lui, cherche dans les œuvres de quoi donner sens à son existence. Et c’est lui qui a raison. » Chaque livre porte un monde en lui ; franchir le seuil de ce monde, c’est déplacer son regard, rencontrer et donc se rencontrer. La lecture est une source infinie de connaissance de soi, d’apprentissage, de curiosité. Ce qui rebute pose question, ce qui plaît conforte, ce qui touche console ou accompagne. Comme les rêves et l’imagination, la lecture est une aventure intérieure où la collision avec l’autre crée abondance et richesse.

— Laure Werckmann

Comédienne et metteuse en scène « J’ai commencé à lire assez tardivement, vers l’âge de 14 ans. Pourtant, j’étais entourée de grands lecteurs, ma sœur et ma mère notamment, et je n’avais pas de difficultés pour accéder aux livres : il y en avait beaucoup autour de moi. Ma rencontre avec la lecture est née du sentiment amoureux mais surtout du lien, et je continue à attacher beaucoup d’importance aux livres que me conseillent mes amis, ceux à qui je tiens. Après, malgré les études littéraires et le théâtre, je suis passée à côté des grands classiques. J’avais une passion pour Paul Auster, les auteurs américains et japonais, j’avais besoin de contemporanéité, de vivant et d’ailleurs. Toute la littérature romanesque classique est arrivée bien plus tard. Avec le théâtre et le corps, la passion pour Racine et Corneille et toute la tragédie est arrivée assez vite. L’intensité, les pulsions, les grands mouvements m’intéressaient beaucoup, dénicher le caché a révélé ma vocation d’actrice. Ce qui m’a fasciné plus tard dans le roman et a ouvert une perception que je ne soupçonnais pas, c’est la place du corps dans le paysage. On retrouve beaucoup ça chez les auteurs russes, cette relation entre le corps, les s­ entiments, le paysage. Ces lectures me racontaient quelque chose de moi que je ne pouvais pas dire mais que je pouvais lire. Dans le théâtre, c’est le mouvement inverse. Je n’ai pas lu les romans à voix haute, contrairement aux textes de théâtre. Dans la pièce que je viens de mettre en scène et que je joue, J’AIME, le texte de Nane Beauregard révèle ce qui appartient au lien : j’ai trouvé sa théâtralité en le lisant en public, le théâtre a émergé par cette relation. La lecture possède pour moi ces deux dimensions et c’est un peu ce qui les relie qui m’importe. Aujourd’hui, je lis beaucoup, j’ai toujours des lectures pour le travail et mes lectures personnelles qui ne touchent pas aux mêmes choses mais pourtant ont la même ambition : dire un fragment du monde. »


La Cité—Lecture

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— Julien

— Anne Herduin

« Le premier livre dont je me souviens c’est celui que me racontait mon papa presque tous les soirs, Les Contes du joli bois de Tony Wolf [pseudo d’Antonio Lupatelli, NDLR]. Il y avait plusieurs volumes et mon préféré c’était celui sur les dragons. Je l’aimais tellement que dès que j’ai pu, j’ai commencé à le lire tout seul. Ensuite, j’étais captivé par toutes les histoires de dragons et j’ai lu toute la série des Royaumes de feu, il y a 11 volumes. À chaque fois que je m’y plongeais, c’était comme partir à l’aventure, je voulais vraiment que les dragons existent. J’ai toujours des figurines de dragons dans ma chambre. J’aime beaucoup les romans fantastiques et aussi les mangas. Avec la professeure de français de l’année dernière, c’était cool parce qu’elle disait que le plus important c’était qu’on lise ce qu’on aime et elle nous laissait choisir nos livres. Cette année, c’est terminé, interdits les mangas ou autres histoires fantastiques. Du coup, je ne lis plus que des mangas à la maison. Les parents disent qu’il y a moins de texte, c’est comme les BD mais là, ça a l’air de moins les déranger… Moi, je trouve que ce qui est important dans la lecture, c’est l’histoire, le monde dans lequel on s’engouffre quand on lit. »

Vos premiers souvenirs de lecture ? Je prenais petite tout ce qui me tombait sous la main. À 10 ans, je suis tombée malade et mon instituteur m’apportait les livres de la bibliothèque dans l’ordre alphabétique. Je lisais sans me poser de questions, j’ai guéri juste avant d’arriver au bout de la bibliothèque. Zola et Troyat à 12 ans, mais aussi la série des Fantômette, la bibliothèque verte de mon frère. Ma mère et ma grand-mère lisaient beaucoup, il y avait une bibliothèque à la maison et j’adorais que ma mère m’emmène à la librairie. Paradoxalement, j’ai mis des années à remettre les pieds dans une librairie avant de devenir moi-même libraire : j’étais trop impressionnée. Aujourd’hui, je vis ma passion, je suis entourée de livres.

Collégien

— Jasmine 9 ans

Qu’est-ce que tu aimes lire ? Des romans, des livres fantastiques, Harry Potter, je les ai tous finis mais je les relis en allemand. C’est bizarre de lire dans une autre langue, c’est différent, les noms des personnages changent. J’aime beaucoup les romans historiques, les livres d’aventure, les BD aussi. Qu’est-ce qui te plaît dans la lecture ? J’aime quand il y a beaucoup d’imagination, de la magie, j’aime que ça n’existe pas. J’aime aller dans les mondes où se passent les livres. Je me laisse porter par les mots, par le texte. Avec les romans historiques, on découvre aussi des mondes qui n’existent plus alors on peut faire des découvertes. Où est-ce que tu préfères lire ? Dans mon lit, le soir, mais je crois que je n’ai pas trop le droit de lire tard.

Libraire

Abandonnez-vous souvent un livre ? C’est très rare. Je culpabilise énormément. Je sais qu’on ne peut pas tout aimer mais je me dis souvent que ce n’était pas le bon moment. Et puis j’ai un immense respect pour les auteurs, donc je vais souvent au bout. La lecture pour vous, c’est quoi ? Une bulle. Je pars dans d’autres mondes, j’oublie tout le reste. Je lis partout, tout le temps. J’ai juste arrêté de lire en marchant, ça peut être dangereux. J’ai toujours un livre au fond de mon sac, je lis des jours entiers, j’aime surtout le dimanche quand tout est calme. Vous lisez quoi en ce moment ? Le dernier Goncourt, La Plus Secrète Mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr. C’est un joli pied de nez à tout ce qui se passe actuellement et j’ai besoin de connaître ce que je vends. Je lis différemment depuis que je suis libraire, je lis plus pour le conseil aux clients mais je fais aussi de belles découvertes. Tous les autres livres m’attendent, tant qu’ils m’entourent, tout va bien.


Le Dragon

Evgueni Schwartz | Thomas Jolly * 31 janv | 8 fév

Après Jean-Luc Godard CRÉATION AU TNS

Eddy D’aranjo * 22 fév | 2 mars

Berlin mon garçon

Marie NDiaye * | Stanislas Nordey 24 fév | 5 mars

Je vous écoute CRÉATION AU TNS

Mathilde Delahaye * 3 | 10 mars

Les Frères Karamazov

Fédor Dostoïevski | Sylvain Creuzevault 11 | 19 mars

mauvaise

debbie tucker green | Sébastien Derrey 23 | 31 mars

La Seconde Surprise de l’amour Marivaux | Alain Françon 24 mars | 1er avril

Nicolas Bouchaud, acteur associé au TNS © Jean-Louis Fernandez

Bajazet, en considérant Le Théâtre et la peste

Jean Racine, Antonin Artaud | Frank Castorf 6 | 10 avril

Julie de Lespinasse CRÉATION AU TNS

Julie de Lespinasse | Christine Letailleur * 25 avril | 5 mai

Les Serpents

Marie NDiaye * | Jacques Vincey 27 avril | 5 mai

Mont Vérité

Pascal Rambert * 17 | 25 mai

Fév | Juin 22 TNS Théâtre National de Strasbourg 03 88 24 88 24 | tns.fr | #tns2122

Ils nous ont oubliés (La Plâtrière)

Thomas Bernhard | Séverine Chavrier 3 | 11 juin

Superstructure

Sonia Chiambretto | Hubert Colas 8 | 15 juin * Artistes associé·e·s au TNS


Je lis partout, tout le temps. J’ai juste arrêté de lire en marchant, ça peut être dangereux.

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Anne Herduin

— Alain Giorgetti

— Frédéric

« J’ai commencé à lire et à écrire quasiment en même temps. Je ne lisais jamais quand j’étais petit, à part Pif Gadget. J’ai découvert les livres très tard, vers 22 ans, comme dans un conte, dans une malle familiale au grenier et dans une période difficile. Là, se cachait toute la littérature classique, Flaubert, Zola, Maupassant. J’ai tout lu, plusieurs fois, en n’y comprenant pas grandchose et je notais tout ce que je ne connaissais pas. Cela a duré quatre ans. Je me suis alors demandé ce que je voulais faire de ma vie et j’ai décidé d’écrire. Puis j’ai commencé à lire tout de A à Z, sans discrimination. Je passais d’Aristote à d’Arvor… Je suis tombé dans la littérature sans m’en rendre compte et j’ai continué à lire et à écrire plusieurs livres en même temps. J’ai toujours lu et écrit en même temps, je lis lentement et j’écris lentement, je divague, je digresse. Le renversement est constant, ça coule, ça découle et des fois ça stagne. Je vois les livres comme ça, ils plaisent, séduisent, et parfois ils construisent quelque chose, cela fait sens et s’imbrique avec le reste. C’est comme ça que je range ma bibliothèque. Ce que je préfère ce sont les incursions du fantastique dans le réel, les coïncidences de la vie. Je pense que je lis tout le temps, tout cela me traverse en permanence. J’essaye de thésauriser mes lectures mais j’aime aussi reconnaitre les lectures naïves, celles qui apportent autre chose et qui sont inconsciemment traversées par l’imaginaire. Si je ne demande rien aux livres, ils m’apportent beaucoup. Ils sont le miroir fêlé qui laisse passer la lumière de ce qui est de l’autre côté et c’est cet autre côté qui m’intéresse. On le saisit parfois dans la relecture, ça ressurgit comme un bouchon de liège à la surface de l’eau. Si je devais citer l’auteur qui illustre le mieux cela ce serait Julio Cortázar, celui qui reste, qui est mon étoile nocturne et diurne. Et peutêtre aussi Un peu profond ruisseau de Catherine ­Millot. »

Ton premier émoi de lecteur ? John Fante, Mon chien stupide.

Auteur

Alain Giorgetti, La nuit nous serons semblables à nous-même, Alma

Ancien dyslexique

La lecture pour toi c’est quoi ? Avec mon passé de dys, la lecture a d’abord été le moyen de faire moins de fautes d’orthographe. Puis ce fut l’autorisation de l’accès à la connaissance, ce que l’école m’avait en quelque sorte interdit. Cette autorisation, je l’ai trouvée dans les livres que me passaient mes petites copines et je m’en suis saisi. Aujourd’hui, je lis de plus en plus, comme si je voulais rattraper le temps perdu, et cela m’offre une vraie rupture avec le quotidien, un moyen de sortir de la spirale des obligations. Ton livre sur une île déserte ? Le plus gros possible ? Proust, À la recherche du temps perdu. Et au retour, tout Dostoïevski. Si tu étais un livre ? L’Iliade et/ou L’Odyssée.

Du livre et de la lecture Petite bibliographie non exhaustive : — Laure Adler, Les femmes qui lisent sont dangereuses, Flammarion — Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur, Seuil. — Mona Chollet, Chez soi, une odyssée de l’espace domestique, Zones — Bruno Tackels, Walter Benjamin, une vie dans les textes, Actes Sud — Virginia Woolf, Entre les livres, La Différence


Walter Braunfels

Les Oiseaux

Direction musicale Aziz Shokhakimov Sora Elisabeth Lee (20 fév.) Mise en scène Ted Huffman Chœur de l’Opéra national du Rhin Orchestre philharmonique de Strasbourg Strasbourg (Opéra) 19-30 janv. 2022 Mulhouse (La Filature) 20-22 fév. 2022

Conception graphique Twice studio Illustration Maïté Grandjouan


Pendant toute une année, cinq photographes ont sillonné la Région Grand Est pour dresser un portrait, forcément kaléidoscopique, d’un territoire et de ses mutations. Focus sur le projet Grand Est – Une Mission photographique. Par Emmanuel Dosda La Cité—Photo

La carte et le territoire Beatrix Von Conta Lac de Pierre-Percée, Vosges

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En 1984, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) sollicite Raymond Depardon, Robert Doisneau et Lewis Baltz pour parcourir l’hexagone, appareil photo sous le bras, afin de « représenter le paysage français des années 1980 ». Une entreprise sensible et documentaire, qui permet de mieux saisir un territoire. La Région Grand Est s’est inspirée de ce modèle pour tenter un portrait de cette nouvelle entité régionale, née en 2016. Ou plutôt, comme le formule Pascal Mangin, Président de la commission Culture de la Région, « un ensemble d’évocations, de ressentis ». Parmi les 840 candidats, cinq photographes ont été retenus et invités à sillonner la région de septembre 2019 à décembre 2020. Chacun avec son regard. Lionel Bayol-Thémines a poussé la porte du laboratoire d’images de surveillance et d’analyse SERTIT à Ill­kirch-Graffenstaden ; la série After Nadar met en exergue ces villes gloutonnes qui grignotent la nature. Olivia Gay prend les chemins de traverse et, loin des mégalopoles, demande aux personnes croisées de poser dans le lieu de leur choix et de se raconter. Éric Tabuchi poursuit son Atlas du territoire français en se focalisant sur les 45 régions naturelles du Grand Est (Outre-Forêt, Kochersberg, Saulnois…). Il souligne bâtiments vernaculaires, bâtisses

traditionnelles, constructions déterminées par la géologie du lieu et autres « incongruités architecturales » dont il raffole. Beatrix Von Conta nous invite à regarder la région Dans le miroir des sources et questionne la place de l’eau, ses usages et son impact sur le paysage ; une série aux allures de mise en garde. Bertrand Stofleth a posé sa chambre au beau milieu des campagnes pour témoigner d’une activité agricole en pleine mutation. L’inventaire d’un monde en transition qui montre, selon Catherine Merckling, co-directrice de La Chambre qui a suivi cet imposant travail de terrain, « comment la modernité se déplace, revenant parfois sur ses pas ». Et pourra, peutêtre, guider de futurs choix politiques. Grand Est - Une mission photographique Catalogue édité aux éditions Poursuite missionphotographique-grandest.com

Olivia Gay - Soumy et Safa Cité des Côteaux, Mulhouse

55 Av. des Vosges 67000 Strasbourg 03 88 96 60 32 maison_naas


La Cité—Le métier

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Par Chloé Moulin / Photos Klara Beck

Les métiers de l’ombre 3

Solène Fourt, costumière formée à l’École du TNS Qui ? Diplômée de l’École du TNS en 2017, Solène Fourt y a rencontré des metteur. euse.s en scène avec lesquel.le.s elle continue de travailler. Elle revient cet automne avec le spectacle Chère Chambre de Pauline Haudepin, ancienne camarade de promo. Le décor Elle circule entre les répétitions, les achats qu’elle aime faire en friperie et l’atelier costumes, au premier étage, où l’on travaille toute l’année. « Une chance », à l’heure où les théâtres font de plus en plus appel à des sous-traitants. Vous faites quoi, ici ? Pour cette création du TNS, Solène a pu bénéficier de deux résidences. « J’ai pu prendre des costumes au stock et essayer toute une palette de couleurs et de formes avec les interprètes. On n’a pas toujours ce temps : parfois, je commence à travailler sur photos. Cette rencontre m’importe car le costume est un support à

leur interprétation. » Suivent « la phase des dessins » puis celle « des maquettes ». « Après, c’est un dialogue continu avec la metteuse en scène, les interprètes et l’atelier. » Ce qui l’anime C’est précisément ce travail collectif. « Avec l’atelier, j’entretiens un dialogue très technique : les couturières vont traduire mon dessin, me faire des propositions aussi. N’ayant pas une formation de technicienne, leur regard peut me faire dévier, c’est très intéressant aussi. » Le moment de stress « Un moment que j’aime beaucoup, à la fois stressant et joyeux, c’est celui des premiers essayages. Le dessin en deux dimensions passe en trois dimensions, on le voit sur un corps en mouvement, c’est assez émouvant. Tout va très vite : il faut décider des retouches, des directions. D’autres essayages suivent mais le premier, c’est un moment un peu… consacré. »

