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Vue d’ensemble de la situation des entreprises et exploitations agricoles informelles
diffusion des technologies mobiles, telles que les téléphones mobiles, l’argent mobile et les applications de comptabilité, peuvent permettre aux travailleurs indépendants pratiquant une activité de subsistance, ne disposant pas de garanties mais ayant la capacité de constituer une petite épargne, d’accéder à des produits de crédit et d’assurance. Ces travailleurs peuvent s’appuyer sur leurs antécédents d’épargne et d’achats pour obtenir de petits crédits et développer leurs activités ou trouver un meilleur emploi avec le temps. En outre, nous abordons dans ce chapitre l’importance de la mise en place de politiques synergiques pour accroitre la productivité tout en réduisant les nouveaux risques sur le marché du travail. En effet, bien que la numérisation puisse faciliter la création de nouvelles entreprises formelles centrées sur la technologie (par exemple, des influenceurs YouTube et Instagram qui tirent un revenu de la publicité pour les produits d’autres entreprises), elle rend difficile pour les pouvoirs publics des pays subsahariens à faible revenu l’exploitation de l’assiette fiscale de tels emplois. Le reste du chapitre est organisé comme suit : nous passons d’abord en revue les différentes dimensions de l’informalité et fournissons un aperçu de la situation des entreprises et des exploitations agricoles informelles en Afrique subsaharienne. Nous abordons ensuite le rôle des technologies numériques dans l’avenir du travail informel en Afrique subsaharienne. Enfin dans la dernière partie, nous présentons nos recommandations en matière d’interventions politiques afférentes et nous concluons.
Cette partie établit une synthèse de la littérature récente et relève les faits stylisés liés aux racines et difficultés de l’informalité en Afrique subsaharienne. Elle passe en revue les sources potentielles de l’informalité, examine divers corrélats et discute des interactions entre le secteur formel et l’économie informelle2. Elle brosse également le portrait de l’économie informelle en mettant en exergue les principaux traits qui caractérisent la productivité des travailleurs, entreprises et exploitations agricoles du secteur informel. Dans cette partie, on utilisera indifféremment Afrique et Afrique subsaharienne.
Que sait-on de l’informalité ?
L’informalité est un concept subtil présentant de nombreuses facettes. De manière générale, elle désigne la production de biens et services légaux par des entreprises et des travailleurs qui ne respectent pas les réglementations du marché des affaires ou du travail. Il existe plusieurs définitions ou typologies de l’informalité, ainsi que différentes dimensions, telles que les motifs (survie,
évasion, exclusion) et les marges (entreprises, travailleurs) de participation. Trois perspectives principales viennent expliquer les sources de l’informalité (Boly, 2018 ; Kanbur, 2017 ; Loayza, 1996 ; Banque mondiale, 2019c). En premier lieu, les entreprises à faible productivité peuvent être forcées d’opérer de manière informelle à titre de stratégie de survie (La Porta et Shleifer, 2014). Les « survivants » regroupent des personnes peu qualifiées et des entrepreneurs de subsistance qui seraient préférablement les employés d’entreprises prospères si cela était seulement possible. En deuxième lieu, des réglementations sévères peuvent pousser des entreprises potentiellement productives à se cacher des autorités (de Soto, 1989). Ces « organisations freinées » sont entravées par les coûts d’entrée élevés et d’autres réglementations. En troisième lieu, des entreprises peuvent aussi choisir de mener leurs activités au sein de l’économie grise car après avoir rationnellement soupesé les avantages et les inconvénients, elles favorisent la maximisation du profit au détriment de la légalité (de Mel, McKenzie et Woodruff, 2011). Ces « passagers clandestins » pourraient être aussi productifs s’ils était des entreprises formelles, mais ils refusent la formalisation afin de s’épargner les coûts réglementaires et les taxes. Ulyssea (2018) montre en quoi ces perspectives complémentaires reflètent les différentes réponses d’entreprises hétérogènes à un même environnement institutionnel dans un modèle où les entreprises formelles peuvent décider de payer (ou non) pour la formalisation et de choisir combien d’employés elles déclarent ou emploient « au noir ». Dans ce contexte, nous posons les questions suivantes : • Quels sont les critères usuels de définition de l’informalité ? • En quoi le secteur informel est-il lié à l’économie formelle ? • Quelles sont les principales dimensions du secteur informel en Afrique ?
