Comprendre les maths

pour bien les enseigner
2,5/14 ans
F. Baret C. Géron F. Lucas M. Nolmans C. Van PachterbekeTOME 2
TRAITEMENT DE DONNÉES ARITHMÉTIQUE - ALGÈBRE
Comprendre les
maths pour bien les enseigner
2,5/14 ans
F.Baret
C.Géron
F.Lucas
M.Nolmans
C.Van Pachterbeke
P.Wantiez
Couverture et maquette : Polaire Mise en page : Softwin
L’orthographe telle que rectifiée le 6 décembre 1990 par le Conseil Supérieur de la langue française est d’application dans la collection.
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© Éditions VAN IN, Mont-Saint-Guibert – Wommelgem, 2023, De Boeck publié par VAN IN
Tous droits réservés. En dehors des exceptions définies par la loi, cet ouvrage ne peut être reproduit, enregistré dans un fichier informatisé ou rendu public, même partiellement, par quelque moyen que ce soit, sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
1re édition 2023
ISBN 978-2-8041-9776-6
D/2023/0078/146
Art. 590316/01
Auteurs : Françoise Baret, Christine Géron, Françoise Lucas, Maud Nolmans, Chantal Van Pachterbeke, Patricia WantiezComprendre les mathématiques pour bien les enseigner
Cet ouvrage est un référentiel de matière à destination des enseignants de maternelle, du primaire et du début du secondaire. Une des conditions incontournables pour un enseignement qui conduise l’élève à la compréhension de ce qu’il découvre et apprend est que l’enseignant lui-même ait la maitrise de la matière qu’il fait travailler. Il s’agit pour lui de comprendre la signification, la complexité des notions et, notamment, la nécessaire progressivité à envisager selon les obstacles à faire dépasser par les élèves. Il s’agit aussi de cerner les liens entre elles, la terminologie et la symbolisation spécifiques qui leur sont adjointes. C’est fort de cela que l’enseignant pourra gérer les propositions des élèves, leurs débats, leurs multiples essais et ajustements. C’est fort de cela aussi qu’il pourra faire des choix méthodologiques efficaces.
Cet ouvrage veut expliciter et articuler les contenus mathématiques de façon rigoureuse mais néanmoins accessible. Il se veut une ressource utile et efficace pour :
– l’enseignant qui souhaite se réapproprier une matière, un concept, être au clair avec les termes et symboles adéquats ;
– des enseignants en concertation (intra et inter cycles) qui souhaitent débattre, se mettre d’accord sur un contenu spécifique.
Il convient néanmoins de prendre quelques précautions.
– L’ensemble des définitions présentées dans ce référentiel est une ressource à consulter par l’enseignant, elles ne sont pas là pour devenir des objets à faire étudier par les élèves.
Faire produire par ceux-ci un texte du type « définition » peut être intéressant après un long temps d’exploration et d’analyse mais, parfois, produire ce type de texte, même de façon moins formelle, n’est tout simplement pas nécessaire.
Pour les auteurs de cet ouvrage, « faire des mathématiques », c’est les construire lentement mais sûrement, dans une logique de résolution de problèmes ; c’est en permettre une appropriation par chacun, basée sur la mise en liens et le sens ; ce n’est certainement pas collectionner des concepts plus ou moins bien définis, comme une galerie de chasse, une collection d’animaux empaillés et donc sans vie une fois que le chasseur en a fini avec eux.
– Certains contenus ne sont pas au programme de l’année ou du niveau où l’enseignant travaille. Il est néanmoins utile d’en savoir plus que le contenu strictement réservé aux élèves. L’enseignant trouvera intéressant d’approfondir le chapitre qu’il consulte.
Les auteurs ont parfois fait des choix de définitions, de formulations, de symbolisations ; ils se sont volontairement arrêtés dans certains développements. Ils s’en expliquent par divers biais : introduction, note de bas de page, point d’attention…
Un ouvrage structuré
Ce référentiel de matière est structuré selon plusieurs principes.
La succession des chapitres : pas de hasard
– La résolution de problèmes arrive en premier pour valoriser l’idée que les mathématiques ne sont pas vides de sens et que l’appropriation par les élèves de concepts et de procédures mathématiques sert à résoudre des situations problèmes qu’on peut rencontrer de façon concrète dans la vie de tous les jours.
