Zibel91

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un gratuit qui se lit

N째91 du 16/12/15 au 23/01/16

Changeons

l'horizon



Société Les Régionales.........................................................4 à 6 Cop21........................................................................8, 9

Politique culturelle Événements

Week-end marionnettes, l’Entre-deux Biennales............................................ 14, 15 MuCEM, Villa Méditerranée..........................................16

Critiques

Bois de l’Aune, Théâtre Durance...................................17 Merlan, Jeu de Paume. .................................................18 Rencontres à l’échelle..................................................19 Dansem, Klap.............................................................. 20 Gymnase, Eolienne.......................................................21 Dock des suds, Cité de la musique...............................22 PIC, la Criée.................................................................23

Au programme

Musique............................................................... 24 à 27 Théâtre, danse, jeune public, cirque.................................................................. 28 à 45

Cinéma

Au programme. ...................................................... 46, 47 Festival Tous Courts. ....................................................48 Festival PriMed............................................................. 49 Assises de la création et Forum Festivals cinéma PACA.......................................50 Festival Jean Rouch, RISC............................................. 51

Arts visuels

Art-Cade, Château Borely, Fotokino, Collectif E3.............................................................52, 53 Musée d’art Toulon, Festival VRRR, Espace d’art le Moulin............................................54, 55 Au programme. ......................................................56, 57

Littérature

Vous avez en main notre dernier numéro gratuit. Le 23 janvier vous trouverez dans les kiosques et maisons de la presse, associée à la Marseillaise, notre nouvelle formule, payante mais pas chère. Parce que nous jugeons qu’il est plus urgent que jamais de mettre à votre disposition l’information et l’analyse culturelles, nous avons décidé d’un prix de vente de 2 euros, avec ou sans la Marseillaise, et baissé nos tarifs d’abonnement. Vous pourrez désormais recevoir chez vous Zibeline, avec la Marseillaise du jour, pour 30 euros annuels. Vous trouverez aussi Zibeline en librairies, et dans les lieux qui voudront continuer à mettre le journal à la disposition du public, et s’abonneront à cet effet. Vous pourrez aussi, gratuitement, continuer à nous lire sur notre site de presse, qui évolue pour une navigation plus agréable, et écouter notre web radio. Pourquoi un journal payant ? Nous ne pouvions continuer à produire chaque mois un magazine de qualité, à nous déplacer sur tout le territoire régional, à distribuer dans nos 700 points de livraison, à ouvrir notre ligne éditoriale, à faire vivre une web radio et un site de presse avec nos seules recettes publicitaires. Nous voulions, pour vous, faire un journal plus beau, d’une meilleure qualité matérielle, plus aéré mais toujours aussi intense. Et nous voulions continuer à pouvoir partir en reportage, à Vintimille ou à la COP21, afin de vous offrir des articles sur les sujets de société qui vous intéressent. Nous avons, pour opérer ce virage, reçu une aide financière de la Région, et entamé une association avec la Marseillaise, qui nous permet des économies d’échelle, et de mettre en œuvre une aventure commune. Nous espérons que vous, lecteurs, nous suivrez dans cette voie. Que vous irez le 23 janvier nous acheter en kiosques, que vous vous abonnerez (le bulletin d’adhésion est à la fin du journal et sur notre site). Que nous retrouverons rapidement un tirage de 32 000 exemplaires, qui est le nôtre actuellement, pour que les artistes, les opérateurs culturels, puissent compter sur nous dans une société qui a plus que jamais besoin d’eux, et d’une presse libre et indépendante. Et, pour construire demain dans la joie, nous inviterons tous les lecteurs et partenaires de Zibeline à une grande fête ! Le 23 janvier, prenez date... et munissez-vous de votre numéro 92 !

Sommaire

Entretien avec Cécile Duflot, ACT............................ 10, 11 Musiques actuelles....................................................... 12

Zibeline change !

LA RÉDACTION

Manifestation Lire les méditerranées............................58 Chroniques livres..........................................................60

Patrimoine

Musée d’Histoire de Marseille. .....................................62

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Après les Régionales Le scrutin que nous venons de vivre a eu la violence d’un électrochoc. Bénéfique ?

A

u deuxième tour, la mobilisation sans précédent des électeurs pour «faire barrage au FN» a eu lieu. Grâce une abstention en net recul (près de 9% d’électeurs en plus...), la liste de droite est passée de 26% à près de 55%, doublant au passage le nombre de votants qui s’y sont ralliés : 469 000 au premier tour, 1 073 000 au second. La victoire est donc nette, et le Conseil Régional sera composé de 82 Conseillers régionaux Républicains, et de 42 FN. Le parti d’extrême droite ne dirigera donc aucune des Régions françaises. Mais est-ce une victoire ? Le sentiment de défaite est grand parmi les électeurs de Gauche qui ont, ou non, voté pour Christian Estrosi. Et la peur de l’avenir, dans un pays où le Front national ne parvient pas pour l’heure au pouvoir en dehors de quelques villes, mais où il monte, comme inexorablement. Car la liste de Marion Maréchal Le Pen a elle aussi gagné des voix entre les deux tours : 886 000 électeurs ont voté pour cette jeune femme qui est contre l’avortement et l’éducation à la contraception, contre le mariage pour tous et le financement des associations LGBT, contre l’égalité homme femme, contre l’accueil des réfugiés politiques persécutés dans leur pays, pour la détention

© JCS

ferme des petits délinquants, et la peine de mort pour les autres, contre notre système social et de santé qui protège les plus faibles par la cotisation et l’impôt, contre la liberté d’expression. Elle est pour la «préférence nationale», pour un protectionnisme aberrant qui oublie que l’économie Française vit de ses exportations. Elle rêve d’un pays où il y aurait des Français de première main, qu’on imagine blancs et chrétiens, et voudrait rétablir des hiérarchies entre les enfants de la Nation, et ceux qui sont issus de l’ex Empire colonial Français. Une histoire dont nous avons à rougir tant nos Lumières s’y sont montrées barbares, mais dont 6,8 millions de Français sont, semblent-ils, nostalgiques.

Contre le FN, une fin en soi ?

L’ancrage du Front national est aujourd’hui si profond, dans la France entière et surtout en Provence, qu’il est probable que ce parti arrive un jour au pouvoir, sans un changement radical de notre vie politique.

Aux Présidentielles, si l’on projette les pourcentages du premier tour, Marine Le Pen serait aujourd’hui qualifiée pour le second tour. Et perdrait, mais beaucoup moins largement que son père face à Jacques Chirac. Cela bouleverse profondément notre vie politique. À un an du scrutin, le but des partis traditionnels, le nez dans le guidon, va être de se qualifier pour le second tour. À droite certaines voix s’élèvent contre le Ni Ni de Sarkozy, qui s’il avait été le mot d’ordre de la Gauche, aurait inévitablement amené la victoire du FN dans au moins deux grandes régions françaises, dont la nôtre. Les Socialistes, quant à eux, parlent aujourd’hui d’union des «forces de gauche». Mais ils savent qu’ils ne l’obtiendront que s'ils changent profondément de politique, et se préoccupent dorénavant du peuple plus que du Pacte de stabilité européen. Car la Gauche est en miettes. Le scrutin présidentiel, qui pour le deuxième tour ne retient que les deux premiers candidats, interdit toute expression de voix nouvelles ou alternatives. Pourtant l’on a vu, même si les scores des listes du Front de Gauche et des Ecologistes s’avèrent décevants, que bien des électeurs déçus par le

RetrouveZ Zibeline et vos invitations sur notre site Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Couverture : Exposition "J'aime les panoramas" au Mucem © Agnès Mellon Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.)

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Parti Socialiste sont capables de se mobiliser et de retrouver le chemin des urnes. Est-ce que la Gauche sera capable de se reconstruire, pour devenir une force de résistance et pour retrouver l’adhésion populaire ? Est-il possible d’espérer que demain l’on retrouve à gauche un vote d’adhésion, et non un vote utile pour le PS actuel, ou contraint pour la Droite ? Pour obtenir cela, il faut inventer d’autres voies. Composer avec toutes les forces de Gauche sans compromissions, mais en sachant faire des compromis, pour parler la même langue et ne pas disperser les suffrages. Il faudrait que les Socialistes, frondeurs officiels ou non, qui souffrent de la politique gouvernementale rallient un grand parti de Gauche. Et exigent que François Hollande ne soit pas le candidat naturel, et que les Primaires qu’il avait promises au moins se tiennent. Car le gouvernement socialiste a renié trop de ses promesses et désespéré le peuple, fait des cadeaux sans contrepartie aux entreprises et échoué à endiguer le chômage, assigné à résidence les militants écologistes, dérogé au Pacte de stabilité européen non pour relancer une économie qui s’enlise, mais pour aller faire la guerre. Cette Gauche-là ne parle plus du vote des étrangers, se dit social-démocrate et pratique une politique libérale, parle de décentralisation mais applique une réforme territoriale incompréhensible et inopérante, dit soutenir la culture et l’éducation mais désespère les professeurs des collèges, impose aux villes une réforme des rythmes de l’école sans financer son coût, baisse les dotations des collectivités qui n’ont plus les moyens d’aller au-delà de leurs domaines de compétence obligatoire. Tout cela la Droite le dit, la Gauche le crie, et le FN s’en repaît. Mais le gouvernement, sourd aux sondages d’opinion, aux frondeurs de ses propres rangs et à ses alliés dits naturels, semble vouloir ignorer aussi la leçon des urnes. Aveuglé par le sentiment d’avoir «limité la casse» comme l’écrivent les journaux, il s’en tient à la stratégie politicienne qui consiste à attendre du peuple de Gauche qu’il préfère la grippe au choléra.

Remobiliser et reconstruire

Le mécontentement est tel aujourd’hui qu’il y a fort à parier que ce petit calcul ne marche pas en 2017. Parce que la Gauche est profondément divisée, et que l’alliance du Front de Gauche avec ce gouvernement est impossible. Sans un socle commun qu’il refuse, il y a fort à parier que nous revivions le cauchemar de 2002. Avec en prime, un FN plus haut que jamais, et une disparition de toute gauche alternative. Pour éviter cette catastrophe, il est urgent que le gouvernement sorte de sa surdité, et que l’on invente une autre force de progrès. Pas à pas, localement et nationalement, dans la concertation, la pluralité et la joie. Les urnes l’ont montré : il est possible encore de mobiliser le peuple de gauche, pour peu qu’il retrouve un peu de son amour ancien pour la politique, et veuille reprendre la main sur la décision démocratique. AGNÈS FRESCHEL


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Quelle politique culturelle régionale ? Entre les deux tours, la culture est soudainement devenue un enjeu pour les Républicains et les Centristes de la liste de Christian Estrosi. Et plus particulièrement les acteurs culturels, que l’on sait globalement acquis à la Gauche...

I

l s’agissait de les amener, comme les enseignants, les universitaires et les étudiants, à voter sinon pour la Droite, du moins contre le FN. Ce qui a été fait, en masse, et dont Christian Estrosi comme Renaud Muselier ont pris acte, remerciant les électeurs de gauche (et même les Communistes !), annonçant une «sanctuarisation» du budget de la culture, et insistant sur leur volonté de ne pas intervenir, de donner les cadres possibles mais surtout de respecter la liberté des artistes. Lors de la conférence de presse organisée au Théâtre Liberté par Pascale Boeglin, Charles Berling, Dominique Bluzet et Daniel Benoin, celui qui était encore candidat l’a affirmé : «Nous n’avons pas à trier ni à sélectionner, mais à accompagner la liberté. Je veux l’ouverture, nous avons à nous tourner vers la jeunesse, et je veux rassembler derrière le mot de Résistance, qui n’appartient à personne». Pourtant le plateau réuni était emblématique d’une certaine vision de la culture : exclusivement masculin en dehors de la co-directrice Pascale Boeglin, plutôt âgé, sans représentation d’une «diversité» d’origine, formé de directeurs de théâtres importants venus de la Côte d’Azur et du Var, à l’exception de Dominique Bluzet, à la tête du plus grand consortium théâtral de France. Pas de directeurs de festivals, pas d’artistes indépendants, pas de petites structures, aucun représentant des arts plastiques, du cinéma, des musiques actuelles, des arts émergents, des musées ou des bibliothèques. Dès l’entrée Charles Berling l’affirma : «Je suis un homme de Gauche», et Christian Estrosi le confirma : «Lorsque j’ai rencontré Daniel Benoin, il ne m’a pas caché qu’il était Socialiste, ce qui ne m’a pas empêché de lui confier la direction du Centre Dramatique de Nice.» Le problème, s’il y en a un, n’est donc pas celui d’une «appartenance politique». Mais quelle vision de la culture est à l’œuvre, et comment prendra-t-elle la succession de ce qu’a mis en place la Région PACA depuis 18 ans, grâce à un service culture particulièrement compétent, et sous la vice-présidence pendant 12 ans du communiste Alain Hayot, puis lors de la dernière mandature de trois vice-présidents socialistes successifs (Patrick Mennucci, Cécile Helle puis Christine Mirauchaux) ?

De gauche à droite : Claude Henri Bonnet, directeur de l’opéra de Toulon ; Jean Florès, directeur de la scène conventionnée de Grasse ; Pascale Boeglin et Charles Berling, co directeurs du Théâtre Liberté de Toulon ; Dominique Bluzet, directeur du Gymnase et des Bernardines à Marseille, du jeu de Paume et du Grand Théâtre de Provence à Aix ; Christian Estrosi, Président de la Région Paca, maire de Nice, président de la métropole Nice Méditerranée, député des Alpes-Maritimes ; Hubert Falco, maire de Toulon, sénateur, président de Toulon Provence Méditerranée ; Daniel Benoin, directeur d’Anthéa théâtre d’Antibes depuis 2014, ex directeur du Centre national dramatique de Nice

Car la politique culturelle de la Région est particulière : la «co-gestion» avec l’État et les collectivités locales des grands équipements et festivals est cruciale, et le FN voulait la remettre en cause, dans une région qui compte à la fois les plus grands festivals de théâtre, d’art lyrique, de photo et de cinéma de France. Et dont une bonne partie de l’économie estivale repose sur ces piliers. Il est certain que la présidence de Christian Estrosi ne mettra pas à mal ces événements si emblématiques dans le paysage de la région, pas plus que le financement croisé des grands équipements, opéras, théâtres ou FRAC. Mais qu’en sera-t-il du reste, au vu des personnalités présentes lors de cette conférence de presse à Toulon ?

Un laboratoire de gauche

La Région a mis en place depuis 18 ans des dispositifs originaux : un soutien affirmé aux musiques actuelles, qui diffère de la politique de l’État (voir p12) ; un soutien au cinéma , important, et qui fait de PACA, au-delà de la variété de ses paysages et de la clémence de son climat, la deuxième région de tournage de France, après Paris ; une politique de structuration des emplois culturels, que d’autres Régions ont repris, ou nous envient ; un soutien à l’éducation artistique, avec l’école de la photo d’Arles, l’Orchestre de Jeunes de Méditerranée ou l’Erac ; une attention toute particulière aux artistes et intellectuels méditerranéens (OJM, Babel Med, mais aussi le festival de cinéma arabe AFLAM, en grand danger actuel de disparaître). Et surtout, les compagnies artistiques indépendantes reçoivent un soutien qui constitue l’essentiel du budget consacré au financement du spectacle vivant, ce qui est une exception si l’on compare avec d’autres politiques régionales françaises. Dans un contexte de fort désengagement financier de l’État à leur égard et parfois, selon les communes et les départements, des collectivités locales, le soutien aux artistes, lieux et compagnies indépendants est devenu indispensable à la fabrique, ici, d’une culture vivante. Si l’on y ajoute à tous ces volets d’une politique complexe des événements destinés à démocratiser l’offre culturelle, en particulier


Budget régional de la culture en 2015 37,1 M€ de budget de fonctionnement 17 M€ de budget en investissement 1536 subventions votées 1238 acteurs culturels aidés

◘ 7,4 M€ pour 306 festivals / manifestations aidés soutenues ◘ 10,9M€ pour 251 lieux / équipements aidés ◘ 5,3 M€ pour la création

dans les secteurs des arts vivants et arts visuels

◘ 12 écoles supérieures soutenues ◘ 249 postes culture créés (Adac) entre 2010-2015 ◘ 4,6 M€ pour 74 films-documentaires-

fictions-courts métrages-productions télévisées

◘ 4334 journées de tournage en région envers la jeunesse, on comprendra que les orientations de la nouvelle majorité, en l’absence totale de la gauche dans l’opposition régionale, sera cruciale pour l’avenir de la culture en PACA : le festival Babel Med, métissé et festif ; le Prix régional du livre, décerné par les lycéens et apprentis, et qui met chaque année en lecture toute une classe d’âge ; le Printemps des lycéens, qui permet aux établissements scolaires de mettre en lien la pratique artistique des jeunes avec des professionnels qui interviennent dans les établissements... Ces dispositifs, originaux et destinés aux habitants du territoire, sont complétés par une attention aux territoires éloignés des grands axes de communication, et souvent pauvres, que ce sont les Alpes (04 et 05) ou la vaste commune d’Arles, ou encore les quartiers Nord de Marseille. Les déclarations d’intention de Christian Estrosi, la main tendue vers la Gauche qui a permis qu’il soit élu, l’affirmation réitérée qu’il soutiendra la culture «parce que c’est aussi un secteur économique important», laisse espérer qu’il ne détricotera pas ce lent travail de structuration, au moins pour des raisons pragmatiques. Mais ses références culturelles, à l’opéra et à la danse classique, à Cézanne, René Char, Matisse ou Berlioz, sont peu contemporaines. «Vous resterez libres, je ne veux pas faire de vous des Estrosistes, vous resterez ce que vous êtes.» L’intention est claire. Encore faut-il qu’au delà de la liberté, des moyens financiers et une vision politique soient mis en œuvre. AGNÈS FRESCHEL


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Tempérer ? Jamais ! Zibeline s’est rendue deux jours à Paris à l’occasion de la Cop21, la conférence des Nations unies sur le changement climatique

Participants à la chaîne humaine organisée le 29 novembre à Marseille, les manifestations ayant été interdites © Gaëlle Cloarec

«T

empérer ? Jamais !», ce pourrait être le slogan des multinationales crispées sur les dernières réserves d’énergies fossiles, ou bien au contraire celui des activistes déterminés à ne rien céder dans leur lutte contre le système qui génère le réchauffement climatique. Le problème, c’est que le grand rassemblement parisien dit Cop21 a donné la parole de manière bien déséquilibrée à ces pôles opposés. Au Bourget où se tenaient les négociations officielles, les sponsors comptent parmi les plus gros pollueurs de la planète, tandis que la société civile se retrouvait interdite de manifestation en raison de l’état d’urgence, certains de ses membres étant traités comme des terroristes en puissance. Zibeline a pu se rendre sur place pour assister le 2 décembre à la présentation du Leap Manifesto par Naomi Klein et une dizaine d’intervenants, salle Olympe de Gouge, à proximité du Père Lachaise, et le lendemain au Forum Océan et Climat dans les espaces Générations du site officiel.

Naomi Klein

L’activiste canadienne, convaincue que les politiques sont trop occupés à regarder le résultat des scrutins pour se poser les bonnes questions, estime celle du climat «essentielle, mais ce n’est pas la seule». Dans son esprit, tout est lié : les crises s’ajoutant les unes aux autres, il faut les traiter ensemble, tant les émissions de gaz à effet de serre que la justice sociale (lire à ce propos notre critique de son dernier ouvrage : http://www.journalzibeline.fr/societe/ la-guerre-du-climat-une-lutte-des-classes/) Avec notamment des membres des 62 peuples autochtones du Canada, qui souffrent des conséquences de


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l’extraction de sables bitumineux sur leurs terres, elle a lancé au printemps 2015 The Leap Manifesto (grand bond en avant). En 15 points, ce manifeste réclame l’arrêt des exploitations polluantes, le soutien aux énergies propres visant à l’autonomie des populations, le développement d’une agriculture écologique et de proximité, une protection complète pour tous les travailleurs, y compris les immigrants, que les grandes sociétés cessent de financer les campagnes politiques, etc. Ses signataires souhaitent parler aussi du sort des femmes et des enfants, de l’impact des guerres, du legs du colonialisme, et «créer un mouvement suffisamment fort pour mettre à terre les puissants». Traduit en de multiples langues pour que tout le monde puisse le lire (arabe, roumain, cree...), le texte se base sur de récents travaux démontrant que d’ici 2050 toute l’électricité pourrait provenir de sources renouvelables, à l’échelle du monde. «La démocratie participative est au cœur de ce que nous défendons, car elle permet aux populations de garder un contrôle de manière décentralisée. Nous sommes fiers d’avoir trouvé des compromis, capables par exemple de rapprocher la vision des anarchistes, très opposés à l’État, et celle des syndicats.» Le Leap Manifesto est déclinable à l’envi, selon contextes et zones géographiques, et cherche à atteindre une masse critique qui propose des solutions nouvelles aux défis mondiaux, pèse sur les dirigeants en s’opposant frontalement au marché. Si ces positions prennent de l’ampleur au sein de la société civile, il est en revanche difficile d’imaginer que les gouvernants abandonneront un jour leur double discours : belles déclarations, mais «priorités macroéconomiques» intouchables. Selon Naomi Klein, face à l’urgence climatique, «nous ne pouvons pas nous permettre de lâcher d’un pouce, nous avons besoin d’un plan d’action, de parler de l’après-Paris dans une perspective joyeuse de changement».

Forum Océan et Climat

Au Bourget, bien des structures prévoyant une financiarisation de la nature, et autres dispositifs visant à habiller de vert la poursuite de la pollution, bénéficiaient d’une visibilité internationale. Le 3 décembre, on pouvait au moins se réfugier salle Nelson Mandela, où se tenait le Forum Océan et Climat, espérant voir enfin le rôle crucial des espaces maritimes pris en compte, eux qui étaient les grands oubliés des précédentes éditions de la conférence. En présence d’éminent-e-s scientifiques, la ministre de l’Écologie Ségolène Royal déclarait avoir obtenu la veille que le prochain rapport du Giec (Groupe d’experts

intergouvernemental sur l’évolution du climat) intègre l’océan, une demande soutenue par la Chine, Monaco et l’Espagne. Nadine Le Bris (Université Pierre et Marie Curie) confirmait : la mer est la clé d’un avenir qui soit tolérable pour les communautés humaines. Laurent Bopp (CNRS) rappelait qu’elle absorbe 90% de l’excès de chaleur, et que dans les prochaines décennies, si l’on maintient la température sous le seuil des 2°C, elle continuera à absorber 50% du carbone émis... Beaucoup moins si l’on dépasse ce scénario. Pour réagir, il faut comprendre les changements trop rapides qui frappent l’écosystème marin, poubelle de la Terre : les chercheurs clament qu’ils ne sont pas assez nombreux sur le terrain, qu’il faut plus de sciences sociales pour étudier le rapport de l’homme à la nature, qu’il existe déjà des solutions praticables, ignorées du public et par les décideurs... Pour Eric Karsenti (expédition Tara), «Si on travaille de manière collective, ça marche remarquablement. Il faut changer tous les aspects de la vie moderne, pas seulement les émissions de gaz à effet de serre». L’assistance était presque tentée de croire que les instances présentes au Bourget seraient convaincues d’agir concrètement, intelligemment, jusqu’à ce que le réalisateur Jean-Paul Jaud diffuse la vidéo d’une jeune fille de 12 ans, au sommet de Rio en 1992. Severn Cullis-Suzuki avait alors pris la parole au nom de tous les enfants qui souhaitent un avenir viable sur une planète saine. L’assemblée l’avait longuement applaudie, les médias avaient relayé son magnifique discours. 23 ans plus tard, elle souhaitait transmettre un message à ceux qui planchaient sur la 21e conférence des Nations unies : sur les côtes de l’archipel Haida, en Colombie-Britannique où elle habite, des poissons radioactifs, cancéreux, arrivent de Fukushima.

Face à ce type de cauchemar qui se répand dans tout le Pacifique, que faire ? Surtout ne pas baisser les bras. Il est trop tard pour désespérer.