Il n’existe pas une seule et unique définition des activités informelles. Une façon généralement acceptée de définir l’informalité consiste à prendre en compte les employés et entreprises engagés dans des activités qui ne sont ni taxées ni enregistrées par l’État. Par exemple, le RDM 2019 définit un employé informel comme une personne qui « n’a pas de contrat de travail, ne bénéficie ni de la sécurité sociale ni d’une assurance-maladie, et n’appartient non plus à aucun syndicat » (Banque mondiale, 2019d, p. 27). La 17e Conférence internationale des statisticiens du travail (CIST), quant à elle, recommande une définition plus précise de l’emploi informel comme « tout travail rémunérateur (effectué par un indépendant ou un salarié) qui n’est pas enregistré, réglementé ni protégé par les cadres légaux et réglementaires, ainsi que tout travail non rémunérateur réalisé dans une entreprise générant un revenu » (OIT, 2013). En outre, la CIST définit les entreprises informelles comme des unités de production constituées par des entreprises sans personnalité juridique détenues par des
ménages, y compris les entreprises informelles des personnes travaillant pour leur propre compte et les entreprises d’employeurs informels (généralement de petites entreprises non enregistrées). Globalement, l’économie informelle concerne des travailleurs et des entreprises, comme l’indique le tableau 3.1.
Dans le contexte de l’Afrique subsaharienne, les critères pertinents pour la définition des entreprises formelles peuvent inclure un ou plusieurs éléments suivants :
• Inscription au registre du commerce national ou local ; • Enregistrement auprès de l’autorité fiscale nationale (possession d’un numéro d’identification fiscale) ; • Respect des obligations fiscales ; • Respect des normes comptables (par exemple, Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) ; • Déclaration de tous les employés auprès des autorités locales ou nationales compétentes, et respect de toutes les obligations afférentes.
Le niveau d’informalité est difficile à évaluer car il s’agit d’un trait endogène de l’économie. D’une part, l’informalité peut influer sur la croissance des économies en développement – par exemple, en absorbant une large part de la main-d’œuvre non qualifiée ou en restreignant l’espace budgétaire. D’autre part, le niveau de développement économique – croissance, pauvreté et inégalités – peut également affecter la taille et la composition du secteur informel (graphique 3.1.a). En outre, les politiques commerciales et les situations budgétaires sont des corrélats-clés de l’informalité (graphique 3.1.b). Les réformes commerciales peuvent façonner le secteur informel à travers la concurrence. Un niveau élevé d’informalité peut aussi orienter les politiques fiscales vers une taxation des échanges commerciaux – plutôt que vers une imposition plus globale des entreprises et de la main-d’œuvre. La qualité des institutions importe également, car un environnement propice aux affaires et une application uniforme des réglementations peuvent contribuer à réduire le niveau d’informalité (graphique 3.1.c). De plus, le degré d’informalité peut varier d’une entreprise à l’autre (Perry et al., 2007).
Certaines peuvent opérer entièrement de manière informelle sur les marchés des produits et les marchés de l’emploi, tandis que d’autres, officiellement enregistrées, peuvent employer, partiellement, de la main-d’œuvre informelle. Par conséquent, l’évaluation des caractéristiques du secteur informel s’effectue souvent en fonction du contexte, en s’appuyant sur des corrélations – plutôt que sur des relations de cause à effet – et à l’aide d’indicateurs reposant sur des modèles (cadres d’analyse à causes et indicateurs multiples, modèles d’équilibre général dynamique), sur des enquêtes (auprès des ménages, de la population active)