À quoi ressemblerait le spectacle sans elle ? « Pour Chère Chambre, qui implique un vrai travail en costumes [un interprète incarne un personnage transformiste mobilisant « cinq ou six costumes », ndlr], je pense qu’il manquerait une cohérence d’ensemble. Sans personne pour centraliser les informations, c’est une charge qui retomberait sur les interprètes, parce qu’il faut bien qu’ils aient quelque chose sur le dos. Et l’habillement, ce n’est jamais anodin. Le vêtement absorbe tous les changements économiques, sociaux, politiques, culturels… S’habiller, c’est construire son image, mettre en scène son propre corps. C’est très fort. » Et incontournable. Chère Chambre jusqu’au 05.12 au TNS tns.fr


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CONTES ET LÉGENDES

Joël Pommerat / Compagnie Louis Brouillard

MAN STRIKES BACK Post uit Hessdalen 1RE FRANÇAISE

TANK

Doris Uhlich 1RE FRANÇAISE

MAILLON.EU


Quelle que soit sa nature, une œuvre invite toujours à ralentir et à se retirer pour un temps du chaos du monde. Certaines plus que d’autres, sans aucun doute. Pour cet hiver, voici une sélection subjective où les arts nous invitent à revisiter notre rapport au temps et au monde, en se plongeant en soi ou en revisitant le passé à la recherche de l’universel. Par Lucie Chevron La Cité—Culture

S’arrêter et regarder Regarder au dedans — Art

La Meraviglia | Chiara Camoni Alors que depuis deux ans, l’espace domestique s’est vu revalorisé, les œuvres de l’artiste italienne Chiara Camoni, exposées au CEAAC, offrent de sublimer le temps quotidien et l’intérieur ménagé. C’est en Toscane, sur les hauteurs de la côte versilienne, que l’artiste se met à l’ouvrage. Dans sa maison, où l’art s’est introduit dans les moindres recoins, elle altère les fonctions initialement assignées à chaque pièce. Les chambres, la cuisine, le salon, etc., se transforment en ateliers où elle-même, ses proches et les enfants du coin viennent sculpter la terre, réaliser des impressions végétales, enrichis des savoir-faire transmis de génération en génération. Les œuvres, réalisées à partir de matériaux naturels récoltés à proximité de son village, figurent des objets et émotions ordinaires. Sculptures, dessins, vidéos et installations se côtoient et parlent à chacun de façon intime. Mais toujours, ils se font l’écho altéré d’une pièce de la maison, s’émancipant eux aussi de leur rôle d’origine. « Le lâcher-prise et l’intuition sont deux principes opérants dans son travail », comme pour simplement prendre le temps de profiter de l’instant présent (ou rappeler de le prendre), sans idées préconçues. Jusqu’au 20.02.22 au CEAAC ceaac.org

— Danse

Cellule | Nach Sur la scène de Pole-Sud, Nach alias Anne-­Marie Van danse pour explorer l’ambiguïté de ses tréfonds intérieurs. En 2005, sur le parvis de l’Opéra de Lyon, l’artiste se confronte pour la première fois au Krump, une danse née dans les ghettos « noirs » de Los Angeles à la suite des émeutes raciales de 1992. De cette danse très codifiée, éminemment explosive et viscérale, Nach en conserve l’essence cathartique. Avec son solo Cellule, l’artiste s’émancipe des codes des précurseurs du mouvement, et se meut en un langage non-verbal plus universel. Elle révèle une version à la fois intime et sensible du Krump, comme pour parler à chacun, individuellement. Une chorégraphie en forme d’autoportrait où les multiples facettes, parfois tourmentées, de la danseuse s’échappent d’un corps androgyne, tel un hymne aux particularités humaines. 18.01 -> 19.01.22 à Pole-Sud pole-sud.fr

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Nach - Photos Mark Maborough

La Meraviglia - Photo Roland Görgen


La Cité—Culture

— Théâtre

Contes et Légendes | Joël Pommerat L’enfance et l’adolescence forgent les adultes que nous serons. C’est sûr, et c’est le point de départ de la nouvelle création de Joël Pommerat. Mais que l’on ne s’y trompe pas, s’il a titré sa pièce Contes et Légendes, évoquant les récits littéraires de nos jeunes années, c’est avant tout par ironie. Ici, le metteur en scène se fait sociologue des jeunesses contemporaines et anthropologue de l’avenir. Tantôt drôles, tantôt graves, les séquences interrogent les sociabilités juvéniles de la génération numérique, victime des turbulences actuelles, et notamment des injonctions des jeunes garçons à la masculinité. Comment se construire en tant qu’homme, en tant que femme, dans un monde soumis aux diktats de genre ? Entre fiction futuro-­dystopique et documentaire d’anticipation pas si étranger, Contes et Légendes confronte aussi des adolescents en construction face à l’Intelligence Artificielle. Vers quoi la quête humaine à l’hyper-technologie nous mène-t-elle ? Et si l’Humain cohabitait avec les robots ? À quoi ressembleraient, dans ces conditions, les interactions sociales ? 26.01 -> 29.01.22 au Maillon maillon.eu

Contes et Légendes — Photo Elisabeth Carecchio

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— Art

Transmergence #03 : Vision en noir et blanc S’inscrivant dans le cadre de la Régionale 22, Vision en noir et blanc est la troisième édition du format Transmergence, dont le désir est de valoriser la création contemporaine transfrontalière. Sur le thème, comme son nom l’indique, du noir et du blanc, l’exposition présente le travail de six artistes. En faisant volontairement le choix de renoncer à la couleur, ils témoignent d’un geste artistique engagé, tant esthétique, biographique, que politique. Si certaines œuvres illustrent parfois les débats actuels sur le post-­colonialisme et l’identité transculturelle, d’autres également symbolisent la pollution. Le noir et le blanc, une métonymie du manichéisme ? Une façon de se centrer sur l’essentiel ? Une figure de la dualité ou de la division ? Entre « clarté et obscurité, lourdeur et légèreté, concentration et absence – le noir et le blanc sont des contraires et constructions qui s’excluent l’un l’autre tout en s’appelant ». 04.12.21 -> 27.02.22 au FRAC Alsace frac.culture-alsace.org

Anaïs Dunn, Cela fait toujours du bien de parler de la pluie et du beau temps ou L’incontrôlable mécanique des pollutions intérieures, 2011. © Adapg, Paris. Photo B. Dupuy


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Thomas Jolly - Photo Jean-Louis Fernandez

Les Oiseaux — Visuel Maïté Grandjouan

Regarder en arrière — Théâtre

Le Dragon | Evgueni Schwartz / Thomas Jolly En 1944, en pleine Seconde Guerre mondiale, Evgueni Schwartz écrit Le Dragon, parabole antinazie et antistalienne, dénonçant toutes les tyrannies totalitaristes. Une pièce de choix pour Thomas Jolly, qui revendique un théâtre populaire et exigeant, dont on a déjà vu à Strasbourg les mises en scène du Radeau de la Méduse de Georg Kaiser et de Thyeste de Sénèque. Dans une cité asservie, un monstrueux dragon à trois têtes règne en maître absolu. Chaque année, un·e habitant·e choisi·e au hasard est emmené·e dans son antre pour ne jamais en revenir. Jusqu’au jour où le valeureux Lancelot en décide autrement. Traitant à la fois du fatalisme servile et des forces de résistance face à l’oppression, cette nouvelle adaptation interroge le monde contemporain et ses déviances. Après de longs mois de privation de nos libertés, que sommesnous encore prêts à accepter ? Face à l’injustice, sommes-nous capables d’agir ? Dans l’inaction, quelles sont nos responsabilités ? Une grande fable politique et un conte fantastique, qui met à nu l’humanité dans toute sa barbarie, qu’elle soit active ou passive. 31.01 -> 08.02.22 au Théâtre National de Strasbourg tns.fr

— Opéra

Les Oiseaux | Walter Braunfels Une rareté au programme de l’Opéra N ­ ational du Rhin. Alain Perroux, actuel directeur, a découvert l’opéra de Walter Braunfels dans les années 1990. Depuis, il n’a cessé de vouloir le monter en France. C’est chose faite. Librement adapté de la comédie éponyme d’Aristophane, Les Oiseaux version Braunfels n’est plus une distrayante satire utopique sur l’origine du monde. Composée pendant la Première Guerre mondiale, elle s’apparente plutôt à une fable sur l’échec des utopies. Entre le caractère dominateur des humains et la naïveté des oiseaux, qui l’emportera ? La vanité sera-t-elle punie ? L’opéra foisonnant de Walter Braunfels, mis en scène par Ted Huffmann, observe avec mélancolie le monde, ses failles et ses fourvoiements. Fable ou récit d’anticipation ? 19.01.22 -> 22.02.22 à l’Opéra national du Rhin operanationaldurhin.eu


La Cité—Culture

Jean Pouzadoux, Le Génie de la Patrie, détail du Départ des Volontaires, 1898, plâtre. © RMN – Grand Palais (musée d’Orsay) Hervé Lewandowski Isidore Pils, Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois, 1849, huile sur toile. Photo : M. Bertola, Musées de Strasbourg

— Art

Pirogues Todjivu En passant le seuil de l’ancien château d’eau du Musée Vodou, s’ouvre un monde immatériel entre terre, mer et ciel. Dans cette nouvelle exposition temporaire, le spectateur est invité à naviguer au cœur d’une culture ancestrale, chargée de la mémoire des esclaves de l’ancien Royaume du Dahomey. Les pirogues des cultes Vodou témoi­gnent de la place maîtresse des vodouïsmes dans la vie de ces êtres enchaînés. Sculptées dans le bois, certaines embarcations évoquent les négriers, d’autres symbolisent un voyage vers les cieux. Les œuvres, parfois rares, rappellent aussi le lien élémentaire que ce peuple entretenait avec son environnement, et présentent un autre modèle possible. Elles démontrent aussi la richesse artistique de ces cultures longtemps méprisées. À la fois mystique, mélancolique et contemplative, on y est question de vie et de mort, de protection et de punition. Étrangère et familière, l’exposition Pirogues Todjivu bouleverse par son universalité. 10.12.21 -> 02.10.22 au Musée Vodou chateau-vodou.com

— Art

La Marseillaise Elle ne se nomme pas La Strasbourgeoise, et pourtant, c’est bien Philippe-Frédéric de Dietrich, maire de Strasbourg, qui, en 1792, commanda à Rouget de Lisle un chant révolutionnaire destiné à l’armée du Rhin. L’exposition La Marseillaise, tant de fois reportée ces derniers temps, se fait l’écho d’une actualité toujours renouvelée. Telle une iconographie musicale, l’exposition étudie

Pirogues Todjivu — Photo P. Beck

comment cet hymne guerrier ressurgit à chaque fois que les droits de l’homme sont ­menacés, en France et à l’étranger. En 1989, nous l’entendions raisonner sur la Place Tian’anmen, à P ­ ékin. Tantôt revendiquée, tantôt censurée, tantôt reprise, La Marseillaise, a traversé les ­espaces et le temps comme le symbole de la démocratie, inspirant peintres, sculpteurs·ices, cinéastes, etc. À la fois exposition de musique, d’histoire, d’arts visuels et de 7e art, l’exposition nous rappelle surtout comment, dans l’adversité, on tente malgré tout de s’unir. Jusqu’au 20.02.22 au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg musees.strasbourg.eu



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Photo Dorian Rollin

— Théâtre

Meeting Point (Heim) | Dorothée Zumstein / Catherine Umbdenstock-Epik Hotel Aux origines de Meeting Point — en français, point de rencontre —, une rencontre justement : celle de Catherine Umbdenstock, metteure en scène, et Dorothée Zumstein, auteure. Aux origines également, un désir mutuel d’interroger la notion de « frontière ». Catherine Umbdenstock est alsacienne de naissance. En 2015, au lendemain des attentats, elle voit les frontières depuis longtemps impalpables entre la France et A ­ llemagne se formaliser à nouveau. C’est ce qui l’a amené à les réinterroger. Elle sait bien qu’en Alsace, les frontières, qu’elles soient terrestres, temporelles, linguistiques ou identitaires, sont troubles car historiquement fluctuantes. Elles furent et sont autant séparation que réunion. Dans ce huis-clos familial, « il est question de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi de langues, le français et l’allemand, du douloureux sujet des Malgré-nous, de blessures intimes, de mémoires effacées, de fantômes qui hantent une demeure chargée de souvenirs, d’un pacte faustien ou même d’un nain de jardin. » Le récit nous plonge à la

fin des années 1990, dans une chaleureuse maison alsacienne à colombages depuis longtemps abandonnée. Sur la scène, deux générations, deux nationalités (française et allemande) se réunissent et viennent déterrer les souvenirs. Les petites histoires croisent la grande histoire, le tout enrichi d’anecdotes familiales puisées dans le passé de celles de Catherine Umbdenstock, Dorothée Zumstein et d’autres. Ainsi, le plateau se fait l’emblème de la (ré)union. (Ré)union du passé et du présent, du réel et du fictif. (Ré)union d’acteurs et d’actrices aux origines éparses dans un lieu et temps donné, entre eux, avec leurs personnages, et avec le public. Plus qu’un spectacle, Meeting Point (Heim) est une ode à la rencontre et au partage. 14 -> 17 décembre au TAPS taps.strasbourg.eu


ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE STRASBOURG ORCHESTRE NATIONAL

L’ANNÉE COMMENCE AVEC ELLES 11 > 28 JAN 22

L’ O R C H E S T R E ILLUMINE STRA SBO U RG

MAGUY MARIN

Y aller voir de plus près

NACH Cellule

SARAH CERNEAUX Either Way

DIRECTION MUSICALE

AZIZ SHOKHAKIMOV

MEYTAL BLANARU Rain

SILVIA GRIBAUDI © PIERRE-PLANCHENAULT © ROBYN ORLIN

Graces

WANJIRU KAMUYU An Immigrant’s Story

MARTA IZQUIERDO MUÑOZ Guérillères

ANNA-MARIJA ADOMAITYTE Workpiece

POLE-SUD.FR

+33 (0) 3 88 39 23 40 / 1 rue de Bourgogne 67100 Strasbourg

philharmonique.strasbourg.eu


31e édition déjà pour Momix, festival de référence à destination du jeune public. Et forcément, son directeur, Philippe Schlienger, continuer de s’interroger sur la façon de s’adresser aux plus jeunes, qui ne sont plus les mêmes qu’hier. La Cité—Jeune public

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Propos recueillis par Lucie Chevron

Parler du monde C’est la 31e édition de Momix : quels sont les enjeux de ce travail sur la durée ? Il est nécessaire d’accepter de se remettre en question. J’aime l’idée que dans le renouvellement, il y a beaucoup d’inventivité. Ces dernières décennies, nous avons assisté à l’émergence des outils numériques. La société évolue, et tous les domaines des arts de la scène avec. Cela nous impose d’être toujours à l’affût d’artistes qui apportent de nouvelles manières de parler de notre monde.