Agir : désobéir

Pour lutter contre l’inertie des décideurs, le lobbying éhonté des climatosceptiques, le poids des multinationales, les slogans ont montré leurs limites. De plus en plus de citoyens font converger leurs luttes, l’urgence les rapproche : faucheurs de chaises, ONG, bergers des mers, paysannes africaines ou de NotreDame-des-Landes, pêcheurs insulaires, Indiens du Canada, chercheurs en écologie ont leurs points d’achoppement, mais comme le soulignait l’une des participantes de cette Cop21 «Les conflits, ce n’est pas grave ! On peut marcher ensemble tout en se détestant, ça prouve juste qu’on est nombreux». Le fait que les manifestations soient interdites, en France ou ailleurs, que la répression violente contre le journalisme environnemental s’aggrave dans le monde -comme le révèle un rapport publié le 5 décembre par Reporters Sans Frontières- est un bon indicateur : la désobéissance civile prend de l’ampleur, les mouvements se structurent, l’information circule, et cela commence à ébranler le modèle fossile. Le gros enjeu de cette conférence était bien évidemment de conclure un accord contraignant pour les États. C’est fait, mais les objectifs déterminés sont très décevants ; en aucun cas on ne peut se permettre de relâcher la pression qui doit peser sur la mise en application concrète et le renforcement des résolutions. Parce que les intérêts en jeu sont énormes : si d’un côté de plus en plus de gens espèrent mieux vivre ensemble, de l’autre beaucoup -dont maints tentaient de montrer patte verte à la Cop21- souhaitent maintenir un statu quo : ils perdront des milliards si les ressources sont laissées dans le sol, ils essaieront de maintenir leur puissance par tous les moyens. D’ici la Cop22, qui aura lieu à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016, et toutes les années suivantes, il va falloir peser plus lourd qu’eux. GAËLLE CLOAREC

Quelques liens : • Le grand bond vers l’avant : leapmanifesto.org • Plateforme Océan et Climat : www.ocean-climate.org • Rapport RSF journalisme environnemental : https://fr.rsf.org/IMG/pdf/rapport_environnement_fr.pdf • Discours Severn Suzuki Sommet de la terre Rio : https://www.youtube.com/watch?v=1Vf-zo35uu8


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Entretien avec Cécile Duflot

Zibeline : Quand François Hollande est venu ici introduire la Medcop21, il a dit ne pas savoir ce qu’est la société civile. Est-ce que vous le savez, vous ? écile Duflot : Je crois qu’il a dit ça de manière un peu ironique. Non seulement il voit bien ce qu’est la société civile, mais nous on le voit bien : tous ceux qui se bougent pour faire en sorte que notre avenir ne soit pas celui qui se dessine sans qu’on intervienne. Et qui peuvent aussi se bouger contre les politiques, pour les pousser à aller plus loin que ce que le confort ou les échéances de

C

court terme pourraient amener. C’est cela la société civile, tous ceux qui marchent, qui se lèvent, qui réfléchissent, qui ne sont pas des moutons. À quelques jours de la Cop21, les manifestations sont interdites en raison de l’état d’urgence, dont vous avez voté la prolongation. Certains vont marcher quand même. Qu’en pensez-vous ? La situation est très compliquée, y compris du point de vue de l’organisation des forces de l’ordre. Celles qui auraient pu utilement participer à la sécurisation de ces manifestations sont prises sur de nombreux fronts. Je comprends la frustration de ceux qui préparent cet événement depuis 2 ans, mais une manifestation interdite, forcément, n’est pas bien organisée, et peut mal se passer. Même si je regrette cette décision, car d’autres manifestations sportives ou commerciales ne sont pas annulées, il faut la respecter si l’on ne veut pas risquer un moment désagréable pour certains. Le philosophe Dominique Bourg a publié récemment un Dictionnaire de la pensée écologique. À ce propos il dit qu’avec le réchauffement climatique «la nature va faire un retour dans la société par effraction et de façon extrêmement violente». Qu’est-ce que cela vous inspire ? C’est totalement vrai ! Les inondations récentes sur la Côte d’Azur sont un exemple de la multiplication des épisodes météorologiques violents qui accompagnent le réchauffement climatique. On a cru, sans doute parce que c’était le modèle de développement qui voulait ça, qu’on pouvait vaincre la nature et la

Cécile Duflot et Sophie Camard © Gaëlle Cloarec

Quelques jours avant la Cop21, et à l’approche des élections régionales où son parti, Europe Ecologie Les Verts, formait une liste commune en PACA avec le Front de gauche, Cécile Duflot était de passage à Marseille

plier. Or on ne peut ni la plier ni la piller, il faut la respecter. Ce qui fait notre humanité c’est que nous appartenons à cette planète. La sphère politique maintient sa foi en la croissance économique. Sur une planète aux ressources limitées, comment peut-on imaginer que ce soit compatible ? Je ne suis pas sûre que la sphère politique n’ait pas bougé. Le président de la République lui-même a dit que ceux qui évoquent la décroissance ont touché un sujet réel. Ce mot-là dans la bouche d’un président est très... original. Mais entre la prise de conscience et le passage à l’acte, il y a encore du temps. C’est pour cela qu’on a besoin des écologistes, qui ont ancré leurs solutions politiques dans cette prise de conscience de longue date. PACA est l’une des deux régions où le Front de Gauche et EELV ont fait liste commune, est-ce que c’est une formule qui vous paraît avoir de l’avenir ? Les dynamiques autour d’un projet, l’envie de proposer une alternative politique, une alternance presque, c’est non seulement utile mais nécessaire, dans une période où l’on voit bien l’écrasement du débat par la crainte de l’extrême droite, et par le fait que son discours contamine une grande partie du champ politique. Mais ce ne sont pas des choses qui se passent au sommet, ce ne sont pas des accords de parti, mais plutôt ce qui se joue entre personnes qui se font confiance, qui ont envie d’agir ensemble, et c’est comme cela que ça marchera durablement. Propos recueillis par GAËLLE CLOAREC

Retrouvez l’intégralité de cette interview sur notre webradio, accompagnée des réponses de Sophie Camard, élue EELV et co-tête de liste de la Région Coopérative avec Jean-Marc Coppola


Au soleil

Le jardin oranger © Gaëlle Cloarec

L

a commune de Beausoleil, à l’occasion de la 3e Biennale du Réseau Histoire Mémoire Immigrations des Territoires, a organisé du 27 novembre au 12 décembre une manifestation intitulée Beausoleil, habitat et jardins - À la recherche du patrimoine, incluant un colloque, des expositions et des balades patrimoniales. Qu’est-ce qui mobilise ainsi historiens, passionnés et citoyens autour d’une ville construite entre le XIXe et le XXe siècle aux abords de la Principauté de Monaco ? Son identité très particulière, sans aucun doute : bâtie par des ouvriers italiens, elle accueille de décennie en décennie plusieurs vagues d’immigration, et le cosmopolitisme de sa population a laissé de multiples traces dans un espace étroitement circonscrit (3 km2 de superficie, sur un amphithéâtre naturel). L’urbanisme de Beausoleil reflète son histoire : s’y côtoient un habitat populaire, des architectures Belle Epoque ornées de frises somptueuses, un Palace, le Riviera, conçu initialement pour recevoir l’aristocratie attirée par les casinos, et la tour Odéon, excroissance bleue abritant l’appartement le plus cher au monde, penthouse de 3600 m2... Les amoureux des jardins y trouvent aussi leur compte : bénéficiant d’un microclimat exceptionnel, le territoire regorge d’espèces importées au fil du temps par les diverses populations immigrées, dont un nombre impressionnant d’agrumes. La centaine de jardins que compte la municipalité sont protégés, et inscrits au PLU. En projet, l’aménagement d’une parcelle de belle taille préemptée par la Ville : le Domaine Charlot pourrait accueillir un jardin ethnobotanique, en attendant la réhabilitation du bâtiment principal, consacré à des projets culturels. Face à sa puissante voisine, Monaco, les Beausoleillois ont tout intérêt à entretenir une forte identité : pas seulement le patrimoine dit «savant», mais aussi les atouts que constituent 100 ans d’histoire populaire. Y compris celle du bidonville du Tonkin, où vécut une partie de son enfance le poète Armand Gatti. GAËLLE CLOAREC

Retrouvez notre reportage audio consacré à Beausoleil sur notre webradio


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Toutes les musiques, ici

La politique régionale de soutien aux musiques actuelles est exemplaire... espérons qu’elle continue sous Estrosi !

T

ous les ans la Région PACA édite, avec l’aide de l’ARCADE, un CD, double depuis quelques éditions, des musiques actuelles et du monde produites dans la région. Ce sont 63 groupes qui figurent dans la compilation destinée à promouvoir les artistes auprès des professionnels dans les festivals de France et du monde. Et tous, plus 7 autres qui n’ont pu produire à temps une plage pour enregistrement, ont été soutenus par le CAC (entendez Conseil Artistique à la Création) en 2015, pour un total de 300 000 euros. Une aide essentielle, selon Raphaël Imbert (Cie Nine Spirit) et sans laquelle nombre d’artistes auraient dû soit s’arrêter, soit quitter la région. «Le CAC a été un facteur déterminant dans ma volonté de ne pas m’exiler. Mes camarades des autres régions ne peuvent réussir en jazz sans passer par la case Paris ou New York. Pour tous les musiciens de la région PACA, le CAC est incontournable.» Car outre l’accompagnement des artistes, le développement des groupes, la structuration des réseaux de production et le soutien aux Festivals, en particulier à Babel Med, la Région veille à favoriser l’émergence, et la pluralité des esthétiques. Un travail remarquable, dont le double CD est le témoin incontestable. Si l’on pouvait regretter dans les cinq éditions précédentes la nette majorité de musiciens

hommes, ce n’est plus le cas. «Sans doute grâce à un comité de sélection paritaire...» fait remarquer Fred Bruschi, le chargé de mission aux musiques actuelles à la Région. De même, mieux qu’auparavant, la multiplicité de Babel s’affirme dans la diversité des plages chantées : ses artistes qui tous vivent et travaillent ici, s’expriment en Français en Anglais, mais aussi en Occitan (beaucoup !), en Arabe, en Grec, en Indien, en Espagnol, en Portugais, en Malinké, en Chinois ! Babel est donc dans les mots, mais aussi dans la musique : les influences sonores viennent de tous les coins du monde, et toutes les esthétiques de la chanson, de la pop, du rock, du rap, des musiques du monde, du jazz, des musiques amplifiées ou acoustiques, sont là. Les deux CD proposent cette année des parcours évolutifs pour l’oreille, de la chanson française, passant par le rock puis des plages plus électroniques pour les musiques amplifiées (dans le premier CD), partant des formations qui explorent les répertoires traditionnels pour aller jusqu’aux musiques plus contemporaines, et instrumentales (dans le second CD). Un double voyage donc : des groupes que l’on connaît bien parce qu’ils passent souvent sur nos scènes, d’autres que l’on découvre avec plaisir. Ainsi la chanson d’Ottilie B, la voix grave de Oh ! Tiger Mountain, l’électro d’Ivy Slan, le duo d’Isaya, ou le chant Sefarade de Françoise Atlan, les connexions multiculturelles de Temenik Electric ou Ahamada Smis, le flamenco virtuose de Juan Carmona ou Luis de Carrasca, l’ancrage occitan de D’Aqui Dub, de Rassegna, de Radio Babel Marseille ou du chœur de La Roquette, nous sont familiers. Mais on découvre aussi des Marseillais jouant du gamelan balinais, un trio vocal occitan remarquable (Tant Que Li Siam), on retrouve le rap résistant de Dupain, une plage très intéressante, jouant des mots comme d’une matière sonore, de Fleur Sana, une proposition théâtrale et décalée du duo Catherine Vincent... Décidément la région a du talent musical ! Il y a fort à parier que ce Babel souvent revendicatif, et toujours très métissé (Ksir Makoza dans son rap s’en prend directement au FN), aurait fortement déplu à Marion Maréchal Le Pen. Il reste à espérer que Christian Estrosi, qui dans sa ville soutient plutôt la musique lyrique et la danse classique, saura voir toute la richesse de ce Babel enchanté ; et permettra de continuer un travail pertinent, aux résultats indéniables, dans un secteur qui, malgré la crise qui touche les musiques enregistrées, a su garder grâce à une politique intelligente une vigueur qu’on ne lui connait pas ailleurs. AGNÈS FRESCHEL



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Ce monde e(s)t le notre C’

est une rentrée tout en délicatesse que concocte le Théâtre d’Arles, avec un week-end marionnettes programmé les 8 et 9 janvier. Deux spectacles se succèderont tout au long des deux jours, dès 9h le 8 et dès 15h le 9, pour permettre de les voir à la suite l’un de l’autre. Dans la petite salle, Ezequiel Garcia-Romeu installe Le Petit théâtre du bout du monde, son dernier spectacle tout juste créé (début novembre au Théâtre National de Nice), une installation habitée de multiples créatures, les marionnettes qu’il a créées et qu’il manipule. Contrairement à ses précédentes créations, qui s’appuyaient sur un texte joué par des comédiens, celle-ci ne fait appel qu’à des marionnettes, qui sont tout à la fois les personnages d’une histoire et les acteurs d’une machinerie, une scénographie qui se donne à voir entièrement. Dans une boîte construite sur deux niveaux, autour de laquelle le public est amené à se déplacer et qui lui permettra d’avoir autant de points de vue et de compréhensions différentes des histoires esquissées, la vie va doucement s’animer. Dans une succession de tableaux poétiques, tous attendront de s’éveiller, se découvriront et découvriront les spectateurs. Comme par un effet de miroir, chacun nous renverra le monde tel qu’il est maintenant, faisant appel à notre imaginaire. Il ne s’agit pas pour autant

Le Petit théâtre du bout du monde © Nathalie Sternalski

de raconter l’histoire de chacun -une femme qui attend un bus, un homme entouré de sacs, une vieille femme qui rêve…- mais de provoquer une réflexion, d’instaurer un dialogue intérieur, souligné par les sons foisonnants qui émanent d’une multitude

d’appareils à l’esthétique futuriste. Entre humour et noirceur la poésie surgit, qu’accompagnent ces êtres intrigants, déroutants sans doute, mais infiniment humains.

Le cirque sur le pont

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ous avez aimé la Biennale Internationale des Arts du Cirque en 2015 ? Vous redoutez de manquer de cirque en cette année paire qui s’annonce ? N’ayez crainte ! Les artistes ont trouvé la parade, plutôt logique pour des circassiens. Pour ne pas avoir à trop attendre pendant deux ans, voici qu’arrive, dès les premiers jours de janvier... l’Entre-deux Biennales ! Il fallait y penser, Archaos et ses quelques complices l’ont fait. «Ce n’était pas prémédité, précise pourtant Guy Carrara, co-fondateur d’Archaos, et initiateur de la Biennale. C’est au mois de juin que nous avons décidé, avec quelques partenaires, de mettre en place cette manifestation, qui sera plus modeste que la Biennale, et qui est amenée à se pérenniser. Le but est d’être visible, de maintenir une présence du cirque, et de faire de

Belle d'Hier, Cie Non Nova © Jean-Luc Beaujault

cet art un axe majeur de la politique culturelle du territoire.» Fort du succès de la première édition, qui a fait de cet événement l’un des plus grands, si ce n’est le plus grand festival de cirque au monde, les organisateurs misent sur un intérêt croissant du public. Le risque

de lasser ou d’en proposer trop ? «Même pas peur ! Plutôt peur de ne pas être assez présent !»

Un pont suspendu

De fait, L’Entre-deux se distingue nettement de sa grande sœur. L’offre sera différente, ne serait-ce

que par son ampleur : il y avait cinquante partenaires en 2015 sur toute la région PACA, il y en a sept en 2016, situés entre Marseille, Aix et Ouest Provence. Le principe et le budget ne seront pas les mêmes non plus. La Biennale met l’accent sur la création, avec de nombreux spectacles présentés en première mondiale. L’intermédiaire accueillera essentiellement des spectacles déjà rodés, avec une programmation «plus petite, choisie avec nos partenaires» et des financements qui n’ont «rien de comparable avec la Biennale». Manifestation à part entière, avec son identité propre, mais aussi pont suspendu, transition d’un grand événement à un autre, telle sera la vocation de L’Entre-deux. Avec en ligne de mire l’édition 2017, qui promet d’être rayonnante, car elle ouvrira notamment


C’est sur la scène du Théâtre que prendront place les marionnettes très épurées d’Uta Gebert. Dans un paysage enneigé, après une accalmie, deux personnages se font face : sur un couloir étroit et énigmatique, un marcheur transi par le froid se trouve confronté à un inconnu qui l’empêchera de passer. Entre peur et rébellion, il va révéler sa volonté de passer outre cet interdit en imposant en retour sa propre vision des choses. Uta Gebert s’est inspirée d’une nouvelle de Franz Kafka, Devant la loi, n’en gardant que les deux protagonistes emblématiques, celui qui veut franchir la porte et celui qui l’en empêche. Limen, du latin le seuil, met en scène les marionnettes qu’elle a construites et qu’elle manipule en arrière-plan avec une gestuelle très précise, minimaliste, dans une lenteur volontaire qui laisse toute sa place à l’imagination et à la contemplation. La musique envoûtante d’Ulrich Kodjo Wendt et Mark Badur vient souligner la poésie visuelle, quasiment dénuée de mots, de cet haïku marionnettique. DOMINIQUE MARÇON

Week-end marionnettes les 8 et 9 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

les festivités de Marseille Capitale européenne du sport. Archaos planche déjà sur les connexions naturelles entre cirque et sport, pour coller à cette future actualité. En attendant, jongleurs, clowns et acrobates seront en piste au Merlan, au MuCEM, à Archaos, à la Criée et à la Gare Franche pour Marseille, au Bois de l’Aune pour Aix-en-Provence. Plus une escale sur le territoire de Ouest Provence, lors du Festival Les Elancées, du 29 janvier au 7 février (dont nous parlerons dans le prochain Zibeline). Au programme, pêle-mêle, les compagnies Cahin-Caha, Libertivore, Non Nova, Sacékripa, Les mains les pieds et la tête aussi, S’évapore, Kadavresky, Cirque Exalté… et bien plus encore. Feux d’artifice en perspective ! JAN-CYRIL SALEMI

L’Entre-deux Biennales du 7 janv au 7 fév Marseille, Aix-en-Provence, Ouest-Provence www.entre-deux.biennale-cirque.com


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Des clous et des couleurs au MuCEM Tatiana Wolska, Sans titre, 2013 © Tatiana Wolska

L

e clou. Sobre titre et sobre exposition, qui se tient au Centre de Conservation et de Ressources (CCR) du MuCEM, à Marseille, dans le quartier de la Belle-de-Mai. Quarante pièces rassemblées, sur une douzaine d’espaces dans cette galerie très intime. Du clou, des clous, déclinés sous toutes leurs formes. De la plus basique à la plus inattendue, dans sa fonction première, ou détournée avec humour et fantaisie parfois. D’autres fois de manière beaucoup plus déroutante, qui laisse place à un certain scepticisme. Comme cette installation, Potentiel Hydrogène, de Fred Pradeau où sont rassemblés, sous une vitrine, des bouteilles de soda, de jus de fruits, d’acide chlorhydrique et sulfurique, un citron et quelques bocaux remplis de clous. L’ensemble de ces éléments ayant, explique le guide, la particularité de produire de l’hydrogène. Tout aussi particulier, Le milieu d’un clou, de Claude Closky, autrement dit, un trait de stylo de 2 cm sur une feuille blanche.

Artisan et artiste

Ailleurs sont aussi exposés des clous de cercueil, des clous dits de la Vraie Croix, des faux clous, des clous droits, des clous longs, des clous courts, des clous tordus... En contraste avec ces fantaisies artistiques plus ou moins convaincantes, le clou de l’exposition reste certainement la reconstitution de la Forge de Saint-Véran, village du Queyras, dans les HautesAlpes. Meule, pieux, étaux, tisonnier, chaînes, pinces, fer à cheval, et clous, évidemment, sont rassemblés dans cet atelier figé dans le passé. La confrontation entre la réalité de l’artisan et l’imaginaire de l’artiste est l’un des aspects les plus marquants de cette exposition. À mi-chemin entre l’anthropologie et l’art contemporain, en somme, comme le relève justement Damien Airault, le commissaire de l’exposition. Au contraire d’une démarche où l’objet exposé se distingue par sa rareté, l’idée est ici de prendre un élément banal, maîtrisé depuis l’âge de fer, et de

«trouver ce qui est le plus commun.» Pour mettre ainsi en place «une exposition d’art contemporain faite par un anthropologue amateur, ou une exposition d’anthropologie faite avec l’œil d’un commissaire d’art contemporain.» La proposition est à découvrir jusqu’au 24 juin. Un deuxième volet se tiendra au FRAC du 4 mars au 24 avril.

Suite de la programmation

Dans le bâtiment principal du MuCEM, sur le VieuxPort, la programmation sera riche en couleurs et variée durant la période des fêtes et en début d’année. Lors des vacances scolaires, Explorama aura une programmation reliée à l’exposition J’aime les panoramas (qui se tient jusqu’au 29 février). Du 26 décembre au 3 janvier, des activités pour enfants et pour tout public seront à l’affiche. Atelier sténopé, expériences multimédia, Contes de Malmousque à écouter en musique, ou Minorama, la visite-jeu de l’exposition, il y en aura pour tous les goûts. Au rayon spectacles, dans le cadre de L’Entre-deux Biennales (voir p 14), la compagnie Cahin-Caha aura carte blanche pour faire son cirque, en visite délirante des collections du CCR. Les amateurs de cinéma pourront découvrir deux dessins animés lors d’Explorama : Petit Corbeau, de l’allemande Ute von Münchow-Pohl, le 26 décembre, et Le dirigeable volé, du merveilleux réalisateur tchèque, Karel Zeman, le 3 janvier. Pour un public plus averti, la projection d’Assunta Spina, film italien, réalisé en 1915 par Gustavo Serena et Francesca Bertini (première metteure en scène de cinéma au monde) aura lieu le 15 janvier.

À l’heure d’hiver

Une rencontre à retenir également : Panora’mixtes, le 19 décembre, qui invitera à un parcours de jeux à travers les galeries du musée et autour des multiples panoramas de Marseille qui se dessinent à l’horizon de quartiers comme La Rose, Frais-Vallon, Le Panier, ou La Pointe Rouge. Le 14 janvier démarrera un nouvel épisode du cycle Le Grand Livre des Passages. Littérature, qui mettra à l’honneur Odysseas Elytis (Prix Nobel de littérature en 1979), en présence d’Angélique Ionatos, qui a beaucoup chanté l’œuvre de l’auteur grec. Enfin, le 20 janvier s’ouvrira l’exposition Made in Algeria, Généalogie d’un territoire, vaste ensemble de documents (cartes, photos, peintures,...), sur la représentation de ce pays. Elle se tiendra jusqu’au 6 mai. JAN-CYRIL SALEMI

Exposition Le Clou jusqu’au 24 juin CCR du MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

La programmation de la Villa Méditerranée n’est encore guère fournie pour l’heure. Quelques propositions, toutefois, en cette période hivernale : le 19 décembre, un concert de solidarité pour l’association Santé Sud, avec l’ensemble vocal Le chant du voisin ; le 12 janvier, un apéro-sciences, Si l’eau m’était comptée, où les intervenants débattront de l’utilité d’une tarification de l’eau pour l’économiser et en permettre l’accès à tous ; enfin, l’exposition photo Lisbonne reste à voir jusqu’au 3 janvier. J.C. Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org


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Un art non-lucratif, mais… ohamed El Khatib offre avec Moi, Corinne Dadat un petit bijou, qui n’est ni de la danse, ni du théâtre, ni du one-woman show, ni une causerie, ni une joute oratoire, ni à proprement parler une performance, mais en même temps tient de tout cela. En exergue au spectacle, la feuille de salle livre un court texte de Mohamed El Khatib, qui sera dit sur scène, plus tard, et qui définit Corinne Dadat, «qui en a vu d’autres», qui «se méfie du spectacle vivant»… L’illusion théâtrale ici s’achoppe avec la réalité : la vraie Corinne Dadat est vraiment une femme de ménage, elle a vraiment cinquante ans. Les mots qu’elle prononce sont les siens, avec leur fraîcheur, leur humanité, leur verdeur aussi et renvoie à leur «culture» pédante ceux qui lui parlent «finement» de dadaïsme à propos de son patronyme. Le quatrième mur n’est plus qu’un souvenir, la parole, les gestes, sont partagés avec la confiance que l’on peut accorder à

© Marion Poussier

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des amis. La jeune danseuse Élodie Guezou apporte un contrepoint, une autre dimension à la

texte précité ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas -les portraits se dessinent autant par la suggestion positive que négative. Entre le rêve et la vie, la réalité et la fiction, se creusent les écarts, c’est là où se niche le rêve. Corinne danse sur son tabouret à roulettes devant le Pas de quatre des petits cygnes du Lac ; expose les produits de nettoyage en une ligne séquencée (hyper contemporain !) ; inonde le sol avec maestria, tandis qu’Élodie Guezou essuie le lac ainsi formé avec sa longue chevelure et en contorsionniste, on ne se change pas ! Le spectacle touche, remet en place l’essentiel, en échappant à tous les pièges du pathos facile et de la grandiloquence. Un tour de force ! MARYVONNE COLOMBANI

Moi, Corinne Dadat a été donné au Bois de l’Aune, Aix-enProvence, le 3 décembre

joute espiègle entre Mohamed El Khatib et Corinne Dadat, pose des questions, expose sur le modèle du

Enfance et carnage

«L

Baptiste Toulemonde porte toute l’innocence des 8 ans de Joseph. À ses côtés, la carapace d’Elikia se brise parfois, par ce «sentiment d’avoir retrouvé un petit frère, qui me remplissait d’une étrange douceur.» Fanny Chevallier, l’infirmière, nous conte l’histoire de cette petite. Avec délicatesse et émotion, en parallèle contrasté à la guerrière aux aguets qui avance dans la nuit noire. Son récit se mêle aux mots d’Elikia, consignés dans un cahier, lors de son séjour à l’hôpital, quand elle accepta enfin de prendre pour arme un stylo. Impossible de sortir indemne de ce spectacle. Elikia signifie «espérance», nous apprend la jeune fille. Peu importe que ce soit authentique. C’est vrai. JAN-CYRIL SALEMI © Fabien Debrabandere

es mots de la bouche ne peuvent pas tout raconter. Ils sont trop près de la haine et de la vengeance.» «Le fusil tue le corps de celui qui a peur, et l’âme de celui qui le porte.» Ces phrases sont celles d’Elikia, une enfant soldat de 13 ans. Capturée à 10 ans par les rebelles, qui ont tué son père, son frère, l’ont obligée à mettre le feu à sa maison. «À brûler les dix premières années de ma vie.» Elikia est un personnage, né sous la plume de Suzanne Lebeau, une auteure québécoise. Son œuvre, Le bruit des os qui craquent, est un texte brutal et sensible. Marie Levavasseur et sa compagnie Tourneboulé en ont livré une adaptation exceptionnelle devant une salle comble. Le plateau est jonché d’une sorte de cendre et de copeaux. Quelques souches d’arbres, un panneau vitré. Angelina est en scène, le murmure de ses pensées sonne en écho. C’est l’infirmière qui a recueilli Elikia et Joseph, après leur longue fuite à travers la forêt. L’obscurité tombe. Une musique stridente retentit, une lampe torche tourne menaçante jusqu’au-dessus des spectateurs. Les effets visuels et sonores, à la fois subtils et agressifs, ne cesseront plus. Apparaissent les deux enfants et toute la violence de leur vie. Les mots sont parfois insoutenables de cruauté, d’atrocité. Elikia, fusil en main, est dure comme l’acier. Ses cauchemars sont peuplés de bébés qui naissent avec des armes à la place des bras. Dans ce rôle, Lisa Hours dévore l’espace par l’intensité de sa présence.

