Jean-Marc FELZENSZWALBE, pastels et collages, années 1990-2000

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Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition Jean-Marc FELZENSZWALBE, pastels et collages, années 1990-2000, organisée par la galerie Xenithia-Nomade, à Rome, via dell’Arco di San Calisto 40, les 17 et 18 avril 2018.

EXPOSITION ET CATALOGUE Antoine Chouillou TEXTES Antoine Chouillou, Robert Marciano et Jean-Marc Felzenszwalbe CITATIONS P. Valéry, Degas Danse Dessin, Vollard, 1936. © 2018 Xenithia-Nomade srls - Viale Monte Santo 1/3, 20124 Milano Achevé d’imprimer en Italie en février 2018

Aucune reproduction partielle ou totale du présent catalogue, sur tous supports et en tous pays, n’est autorisée sans le consentement explicite de la galerie XenithiaNomade, éditrice de cet ouvrage (info@xenithia-nomade.com).

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Jean-Marc FELZENSZWALBE Pastels et collages, annĂŠes 1990-2000


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AVANT-PROPOS Dans la peinture des primitifs italiens, le fond doré qui se trouve en arrière-plan des scènes représentées désigne la divinité qui englobe tout et préside à la destinée humaine en tant que juge souverain. Mais au fur et à mesure des siècles, ce fond doré recule, s’amenuise, s’éloigne. Les voies de la naissance et de la mort, les gestes de la vie quotidienne, les relations et émotions humaines investissent de plus en plus cet espace et sa perspective. Ce mouvement culminera à la Renaissance dans les oeuvres bien connues qui ornent encore les églises et désormais les musées. A des siècles de distance, les pastels de Jean-Marc Felzenszwalbe racontent une histoire qui se déroule à première vue en sens inverse: celle d’un artiste dont l’oeuvre, initialement influencée par le constructivisme russe, s’est progressivement affranchie des figures, des formes et de la perspective. Jean-Marc Felzenszwalbe a petit à petit dépouillé ses tableaux et réduit l’utilisation du trait à sa plus simple expression. Une limite, un bord, une séparation. !5


Pourtant la disparition de la forme n’est pas vraiment un retour au fond doré de ces primitifs italiens. Dans ces pastels, les couleurs nous interpellent par leur sensualité, leur intensité, leur versatilité. Impressions de tessiture, de moire, d’abîme créées par la rencontre du geste artistique et d’un matériau friable, fragile, subtil… Ces pigments résonnent avec les différentes lumières du jour. En les voyant pour la première fois, je me suis remémoré une très belle série d’installations de l’artiste américain James Turrell. Cela avait eu lieu en 2015 à Houghton Hall dans le Norfolk. Dans son oeuvre Turrell utilise la lumière et la projette sur des surfaces pour susciter une émotion, une sensation, une résonance chez le spectateur. La perception de la lumière, même dans un monochrome, évolue, s’amplifie, se contracte, a du rythme et du volume. J’ai trouvé dans ces pastels la même tentative qui place par le jeu d’une technique différente et de ses effets Jean-Marc Felzenszwalbe à l’avant-garde. Le travail de collage s’inscrit lui dans une antique tradition de l’appropriation. A Rome où nous nous trouvons pour le temps de cette !6


exposition, les marbres des palais antiques, cassés, émiettés et brisés volontairement, ont été réutilisés pour orner les palais de la Renaissance. Nous foulons au pied ces antiquailles dont les potentats romains, qui passent aujourd’hui pour de fins humanistes, n’ont pas hésité à détruire encore au 17ème siècle les oeuvres antiques pour en revêtir sols et murs de leurs palais. Quant à lui, Jean-Marc Felzenszwalbe réutilise ces brisures pauvres de la société de consommation: magazines, publicités, boîtes de chaussure, ces fragments de notre veau d’or, initialement destinés à être jetés à peine les pages feuilletées, à peine la boîte ouverte… Jean-Marc ne les jette pas, mais les transfigure en une oeuvre autre, porteuse de sens et d’interrogation. La pauvreté du matériau s’inscrit dans une tradition initiée par Toulouse-Lautrec et continuée ici-même en Italie dans l’Arte Povera. Seulement nulle matérialité grossière ou brutale dans les collages, mais plutôt la transmutation rigoureuse de ce qui n’avait pas de sens en une calligraphie qui pourrait en avoir. Notre modernité n’est pas née seulement du travail des artistes et de la grandeur humaine. Notre modernité s’inscrit aussi dans ce désir de !7


spectacle, de spectaculaire, de boursouflure monumentale. Certains artistes éprouvent le besoin de toujours faire plus grand, plus imposant, plus épais. En cela ceux-ci se font sans doute plus les agents du pouvoir que de la beauté. Rien de nouveau sous le soleil, pour citer Qohelet. Peut-être nous faut-il faire un pas de côté pour retrouver un fragment de subtilité et de délicatesse. Et alors me viennent à l’esprit ces paroles prémonitoires issues de la plus antique tradition: «(…) Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers: le Seigneur n’était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre: le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu: le Seigneur n’était pas dans le feu. Et après le feu, le bruissement d’un souffle ténu. Alors, en l’entendant, Élie se voila le visage avec son manteau.» (1° Livre des Rois, 19, 11-12). Antoine CHOUILLOU, Rome, janvier 2018