– Le traitement de données numériques prolonge la partie 1 du tome 1 : le traitement de données au sens large. Ici, les données sont numériques et le traitement regroupe des éléments de base de combinatoire, de probabilités et de statistique.
– La partie sur les nombres précise les caractéristiques et les spécificités des différents types de nombres sur lesquels pourront agir des opérations. Elle présente aussi les supports structurants permettant d’en avoir de solides images mentales, notamment pour calculer. Cette partie retrace aussi les principes de la numération de position décimale dont la maitrise est également indispensable pour opérer et calculer.
– La partie sur les opérations et calculs développe longuement toutes les spécificités des opérations de base de l’arithmétique (addition, soustraction, multiplication, division) : définitions, sens divers et propriétés qui sont prioritairement à mobiliser face à un calcul à résoudre. Cette partie explicite aussi leur extension aux différentes sortes de nombres, les notions de racines et puissances ainsi que les notions liées aux familles de nombres, à la divisibilité. Le développement du calcul se décline autour du calcul automatisé, du calcul réfléchi et du calcul écrit en rassemblant les démarches essentielles.
La partie algèbre clarifie ce qu’est la pensée algébrique, prolongeant les démarches arithmétiques abordées en primaire. Elle précise la nature des objets fondamentaux de cette discipline, les bases du calcul algébrique et les transformations d’égalités en lien avec la résolution d’équations.
Dans chaque chapitre, une logique de présentation
Au départ, une brève introduction générale aide le lecteur à se faire une idée des contenus qui suivent et à s’orienter pour répondre aux questions qu’il se pose.
– Il s’agit de clarifier le QUOI enseigner. Le référentiel propose donc des définitions en gras avec le ou les termes définis en surbrillance grise. Ces termes sont repris en index.
Ces définitions prennent sens dans plusieurs exemples notés en fins caractères noirs. Parfois les exemples précèdent les définitions.
– Certaines notions présentent une complexité, une particularité ou une difficulté qui méritent un développement, un point d’attention, présenté dans un cadre bleu et texte bleu
– Des POURQUOI émaillent régulièrement l’explicitation et les illustrations de notions dans des pavés orange. Ils posent des questions de SENS .
– Des renvois à des COMMENT possibles font référence à diverses sources, dont des ouvrages de la collection « Math & Sens » (disponibles chez le même éditeur). Parfois le renvoi dirige le lecteur vers des compléments d’explication de la matière.
Au terme de l’ouvrage, encore des portes d’entrée
La table des POURQUOI permet au lecteur de retrouver toutes les questions de sens traitées dans l’ouvrage et de s’orienter dans ses recherches, aussi à partir de ce point de vue.
La BIBLIOGRAPHIE donne aux lecteurs un répertoire d’ouvrages de référence qui ont nourri la réflexion des auteurs et qu’ils peuvent bien sûr consulter.
L’INDEX reprend tous les concepts abordés dans ce référentiel avec des renvois aux pages principales en élucidant la signification et l’usage. Cet outil s’avère efficace pour retrouver rapidement les endroits du référentiel utiles pour la recherche engagée.
Le projet
Naissance du projet
Ce projet a été initié fin 2016 par le groupe des Mathophiles, constitué de professeurs de mathématiques et de didactique des mathématiques dans les Hautes Écoles des trois réseaux d’enseignement en Communautés française et germanophone de Belgique. Les Mathophiles se réunissent depuis 2001, cinq fois par an, et le débat est souvent intense autour du partage d’outils et de pratiques professionnelles concernant la formation des enseignants de maternelle, du primaire et du début du secondaire.
Le constat d’une difficulté à maitriser les contenus d’enseignement en mathématiques, chez les étudiants mais aussi chez les enseignants de terrain, a motivé le groupe à chercher à les outiller de façon rigoureuse mais accessible sur la matière à enseigner, d’autant plus que les référents adaptés en ce domaine ne sont pas légion. Par ailleurs, le recours à Internet permet de trouver rapidement beaucoup d’informations, mais celles-ci sont souvent divergentes, parfois contradictoires ou approximatives.
Huit membres du groupe, qui en compte une petite trentaine, se sont proposés pour écrire le QUOI et le POURQUOI dans les domaines du traitement de données, de la géométrie et des grandeurs. Six des huit auteures du tome 1 ont poursuivi l’écriture du tome 2 portant sur la résolution de problèmes, le traitement de données numériques, l’arithmétique et l’algèbre.