Le bruit des os qui craquent a été joué le 4 décembre au Théâtre Durance à ChâteauArnoux/Saint-Auban


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Le Merlan en boîte ! Entre les attentats et le premier tour des élections, le Merlan a offert trois soirées de partage sensible et divers, musical, chorégraphique et dramatique. De quoi mettre du baume aux cœurs écorchés...

U

n concert en deux parties a réuni un public nombreux et peu inhabituel dans cette salle. Qui avait envie de danser et s’est levé, sur les mélodies subtiles mais néanmoins rythmées d’Alsarah, chanteuse soudanaise accompagnée des Nubatones. Sa musique s’enracine dans une tradition africaine large qu’elle revisite allègrement aux couleurs de la pop nubienne, passant de la ballade sentimentale au groove jazzy, arabe, orientale. À deux voix, pulsée, visiblement engagée même si on passe hélas à côté des paroles (quand donc les musiques actuelles se décideront elles à surtitrer les chansons ?), sa musique émeut et met en mouvement les corps... qui resteront debout pour la deuxième partie, plus enflammée encore. Car Bachar Mar Khalifé a offert un concert rare. Au piano et synthé, le musicien est impressionnant, introduisant sa performance par une improvisation mêlant modes orientaux et développements debussystes, adressant une prière à un dieu interconfessionnel, invoqué quelques jours après les attentats sanglants. Là aussi le chant est beau, toujours juste et puissant, le rythme donné par un percussionniste fabuleux, un bassiste qui nourrit de ses graves. Tout cela met la salle debout, et frémissante...

Event © Agnès Mellon

Une toute autre ambiance au Gymnase avec Cunningham restauré par Robert Swinston, qui fut son assistant pendant 30 ans et dirige aujourd’hui le Centre Chorégraphique d’Angers. Avec ce programme d’Event, regroupant des extraits de pièces du maître américain, le CDNC angevin a triomphé à New York, et l’on comprend pourquoi. Bien mieux qu’une restitution, il s’agit d’une réappropriation, très lyrique, de l’abstraction et l’aléatoire de la danse de Cunningham. Marquée par son temps, par des élans somme toute romantiques, le

plaisir du mouvement et de la vitesse, du placement exact même s’il est oblique, des bras tournoyants. Sans narration ni même thématique, mais habité de chair... et parfois, sous les banderoles multicolores du décor, d’un esprit pop art insoupçonné ! De théâtre enfin, avec une des artistes associée au Merlan : Pauline Bureau aborde avec Sirènes un

Après le froid L’

Agence de Voyages Imaginaires a repris son Conte d’hiver, une des plus jolies pièces de Shakespeare, qui reste par sa simplicité d’une actuelle fraîcheur 400 ans après la mort du dramaturge. Il s’agit d’y épingler la folie des pères, d’y célébrer la force de l’amour, et la vitalité des jeunes gens qui transgressent les règles et s’aiment au-delà des barrières de classe. Le Conte, illuminé par des souvenirs de figures mythiques, Oedipe et Perséphone, Pygmalion et Galatée commence comme une tragédie, un roi devenu fou de jalousie qui tue son épouse aimante et gaie... Mais cela s’achemine vers une fin heureuse, quand des années plus tard le monarque revenu à la raison protège à son tour les amoureux de la folie d’un

autre roi, autrefois raisonnable. Le Conte d’Hiver fait donc l’apologie du changement, croit à la perfectibilité des hommes, à la patience amoureuse, à l’amitié féminine, et aux vertus du temps qui apaise les transports de l’âme... Philippe Car met en scène cette comédie baroque avec l’art du décalage grotesque qu’on lui connait, et son amour des mélanges. Cela fourmille de trouvailles scénographiques, de musiques entraînantes, de couleurs, de costumes inventifs regorgeant de poches, de plis et de surprises... L’action est resserrée, les dialogues simplifiés, et les caractères dessinés à gros traits : la jalousie est féroce, la simplicité naïve, l’effroi tremblant, et tout cela dégage un sentiment d’enfance diablement

© Elian Bachini

agréable. Le jeu des comédiens manque un peu de nuances, de technique parfois dans la commedia,

mais l’allant est tel qu’on n’y prend garde, parce que le trône a des bras maternels qui consolent le roi, parce


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Sur les chemins… thème bien peu présent sur les scènes, celui de la relation mère-fille et de la transmission des névroses féminines. Le dispositif est simple : trois générations, trois temporalités des années soixante à nos jours, et l’histoire d’une douleur innomée et d’une voix qui se perd quand le secret est trop lourd. Les époques alternent en de courtes saynètes qui se répondent, disant le départ du père, la stupeur de la mère et de l’enfant délaissée, le non-dit transmis à la génération suivante, la difficulté d’aimer, de parler, l’envie de mourir, et l’appétit de vivre. Mais la banalité des situations, malgré une scénographie soignée et inventive, aboutit à quelques clichés, de jeu, de langue, de référence (on n’échappe pas à Disney), de situation. En particulier avec un personnage de trader vissé à son écran et à son téléphone, et qui se tape des putes. N’importe : le spectacle, sensible, limpide dans son propos, affirme la spécificité d’un continent inexploré, celui de l’inconscient familial féminin... AGNÈS FRESCHEL

Le concert a eu le 20 novembre, Event le 1er décembre au Gymnase, Sirènes les 4 et 5 décembre, et sera donné le 14 janvier au Théâtre de Cavaillon

que le rythme est juste, musical, parce que la fable est belle, et que l’amour du théâtre se transmet comme une bouffée finalement printanière... AGNÈS FRESCHEL

Le Conte d’hiver a été joué au Jeu de Paume, Aix, du 17 au 21 novembre et au Sémaphore, Port-de-Bouc, le 27 novembre

À venir le 23 février Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

81 avenue Victor Hugo © Charlotte Corman

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es parcours singuliers, rudes, des hommes qui (re)viennent de loin et (se) racontent : trois formes dissemblables, plus ou moins abouties, plus ou moins convaincantes mais qui ont le courage en commun et que les 10e Rencontres à l’échelle ont accompagnées sur la scène. Le 81 avenue Victor Hugo à Aubervilliers n’a pas la cote au Monopoly mais ses habitants valent de l’or parce qu’ils sont vivants ; immigrés, sans-papiers ils ont réquisitionné ce Pôle emploi désaffecté depuis presque deux ans ; ils sont huit sur le plateau -désormais régularisésdans un décor sobre et réaliste à se constituer en personnages grâce au travail entre autres d’Olivier Coulon-Jablonka ; Adama, Ibrahim ou Meité venus d’Abidjan ou de Dakkha font récit de leurs parcours périlleux mais c’est leur quotidien au présent qui est finalement au cœur de l’épopée ; leurs mots (le texte est écrit à partir d’entretiens) sont mêlés à ceux des autres pour dire… ce que l’on sait bien sûr déjà ou du moins ce que n’ignorent pas les spectateurs présents, attentifs, respectueux. Debout, dialoguant en un discours frontal ils deviennent des acteurs bien dirigés (20 jours de répétition selon le cahier des charges de la commande de Marie José Malis pour le théâtre de la Commune avant le festival d’Avignon) qui maîtrisent parfaitement leur rôle et c’est peut-être là l’aspect le plus intéressant de cette «pièce d’actualité» : donner un corps et une présence à ces voix d’exilés qui deviennent alors sujets incontestables ; on peut regretter pourtant que ce théâtre documentaire, qui évacue un peu trop les problématiques de la représentation, ne permette pas d’aller plus loin dans l’émotion ni même la réflexion. Tout fou, tout feu, brouillon, bavard et sympathique David Geselson (épaulé par l’excellent Elios Noël) raconte les tribulations de son grand-père Yehouda parti de Lituanie en 1934 pour s’installer en Palestine ; matériaux hétérogènes ou décalés, vieilles photos, fragments de légende familiale et fourre-tout autobiographique… tout est bon pour avancer lentement et en zig-zag vers le cœur du sujet : dans un dialogue émouvant

avec son grand-père mort (un cauchemar : pas de kaddish à son enterrement), le fougueux et faussement naïf narrateur pose les questions liées au territoire de l’état d’Israël ; la faillite des idéaux d’une génération traitée au milieu des chagrins d’amour d’un jeune homme… pourquoi pas ? Autre voyage, au long cours, en trois actes et un repas à travers la mémoire et la voix de Gurshad Shaheman, comédien d’origine iranienne qui met le spectateur au centre de son dispositif intime en l’invitant à écouter, regarder, toucher, boire, manger… le père, la guerre avec l’Irak, la mère, la découverte de la sexualité, la France, les passes et les clients… douceur(s) et crudité(s) délivrées par des mots choisis comme en hommage à la langue française, des «paroles» comme dans une chanson-fleuve de 4h30 (connaissez-vous Googoosh, idole des années 70 dont Pourama Pourama est irrigué ?) d’où sautent des détails qui ouvrent des mondes : une puce dans la barbe de l’imam, un sexe massacré par une circoncision ratée, la consolation trouvée dans les plis du tchador. On le suit littéralement et intensément, on ne le quitte pas ni des yeux ni du cœur malgré les quelques maladresses de la 3e partie encore un peu «fraîche» car c’est d’amour dont il nous parle ici avec la distance d’une véritable maîtrise d’acteur. MARIE JO DHO

Les Rencontres à l’échelle se tiennent dans divers lieux à Marseille depuis le 4 novembre

À venir Antigone of Shatila les 29 et 30 janv Génération Tahrir à partir du 29 janv Bab-El, photographies de Valentine Vermeil exposition du 9 janv au 28 fév La Friche, Marseille 04 91 64 60 00 www.lesrencontresalechelle.com


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Le corps, à la lettre… ansem, c’est d’abord six types en mouvement que le graphiste Olivier Bersin, avant de s’effacer définitivement cet été, a imposés comme une identité visuelle (im)pertinente pour un festival qui ne l’est pas moins : chaque signe venu d’un horizon différent joue sa partition en toute liberté et œuvre pourtant pour la communauté sur la même ligne... La danse, en Méditerranée, c’est donc encore possible nous confirme cette 18e édition ! Des corps bien vivants sur des plateaux nus et des expériences à partager, un regard à affûter, tout à gagner mais rien d’avance avec des artistes parfois neufs ou d’autres mettant en perspective leur pratique ; le Sarde Maurizio Saïu appartient à cette catégorie-là, revisitant sur la scène 20 ans plus tard son Arab death (solo en hommage à une actrice du cinéma muet) en explorateur naïf de son propre travail : références aux codes figés de l’expressionnisme, aux mises en scènes de la mort, aux artifices de l’opéra ; on passe d’une image à l’autre avec des variations d’intensité parfois gênantes, de la platitude d’une dérision convenue au solo lumineux de son interprète actuelle Elisabetta Terlizzi. Plus jeune mais tout autant traversée de figures inquiétantes Meryem Jazouli, venue de Casablanca, propose dans son Contessa une traversée des métamorphoses du corps féminin (lieu commun des questionnements identitaires et culturels). D’un b(r)ouillon émergent un œil qui scrute et éblouit, de fantastiques chaussures à plate-forme comme des sabots d’animal préhistorique, appendices d’un fœtus monstrueux ; trop de contorsions pour une mue encore à venir mais tentative intéressante de sortie du territoire. C’est dans

le territoire, occupé, que plonge Arkadi Zaides. Les Palestiniens y filment les Israéliens qui les colonisent, et leurs comportements, l’ambigüité d’une armée qui réprime mollement les agresseurs Israéliens, la violence d’enfants fanatisés, le feu mis aux récoltes, les moutons chassés des pâturages. Les corps, les mots, sont projetés, répétés, et le chorégraphe reprend les poses et les mouvements, devant l’écran dramatisé et actualisé par sa présence. Oui les corps sont vivants, mais vers où vont-ils, et savent ils ce qu’ils font ? En choisissant l’exploration systématique, les chorégraphes Youness Khoukhou et Radouan Mriziga (Maroc/Bruxelles) atteignent le cœur d’une réflexion sur la construction d’un espace commun ; dans Becoming, trois danseurs marchent, se croisent, s’ignorent, s’accrochent, se bousculent, passent du regard haineux au sourire, de la trajectoire impeccable à l’enchevêtrement puis se reprennent pour s’établir en sujets dansants ; simple et rassurant ! C’est un peu au même exercice d’une quête de plénitude du regard

Arab death, Maurizio Saiu © Franco Casu

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Le corps des Anges Au Klap, durant FestivAnges, la parole est aux chorégraphes. Qui la prennent aussi avec des mots, ou pas...

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ommencé avec La Barbe bleue de Michel Kelemenis au Grand Théâtre de Provence, la 2e édition de FestivAnges se poursuit à Klap Maison pour la danse, jusqu’au bal final le 18 décembre. Un temps d’échanges intenses qui dénote une attention particulière aux compagnies de la région, et où chaque chorégraphe invité a pu montrer son travail, qu’il s’agisse d’étapes, d’avant-premières ou de création abouties... Le 2 décembre Yendi Nammour a présenté non une étape de travail mais le fruit de sa réflexion, dansée,

Scarlett © Agnès Mellon

sur ce qu’elle est, chorégraphe, danseuse, «hypermoderne», c’està-dire plongée dans une société où le corps est comme flou, et la conscience hurlante. Des mots

s’étalent sur les murs, elle dit un poème révolté, puis danse : le poids, l’absence à soi-même, la disparition, la perte dans les ondes et le virtuel. Le voyage dans les mots affichés

(aussi simples parfois que Temps, Corps et Mouvement) donne un peu l’impression que sa recherche personnelle la renvoie vers des pistes surexplorées, mais les bribes de danse qu’elle offre vont ailleurs.... À suivre !! Arthur Perole, chorégraphe Haut Alpin actuellement associé au Merlan, proposait quant à lui un spectacle, Scarlett, aux images particulièrement soignées, et laissant libre cours à notre imaginaire. Un guitariste placé à l’avant scène, de dos, semblait donner vie à quatre corps bougeant lentement dans une pénombre subtile, traversée de jets de lumière, dans lesquels des bribes de membres s’éclairaient soudainement, reflétées dans neuf miroirs troubles où le son aussi, les basses, faisaient vibrer. L’image première, d’une sidérante beauté,


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Énergie vitale

qu’invite Distant, la création en cours de Marc Vincent, par la clarté des lignes et la froide élégance des phrases répétitives ; les trois danseuses dessinent un espace autonome, occupent le plateau comme un ciel parcouru et construisent une sérénité commune. Avec les italiens frappeurs et délicieusement frappés qui accompagnent Alessandro Sciarroni (chapeau à plume et culotte de peau Folk-S oblige), la règle du jeu change sensiblement : à la 92e minute Marco, dernier en piste, a fini de lever la jambe, de claquer ses cuisses et de marteler le plateau : l’expérience est franchement jubilatoire ; la danse tyrolienne, à l’unisson et jusqu’à épuisement, sortie de son contexte comme un objet trouvé rythmique, traversant toutes les nappes sonores aléatoires, peut fédérer dans la joie et la liberté ! MARIE JO DHO et AGNÈS FRESCHEL

Dansem a eu lieu du 20 novembre au 16 décembre à Marseille, Aix, Arles

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uillaume Perret est un globe-trotter qui s’est aventuré en parfait inconnu sur les scènes New-Yorkaises en 2001 à l’âge de 21 ans, a fait le tour du monde en multipliant les concerts avec des musiciens suisses pour arriver à Paris en 2006 où il enchaîne les jam sessions. Formant le groupe Guillaume Perret & The Electric Epic, il est rapidement signé sous le label Tzadik de John Zorn dès 2012. Puis, il décide d’autoproduire son album Open Me sous son propre label Kaloum Records en 2014. Consécration. Des plages de soli saxophone de Guillaume Perret délivrent des mélopées aériennes, des sonorités oniriques et voyageuses, notamment inspirées du Moyen-Orient. On est alors plongé dans une douce rêverie qui déploie un riche imaginaire. Ces solis ponctuent et rythment les envolées où s’allient au souffle puissant du saxophone le rythme effréné de la batterie de Vincent Tortiller, l’explosive guitare électrique de Nenad Gajin soutenus de main de maître par la guitare basse électrique de Laurent David. Des solis comme des moments de répit, ou plutôt de quête intérieure et de sédimentation, pendant lesquels semblent se préparer, se fomenter à la source d’improvisations, les furieuses embardées du groupe tout entier. L’éclairage rougeoyant du pavillon du saxophone semble comme de la braise d’où jaillit le feu. N’oublions pas le «cinquième musicien», alter ego de notre saxophoniste, qui prend la forme d’un dispositif de pédalier fixé au sol et fonctionnant notamment comme un sampler. Durant tout le concert Guillaume Perret interagit avec celui-ci,

Guillaume Perret © Emile Holba

proposant une démultiplication des sons nourrissant une inventivité toujours bienvenue. Se revendiquant volontiers du rock progressif des années 70, flirtant avec le métal ou nous offrant des plages de groove funky, ce groupe de jazz fusion contemporain réussit avec un rare bonheur à conjuguer ces influences pour offrir une proposition musicale diablement cohérente. À l’issue du concert, on se sent gonflé par l’énergie positive et le souffle vital, pour le moins communicatifs, insufflés par cette musique. Guillaume Perret & The Electric Epic tombent à point nommé dans des moments où l’on se sent tenté de vivre en apnée. FRANCK MARTEYN

Guillaume Perret & The Electric Epic se sont produits le 21 novembre au Gymnase, à Marseille, et seront sur la scène des Salins, à Martigues, le 20 mai

Vent de l’Aurès sur l’Eolienne

AGNÈS FRESCHEL

La 2e édition de FestiAnges se poursuit jusqu’au 18 décembre à Klap Maison pour la danse, Marseille

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près un spectacle et un disque consacrés aux grandes interprètes féminines de son pays, Houria Aïchi revient au fil rouge de sa carrière. Celle d’une grande chanteuse algérienne qui fait vivre la tradition musicale chaouïa de l’Aurès. Et c’est dans la plus simple des formules, accompagnée par le flûtiste Saïd Nissia, qu’elle l’a confirmé, sous les voûtes intimistes de l’Eolienne. Parfois le bendir vient appuyer les flûtes gasba, jawaq et nay de son vieux complice, à l’origine berger kabyle, qui fabrique lui-même ses instruments. Une légèreté qui devient pourtant grave par la voix pure et habitée de Houria. Qu’elle s’exprime en arabe ou en berbère, ses chants d’amours populaires, ses poésies d’inspiration religieuse, ses histoires de valeureux cavaliers ou de femmes insoumises bouleversent. Il s’en dégage un sentiment de liberté, dans une vibrante invitation au plaisir, parfois à la danse. On dit que c’est dans la cour de sa maison natale que cette enfant de Batna, dans les montagnes

de l’Est algérien, aux portes du Sahara, est née au chant. On l’imagine alors très bien, aussi émue que chaleureuse que ce soir-là à l’Eolienne. L’impatience de ce rendez-vous, et le soulagement qu’il a procuré, étaient palpables dans le public, deux semaines après les tueries de Paris et Saint-Denis. Avant le récital, Bruno Allary, fondateur du lieu et de la compagnie Rassegna, trouva les mots justes pour affirmer que le monde avait besoin de mélanges, de fraternité, et que la musique était là pour l’en nourrir. Rien de surprenant donc lorsque, quelques jours avant le second tour des élections régionales, le 13 décembre, la même structure publiera un communiqué courageux affirmant son incompatibilité définitive avec la vision du Front national (à lire ici : https://www.facebook. com/mceproductions/). THOMAS DALICANTE Houria Aïchi © X-D.R.

se prolongeait longtemps, et les corps comme un magma s’agitaient doucement... Puis cela évoluait vers d’autres tableaux, moins sombres, toujours mystérieux, faits de regards et de poses à l’avant-scène. Une deuxième partie moins fascinante, mais qui gardait une part de mystère, même si la musique trop peu construite finissait par lasser et affaiblir le propos, comme si le musicien démiurge n’avait plus rien à proposer quand les corps étaient sortis de la tourbe...

Le concert d’Houria Aïchi avec Saïd Nissia a eu lieu le 27 novembre à l’Eolienne, à Marseille


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Nous sommes tous Temenik ctuelle. L’adjectif est des plus justes pour définir la musique de Temenik Electric. Actuelle parce qu’elle fait résonner la complexité passionnante du monde dans lequel nous vivons. Ou plutôt aimerions vivre. Un monde dans lequel du bon vieux rock peut s’enrichir de musiques populaires du Maghreb, de rythmes pop ou de sonorités électro. Un monde et donc une musique sans hiérarchie de genres, de cultures, de langues et encore moins d’identités. Rachid Taha n’a-t-il pas su imposer l’idée que le rock dit oriental n’avait besoin d’aucun qualificatif ? Il faudra compter désormais avec Temenik Electric qui, en constante évolution, a franchi un palier qualitatif grâce à une production inspirée, un son plus dense. L’esprit des studios londoniens de Real World et la touche de Justin Adams et Tim Oliver ne passent évidemment pas inaperçus. Pour présenter Inch’Allah Baby, son deuxième album, déjà disponible (Nomad Café production), au public marseillais auquel se sont joints beaucoup de proches, le groupe mené par Mehdi Haddjeri a choisi le Dock des Suds. Un lieu qui sied si bien au projet de vivre ensemble des musiciens. «On se réunit, on se rassemble et on résiste !» Tel un leitmotiv, cette phrase répétée en boucle faisait écho aux attentats de la semaine précédente. Un appel à la résistance qui passe inévitablement par la fête et la danse, sur une musique globale

Temenik Electric © Jean de Peña

A

dans laquelle chacun se reconnaît, des rives de la Méditerranée au Sahara, en passant par Détroit ou Berlin. Globale et universelle comme le monde de Temenik. (voir aussi p.12). THOMAS DALICANTE

Temenik Electric s’est produit le 20 novembre au Dock des Suds, à Marseille. Le groupe se produira aussi le 23 janvier au Cargo de nuit, à Arles

Voyage en première ! immobile voyage affiché à la Cité de la Musique de Marseille le 4 décembre est d’une «immobilité apparente» comme le précise en début de concert la flûtiste Isabelle Courroy à la tête de son trio de «musique du monde». De fait, la grammaire des musiques dites «orientales» est connue, commune au Moyen-Orient, à l’Anatolie... Elle agence des préludes non pulsés, libres, des thèmes courts, dansant de façon régulière ou asymétrique, des improvisations sur des modes singuliers où la seconde augmentée, les quarts de ton instillent aux pièces traditionnelles une couleur sonore qui transporte immédiatement l’auditeur occidental vers un «ailleurs» certes un peu stéréotypé, mais envoûtant. D’où peut-être l’impression «d’immobilité» que peut produire l’enchaînement des pièces d’un concert de cet ordre ! Cependant, dans le détail, on y trouve de

Trio Immobile voyage © Muriel Despiau

L’

telles subtilités rythmiques, mélodiques, modales, différant de régions en traditions autour de la Méditerranée, que le «voyage» se déniche au détour d’une écoute attentive. Le trio d’Isabelle Courroy, nous invite donc à un périple sonore qui nous

conduit de l’Iran à la Macédoine, en Thrace ou au Kurdistan... Aux flûtes, l’artiste installe ses graves dans un souffle continu, granuleux et feutré, avant de s’envoler en arabesques funambules et ornées. C’est le désert qui s’ouvre à nous,

les montagnes à l’infini… Shadi Fathi (luths, tar, sétar), oudiste au visage de madone, effleure du bout des ongles ses frettes et cordes en trémolos, distille des ostinatos hypnotiques, des phrases mélodiques ciselées au millimètre. À cet équilibre s’agrège un percussionniste à la force tranquille jonglant de paumes à peaux : Wassim Halal donne de la chair à l’ensemble… et le public, venu en nombre, visiblement, aime divaguer en leur chaleureuse compagnie ! JACQUES FRESCHEL

Le concert a été donné le 4 décembre à la Cité de la Musique, à Marseille


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Mendelssohn en Trios ! ne fois n’est pas coutume, au Pôle Instrumental Contemporain situé à l’Estaque, lieu habituel de travail de l’ensemble Télémaque, de son chef et compositeur Raoul Lay, salle d’ordinaire consacrée à la diffusion de la musique contemporaine, on attendait, à l’heure du brunch, un programme… classique ! Les deux Trios avec piano de Mendelssohn devaient être interprétés par un ensemble (qui se produit «à géométrie variabl ») bien connu des marseillais, œuvrant dans la région depuis une douzaine d’années : l’Ensemble Pythéas. Pour une première à l’Estaque ce fut un succès ! Car le public, tous âges confondus, a suivi en nombre l’expérience conviviale de partager, d’abord un beau concert à 11h, ensuite un buffet en compagnie des artistes et spectateurs, permettant à

Ensemble Pythéas © X-D.R.