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PASTEL ET MEMOIRE Tel le vif oiseau noir fendant la toile du ciel, le trait de Jean-Marc Felzenszwalbe fait césure et suture. Il sépare, tranche la couleur et la répartit dans l’espace clos que porte notre regard. Nous participons de ce partage. Aucun écart à envisager; aucune distance à ce qui est vu; la perspective s’en est allée. Point d’appui pour se reposer, ni pour y poser le regard. L’objet est là, indéfini, massif, éparpillé, séparé. Tectonique de l’à-plat. Déviation de la verticale. Comment transmettre l’impossible mémoire si ce n’est par la répétition du même geste, en litanie, qui est la tentative de Jean-Marc Felzenszwalbe d’y répondre? !9


Et là où la parole s’est tue, là où la parole a tué, redire l’oubli des couleurs premières, indemnes, tailler dans la masse des lettres, étaler la poudre. Aussi, quand les mots ne disent plus que le terne et l’à-peu-près, reste l’invention d’un alphabet nouveau et de formes inconnues. Il me plait à penser que Jean-Marc Felzenszwalbe, aussi fugace que le vol de ce petit oiseau aux ailes étirées, nous tire la langue. Ainsi, sous le trait cicatrisé se continue la couleur comme dans les livres d’enfants, en tirant une languette ou tirette. Regardons le beau visage du Jean-Baptiste de Leonardo; il nous demande, en silence, d’orienter notre regard vers son index levé vers l’ailleurs, l’absence, la lumière. Que nous dit Jean-Marc Felzenszwalbe? Est-ce à son insu (de quoi nous protège l’insu?) qu’il tente de faire entrer, dans ses quadrillages, ces bribes de lettres? !10


Il se souvient qu’en Extrême-Orient, les cahiers d’écriture des idéogrammes sont composés - là où en Occident l’écriture s’appuie sur des lignes horizontales- de cases agencées et régulières en lesquelles doivent, et quel que soit le nombre de leurs traits, s’inscrire chaque signe. Et par ses lettres découpées, cryptées, enfouies, et à l’instar de Georges Perec qui se débrouille sans la voyelle (voyez-El)* « E », Jean-Marc Felzenszwalbe nous rappelle que, de ce manque originel, il nous reste à penser, créer et vivre. Robert MARCIANO, Paris, décembre 2017

* de l’hébreu ‫ « אל‬le nom imprononcé» !11


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PASTELS, ANNÉES 1990 PASTELLI, ANNI ‘90


Quand tu lis un livre, quand tu regardes un tableau, une sculpture, quand tu ĂŠcoutes de la musique, tu communiques avec ce qui est passĂŠ.

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Quando leggi un libro, quando guardi un quadro, una scultura, quando ascolti della musica, stai comunicando con quello che c’è stato.

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 100 x 65 cm

Pastel sur papier, 100 x 65 cm !25


Pastel sur papier, 100 x 65 cm

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Pastel sur papier, 100 x 65 cm


Pastel sur papier, 100 x 65 cm

Pastel sur papier, 100 x 65 cm !27


J’ai dû lire Degas Danse Dessin de Paul Valéry en 1978 ou 1979, j’avais dix-neuf ou vingt ans. J’ai toujours attribué à cette lecture mon envie de travailler le pastel. L’ouvrage se trouvait dans la bibliothèque de mes parents. C’est une édition imprimée en 1944 dans ce pauvre papier de guerre qui est aujourd’hui devenu jaune orangé presque brun et qui se casse.

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Credo di aver letto Degas Danse Dessin di Paul Valéry nel 1978 o 1979, avevo diciannove o vent’anni. Ho sempre attribuito a questa lettura la mia voglia di lavorare il pastello. L’opera si trovava nella biblioteca dei miei genitori. Era un’edizione stampata nel 1944 in quella povera carta dei tempi di guerra che è diventata oggi gialla arancione, quasi bruna, e che si rompe.

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 100 x 65 cm


Pastel sur papier, 65 x 65 cm

Pastel sur papier, 100 x 65 cm

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Pastel sur papier, 100 x 65 cm !42

Pastel sur papier, 100 x 65 cm


Pastel sur papier, 100 x 65 cm

Pastel sur papier, 100 x 65 cm !43


J’ai eu de Degas Danse Dessin mon désir de pastels qui m’a conduit chez Sennelier et c’est ainsi que j’ai commencé à utiliser ces pigments à peine amalgamés, se réduisant en poudre sous les doigts en touchant le papier ou le carton.

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Ho avuto da Degas Danse Dessin il mio desiderio di lavorare col pastello che mi ha portato da Sennelier ed è cosi che ho cominciato ad usare questi pigmenti appena amalgamati, che si riducevano in polvere sotto le dita toccando la carta o il cartone.