Spectacle Spoon Spoon, compagnie De Dansers — Photo Bart Grietens

Trois décennies, qu’est-ce cela signifie en termes de transmission ? Avec le temps, nous avons constaté que les enfants d’il y a une trentaine d’années, nourris par l’imaginaire du festival, et eux-mêmes devenus parents, viennent désormais avec leurs enfants. Depuis quelques années, nous nous intéressons beaucoup à l’adolescence, une période très sensorielle. Je pense que l’art peut être un bon moyen d’aider les jeunes à traverser des questionnements et sentiments qui leur sont propres. Notre objectif est de parler de sujets de société. Et on voit comme les questions portant sur le numérique, le harcèlement, les identités, sont des sujets importants, plus encore à ces âges. Dans le spectacle vivant, le numérique est à la fois un sujet et permet de nouvelles formes ? Sans aucun doute. Les codes des plus jeunes vont très vite. De ce fait, comment les générations plus anciennes vont-elles se raccrocher à eux ? Cette année, la compagnie Ex Voto à la lune va proposer un projet de création à partir d’ateliers avec des collégiens. Ils vont pouvoir inventer des personnages à travers d’applications comme Tik Tok et Instagram. C’est une immersion à travers laquelle les jeunes pourront nourrir l’aventure. On pourrait presque parler d’expérimentation… Complètement. C’est une nouvelle façon de concevoir la rencontre artistique : expérimenter des choses ensemble, avec les artistes. C’est à cet endroit que va se jouer l’évolution du lien entre les pratiques des jeunes et celles des artistes. C’est un territoire très excitant pour l’art. Ces outils permettent de revendiquer des choses, même s’ils peuvent aussi être mortifères. Il faut tenter de tirer du bon côté. Festival Momix 27.01 -> 06.02 au CRÉA Kingersheim (68) momix.org


Exposition du 18.09.21 au 16.01.22

gratuit | entrée libre lun>sam 10h–19h dim 14h–19h fermé les jours fériés plus d’infos sur bnu.fr

Sous le haut patronage de Monsieur Emmanuel MACRON Président de la République

05.11.2021 20.02.2022

LA MARSEILLAISE MUSÉE D’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN #MarseillaiseStrasbourg


La Cité—Instant Flash

Un apéro avec Mansfield.TYA French duo, minimaliste mais puissant.

Par Cécile Becker Photo Thomas Lang

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Elles ont bu Deux Météor Pils. La journaliste a bu Un vin blanc nature inconnu au bataillon mais dont elle n’a pas eu la référence. Qui a réglé la note Impossible de le savoir. C’était le bazar. Propos recueillis le 17 novembre au Cul Terreux, après leur concert à La Laiterie

Ivresse de la nuit, de l’alcool ou les deux ? Julia Lanoë  Les deux, ça va assez bien ensemble. Alors, pourquoi la nuit ? J.L.  Ce ne sont pas les mêmes gens, la nuit, que ceux qui sont allumés le jour. Ce sont les gens de la contre-culture, qui sont à la marge. J’ai la sensation que la nuit, c’est tout ce qui est hors normes, et c’est ce qui est plaisant. Personne ne travaille : ces heures sont normalement celles du sommeil. Justement, il y a eu NYX, votre troisième album… J.L.  Oui, on voulait célébrer la nuit. Nous sommes des oiseaux de nuit. Carla Pallone  Célébrer la nuit sous toutes ses formes et tout ce que ça évoque. Qu’est-ce que ça évoque ? C.P.  Le rêve, le cauchemar. Nyx est la déesse de la nuit. J.L.  La nuit, on est inconscient, c’est un monde parallèle qu’on aime explorer. C.P.  Et puis la fête. La nuit, tu as plus le droit d’être fou. J.L.  Parce que quand même on est zinzins. Mais ça se voit moins la nuit parce qu’on est avec les autres zinzins. Vous écrivez mieux la nuit ? J.L.  On écrivait beaucoup la nuit à un moment donné. J’ai écrit Monument Ordinaire de jour, pendant le confinement. Mais c’est assez poreux : les lectures qu’on a la nuit ou les rêves que l’on fait nourrissent inévitablement nos écritures du jour. C.P.  C’est romantique d’écrire la nuit, mais il n’y a pas de règles. Et puis, pour être franche, quand je suis devenue maman, le concept de nuit a un peu disparu. Parlons de fête… J.L.  Ça a toujours été très fort dans Mansfield. Ça fait partie intégrante de ma vie et de mes valeurs. Vous avez vraiment grandi ensemble. Comment votre duo a-t-il évolué ? J.L.  Quand on s’est rencontré, on était très jeune. Au fil des années – ça va faire 20 ans l’année prochaine –, on affine une méthode de travail qui est plus rodée. C.P.  On a toujours eu envie d’expérimenter ensemble. Avec le même élan mais des médiums différents. À chaque album, il y a de nouveaux instruments, là par exemple, le Cristal Baschet, le thérémine.

Pour retrouver le cri ? J.L.  Revenir à quelque chose d’organique et des tessitures hautes, pour faire contre-point aux basses. C.P.  Chaque album a son instrumentarium, c’est notre cabane sonore, protectrice. L’idée est de préserver une forme intimiste mais ouverte. J.L.  La scéno joue beaucoup en live. Elle n’a jamais été aussi aboutie [une toile tendue avec jeux de lumières et d’ombres, NDLR]. Pour que le fait d’être deux sur scène ne soit pas vu comme un défaut, pour nous aider à imposer quelque chose… C.P.  Le dernier spectacle que j’ai vu avant le confinement c’était Fase de Anne Teresa de Keersmaeker, où il y a un jeu d’ombres. Ça m’a beaucoup accompagnée pendant ce temps où on ne pouvait rien voir… Et puis, être deux fait qu’on nous a reproché d’être dans une formation presque trop minimaliste, mais c’est une volonté. J.L.  La forme duo, c’est trop fragile pour jouer à Dour ou aux Vieilles Charrues. Il faut un maximum de décibels et de scénographie pour prétendre à de plus grosses scènes. C.P.  Au début de Mansfield, Julia était à la guitare et moi au violon. Il y avait toujours cet a priori : un duo, ça devrait être une basse et une batterie. Alors que pour nous, l’intérêt est de suggérer des voix en musique. On a toujours été portées par un certain minimalisme. Vous vous retrouvez sur Monument Ordinaire après un temps où avoir fait chacune votre chemin artistique [Julia Lanoë avec Kompromat, Carla Pallone avec des bandes-son pour le cinéma et le théâtre, NDLR], comment cela a-t-il nourri votre duo ? J.L.  Tout nourrit tout. Mais les vies d’à côté font qu’on ne se lasse pas. Là, on a mis plus de temps à se retrouver parce que la vie a fait que je n’étais pas hyper prête… Le fait de faire d’autres choses nous permet d’avoir vraiment quelque chose à dire. C’est un luxe de pouvoir prendre ce temps et de ne pas refaire un album dès la tournée terminée… C.P.  Chacune va plus loin dans ses découvertes et les rencontres en parallèle. Avec ces projets, on trouve notre équilibre. Il faut le temps de trouver le bon endroit et le bon moment pour Mansfield. On attend qu’il y ait une nécessité à dire des choses.


Depuis une dizaine d’années, la méditation a le vent en poupe. Dans les hôpitaux, les entreprises et les écoles, il n’est plus rare de trouver cette pratique d’intériorité, issue du bouddhisme, pour accompagner la douleur, stabiliser l’attention ou réguler les émotions. Des bienfaits scientifiquement validés par de nombreuses études. Mais alors, que fait réellement la méditation au cerveau ? Le point avec Jean-Gérard Bloch, le médecin strasbourgeois qui a fait rentrer la méditation à l’hôpital et à l’université. Par Chloé Moulin / Photo Brokism La Cité—Sciences

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Le corps et l’esprit Comment un rhumatologue strasbourgeois s’est-il retrouvé à méditer à l’orée des années 2000 ? Jean-Gérard Bloch : Dans le cadre de mes études de médecine, j’avais l’impression que les savoirs étaient très cloisonnés, le corps séparé de l’esprit, la personne séparée de son environnement. Je cherchais donc à intégrer une composante d’intériorité et à réunifier ces savoirs. La méditation m’a beaucoup apporté, au niveau personnel comme dans ma relation aux patients. En 2010, j’ai ainsi introduit aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg le programme MBSR [réduction du stress basé sur la pleine conscience, développé en 1979 par le biologiste américain Jon Kabat-Zinn, ndlr]. La méditation joue un rôle dans la façon de faire face aux maladies graves, dans la prévention des maladies chroniques, elle apporte beaucoup aux soignants dans leur relation aux patients et dans la prévention du burn­ out qui les touche particulièrement. Vous créez en 2012 à l’Université de ­Strasbourg le premier diplôme universitaire français à porter sur la méditation puis, en 2014 et en 2016, des modules d’enseignement de la méditation auprès des étudiants en psychologie et en médecine. Était-ce une évidence pour les soignants et les enseignants ? Il a fallu un peu convaincre. Et c’est compréhensible parce que la méditation implique des

connaissances dans des domaines très variés. Elle touche aux sciences cognitives, aux neurosciences, au fonctionnement du corps et de l’esprit… Cela bouscule le dogme de séparation entre le corps et l’esprit, où on considère l’être humain et sa santé à l’aune de problèmes d’organes. Il a d’abord fallu offrir une lisibilité claire de ce qu’est la méditation et de ce qu’elle peut apporter. Petit à petit, ces approches ont gagné en considération, dans le domaine de la santé comme dans la société. Ce développement pose aussi question dans ce qu’il reflète du fonctionnement de notre société, avec une certaine marchandisation des savoirs. Ce dernier point questionne. En 2020, vous créez le DU « Leadership, méditation et neurosciences » à l’EM Strasbourg, une école de commerce. On pourrait penser que la méditation consiste à s’extraire du monde et de sa logique productiviste. Comment conciliez-vous ces deux réalités ? Je suis aussi engagé dans l’Initiative Mindfulness France, think-tank au sein duquel je propose des programmes MBSR aux parlementaires de l’Assemblée nationale. Ce qui a été fait à l’Université de Strasbourg d’une part, avec les politiques d’autre part, m’a convaincu que l’on pouvait transposer ce modèle dans le monde de l’entreprise. Il y a un intérêt à permettre à des dirigeants d’intégrer cette démarche de prise de recul. La méditation peut les aider à sortir de


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survivre en réagissant vite et fort à des dangers mortels, des restes de ce cerveau primitif provoquent aujourd’hui des réactions pas toujours adaptées. Avec la pratique de la méditation, les mécanismes de l’attention se régulent et permettent d’être moins victimes de ces automatismes inconscients. On retrouve cette régulation au niveau de ce qu’on appelle le réseau par défaut. Certaines zones du cerveau forment un réseau qui fonctionne en permanence, dont on retrouve l’activité en IRM fonctionnelle : c’est le vagabondage mental, une espèce de brouhaha dont on prend conscience dès qu’on ferme les yeux et qu’on essaie de ne rien faire. Il consomme beaucoup d’énergie et brouille les messages. Chez les personnes qui méditent, il est bien moindre. Sa diminution développe la capacité d’être plus lucide, de mieux discerner ce qui est important et ce qui, dans le corps, nous alerte sur le fait qu’on rentre dans un mécanisme de réactivité et de stress.

l’hyperactivité du quotidien et de se réinterroger sur l’organisation de leurs entreprises, sur leur rôle sociétal aussi. C’est réinterroger les dogmes de l’économie. C’est une démarche d’humilité, de lucidité, des valeurs dont ne doit pas être exempte l’entreprise. Vous parlez de régulation attentionnelle et émotionnelle : que fait la méditation au cerveau pour qu’on observe de tels bienfaits ? On a des données scientifiques très solides. On sait que la pratique répétée de la méditation a un impact sur la structure physique du cerveau, d’abord, avec des zones impliquées dans les régulations émotionnelles positives qui augmentent de taille, et des zones impliquées dans des fonctionnements fondamentaux de peur qui diminuent de taille. On observe aussi des transformations au niveau de mécanismes qui soustendent l’attention. L’attention est un domaine d’intérêt majeur, parce que si notre réponse de stress nous a permis, au cours de l’évolution, de

La méditation a-t-elle des effets dans le corps, au-delà du cerveau ? La méditation a des effets très signifiants sur nos télomères, nos horloges biologiques situées à l’extrémité de nos chromosomes. Plus elles rapetissent, plus notre espérance de vie diminue. On sait que le stress accélère leur diminution et que la méditation la ralentit. Elle a donc un effet sur notre espérance de vie. Autre domaine avec des impacts importants : l’épigénétique. Nos gènes, impliqués dans la fabrication des protéines, présentes dans toutes les cellules, peuvent être conditionnés par l’environnement et les conditions de vie – l’alimentation, le sommeil, le stress, les pensées positives et négatives… On pense que la méditation a une influence sur les gènes qui codent la fabrication de protéines impliquées dans l’inflammation. Cela nous donne des pistes pour les maladies inflammatoires et les douleurs chroniques. Voilà ce que peut viser tout un chacun en pratiquant la méditation. Avec une petite réserve : la méditation, c’est comme le running. Si vous courez une demi-heure tous les dimanches, cela transformera peu votre santé physique, si vous le faites tous les jours, les effets seront plus prononcés. pleineconscience-mindfulness.fr


Aujourd’hui, plus que jamais, Emmaüs pourrait bien être le modèle d’une alternative économique, sociale, écologique… C’est en tout cas la conviction de Thierry Kuhn, directeur d’Emmaüs Mundo’. Alors que la structure n’en finit pas de se développer, retour sur une vie d’engagement, avec la solidarité et le changement de société comme moteurs. Par Sylvia Dubost / Photos Pascal Bastien La Cité—Société

Changer le monde, pour de vrai

L’action solidaire comme vecteur de transformation sociale. Cela pourrait être le mantra de Thierry Kuhn. « Sans transformation sociale, c’est de la charité », et ça, c’est pas son truc. Son truc, c’est plutôt de développer des modes d’organisation sociale et de production où l’homme est vraiment au centre. Un modèle basé sur la coopération. « Une économie radicalement différente, résume-t-il. Il ne faut pas avoir peur du mot radical. Il faut retrouver une forme de radicalité solidaire. » À 55 ans aujourd’hui, ce fils de menuisier (« le plus beau métier du monde ») y a consacré sa vie. Son engagement naît tôt, vers 17-18 ans. À l’époque, soyons honnête, ce n’est pas l’école qui l’occupe le plus. « J’étais plutôt préoccupé par le monde, se rappelle-t-il. On se re-

garde soi, on regarde le monde, et on se demande ce qu’on peut faire. » Alors habitant de Cronenbourg, il commence par s’engager chez Cap jeune (Comité d’Action Populaire jeune) dans le quartier gare, sur le site de l’actuelle Laiterie. Comme il est bon en maths, on l’oriente vers des études de comptabilité. « Une erreur d’aiguillage », mais une formation qui lui sera bien utile. À 20 ans, il part en Inde avec des infirmiers de l’association Calcutta Rescue, au côté de Jack Preger, inventeur de la Street medecine. Sur place, leur action croise déjà médecine et insertion, puisque l’asso pilote un dispensaire de rue, une école et un atelier de tissage pour les femmes dont les enfants sont scolarisés par l’association. Il y retournera tous les ans pendant

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six ans, même si dans le civil, il est comptable à la Mutuelle de l’est (déjà l’économie sociale et solidaire…). Membre d’Attac dès la fondation, au tournant de l’an 2000, il fait vite partie du conseil d’administration. « Je me suis toujours intéressé à l’aspect politique. Mais politique au sens noble, celui d’une action concrète qui change la société. Je ne comprenais pas la méfiance mutuelle entre les politiques et ceux qui agissent sur le terrain. » À l’époque, il donne aussi un coup de main à Artisans du monde, assurant des permanences de temps en temps à la boutique rue de la Division Leclerc. « Une manière de consommer autrement, de faire évoluer les relations internationales et les conditions de vie des producteurs par une action très simple. » En toute logique, Thierry Kuhn est aussi engagé dans le mouvement syndical, et prend des responsabilités nationales à la CGT. Il intègre le comité exécutif de la fédération CGT des organismes sociaux, où il planche sur la question de l’emploi. « Le syndicalisme est un com-

Il faut retrouver une forme de radicalité solidaire.

bat, analyse-t-il, mais pas forcément dans une opposition. Il m’a appris l’action collective, comment réunir des personnes, des personnalités autour de positions communes, comment se donner une vision d’avenir et y inscrire son action. » Le monde extraordinaire d’Emmaüs À 40 ans, il y a 15 ans donc, il se dit que ce serait bien de concilier toutes ces actions et ses engagements… et accessoirement d’arrêter son métier de comptable. Hasard ou destin, l’association Emmaüs Mundo’ cherche alors un directeur. La figure de l’Abbé Pierre et ses actions résonnent avec ses convictions et ses engagements : « Créer des alternatives concrètes et avoir parole politique forte. » Créée par la communauté Emmaüs de la Montagne Verte, Emmaüs Mundo’ est une structure d’insertion par l’activité économique, qui propose de l’emploi à des personnes au chômage et « agit comme un tremplin vers l’emploi de longue durée ». Ici, pas d’hébergement comme dans les communautés, mais la volonté de « promouvoir une autre manière de produire, de consommer, en récupérant ce qui est jeté, créer un autre modèle économique en accueillant des personnes en difficulté ». Avec déjà, en arrière-fond, des préoccupations écologiques. Thierry Kuhn plonge alors « dans le monde extraordinaire d’Emmaüs », sur lequel il est intarissable. En 1949, l’Abbé Pierre accueille Georges, ancien


Hors-série Zut Tomi Ungerer 22 € Derniers exemplaires (édition 2011)

Magazine grand format trilingue, 292 pages dont 180 visuels et illustrations. Réalisé pour et avec Tomi Ungerer à l’occasion de ses 80 ans.