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chacun d’échanger les impressions laissées par le concert. Car, aussi, le travail des trois musiciens (coutumiers de l’ensemble Télémaque) fut remarquable ! Dans les Trios opus 49 et 66, respectivement en ré et do mineur,

c’est le cœur du romantisme allemand qui s’expose, avec une clarté d’écriture unique : l’art même de Mendelssohn, immanquable maillon entre Beethoven et Brahms. Yann Le Roux-Sèdes au violon, tout en retenue, a longtemps semblé s’effacer

derrière la partition, n’abusant pas du vibrato, sans doute pour davantage, au moment opportun, laisser éclater l’inévitable fougue romantique ! Et... dans le sillage de son archet, ses partenaires se sont mis au diapason, au service du texte, de son auteur. Guillaume Rabier, lui a donné une belle réplique au violoncelle, installant de graves fondations pour mieux s’y appuyer, et laisser s’élever, en contrepoint, un chant souverain. Au piano, Nicolas Mazmanian a, de son coté, égrainé des ribambelles de notes lyriques et virtuoses, enrobant les opus, tantôt brillants ou plus dramatiques, d’un sourire au souffle radieux. Bravo ! JACQUES FRESCHEL

L’Ensemble Pythéas s’est produit le 29 novembre au PIC, Marseille

Un intrigant polar chanté a création d’un opéra contemporain est toujours un moment fort, pour les artistes, pour le public. «Y aura-t-il du monde ? Comment l’œuvre sera-t-elle être appréciée ?» se demande-t-on. Pour la première représentation de La Digitale, proposée par les musiciens et chanteurs de Musicatreize, (dir. Roland Hayrabedian), non seulement la grande salle de la Criée était bien remplie, mais elle a manifesté une sincère adhésion à l’opus. Pourtant, dès le prélude instrumental, un magma sonore se dévoile, volcanique matière musicale de Juan Pablo Carreño propice à dérouter un public non averti. L’instrumentarium, original (guitare électrique, orgue Hammond, accordéon en quarts de tons, cordes et bois), distille des sons inouïs, caractérisant de façon singulière chaque personnage de l’histoire. Mais grâce à une habile mise en scène (Sybille Wilson) aménageant des espaces cloisonnés et mouvants, aux éclairages subtils, figurant un commissariat, une salle d’autopsie, une cellule, une morgue… grâce à des images très parlantes, vidéos projetées sur les parois ou en transparences, on embarque facilement dans la narration. Flore (belle présence vocale et physique de Sevan Manoukian), issue d’une lignée de femme empoisonneuses, est accusée du meurtre de Karl, acteur vedette de séries tv. Elle est interrogée par deux flics (Patrice Balter et Jean-Manuel Candenot), assistée d’une avocate (Emilie Nicot) qui tente tant bien que mal d’éviter les pires ennuis à sa cliente, mise à mal par un médecin légiste à la voix multiple et schizo (Cécil

© François Moura

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Gallois), confondue (ou pas?) par des témoins éméchés au sortir d’une fête people (Céline Boucard et Sarah Breton), dont l’un d’entre eux, Martin, s’avère plus qu’impliqué dans l’affaire (un manipulateur incarné avec force par Xavier de Lignerolles). La déclamation est syllabique, c’est un récitatif moderne tirant sur tous les registres de la voix, et l’on comprend parfaitement l’intrigue, ses rebondissements, malgré ses mystères qui demeurent. Ce qui est plutôt bien : on attend la suite avec impatience, puisque le livret de Sylvain Coher (Trois Cantates Policières, Actes

Sud) comprend trois volets portant des noms de plantes mortelles : après La Digitale on goûtera donc (au figuré !) à La douce amère et La dame-d’onze-heures ! JACQUES FRESCHEL

La Digitale a été représenté à la Criée, Marseille, du 11 au 13 décembre


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Opéra de Marseille Il n’avait pas été joué à Marseille depuis 1989 : La vie parisienne, l’opéra-bouffe d’Offenbach, sur un livret de Meilhac et Halévy, revient enfin à l’opéra, conjuguant sa légèreté et son esprit aux festivités de fin et de début d’année. Gantières et barons, vrais ou faux, triangles amoureux, rendez-vous… et tout finit dans des bulles de champagne sous la direction musicale Dominique Trottein et la mise en scène de Nadine Duffaut, avec l’Orchestre et le Chœur de l’opéra de Marseille et la Cie Julien Lestel pour entraîner tout ce monde frivole dans la danse (du 29 déc au 7 janv). L’Orchestre Philharmonique de Marseille célèbre l’année 2016 avec l’incontournable Concert du nouvel an avec un programme Rossini, Bottesini, Joseph et Johann Strauss. Lawrence Foster dirigera l’ensemble avec le violon virtuose de Da-Min Kim et la contrebasse de Jean-René Da Conceição (le 10 janv). Les bonheurs musicaux ne s’arrêtent pas là, les Lauréats du CNR Pierre Barbizet partagent la scène avec le pianiste international Jacques Rouvier pour une soirée de gala où piano, basson, alto, violon, accordéon, tuba et guitares séduiront de leur grâce virtuose (le 16 janv).

La Vie parisienne © ACM Studio - Cedric Delestrade

Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr

Cité de la musique

Fondée en 2008 au festival d’Aix-enProvence, et dirigée par Moneim Adwan, compositeur, ûdiste et chanteur palestinien, la chorale Ibn Zaydoun (du nom d’un grand poète de Cordoue du XIe siècle) s’attache à interpréter et à faire connaitre un riche répertoire constitué de chants traditionnels méditerranéens et de compositions de son chef de chœur. Lors du concert à l’auditorium, différents folklores arabes seront abordés, venus du Maroc, d’Algérie, de Syrie, du Yémen, d’Irak, de Tunisie (le 16 déc)…Changeant de continent, on partira le 22 janv sur les traces de l’art ancestral du Kathak avec Pandit Ashimbandhu Bhattacharya. Palais moghols, poètes soufis et monde contemporain ; puis le Gange et le Danube confluent à Marseille, entre la parole du Kaval (q-w-l en arabe)

Ensemble Pythéas

Pour le dernier concert-brunch* de la saison, l’Ensemble Pythéas offre un délicieux duo composé de Nicolas Mazmanian et Yann Le Roux-Sédès pour des œuvres de Schubert, Schumann, Franck et Bloch. Histoire de recommencer l’année en douceur. *Concert-brunch : formule conviviale du dimanche matin qui unit les plaisirs de

Du dessin aux notes

Moneim Adwan avec le Choeur Ibn Zaydoun © Vincent Beaume

et l’histoire portée par le Kathak (katha en sanscrit), les danseuses tissent des liens où de nouvelles mythologies se fondent. Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 22 www.citemusique-marseille.com

La Galerie La Grange à Gap accueille Six mois de rêveries et de dessins, 100 œuvres sur papier de Pascal Colrat, exposition programmée conjointement par l’Espace Culture de Chaillol et la ville de Gap. Univers délicat où tout prend sens dans un graphisme sobre et inventif ; poésie subtile de l’homme qui «déclarait son amour au vent»… «Fatigué de l’image politique, explique-t-il, avec une politique qui manque de réelle vision des choses, je me suis rendu compte que, peut-être, le poétique était plus politique que le politique». D’où, des images «plus introspectives», comme celles d’un «journal intime». Plume, crayon, encre, mine de plomb se conjuguent ici pour des esquisses vibrantes de poésie. Exposition Six mois de rêveries et de dessins du 12 au 31 déc Galerie La Grange, Gap www.festivaldechaillol.com

la convivialité des mots et des saveurs gustatives à ceux de la musique. le 10 janv Le Pic, Marseille 06 12 03 91 03 www.ensemble-pytheas.com/ infos-concerts-pic.html L'homme qui déclarait son amour au vent de Pascal Colrat


Au GTP

Chants de Noël, mais d’une baroque virtuosité que les Cantates de l’avent du Cantor de Leipzig, Johann Sébastian Bach. Chacune est un véritable petit «opéra sacré», composé de cinq à huit mouvements. L’exceptionnel contre-ténor Andreas Scholl en interprètera quatre, aux côtés du Kammerorchester Basel qu’il dirige aussi (le 17 déc). Le GTP accueille aussi, le 16 janvier, l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix, pour un concert exceptionnel au cours de sa tournée hivernale. Du 8 au 31 janvier les villes de Saint-Cannat, Fuveau, Le Puy Sainte-Réparade, Peynier, Pertuis, Rousset, Jouques, SimianeCollongues, Les Pennes Mirabeau auront aussi le plaisir de retrouver la belle formation dirigée avec enthousiasme par Jacques Chalmeau et qui nous réserve cette année un programme slave de haute volée, avec le Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovski, interprété par le jeune prodige du piano David Kadouch. L’orchestre accordera son brio à la Symphonie n° 5 du même auteur qui, avec son thème cyclique symbolisant la Providence, évoque l’homme qui tente de définir son destin. GTP, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Orchestre Philharmonique du Pays d'Aix © Agnès Mellon

Andalousie

L’opérette en deux actes de Francis Lopez nous emporte dans une Espagne fantasmée des années 1860 et une escapade au Venezuela, rêves d’amour, de gloire, de richesse… Tauromachie, paillettes de toréador et jalousies… Un chassé-croisé coloré entre quatre personnages, dans une mise en scène de Jack Gervais sous la direction musicale d’un habitué de l’œuvre, Bruno Conti. Luis Mariano connut l’un de ses nombreux triomphes dans cette «Andalousia mia, pays d’amour» dont le «parfum léger de ses doux orangers» vous ravira. les 16 et 17 janv L’Odéon, Marseille 04 96 11 04 61 www.culture.marseille.fr


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Les Mousquetaires…

El Niño Lorca

À l’encontre de la Romance à la Lune, où l’astre de la nuit vient chercher l’enfant pour l’emporter dans la mort, le spectacle musical de Christina Rosmini suscite une Lunemère qui vient recueillir le poète assassiné de Grenade pour le faire revivre le temps de la représentation au gré de ses textes, des compositions de Christina Rosmini et de coplas flamencas harmonisées par Lorca lui-même. Le tout dans une mise en scène de Christophe Luthringer. Une bulle poétique bouleversante.

Bien peu héroïques ces chevaliers de l’opérabouffe de Louis-Auguste Florimon dit Hervé. La couardise et le ridicule sont portés avec une réjouissante inventivité aux sommets de la parodie. La troupe de Pierre-André Weitz, Les Brigands, s’empare de cette surenchère comique sous la houlette de Christophe Grapperon. Jubilatoire ! Les Chevaliers de la Table Ronde les 17 et 18 déc Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Quintette à vent de la Philharmonie de Berlin © Peter Adamik

Quintette à vent

Le 12 janv Conservatoire Darius Milhaud, Aix www.ifiv-marseille.com

Délicieuse opérette en trois actes de Louis Varney, basée sur un vaudeville d’Amable de Saint-Hilaire et Duport (1835), L’habit ne fait pas le moine, Les Mousquetaires au couvent mènent deux mousquetaires déguisés en religieux dans un couvent pour enlever leur belle. Ce qui donne lieu à maintes joyeuses confusions, sur une partition alerte et exigeante dans une mise en scène de Jérôme Deschamps.

© Guillaume Bonnaud

du 12 au 16 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.fr

En clôture de la 11e Biennale internationale de quintette à vent, un concert d’exception sera donné au Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence, par le prestigieux Quintette à vent de la Philharmonie de Berlin qui la veille (11/1) aura offert aux élèves du Conservatoire des classes de maîtres (flûte, hautbois, clarinette, cor, basson). Un programme éclectique qui passera de Mozart à Kalevi Aho, Paul Taffanel et Henri Tomasi.

© Pierre Grosbois

Christina Rosmini © Paul Evrard

Les Chevaliers…

Voluptas

Le jeune compositeur argentin Tomas Bardalejo, sur une proposition des Voix animées, s’est emparé du poème du roi Salomon, Le cantique des cantiques, pour composer une œuvre pour voix a capella, clôturant ainsi avec brio la collaboration initiés lors du cycle Entre pierres et mer #4. le 7 janv Hôtel des Arts, Toulon 04 83 95 18 40 www.lesvoixanimees.com

Les Mousquetaires au couvent du 27 au 31 déc Opéra de Toulon 04 94 93 03 76 www.operadetoulon.fr

Noël Provençal

Le Festival Durance Luberon invite en l’église de la Tour d’Aigues l’Ensemble CorDlus. Cinq voix d’hommes a cappella revisiteront les classiques provençaux dans un voyage musical où magie de noël et convivialité se conjuguent avec talent. Rire, nostalgie, surprises sont au rendez-vous ! le 20 déc Église de la Tour d’Aigues (84) 06 42 46 02 50 www.festival-durance-luberon.com/


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Polissonneries et Hulul

Yves Jamait

Après avoir chanté de la philosophie accessible à tous, l’auteur-interprète Yves Jamait sort un sixième opus, Je me souviens, aux textes toujours aussi engagés. Une nouvelle occasion de découvrir en tournée l’un des personnages les plus attachants, charismatiques et talentueux de la chanson française, entouré par une formation légère de trois musiciens, pour un voyage mélancolique et ironique entre swing, jazz et musette.

Le batteur et percussionniste de jazz aixois Xavier Desandre Navarre présente son premier album, In Pulse, accompagné sur scène de son quartet. Surnommé le Sorcier, ce rythmicien charismatique, qui a côtoyé les plus grands jazzmen mais aussi rapporté des quatre continents de multiples influences musicales, croise à ses compositions généreuses et envoûtantes une étonnante écriture cinématographique. Un véritable voyage en pulsations…

Polissonneries © X-D.R.

Yves Jamait © Stéphane Kerrad

In Pulse quartet

La compagnie Inouïe-Thierry Balasse pose ses instruments et ses expérimentations sonores pour deux jours à Martigues. La première proposition, réservée aux plus de 18 ans, est un concert-lecture de textes érotiques, Polissonneries (les 8 et 9 janv), dans lequel le trio Inouïe propose un concert sous casque, subtile et coquin, où récits et poèmes seront murmurés à l’oreille. Puis, avec Hulul (le 9 janv à 15h), le public dès 7 ans sera également invité à faire un voyage à l’intérieur de lui-même, sous casque et entouré par un conteur et des musiciens, autour de l’histoire d’un hibou solitaire… Polissonneries sera également joué au Théâtre Durance (le 15 janv) avec, en plus du régal des mots et des sons, une dégustation de vins de la région et de chocolats.

le 9 janv Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Jazz and soul

le 15 janv Espace Julien, Marseille 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

les 8 et 9 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Push up © Seka

Léo 38, Ferré a cappella Magnifique hommage à Léo Ferré offert par Monique Brun qui livre dans ce dernier spectacle une confidence de la vie et des mots du poète. Son enfance, Aragon, l’amour des mots et la chiennerie du monde… Inspirée par les entretiens de Ferré, naviguant du chant à la parole, la chanteuse-comédienne incarne ses mots avec force et tendresse et nous révèle une part intime de la vie du chanteur engagé.

Développée sur deux jours à la Maison du peuple de Gardanne, la thématique «jazz and soul» sera tout feu tout flamme. Elle débutera le 14 janv, avec les élèves de l’atelier musiques actuelles de l’école de musique de Gardanne, suivis par le quartet jazz Place Miollis composé de musiciens de la région. Le 16 janv, The MC five elements emmené par le guitariste chanteur Marc Campo précèdera le groupe de black-soul-rock hexagonal Push up !, dans lequel intervient, entre autres, la diva Sandra N’Kaké.

Monique Brun © Monika Jeziorowska

les 22 et 23 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.fr

les 14 et 16 janv Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

le 15 janv Théâtre Durance, ChâteauArnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Cierra tus ojos

L’accordéoniste Daniel Mille offre un concert exceptionnel de reprise des œuvres d’Astor Piazzolla. Accompagné par un quatuor à cordes, le musicien jazz plonge dans le répertoire de celui qui transcenda le tango argentin, entre musique savante et populaire. Un hommage aux arrangements brillants sur des œuvres peu connues, pour un moment de grâce et d’intensité. le 16 janv Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr


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Le tarot du grand tout

La colère du tigre

© Patrick Muller

le16 janv La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

© Marianne Grimont

du 19 au 23 janv Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net

le 6 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

les 18 et 19 déc Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Marianne Sergent

Le Toursky donne carte blanche à Marianne Sergent, pour conclure l’année sur une note humoristique et gouailleuse, pleine d’irrévérence, à l’assaut de la bêtise ! L’artiste donnera cinq représentations, dont une exceptionnelle pour la soirée de la Saint-Sylvestre, à réserver au restaurant Les frangins d’la night (offre spéciale réveillon avec spectacle, menu de fête et dancefloor jusqu’à l’aube). du 26 au 31 déc Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

© J.Stey

Georges Werler met en scène l’immense acteur Michel Bouquet, dans cette pièce de Ronald Harwood, dramaturge et scénariste oscarisé en 2003 pour Le Pianiste. On assiste à la confrontation de deux hommes en 1946, lorsqu’un commandant américain (interprété par Francis Lombrail) entend révéler la culpabilité d’un éminent chef d’orchestre, accusé d’avoir continué à diriger la Philharmonie de Berlin sous le régime nazi. Face à face construit sur une trame avérée, À tort et à raison n’élude aucune complexité historique.

Elisabeth II

L’acteur Denis Lavant adapte sa démesure à celle du dramaturge Thomas Bernhard... Rage, angoisse existentielle, humour cruel, tels sont les ingrédients de cette pièce qui voit un industriel viennois, ancien marchand d’armes, subir la visite de la reine d’Angleterre en Autriche. Le vieux cynique, handicapé, lutte contre l’afflux chez lui de toute la bonne société qu’il honnit, venue contempler son cortège passant sous ses fenêtres... Foin de toute hypocrisie !

Claude Brasseur est Clémenceau, le «premier flic de France», le Tigre ; Yves Pignot, Claude Monet. Entre le politicien et l’artiste, tous deux vieillissants, une relation amicale, passionnée... et parfois conflictuelle, autour des Nymphéas promis au Musée de l’Orangerie, que le peintre a détruits. Sophie Broustal et MarieChristine Danède accompagnent les deux monstres sacrés dans une prestation en tout points remarquable. Même un Tigre n’est pas insensible à la tendresse !

À tort et à raison

Je reviens me chercher

Je reviens me chercher est un titre émouvant, très juste, plein d’une délicate autodérision. C’est celui d’une autobiographie publiée par Smaïn en 2011, et du spectacle qu’il présente au Toursky début janvier. Il y retrace son parcours, d’une enfance orpheline à son rôle de père, ses responsabilités d’homme après le cap de la cinquantaine. L’humoriste revendique le rire comme «thérapitre», révélant une épaisseur insoupçonnée à l’époque du théâtre de Bouvard. le 9 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

© Pascal Ito

Le conteur Lamine Diagne a passé du temps à écouter les enfants séjournant à l’hôpital marseillais de la Timone : cette création est inspirée de leurs récits. Accompagné d’un vidéaste (Eric Massua) et d’un guitariste (Wim Welker), il déploie les lames de son tarot, fécond, intuitif, porteur de sens. La scénographie est signée Sylvia Eustache Rools, plasticienne créatrice d’univers, parfois pour de grandes enseignes, dont c’est la première collaboration avec le spectacle vivant.



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Minots, Marmaille et Cie

Carte Memoria © Florence Bourg

C’est l’âge de raison pour le temps fort jeune public du Théâtre de Lenche ! Une 7e édition qui se poursuit, après Vuelo, par La petite grenouille qui avait mal aux oreilles de la Cie La Conflagration (du 17 au 19 déc). Inspiré d’un ouvrage du drôlissime dessinateur Voutch, paru aux éditions Circonflexe, ce spectacle met en scène une jeune batracienne dyslexique aux prises avec les difficultés du langage. Adapté aux plus de 3 ans, il recourt à la jolie technique du stop-motion, et s’accompagne de musique interactive ! Du 14 au 16 janv, dans le cadre du cycle Averroès Junior, les plus grands -à partir de 8 ansdécouvriront Carta Memoria,

Des acteurs au tempo imparable, quelques liaisons hors mariage, une mise en scène digne d’un mécanisme d’horlogerie, et voilà la quintessence du vaudeville façon Belle Epoque. Chacun des sept comédiens dirigés par Jean-Paul Tribout a quelque chose à cacher, les concours de circonstance malheureux s’enchaînent en un imbroglio improbable, les uns égarent leur pantalon, les autres se retrouvent enfermés dans un placard... Décidément l’adultère à la Feydeau est un sport d’endurance ! le 15 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

du 17 déc au 16 janv Le Lenche, Marseille 05 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Armstrong Jazz Ballet © Dan Soubrillard

Armstrong Jazz Ballet

© StephaneNeville

Xavon de Marseille

© Lot

Monsieur chasse

de la Cie Clandestine. Fruit d’une série d’ateliers menés en partenariat avec le Mémorial du Camp des Milles, cette création traite de racines, de mémoire et de transmission, jouant sur les diverses significations du mot «carta», qui signifie «papier» en italien, et «lettre» en portugais. À noter : à partir du 6 janv, dans le cadre du festival mais pour des séances scolaires uniquement, le Lenche projettera le film d’animation Komaneko le petit chat curieux, œuvre du japonais Tsuneo Goda.

Avec un nom pareil, faut-il s’étonner que le personnage refuse de choisir «entre Musset, Pagnol et IAM» ? Gilles Ascaride prête amicalement sa plume à XavierAdrien Laurent, lequel livre un solo marseillais en diable sur la scène du Toursky, bien que Xavon, ce renégat, ait quitté la cité phocéenne pour vivre à Paris. Un spectacle «textuellement transmissible», porté avant tout par l’amour du théâtre. le 19 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Artiste engagée et fidèle à la danse modern jazz, Géraldine Armstrong construit le répertoire de sa compagnie Black Source Dance Theater dans les pas de ses maîtres, Matt Mattox ou encore Alvin Ailey, et dans la mémoire du peuple noir américain. Cris de joie et de souffrance, corps au fil du blues, du swing et du gospel, sa troupe virevoltante danse tous les combats menés par les esclaves noirs américains, et compose un hymne à la vie renversant. le 22 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.fr


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Vous reprendrez bien...

Si je n’étais pas né(e)

Marivaux et Naomi Klein, même combat ! Jean-Louis Hourdin confronte L’île des esclaves, comédie traitant des rapports de pouvoir entre maîtres et valets au XVIIIe, et La stratégie du choc, texte engagé de l’altermondialiste canadienne. Six comédiens s’emparent de leurs problématiques convergentes, pour parler de révolte face à l’oppression : dans le monde d’aujourd’hui, mais éclairée par les lumières du passé.

La Cie Un château en Espagne compose le deuxième tableau de son diptyque des forêts, après un volet consacré à La belle au bois dormant. Celui-ci plonge dans l’univers de Blanche-Neige, conte considéré comme «une histoire de femmes», mais racontée cette fois par un homme, le chasseur. Une femme en devenir, l’autre qui refuse le passage du temps... Céline Schnepf à l’écriture et à la mise en scène travaille ces thèmes archaïques, déclencheurs d’émotions profondes.

© Aurelien Le Monnier

© X-D.R

Blanche

Le Collectif Tremplins, constitué d’habitants du XIVe arrondissement de Marseille, a travaillé avec l’auteure Leïla Anis et le metteur en scène Karim Hammiche sur les thèmes de la filiation et de la mémoire. Récits «d’enfants de la Méditerranée des années 50 et d’aujourd’hui», Si je n’étais pas né(e) est un projet conçu au sein du centre social Saint-Gabriel. Les textes ont été écrits et sont interprétés par les habitants.

les 16, 19 et 20 déc Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Vous reprendrez bien un peu de liberté ou Comment ne pas pleurer ? du 14 au 16 janv Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

le 16 janv Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

La Barbe Bleue © Julien Schmitt

Noël Casale et Xavier Marchand mettent en parallèle deux époques, à travers deux livres : Quelques jours avec Hitler et Mussolini, récit extrait du journal intime de Ranuccio Bianchi Bandinelli et Îles, guide vagabond de Rome de Marco Lodoli. Le parcours d’un historien en 1938 aux côtés des deux dictateurs, et celui d’un écrivain en 2014 dessinent le portrait d’une ville aux multiples visages, successivement enfouis et exhumés.

Smashed

Neuf jongleurs dans une mécanique de jeu précise et impeccable, un mélange de cirque et de théâtre, inspiré par le travail de Pina Bausch, et voilà un spectacle qui a fait le tour du monde depuis sa création en 2010 ! La cérémonie du thé à l’anglaise est un rituel si classique qu’en détourner les codes n’en est que plus jouissif... surtout quant on y mêle une pincée d’amours déçues et de conflits latents, comme le font les artistes du Gandini Juggling.

© Eric Rondepierre

du 20 au 23 janv Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

les 12 et 13 janv Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org le 15 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

La nouvelle création de Michel Kelemenis s’inspire du conte de Perrault, La Barbe bleue. Mais le chorégraphe inverse les rôles : il ne s’agit plus d’un homme jaloux au point de tuer toutes ses épouses. La Barbe bleue est une femme, ogresse séductrice et assassine accompagnée des fantômes de ses époux. Trahison, vengeance monstrueuse sur les compositions originales de Philippe Hersant et Christian Zanési… Quelle porte interdite sera ouverte ? Une proposition hors-les-murs du Théâtre Massalia, pour les 13 ans et plus. les 19 et 20 janv Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

© Agnes Mellon

Rome l’hiver


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Portraits…

Fidelio

Quelle aubaine de pouvoir (re)découvrir à la suite ces deux portraits consacrés à l’adolescence simplement intitulés Pour Ethan et Avec Anastasia (lire sur journalzibeline.fr), magnifiquement tirés par le chorégraphe Mickaël Phelippeau. Chacun vient se raconter, danser, chanter, avec pudeur et puissance, intimes et jamais superficiels, nous laissant entrevoir un bout de leur jardin secret et de leur transformation vers l’adulte à devenir. Réjouissant et précieux.

© Stef De Pover

La compagnie marseillaise Peanuts adapte l’un des chefs-d’œuvre de la littérature jeunesse américaine : Les aventures de Huckleberry Finn. Moins connue mais plus profonde que le précédent roman de Mark Twain, focalisé sur Tom Sawyer, cette histoire voit un jeune garçon fuir son père violent, aux côtés d’un esclave noir fugitif. L’auteur de la pièce, Stéphane Gisbert, transpose le texte de 1885 «pour interroger des problématiques très actuelles». À partir de 8 ans.

Au cours de ses créations, la Cie flamande Walpurgis familiarise les oreilles des plus petits aux grands airs classiques. C’est ce premier et seul opéra de Beethoven qu’a choisi la metteure en scène Judith Vindevogel, qui met à l’honneur le courage d’une femme risquant sa vie pour voler au secours de son bien-aimé. La disposition scénique permet aux enfants d’être assis au plus près des chanteurs, de s’immerger dans la musique.