Auteures du projet
Le travail d’écriture de ce deuxième tome référentiel n’a pu s’enrichir et s’améliorer en lisibilité qu’à travers les nombreuses et intenses discussions entre les auteures et à travers leurs relectures à la fois bienveillantes et exigeantes.
Françoise BARET : licenciée en mathématiques, professeure de mathématiques et de didactique des mathématiques dans la section primaire, depuis 1986, à la Haute École Libre Mosane (HELMo).
Christine GERON : docteure en sciences, professeure de mathématiques et de didactique des mathématiques dans les sections primaire et secondaire, depuis 2004, à la Haute École de la ville de Liège (HEL), collaboratrice pendant 3 ans dans les recherches sur la liaison primaire-secondaire en mathématiques menées par l’a.s.b.l. Hypothèse, formatrice dans le cadre de la formation continuée, membre du comité de la section belge francophone du Rallye Mathématique Transalpin, coauteure de l’ouvrage Apprivoiser l’espace et le monde des formes de la collection « Math & Sens », chercheuse dans le cadre de l’expérience pilote relative à l’implémentation de dispositifs de différenciation et d’accompagnement personnalisé en mathématiques au 1er degré de l’enseignement secondaire (dans le cadre de la mise en place du Pacte pour un enseignement d’excellence), en collaboration avec l’ULiège (2019-2021).
Françoise LUCAS : licenciée en mathématiques, professeure de mathématiques et de didactique des mathématiques dans les Hautes Écoles pendant 31 ans, principalement dans les sections primaire et préscolaire, détachée au service pédagogique de la fédération de l’enseignement fondamental dans le réseau libre durant 9 ans, formatrice dans le cadre de la formation continuée et de la formation complémentaire des enseignants du fondamental et du début du secondaire, coauteure et directrice de la collection « Math & Sens » aux éditions De Boeck-Van In.
Maud NOLMANS : ingénieure civil et institutrice primaire, professeure de mathématiques et de didactique des mathématiques dans la section primaire, depuis 2013, de la Haute École Libre Mosane (HELMo).
Chantal VAN PACHTERBEKE : licenciée en mathématiques, professeure de mathématiques et de didactique des mathématiques dans la section primaire, depuis 1988, de la Haute École NamurLiège-Luxembourg (Henallux), formatrice dans le cadre de la formation continuée et de la formation complémentaire, participation occasionnelle à des projets de formation d’instituteurs primaires au Maroc, coauteure de l’ouvrage Élucider la numération pour mieux calculer ! de la collection « Math & Sens ».
Patricia WANTIEZ : docteure en sciences, chercheuse au Centre de Recherches sur l’Enseignement des Mathématiques (CREM) à Nivelles pendant 2 ans, professeure de mathématiques et de didactique des mathématiques dans la Haute École Bruxelles-Brabant, catégorie pédagogique Defré (HE2B), depuis 2002, actuellement dans les sections primaire et préscolaire, coauteure de l’ouvrage Apprivoiser l’espace et le monde des formes de la collection « Math & Sens ».
Résolution de problèmes
Introduction
Une des visées essentielles de la formation mathématique à l’école est d’amener les élèves à s’approprier les outils – concepts et procédures – pour résoudre des problèmes. « Il s’agit d’éviter que les mathématiques ne tournent à vide, mais de veiller à en renforcer le sens en lien notamment avec le quotidien et le vécu des élèves1 ».
Les différents aspects de la résolution de problèmes explicités dans cette partie ne doivent pas être « enseignés », mais doivent être vécus à travers la diversité des situations proposées aux élèves avec une attention focalisée sur les démarches mises en œuvre.
Dans cette partie, nous clarifions d’emblée la notion de situation problème afin d’ouvrir à quantité de situations possibles ne se limitant pas aux seuls énoncés numériques. Nous en donnons les caractéristiques principales valorisant l’aspect créatif de cette activité.
Nous développons ensuite les trois fonctions possibles des situations problèmes : construire du nouveau savoir, apprendre à chercher, intégrer et consolider des acquis. Des exemples de situations très différentes sont analysés en profondeur. Il est important de rencontrer ces trois fonctions à l’école. Nous répertorions et déplions les compétences de résolveur de problèmes. Nous insistons sur ces apprentissages transversaux et nous les justifions par une série d’arguments solides.