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Déguisements - Maquillage - Décorations 20 rue du vieux marché aux grains - STRASBOURG 03 88 23 10 17


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Devenir acteur de sa vie, de son environnement et de la société : c’est ce que j’espère pour chacun, et c’est comme ça qu’on réconcilie individuel et collectif.

bagnard sur le point de se suicider. « Je n’ai rien pour t’aider, lui dit-il, mais tu peux m’aider à aider les autres. » Avec le salaire de député de l’Abbé, ils s’installent dans une maison de Neuilly-Plaisance, fondant la première communauté. En 1951, l’Abbé n’est pas réélu, la communauté décide de se financer par la vente d’objets de récupération, pour vivre de son travail et non de charité. « C’étaient les débuts de société de consommation, rappelle Thierry Kuhn, et aussi les débuts de la société du chômage, la naissance des bidonvilles. On jette les objets et on jette les humains, Emmaüs récupère les objets en redonnant une place aux humains. Produire, consommer, jeter : notre modèle économique et politique se base sur ce gaspillage extraordinaire. » La crise éco-

logique aussi. « Emmaüs a fait le chemin inverse, reprend Thierry Kuhn, et c’est pour ça que son action répond tellement aux défis contemporains. Aujourd’hui, tout le monde reprend ce modèle. » Thierry Kuhn s’investit dans la branche économie solidaire et insertion à l’échelle nationale, intègre le CA, puis le bureau, est élu président en 2013. Il fera deux mandats, le maximum prévu par les statuts. « C’étaient des années passionnantes. J’ai essayé de porter le mouvement, de faire le lien avec les politiques, le ministère du travail, de l’écologie, de l’intérieur sur la question des migrants. Je voulais qu’on arrête de faire dans notre petit coin et qu’on en fasse un modèle. Au-­delà d’Emmaüs, on a beaucoup travaillé avec d’autres associations. » Pour les dix ans du décès de l’Abbé Pierre, il participe à réunir, avec Nicolas Hulot, des associations de défense de l’environnement, féministes, contre le racisme, pour un grand meeting de la société civile, « parce que les héritiers de l’Abbé Pierre, ce sont tous ces gens-là ». Comment continuer à allier toutes ces énergies ? En 2018, l’année de son retour à plein temps à Mundo’, Thierry Kuhn fonde Place publique avec, entre autres, Raphaël Glucksmann et Jo Spiegel (maire de Kingersheim). « L’idée est de faire émerger un mouvement citoyen, issu de la société civile et des acteurs de terrain », résume-til. PB se demande s’il faut devenir un parti ; les élections européennes scellent la réponse.

Emmaüs Mundo’ 4, rue du Général Rapp à Mundolsheim Emmausmundo.wordpress.com label-emmaus.co Thierry Kuhn en quelques dates 1966 : naissance à Strasbourg 1992 : premier séjour humanitaire à Calcutta 1999 : membre d’Attac 2006 : arrivée à Emmaüs Mundo 2014 : président d’Emmaüs France 2018 : co-fondateur de Place publique


Galerie - Showroom - Café 23, rue du Dôme

Strasbourg

colmena-art & café

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Colmena_art


La tribu.

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Par Caroline Lévy Photos Jésus s.Baptista

Michaël, 32 ans Moniteur guide de pêche « Je suis issu d’une famille de pêcheurs, j’ai commencé à quatre ans dans le HautRhin, avant de m’installer à Strasbourg. Ici, c’est une pêche de proximité qui permet de se réapproprier les milieux aquatiques. On trouve quasiment tous les poissons dans l’Ill, le Rhin et les canaux : brochet, perche, sandre, silure et l’aspe qui devenu l’emblème du street fishing local.Le poisson est un partenaire de jeu, mais il a plus de valeur dans l’eau que dans mon assiette. Prélever un poisson du milieu, c’est faire le choix qu’il y en ait un de moins, alors que la population aquatique est déjà très réduite en France. » Pêcher pour prendre son temps ? « On retrouve cette liberté au bord de l’eau, dont on a été coupé à cause des restrictions liées à la crise sanitaire. On prend le temps d’apprécier le moment. La pêche me permet de me recentrer et de me reconnecter à la nature. wow-fishing.fr


Prendre son temps, ressentir sa ville au fil de l’eau qui l’entoure, comprendre son rythme, sa couleur, de la population qui l’habite aux déchets qui la polluent. Depuis plusieurs décennies, la pêche urbaine à Strasbourg séduit des pratiquants toujours plus jeunes, amoureux de nature et respectueux de l’écosystème local. Le street fishing est devenu un plaisir sportif qu’ils érigent en art du geste, avec élégance et éthique. Pour la plupart d’entre eux, ils ont fait du no-kill une philosophie. Pêcher et relâcher à l’eau le poisson dans les meilleures conditions, leurré mais pas abîmé, pour peut-être recroiser sa route. Leur objectif est la touche, qu’importe le temps de la prise. Balade au bord de l’Ill avec ces pêcheurs itinérants qui font de la pêche un art de vivre, en symbiose avec la nature en plein cœur de la cité.

Mathis, 18 ans Lycéen

Nassim, 17 ans Lycéen

« Ma première fascination pour le monde aquatique, qui m’a ensuite mené à la pêche, remonte à l’âge de six ans. Ce qui est merveilleux à Strasbourg, c’est qu’on ne sait pas à l’avance ce qu’on va pêcher. C’est la loterie ! La beauté de la pêche, c’est sa complexité mais aussi la rencontre avec les autres. J’ai sociabilisé avec des gens avec qui je ne sociabiliserais pas habituellement. Ce sont tes potes qui vont t’apprendre à pêcher alors qu’avant c’était plutôt ton père. »

« J’ai commencé à pêcher il y a deux ans en regardant une vidéo sur Youtube ! Et puis je suis tombé sur une canne qui traînait dans la cave, je suis allé acheter des asticots et je me suis lancé ! Depuis, j’en ai converti certains mais j’ai surtout rencontré des copains au bord de l’eau. Je pratique le no-kill, mon objectif est de retrouver un poisson que j’ai déjà relâché. Ça ne m’est pas encore arrivé mais j’ai bon espoir. »

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Pêcher pour prendre son temps ? « J’aime l’aspect canalisateur de la pêche. Il permet de ne pas faire de bêtises, à un âge où on en fait beaucoup ! Mais ça me permet surtout de marquer un break après une journée agitée. »

Pêcher pour prendre son temps ? « Moi, ça m’apporte un certain bienêtre. Je peux passer des heures voire des journées pour une prise. Et parfois je ne touche rien mais j’essaie de comprendre la technique en observant la couleur de l’eau et sa température. »

Son spot fétiche « Tout le coin des Halles jusqu’à Gallia, pour la diversité des espèces mais aussi parce que c’est ici que je fais le plus de touches ! »

Le spot fétiche « J’adore pêcher aux Docks Malraux au pied de Rivétoile. Je viens environ tous les deux jours seul ou avec des copains, mais un peu moins en hiver… »


pré-production — prises de vues — photo post-production — vidéo numérique — 03 90 20 59 59 —


Le silence va plus vite à reculons, trois fois, le silence va plus vite à reculons, trois fois. Je répète : le silence va plus vite à reculons, trois fois. Jean Cocteau, Orphée

Le Style.


Bain de Photos | Alexis Delon / Preview Réalisation | Myriam Commot-Delon

minuit Mannequins Anna / Up Models upmodels.fr Make-up artist Sophie Renier sophierenier.com Coiffure Alexandre Lesmes Avila | @avilacoiffure Post-prod Camille Vogeleisen / Preview preview.fr Photos réalisées aux Bains municipaux de Strasbourg Merci à Jean-Robert Guirao


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Veste à double boutonnage en laine et lin Celine (nouvelle collection PE 22). Cagoule en mohair tricoté main Maison Claude. Bague en or blanc, zircon bleu et pavage de diamants Eric Humbert. Ballon Fiesta Republic.


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Manteau en laine vierge et angora Tagliatore, chemise à poches et pantalon souple en lainage Transit, boucles d’oreilles clips en résine Angela Caputi, sac en cuir patiné et fait main en Italie Numero 10, le tout chez Revenge Hom. Loup en satin Fiesta Republic. Chocker Monceau en laiton doré Perrine Taverniti chez Marbre.


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Haut en lainage bouclette à épaules structurées Isabel Marant chez Ultima Prêt-à-Porter.


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Blouse en satin de soie Vince, pantalon Alberto Biani, escarpins Fratelli Rossetti, chocker Monceau en laiton doré Perrine Taverniti, étole matelassée à poches intégrées en coton et soie imprimé patchwork Pierre-Louis Mascia le tout chez Marbre. Boucles d’oreilles en opales d’Australie, or jaune et brillants, collier en or jaune et opale boulder, bague deux ors, opale d’Australie et brillants, Éric Humbert. Loup argenté Fiesta Republic.


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Étole en soie imprimée, Ipsae.


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À gauche, tunique en soie tie and dye Isabel Benenato et à droite robe caftan tie and dye Masnada, sabots éco-responsables en cuir à tannage végétal Youyou, collier en argent, diamants et perles (de Tahiti, Edison et en pâte de verre), pendentif étoile en argent pavé de diamants Catherine Michiels, le tout chez Algorithme La Loggia.


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Robe en jersey de laine à lacets chaîne Omega ronde et escarpins Viper à bride arrière en cuir brillant embossé crocodile, les deux Saint Laurent chez Ultima. Boucles d’oreilles clips en résine Angela Caputi chez Revenge Hom. Boule à facettes Fiesta Republic.


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Robe en taffetas craquant Red Valentino chez Ultima Prêt-à-Porter.


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Robe bleu nuit à ceinture en gros grain blanc Ipsae. Escarpins Saint Laurent chez Ultima. Pompons cheerleader Fiesta Republic


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En haut à gauche : veste souple et pantalon en lainage Transit, pull irlandais en Lambswool Geelong Fisherman, sac en cuir Numero 10, derbies The Last Conspiracy, le tout chez Revenge Hom.


Jupe en soie à finitions effilochées (doublée d’un jupon court amovible non photographié) Masnada chez Algorithme La Loggia


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Maillot une pièce vintage Maison Claude. Escarpins Saint Laurent chez Ultima. Boucles d’oreilles en opales d’Australie, or jaune et brillants, collier en or jaune et opale boulder, Éric Humbert. Ballons Fiesta Republic.


Il y a des luxes pérennes, d’autres plus éphémères. Resteront dans nos mémoires ceux qui auront su éveiller nos sens. D’où ces trois métiers, passeurs de savoir-faire et de patrimoine, cristallisant un goût commun pour la lenteur et la matière première. Par Myriam Commot-Delon Photos Alexis Delon / Preview Le Style—Les métiers

Humer, toucher, contempler

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10, rue du Renard-Prêchant ronsard-fleuriste.com

Ronsard

Et si la fleur était le nouveau Carpe diem ? Ronsard, c’est l’idée d’un bouquet essentiel. La nature y a le premier rôle : c’est la matière première. Adepte d’un esthétisme agreste et champêtre, ce ravissant fleuriste blotti depuis septembre au rez-de-chaussée de l’immeuble écologique Greenobyl de G-Studio ne fait qu’un avec son bardage de bois ourlé de graminées. Ce jour-là, dans ses deux vitrines tableaux, un chrysanthème piqueté dans un petit vase trapu, quelques délicates compositions séchées sous cloche. Une accumulation d’orchidées Vanda suspendues racines à l’air laissent deviner une grande alcôve à l’enduit de terre crue débordant d’herbes de pampa, de branchages autochtones et de vases à l’efflorescence pigmentée. Un contraste entre épure et abondance, teintes désaturées et sursaturées, signent d’emblée un geste radical et une approche singulière. Derrière cette signature verte, quatre mains fraîchement reconverties : celles de l’artiste Jeanne Osswald-Gouzi, formée à L’école des Fleuristes de Paris, et de Fanny Herrmann, ex-responsable marketing, spécialisée aujourd’hui en décoration végétale événementielle après l’obtention d’un CAP fleuriste. Débordantes d’énergie et

d’éclats de rire complices, elles ont voulu leur Ronsard comme elles : empreint de contemporanéité, de good vibes et de réflexions écologiques… excepté lors de la période hivernale où elles ne peuvent faire sans injecter quelques bottes de fleurs importées pour combler leur créativité et leur comptable. Leurs végétaux glanés (ce sont deux super-cueilleuses) ont du panache, avec leurs mille nuances de beiges. Des plantes herbacées vivaces et invasives, comme la renouée du Japon, ensauvagent avec extravagance leurs compositions de fleurs françaises ou issues de circuits courts. Parce qu’ici, la question écologique et émotionnelle est affaire de contrastes, artistiquement nourrie des trois obsessions de Jeanne la plasticienne : brutalisme, étrangeté et poésie. Le temps long, un acte de résistance ? « En ces périodes de bouleversement écologique, il faut plus que jamais mobiliser nos émotions positives envers la terre, la nature. Donner à la lenteur ses lettres de noblesse en prenant par exemple le temps de glaner des végétaux lors de promenades, surtout dans un monde où l’immédiateté prend trop d’importance. C’est cette nouvelle perception au monde, cette nouvelle ère, le Symbiocène, qui nous tient à cœur. »


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27, rue de la Krutenau serena-galini.com

Maison Serena Galini

Et si le parfum de terroir était le dernier geste locavore ? Un lieu de débauche olfactive, aussi engagé que romantique. Avec son ambiance d’apothicaire vintage, son bar à parfums aux formules 100 % naturelles (le seul en France à ce jour) et ses ateliers olfactifs, la maison de parfums Serena Galini éveille les sens. Cette boutique insolite au charme XIXe et à l’atmosphère unique a été imaginée par Nina et David, fratrie trentenaire à l’allure aussi rock que longiligne. Tombés dans les senteurs dès leur plus jeune âge, les deux globe-trotters, après un parcours professionnel dans la communication et le commerce, ont rejoint en 2018 leur mère Isabelle Prin Du Lys pour créer Serena Galini et ses jus naturels haut de gamme. Deux ans plus tard, ils lançaient Lupanar, une ligne de parfums d’intérieur et de bougies éco-responsables au nom malicieusement provocateur. Conçues comme des romans olfactifs, la collection « Autrefois mon Quartier » rend hommage à l’histoire de notre cité et à ses territoires sensoriels. Fiers de leurs racines et amoureux de littérature et de poésie, leur cheminement créatif a débuté par une plongée au cœur des archives de la ville : « Avec Nina, nous avons commencé par y passer deux mois, raconte

David, à photographier et à faire traduire par nos amis des documents du début du siècle relatifs aux différents quartiers de Strasbourg, pour la plupart édités en allemand ou en alsacien, avant de nous attaquer aux fragrances. » En parfumerie, où tout est question de proportions et d’accords, l’imaginaire a une part de magie. La collection « Autrefois mon Quartier » retranscrit leur vision romancée du quartier Gare au début du siècle, de l’Orangerie, de la Cathédrale, des Contades, de la Petite France et de la Krutenau où se niche leur boutique. Dernière commande particulière (de la ville de Strasbourg) : l’odeur des Bains Municipaux, des accords chauds aux envolées rafraîchissantes diffusés sur place depuis sa réouverture. Le temps long, un acte de résistance ? David : « Avant de me consacrer à notre maison de parfums d’auteurs, je travaillais pour le diable. Il y a bien sûr les aléas de l’entreprenariat mais je ne reviendrais pour rien au monde aux métiers de la grande distribution. Je ne voulais plus de ça, Nina qui travaillait dans le milieu de la mode non plus. On ne peut pas avoir le mot productivité tout le temps à la bouche ; acquérir des connaissances, lire, se cultiver, prend du temps. Sans cette « matière », nous ne pouvons créer. »