C’est bon alors j’irai en enfer du 14 au 16 janv Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 www.theatremassalia.com

le 13 janv La Gare Franche, Marseille 04 91 65 17 77 www.lagarefranche.org

© Cie Peanuts

Pour Ethan + Avec Anastasia les 23 et 24 janv Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

La Mi Mé Mo

C’est une attraction foraine d’un autre temps, qui raconte l’itinérance d’une petite troupe de montreurs d’ours. Miss Olga et Môssieur Ursus forment un duo de montreurs d’animaux, des forains baladins qui attirent les spectateurs au son de mélopées et harangues réjouissantes mais tordues à souhait ! Joseph Diacoyannis, montreur plasticien et créateur de la Cie ZoOLOoK’s, bat le pavé avec Marie-Pierre Hoareau pour présenter leur folle vie hors du commun. La Mirifique Ménagerie moderne les 16, 18, 19 et 20 déc La Machinerie pneumatique, Marseille 09 51 30 03 60 www.zoolooks.net

Le Bal Disco

Orgie de paillettes et de boules à facettes annoncée lors du bal disco proposé à Klap par Yan Raballand et les artistes de la compagnie Contrepoint. Il clôturera FestivAnges #2, festival dédié à la danse pour tous, sur la bande son enfiévrée des années 70. Petits et grands sont invités à investir la piste : tenues flamboyantes de rigueur, n’hésitez pas à ressortir les pattes d’eph de vos grands-mères... ni à venir avec elle !

Le corps du Ballet…

Première création d’Emio Greco et Pieter C. Scholten en tant que directeurs du Ballet National de Marseille, l’œuvre Le corps du Ballet de Marseille est aussi un hommage à la compagnie qui l’interprète, interrogeant les limites de la grammaire classique, déclinant les esthétiques apolliniennes et dionysiaques, sur un montage musical de Pieter C. Scholten. Cet ambitieux travail est inspiré de Masse et puissance d’Elias Canetti. Le corps du Ballet de Marseille du 17 au 19 déc BNM, Marseille 04 91 32 73 27 www.ballet-de-marseille.com

le 18 déc Klap Maison pour la Danse, Marseille 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr © Alwin Poiana

Pour Ethan © Mickael Phelippeau

… j’irai en enfer


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Histoires avec balles

Cendrillon…

Il est jongleur, acrobate, musicien, magicien… Immo, puisque tel est son nom, vous entraîne dans un monde où l’humour et la virtuosité se conjuguent. La musique espiègle accompagne d’improbables équilibres. On rit, on s’étonne. Un spectacle de Noël délicieux de bonne humeur et de complicité à partir de 6 ans.

© X-D.R.

La comédie documentée de Simon Grangeat raconte la crise économique que nous traversons, des subprimes à nos jours. En une brève histoire de la crise, trois hommes ordinaires rejouent et incarnent banquiers, citoyens, traders, agents immobiliers… pour une «démonstration de la fable» macabre, épique, et comique. Pour nous faire comprendre les raisons du désastre et de son implacable mécanique, la compagnie Cassandre utilise parfaitement les ressorts du théâtre !

La Compagnie Hangar Palace s’empare du conte des frères Grimm, grâce à la plume de Julien Asselin, et transpose Cendrillon dans la problématique actuelle des familles recomposées. Rires, personnages déjantés, rythme soutenu, mise en scène inventive qui mêle au texte chants et danses, tous les ingrédients sont réunis pour un spectacle jubilatoire qui sait réconcilier tout le monde avec humanité (lire chronique sur www.journalzibeline.fr). À voir en famille à partir de 7 ans.

les 21 et 23 janv Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 www.vitrolles13.fr le 22 janv Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

Cendrillon fille d’aujourd’hui le 20 déc Théâtre Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

TINA © Aurélien Serre.tif

le 22 déc Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 46 50 www.vitrolles13.fr

Les sorcières ou le songe… Géraldine Baldini, Jeanne Bouchoucha et Isabelle Mathieu, autrement dit Nonna, Na et Nita, vont devenir source d’inspiration pour le musicien Jean Sallier Dolette, ou plutôt Pastichon Délirium, lors d’une nuit de solstice d’hiver… Le fantastique comme dans la nuit estivale shakespearienne est au rendez-vous, additionné de fantaisie, d’humour, de musique. De quoi ravir le jeune public, dans une refondation déjantée du mythe de Noël. Les sorcières ou le songe d’une nuit d’hiver les 12 (à 14h) et 13 (à 9h30) janv Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 www.vitrolles13.fr

Brum

«Brum» est une sorte de mot d’avant les mots, extrait de ce monde des nondits si évident à l’enfance et si difficile à percevoir pour les grandes personnes. «Brum» en traduction «j’ai soif», est le titre du spectacle, inspiré par les mots de Saint-Exupéry, «l’essentiel est invisible pour les yeux», de la compagnie italienne Drammatico Vegetale qui réinvente avec ses marionnettes (manipulées par Pietro Fenati et Elvira Mascanzoni) un monde sensible et poétique accessible dès 2 ans. le 18 déc Théâtre Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Fratricide

Match de boxe en huis clos entre Fabien et Jean (Pierre Santini et Jean-Pierre Kalfon) : les deux frères, que tout semble opposer, ne se sont pas vus depuis vingt ans, et se retrouvent réunis par le testament de leur père. Le texte de Dominique Warluzel, puissant et nuancé sait éviter avec brio toute vision manichéenne dans cette joute enlevée. Fratricide, salué par une critique unanime au festival off d’Avignon 2014, renvoie les personnages à leur passé, faisant éclore tous les non-dits, dans une mise en scène sobre de Delphine Malherbe. le 16 janv Théâtre Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

© Patrick Osenda

© Stephane Laniray

T.I.N.A.


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Le serment d’Hippocrate

Sur la glace Dub love

© Hervé Véronèse

du 22 au 24 janv Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

le 22 janv Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Monsieur de Pourceaugnac Non, n’attendez pas une lointaine référence au Nowhereman des Beatles. Il s’agit, avec Children of nowhere, texte et mise en scène de Fabrice Murgia, d’une terrifiante plongée au cœur du Chili à l’époque de Pinochet, en plein désert d’Acatama, dans une ancienne ville minière abandonnée et transformée en camp de concentration par le dictateur. Le quatuor Aton et Armide, la mezzo Lore Binon, la comédienne Viviane de Muynck tissent autour des récits des anciens prisonniers politiques et des poèmes de Pablo Neruda un spectacle poignant. du 21 au 23 janv Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

© X-D.R

les 14 et 15 janv Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

La dernière pièce de Louis Calaferte montée par Patrick Pelloquet pour le Théâtre régional des Pays de la Loire est une comédie grinçante dans laquelle l’auteur anarchiste aborde le rapport à l’autorité et à la maladie, plus particulièrement aux médecins. Six personnages en jeu, dont Lucien et Madeleine qui hébergent Papa et Bon Maman, victime d’une syncope. L’arrivée de deux médecins aux avis divergents sèmera le trouble et provoquera, sous l’implacable mécanique de dérision, les rires salutaires.

Children of nowhere

Après Roméos et Juliettes, une pièce mémorable présentée en 2013, la compagnie hip hop de Sébastien Lefrançois, Trafic de Styles, revient au GTP et installe une patinoire sur la scène pour développer son univers onirique ! Le chorégraphe aborde avec ses neuf interprètes la question du conflit et des pratiques, mais aussi de la désobéissance créative, en détournant les techniques et mêlant les disciplines. Dès 8 ans.

Les Arts Florissants, sous la houlette de William Christie (aussi au clavecin), reprennent dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger cet opéra naissant, plus encore que «comédie-ballet» de Molière et Lully. Le provincial au nom éloquent de Monsieur de Pourceaugnac arrive à Paris pour contracter un mariage arrangé avec la belle Julie. L’amant d’icelle ourdit une machination infernale pour renvoyer dans sa lointaine province le lourdaud prétendant. Cette transposition dans le Paris des années 1950 fera date au Grand Théâtre !

Le Cantique…

La dernière création du chorégraphe Abou Lagraa s’ancre dans ce poème biblique qui parle des peurs et réjouissances liées au sentiment amoureux pour le confronter à des «problématiques actuelles, face aux intolérances, aux contradictions, à toutes les formes d’hypocrisies de nos sociétés quand il s’agit d’amour». Chaque duo met ainsi en mouvement plusieurs enjeux et situations pour tenter de saisir ce qui constitue l’intimité d’un couple. Le Cantique des cantiques les 8 et 9 janv GTP, Aix 08 2013 2013 www.lestheatres.net le 2 fév Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

les 13 et 14 janv Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

© Eric Boudet

© E. Lizambard

Improbable et géniale alliance que celle du Dj réunionnais High Elements et les pointes des chaussons de danse classique qui se réinventent avec une étonnante virtuosité, sur une chorégraphie de Cecilia Bengolea et François Chaignaud qu’accompagne Anna Pi. Distorsions, reggae et collants académiques jouent de la fusion et de la dispersion, dessinant de douloureux équilibres et de superbes élans… Époustouflant défi !


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Arrêts de jeu

Promenade de santé

Le 8 juillet 1982, la demi-finale de la Coupe du monde de football opposa la France et la RFA, ce fut la fameuse «nuit de Séville». La blessure du joueur français Patrick Battiston, évacué du terrain après un choc avec le gardien allemand Harald Schumacher, faute non-sifflée, entrera dans les annales comme l’une des pires injustices d’arbitrage… La pièce chorégraphique pour quatre danseurs de Pierre Rigal et Aurélien Bory explore la mythologie du sport, ses jeux et enjeux, dans une esthétique qui tient de la BD, du cinéma muet… pour une «revisitation» étonnante et jubilatoire des souvenirs d’enfance.

© Gabriel Henríquez Déniz

Francesca Foscarini

© Pierre Grosbois

le 15 janv Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence Spectacle soutenu par les ATP 04 42 63 46 22 www.atp-aix.net

C’est la rencontre de l’autre qui nous fait exister, nous révèle. Avec Vocazione all’Asimmetria, la chorégraphe et interprète italienne Francesca Foscarini, Prix d’interprétation Equilibrio Rome (2013), travaille sur notre relation au monde, la découverte et la nécessité de l’altérité. En résidence de création au 3bisF, elle offrira aux côtés d’Andrea Costanzo Martini, sur une musique originale d’Andrea Cera, une étape de travail le 20 janvier, mais aussi des ateliers Pratiques sur le regard dans la danse du 13 au 15 janvier.

Un homme, une femme… mais pas à Deauville. Nicolas Bedos situe ses personnages (Tania Garbarski et Charlie Dupont) dans un hôpital psychiatrique, dont ils sont pensionnaires. La première rencontre n’est guère tendre, elle écoute du reggae, il casse son poste, «je n’aime pas le rap !». Elle se dit danseuse, est maniacodépressive, «comme toutes les femmes», il est bipolaire, «comme tous les hommes», ainsi l’affirme la pièce. Bref, une comédie romantique amoureuse des mots, où tout est exacerbé dans une mise en scène ciselé par Hélène Theunissen. L’amour fou ? le 15 janv Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

le 20 janv 3bisF, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

Jeanne… pour l’instant

On avait déjà applaudi l’étape de travail de juin dernier au 3bisF (lire sur journalzibeline. fr), et c’est avec une impatiente curiosité que l’on va se précipiter pour découvrir la nouvelle étape de travail proposée en décembre dans le même lieu. L’Auguste théâtre par le biais du texte savoureux de Claire Massabo et le jeu enlevé de Nicole Choukroun, met en scène une vieille dame, Jeanne, qui vous accueille sur son lit de mort, histoire de… et joue des mots et de la vie avec une désopilante virtuosité… Rendez-vous est pris !

La grammaire classique, ils la possèdent au plus haut point, ces danseurs de l’Opéra de Paris, qui, pour se délasser, dansent encore dans une formation singulière et iconoclaste, 3e étage. Bonheur de la transgression, mimes, ballet classique, humour, Lac des cygnes et Jacques Brel, pointes, tutus, costumes de ville et masques blancs de clowns… Samuel Murez jongle entre les chorégraphies de Petitpas, Ben Van Cauwenbergh, Raul Zeummes et les siennes, pour un spectacle enchanté.

le 18 déc 3bisF, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

© 3bisF

Petites virtuosités variées le 8 janv Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

© Marianne Grimont

Petites virtuosités…


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L’Autre hiver…

Soirée Flammes n’co… Elle est où la lune ?

L’Autre hiver, un rêve de Verlaine le 17 déc Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

Ce que le jour…

Avec cette adaptation du roman de Yasmina Khadra, Hervé Koubi a choisi de frotter à la danse contemporaine des interprètes dénués de tout formatage, sinon celui de la rue, où ils pratiquaient le hip hop et la capoeira. Sur scène, onze danseurs algériens et un danseur burkinabé jonglent entre la violence et le sacré, tournoiements de derviches, élans fulgurants, lenteurs, harmonie. Ce que le jour doit à la nuit le 15 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

Calle Flamenca © X-D.R © X-D.R

Deux voyageurs sortis de nulle part se rencontrent sur le pont d’un bateau désert qui dérive à travers les glaces du nord. Incarnent-ils réellement, c’est ainsi qu’ils se présentent, Verlaine et Rimbaud ? Le duo de metteurs en scène canadiens Denis Marleau et Stéphanie Jasmin, directeur artistiques de la Cie UBU, signent un opéra fantasmagorique sur la musique de Dominique Pauwels. Deux chanteuses, six musiciens de l’Ensemble Musiques nouvelles, un chœur d’enfants et un chœur de femmes s’entremêlent aux personnages animés par des projections vidéos.

les 20 et 23 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

Le Théâtre de Fos met l’Espagne à l’honneur lors d’une soirée en deux parties : à 19h, Des Châteaux en Espagne (Philippe Dorin pour le texte et Sylviane Fortuny pour la mise en scène) fait de la scène le lieu d’échange privilégié entre deux langues et deux cultures, celles de la France et de l’Espagne ; là deux groupes de jeunes gens vont devoir abandonner leurs différences pour inventer un monde commun. Puis à 21h, la Cie Calle Flamenca revisite des airs dansés et chantés du flamenco entre orient et occident. Soirée Flammes n’co le 9 janv Le Théâtre, Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

Nobody

Des Châteaux en Espagne le 12 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Cyril Teste poursuit son exploration de l’œuvre politique du dramaturge allemand Falk Richter en écrivant un scénario inédit sur les dérives managériales et la déshumanisation au travail. Immergé dans un dispositif cinématographique, le public assiste à la projection d’un film qui se fabrique en direct. Le collectif MxM explore avec humour et lucidité la violence d’un système qui nous grignote…

Les Lecteurs complices…

le 22 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

C’est un spectacle interactif que propose David Rolland, une expérience scénographique à vivre en commun. Car le public qui participe, guidé par une bande sonore, se retrouve à la fois acteur et spectateur de son propre spectacle… Accompagné par deux danseurs, chacun pourra reproduire les mouvements proposés, écouter, lire et regarder ce qui se fait tout contre.

© Marie Clauzade

© Kurt Van der Elst

Deux musiciennes-bruiteuses, Leïla Mendez et Sophie Laloy, accompagnent le périple d’Aka, une petite fille qui s’évade le soir en faisant voler des ombres chinoises sur son mur… Dans un décor de film d’animation, elle s’envole vers la lune et croisera d’étranges personnages échappés de poèmes de Paul Claudel qui la guident. Dès 2 ans.

Les Lecteurs complices (chorégraphies familiales) le 16 janv La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr


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Gretel et Hansel

Les Cavaliers La Petite fabrique…

L’auteure québécoise Suzanne Lebeau offre une relecture du célèbre conte des frères Grimm qui met en lumière le lien qui unit la sœur et le frère, leur courage et leur imagination. La mise en scène de Gervais Gaudreault appuie une écriture pleine de jeux qui fait s’entrecroiser, s’opposer et de compléter les récits des deux protagonistes, tour à tour personnages et conteurs.

La Petite fabrique de jouets le 19 déc L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

© X-D.R.

© Francois-Xavier Gaudreault

Ce ciné-concert dédié au cinéma d’animation polonais met à l’honneur une centaine de jouets à musique. L’artiste pluriel Chapi Chapo et son groupe Les petites musiques de pluie manipulent guitare, piano, xylophone, mélodica, mais aussi tableau d’éveil, petit taxi parlant et boîte à musique, entre autres, devant quatre courts métrages poétiques et colorés. Fasciné par ce chef-d’œuvre de Joseph Kessel, Eric Bouvron l’a adapté pour le théâtre et mis en scène avec Anne Bourgeois. Ce roman d’aventures sur les steppes afghanes relate le voyage initiatique du jeune Ouroz qui, ayant échoué lors d’un important tournoi, doit retourner dans sa province lointaine pour faire face à son père, le grand Toursène, qui fut un champion de jeu, et ne faillit jamais lors des épreuves…

Coline

le 12 janv L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

le 16 janv Le Théâtre, Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

My Rock

© Agathe Poupeney

Sous la direction du chorégraphe Kader Belarbi, son directeur, le Ballet du Capitole danse un programme de trois pièces spécialement composé pour cette soirée. Se succèdent The Vertiginous Thrill of exactitude de William Forsythe pour cinq danseurs, À nos amours de Kader Berlarbi pour trois couples de danseurs, et Les Forains de Roland Petit pour dix neuf danseurs.

Les élèves danseurs de la formation professionnelle Coline poursuivent leur collaboration avec de grands chorégraphes. La première création de l’année sera celle des chorégraphes Edmond Russo et Shlomi Tuizer, une courte pièce de groupe en lien avec le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel. En seconde partie de soirée, ils donneront Guerrieri e Amorosi, une œuvre pour deux danseurs qui interroge l’identité.

© Francette Levieux

le 20 janv Le Théâtre, Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

le 8 janv L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

le 16 janv L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

© Guy Delahaye

Ballet du Capitole

Le chorégraphe Jean-Claude Gallotta veut créer un choc «rockégraphique» en faisant se confronter sur scène deux mouvements nés au début des années cinquante aux États-Unis, le rock et la danse contemporaine. En une quinzaine de courtes séquences dansées, il entrecroise ses souvenirs marqués par Elvis, les Rolling Stones, le Velvet Underground, Iggy Pop, Patti Smith, Leonard Cohen…


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Braises

Drôles de Noëls

C’est la 12e édition de la manifestation arlésienne de fin d’année qui convie les arts de la rue à investir les places et rues de la ville. Avec une nouveauté de taille, une piste de luge géante installée sur l’esplanade Charles de Gaulle jusqu’au 1er janvier. 90 spectacles se succèderont toute la journée, petites et grandes formes pour tous les âges, parmi lesquels la grande fête d’ouverture avec le grandiose Voyage intemporel de la Cie du Théâtre de la Grande ours, le spectacle pyrotechnique de la Cie Attrpa’Lune, ou encore le final de lumières et couleurs de la Cie Soukha, La Caravane des Lumières…

Le texte de Catherine Verlaguet mis en scène par Philippe Boronad aborde un sujet sensible : la difficulté pour les adolescentes françaises musulmanes de vivre la liberté amoureuse et sexuelle des autres filles de leur âge, lorsqu’elles sont nées au sein d’une famille traditionnelle. Entre émancipation et respect de la tradition, les deux artistes font entendre des histoires touchantes et jamais caricaturales.

Ce nom commun évoque ce qui relie les êtres et fait leur force, mais c’est aussi le nom du lieu de l’un des plus grands concours de flamenco, le Festival del Cante de las Minas, qui réunit compétitions de chant, de guitare et de danse, à l’image du trio qui compose ce spectacle : Eduardo Guerrero (danse), Jeromo Segura (chant) et Salvatore Gutiérrez (guitare). Ils nous racontent comment réussir ce concours, en conjuguant espoirs et efforts, dans l’essence pure du flamenco traditionnel…

du 21 au 24 déc Arles 04 90 49 37 40 www.droles-de-noels.fr

le 15 janv Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 www.scenesetcines.fr

En route-Kaddish

© JL Duzer

le 19 janv L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Le Fond de l’air…

Le regard de Sophia Aram est aussi affûté que son humour, implacable et grinçant, subtilement transgressif. Depuis quatre ans elle délivre sur France Inter son billet d’humeur, au cours duquel elle affronte et décrypte les paradoxes que traversent nos sociétés multiculturelles. Si l’air du temps est un peu épais, elle a néanmoins les mots qu’il faut pour dissiper l’atmosphère. Le Fond de l’air effraie le 23 janv L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr le 21 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Arsène et coquelicot

Deux enfants vont jouer les détectives pour questionner leurs origines, et reconstituer peu à peu l’histoire devant le public. Pourquoi Arsène, le vieil oncle d’Hippolyte, a une fleur tatouée sur le bras ? Et pourquoi Coquelicot, l’arrièrearrière grand-mère de Mirabelle n’a eu qu’un seul enfant ? La Cie aixoise Senna’ga apporte une réponse tout en tendresse et délicatesse, déroulant l’écheveau des souvenirs enfouis en reconstituant l’histoire de deux amants séparés par la guerre…

À partir d’archives, d’interviews et de films, de récits de famille et de récits fictionnels, David Geselson réinvente l’histoire de son grand-père, Yehouda Ben Porat, mort en 2009 à Jérusalem, dont le destin fut étroitement lié celui de l’Histoire de la création de l’État d’Israël. Entre mythologies et faits historiques, et face à cet aïeul interprété par Elios Noël, il se raconte, sonde ses idéaux, sans aucun manichéisme, et questionne aussi le conflit Israélo-palestinien actuel, ses conséquences éthiques, sociales, humaines et politiques. les 19 et 20 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

le 22 janv Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 www.scenesetcines.fr

© Charlotte Corman

© X-D.R

Union


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Festival Flamenco Pour la 26e édition, la ville de Nîmes revête à nouveau ses habits de lumières pour déclarer sa flamme à l’art flamenco. Au Théâtre Bernadette Lafont, les voix de David Lagos, Gema Caballero ou Miguel Poveda résonneront de mille feux, tout comme les pas de l’intense Andrès Marin pour une carte blanche endiablée, de la volcanique Patricia Guerrero, ou du Ballet flamenco d’Andalousie. À découvrir, en

plus d’un cycle de conférences et cinéma, le guitariste surdoué Pepe Fernández, ou encore la danseuse Veronica Vallecillo et le violoncelliste Raphaël Perraud pour un dialogue virtuose sur les suites de Bach (à l’Odéon). du 15 au 23 janv Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com Carta Blanca, Andrés Marin © Archivo Fotografico Bienal de Flamenco Antonio Acedo

Respire

La Belle au bois dormant

Un irrésistible duo d’acrobates qui défient les lois de la gravité et de la stabilité pour une invitation au rêve et au bonheur. À partir du signe de la rondeur et du mouvement cyclique, à bord de poétiques engins acrobatiques, Alessandro Maida et Maxime Pythoud de la Cie Circoncentrique multiplient vertiges et déséquilibres, avec la respiration pour fil rouge, au grand bonheur d’un public familial.

© Ronan Thenadey

Le chat botté

Revisité avec modernité par le metteur en scène et dramaturge Jean-Michel Rabeux, le conte de Charles Perrault brille de mille nouvelles couleurs ardentes…. à cent lieues des dessins animés naïfs et gentillets. Bien sûr on retrouve le fuseau, les fées, un sommeil de cent ans… mais le prince charmant descend de sa cité et la reine est une cupide et hystérique ogresse perchée sur des talons aiguilles. S’y mêlent de surprenants éléments repris d’autres contes, des trouvailles géniales et des décalages hilarants, pour un spectacle total qui fait le bonheur de tous les enfants, même et y compris plus âgés !

Le célèbre conte de Perrault revisité dans une version fantasque et comique par la compagnie Les Nomadesques. Le plus célèbre des chats de la littérature jeunesse, armé d’une paire de bottes et d’un simple sac, malin, vantard et surtout doué de parole, transformera son maître en futur Marquis de Carabas. Ombres chinoises et effets vidéo servent à ravir les personnages burlesques, réinventés pour le plaisir des enfants dès 4 ans…

le 24 janv Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

le 16 déc Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

D’après une histoire vraie Entre danse et transe, cette histoire composée par le chorégraphe Christian Rizzo à partir d’un souvenir marquant -une danse folklorique exclusivement masculine découverte en 2004 à Istanbul-, explore l’humanité et la fraternité. Harmonieux, fluides, soudés, les corps de ces huit danseurs se frôlent, se touchent, tombent, tiennent en une communauté recréée à l’infini sur des pratiques folkloriques, accompagnés par les percussions de Didier Ambact et King Q4. Intense et inoubliable.

© Benjamin Dumas

le 9 janv Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

le 21 janv La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 www.lagarance.com


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La Vénus à la fourrure

Bien ! Bien ! Bien !

La pièce incontournable de cette saison signée David Ives et récompensée à plusieurs reprises, notamment d’un Molière 2015 de la meilleure comédienne pour l’interprète Marie Gillain. Elle compose avec Nicolas Briançon un duo inédit et fascinant sur le thème de la domination. Ici donc, un metteur en scène monte le texte de Leopold von Sacher-Masoch, et reçoit une candidate au premier rôle féminin qui se révèle envoûtante…

Après 15 jours de résidence au Théâtre des Carmes, la jeune et audacieuse compagnie anglaise Synaestheatre donne trois représentations de sa pièce Raven, mêlant à son théâtre de mouvements des personnages sombre et profonds. Le pitch tient dans un mouchoir de poche mais promet bien des tiraillements : entre l’amour et le devoir familial, Faye devra se sacrifier pour ceux qu’elle aime…

© Bertrand Nodet

© Fabienne Rappeneau

Raven

Après une résidence au Théâtre des Doms, la compagnie Oh oui Bernard nous propose une plongée virulente dans nos folies ordinaires. Julie Sommervogel installe ses personnages, une famille «classique» aux désirs «classiquement» refoulés, autour d’une table de cuisine et déroule une fable absurde et hilarante sur le sécuritaire qui bouscule nos certitudes. À tel point que l’explosion salvatrice et le chaos absolu en deviendraient presque jouissifs. Qu’est-ce qu’on dit ? Merci Bernard !

du 18 au 20 déc Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes.com

les 8 et 9 janv Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

le 17 déc Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be

Conçue et jouée par Catherine Prallet, la pièce d’Yves Lebeau est un «chant au caractère poétique qui prend corps dans un espace animé par des projections vidéo et un univers sonore», mise en scène par Elodie Buisson. Ainsi accompagnée par la musique d’Henri d’Artois et les vidéos d’Erick Priano, la (médecin)comédienne livre les souvenirs d’une femme au crépuscule de sa vie. Et s’en libère. les 14 et 15 janv Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

Au dessus, à jamais

© Patrice Forsans

© Marc Ginot

© Deborah Ward

La Crieuse

Quand on sera mort…

Orchestrée par Gérard Vantaggioli, ce spectacle mêlant chansons et texte est la rencontre entre deux personnages mythiques, Jacques Brel et Bernard Dimey, qu’interprètent les non-moins légendaires Bernard Bruel et Michel Le Royer. Des échanges savoureux remplis d’humanité autour de textes flamboyants et de chansons fulgurantes, forcément réconfortants. Quand on sera mort, on dira du bien de nous les 15 et 16 janv Le Chien qui Fume, Avignon 04 90 85 25 87 www.chienquifume.com

Sur un texte de David Foster Wallace, la Cie lyonnaise La Chambre noire met en jeu un clown d’anniversaire (dur métier !), qu’interprète Maxime Kerzanet planqué dans sa loge (un placard à balais) pour raconter les rêves d’un enfant de 13 ans. Derrière l’humour et la superficialité, un regard acéré porté sur le monde libéral et l’homme occidental. À partir de 12 ans. du 15 au 17 janv Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes.com


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Les limbes

… qui nous buvons

Etienne Saglio, surnommé le «petit prince de la magie nouvelle», invite nos sens à le suivre au sein d’une nuit épaisse, où les âmes primesautières et d’étranges gardiens laissent les fantômes et l’invisible apparaître. Sur le Stabat Mater de Vivaldi, les images stupéfiantes virevoltent et se succèdent. Une traversée fantastique dans l’entre-deux qui fait illusion !