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Pastel sur papier, 33 x 50 cm

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Pastel sur papier, 33 x 50 cm


Pastel sur papier, 33 x 50 cm

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Pastel sur papier, 33 x 50 cm


Pastel sur papier, 33 x 50 cm

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Pastel sur papier, 50 x 33 cm !52


Pastel sur papier, 33 x 50 cm

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Pastel sur papier, 33 x 50 cm


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Degas Danse Dessin a été cette étincelle initiale, et je n’y suis jamais revenu ensuite. Mais l’ouvrage était toujours là, passé de la bibliothèque de mes parents à la mienne. En reprenant aujourd’hui ce vieux livre qui s’effrite, je retrouve certains passages que j’avais annotés par quelques rubans autocollants: « Il y a une immense différence entre voir une chose sans le crayon dans la main, et la voir en la dessinant. » « Ou plutôt, ce sont deux choses bien différentes que l’on voit. Même l’objet le plus familier à nos yeux devient toute autre si l’on s’applique à le dessiner: on s’aperçoit qu’on l’ignorait, qu’on ne l’avait jamais véritablement vu. »

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Degas Danse Dessin è stato la scintilla iniziale, e non ci sono mai tornato dopo. Ma l’opera era sempre lì, passata della biblioteca dei miei genitori alla mia. Riprendendo oggi questo vecchio libro che cade a pezzi, ritrovo certi passaggi che mi ero segnato con alcuni foglietti adesivi: « C’è una differenza immensa tra vedere una cosa senza la matita in mano e vederla mentre si disegna. » « O meglio, si vedono due cose ben diverse. Anche il più familiare tra gli oggetti ci diviene estraneo se iniziamo a disegnarlo: ci accorgiamo che non lo conoscevamo davvero, che non l’avevamo mai veramente visto. »

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastels sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


Pastel sur papier, 65 x 100 cm

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Pastel sur papier, 65 x 100 cm


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(…) et plus loin: « Il y met des couleurs, mêle le pastel au fusain: les jupes sont jaunes sur l’une, violettes sur l’autre. Mais la ligne, les actes, la prose sont là-dessous, essentiels et séparables, utilisables dans d’autres combinaisons. Degas est de la famille des artistes abstraits qui distinguent la forme, de la couleur ou de la matière. Je crois qu’il redoutait de s’aventurer sur la toile et de s’abandonner au délice de l’exécution.» « C’était un excellent cavalier qui se méfiait des chevaux.» Les relisant, ils résonnent encore en moi comme une morale qui ne m’a jamais quitté. Paris, 22 décembre 2017, Jean-Marc FELZENSZWALBE

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(…) e più avanti: « Egli mette dei colori, mischia il pastello al carbone : le gonne sono gialle sull’una, viola sull’altra. Ma la linea, gli atti, la prosa sono lì sotto, essenziali e separabili, pronti per essere usati in altre combinazioni. Degas appartiene alla famiglia degli artisti astratti che distinguono la forma dal colore o dalla materia. Credo ch’egli temesse di avventurarsi sulla tela e di abbandonarsi al piacere dell’esecuzione.» « Era un eccellente cavaliere che non si fidava dei cavalli.» Nel rileggerle, queste parole risuonano ancora in me come una morale che non mi ha mai abbandonato. Parigi, 22 dicembre 2017, Jean-Marc FELZENSZWALBE

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COLLAGES, ANNÉES 1990-2000 COLLAGES, ANNI ’90-2000


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Collage sur papier, 6 x 20 cm 2005

Collage sur papier, 6 x 21 cm 2009

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Collage sur papier, 12 x 12 cm 1994

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Collage sur papier, 12 x 12 cm 1994


Collage sur papier, 8 x 6.5 cm 1995

Collage sur papier, 8 x 8 cm 2005

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Collage sur papier, 10 x 10 cm 1995 !76

Collage sur papier, 9.5 x 6 cm 2003


Collage sur papier, 9 x 12 cm, 1995

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Collage sur papier, 10 x 8 cm 2002

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Collage sur papier, 8 x 6 cm 2002


Collage sur papier, 6 x 14 cm 2002

Collage sur papier, 6 x 11 cm 2002

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Collage sur papier, 9 x 12 cm 2009

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Collage sur papier, 9 x 12 cm, 2009

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Collage sur papier, 16 x 12 cm 2008 !82

Collage sur papier, 12 x 9 cm 2008


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BIOGRAPHIE BIOGRAFIA


Lauréat des fondations Yaddo

Laureato alle fondazioni Yaddo

(1991), Wurlitzer (1990) et Albee

(1991), Wurlitzer (1990) e Albee

(1988), Jean-Marc Felzenszwalbe

(1988), Jean-Marc Felzenszwalbe

a participé à des expositions de

ha participato a mostre di gruppo

groupes et personnelles en France

e personali in Francia e negli Stati

et aux Etats-Unis. Il est né à Paris

Uniti. È nato nel 1959 a Parigi,

en 1959, ville dans laquelle il vit

città nella quale vive e lavora.

et travaille.

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Xenithia-Nomade, Milano info@xenithia-nomade.com


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