6 minute read

enfance en Afrique subsaharienne

Next Article
Bibliographie

Bibliographie

informel, peu productif. À l’heure actuelle, les offres d’emplois du secteur formel sont limitées dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. Pour la plupart des actifs, le secteur informel apparaît comme le seul moyen de générer un revenu. Il continue de jouer un rôle-clé dans la structure économique de ces pays et ses caractéristiques particulières le rendent très résilient et lent à évoluer. Par ailleurs, le décalage potentiellement important entre les compétences de la main-d’œuvre et celles requises par le secteur formel risque d’être difficile à combler à court et moyen terme. Les problèmes liés au travail informel seront examinés plus en détail au chapitre 3.

Le RDM 2019 recommande d’investir largement dans le capital humain, plus précisément dans le développement de la petite enfance, l’enseignement supérieur, les programmes de formation continue, les compétences cognitives supérieures, les compétences socio-comportementales et la capacité d’adaptation, en plus de la lecture, de l’écriture et du calcul. L’Afrique subsaharienne accuse un retard de longue date dans la formation des compétences de base, ce qui crée un perpétuel goulot d’étranglement entravant la formation de compétences plus avancées (voir encadré 2.1). Par conséquent, tout en suivant les recommandations du RDM 2019 sur le développement à long terme d’un capital humain adéquat, elle doit en priorité s’attacher à former de fortes compétences de base

ENCADRÉ 2.1

Investissements insuffisants dans le développement de la petite enfance en Afrique subsaharienne

L’Afrique subsaharienne accuse déjà un retard dans la formation des compétences de base, ce qui crée un goulot d’étranglement entravant ensuite le développement des compétences supérieures chez les enfants, un groupe démographique de plus en plus nombreux. Près de 130 millions d’enfants de moins de 6 ans vivent dans cette région du monde. Chaque année, on compte 27 millions de naissances et 4,7 millions de décès d’enfants de moins de 5 ans. Environ 17,5 millions (65 %) de ces 27 millions de bébés connaîtront la pauvreté, 20 % n’iront peut-être jamais à l’école primaire ni au collège et 24 % des scolarisés décrocheront probablement, même si le taux d’achèvement des études scolaires (primaire et collège) est en constante augmentation. Seulement 12 % des enfants iront à l’école maternelle, un chiffre bien inférieur à la moyenne des pays en développement (36 %) et à la moyenne mondiale (50 %), ce qui n’est peut-être pas surprenant (Arias, Evans et Santos, 2019 ; Bashir et al., 2018 ; Garcia, Pence et Evans, 2008). Malgré des efforts pour augmenter les dépenses d’éducation depuis 2010, la part du budget de l’éducation alloué à l’école maternelle était d’un piètre 0,3 % en 2012 en Afrique subsaharienne, à comparer aux 8,8 %

(suite page suivante)

ENCADRÉ 2.1 (suite)

dépensés par l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale la même année (Banque mondiale, 2019).

La qualité de l’enseignement en primaire et au collège est extrêmement faible. Les pays subsahariens ont en moyenne de moins bons résultats que les autres pays en mathématiques et en sciences au niveau du collège dans toutes les évaluations internationales (Bashir et al., 2018). En outre, quatre programmes d’évaluation internationaux révèlent que les élèves de CE2, CM1 et CM2 continuent d’avoir des difficultés dans les exercices de lecture, d’écriture et de calcul. Les chiffres sont parfois stupéfiants. Dans six pays subsahariens sur dix, près de 40 % des élèves sont incapables de lire une seule lettre lorsqu’ils entrent en CE2, 70 % sont incapables de lire un paragraphe, 90 % sont incapables de lire un paragraphe entier et seulement 5 % arrivent à résoudre un problème de mathématique élémentaire. Et les élèves de familles pauvres sont encore plus désavantagés, leurs résultats sont les plus faibles parmi un échantillon déjà peu performant.