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4, rue du Fossé des Tailleurs revenge-hom.com

Revenge Hom

Et si la mode ce n’était pas tout changer sans cesse ? « J’aime les choses usées », dit si joliment Jane Birkin. Quoi de plus réconfortant en effet qu’un pull trop porté, trop préféré ? Mais pour les user, les choses, encore faut-il qu’elles soient de bonne qualité. Aujourd’hui, un vestiaire sensé, qu’il soit féminin ou masculin, se doit d’être moins consumériste et se bâtir de « pièces » intemporelles qui rassurent et réchauffent les souvenirs. Chez Revenge Hom, Valérie Pombart cultive saison après saison cet art du beau vêtement et du bel accessoire qui perdure. De sillons en patrimoines, elle construit depuis 13 ans un vestiaire exigeant, en s’appuyant sur des savoirs uniques et souvent centenaires. Du RoyaumeUni, elle choisit les bretelles historiques Albert Thurston ou la maille de John Smedley, plus ancienne société de tricotage au monde. D’Écosse, les écharpes d’exception de la Maison Begg & Co (depuis 1866), qui ne nécessitent pas moins de 25 étapes de fabrication, dont un brossage unique avec des fleurs de cardères séchées pour donner à la laine cet aspect ondulé et duveteux qui fait leur spécificité. Les textiles sont également choisis pour leurs spécificités : en été, elle privilégie une fibre écologique comme le lin, en hiver

le Geelong, le nec plus ultra du lambswool issu de la première tonte des moutons. Des choix viscéralement liés au respect de la matière et de tous les métiers qui transmettent des valeurs humanistes. Cela inclut de prendre le temps de visiter, dans le Maine-et-Loire, l’usine historique Aiglon avant de leur commander leurs iconiques ceintures tressées, de collaborer avec des ateliers de maroquinerie italiens pour composer ses propres associations de cuir et finitions ou de se rendre religieusement deux fois par an au Pitti Uomo, la grand-messe de la mode masculine à Florence, où « le mal fait n’a pas sa place ». Valérie y retrouve ses deux labels transalpins préférés : Transit, le plus contemporain, syncrétisme parfait de complexité et de simplicité, et Tagliatore, une affaire de famille depuis trois générations, qui cultive ce chic masculin nonchalant inimitable qu’on appelle en Italie la Sprezzatura. Le temps long, un acte de résistance ? « Sélectionner des manufactures ancestrales, c’est combattre la fast fashion. Mon sourcing demande beaucoup de temps et d’engagement, de même qu’initier une clientèle en lui transmettant leurs secrets de fabrication et leur histoire. Il n’y aurait pas de pérennité des savoir-faire sans cela. »


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Designer et illustratrice, Harmonie Begon est fermement ancrée dans les traditions et les savoir-faire, et collabore durablement avec des artisans à travers sa marque À demain Maurice. Avec le CIAV, elle crée Piaf, la boule de Noël 2021. Sa démarche et sa personnalité ont à ce point séduit Zut qu’elle investit la Vitrine Chicmedias le temps du marché de Noël. Par Cécile Becker / Portrait Alexis Delon / Preview Le Style—La démarche

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Zut en piaffe pour Harmonie

Rencontrer Harmonie Begon au cœur de la tempête des tendances et de la frénésie consumériste remet les idées en place. Convaincue que l’artisanat est un « modèle de futur désirable », passionnée de sciences sociales, la designer strasbourgeoise a exploré les rapports entre design et artisanat, qui se sont longtemps regardés en chiens de faïence. Le premier, censé booster le second en lui apportant de nouvelles solutions, impose bien trop souvent une démarche verticale, « sans prendre en compte l’artisan », analyse-t-elle. Le tableau est d’ailleurs familier : une marque d’aménagement intérieur commande des tapis tissés sous d’autres latitudes, se targue d’avoir contribué à l’économie locale, estampille sa production “artisanale” et le tour est joué : le consommateur a la sensation d’avoir fait une bonne action. « Cette vision segmente les choses : le designer pense et l’artisan fait. Son savoir-faire est exploité et son nom, souvent, n’est pas cité. Le designer arrive et repart, imagine un objet en petite série qui ne sera pas ou peu vendu, ou alors à un prix injuste ne tenant pas compte des contraintes de coûts et de production. »

Une éthique de la collaboration À ce prix-là, justement, qu’est-ce que les artisans auraient à retirer d’une collaboration avec un designer ? Pas grand-chose. Dans les écoles de design où elle intervient, Harmonie tente de démonter cette posture démiurgique. Elle a imaginé et éprouvé toute une éthique de la collaboration, se basant notamment sur une expérience vécue dans le cadre de ses études à la HEAR, avec Assia Yazghi, potière du village de Timiel, dans une région rurale du nord du Maroc. « On a co-construit sur le terrain. Tout part des interactions – ce que le design permet, d’ailleurs –, qui ont fait émerger beaucoup de problématiques : la condition de ces femmes potières qui, pour certaines, se font exploiter et sont très isolées, le manque de ressources et, en l’occurrence, d’électricité… Un objet ne sort pas de rien, il y a tout un contexte historique et social qu’on ne peut pas ignorer. » Elle développe une méthode de travail basée sur l’humain, n’arrive jamais avec un projet préconçu et passe par une période de recherche. L’observation est une manière de nourrir sa réflexion sur l’objet en tant que tel, qui, profondément lié à l’endroit où il a été fabriqué, vient servir sa vision de designer. Sa dernière collaboration en date, avec la poterie

1 — Série Timiel. De l'enquête de terrain aux formes d'un design situé, août 2017 2 — Pichet parlant Photo : Harmonie Begon


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Turbot de pays ikéjimé, poireau et jus de tête, illustration Harmonie Begon d’après une recette d’Alexandre Couillon

Ernewein-Haas tenue par Jean-Louis et son fils, Jonathan, à Soufflenheim, vaut pour exemple. « La première fois que je suis arrivée à la poterie, raconte-t-elle, Jean-Louis m’a envoyé paître en me disant que lui aussi était designer... » Intimidée, elle leur a expliqué sa démarche. Les trois premières semaines, elle les a passées à être ouvrière et à découvrir l’histoire de la maison. « Il a fallu que je lui apprenne, raconte de son côté Jean-Louis Ernewein-Haas. Et notamment la partie décor : on prend les objets et on les décore un à un, à la poire. » Cette attention, objet par objet, a mis la puce à l’oreille d’Harmonie. « Je me suis dit que si déjà on manipulait une à une les pièces, on pourrait proposer des anses et une décoration différentes sur chacune. » En découvrant sur une brocante de vieux pichets ornés d’expressions alsaciennes un peu lourdingues, elle échange avec Jean-Louis, et paf : les pichets parlants sont nés. Aux formes gourmandes et aux couleurs sobres, les pichets et leurs phrases débordent de malice. 20 pièces ont été produites. Elle réalise qu’elle n’a jamais été aussi épanouie que lors de son travail à la ­poterie. Elle monte un dossier Tango & Scan pour valoriser leur collaboration : 15 000 € pour aller plus loin. « Parce qu’il faut aussi parler de

viabilité économique. » Pour elle, il est important de prouver que les collaborations peuvent déboucher sur des succès commerciaux. Ils planchent sur une collection d’objets et elle cherche des points de vente en cohérence avec leur démarche. Les concept-stores : non merci. Elle souhaite célébrer l’artisanat populaire et la simplicité. Leurs créations trouveront leur place au musée Alsacien, à la Nouvelle Douane, à l’Îlot de la Meinau ou chez Omnino. Elle s’emploie aussi à valoriser les artisans avec lesquels elle travaille, notamment en termes de communication. Son souci de la collaboration bien faite a parfois tendance à déborder sur sa propre pratique. S’investir demande du temps, beaucoup de temps. On en revient à l’essentiel, au geste même de l’artisan. Dans la tradition, il y a peut-être autre chose à puiser que le savoirfaire : une véritable philosophie… harmoniebegon.com ademainmaurice.fr


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Harmonie Begon

ambiance Noël !

La créatrice de la boule de Noël 2021 du CIAV, c’est elle. L’aventure de Piaf a commencé après son diplôme à la Hear. « J’ai travaillé pour la matériauthèque du CIAV. Quelques mois plus tard, ils m’ont proposé de faire la boule 2021. Ce fut ensuite une année de ping-pong. » Comme on est curieux, on a voulu savoir comment avait germé cette drôle d’idée : « Mon sujet est le rêve, la magie, tout a commencé par là et par l’envie de collaborer avec des oiseaux, volatiles et insaisissables. Je suis partie de cette contemplation que j’avais enfant en les regardant se nourrir sur les boules de graisses et de graines qu’on avait fabriquées. » C’est après avoir exploré

la forêt et la nature autour du Centre Verrier qu’elle a accroché aux arbres fruitiers des repas oblongs faits de ses mains. Des mésanges ont ciselé et piqueté les boules, leur donnant leur forme finale : « Au CIAV, on a ensuite gardé une échelle 1, du début à la fin, puis on a fait des moulages en plâtre pour des tests et ce fut l’étape informatique finale pour réaliser un moule plus durable. ». Il était normal de dédier le nom de sa boule à ses « co-créatrices », celles-là même qui ont donné le nom de « vallée des Mésanges » à la commune. Harmonie Begon incarne également la femmeenfant du teaser dont elle a écrit le scénario et réalisé

les costumes. « Piaf incarne cette idée que la poésie peut être partout, c’est juste une question de regard sur les choses. » Le plus beau geste (design) de cette fin d’année ? (M.C.-D.) ciav-meisenthal.fr Harmonie Begon en décembre à LaVitrine Chicmedias 14, rue Sainte-Hélène — Boule de Noël Piaf, édition CIAV, pichets parlants et posters


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Vision partagée

Photo : Peinture Chine Green et tissu Zennor Arbour, Plater Pink, collection Archive, Farrow & Ball Curated by Liberty. Les tissus de la collection Archive sont uniquement disponibles sur l’eshop de Liberty www.libertylondon.com

Dans ce monde où les savoir-faire et les maisons séculaires suscitent plus que jamais émoi et désirabilité, la fusion entre les deux maisons anglaises Farrow & Ball et Liberty ne pouvait que nous faire palpiter. Un lien tangible entre le passé et le présent, syncrétisé par une collection comportant une quinzaine de teintes curatées par Liberty dans la collection archivée de Farrow & Ball, avec leurs tissus complémentaires issus de la gamme Liberty

Modern Collector. Enveloppés de ces délicates nuances, les imprimés Liberty se créent un espace de liberté et d’associations pile dans le goût de l’époque : des murs aux meubles, en passant par les revêtements des canapés, coussins ou rideaux, peintures et tissus offrent un terrain de jeu infini. Un exemple de ce mariage réussi ? Cette cuisine au charme vintage, revisitant l’esprit maison de famille et donnant furieusement envie de cuisiner pour les siens. (M.C.D.) Farrow & Ball 1, rue de la Nuée bleue www.farrow-ball.com


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Je n’accompagne pas les vins pour la satisfaction du temps qui passe ou du millésime ancien. Ce que je recherche, c’est l’action du temps qui fait émerger un certain paysage aromatique. […] Il est sûr que la forme de vie instantanée propre à l’époque se heurte à la patience nécessaire pour goûter ce plaisir raffiné… Michel Legris Caviste strasbourgeois, Le Vinophile Interviewé par Justine Knapp pour La Revue du vin De France

La Table.

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Gaillard et aussi rond que le monde gustatif qu’il est susceptible d’offrir, le chou – qui plus est, le chou à choucroute – n’apparaît pas naturellement comme un légume festif. Il est néanmoins le plus représentatif de la région. Fermenté, il constitue l’un des emblèmes alsaciens et incarne parfaitement l’éloge de la lenteur. La Table—Le produit

Le chou à choucroute Par Cécile Becker / Réalisation Myriam Commot-Delon / Photo : Alexis Delon / Preview

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On l’a pensé très fort : cette phrase, « Savez-vous planter les choux à la mode de chez nous » a dû être écrite par une personne bien de chez nous. Vérification faite : niet… Cachez la vérité que les êtres candides tout juste sortis du chou ne sauraient voir… Cette comptine nous provient du Moyen Âge et est en fait une chanson paillarde évoquant l’acte sexuel qui mène à la petite graine. On aurait pu s’en douter. Heureusement que chez nous, les gamins sont livrés par cigogne… Emblème de la région et particulièrement de Krautergersheim, capitale de la choucroute, d’où provient 25% de sa production française (pas étonnant qu’il faille fermer les fenêtres de l’auto en passant à proximité…), le chou à choucroute est un cabus Quintal d’Alsace parfois appelé « chou de Strasbourg ». Jusqu’à 7 à 10 kg de bonheur par tête. D’autres variétés peuvent être utilisées mais c’est la plus communément employée pour sa facilité et rapidité de culture. Là encore, notre potentiel chauvinisme fait chou blanc puisque ce sont les Chinois qui ont été les premiers à découvrir « l’astuce » de la fermentation. Pour faire une bonne choucroute, il faut d’abord laisser le chou fermenter. Comme souvent en gastronomie, les grandes découvertes et les meilleures recettes sont issues de hasards ou d’erreurs : au IIIe siècle avant J.-C., les ouvriers qui construisent la Grande Muraille affrontent un hiver particulièrement rude. Contraints de se mettre à l’abri rapidement, ils laissent la nourriture sous la neige et paf, ça a fait de la choucroute crue. La suite ? Les envahisseurs, évidemment, ramènent la recette en Allemagne qui, dès le XVIe siècle, maîtrise la fermentation au sel. Et surprise : ce sont d’abord les bateliers allemands voguant sur le Rhin qui se bâfrent de choucroute. Elle était donc plus volontiers accompagnée de poissons d’eau douce, péchés dans le fleuve. Toujours est-il que la choucroute semble être la coqueluche des marins. Entre 1768 et 1771, l’explorateur James Cook décide de nourrir son équipage deux à trois fois par semaine avec de la choucroute pour éviter le scorbut (le chou contient de la vitamine C à gogo). On constatera plus tard que pas un seul homme de Cook n’est mort, confirmant les nombreux écrits, publiés depuis l’Antiquité, louant les vertus thérapeutiques du chou. Pour les Grecs, c’est même un fabuleux médicament : Hippocrate considère que c’est un remède antidysentérique, par exemple. Une légende semble coller fort aux basques du chou, partagée entre les Égyptiens, les Grecs et les Romains : celui-ci serait un remède contre les douleurs de la goutte, les ulcères, les problèmes de vue et l’ivresse. Il suffirait même

de grignoter une feuille de chou pour éviter de sombrer dans des mirages alcooliques (on ne vous garantit rien…). Pratique pour les fêtes de fin d’année. Nicandre de Colophon, poète et médecin semble-t-il bien porté sur le jaja, écrit : « Avec le vin et les paroles magiques, aucun remède n’inspire plus confiance que le chou. » Le chou, c’est un peu le prince du potager médiéval (la patate lui vole la première place) avant de tomber en désuétude à partir du XVIIIe siècle. Encore plus d’anecdotes ? L’empereur romain Dioclétien (244-312) règne à partir de 284, on le connaît pour avoir persécuté les Chrétiens en 303, considérant que le christianisme est une offense au divin empereur… Deux ans plus tard, il en a soupé des conflits testostéronés, prend sa retraite pour notamment s’occuper de son potager, inspiré par Caton l’Ancien qui adore le chou et considère que les Romains ont grâce à lui pu se passer de médecin pendant 600 ans. Alors, quand un messager arrive pour le supplier de revenir sauver l’empire des griffes de l’anarchie, Dioclétien le conduit dans son potager et lui dit : « Regarde-donc comme mes choux sont bien pommés. » Le messager repart bredouille. Côté cuisine, le chou est aujourd’hui la star des accompagnements de viandes grasses, de salades autant estivales qu’hivernales (la salade de chou japonaise est l’une de nos préférées) et de soupes riches. Avant de le cuisiner ou de le fermenter, il convient de le frotter avec du sel, de le laisser reposer, de bien l’essorer et de le presser. Dernier conseil : acheter ou offrir l’incontournable Le chou blanc – dix façons de le préparer aux Éditions de l’Épure… Chou de La Coccinelle d’Alsace Liste des marchés : lacoccinelledalsace.fr


Lenteur et gastronomie font-elles la paire ? Au-delà d’une réaction des restaurateurs à la crise que nous traversons, certaines pratiques ancestrales reviennent ces dernières années sur le devant de la scène, entraînées par un retour aux valeurs essentielles. Prendre le temps, mieux manger. Zoom sur la fermentation. Par Cécile Becker et JiBé Mathieu / Photos Pascal Bastien La Table—Le dossier

Les agités du bocal

Bière en fermentation au microscope

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— La science

La fermentation : c’est quoi, pourquoi, comment ? Marc Fischer, maître de conférences à l’Université de Strasbourg, spécialisé en microbiologie, fait le point.