Le théâtre La Passerelle se transforme en «écomusée d’anticipation» composé par Olivier Thomas. Toutes les 20 minutes (de 18 à 21h le vendredi, de 17 à 20h le samedi), de petits groupes de spectateurs sont invités à déambuler de salle en salle pour un voyage dans le futur, onirique et ludique, même si au cœur des plausibles désastres écologiques, économiques à venir et de la question de la survie humaine. Un cabinet de curiosité au cœur (de la fin) de l’homme.

© Angelique Lyleire

© Etienne Saglio

Retrospective...

Voilà une expérience humaine et profondément enivrante que ce nouvel opus concocté par le conteur hors pair Sébastien Barrier. Embarquement pour un voyage inédit en Pays de la Loire sur la route des vins naturels (sans chimie), et des vignerons amoureux qui les fabriquent. Qui buvons-nous ? Une dégustation de sept nectars issus de ces productions plus tard… et nous voilà informés ! Durée… inestimable (jusqu’à plus soif ?), à partir de 19h.

Retrospective incomplète d’une disparition définitive les 8 et 9 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

le 22 janv Théâtre Durance, ChâteauArnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Savoir enfin qui nous buvons les 21 au 23 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu les 25 et 27 janv Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

© GabrielleVoinot

Emmenés par Philippe Nicolle, les comédiens tout-terrain déjà appréciés dans Beaucoup de bruit pour rien remettent les 26000 couverts dans ce cabaret antimorosité survitaminé. Une succession de numéros hétéroclites et loufoques, moitié show moitié comédie musicale, des blagues en cascades et des numéros de haut vol hilarants, le tout servi par un un quatuor jazz-rock… un bonheur de dérision et de non-performance ! les 18 et 19 déc La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Les Glaciers grondants

© 26000couverts

D’une actualité brûlante, la pièce-enquête de l’auteur-metteur en scène David Lescot s’inspire du climat et du dérèglement climatique. Expériences scientifiques, cirque, danse (et Shakespeare) se mêlent à la musique jouée en live, pour créer une fiction… qui ne laissera personne de glace ! Poète, le musicien se fait aussi lanceur d’alerte pour mieux nous éclairer sur les menaces qui pèsent sur l’environnement. Un sujet urgent. le 12 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Juliette+Roméo=AESD Racontée à la vitesse d’un TGV par les comédiens-marionnettistes Emma Lloyd et Cédric Hingouët (mis en scène par Agnès Limbos et Serge Boulier), l’histoire tragique du mythique duo Roméo et Juliette de Shakespeare se transforme en ballet d’humour british impressionnant d’inventivité. Du très grand (et très drôle) théâtre d’objets signé Scopitone & Cie pour réviser idéalement ses classiques. Quant aux initiales AESD, on vous laisse deviner à partir de cet amour éternel… le 16 janv Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

© Joël Glock

L’Idéal club


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L’homme qui rit

Ceux qui restent

Fantaisie visuelle, numérique et sonore du Collectif 8 d’après Victor Hugo. Entre conte, poésie et épopée, l’histoire de cet enfant enlevé et transformé en phénomène de foire qui rencontrera l’amour d’une jeune orpheline aveugle prend des allures de périple fantastique. Un plaidoyer humaniste magnifié par la mise en scène de Gaële Boghossian et Paulo Correia et le jeu des trois comédiens.

«Attention chien méchant». Cet avertissement se lit parfois sur les portails des maisons. Cave canem est son ancêtre latin. Dans ce spectacle, il ne faudra pas forcément faire attention au chien, mais au moins y être attentif. Car le «meilleur ami de l’homme» jouera sur scène aux côtés des acrobates de la compagnie Azeïn. Audrey Louwet et Mariotte Parot seront accompagnées du chien Eran pour une performance étonnante qui aura lieu dans le hall du théâtre.

© Christophe Raynaud

© G.Martinez

Cave canem

Deux enfants dans l’enfer. Paul Felenbok et sa cousine Wlodka Blit-Robertson avaient 4 et 7 ans quand ils furent embarqués dans la violence intense de la guerre. Survivants du ghetto de Varsovie, ils ont dû traverser toute les épreuves et portent en eux un précieux témoignage. Le récit de leur vie est un apport bouleversant à la mémoire et à l’histoire de l’humanité. Sur un plateau quasi nu, seules deux chaises servent de décor à la performance d’acteurs de Marie Desgranges et Antoine Mathieu, mis en scène par David Lescot.

le 5 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

le 22 janv Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

les 15 et 16 janv Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

La part du colibri

© P. Hardy

En ce milieu du XXIe siècle, les animaux ont déserté la compagnie des humains et leur environnement trop pollué. Ils n’existent plus que dans le souvenir de ceux qui ont vécu avant le grand exode. Deux enfants décident de se rendre sur le territoire où tous les animaux ont trouvé refuge. Mais une maladresse au moment du voyage les projette vers le futur. Alexandra Tobelaim (compagnie Tandaim) adapte des récits de science-fiction de Stéphane Jaubertie et Françoise du Chaxel, agrémentés de textes de Pierre Rabhi.

Nijinskoff

Les histoires d’amour finissent mal, en général. Un homme et une femme, guidés par une passion dévorante, traversent les États-Unis pour vivre la leur. Elle a quitté sa famille et son confort bourgeois pour aller jusqu’au bout avec son amant. Plaisir de la vie, des sens, érotisme et tragédie se mêleront à leur destin. Séverine Chavrier, également interprète, adapte et met en scène ce roman puissant de William Faulkner. Elle est accompagnée sur scène par Laurent Papot et Deborah Rouach.

i© Agnes Mellon

les 17 et 18 déc Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

le 15 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

© Isa Marcelli

Les Palmiers sauvages Ce nom-là doit vous dire quelque chose... Nijinskoff, créature imaginaire, est l’arrièrepetit-fils de Nijinski. Le soi-disant descendant de l’illustre danseur russe est en fait le double de Frédéric Werlé, son inventeur. Dans ce solo chorégraphique, l’artiste joue, danse et surtout s’amuse. Rempli d’humour, son personnage est une sorte de danseur super-héros, même si son âge, déjà avancé le freine parfois. L’intime et le ton de la confession se mêlent alors à la dérision. les 19 et 20 janv Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com


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Sacré printemps !

Ne me touchez pas

En écho lointain à Stravinsky et en résonance avec les révolutions arabes, Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou font entendre la pluralité de leur pays, la Tunisie, dans cette pièce puissante qui interroge le vivre ensemble et les rêves d’une société à venir. Dans une lumière sublime et influente, une danse de résistance offerte par des danseurs exaltés, qui trouvent leur liberté dans les 32 personnages dessinés dressés autour.

Un peu de poésie pour bien commencer l’année 2016. La compagnie belge Arts & Couleurs offre en guise d’étrennes un spectacle de marionnettes subtil, tendre et plein d’émotions. Sur un texte de Mike Kenny, l’un des maîtres du théâtre jeune public en Grande-Bretagne, la troupe nous dévoile un univers tout en sensibilité. Une petite fille passe chaque fin d’été chez ses grands-parents, juste avant que les premières feuilles s’abîment et quittent les arbres. Mais cette année, sa grand-mère est absente.

© Compagnie Les Productions Merlin

© Blandine Soulage

Sur la corde raide

le 5 janv Théâtre Marelios, La Valette du Var 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr

Aux sources de ce spectacle, écrit et mis en scène par Anne Théron, un ouvrage domine, Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, dont il est une libre adaptation. Avec cette interrogation en forme de refus : pourquoi les deux héroïnes de ce roman meurent-elles ? Bien d’autres inspirations, Heiner Müller ou Virgina Woolf, ont nourri la dramaturge pour livrer un texte où le rôle et le devenir des femmes tiennent la place centrale. Avec Marie-Laure Crochant, Julie Moulier et Laurent Sauvage. © Clara Materne

le 22 janv CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

Les Inassouvis

Difficile d’évoquer ce que sera ce nouveau spectacle. L’opus 2016 du Cabinet de curiosités est encore en laboratoire d’imagination. Quelques pistes cependant : la forme en sera «hétéroclite», et le résultat pourrait ressembler à «une sorte de cabaret de l’intime». La compagnie résidente du Rocher se nourrit également du travail mené auprès des élèves de ses ateliers pour cette création collective. Stéphane Bault, Marie Blondel, Guillaume Cantillon et Alexandre Dufour seront de la partie.

Festival Amarelles

© Fabrice Seixas

du 12 au 17 janv Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

du 13 au 24 janv Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Ô © Roxanne Gauthier

Théâtre, danse, musique, contes, marionnettes et compagnies. Comme chaque hiver, le Festival Amarelles s’adresse au jeune public avec une programmation éclectique et de qualité. Quatre univers seront à découvrir lors de cette édition 2016 : le grand Nord, avec Inuk de la compagnie L’Unijambiste ; les marionnettes animales de la compagnie Arketal pour le Bestiaire allumé ; les contes en théâtre d’ombre et en musique avec Ô de la compagnie En attendant ; et les nuages surréalistes de Magritte, grâce à Nubes, par la troupe espagnole Aracaladanza.

le 15 janv Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com


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Clinc

Le Porteur d’histoire

Les bulles de savon en tant que moyen d’expression. C’est de ce postulat plutôt inattendu que naissent les spectacles de la compagnie de Peb Bou. Ce mime catalan a créé depuis déjà plus de trente ans le théâtre de bulles de savon. Dans Clinc, il met en scène deux jeunes talents de sa troupe, Isaias Antolin et Eduardo Telletxea. En plus de la dimension visuelle et poétique, ce spectacle explore un tout nouvel univers dans les créations de la compagnie : le rire.

La gravité ? Connais pas ! Les quatre acrobates du Cassus Circus, venus d’Australie et des Iles Samoa, enchaînent les prouesses aériennes mêlées aux équilibres les plus instables. En toute légèreté ces trois hommes et cette femme repoussent littéralement toutes les limites imaginables du physique humain. Ils marchent sur des œufs, s’étirent, se soulèvent, flottent dans les airs, et bien plus encore... Des moments spectaculaires et envoûtants, où le corps a la parole.

© Julien Lemore

© Daviod Ruano

Knee deep

Conçu comme un feuilleton littéraire façon Alexandre Dumas, ce spectacle teint à la fois du film, du roman ou du conte. Au départ, un carnet manuscrit retrouvé un peu par hasard. Puis c’est un véritable voyage à travers le temps et l’espace qui démarre. L’écriture, qui emprunte beaucoup à la tradition orale, nous entraîne dans un tourbillon vertigineux. Deux fois récompensé lors des Molière 2014 (meilleur auteur et meilleur metteur en scène), Alexis Michalik livre-là une œuvre inclassable et incontournable.

le 19 déc La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

le 19 déc Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr

le 15 janv Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Le Système

Quand l’histoire éclaire l’actualité. La formule a fait ses preuves, elle reste valable en ce début de XXIe siècle. Le texte d’Antoine Rault, mis en scène par Didier Long, nous ramène en 1715, dans un royaume de France ruiné. Un mathématicien écossais, John Law, propose deux innovations pour retrouver la prospérité financière : le billet de banque et la bourse. Conséquence ? La machine spéculative s’emballe. Le peuple croule sous la misère et quelques puissants s’acharnent pour sauver leur monde. Toute ressemblance...

Théorie des prodiges

les 5 et 6 janv Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

© Karl Biscuit

© X-D.R.

Cirque Bleu…

La dernière création du Système Castafiore, composée à partir de la découverte d’un manuscrit du XVIe siècle qui répertorie miracles et prodiges, met en mouvements le virtuel et le réel, le merveilleux et l’artisanal, et nous plonge dans l’imaginaire sans fin de Marcia Barcellos et Karl Biscuit. Des mondes superposés où danseuses et coulisses se côtoient dans un clair-obscur fascinant. Voire impénétrable.

Cirque Bleu du Vietnam le 18 déc Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

© H. Pambrun

Toutes les traditions du cirque asiatique, et ses particularités, sont au programme de ce spectacle, où la culture populaire du Vietnam est à l’honneur. Les contorsionnistes, une spécialité des artistes d’Extrême-Orient, sont accompagnées d’acrobates sur bambous ou de prodigieux jongleurs aux épées. Au-delà des prouesses techniques hors du commun, ce cirque officiel, érigé en structure d’état au Vietnam, et rayonnant dans toute l’Asie, est une véritable invitation au voyage.

les 22 et 23 janv Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com


Les fiancés de Loches

Malentendus, quiproquos, amours contrariées et situations rocambolesques, tous les ingrédients du vaudeville sont réunis dans ce spectacle, tiré d’une pièce de Feydeau. En plus de la recette habituelle du théâtre de boulevard, la mise en scène d’Hervé Devolder s’agrémente de quelques éléments qui ne gâchent rien. Les chansons de Jacques Mougenot, mises en musique par le metteur en scène, ajoutent un rythme tonique au texte de Feydeau, que les comédiens servent avec jubilation.

© Emilie Brouchon

le 20 déc Théâtre Debussy - Palais des Festivals, Cannes 04 92 99 84 00 www.palaisdesfestivals.com

Vollmond

La «pleine lune» en allemand est une pièce de Pina Bausch créée en 2006, dans les impressionnants décors de Peter Pabst. Vouloir donner un sens est dérisoire, lorsque Pina Bausch, fondatrice du concept de la danse théâtre (Tanztheater), préférait que le public voie ce qu’il veut, se laissant porter par l’infinie palette d’émotions parmi lesquelles l’humour tient une place majeure. Guerre des sexes, au gré des flots, à l’ombre d’un énorme rocher, transe enflammée des corps à la pleine lune et fin de déluge… les saynètes s’enchaînent et le public est fasciné.

© Laurent Philippe

du 18 au 20 déc Salle des Princes Grimaldi, Forum Monaco 03 77 99 99 30 00 www.balletsdemontecarlo.com

Casse-noisette Compagnie

Spectacle de Noël par excellence, Cassenoisette, revu par le chorégraphe et directeur des Ballets de Monte Carlo, Jean-Christophe Maillot, en Casse-noisette Compagnie, raconte les rêves d’une petite fille, Clara, réalisés par des personnages bienveillants. La danse est ici la magie souveraine et permet malicieusement au chorégraphe d’exposer des éléments de sa carrière. On plonge dans un bain de féérie sur la musique de Tchaïkovski ; les Ballets de Monte © Hans Gerritsen Carlo y sont expressifs et virtuoses. On pourra les retrouver les 3 et 4 janvier lors de Pretalk avec Laura Cappelle, critique au Financial Times. du 29 déc au 4 janv Salle des Princes Grimaldi, Forum Monaco 03 77 99 99 30 00 www.balletsde montecarlo.com


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La Cineteca di Bologna L’homosexualité au cinéma

Assunta Spina de Gustavo Serena et Francesca Bertini © X-D.R.

La réputation de la cinémathèque de Bologne tient à son travail de (re) découverte, restauration et diffusion de films anciens et à son festival justement intitulé Il Cinema Ritrovato. Le MuCEM a engagé un partenariat avec cette institution jusqu’en juillet 2016, qui commence le 15 janvier à 21h avec la projection de Assunta Spina, film de 1915, réalisé par Gustavo Serena et Francesca Bertini, considérée comme la première femme metteure en scène de cinéma. Ce mélodrame napolitain, précurseur du néoréalisme, est proposé en version ciné-concert. La soirée s’ouvrira à 18h30 par une conférence du directeur de la cinémathèque, Gianluca Farinelli. MuCEM, Marseille 04 91 59 06 88 www.mucem.org

Cinéma et censure

Du 30 déc au 26 janvier, dans le cadre du cycle Interdit(s), le cinéma Le Gyptis propose de grands films censurés. En France, comme La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo (1966), projeté les 3 et 5 janvier à 19h30 ou Le Rendez vous des quais de Paul Carpita (1955) qu’on pourra retrouver le 17 janvier à 17h30. Au Maroc, comme le récent Much Loved de Nabil Ayouch (lire critique sur journalzibeline.fr ) qui brosse le portrait de prostituées marocaines et de la société qui les exploite tout en les condamnant. Loubna Ayouch menacée et agressée pour avoir interprété l’une d’entre elles, est attendue (sous réserves) pour un débat animé par AFLAM après la projection du film, le 12 janvier à 19h30.

L’homosexualité fut longtemps taboue à Hollywood. Le code Hays veillait à purifier les scénarios de tout élément contraire à la «bonne» morale ! Le documentaire de Rob Epstein et Jeffrey Frieman, The Celluloid Closet, projeté le 15 janvier à 19h30 au Cinéma Le Gyptis, passe en revue les subterfuges imaginés par les cinéastes pour déjouer la censure, analysant à travers 120 films l’évolution de la représentation des homosexuels à l’écran. Projection suivie d’une rencontre avec Didier Roth-Bettoni, auteur de L’homosexualité au cinéma. Cinéma Le Gyptis, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

Business Club

Le 19 janvier à 20h, soirée Vidéo FID : projection de Business Club de Chloé Mahieu et Lila Pinell (Première mondiale, Compétition premier film, FID 2015), en présence des réalisatrices. Le portrait d’Arthur, un jeune businessman, aristo, qui a fondé sa marque de vêtements il y a 10 ans ; c’est une clientèle huppée qu’il vise au départ. Mais la crise et les temps changent, les tendances aussi. «Tout changer pour que tout reste pareil». C’est le projet qu’Arthur va tenter de mener à bien, quitte à devenir punk ou à dealer avec un chinois... FID, Marseille 04 95 04 44 90 www.fidmarseille.org

Philippe Faucon

The Celluloid project de Rob Epstein et Jeffrey Frieman © TriStar Pictures

Et toujours Pasolini

Dans un cycle qui se propose d’explorer tabous et transgressions, le réalisateur des 120 journées de Sodome s’impose : Pier Paolo Pasolini, poète, écrivain, cinéaste dont le drame fut, selon Sollers, «de ne pas s’être contenté d’un juste milieu... mais d’être allé tout de suite aux extrêmes, c’est à dire Sade et l’Evangile». Le 24 janvier à 17h, projection au cinéma Gyptis de Théorème, suivie d’une conférence de Hervé JoubertLaurencin sur l’œuvre pasolinienne, et à 19h30, le terrible Salò, interdit aux moins de 16 ans, où de riches notables fascistes emprisonnent dans un somptueux palais des adolescents pour exercer leur domination sur leurs jeunes corps. Cinéma Le Gyptis, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

Cinéma Le Gyptis, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

Le 23 janvier, à l’Eden Cinéma de La Ciotat, une Carte Blanche est donnée à Philippe Faucon qui présentera deux films. À 18h30, Mes 17 Ans (1996), coécrit avec le documentariste William Karel d’après le livre de Barbara Samson sur une adolescente qui cherche un remède à son mal de vivre ; et à 20h30, un film prémonitoire, La Désintégration (2012), l’histoire de trois jeunes Lillois qui basculent dans le terrorisme islamiste. Eden Cinéma, La Ciotat 04 96 18 52 49 www.edencinemalaciotat.com

Portraits de femmes

Du 5 au 9 janvier, l’Eden Cinéma propose une sélection de grands films autour des Portraits de femmes, présentés par Emmanuelle Ferrari. Persona d’Ingmar Bergman (1967) le 5 à 18h30 et les 7 et 19 à 20h30. Médée de Pasolini (1970) avec Maria Callas les 8, 15, 17 et 26. Les 6, 26 et 28 janvier, ce sera Eva de Joseph Losey (1962) avec Jeanne Moreau et Virna Lisi. Les 8, 13 et 30, Laura de Preminger avec Gene Tierney. Sans oublier, L’Histoire d’Adèle H de François Truffaut (1975) le 5 à 20h30 et les 12 et 19 à 18h30 avec Isabelle Adjani qu’on retrouvera, les 9, 12 et 24 dans La Reine Margot de Patrice Chéreau qui a reçu deux prix à Cannes et cinq César en 1995. Eden Cinéma, La Ciotat 04 96 18 52 49 www.edencinemalaciotat.com

Théorème de Pier Paolo Pasolini © Tamasa


La cause aborigène

Charlie's Country de Rolf De Heer © Nour Films

Le 17 janvier à 18h30, à l’Eden Cinéma, Art et Essai Lumière propose Charlie’s Country de Rolf De Heer, un film consacré à la cause aborigène, inspiré par le comédien David Gulpilil, qui a coécrit le scénario et interprète un personnage qui lui ressemble. Charlie, ancien guerrier aborigène, décide de retourner vivre dans le bush à la manière des anciens… La projection sera suivie d’une intervention de Virginie Bernard, doctorante en anthropologie et histoire de l’Australie à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) et au CREDO (Centre de Recherche et de Documentation sur l’Océanie). Art et Essai Lumière, La Ciotat 06 64 85 96 40 www.artetessailumière.fr

En terres zadistes

Voyage en pays nantais le 6 janvier à 19h30 au Cinéma Les Variétés. Vincent Lapize y présentera Le dernier Continent, tourné de 2012 à 2014, dans la ZAD de Notre- DameDes-Landes. Zone d’Aménagement Différé pour l’État Le dernier Continent de Vincent Lapize © Réel Factory et À Perte de Vue et les promoteurs, favorables à la construction de l’aéroport Grand Ouest. Zone À Défendre pour ceux qui ont investi ces quelque 2 000 hectares de bocages et forêts, bloquant le projet. Le réalisateur nous immerge dans une lutte politique et s’intéresse surtout à la découverte collective par les militants venus d’horizons divers, d’un mode de vie plus écologique, d’une utopie à réinventer au quotidien. Ce film sera précédé du court métrage No Ouestern, réalisé par le Collectif Les Scotcheuses, épopée fantastique et «post-apocalyptique» de deux auto-stoppeuses en terres zadistes. Cinéma Les Variétés, Marseille 08 92 68 05 97 www.cinemetroart.com


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Cour(t)s de vie L

a soirée de clôture du Festival Tous Courts d’Aix est toujours très attendue et pour la 33e édition, le public était au rendez-vous : l’Auditorium de la Verrière, à la Cité du Livre était comble ! Les différents jurys ont décerné quinze prix à des films dont certains, évoquant la solitude ou la mort, parlent de rencontres et de vie. C’est le cas du Grand Prix de la Compétition Internationale, Le Chat Perché de Janis Abele, où un trio de jeunes Lettons virevolte, sectionne les cadenas d’amour accrochés au pont, grimpe sur les toits, tandis que dans le ciel passent et repassent des avions de chasse, annonçant une guerre qui se prépare. On pense à la Nouvelle Vague, à Godard

ou à Truffaut. Riga remplace Paris. Insouciants ou feignant de l’être, ils vivent intensément même si l’un d’eux a le «syndrome des cœurs brisés», et si la mort -à bout de souffle- le guette. Rien ne va plus non plus pour Laurent, le trentenaire de La Couille d’Emmanuel Poulain-Arnaud, à entendre au propre et au figuré. Largué par sa copine, contraint de revenir chez une mère intrusive plus vraie que nature, il apprend qu’il est atteint d’un cancer du testicule. Rendre drôles tous ces malheurs, c’est une affaire d’écriture : c’est donc très logiquement que le réalisateur et son coscénariste Noé Debré obtiennent le Prix du scénario pour cette comédie autour de la peur de mourir. C’est d’ennui qu’Hélène meurt, auprès d’un mari qui ne l’écoute pas, ne la regarde pas, ne lui parle pas. Sa rencontre inattendue avec Arne, un jeune homme perché sur un arbre, aussi seul qu’elle, qui fuit une mère bien peu attentive, va lui permettre de se sentir revivre. Dans cet art de la fugue, ils vont peu à peu se découvrir, se confier, boire, danser, rire, se baigner, nus, libres, s’abandonner à la vie… le temps d’une nuit. Springtij de Jeannice Adriaansens a obtenu le Prix du Jury Jeunes.