Dans la suite, nous détaillons les paramètres permettant de distinguer les différentes sortes de situations problèmes à soumettre aux élèves : problèmes ouverts, fermés, ou semi-ouverts ; problèmes à une ou plusieurs solutions. Nous proposons à l’enseignant une grille d’analyse des situations proposées aux élèves afin d’en assurer largement la diversité.
Cette partie se termine avec les situations à modélisation spécifique. Nous renvoyons au tome 1 pour les situations de proportionnalité qui y sont largement développées. Dans ce tome 2, nous explicitons les problèmes de partages inégaux, les problèmes d’intervalles et les problèmes liant des données commerciales ou autres. Ces situations appellent à des schématisations particulières aidant à progresser vers l’abstraction et à passer progressivement d’une résolution arithmétique à une résolution algébrique.
1. Problèmes ou situations problèmes ?
Le mot « problème » est un mot familier utilisé dans la vie courante. Il désigne souvent une difficulté majeure, une situation désagréable, parfois douloureuse, qui met dans l’embarras et n’est pas évidente à faire évoluer. Il est utilisé à l’école depuis très longtemps.
Problèmes sur les fractions, problèmes de proportionnalité, problèmes arithmétiques…
Il désigne le plus souvent un énoncé, un type de texte très spécifique avec des phrases donnant une série d’informations et une phrase interrogative, invitant le lecteur à trouver la solution. beaucoup d’énoncés sont d’ordre numérique. Il faut très souvent enchainer des opérations pour les résoudre. L’école a longtemps restreint ce que peut être un problème.
Donner aux élèves exclusivement des problèmes de ce type risque de les enfermer dans une vision des problèmes et dans des habitudes de résolution stéréotypées. odette bassis relate l’énoncé suivant, proposé à bon nombre d’élèves, ainsi que leurs résolutions :
« Sur un bateau, il y a 26 moutons et 10 chèvres. Quel est l’âge du capitaine ? ».
De 70 % à 80 % des élèves trouvent une solution en opérant sur les données numériques de l’énoncé (notamment 36 ans en additionnant, 16 ans en soustrayant…).
Ces élèves ne remettent pas en cause l’absence de lien entre la question et le contexte. Ils ne recherchent pas le sens, mais ils tentent de rencontrer l’attente sous-jacente à ce type d’énoncé : il faut effectuer un calcul avec les nombres donnés pour répondre à la question posée !
Ceci interpelle les pratiques en matière de résolution de problèmes et appelle à ouvrir largement la manière de les présenter et de les travailler.
Bassis o., Mathématique : les enfants prennent le pouvoir, Paris, Fernand Nathan Éducation, 1984. en guise d’avant-propos : le problème sans questions… ou comment enlever les questions pour commencer à s’en poser, p. 3-13.
L’expression « situation problème » est aussi une expression familière, aujourd’hui adoptée dans le monde scolaire. elle ouvre à diverses formes de présentation : vécue, dessinée, verbale, matérielle… La situation n’est pas forcément numérique et sa résolution engage davantage une réelle diversité de ressources pour aboutir à une ou des solutions.
Ces dernières années, plusieurs publications sur la résolution de problèmes réhabilitent le mot « problème » pour lui rendre l’ouverture qu’on trouve dans l’expression « situation problème ».
2. Qu’est-ce qu’une situation problème ?
Une situation problème est une situation qui
est déstabilisante, est nouvelle ou non, mais dont les modalités et les moyens de « s’en sortir » n’apparaissent pas d’emblée ;
– est complexe, appelle de multiples mises en relation et un but à atteindre ;
– demande une recherche, de l’invention, de la créativité, pas nécessairement dans les opérations2 utiles pour résoudre, mais en tout cas dans leur enchainement. résoudre des situations problèmes est une des visées de formation en mathématique3. Une situation problème peut apparaitre dans la vie courante, dans toutes les disciplines.
– Réaliser un plan de tables pour une fête de famille réunissant une cinquantaine de personnes.
Réaliser le montage d’un meuble dont on a perdu le plan de montage.
– Présenter tous les scores des élèves à la journée sportive qui vient de se dérouler.