À quand remontent les premières fermentations ? Une partie de ce qui nous a permis d’être humain, c’est la fermentation. Il y a 10 millions d’années, les ancêtres des humains, les animaux, vivaient dans un environnement où les ressources alimentaires étaient limitées. Ils ont commencé à manger des fruits qui, naturellement, fermentaient. Les animaux qui ont refusé de manger ces fruits ont disparu ; ceux qui ont mangé ces fruits fermentés, parfois alcoolisés, se sont fait manger à leur tour, perpétuant ainsi le cycle de la vie.

nouveaux micro-organismes (bactéries, levures, champignons) bénéfiques pour notre santé. Ces micro-organismes vont grignoter les sucres et excréter des acides ou de l’alcool. Lorsqu’un aliment fermente, on observe justement la formation de bulles : ce sont les microorganismes qui se transforment et se multiplient. Tous les aliments n’ont pas les mêmes facilités de fermentations : pour le pain, c’est très rapide, pour les olives, cela prend 6 à 9 mois. Ce qui est intéressant, c’est qu’il n’y a pas tant d’espèces différentes : ce sont les mêmes micro-organismes qui interviennent.

Et celles pratiquées par l’être humain ? L’agriculture, par exemple en Amérique du Sud et au Moyen Orient, a été inventée pour fabriquer de la bière. Pour deux raisons : d’un côté la célébration, de l’autre la conscience que pour éviter de mourir en consommant de l’eau contaminée, il fallait consommer de l’alcool. En fait, ce sont le hasard et la nécessité qui ont fait se développer la fermentation. La civilisation est liée à la domestication de la fermentation alcoolique. Plus tard, l’être humain va comprendre qu’il y a des fermentations utiles pour sécuriser et stabiliser les aliments dans le temps.

Les bénéfices pour la santé sont-ils prouvés ? Au début du XXe siècle, Elie Metchnikoff, viceprésident de l’Institut Pasteur et Prix Nobel, a par exemple étudié le yaourt, un aliment fermenté au même titre que le fromage, le saucisson, le pain, la sauce soja ou les olives. Il travaillait sur l’immunité et a cherché à comprendre pourquoi les Bulgares avaient à l’époque une espérance de vie plus élevée. Il s’est aperçu que les yaourts apportaient des bénéfices par la présence de bactéries. Isaac Carasso, créateur de la société Danone, a commercialisé les premiers yaourts natures en pharmacie !

Comment ça marche ? Il y a trois types de fermentations : la fermentation alcoolique (l’alcool est inhibiteur de micro-organismes), la fermentation par l’acide lactique et l’autre par acide acétique. Dans ces deux cas, ce sont des PH acides que les bactéries n’aiment pas. Qu’importe le type de fermentation, l’aliment n’est quasiment plus contaminable par des bactéries dangereuses pour nous. Notre tube digestif étant naturellement constitué de bactéries lactiques, elles vont avoir des effets positifs et sont notamment essentielles pour notre santé et notre équilibre psychologique. Ces bactéries, nous avons tendance à les perdre à cause de nos modes de vie et d’alimentation : plats préparés, stress, etc. A contrario, les chasseurs-cueilleurs ont une richesse intestinale gigantesque. La fermentation est un procédé naturel qui crée de

Et le goût ? Les micro-organismes produisent des arômes. En étudiant la fermentation du vin, on s’est rendu compte que, dans la phase gazeuse, se créent des molécules volatiles. Un jus de raisin, c’est 40 composés différents, le vin, 800. unistra.fr


La Table—Le dossier

Perle 1, rue de l’Ardèche, ZI de la Plaine des Bouchers biere-perle.com

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— La bière Formé à l’ingénierie brassicole, à la biochimie et à la microbiologie, passé par l’Afrique et les États-Unis pour le compte de grands groupes brassicoles, Christian Artzner, fondateur de la brasserie Perle, en connaît un rayon sur la fermentation. Pour lui, la fabrication de la bière repose sur un triptyque bien calibré entre cuisine, technologie et… magie. « Le brasseur assemble ses ingrédients comme un chef, pour constituer un moût plus ou moins dense, coloré et malté. Mais la fermentation est de loin le processus le plus complexe de toutes les étapes de fabrication, celui qui va apporter du caractère à la bière », explique Christian Artzner. Et de rappeler que son professeur de brasserie écossais parlait de « black box » (la boîte noire) pour décrire l’opération à l’œuvre bien à l’abri des cuves de fermentation. « Avant l’invention du microscope et la découverte de la levure par Pasteur, les Anglais appelaient le phénomène de fermentation « God is Good », autrement dit : « Dieu est bon ». Imaginez un peu : obtenir une sorte de mousse capable de transformer du jus sucré en alcool sans intervention humaine. C’était à n’y rien comprendre, et confinait effectivement au divin ! » Même aujourd’hui que l’on sait, la « magie » de la fermentation continue à opérer. Par la grâce

d’un champignon unicellulaire d’une taille de 5 à 10 microns, de la famille des saccharomyces. « Les levures sont composées de centaines d’espèces différentes. Celles employées en brasserie se distinguent assez peu de celles à l’œuvre dans le processus de vinification ou la fabrication du pain. » Ajoutées à la « recette » élaborée par le brasseur, elles vont se multiplier au contact de l’air (aérobie) avant de fabriquer de l’alcool une fois privée d’oxygène (anaréobie). « Historiquement, le métier de brasseur consistait aussi à gérer les souches de levures que l’on faisait vivre de brassin en brassin. » Une méthode encore employée pour certaines bières dites de fermentation spontanée, que l’on peut trouver dans la région de Bruxelles. Mais depuis une dizaine d’années, la technologie a fait un bon énorme et permet désormais de sécher convenablement les levures sans les tuer, assure encore le patron des bières Perle. « C’est en partie ce qui a permis l’éclosion du phénomène des micro-brasseries artisanales. » Chez Perle, on ne s’interdit d’ailleurs pas de réensemencer à partir d’un brassin existant. « Cela donne une levure plus vigoureuse », assure Christian Artzner, qui sélectionne soigneusement ses levures en fonction du résultat attendu. « Pour les IPA, on cherche des goûts neutres, mais certaines souches apportent leur propre personnalité, avec des notes épicées un peu piquantes. Ainsi, pour notre dernière bière éphémère Hop, on utilise une levure employée dans le nord de la France ou en Belgique, qui apporte beaucoup de caractère. » Si filtrage ou centrifugeage permettent de débarrasser la bière de ses résidus de levure, celle-


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ci sera toujours résiduellement présente dans les bières non filtrées. Parfois même réintroduites avec du sucre après la mise en bouteille, à l’instar de certaines weissbier bavaroises laissées à fermenter en chambre chaude, précise Christian Artzner, rappelant au passage qu’il n’y a pas qu’une façon de composer avec la fermentation. Mais une chose est sûre, la fermentation reste de loin la plus complexe des étapes de fabrication : « Si le brasseur va tout mettre en œuvre pour que le travail s’effectue dans les meilleures conditions, ce sont bien les levures qui vont faire tout le travail au cours de la fermentation ! »

La Fermentatrice 81, rue du Rhin Napoléon linktr.ee/lafermentatrice

— Les légumes En se réappropriant une méthode de conservation en vogue au temps de nos grands-mères, Céline Kihm invite à (re)découvrir les goûts d’autrefois.

Comment fermentez-vous ? Je me procure des légumes bio à la coopérative La Cigogne, à Weyersheim. Une fois râpés finement, je les mets en bocaux avec du sel à raison de 10g par kilo. Du sel sans anti-agglomérant pour ne pas altérer le goût. Il va avoir deux actions : faire dégorger les légumes et empêcher les mauvaises bactéries responsables de la putré­faction d’entrer en action. Les légumes sont ainsi immergés dans leur propre jus et mis dans des bocaux. Quels sont les principaux intérêts de cette fermentation lactique ? Cela permet de consommer des légumes toute l’année, même durant les périodes où rien ne pousse. Il y a aussi un intérêt nutritionnel, dans la mesure où l’on aura davantage de vitamines dans certains légumes lacto-fermentés que dans leur équivalent cru. Et ils sont plus digestes. Il s’agit d’une méthode millénaire de conservation des aliments qui ne nécessite pas d’énergie, puisque qu’il n’y a pas de cuisson. Elle est donc éco-responsable. C’est aussi dans cette logique que j’ai recours à la consigne pour mes bocaux. Et l’intérêt gustatif, dans tout ça ? Je tourne avec six recettes qui se conservent deux mois au réfrigérateur, trois semaines une fois ouverts. Ce sont des recettes très colorées dans lesquelles je mélange plusieurs légumes avec des épices. Je conseillerais d’aborder la dégustation avec la carotte. Ma recette carottes-carvi-cumin est sans doute la plus abordable pour qui n’a jamais goûté de nourriture lacto-fermentée. Ensuite, on pourra essayer le coleslaw (chou blanc, céleri rave, carotte et graine de moutarde), le kimchi (chou chinois, radis daikon, carotte, ­poireau et cumin), le chou rouge aux pommes ou le trio de légumes au curcuma. Sur les étiquettes de mes bocaux, j’appose une ou deux idées d’associations. Pour ma part, je les consomme avec tout, notamment avec des pâtes. Récemment, un client m’a dit qu’il avait même associé mon kimchi à un bœuf bourguignon. Je n’y aurais jamais pensé !


La Table—Le dossier Les Funambules 17, rue Geiler restaurant lesfunambules.com

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— Les restaurants Aux Funambules, restaurant étoilé, Guillaume Besson pratique la fermentation depuis le début : du pain, des fruits et des légumes pour élargir la palette gustative. Ses frigidaires en sont pleins : des bocaux de fruits et légumes qui lui permettent d’associer, toute l’année, des fruits et légumes qui ne se croisent pas forcément sur les étals des marchés. « En hiver, je cuisine régulièrement le panais, je me suis rendu compte que l’associer avec le cassis marchait très bien. Alors en été, je fais fermenter des groseilles et du cassis pour pouvoir en proposer en hiver. » La fermentation lui permet aussi de ne rien jeter : « Parfois, Marthe, ma maraîchère [le jardin de Marthe, ndlr], m’appelle pour me dire qu’elle a un surplus de légumes. Je les prends et les fermente. Idem lorsqu’on a de trop grandes quantités de fruits ou légumes qu’on ne peut pas passer. » Il se sert aussi de la fermentation pour agrémenter ses assiettes de condiments ; il utilise notamment le jus fermenté de céleri pour relever un

plat. Et tout ça vient de l’expérimentation : « Je me suis rendu compte que lorsqu’on fermente des asperges, elles prennent le goût de cornichon. C’est assez fou. » Dès l’ouverture du restaurant, Guillaume Besson propose des aliments fermentés : le pain, qu’il fait lui-même avec son propre levain, est le premier exemple. Mais la pratique ne se fait pas sans embûches. Au fil du temps, le chef étoilé a découvert que fermenter des aliments trop sucrés favorisait la transformation en alcool. « En fermentation, c’est l’expérience qui fait la maîtrise. Il faut prendre le temps d’essayer, de refaire, on comprend alors que des légumes s’y prêtent très bien, par exemple les betteraves, les navets, le céleri, le chou… d’autres moins. » Influencé par la cuisine asiatique et secondé par une cuisinière coréenne, Guillaume a perfectionné ses kimchis et utilise pour ce faire autant le chou que la courge, qu’il mélange par exemple à ses farces de viande. S’il ne renie pas l’aspect « mode » lié à la fermentation, il précise : « Ça ouvre des possibilités. Mais il ne faut pas oublier qu’on ne fait que cuisiner. On n’envoie pas des gens sur la lune… » — Sa recette Le céleri rave fermenté Faire bouillir 1 litre d’eau avec 20g de gros sel. Laisser refroidir et ajouter éventuellement des aromates (poivre, genièvre…) « mais pas d’écorces ». Couper le céleri en fines tranches avec une mandoline et les mettre dans un bocal stérilisé. Arroser avec le jus. Laisser 3 semaines à température ambiante, conserver ensuite au frigidaire. — Son adresse Toya à Faulquemont (57) « Loïc Villemin est probablement la personne la plus pointue que je connaisse concernant les fermentations. C’est lui qui m’a formé sur la question. Il va très loin, notamment en faisant ses sauces à base de jus fermentés. » Le Gault & Millau parle d’un bouillon de couscous fermenté à base de jus d’aubergines, de courgettes et de tomates…

Tartare de boeuf aux navets fermentés avec un ketchup de cassis fermenté et sorbet de livèche.


Nos bonnes adresses

Boma

La nouvelle cheffe du Boma, Maud David, pratique la fermentation pour multiplier les saveurs mais aussi pour être en accord avec ses convictions : « Rien ne se perd, tout se consomme. » 7, rue du 22-Novembre

de:ja

Très influencés par la cuisine du Noma à Copenhague et par son chef René Redzepi, Jeanne Satori et David Degoursy fermentent comme ils respirent. Leur garde-manger déborde de bocaux, ils font leurs pains euxmêmes et également leur kombucha et kéfir, avec lesquels ils agrémentent leurs plats. C’est probablement la référence à Strasbourg concernant les fermentations. 1, rue Schimper

Du pain sur la planche

Durant le premier confinement, Léonie avait partagé ses expérimentations et conseils pour fabriquer son propre levain. Depuis, elle propose des ateliers autour du levain et du pain pour tout apprendre à faire soimême – et éviter que votre levain ne vire au vinaigre… dpslp.fr

Kyo Kombucha

Votre boutique grecque au coeur de strasbourg !

Boisson peu sucrée à base de thé, le kombucha fait désormais fureur sur les tables gastronomiques. Installée dans une micro-brasserie, la marque strasbourgeoise fait de cette boisson un plaisir rafraîchissant en y associant des saveurs qui détonnent : gingembre, cardamome ou hibiscus. Ça pétille. kyokombucha.com

Le Botaniste

Ça fermente aussi pas mal du côté du quartier gare. Le restaurant (labellisé Éco-table) met en bocal et propose aussi des préparations à base de légumes lacto-fermentés, notamment des pestos. 3, rue Thiergarten

Orisae

Cléo et Axel ont créé cette entreprise pour allier écologie et plaisir dans l’univers de la boisson. Ils proposent des kits destinés aux particuliers pour préparer chez soi kéfir et kombucha ainsi que des kits pour aromatiser ces boissons et démultiplier les plaisirs. Les kits sont notamment disponibles via marmelade.alsace. orisae.fr

30 Rue Geiler 67000 Strasbourg 03 67 10 46 44 mardi-vendredi 10h-13h i 15h-19h samedi 10h-16h

poupadou.com


La Table Les nouveaux lieux

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Photos Sandro Weltin

Poupadou 30, rue Geiler poupadou.com Un gars, une fille Ilektra et Matthieu. La première est capable de vous répondre en grec. Et pour cause, elle a grandi à Athènes. Avec Matthieu, ils se sont rencontrés à Paris. Installés à Strasbourg depuis sept ans, ils font rayonner leur amour pour la belle Hellène. Blog anti clichés Il y a trois ans, ils lancent un blog pour partager des recettes et faire tomber quelques idées reçues. Non, la Grèce ne se résume pas aux Cyclades et à la moussaka, pas même à la feta et à l’ouzo. Et oui, on peut skier en Grèce… Bref, il y a du boulot ! Si loin, si proche Pour proposer leurs trouvailles en produits de qualité parfois introuvables en France, dénichés lors de leurs voyages en Grèce puis acheminés via une filière qu’ils bâtissent de toutes pièces, est né le site marchand. 400 références, beaucoup dans l’alimentaire mais pas que. Et lorsqu’un local se libère dans le quartier, hop, le voilà repeint en blanc et bleu. Si le chaland d’Internet vient du monde entier, parfois même de Grèce, la boutique draine une clientèle plus

locale : celle du quartier et de la communauté grecque, qui compte tout de même trois associations à Strasbourg. À la carte ! La liste des pépites est trop longue pour tenter d’être exhaustif, mais il faut goûter les pistaches d’Egine grillées, tellement goûteuses, les câpres sauvages de l’île de Tinos, les pâtes au lait de chèvre, le mastiha de Chios – larmes de sève qui se déclinent en liqueur comme en pâtisserie ou même dans le café –, les boissons nombreuses car oui, la Grèce a aussi son vignoble et ses cépages, le miel de thym et la confiture de grenade, sans oublier les produits de beauté, les bougies réalisées par les producteurs de miel, d’élégants bijoux artisanaux et des sandales en cuir faites à la main en Crète. En projet : des livres et, pourquoi pas, un jour, une boutique en Grèce mariant produits grecs et alsaciens. Poupadou t’es où ? Ce nom si bizarre ne veut rien dire, c’est phonétique, assure Matthieu. Mais il pourrait se traduire par « où ? » et « Partout ! » « Car nos produits viennent de partout en Grèce et repartent partout dans le monde. » (J.M.)


Photo Emon photographes

Oma Augusta 52, route du Polygone oma-augusta.com L’épicerie du coin Depuis cet été, le Neudorf compte une nouvelle épicerie de quartier : Oma Augusta, 80 m 2 à l’angle de la rue Polygone et de la rue de Mulhouse. Contrairement à ce que le nom suggère, il ne s’agit pas là d’un (énième) traiteur italien, ni d’une épicerie fine. Ici, on entre dans un commerce généraliste où l’on trouve (presque) tout. Des conserves, des pâtes, des légumes, du fromage, de la charcut’, du vin, et même du café. De l’oreille à la bouche Ces produits sont les coups de cœur de Matthieu Minguez et ­Esther Marchand, le duo à la tête de l’établissement. En Vendée, le couple a craqué pour les sardines de La perle des Dieux ; en Lorraine, ce sont les sablés des Douceurs des Rohan qui ont ravi leur palais ; au Canada, ils ont adopté la tartinade d’érable, un tout-en-un qui fait beurre et confiture à la fois. C’est donc au fil des voyages et des années que leur catalogue s’est peu à peu constitué. Quatre saisons, mille envies La gamme de produits frais – fruits et légumes (bios), charcuterie et fromage – évolue, elle, en fonction des saisons. Depuis peu, le lomo basque et le fromage de chèvre ont laissé place au speck alsacien, à la raclette et au morbier. Bientôt, foie gras et truffes devraient trôner en vitrine. Et si un produit venait à vous manquer, pas d’inquiétude, Matthieu et Esther s’adaptent aux appétits de leurs clients et font entrer des produits sur demande. (T.G.)


La Table Les nouveaux lieux

Photo : Jésus s.Baptista

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A cantina

Jaja

21, rue de l’Ail 07 87 14 25 43 Facebook : AcantinaStrasbourg

4, place Saint-Nicolas-aux-Ondes 09 53 24 72 30 Facebook : JajaStrasbourg

De l’Île de Beauté à la Grande-Île À la tête de cet établissement : deux cousins originaires de Calvi, qui ont fait leurs armes sur l’Île de Beauté avant de partir à la conquête de Bordeaux, Lyon, et désormais Strasbourg. La recette : authenticité et produits 100% terroir.

La transformation Avant, c’était Pacôme de la Théière, un petit bar tenu par Romain Buffa. S’il a décidé de se consacrer à sa passion, la menuiserie, hors de question pour autant de lâcher son bébé. Au contraire. Il a souhaité aller plus loin en se rapprochant de Lyse Nippert, qui en a sous le capot quand ça touche le goulot (nature, s’il vous plaît). Résultat : c’est désormais elle la patronne mais Romain n’est pas loin.

Le goût du pays Tout est directement importé de l’île, sélectionné auprès de producteurs locaux. Vous trouverez du brocciu (la brousse corse), préparé en quenelles ou fourré dans des cannelloni, vous découvrirez le veau tigré, cette race insulaire à la chair bien rosée, et vous vous délecterez des seiches préparées à l’ajaccienne, parsemées de panzetta grillée. Comme à la maison Ça c’est pour la partie restaurant, celle qui se situe en sous-sol. Car au rez-de-chaussée, un joyeux tohu-bohu nous replonge dans nos chaudes soirées d’été. Attablés sur de larges tables en bois, on partage sans chichi des tapas revisités à la sauce corse (mention spéciale pour les burritos au figatellu et les mini-pitas à l’agneau confit), on boit du vin issu des quatre coins de l’île (la carte compte plus de 200 références), on parle fort, on rit, le tout bercé par la musique du pays qui monte en décibels au fur et à mesure de la soirée. (T.G.)

Vive le pinard Le lieu a été rebaptisé Jaja parce que, pour Lyse, « le vin, c’est populaire. Nul besoin de l’intellectualiser. » La simplicité et les copains. Côté carte, ça dépote et, surtout, c’est accessible (la première quille est à 21 €) avec de rares références. En vrac : les premières cuvées d’Anaïs Fanti, les élégants Gamay de Nicolas Pavie ou le domaine Fanny Sabre. On croise aussi des références plus classiques (de l’Alsace, of course) pour brasser large. Le nouveau QG Des tartes flambées du Wawa voisin. Des planchettes bien sourcées (fromages Tourrette). Un happy hour sur la bière et le vin (oui !) en semaine de 17h à 19h. Du gin infusé au romarin. Et le nouveau breuvage à la mode : la suze tonic. (C.B.)


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Pour ce numéro, la knack est apparue comme une évidence. D’autant qu’elle s’acoquine parfaitement avec le chou à choucroute qui s’affiche aussi dans nos pages. Nous avons été intraitables sur la texture, le « knackant » et le goût… Autant le dire tout de go : toutes les knacks ne se valent pas. La Table—Le test

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Par Cécile Becker / Photos Brokism / Avec la participation de Romain Buffa et Lyse Nippert

Anatomie de la knack 01 → TOP 3

Une knack 100% volaille, bio et sans sels nitrités – sa couleur tire légèrement vers le brun – à la peau dure qui croque sous la dent. Très bien assaisonnée avec un bon goût de poivre. Quasiment de la haute couture (avec le prix qui va avec). —— 26€/kg Natacha Bieber 17, rue de la Croix

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Porc et bœuf. On notera à cette occasion que le bœuf accentue fortement les saveurs viandardes d’une knack. Celle-ci est trop peu assaisonnée mais son goût fumé rattrape le coup. —— 14,90€/kg Kirn 19, rue du 22-Novembre

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Oliver Klein a inventé le cri de la knack : pour savoir si une knack est bien faite (avec un fort ratio de viande maigre, selon lui), on croque et il faut que ça claque. Réussi avec cette knack Klein (la maison en vend plusieurs), recette maison avec porc, bœuf, veau et fumée au bois de hêtre. Un goût subtil et équilibré, une texture parfaite. —— 25,80€/kg Porcus 6, place du Temple Neuf

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Plusieurs maisons se retrouvent sur l’étal du magasin de producteurs. Nous avons choisi la knack de la ferme Huckert sans sels nitrités (d’où sa couleur pas forcément ragoûtante) et 100% porc. Avantage : la ferme élève elle-même ses porcs. Ratage : une texture mousseuse et spongieuse. —— 16,25€/kg La Nouvelle Douane Rue du Vieux-Marché-aux-Poissons

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Aucune texture. Trop de sel. Molle. ­Aucune épice. Un goût chimique. « La ­version Haribo des knacks. » Et puis après l’article paru chez nos confrères de Rue89 Strasbourg, autant dire que notre sympathie pour les knacki balls (et pour la pub « Power… desire », coucou les vieux schnockis) s’est carrément évaporée. —— 10,71€/kg Herta

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Meilleur rapport qualité/prix

Une saucisse consensuelle, petite et dodue. Une peau très fine abritant une chair un peu trop mixée. Elle manque un tantinet de relief mais fait ce qu’on lui demande. Évitons donc les saucisses roses industrielles pour préférer la knack de l’étal boucher de cette grande surface. —— 12,10€/kg Auchan Neudorf 60, rue d’Orbey

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Encore un détour par la dynastie Klein pour, cette fois, tester la knack d’or : équilibrée, plus fumée que l’égérie de la maison-mère place du Temple Neuf, excellente texture. —— 26,60€/kg Maison Klein 28, boulevard d’Anvers

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Bœuf et porc. Brillante à l’extérieure, discrète à l’intérieur. Une texture plaisir mais des saveurs qui s’effacent. Une knack parfaite pour un sandwich. —— 26,80€/kg Frick Lutz 16, rue des Orfèvres 20, rue d’Austerlitz

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Bœuf et porc. « La vraie knack d’Alsace ! » revendique-t-on sur ce stand du marché Broglie. Bien assaisonnée, bonne texture – la chair est moins mixée, on trouve même des morceaux –, bon croquant. —— 17,50€/kg Christine Spiesser Liste des marchés sur boucherie-spiesser.fr

10 → TOP 3

Que du porc. Une knack de boucher qui hume fort la viande et incarne tout ce qu’on peut attendre d’une bonne saucisse de Strasbourg. Excellente, son prix aussi : c’est la moins chère des knacks artisanales que nous avons testées. Stand notamment sur le marché du quartier gare, sur le parvis du MAMCS. —— 14,30€/kg Salaison du Schneeberg Liste des marchés sur schneeberg-traiteur-67.fr

11 → TOP 3

Bœuf et porc mais une « knack qui ose ». On craignait cette knack sous vide mais elle s’est révélée très bien assaisonnée (on a carrément eu un faible pour les knacks bien poivrées) en plus d’afficher une courbe parfaite : l’image d’Épinal de la knack. —— 19,50€/kg Mon oncle Malker de Munster 4, place de la Grande Boucherie

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Pareil ici, on sent la knack du boucher avec une odeur et un goût très portés sur la viande. La peau est robuste et la chair bien relevée. Bœuf et porc. —— 23,90€/kg Chez Julien 37, rue du Faubourg de Pierre


Aux portes de Hautepierre, Sarah Kanj, une jeune entrepreneuse franco-libanaise, a décidé de faire rayonner les saveurs du Moyen-Orient. Il y a tout juste un an, elle a lancé sa micro-entreprise, Levanthym, qui élabore un zaatar issu d’une recette de grand-mère. Par Tatiana Geiselmann / Photos Klara Beck La Table—Le portrait

Le goût authentique du Levant

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Produits disponibles à la pâtisserie Sébastien, à La Nouvelle Douane, chez Marmelade, Coffee’s Cool et sur le site Internet. Chalet sur le marché de Noël place Broglie et au Pop Up de créateurs 13, rue de la Mésange

Quand on arrive devant les locaux de Levanthym, au début, on est un peu perplexe. Face à nous, un long bâtiment rectangulaire en métal gris, anguleux et fermement ancré dans du béton : la pépinière d’entreprises de Hautepierre. Derrière nous, l’hôpital. Tout autour, un vacarme de voitures et des odeurs de pot d’échappement. Cependant, une fois passée la porte du hangar numéro 8, on oublie vite cette sinistre grisaille. Déjà, il y a cette odeur qui nous enveloppe, une odeur à la fois chaude et citronnée. Ensuite, il y a le calme qui règne dans cette vaste pièce de 70 m 2, largement tapissée de bois. Et puis, nos yeux sont happés par ces dizaines de bocaux en verre qui trônent sur les étagères. Des pots d’épices confectionnés par Sarah Kanj, la jeune entrepreneuse à la tête de Levanthym. Une recette de famille Sarah est Franco-Libanaise, elle a 36 ans et il y a moins d’un an, elle a décidé de quitter son boulot d’ingénieure en télécoms pour se lancer dans la fabrication du zaatar. « Le zaatar, c’est comme le sel au Liban, nous explique la jeune femme. C’est un assemblage d’épices caractéristique des pays du Levant, que l’on met dans presque tous les plats. » Une épice qu’elle, elle mettait toujours dans sa valise quand elle partait voyager. « Quand je quittais un Airbnb, je laissais un petit sachet de zaatar dans l’appartement pour remercier mes hôtes, se rappelle la trentenaire. Celui préparé par ma grand-mère. » Car le zaatar est une histoire de famille. Au Liban, mais aussi en Jordanie, en Palestine, en Syrie et en Israël, chacun a sa recette, jalousement gardée et choyée. Quelques ingrédients se retrouvent tout de même dans toutes les préparations. Déjà, le zaatar lui-même, qui a donné son nom au mélange : une herbe sauvage, origanum syriacum, à mi-chemin entre thym et origan. Ensuite, il y a le sumac, un condiment couleur grenat, au goût légèrement piquant et citronné, que l’on obtient à partir des baies séchées du rhus coriara, un arbuste sauvage de la famille du pistachier. Enfin, dernier élément incontournable : les graines de sésame dorées, qui apportent un léger croquant. Une histoire de femmes Lorsque Sarah revient s’installer en France – après des années à parcourir le monde – impossible pour elle de trouver du zaatar à la hauteur de celui de sa grand-mère. « J’ai essayé tout ce que je trouvais dans le commerce, toutes les marques, mais aucune ne me rappelait mon pays. » Elle regarde alors les étiquettes : « Dans certains mélanges, il y avait du cumin, parfois de l’origan ou de la menthe, et dans certains pots, il n’y avait même

pas de thym sauvage… » Pour elle, c’est le déclic et le début de l’aventure Levanthym : « Je voulais que les Français puissent découvrir ce qu’est réellement le goût de notre cuisine et de notre culture. » Pour élaborer sa recette, Sarah fait bien sûr appel à sa grand-mère. En plus de l’origanum et du sumac, cette dernière ajoute un soupçon d’huile d’olive et du sel. Le sésame, lui, est torréfié pour exalter ses saveurs. « Ensuite, il a fallu trouver de bons fournisseurs », indique l’entrepreneuse. Là encore, c’est sa grand-mère qui lui livre ses meilleures adresses : de petites productrices libanaises, uniquement des femmes, qui font pousser quelques parcelles de sumac et qui récoltent le thym sauvage. Un savoir-faire traditionnel La Strasbourgeoise fait livrer sa précieuse matière première en Alsace et se lance dans la préparation. « Tout se fait à la main. Je reçois le thym sauvage en branche et je l’effeuille. » Pareil pour le sumac, dont les fleurs arrivent entières et dont il faut extraire les graines. « Ça garantit une fraîcheur absolue des produits. » Une fois le thym effeuillé, il est réduit en poudre. « J’ai récupéré les tamis en bois qu’utilisait ma grand-mère au Liban et je fais deux passages, pour avoir du thym de différentes tailles. » Puis tout est mis dans un gros saladier, avec une pincée de sel et un trait d’huile d’olive. Vient enfin la mise en bocaux (des bocaux d’Alsace !) et l’étiquetage. Lorsque Sarah a débuté, en janvier dernier, elle était seule, chez elle, dans sa cuisine. Elle produisait cinq à six bocaux par semaine, maximum. Mais très vite, l’authenticité de son zaatar a eu du succès. Certains restaurateurs sont venus la voir, comme le restaurant étoilé Le Crocodile ou le Bistrot Paulus à la Krutenau. Aujourd’hui, sa petite entreprise compte trois salariés, dont elle-même. Pour faire face aux quantités, elle a investi dans du matériel : une machine à torréfier le café pour griller le sésame, un ancien pétrin de boulanger pour faire le mélange final. Les tamis, eux, sont toujours les mêmes, ceux de sa grand-mère, accrochés au mur du labo. Il a juste fallu en récupérer trois de plus, car désormais, ce sont quelques 150 bocaux qui sortent toutes les semaines du hangar de Hautepierre. levanthym.fr


Depuis l’ouverture de Maison Naas, Aurélie Le Bouter s’évertue chaque jour à traquer et mettre en scène la gourmandise, dans des créations aussi esthétiques qu’explosives. Pour Noël, elle nous propose une recette de cookies : moelleux, savoureux, cachant un cœur fondant de confiture de pamplemousse. De quoi changer des traditionnels bredele avec un sérieux coup de pep’s. Par Cécile Becker / Photos Jesus s. Baptista La Table—La recette

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Cookies de Noël façon Maison Naas

pour 14 cookies préparation 45 min / 1 h Ingrédients Pour les cookies · 1 42 g de beurre juste sorti du frigidaire · 1 42 g de cassonade · 100 g de sucre semoule · 2 œufs · 285 g de farine · 2 g de levure chimique · 1 pincée de fleur de sel · 150 g de noix de pécan entières · 1 cuil. à café de mélange d’épices de Noël Pour la confiture de pamplemousse On peut l’acheter toute faite ou la faire maison. Dans ce cas, la préparer la veille. · 1 kg de peaux de pamplemousse (3-4 fruits) · 1 poignée de gros sel · 1 kg de sucre roux · 1 gousse de vanille · 200 ml d’eau · 100 ml de jus de pamplemousse Pour le décor · 100 g de sucre glace · 5 g d’eau · 2 poignées de noix de pécan · Zestes de pamplemousse La confiture de pamplemousse maison — Peler le pamplemousse de façon à n’enlever que la couche colorée et garder la partie blanche de la peau. L’ouvrir en deux et le presser. Découper la partie blanche en larges morceaux. La mettre dans une marmite, recouvrir d’eau et d’une poignée de gros sel. Laisser tremper ­pendant 12h : cela permettra d’enlever l’amertume.

— Le lendemain, jeter l’eau, presser les peaux. Recouvrir à nouveau d’eau et laisser frémir à petit feu. Si l’eau est toujours amère à votre goût, répéter l’opération. Attention de ne pas cuire le pamplemousse. — Dans une marmite, mettre le sucre, la gousse de vanille, l’eau, le jus des pamplemousses et faire un sirop sur feu moyen. Ajouter les peaux coupées en petits dés et laisser frémir 1h30 à feu doux. Remuer régulièrement. La confiture prendra peu à peu une couleur rouge. Les cookies — Préchauffer le four à 165°C. — D’abord, préparer les cœurs des cookies. Étaler du papier sulfurisé. Prélever 14 cuillères à café de la confiture de pamplemousse et en déposer de grosses noix sur le papier sulfurisé. Congeler (laisser au moins une demi-heure, voir photo en haut à gauche). — Découper le beurre en morceaux. — Mélanger les ingrédients de la pâte avec la feuille du batteur ou une cuillère en bois. — Former des boules de pâtes de 60g environ. Placer la boule dans le creux de votre main, former un puits avec votre pouce et y mettre la noix de confiture de pamplemousse congelée. Reformer une boule et l’aplatir légèrement. — Cuire 12 minutes à 165°C. — Pendant ce temps, mélanger le sucre glace et l’eau en une pâte assez épaisse. Concasser grossièrement les noix pour le décor. — Laisser refroidir les cookies. Mettre la pâte de sucre dans une poche à douille ou faire des filaments avec une fourchette et dessiner quelques traits sur les cookies. — Déposer quelques zestes de pamplemousse. — Saupoudrer de noix.

Maison Naas 55, avenue des Vosges Shopping Promenade 6, boulevard des Enseignes à Reichstett @maison_naas Le secret d’Aurélie pour des cookies moelleux « Le secret, c’est le temps de cuisson, très rapide. Et l’épaisseur de la pâte avant de mettre les cookies au four : il ne faut donc pas trop aplatir la boule avant cuisson. » Noël chez Maison Naas Maison Naas ouvre sa boutique au Shopping Promenade. Là-bas et au centre-ville, on trouvera leurs cookies mais aussi leurs bûches de Noël : agrumes, forêt noire, inca (chocolat au lait, chocolat noir) et une autre surprise et en édition limitée… Les bûches sont à commander jusqu’au 20 décembre et existeront aussi en version mini…


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Pour ce numéro consacré à la lenteur, nous avons voulu savoir ce qu’elle évoquait pour le milieu de la gastronomie, où tout va vite et lentement en même temps. Propos recueillis par Cécile Becker La Table—Le questionnaire

Mijoter le temps Photo : Christophe Urbain

Photo : Dorian Rollin

Jean Walch Propriétaire et caviste

Carole Eckert Propriétaire et sommelière

Au fil du vin libre 26, quai des Bateliers

Enfin 2, chemin du Château d’Andlau Barr

— Quel rapport avez-vous au temps dans votre travail ? Laisser le temps au temps pour avoir le recul suffisant. — En quoi la crise a-t-elle modifié votre rapport au temps ? J’ai la sensation de vouloir freiner mais de ne rien pouvoir ralentir. Cette frustration, je la mets sur le compte de ma volonté de rester dans le train et, dans le même temps, d’en sortir. J’essaye d’imposer ma nouvelle temporalité, je me tourne vers des gens qui veulent fonctionner comme moi. Mon métier me le permet : je travaille avec des vignerons qui, impérativement, fonctionnent avec la nature et les saisons. Ils ne peuvent pas aller plus vite que le temps. — Que faites-vous quand vous avez du temps ? J’essaye de retrouver un bref rapport à la nature, de lever les yeux, d’écouter, de toucher. — Quel serait le plus grand luxe ? Apprendre à avoir du temps. Tout est lié à l’économie : vendre, fabriquer, produire, le système a créé une fuite en avant constante. Je tire mon chapeau aux jeunes que je vois arriver et qui arrivent à ralentir. — Avec quoi associez-vous le temps ? À l’apaisement, à quelque chose qui dépasse la destruction, au vivant. — Un symbole de lenteur ? Un raisin qui mûrit. Pour ça, il faut du temps.

Quel rapport avez-vous au temps dans votre travail ? On est contraints par le temps : il faut être prêt à 12h et à 19h. Il est plutôt générateur de stress. — Qu’est-ce qui va trop vite ? Dans le monde, tout va trop vite à cause d’Internet. Les gens ne sont plus patients. La question de la performance est très lourde à porter : on n’a plus le droit d’essayer, il faut que tout soit abouti immédiatement. — Qu’est-ce qui vous prend trop de temps ? Le restaurant ! [Rires] Je ne peux pas être dans l’instant, il faut toujours penser à la suite, pour l’équipe. Toute la paperasse, évidemment. Et les petits problèmes qui se règlent les jours de repos. — Est-ce qu’on se bonifie avec le temps ? Oui, comme un bon vin ! Je suis beaucoup plus sereine qu’il y a quelques années. J’ai même hâte d’avoir 50 ans : j’aime l’idée de vieillir et la sagesse qui y est associée. — Est-on plus créatif lorsqu’on a le temps ou lorsqu’on en manque ? Les non-temps sont des temps précieux quand on est dans la création. J’ai 1 000 idées quand je peux voyager et aller au restaurant. On ne peut pas penser et être dans le faire en même temps.

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LE GAVEUR DU KOCHERSBERG F E R M E NON N EN M AC H E R Produits du Terroir & Foie Gras d’Alsace

Producteur de foie gras de canard, éleveur passionné Vente à la ferme Du lundi au samedi de 8h30 à 12h et de 13h à 19h sauf lundi 18h30 et samedi 17h

Les 3 dimanches avant Noël 10h à 12h et 14h à 18h

14 route de Hochfelden | 67370 Woellenheim +33 (0)3 88 69 90 77 | gaveur-kochersberg.fr

Bistrot de quartier, produits locaux, petits plats & brunchs 10, place d’Austerlitz à Strasbourg Lun. → sam. 11h – 01h30 | Dim. 11h – 18h


La Table—Les fêtes

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Par Tatiana Geiselmann

Une table de fêtes Distillerie artisanale Jean-Claude Hoeffler distillerie-hoeffler.com Maison Baubon maisonbaubon.fr Gaveur du Kochersberg gaveur-kochersberg.fr Maison Dreher Dreher – Strasbourg 5, place du Corbeau 48, rue des Grandes Arcades drehers.eu Au Cafoutche 1, avenue de la Marseillaise Alsagarden alsagarden.com Marie Laforêt @marielaforetvegan 100-vegetal.com Bunker comestible 8, rue du Rempart facebook.com/bunkercomestible Safran du château boutique.safranduchateau.com Cave du roi Dagobert cave-dagobert.com Aussi à la Nouvelle Douane Sébastien 20, quai des Bateliers Chocolaterie Daniel Stoffel Shopping promenade 6, boulevard des Enseignes à Reichstett daniel-stoffel.fr

L’apéro

L’entrée

Des bulles... Pour lancer les festivités, on revisite le spritz blanc à la sauce alsacienne : liqueur de fleur de ­sureau de la distillerie artisanale Jean-Claude Hoeffler, crémant d’Alsace et eau pétillante.

Du foie gras Les inconditionnel.les se tourneront vers les produits du Gaveur du Kochersberg  4, et notamment vers les lobes de foie de canard, tout juste pochés et parsemés de sel de Guérande et de poivre noir. À déposer sur une bonne brioche levée de la Maison Dreher  1 ou sur un croustillant pain figues et noix.

… et des box En accompagnement, on se fait livrer les délicats amuse-bouches (et plus si affinités) de la ­Maison Baubon  3. Ravioles de chou rave à la crème de truffe, financiers courge-noisettes, verrines de patate douce au miel, feuille de câprier et condiment de figues, tartelettes poire, noix et fromage frais. Un coffret 100% végétal pour s’ouvrir l’appétit en douceur.

Des huîtres Côté fruits de mer, on se rue sur les huîtres de Green Oyster Cult qui, cette année, jette l’ancre au Cafoutche, le café-restaurant du TNS. Des huîtres naturelles, nées et élevées en mer, tout droit venues de l’île de Ré. Pour renforcer le goût iodé des huîtres, on les parsème de la bourrache blanche d’Alsagarden, qui en produit les graines. Et des champis Pour les vegans, on va piocher des idées chez la Vosgienne d’adoption Marie Laforêt. Sur son blog 100% végétal, on retrouve notamment la recette d’une terrine végé façon foie gras, qui convaincra même les plus carnivores. Pour la préparer, on se laisse tenter par les champignons shiitakés du Bunker comestible, une micro-champignonnière bio, située derrière la gare de Strasbourg et désormais gérée par la Fédération des aveugles.


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Le plat

Le dessert

Pour le plat, on choisit une recette déclinable pour viandards et veggies. Une pastilla au canard du Gaveur du Kochersberg pour les premiers, une pastilla aux champis du Bunker comestible pour les seconds. Autre option : un tajine rehaussé de safran made in Alsace. On se tourne alors vers le safranier d’exception Hervé Barbisan et son Safran du château. Pour une harmonie parfaite avec ces saveurs épicées, on se tourne vers un vin ample et fruité, comme le Pinot gris Trebogad de la Cave du roi Dagobert  2, un vin nature aromatique.

Pour le dessert, chez Zut, nous avons prévu de dévaliser les bûches de Sébastien. Et pour lacerise sur le gâteau : une boule de Noël chocolat blanc (ou noir) parsemée de pistaches, oranges et citrons confits, préparée par la Maison ­Stoffel  5 , qui vient d’ouvrir une boutique à Shopping promenade.


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Gogo chez Jojo

Belles étoiles

On avait parlé dans ces pages de Déjeuner chez Jojo, premier livre de recettes, de récits et d’astuces de l’autrice, photographe et cuisto strasbourgeoise Johanna Kaufmann. La voilà qui rempile avec un second ouvrage, auto-édité cette fois : Retourner chez Jojo. Et comme c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures, c’est la même recette gagnante : 85 recettes entre Alsace et Méditerranée, illustrées de photos gourmandes, et des bafouilles bien senties qui contextualisent la cuisine d’aujourd’hui et le rapport intime et entier que Jojo nourrit à l’assiette. On salive devant l’Apfelkiechle aux pruneaux à la vanille et aux speculoos, les Dampnudeln aux herbes de Provence ou le velouté de haricots blancs et de maïs au lait de coco. Décomplexé, simple et bourré de malices. Un cadeau à glisser sous le sapin. (C.B.)

Lorsqu’on pense hôtel, une image nous happe : celle du petit-déjeuner à déguster en chambre, et en peignoir s’il vous plaît. À la Villa René ­Lalique, l’image est d’autant plus séduisante que le cadre de cet hôtel 5 étoiles pousse à la volupté : six suites dont les décors ont été inspirés à Lady Tina Green et Pietro Mingarelli (architectes d’intérieur) par les créations de la maison familiale. « Hirondelles » « Zeila » ou « Dahlia » sont truffées de lignes fortes et de motifs étonnants pour un effet des plus chics. Les deux étoiles du restaurant nous pousseront cependant à quitter ces nids douillets pour déguster la cuisine de Paul Stradner, nourrie par le jardin-potager voisin et en produits nobles (pigeon, bar, foie gras, etc.) et surtout par les saisons. Des étoiles plein les yeux… Et comme cette année, on veut prendre soin de soi et des autres, prendre le temps, contempler et profiter : un week-end à la Villa René Lalique pourrait bien être le cadeau idoine… (C.B.)

johannakaufmann.fr

villarenelalique.com


Au Fil de l’Eau l’Esprit du Vin libre et joyeux 26, quai des Bateliers I Strasbourg 03 88 35 12 09 www.aufilduvinlibre-strasbourg.com

Venez découvrir une cuisine fraîche du marché et une carte régulièrement renouvelée au gré des saisons. Tous les soirs découvrez notre « Menu Inspiration » ainsi que nos suggestions du moment.

mar. – sam. 12h – 13h | 19h - 21h00 Fermeture : dimanches & lundis 18, rue Principale – 67300 Schiltigheim 03 88 62 43 38 – limaginaire.fr


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La Table—La fine gueule  Par Cécile Becker Photo Jésus s. Baptista

Le QG Catherine Mueller au Bistrot Paulus Qui ? Depuis le 1er octobre, Catherine Mueller co-dirige l’espace d’exposition La Chambre. En plus de cultiver les croisements entre disciplines, elle connaît sur le bout des doigts les régions et leurs meilleurs cépages. Elle apprécie la table pour ce qu’elle suppose de délectations et d’échanges qu’elle active. Son choix Le bistrot Paulus est à deux pas de La Chambre, dans un quartier qu’elle affectionne. Pendant les confinements, elle y passait régulièrement pour se régaler de ses plats à emporter. Ce qu’elle aime « Michaël [Lévi, le patron et chef, ndlr] a une vision très ouverte et jamais figée de la cuisine : il fait venir d’autres chefs, prépare des mezzes pour l’été, organise des brunchs, s’associe à Oenosphère, ses voisins, pour le vin… On ne sait jamais à quoi s’attendre mais il y a toujours le petit truc en plus qui détonne, ce qu’il faut de créativité dans les plats sans en faire trop. On croise ici

des habitués, des commerçants du quartier, des producteurs avec lesquels il travaille. On constate la qualité des produits et l’éthique du lieu… Sa cuisine est franche et accessible, c’est important [14 € le menu du jour entrée, plat, dessert, ndlr]. Ici, c’est un peu ce qu’on pourrait faire chez soi, mais lui le fait vraiment bien ! » Ses produits phares « L’île flottante au caramel beurre salé, excellente. » Ses rituels Consulter la carte chaque semaine. Demander, avant même de commander le plat, quel est le dessert du jour pour le réserver. ­Garder de la place pour le dessert (forcément…). Discrètement repartir avec le pain qui reste sur la planche (qui est, on en témoigne, délicieux). Bistrot Paulus 33, rue de Zurich restaurant-paulus.fr


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