Palmarès

ANNIE GAVA et ELISE PADOVANI

Feux de Mali Arun

Le Festival Tous Courts, Rencontres Cinématographiques d’Aix-en-Provence a eu lieu du 30 novembre au 5 décembre www.festivaltouscourts.com

y Prix des Enfants

The Gold Watch de Joachim Nakagawa Straning

y Prix du Public

Shok de Jamie Donoughue

y Prix du Jury Jeunes

Springtij de Jeannice Adriaansens

y Prix uniFrance Films

La Plage de Keren Ben Rafael

y Prix France 3 Libre Court

La Plage de Keren Ben Rafael

y Grand Prix Expérimental L de Jacques Perconte

y Prix du meilleur Scénario

La Couille d’Emmanuel Poulain Arnaud

y Prix du Jury

y Grand Prix de la Compétition Internationale Le Chat Perché de Janis Abele

Springtij de Jeannice Adriaansens © Amorarte

Travellings islandais L

e Festival Tous Courts proposait cette année un focus sur l’Islande. Pays bien étrange dont la superficie ne dépasse pas 1/5 de celle de la France, mais dont la culture florissante s’exporte dans le monde entier. Le voyage cinématographique, accompagné par la réalisatrice, productrice, membre du jury, Vera Sölvadóttir et par le directeur général des festivals du centre du film islandais Christof Wehmeier, s’est déroulé sur deux programmes de 6 courts chacun, le plus ancien Síðasti bærinn réalisé en 2004 par Rúnar Rúnarsson, les plus récents datant de 2014. Suicides, réussi ou raté, initiations cruelles d’adolescents à la sexualité, coming out difficile pour un homme comme pour une femme dans une île où on ne se fond pas si facilement dans l’anonymat, solitude, mal être... Pas de franches comédies dans cette sélection

Hvalfjordur (Le Fjord des baleines) de Guðmundur Arnar Guðmundsson © Fourhands FilmHvalfjordur

mais un humour décalé et une observation bienveillante de la nature humaine qui rassérène. Ainsi Bræðrabylta de Grimur Hákonarson dont le long métrage Béliers est actuellement à l’affiche, et qui filme dans ce court de 2007, la Glíma, lutte islandaise héritée des Vikings, comme lieu de rencontre d’Einar, un fermier et Denni, un conducteur de travaux. Corps à corps dansé par lequel le désir s’exalte dans la distance

imposée, l’esquive, le déséquilibre, le placage. Métaphore du combat contre un amour interdit qui finit par se révéler à tous. Ainsi Goður Staður de Lars Emil Árnason, fable politique drôle et tendre où des handicapés dans un centre fermé savent bien contourner les règles d’une fausse démocratie. Ou encore In search of livingstone, road movie à l’islandaise où deux amis cherchent désespérément des cigarettes introuvables en

raison d’une grève nationale. Ce qui unit ces récits filmiques, outre le talent des scénaristes, c’est la prégnance du paysage. Grandes étendues pierreuses, landes herbues traversées par des routes désertes, chaos de lave noire, no man’s lands au milieu desquels est posée une maison de pierres et de tôle. À l’horizon, des montagnes volcaniques parfois enneigées ; en limite du cadre, la mer ou la langue d’un fjord. Paysage insulaire épuré, parcouru en travellings ou saisi en plans fixes, participant à l’écriture filmique elle-même. Les sujets universels s’y colorent de jaunes ocrés de gris de verts avec parfois une touche de violet. ELISE PADOVANI

Le Festival Tous Courts a eu lieu du 30 novembre au 5 décembre, à Aix-en-Provence


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Méditerranées C’

est en musique qu’a démarré la remise des prix du PriMed, à la Villa Méditerranée, avec le groupe Radio Babel Marseille, suivi de la marraine de la 19e édition, Biyouna, en présence de personnalités des télés, des partenaires, des réalisateurs et d’un public nombreux.

Mémoire de la Méditerranée…

Certaines tragédies de l’Histoire restent méconnues. Ainsi, l’évacuation forcée de la population grecque des côtes d’Asie Mineure, en juin 1914. L’archéologue Félix Sartiaux qui s’y trouve en mission archéologique sur les traces de l’Ancienne Phocée en est le témoin : il prend des photos, sauve un grand nombre de Grecs et écrit un livre, Le Sac de Phocée. Dans Evénements de Phocée 1914, Agnès Sklavos et Stelios Tatakis

hommes et femmes, qui pourraient être chacun d’entre nous, avec bienveillance, humour et une grande tendresse, interrogeant les frontières de ce qu’on appelle la folie.

Des filles en Méditerranée

L'accademia della folia © Point du Jour

décident de rendre hommage au combat de Félix Sartiaux, interrogeant historiens, spécialistes et descendants de réfugiés. Un documentaire qui, malgré quelques séquences trop illustratives, a le mérite de faire connaitre cet «épisode» oublié pendant lequel 130 000 personnes ont été déplacées.

Théâtre en Méditerranée

Dario, Pino, Donatella, Charlie sont les acteurs de L’Accademia della follia de Trieste, une troupe dirigée par Claudio Misculin, née de l’anti psychiatrie de Basaglia. Ils répètent Astérix, le royaume des dieux. Anush Hamzehian nous montre ces

Comme nous l’avions pressenti (lire sur journalzibeline.fr), c’est Speed Sisters qui remporte le Prix Averroès Junior. Amber Fares y suit Marah, Betty, Noor, Mona and leur coach, Maysoon, venant de milieux différents. Soutenues par leur famille, elles s’entrainent à la course automobile dans un pays où c’est loin d’être évident : préjugés, check points, violence… La documentariste a réussi non seulement à nous faire partager la vie mais aussi à nous communiquer, par ses choix de cadre et de montage, l’énergie de ces cinq jeunes Palestiniennes décidées à vivre jusqu’au bout leur passion et à décrocher le titre de femme la plus rapide de Palestine. ANNIE GAVA La 19e édition du festival PriMed, organisé par le CMCA, s’est déroulée à Marseille du 5 au 12 décembre (voir Palmarès complet sur journalzibeline.fr)

Voyage en barbarie «M

igrants», «Réfugiés», des termes génériques qui cachent une grande diversité d’histoires, de souffrances. De celles qu’on entend sans en peser la juste mesure d’horreur et de sang, sans trop y croire parfois. Voyage en barbarie, le documentaire de Delphine Deloget et Cécile Allegra, lauréates du Prix Albert Londres 2015, part de cette incrédulité devant le Mal absolu. Robbel, Germay, Filmon, Daniel et Halefom sont Érythréens. Comme 50 0000 de leurs compatriotes, fuyant en masse depuis 10 ans la folie paranoïaque et éthylique du dictateur Issayas Afeworki, ils ont été capturés par des bédouins, vendus, transférés dans des camps du Sinaï, torturés pour obtenir une rançon exorbitante des familles, contraintes à écouter leurs hurlements de douleur et leurs appels à l’aide par téléphone. Rescapés, «en vie par erreur», ils résident au Caire, en Suède, «une histoire de circonstances». Voix off évoquant les sévices infligés par leurs bourreaux sur un paysage suédois givré et pacifique, conversations intimes autour de leurs expériences respectives, reconstitutions mimées, témoignage face à la caméra, ou à la fonctionnaire de l’immigration chargée de leur attribuer un statut, suppliques des mères demandant l’aide de Meron Estefanos, journaliste, engagée dans la lutte contre ce trafic impuni, la mise en scène terriblement

hommes, nourris, soignés, logés, riant dans la neige, se sont finalement libérés du cauchemar que continuent à vivre tant d’autres, si à la fin du film, leur corps supplicié à peine montré jusqu’alors, ne se dévoilait, tel qu’il était à la sortie des camps, et tel qu’il demeure, mutilé, marqué à jamais : «Ma peau en dira toujours plus que mes mots» conclut l’un d’eux. ELISE PADOVANI

Voyage en barbarie de Delphine Deloget et Cécile Allegra © Memento

efficace de leur voyage en barbarie s’impose au spectateur. Il entend horrifié le point de vue d’un tortionnaire non repenti, considérant ses exactions comme une entreprise commerciale justifiée par la pauvreté de son pays, ou à peine rassérénant, celui d’un cheikh salvateur qui réprouve l’omerta des populations ! Il aurait pu croire que ces jeunes

Le film Voyage en barbarie projeté à la Villa Méditerranée le 11 décembre dans le cadre de Festival PriMed et suivi d’un débat passionnant sur Les chemins de l’exil, a obtenu le Grand Prix du documentaire Enjeux Méditerranéens (voir Palmarès complet sur journalzibeline.fr)


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L’union fait la force En cette période difficile, le besoin d’échanges se manifeste dans bien des secteurs culturels…

A

insi, les 21 et 22 novembre, se sont tenues au Polygone étoilé et aux Variétés, les premières Assises nationales de la création cinématographique organisées par l’AARSE. Après avoir abordé la genèse des projets, leur accompagnement, la création artistique face au formatage du marché, c’est de la diffusion des œuvres dont il fut question. Avaient été conviés, un peu à la hâte, des festivals, des cinéastes, des exploitants autour de questions tendant à souligner un clivage entre les parties et assimilant l’auteur à un mouton que tout le monde tondrait : les municipalités qui font des festivals un outil de promotion, les salles qui se dédouanent de ne pas programmer un cinéma d’auteur, et les festivals eux-mêmes qui vivraient de subventions publiques sans payer ni les droits d’auteur, ni le travail d’accompagnement des réalisateurs invités. Oppositions festivals/directeurs de salles, auteurs/festivals vaines comme l’ont souligné certains, à juste titre. Si les festivals sont nés de lacunes de la distribution traditionnelle soumise aux lois commerciales, s’il est facile de se gausser de la «festivalite» thématique comme d’aucuns l’ont fait, ils sont souvent le seul espace où les réalisateurs peuvent présenter leurs œuvres même sans distributeur, et rencontrer un public.

© Annie Gava

La plupart des festivals paient les droits, fonctionnent avec des bénévoles tout en essayant de développer des emplois salariés ou intermittents. Certains accompagnent les artistes leur proposant des résidences, montrant leurs films en chantier. Beaucoup s’investissent dans un travail de terrain : éveil artistique et citoyen auprès des scolaires. Au-delà des doléances qui ont failli stériliser la réflexion, ont été présentées des initiatives intéressantes, comme, en Aquitaine, un réseau qui rédige un guide pour rémunérer le travail de partage entre

auteur et public ou des comités de spectateurs-programmateurs.

Forum des festivals de cinéma

Les festivals aussi ont ressenti le besoin de se rencontrer et le 1er décembre, le Festival Tous courts accueillait à la Cité du livre d’Aix le 1er forum des festivals de cinéma en PACA. 15 sur les 35 répertoriés avaient répondu à l’invitation ainsi que les représentantes de la Ville, Département et Région, pour faire un état des lieux, imaginer un avenir commun dans

un contexte économico-politique délicat. Baisse de subventions, foisonnement des réglementations, mutations et recomposition des territoires accompagnées de transferts des compétences, méconnaissance parfois du côté des élus du rôle des opérateurs culturels, de leurs besoins, de leur «timing». À travers, entre autres, les interventions du représentant du Carrefour des Festivals, les exemples de mise en relation entre adjoints à la culture et responsables de festivals en pays d’Apt, le témoignage de Bruno Jourdan délégué général d’Image de ville faisant bureaux communs avec le Festival tous courts ou encore celui de Laurent Trémeau (Un Festival C’est Trop Court de Nice) sur le recours au Groupement d’Employeurs pour sauver des emplois, s’est affirmée la nécessité vitale d’une mutualisation. Pour avoir plus de poids face aux politiques, rationaliser les moyens, affirmer la volonté commune de défendre un cinéma qui ne soit pas simple divertissement. De telles solutions peuvent sembler tendre à gérer voire à cautionner une précarité qui deviendrait norme. Faire plus ou autant avec de moins en moins. Il n’en est rien. Le pragmatisme pour tenter de sauver les structures n’exclut pas l’offensive. Un nouveau rendez-vous était pris avant la projection de petites perles proposées par 9 festivals de la Région, illustration parfaite de leur complémentarité. Être unis pour être plus forts, c’est vieux comme le monde. La mise en œuvre du principe est souvent délicate. Il faudra beaucoup d’énergie pour coordonner et mener à bien ce projet mais c’est sans doute le seul moyen pour survivre. ANNIE GAVA et ELISE PADOVANI

Les Assises nationales de la création cinématographique se sont déroulées à Marseille les 21 et 22 novembre et le 1er forum des festivals de cinéma en PACA à Aix-enProvence le 1er décembre


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Le festival Jean Rouch : deuxième ! D

u 11 au 13 décembre, au MuCEM, le deuxième festival Jean Rouch s’est enrichi d’une master-class de Jean Gaumy, dont les films projetés, La Boucane et Jean-Jacques, nous conduisent dans cette Normandie où vit le réalisateur, à la rencontre profondément humaine des ouvrières d’une fumerie de harengs aujourd’hui disparue ou de ce JeanJacques qui sous le regard de Gaumy et grâce à lui passe du statut de «fou de village» à une dimension bien plus complexe. Même alchimie dans les rapports que tisse Florian Geyer avec Miguel lors de son apprentissage dans Garçon Boucher. Les autres films nous entraînent loin de l’hexagone. Du côté de la Chine avec l’émouvant Han Da Han de Gu Tao et le captivant La lampe au beurre de yak de Hu Wei. Mais dans plusieurs films les choses se jouent à cloche pied sur les frontières. Dans le poétique et politique Deux fois le même fleuve, Effi Weiss et Amir Borenstein, expatriés d’Israël en Belgique depuis des années, y retournent s’interroger et interroger leurs ex-compatriotes sur le rapport au pays natal, en suivant le Jourdain dont les eaux au début limpides ne cessent de s’obscurcir. Dans Cantique pour Argyris de Stefan Haupt, Argyris Sfoundouris a survécu au massacre du village grec de Distomo, perpétré par la Wehrmacht. Recueilli par la Croix Rouge, il suivra des études à Zurich qui feront de lui un astrophysicien. Marqué par l’incompréhensible folie qu’il a vécue, devenu apatride au temps des colonels pour son engagement, il n’aura de cesse de faire reconnaître la responsabilité de l’Allemagne,

A Family Affair d’Angeliki Aristomenopoulou © Hi Gloss

en vain. Un film sur certains points si dérangeant que les télévisions n’ont pas encore pris soin de le programmer. Pour finir, A Family Affair d’Angeliki Aristomenopoulou nous conduit à la rencontre des Xylouris, illustres musiciens crétois, le grandpère, le père qui a épousé une Australienne et les petits-enfants, pris entre la Crête et l’Australie. Mais le pouvoir de la musique est le plus fort et a fait la clôture du festival d’une façon souriante.

La deuxième édition du festival Jean Rouch a eu lieu du 11 au 13 décembre au MuCEM

ANDRÉ GILLES

Risque tout L

es Rencontres Internationales Sciences et Cinémas osent tout : l’ultra-expérimental côtoie l’exposé clair et pédagogique, la forme soutient le fond -parfois, c’est l’inverse-, l’humour va titiller le poétique... En ce sombre mois de novembre, il fait bon rejoindre la chaleur des salles de projection, le rituel collectif du cinéma, le plaisir de se poser des questions, ensemble. Les spectateurs ne s’y sont pas trompés, venus fidèlement, bien plus nombreux qu’on aurait pu le craindre après les attentats qui ont frappé la capitale. Le 22 novembre, les Rencontres donnaient carte blanche au festival new yorkais Imagine Sciences Films, en présence d’Alexis Gambis, son directeur artistique. Sur une note expérimentale dominante, on a pu y voir un éventail

© Le Secret des Glaces de Loïc Fontimpe

très large de propositions, entre le documentaire et la fiction. La visualisation de données (celles du prix Nobel Eric Betzig sur le développement de la microscopie fluorescente à très haute résolution) flirtait avec l’artistique, étant dénuée de toute contextualisation,

comme les étranges formes organiques produites par imagerie médicale de Nicolas Brault. Deux fictions impertinentes, l’une de Stéphanie Cabdevilla, l’autre de Miryam Charles, nous mettaient face à une fille bionique, alias dangereux à apprivoiser, ou aux

conséquences d’une mystérieuse bombe attentant à la voix. Coup de cœur unanime, on ne peut plus de circonstance avec l’approche de la Cop21 : le court-métrage d’animation Le secret des glaces de Loïc Fontimpe, qui en 14 minutes dévoile le parcours scientifique exceptionnel de Claude Lorius. Cet homme, à qui l’on doit le secret du réchauffement climatique, percé par son étude de carottes de glaces prélevées en Antarctique, en a eu l’intuition... en buvant l’apéro. Comme quoi, la culture à la française n’a pas dit son dernier mot ! GAËLLE CLOAREC

Les Rencontres Internationales Sciences et Cinémas ont eu lieu du 21 au 28 novembre, à Marseille


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L’Abeille bourdonne toujours D

e 2011 à 2013, la cité de l’Abeille à La Ciotat s’est mise à bourdonner sans relâche à l’arrivée de Martine Derain, photographe et éditrice, directrice du projet artistique, de Suzanne Hetzel, photographe, Raphaëlle Paupert-Borne, peintre et cinéaste, de la compagnie de danse Ex Nihilo et du collectif de cinéastes Film flamme. Deux ans après cette résidence au long cours et la publication du journal de bord d’un quartier créatif, Prolongé d’un rien1, les souvenirs sont intacts. Autant que le plaisir de se retrouver à la galerie des Grands bains douches de la Plaine qui croise photographies, projections, dessins, livre, peintures et rencontre en compagnie des artistes et de Joëlle Zask. Ce prolongement dans le temps et sur le territoire soulève des questionnements (quel sens donner à ce regard dans le rétroviseur ? les traces de rencontres partagées ont-elles le même poids ?) et unit les artistes dans leur conviction. «C’est un travail artistique fait avec les habitants qui peut-être vu ici ou ailleurs, aujourd’hui ou dans cinq ans car il dépasse le temps de MP2013 et le cadre de La Ciotat. Les films de Film flamme circulent toujours dans les festivals» souligne Martine Derain. Suzanne Hetzel, elle, se souvient que «chacun a apporté ce qu’il avait envie de donner le plus profondément en lui. Une qualité de présence liée à une façon artistique de vivre dans le monde contemporain qui est transposable dans n’importe quel lieu». La nouvelle représentation

© Suzanne Hetzel, Objet trouvé, Abeille La Ciotat, 2013

donne à réfléchir sur le choix des toiles réalisées in situ, la sélection des photographies et des objets en dialogue, l’agencement d’un espace de consultation et de vente du livre. Mais surtout témoigne d’une aventure unique en son genre. Martine Derain a encore en mémoire la remarque d’un représentant de la municipalité : «Avec vous on a perdu notre langage sur les habitants.» Ceux

© Raphaelle Paupert-Borne, L'Équipe, 2013

qui ne sont pas productifs, les personnes âgées, les mères au foyer, les chômeurs, «les mauvais garçons», ceux qui étaient disponibles comme les artistes ! L’expérience fut exemplaire, là encore, pour Raphaëlle Paupert-Borne qui «ne peut plus créer comme avant. C’était un espace de liberté, dans le lieu, la cité et avec les autres artistes. Ce fut l’occasion d’inventer une utopie ensemble». Une utopie indispensable par les (mauvais) temps qui grondent… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

E

xercice délicat que de passer après Hugues Le Gall au Château Borély : inventive et ludique, son exposition Pop art design avait enchanté le musée des Ars décoratifs, de la Faïence et de la Mode (voir Zib’85) ! La proposition de Fotokino, Play (design pour les martiens), joue sur le même ressort : inviter des designers, graphistes et artistes contemporains à dialoguer avec la collection permanente. Mais sur la pointe des pieds, comme par effraction, là où Hugues Le Gall tirait les ficelles du cache-cache avec tambours et trompettes. Cette fois les pièces paraissent saupoudrées parmi les œuvres permanentes. Parfois un peu lourdement comme le vase en verre de Mathieu Peyroulet Ghilini, Contamination, qui trouve asile sur une commode de la Compagnie des Arts français et les trois

objets en verre réalisés par Julie Richoz au Cirva, laissés comme par mégarde sur la cheminée de la chambre d’apparat. Dessus de commode-dessus de cheminée, rien de vraiment original en terme de décoration… Plus subtile et lumineuse, l’intervention in situ de Fanette Mellier obstrue deux baies vitrées d’un vitrail en papiers colorés simplement liés par des gommettes. Avec délicatesse, quatrevingt-dix pièces de la série Something out of nothing de Yoko Homareda se substituent habilement aux autres porcelaines exposées en vitrines, jouant les trouble-fête sans pétarader. Juste en imposant leurs fragiles coquilles, elles provoquent une rupture formelle avec les objets usuels, s’habillent de frivolité là où théières, tasses et soucoupes en sont «réduites» à décorer la table. Mais toutes ces pièces uniques partagent le même souci de perfection, la même quête de la forme idéale et de la finesse de l’ouvrage. Dans ce vaste jeu de design imaginé pour des martiens débarquant sur notre planète à la recherche de trésors archéologiques, si certaines formes ne suivent pas la fonction, certains dessins en tissu annoncent la couleur ! Du dessin au coussin et des cimaises au sofa, neuf modèles de Nathalie

Something out of nothing, 2013, 90 éléments, porcelaine, collection de l'artiste © Yoko Homareda

Avec Fotokino, le design s’amuse


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Élégies d’hiver Dans l’espace de la galerie-atelier du Collectif E3, Nous avons aimé évoque un regard rétrospectif comme un sentiment de nostalgie

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© Martine Derain, Quelqu'uns photogramme super 8

Livre publié en janvier 2014 aux éditions Commune suite au Quartier créatif de l’Abeille (Zib’70) 1

D’un rien prolongé jusqu’au 23 janv Art-Cade, galerie des Grands bains douches de la Plaine, Marseille 1er 04 91 47 87 92 www.art-cade.org

embre du Collectif E3 avec le photographe Lionel Roux, Thibault Franc est un drôle de gars. Après des études de philosophie, il entreprend définitivement, en franc-tireur, un projet de vie artistique autodidacte, atypique, méfiant quant aux formes institutionnelles proposées par les écoles ou les lieux conventionnels de diffusion de l’art. Dans l’espace-atelier expérimental partagé arlésien -un ancien magasin aux grandes vitrines en quinconce visible de la rue, à deux pas entre le musée Réattu et la récente Fondation Van Gogh- le nouvel accrochage, tel un condensé d’une exposition encore à construire, s’inscrit dans un aimable et hétéroclite capharnaüm. Seules des fiches bristol manuscrites épinglées sur les murs permettent de distinguer les œuvres sélectionnées pour l’événement d’avec celles de l’atelier. Car Nous avons aimé fonctionne sur le principe des coups de cœur du libraire, matérialisés par une petite carte commentée apposée près du livre. Mais dans le confinement de la galerie règne avant tout un état d’esprit qui nous parle du temps. Quand les choses sont encore données à voir, la présence de notre expérience en est déjà renvoyée au passé, immédiat ou plus antérieur. Les trois portraits féminins peints par Thibault Franc portent l’empreinte d’une émotion rosie de nostalgie. Les cages thoraciques de Lucie Ferlin se figent en vanités squelettiques. Les dix-huit pochades paysagères, sur les mille de la série peinte d’après nature à travers le monde par Olivier Masmonteil déclinent leur pittoresque de carte postale. Pour sa part, David Lep0le a «reliké» le principe Facebook en ajoutant un cœur. Mais les captures d’écran montrent des images bien dégradées, ajoutant au non-sens répandu par le réseau social. Chacun des artistes pose ici un regard rétrospectif, existentiel, des parts de vie personnelles, sentimentales, un brin de nostalgie, un soupçon d’amertume parfois. Nous n’avons pas pu expérimenter la proposition sonore de Rémi Sabouraud : des copeaux de truffe nappés d’huile dont la présence se perçoit via un casque d’écoute. Nous aurions certainement aimé... CLAUDE LORIN

M.G-G

L’exposition a également été présentée dans le cadre de la 12e édition de Laterna Magica du 4 au 13 décembre à Marseille Play (design pour les martiens) jusqu’au 21 février Château Borély, Marseille 8e Play (la règle du jeu) jusqu’au 31 janvier Studio Fotokino, Marseille 1er 09 81 65 26 44 www.fotokino.org

Nous avons aimé, Pique de coeur de Lucie Ferlin, 2015 © C. Lorin/Zibeline

Du Pasquier font preuve du renouveau de la création textile appliquée à la décoration intérieure. L’empreinte de Fotokino est plus visible encore dans le choix des films d’animation diffusés dans l’espace multimédia : Tikerimuuri de Jenni Rope (2011) et Aanaatt de Max Hattler (2012) transforment les formes, les couleurs, les volumes en un mécano géant, géométrique ou abstrait. Déconnecté de l’objet et donc hors du champ du design.