– Rédiger les consignes de traçage d’une figure donnée pour le voisin ne la voyant pas.
Calculer l’aire d’une figure complexe.
– Trouver un nombre produit d’une table à partir d’un autre nombre produit d’une autre table.
À l’école, il est important de sortir du formalisme souvent trop précoce des énoncés de type verbal écrit et numérique. en saisissant des situations qui se présentent sous d’autres modes (action pratique, question orale, dessin ou schéma interpelant…), il est possible d’éveiller la curiosité, l’envie de chercher, de faire réfléchir et de relever des défis.
Par ailleurs, les situations proposées ne doivent pas se cantonner au seul registre arithmétique. Certains exemples ci-dessus posent des questions de traitement de données, de géométrie ou de grandeurs.
aux caractéristiques énoncées ci-avant, on peut en ajouter d’autres qui en découlent.
– Une situation problème est personnelle : ce qui pose question à une personne n’interpelle pas nécessairement une autre, ne constitue pas une difficulté ou un obstacle pour cette dernière.
– Une situation problème l’est à un moment donné : en effet, si elle a été résolue et qu’elle se représente, elle devrait moins poser question.
Une situation problème, pour être résolue par l’élève, doit être adaptée à son bagage cognitif : si la situation est trop complexe, le dépasse complètement, il ne va pas pouvoir s’y investir ; si elle est trop simple, sans obstacle pour lui, il ne la considèrera plus véritablement comme problème.
La perception et la résolution d’une situation problème sont enrichies par les interactions sociales : après avoir exploré seul une situation, la confrontation avec les autres peut aider à y voir plus clair, à rebondir sur des pistes prometteuses.
2 Le mot opération est pris au sens large, il ne se réduit pas aux opérations arithmétiques (voir Opérations et calcul § 1.).
3 La définition de situation problème, ici donnée, s’inspire de plusieurs documents et auteurs. Du premier projet de Socles de Compétences, 1994, au Référentiel des Mathématiques, 2021, édités par la Fédération Wallonie-Bruxelles, la résolution de problèmes est une des visées des mathématiques à l’école. de Vecchi G., carmona-maGnaldi N., 2002, p. 47, FaGnant A. et al., 2013, Cycle 8/10, p. 10, et Le Rallye Mathématique Transalpin (RMT), dossier d’octobre 2013, p. 9, donnent des critères de définition et des pistes d’activités.
3. Trois fonctions possibles des situations problèmes
on peut déterminer trois fonctions de la résolution de situations problèmes4
Les situations sont porteuses d’un obstacle matière à dépasser. Pour résoudre la situation, les élèves vont devoir construire un nouveau savoir, disqualifier d’autres savoirs non pertinents.
Les situations sont complexes, mais ne mobilisent pas des savoirs mathématiques de haut niveau. C’est plutôt l’enchainement des opérations, l’organisation d’un cheminement qui est à trouver.
Le savoir construit ne sert généralement qu’à cette situation. La démarche organisationnelle par contre est souvent transférable.
Les situations sont complexes et intègrent (mettent en relation) plusieurs savoirs préalablement travaillés par les élèves. Ici, ils sont à mobiliser de façon originale et articulée pour résoudre la situation, ils deviennent opérationnels, fonctionnels.
Ce type de situation peut être un outil d’évaluation de haut niveau5
La résolution de situations problèmes est alors une MÉTHODOLOGIE D’APPRENTISSAGE un OBJECTIF D’APPRENTISSAGE un OUTIL D’INTÉGRATION et un OUTIL D’ÉVALUATION
On vise l’apprentissage par la résolution de problèmes.
On vise le développement de compétences spécifiques mathématiques et autres.
On sollicite les compétences de résolveur de problèmes.
On vise l’apprentissage de la résolution de problèmes
On vise le développement des compétences de résolveur de problèmes.
On sollicite d’autres compétences.
analysons trois situations en lien avec ces trois fonctions.
■ situation de l’aquarium6 et son analyse
On vérifie la mobilisation intégrée des acquis.
Un aquariophile aimerait aménager l’aquarium dans lequel ses pensionnaires pourront trouver les conditions idéales : « plus c’est grand, mieux c’est ! »… sauf pour le portefeuille !
Il prévoit un aquarium de 60 cm de haut avec une toise de renfort en verre.