Les professeurs donnent trop peu d’heures d’enseignement au niveau élémentaire et le peu d’enseignement qu’ils donnent n’est pas efficace parce qu’ils n’ont pas le bagage pédagogique nécessaire. Une étude sur les professeurs du primaire dans sept pays subsahariens, qui représentent 40 % de la population d’Afrique subsaharienne, révèle qu’en moyenne environ 6 % des professeurs possèdent 80 % des connaissances d’un élève de CE2 et seulement 7 % ont les connaissances minimum requises pour enseigner (Bold et al., 2017). Seulement 11 % des professeurs de l’étude étaient capables d’interpréter les données d’un graphique et seulement 15 % de résoudre un problème de mathématique difficile. Par ailleurs, seulement 31 % comprenaient la théorie des ensembles et seulement 35 % étaient capables de résoudre des problèmes d’algèbre. Si le taux de scolarisation augmente rapidement dans le primaire, la qualité de l’enseignement y est médiocre notamment parce que les écoles, principalement publiques, sont mal gérées par l’État (Bold et al., 2017). Les pays de la région n’arrivant pas à donner à leurs enfants de fortes compétences de base, la population active en est affectée. Au Ghana et au Kenya, le niveau moyen de lecture des actifs urbains âgés de 25 à 64 ans est plus bas que dans les pays à revenu faible ou intermédiaire d’autres régions du monde. Parmi ces adultes, 82 % au Ghana et 65 % au Kenya ont obtenu des résultats au mieux de niveau 1 au test de lecture STEP, ce qui signifie qu’ils n’ont que des compétences de base en lecturea .

a. Données du programme STEP (Skills Measurement Program de la Banque mondiale (voir https://microdata.worldbank.org/index.php/catalog/step/about).

ainsi que les compétences numériques fondamentales. Cette échelle des priorités est conforme à une recommandation antérieure du RDM à l’attention des économies numériques émergeantes dans lesquelles le socle des compétences de base demeure fragile (Banque mondiale, 2016).

L’Afrique subsaharienne connait un problème encore plus pressant, soluble à court ou moyen terme, causé par le manque d’investissement adéquat dans l’enseignement supérieur, notamment en STIM (science, technologie, ingénierie et mathématique). Comme, de surcroît, elle n’a pas intégré l’entrepreneuriat à son programme d’éducation général, elle se trouve dans l’impossibilité de faire émerger la masse critique d’inventeurs et d’entrepreneurs dont elle a désespérément besoin. Elle doit rectifier le tir pour pouvoir suivre le rythme de l’innovation, être compétitive dans un monde qui change rapidement et exploiter les technologies numériques afin de créer des emplois stables dans le secteur formel privé pour sa masse d’actifs et sa population croissante de travailleurs non qualifiés et de chômeurs. À cette fin, il faut donner la priorité à d’autres stratégies pour pouvoir pleinement tirer profit des technologies numériques. Les individus ayant autant besoin de compétences de base, comme la lecture et le calcul, que de compétences numériques pour utiliser les nouvelles technologies, l’Afrique subsaharienne doit en priorité accélérer l’acquisition et l’amélioration du capital humain. Les technologies numériques peuvent jouer un rôle dans ce processus car elles permettent : de renforcer l’apprentissage et d’améliorer les résultats par une meilleure interaction entre élèves et professeurs (Banque mondiale, 2018) ; de donner accès à l’enseignement à un plus grand nombre de personnes ; de permettre l’accès à un support d’apprentissage de qualité là où les professeurs n’ont pas les compétences nécessaires. Par ailleurs, dans le domaine de la santé publique, elles peuvent combler la pénurie de soignants en augmentant l’efficacité et la productivité du personnel disponible. En outre, l’Afrique subsaharienne est plus que jamais connectée – plus d’un quart de la population utilise Internet actuellement – et le développement numérique s’accélère. Cela signifie qu’elle peut tirer profit des technologies numériques pour améliorer la productivité de la main-d’œuvre dans leurs emplois actuels. Mais elle doit aussi créer, dans le secteur privé formel, davantage de nouveaux emplois adaptés aux compétences actuelles de la population active. Ceci permettra de faire évoluer progressivement l’emploi vers des activités à plus forte productivité dans tous les secteurs. Plus de 60 % de la main-d’œuvre est constituée d’adultes peu qualifiés ayant besoin de travailler (voir encadré 2.2) ; leur apprendre à se servir des technologies numériques leur permettra de tirer profit des créations d’emploi dans le secteur formel (encadré 2.3). Pour ces adultes, l’utilisation de technologies numériques et d’applications adaptées à leur situation pourrait compenser leurs faibles compétences et faciliter l’exercice de métiers peu qualifiés dans la production et les services. Cependant, le développement de technologies numériques adaptées requiert des inventeurs et des entrepreneurs. Il permettra de créer des emplois dans le secteur privé formel ou du moins, les conditions de leur création. Atteindre de tels objectifs nécessitera des investissements intelligents et ciblés ainsi qu’une meilleure collaboration régionale entre universités, entreprises

This article is from: