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La technologie et la structure de la production mondiale
abonnements à la téléphonie mobile. Ces résultats montrent comment impulser efficacement le développement des compétences numériques en Afrique subsaharienne. Comme le souligne le RDM 2019, l’accès au haut débit est une condition indispensable pour le monde des affaires à l’âge numérique : « L’accès à un réseau de téléphonie mobile n’est pas suffisant ; les technologies du haut débit permettent de réduire encore plus les coûts de transaction » (Banque mondiale, 2019b, p. 41).
Cette observation rejoint le récent rapport de Hjort et Poulsen (2019) qui montre que la demande en main-d’œuvre hautement qualifiée a augmenté en Afrique subsaharienne dans les endroits reliés aux câbles Internet sous-marins à haut débit en provenance d’Europe. Les auteurs encouragent les pays subsahariens à construire les infrastructures nécessaires pour ne pas se limiter aux maigres avantages d’une connexion Internet lente et des abonnements à la téléphonie mobile.
Il existe une corrélation positive statistiquement significative entre les compétences numériques et l’indice de capital humain de la Banque mondiale, calculé dans 128 pays (graphiques 1.9). Cet indice évalue les perspectives d’un enfant en matière de santé (la santé optimale étant définie par une absence de retard de croissance et une espérance de vie d’au moins 60 ans) et en matière d’éducation (l’éducation complète étant définie comme quatorze années d’une scolarité de qualité jusqu’à l’âge de 18 ans), par rapport aux autres pays. Au chapitre 2 seront étudiées les pistes d’action concernant le capital humain et les domaines où il faut agir en priorité pour permettre à l’Afrique subsaharienne de tirer un meilleur profit des vastes opportunités de la numérisation.
La technologie et la structure de la production mondiale
Le RDM 2019 évoque le danger que la progression de l’automatisation dans les pays développés empêche de nombreux pays africains de connaître une croissance « traditionnelle », alimentée par l’industrialisation. Comme nous l’avons déjà noté, l’automatisation progresse plus rapidement là où le coût de la maind’œuvre est élevé car on part du principe que ce facteur de réduction des coûts est le plus efficace pour accroître la rentabilité.
Nous nous demanderons dans cette partie si le développement de nouvelles technologies remplaçant la main-d’œuvre et leur large diffusion dans les pays développés et les marchés émergents asiatiques sont susceptibles de mettre en péril le modèle traditionnel de croissance alimentée par l’industrie en Afrique subsaharienne, où l’avantage d’un coût du travail compétitif a tendance à s’émousser. Nous passerons en revue les récentes études analysant les effets des nouvelles technologies sur l’implantation des réseaux de production dans le monde et évaluerons les éléments prouvant l’existence d’un phénomène de
relocalisation, c’est-à-dire du rapatriement de l’industrie manufacturière dans les pays développés. Nous aborderons également les tendances des investissements directs étrangers (IDE) et des flux commerciaux sur le continent africain au cours des dix dernières années, en nous intéressant particulièrement à la capacité des pays africains à attirer des IDE – horizontaux (focalisés sur l’accès aux marchés) et verticaux (concentrés sur la recherche d’efficacité) – et à accroître les exportations de biens manufacturés et de services.
Y a-t-il un mouvement de relocalisation en cours ?
On s’accorde aujourd’hui à penser que l’automatisation va conduire à un rapatriement de l’industrie en Europe, au Japon et en Amérique du Nord, et que les pays en développement vont être exclus des nouvelles chaînes de valeur mondiales à cause de la complexité croissante de la production. Les Perspectives économiques en Afrique 2014 font valoir que « l’impression 3D et la robotique intelligente ont le potentiel de réduire suffisamment cet avantage de coût [pour la production de masse] pour entraîner un phénomène de “relocalisation” de la production vers les économies “maisons-mères” (headquarter economies) où sont installés les sièges sociaux et les salaires sont élevés » (BAfD, OCDE et PNUD, 2014). Un rapport de Citigroup et de l’Oxford Martin School (2016) indique que 70 % des représentants de clients institutionnels de Citigroup pensent que l’automatisation et les progrès de l’impression 3D vont inciter les entreprises à relocaliser la production plus près de leur pays d’origine. Ils considèrent que l’Amérique du Nord a le plus à gagner de cette évolution et que la Chine, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine ont le plus à perdre. Un exemple célèbre est le rapatriement de la production d’une usine de chaussures Adidas d’Asie de l’Est en Allemagne. La direction de l’entreprise explique qu’elle produit plus rapidement et à moindre coût dans son usine allemande automatisée grâce à l’impression 3D qui permet de mieux s’adapter à l’évolution du marché et aux exigences de la conception (The Economist, 2017). Parmi les arguments théoriques plaidant en faveur de la relocalisation, figurent : (1) l’évolution de la structure des coûts (notamment l’augmentation du coût de la main-d’œuvre) dans de nombreux pays en développement et économies émergentes ; (2) le fait que les entreprises ont sous-estimé le coût total de la délocalisation ; (3) le regroupement en un même lieu et dans une même structure juridique de la recherche et du développement, de l’innovation et de la production ; (4) la réduction des risques de vol de propriété intellectuelle liés à la délocalisation ; (5) la recherche d’équilibre entre la réduction des coûts et la dispersion des risques ; (6) potentiellement, une plus grande proximité avec les marchés, ce qui permet plus de souplesse ; (7) l’évitement des problèmes d’approvisionnement posés par la longueur et la complexité des chaînes de valeur mondiales d’aujourd’hui (De Backer et al., 2016). Dans l’encadré 1.4 sont