Nous avons aimé jusqu’au 1 janvier Galerie du Collectif E3, Arles 06 65 25 34 15 http://collectife3.free.fr


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Le banquet des artistes D’

Natacha Lesueur, Sans titre, 2009, collection de l'artiste © ADAGP, Paris 2015

Arman et Olivier Bernex à Gérard Traquandi et Solange Triger, vingt-sept artistes se mettent à table au Musée d’art de Toulon. L’ambiance est festive, et pour cause : peintures, photographies, installations sont à la carte avec, en mignardises, quelques recettes de leur cru et autres souvenirs consignés dans le catalogue. Nés dans le Midi ou simplement de passage, tous ont trouvé en Méditerranée une source d’inspiration et de quoi alerter leurs papilles. Tous ont abordé «les thèmes de la nourriture et du repas dans leurs représentations les plus diverses», au propre comme au figuré. Constitutif de l’œuvre de Claire Dantzer, l’aliment s’affranchit de son territoire réservé, la cuisine, pour le territoire réservé à l’art : le musée. L’artiste met les mains dans le chocolat et crée, in situ, une œuvre murale olfactive qui éveille les sens des visiteurs dès le vestibule, tandis que Noël Dolla intègre biscuits et friandises dans ses Gâteaux Bobo confectionnés en résine, agrémentés d’hameçons. Transposées en leurres, les œuvres sont alors de séduisants appâts ! Entre les mains de Natacha Lesueur, la nature morte n’est plus aussi inerte que par le passé : la photographe dresse le portrait de la star hollywoodienne Carmen Miranda à grand renfort de

fruits périmés et flétris, troublant visage irradiant de bonheur mais voué à pourrir… De composition plus classique, les natures mortes de Vincent Bioulès se laissent dévorer par une abondance de motifs et d’ornements qui leur donnent un nouveau statut. Là les plus humbles légumes sont dressés à même la table, sans dentelle fine ni verres éclatants, à mille lieues des tableaux hollandais du XVIIe siècle. Comme si les plaisirs de la table étaient éternels, certains citent les maîtres -Matisse, Manet et Morandi- tout en revisitant les recettes à leur sauce. Techniques mixtes sur toiles de coton recousues entre elles pour Georges Autard, huile sur toile pour Serge Plagnol et son déjeuner sur les plages du Mourillon, canettes de bière et de soda usagées pour Michel Dufresne. Des objets liés à la nourriture

Quatre fois VRRR omme «l’artiste existe hors du vernissage, de la galerie, de l’exposition, du salon, de la foire», Benoît Bottex et Hildegarde Laszak lui ont conçu un nouvel habitat : le Festival VRRR, «un temps manifeste (qui) coince son crayon entre l’individu et le groupe». Ils ont planté le décor au rez-de-chaussée du Musée d’art de Toulon, invité douze artistes plasticiens de Toulon, Paris, Lyon, Morlaix, Marseille, Manchester et Turin, et dix-sept musiciens et compositeurs. Dont certains, fait exceptionnel, sont élèves au CNRR de Toulon ! Le défi ? Créer ensemble «une zone temporaire de Liberté», un espace de création perpétuel car le public assiste, de jour en jour, à des formes évolutives, des performances, des accrochages éphémères. Au Festival VRRR, l’artiste et l’art sont vivants, palpables. À portée

Festival VRRRR © MGG /Zibeline

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de main de ceux qui souhaitent converser, questionner, comprendre l’acte créatif, percer les mystères techniques. «Le principe est que tout se construit in situ

durant trois jours afin de garder une énergie créatrice collective, explique Benoit Bottex. Cette année la scénographie s’inspire de Joseph Beuys : nous avons installé une cage

pour enfermer les musiciens, nous l’avons garnie de feutre et de paille pour assourdir les sons. Toutes les performances se déroulent dans cet espace.» Sur de larges tréteaux ou à même les murs, grâce au matériel offert par Clairefontaine et LabelArt, esquisses, ébauche et projets apparaissent progressivement. Ce qui plait visiblement au public (2 500 personnes en 2014) et aux jeunes artistes comme Roca Balboa (Paris), invitée pour la première fois : «J’ai été séduite par le travail d’Hildegarde et par le projet qui défend des valeurs un peu irrévérencieuses sans que ce soit gratuit. Le festival est audacieux car la liberté d’expression est totale.» À 25 ans, diplômée de l’École Estienne en typographie, Roca Balboa a approfondi son travail en explorant l’espace et en exposant quelques dessins au mur. C’est un premier pas :


Le canevas au féminin donc, mais également des restes de repas ordonnés sur la toile par Daniel Spoerri qui, dès les années 60, introduisait la nourriture dans ses œuvres. Alors que l’exposition précédente À table en Provence évoquait l’identité culinaire régionale à travers ses représentations picturales de 1850 à 1940, l’idée goûteuse de Délices d’artistes est d’offrir un tour de table intergénérationnel. Des années 70 à aujourd’hui, les artistes convient leurs hôtes à partager avec eux un festin ou l’illusion d’un festin. © Lothaire Hucki, octobre 2015

M.G.-G.

À table en Provence a été présentée au Musée d’art de Toulon du 15 novembre 2014 au 1er mars 2015 (Zib’80) Délices d’artistes jusqu’au 10 avril Musée d’art, Toulon 04 94 36 81 01

«Je ne suis pas encore dans l’expérimental, dans le travail en direct avec d’autres artistes mais cette dimension-là m’intéresse vraiment.» Pour Léna Durr (Toulon), déjà repérée à la BJCEM 2014 à Ancône, l’enjeu du festival est de présenter le catalogue d’objets hétéroclites qu’elle collectionne depuis son enfance, dans lequel elle puise «l’essentiel des éléments qui contextualisent ses installations et ses mises en scène photographiques». Après une exposition à la Station à Nice et deux résidences au Moulin à La Valette-du-Var et au Lycée agricole de Hyères, Léna Durr exposera son travail en janvier prochain à la Maison de la photographie à Toulon. En attendant, le public la découvre à la table où elle s’exerce au dessin avec quatre couleurs seulement. Certains osent lui parler, d’autres seulement la regarder par peur de la déranger... MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Festival VRRRR s’est déroulé les 20, 21 et 22 novembre à Toulon www.manoeuvrrrr.fr

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mpruntant aux gestes traditionnels de la couture, de la broderie et du tricotage, Virginie Hervieu-Monnet, Sandra D. Lecoq et Sara Ouhaddou tissent ensemble un dialogue à points serrés. Venues respectivement de Marseille, Nice et Draguignan, elles trouvent à l’Espace d’art Le Moulin un cadre à leur (dé)mesure. Des voûtes en pierres, des cimaises blanches aérées, des percées au sol lumineuses qu’elles habitent de sculptures tramées, d’objets design et de reliefs muraux. Tel le Pénis Carpet 4 «Yellow» de Sandra D. Lecoq qui s’ébat joyeusement à même le sol, en tissus tressés multicolores, bref, bandant ! Le corps éventré de Contexture 2 de Virginie Hervieu-Monnet, comme un gros animal échoué, n’est plus qu’une masse informe de films plastiques polyéthylène. On est tenté de voir dans ces déchets et rebus la dénonciation des traces laissées par nos sociétés de consommation, gestes anti écologiques absolus… Tels encore les «tapis» de caoutchouc recyclé de Sara Ouhaddou perlés de fines broderies, épinglés sobrement aux murs : des entrelacs de matière sombre surgit une cartographie imaginaire où tout est éclatement, dispersion, constellation. Reprenant à son compte le motif décoratif traditionnel artisanal, Sara Ouhaddou détourne un matériau moderne -le caoutchouc- à des fins quasi picturales. Côte à côte, trois pièces composent une frise où s’épanchent, en dégradés, des motifs bleus (compression), rouges (implosion) et verts (éclatement vertical). Et «l’objet entre deux», comme elle le nomme, devient unique. Avec Virginie Hervieu-Monnet, la laine retrouve sa légitimité dans des compositions murales à géométrie variable, à poids variable, «qui évoquent par leur composition la structure en forme de grille orthogonale, emblématique de l’abstraction géométrique historique». Ouvragées ou brutes, conceptuelles ou abstraites, sur le principe du tableau ou en 3D, mais dans la droite ligne de l’art textile -des tapisseries du moyen-âge aux courants Arts and Crafts, Art Nouveau ou Bauhaus-, les pièces de Virginie Hervieu-Monnet, Sandra D. Lecoq et Sara Ouhaddou frayent un nouveau chemin en résonance avec les mythologies et les rituels de la société actuelle. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Trame jusqu’au 9 janvier Espace d’art Le Moulin, La Valette-du-Var 04 94 23 36 49 www.lavalette83.fr


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Bêtes

Où l’on voit comment la bête se décline, tantôt monstrueuse parfois bébête, selon qu’on est Frédéric Clavère, Aurélien Louis, Patrick Pavan ou Michel Audiard qui propose un hommage à l’ours blanc emblématique et lisse de Pompon, revisité par strates façon imprimante 3D. C.L. Bestiaire jusqu’au 10 janv Galerie Saint Laurent, Hall des Antiquaires, Marseille 04 91 47 45 70 www.galeriesaintlaurent.com

Vue partielle de l'exposition, sculptures de Michel Audiard © Nicolas Klein

Alertes

Il y a plusieurs façons de regarder et photographier la méditerranée. Franck Pourcel a choisi d’en explorer l’humanité fragile parfois des plus abruptes. À la rencontre de l’exil, d’échappées insensées, de migrations forcées lancées vers des attentes désespérées, les limites, la solitude. C.L. Un homme à la mer jusqu’au 3 janv Friche Belle de mai, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

Totem, Lampedusa, Italie, 2012 © Franck Pourcel

Petits cadeaux

Des œuvres à offrir au prix d’une repro chic ? On peut y croire ! Grâce aux propositions généreuses d’une quinzaine d’artistes dont Susana Barrantes, Sylvie Colin, Véronique Dominici, Cécile Perra... dans une exposition-vente collective renouvelée pour sa deuxième édition. C.L. C’est pas toujours Noël #2 Galerie Andiamo, Marseille jusqu’au 30 janv 04 91 95 80 88 www.festivalpoc.fr

Les trois Belles, une œuvre de Véronique Dominici © X-D.R

Chat qui rit

Il est apparu dans l’espace urbain voilà près de vingt ans. Le félin fétiche du graphiste urbain franco-suisse Thoma Vuille, alias «Monsieur Chat», s’est vu des ailes lui pousser un jour dans le dos. Sans jamais se départir de son éternel sourire un poil forcé, M. CHAT saute de la rue aux cimaises de la galerie. C.L. jusqu’au 9 janv Galerie Saltiel, Aix-en-Provence 04 42 39 23 37 www.galeriesaltiel-aix.com

© M. CHAT


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Photos du Maroc

Le Maroc recèle de nombreux créateurs contemporains et les photographes ne sont pas en reste. Les femmes point davantage. Souad Guennoun est l’invitée d’honneur du festival, où se succèdent Thami Benkirane, Laila Hida, Ghita Skali, Fatima Mazmouz et Mohamed Mali, pour un printemps... hivernal en somme. C.L. Printemps photographique Maroc 2015 jusqu’au 28 fév Negpos, Nîmes 04 66 76 23 96 www.negpos.fr

© Fatima Mazmouz

Andres Serrano

À Avignon, on se souvient encore de «l’affaire Piss Christ», deux œuvres d’Andres Serrano vandalisées en 2011 par des mouvements catholiques intégristes. Le photographe américain qui se définit lui-même comme «artiste religieux» et dénonce série après série les dérives de nos sociétés occidentales, devient l’invité privilégié de la Collection Lambert. Le musée offre une double exposition répartie sur ses deux hôtels particuliers rénovés, avec un «nouveau regard» sur son impressionnant fonds d’art contemporain. DE.M. Ainsi soit-il Un nouveau regard sur la collection du 20 déc au 29 mai Collection Lambert, Avignon 04 90 16 56 20 www.collectionlambert.fr Vue intérieure de l'appartement d'Andres Serrano à Manhattan, au coeur de New York © reportage photographique de François Halard, décembre 2014

Dakar

Dakar, un laboratoire de l’art contemporain ? Une interrogation à laquelle répondent neuf artistes primés et/ou repérés lors de la Dak’Art 2014, et invités en résidence à Apt et à La Somone près de Dakar. Une tentative d’un état des lieux de la création en Afrique et de sa diaspora. C.L. jusqu’au 23 janv Fondation Blachère, Apt 04 32 52 06 15 www.fondationblachere.org Cheikh Ndiaye, Figure, 2015, peinture et collages sur toile, 61 x 75 cm © Jérémie Pitot

Nicolas Rubinstein

Récompensé en 2014 par le Prix de Cagnes, la ville lui ouvre aujourd’hui les portes de son château pour une exposition monographique conçue en résonance avec l’architecture et l’histoire du lieu. Zones vagues évoque à la fois la cartographie et la paléontologie, avec comme dénominateur commun le cerveau considéré comme une planète, «un nouveau territoire à découvrir». M.-G.G. Zones vagues jusqu’au 17 janv Château-musée Grimaldi, Haut-de-Cagnes 04 92 02 47 30 www.musees-mediterranee.org 2015 bd Le bruit des vagues-Expo Zones vagues, Cagnes sur Mer © Yves Hyou


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Maghreb,

(r)évolutions urbaines

© Ryme Sadik

S

amedi 5 décembre : la Bibliothèque Départementale accueille la 2e édition de Lire les méditerranées, sous-titrée Villes du Maghreb entre réalités et fictions, pour une journée de tables rondes et de débats autour du thème de la ville. La librairie marseillaise Transit accompagne la manifestation en proposant un large choix d’ouvrages en langue française édités dans les trois pays de Maghreb. Dès le matin l’auditorium est plein. C’est donc aux réalités des grandes cités maghrébines qu’ont été consacrées les tables rondes matinales. Sociologues et historiens se sont penchés sur l’histoire de ces villes et sur leurs évolutions récentes. Toutes ont en effet connu un essor très rapide -le grand Alger compte aujourd’hui cinq millions d’habitants, Casablanca plus de trois-, dû à un exode rural massif, ce qui a entraîné une urbanisation apparemment anarchique et de grands bouleversements dans le paysage urbain. De petits bidonvilles continuent de côtoyer les villas luxueuses, et les immeubles vitrés aux allures futuristes poussent comme des champignons. Selon le sociologue Rachid Sidi Boumedine, les grandes villes algériennes donnent aujourd’hui des signes extérieurs de modernité, d’évolution. En réalité, c’est à une marchandisation de l’espace qu’on assiste. Les divers projets pour les villes sont avant tout économiques, quand ils ne sont pas des instruments de régulation et de répression/ domination des populations à risque ; ce qu’a montré Adderrahmane Rachik à propos de Casablanca, dont les plans successifs d’urbanisme ont été élaborés dans des situations de violence collective, et dans une volonté d’«aération» des quartiers denses, donc propices à l’émergence de mouvements sociaux. La première table ronde de l’après-midi posait la question cruciale de la place des femmes dans l’espace public. Après un vibrant (et très sensible) hommage à la mémoire de l’universitaire marocaine, infatigable militante pour les droits des femmes Fatima Mernissi, tout récemment disparue, la modératrice Kenza Sefrioui a donné la parole

© Ryme Sadik

à la sociologue algérienne Dalila Iamarène-Djerbal. Une intervention très documentée, d’où il ressort qu’en Algérie la présence des femmes dans l’espace public, malgré des évolutions indéniables, reste très balisée. Les femmes l’occupent de plus en plus (grâce à la voiture notamment), mais cela génère beaucoup de violence, de harcèlement, car il s’agit de freiner cet envahissement. Azza Filali a apporté une contribution éclairante à la question de la place des femmes en Tunisie. Selon elle, la femme tunisienne oscille aujourd’hui entre trois pôles. D’abord le texte fondateur, qui a donné aux femmes de ce pays de vrais droits depuis longtemps (au point qu’elles n’en sont plus toujours conscientes). Ensuite le vécu actuel et tous les archétypes qui subsistent, la soumission à l’homme par exemple. Enfin, les événements de janvier 2011, et leurs suites (dont l’émergence d’Ennahda), qui ont permis une prise de conscience et suscité une importante mobilisation féminine. Reste que, conclut-elle, «le chemin reste long, surtout dans la mentalité des hommes». Certains hommes magrébins luttent pourtant aux côtés des femmes. C’est le cas du journaliste marocain Hicham Houdaïfa, qui a tenu à rendre hommage au mouvement féministe, très important au Maroc, ainsi qu’à toutes les associations de femmes grâce auxquelles qu’il a pu mener à bien son enquête sur la précarité des femmes dans ce pays. Pour lui, les choses bougent, tant à la campagne qu’en ville, chez les jeunes en particulier ; mais il est sûr que «le temps des mentalités n’est pas celui de la structure» et qu’il faudra encore de la patience. La dernière table ronde invitait la fiction. Des romans et des villes pour, selon Molly Fournel, organisatrice de la manifestation, alléger la fin de journée, avant le concert très attendu de Fouad Didi et de ses musiciens. Une rencontre avec Maïssa Bey, Azza Filali et Issam-Eddine Tbeur, ponctuée de lectures (trop longues hélas) d’extraits de leurs derniers romans et nouvelles par des comédiens de la FNCTA. Alger, Tunis, Casablanca, ces

villes sont au cœur des fictions des trois écrivains. Plus que des décors, de véritables personnages ; les événements politiques, en toile de fond, servant de révélateurs. La journée fut riche en débats indispensables qui rappelaient, en ces temps troublés prompts aux amalgames les plus dangereux, que le Maghreb ne manque pas de voix progressistes et éclairées. FRED ROBERT

La 2e édition de Lire les méditerranées s’est déroulée le 5 décembre à la BDP, Marseille, en partenariat avec Approches Cultures et territoires, Association des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis, librairie Transit et théâtre de Lenche

Quelques conseils de lecture Hicham Houdaïfa, Dos de femmes, dos de mulets, les oubliées du Maroc profond (éd. En toutes lettres, Casablanca, 2015) Maïssa Bey, Hizya (éd. de l’Aube, 2015) Azza Filali, Les intranquilles (éd. Elyzad, Tunis, 2014) Issam-Eddine Tbeur, Nom de quartier : Al Firdaous l’Hermitage, nouvelle publiée dans l’ouvrage collectif Casablanca poème urbain (éd. le Fennec, Casablanca, 2013)



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Chaos debout

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uel choc ! Quelle torgnole ! Quelle beigne ! Tout est bon dans ce terrifique roman du grand Nord dont le titre Illska / Le Mal peut déjà claquer aux quatre vents des esprits passablement sensibles ces derniers temps ! L’auteur est jeune, islandais, pour la première fois traduit en français et son nom pas si simple à retenir (Eirikur Örn Norddahl) en passe de devenir synonyme de démesure littéraire ; dans les innombrables rencontres auxquelles il participe depuis la rentrée, celui-ci affirme malicieusement avoir voulu au départ rattacher son pays d’elfes sautillant sur la lave refroidie aux grands événements qui ont marqué l’Europe dans les années 40 ; arrimage réussi ! Déjà sidéré par le premier chapitre où il rencontre Agnès, Omar, Adolf Hitler et dix sept millions de morts, le lecteur se voit apostrophé sans façon dès les premières lignes du second : «Hé ? Vous êtes toujours là ? Ici le texte. Nous sommes le texte. Je vais vous parler en long et en large du Troisième Reich. Ne fermez pas le livre !» Et le voilà embarqué -le… narrateur ? lecteur ? personnage ? c’est tout comme- pour 600 pages de récit hyperréaliste, de réflexions impertinentes, de documents historiques et même de statistiques lyriques qui alternent, s’entrelacent, se répondent, se contredisent au besoin bref ne baissent jamais ni la garde ni le ton jusqu’à la fin légèrement plus faible mais comment finir autrement ? L’Holocauste et l’Amour, Reykjavik et Jurbarkas, l’Islande et la Lituanie, l’amour et

le sexe, Arnor le nazi néo, cultivé, sexy et Omar le gentil, un peu paumé, un peu sonné, et puis Agnès au milieu qui essaie de tenir tout ça dans ses mains sans lâcher Snorri son nouveau-né entre deux pères ; le lien c’est elle, elle dont le grand-père assistant les Einsatzgruppen a massacré le grand-père juif habitant le même village ; elle dont les recherches universitaires se nourrissent des obsessions liées à ce passé qui revient sous toutes les formes que l’on sait… Tiré par les cheveux, cousu de fil blanc -on aime quand même ce hasardeux brillant- cynique parfois façon Diogène, déroutant, désinvolte ou tatillon selon les moments, raisonnant et affreusement juste ce roman touche à presque tout ce qui fait l’incohérence des vies, entre faiblesse, cruauté consciente ou inconsciente et bouffées de pur bonheur. Jamais la notion de responsabilité n’est abordée frontalement et pourtant elle irrigue en creux chaque situation. L’écriture, hétérogène, hirsute et pourtant très fluide donne corps et présence aux choses, aux gestes, aux actions minuscules plus qu’aux personnages ou à leurs sentiments comme si l’essentiel échappait à la volonté. Eirikur Örn Norddahl en grand adolescent lance sincèrement des interrogations tous azimuts qui sont autant d’interpellations et d’invitations musclées à ne pas trop se raconter d’histoires. Tout le plaisir, d’un noir élégant, consiste ici à s’en laisser conter.

Illska / Le Mal Eirikur Örn Norddahl Traduit de l’islandais par Eric Boury Éditions Métailié, 24 euros

MARIE-JO DHO

Une architecture inspirée N

oël, c’est la saison des beaux livres, ceux qui satisfont à la fois le toucher, la vue, l’intellect. Sans conteste, le volume Cathédrales de Provence aux éditions La Nuée Bleue en fait partie. Unique dans la collection La grâce d’une cathédrale à présenter non pas un seul monument mais vingt-sept, l’ouvrage, établi sous la direction de Yann Codou et Thierry Pecout, ne compte pas moins de quarante-deux plumes (trente-trois auteurs et neuf témoignages d’évêques). L’ouvrage s’orchestre en deux grands mouvements. Le premier, plus général, brosse le contexte historique qui explique l’importance du nombre de cathédrales en Provence, évoque leur situation dans leurs cités, les relations avec les populations et les autorités, ainsi que l’évolution des différents espaces, présente les métamorphoses des architectures déterminées par les soubresauts de l’histoire autant que par les différentes perceptions du sacré. De superbes photographies donnent à voir des points de vue d’ensemble ou d’étonnants détails, comme ceux des stalles de

bois ouvragé de Riez et d’Embrun, ou les visages sculptés sur une serrure de cadenas ou un pilier du réal à Embrun. La seconde et foisonnante partie nous conduit sur la trace des vingt-sept cathédrales provençales, contant leurs histoires, produisant des documents écrits, des photographies anciennes, des plans, des cartes, des esquisses, retraçant avec ces monuments l’histoire des lieux. Toutes ne sont pas debout, on croise d’émouvants vestiges, murs presque arasés, à partir desquels l’imaginaire se conjugue à l’étude du passé. On se promène dans le livre avec délectation, on imagine des visites, on découvre, on s’extasie sur la délicatesse des fresques, des frises, du travail de la pierre et du bois, de la polychromie des murs. Les influences multiples se dessinent. Ici, on se croit en Italie (Saint-Michel de Sospel), là ce sont les montagnes qui accordent leur sobriété à l’ensemble (Notre-Dame du Bourg, Digne). Quel fabuleux cadeau ! MARYVONNE COLOMBANI

Cathédrales de Provence collection La grâce d’une cathédrale Éditions La Nuée Bleue, 85 euros



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(Re)découvrir les beautés du familier Au musée d’Histoire de Marseille, jusqu’au 28 février, une exposition pour regarder le cœur de la ville et s’émerveiller du quotidien…

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st en train de s’élaborer à Marseille une AVAP*. Conservant les principes fondamentaux de la ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural et Urbain), l’AVAP a plus particulièrement pour objet la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces, dans le respect du développement durable. Le centre-ville de Marseille, quasiment 600 hectares (comprenant l’amphithéâtre géographique du Lacydon et les quartiers centraux du XIXe), va en bénéficier, occasion parfaite s’il en est pour regarder la Ville, et sa majuscule initiale à l’instar de Rome. L’exposition Le cœur d’une ville, urbanisme et patrimoine de Marseille lui accorde une attention précise et passionnée. Ciment entre les différents services, le travail de recherche, d’élaboration, de concertation a réuni la Ville de Marseille et le Musée d’histoire de Marseille, avec le partenariat de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM), l’École nationale supérieure du paysage Versailles-Marseille (ENSP). Florence Hannin, urbaniste, architecte de la Ville de Marseille et coordinatrice générale de l’exposition rappelle avec émotion l’enthousiasme des participants à l’élaboration de l’ensemble, les discussions, la bonne entente, la disponibilité, l’intelligence et la passion de tous. «Depuis 2013, l’esprit de partage et de mutualisation des différentes énergies, s’est développé et trouve ici une sorte d’aboutissement.» En introduction, un petit texte précise : «En 2013, Marseille se découvrait belle aux yeux du monde»… et c’est au cours de sept séquences, sans compter le programme multimédia et son étonnant bestiaire (Du monument au patrimoine/Croissance et destruction au cœur de la ville/L’amphithéâtre marseillais, vues et paysages/Tracés et points de vue/La matière de la ville/Architectures privées/Règles de l’art) que se décline cette beauté que les Marseillais eux-mêmes sont souvent les premiers à ignorer ou à dénigrer. Le quotidien, la familiarité des lieux, sont prompts à ôter la distanciation nécessaire au regard esthétique. Il est remarquable de voir les visiteurs découvrir ou redécouvrir les rues, les places, les jardins, les façades, qui, magnifiquement photographiés, entourés d’œuvres peintes ou de croquis rappelant leur histoire, prennent

Vue historique de Marseille en ballon, Victor Cassien et Ferdinand Raibaud, lithographie, milieu XIXe siècle © musée d'Histoire de Marseille

une dimension autre. Une double frise chronologique met en évidence les diverses mesures prises en faveur de la conservation du patrimoine, depuis le rapport de l’abbé Grégoire en 1794, et celles concernant particulièrement les monuments protégés au cœur de la ville de Marseille. Des cartes (1650, 1720, 1820, 1864, 1866) présentent les étapes de croissance et de destructions du cœur de la ville, brossant le cadre général d’où naissent les autres séquences, délicatesse des jardins, charme des promenades, Allées de Meilhan, cours Belsunce, très élégant, de même que la promenade du Prado, silhouette du pont transbordeur, mâts serrés des voiliers encombrant le vieux port… Les façades à «trois fenêtres» (déterminées comme éléments «d’architecture janséniste» !) s’étagent, les mascarons ornent les portes, les mosaïques fleurissent. On a le loisir de toucher certaines maquettes et les différentes pierres de construction, dont les origines diverses nous entraînent en de lointains voyages. «J’avais envie d’une exposition sensorielle, où l’on puisse toucher le grain, la peau de Marseille» s’exclame Florence Hannin. La blancheur de la ville joue en réalité sur la riche palette des matériaux : le grès beige de La Ciotat, le porphyre d’Agay, vert anthracite, la pierre de Fontvieille, celle de Cassis, calcaire aux allures de marbre, carreaux de ciment de l’Ardèche, la pierre de la Couronne, la pierre de Calissanne… Au-dessus de tous les panneaux, des citations poétiques, choisies par l’architecte Thierry Durousseau, commissaire scientifique de l’exposition, Chateaubriand, Tacite, Taine, Suarès, Octavio Paz pour

qui «l’architecture est le témoin incorruptible de l’histoire». La diversité, la beauté, les marques du temps et de l’histoire, composent ici un ensemble d’exception. Jouxtant le remarquable musée d’Histoire, cette exposition nous apprend à nous émerveiller du quotidien. MARYVONNE COLOMBANI

*AVAP : Aire de Valorisation de l’Architecture du Patrimoine, servitude d’utilité publique, née par le biais de la loi du 12 juillet 2010 portant sur l’engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II

Le cœur d’une ville, urbanisme et patrimoine de Marseille jusqu’au 28 février Musée d’Histoire de Marseille 04 91 55 36 00 www.musee-histoiremarseille-voie-historique.fr




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