Le prix des vitres est de 45 € le m².
L’épaisseur du verre est de 1 cm.
La masse volumique du verre est de 3 kg/dm³. Aidez cet amateur à calculer le cout de sa réalisation ainsi que la masse (poids) de la cuve vide et de la cuve pleine.
Voici une vue du dessus de la cuve.
4 Voir les auteurs suivants : charnay r., 1996 ; descaVes a., 1992 ; rouche n., 2004 ; GilBert th., ninoVe l et le Gem, 2017 ; demonty i., FaGnant a., 2012.
5 Utiliser la résolution de problèmes pour vérifier des acquis chez les élèves, c’est recourir au plus haut niveau des outils d’évaluation.
Il s’agit donc d’en user avec précaution quand les élèves sont déjà aguerris à résoudre des problèmes. Évaluer des acquis doit se réaliser avec une variété d’outils et de niveaux taxonomiques.
6 Situation proposée par Vanmuysen A., Cours de mathématique en formation des instituteurs/trices primaires, HELMo Liège, 2000.
L’énoncé de cette situation donne plusieurs informations numériques très différentes et un plan qui, ensemble, ne laissent pas entrevoir d’emblée un cheminement pour trouver le cout et la masse (poids) de la cuve (à vide et remplie). Cette situation est de toute évidence complexe7 elle mobilise et demande de mettre en relation, d’articuler des connaissances construites au préalable : le théorème de Pythagore, des formules de calcul d’aires de polygones, des formules de calcul de volumes de prismes droits, la relation de proportionnalité entre des aires et des prix, la relation de proportionnalité entre des volumes et des masses (poids). Il s’agit ici de construire un enchainement pertinent et rigoureux d’opérations permettant de calculer les éléments demandés.
avec ce type de situation, on est davantage dans la fonction d’INtÉGratIoN, de CoNsoLIDatIoN, voire d’ÉVaLUatIoN des acquis. en effet, on peut apprécier la capacité des élèves à les mobiliser, à les articuler, à leur donner du sens, à comprendre leur utilité.
■ situation des carrés8 et son analyse
Dans ce carré, on peut trouver 14 carrés.
Combien de carrés peut-on trouver dans un carré de 5 sur 5, de 8 sur 8 et dans un carré de n sur n ?
Cette situation ne fait appel à aucun savoir complexe. elle demande par contre d’aller au-delà du tâtonnement, des essais-erreurs au profit d’une observation minutieuse du glissement des plus petits carrés dans les grands carrés donnés selon la direction de leur base et de leur hauteur, de traduire ce phénomène par des calculs. La demande de généralisation oblige à comparer les cas particuliers étudiés, à y repérer des régularités, des similitudes et à les exprimer alors de manière algébrique. avec ce type de situation, on est davantage dans la fonction aPPreNDre À CHerCHer en effet, ce type de situation amène à chercher un peu à l’aveugle au départ puis de manière de plus en plus structurée9 pour aboutir à la construction d’une formule générale peu transférable à d’autres situations. tout ce processus et son aboutissement donnent souvent un fort sentiment de satisfaction, la fierté d’y être arrivé, d’avoir relevé le défi.
■ situation du pavage10 et son analyse
Cet ensemble de polygones réguliers constitue-t-il un vrai* pavage du plan ?
Pourquoi ?
Reconstruis les preuves mathématiques nécessaires.
*Les pavés doivent être parfaitement jointifs.
Il ne faut ni trou ni chevauchement.
Le recouvrement doit pouvoir se poursuivre à l’infini.
Le dessin du pavage demande de vérifier mathématiquement qu’il est possible et oblige à s’interroger sur les amplitudes des angles des polygones réguliers.
Cette situation amène à CoNstrUIre UN NoUVeaU saVoIr : la formule permettant de calculer rapidement la valeur de l’amplitude d’un angle de n’importe quel polygone régulier11
7 Elle l’est davantage si on envisage de prendre en compte le mode de raccord entre les faces latérales de la cuve (biseautage, ou non, du verre) (la situation s’adressera alors à des techniciens de la construction).
8 Situation de dénombrement classique reprise dans des répertoires d’énigmes, de type dénombrement. Voir sa résolution géométrique sur https://www.enigme-facile.fr/enigme-combien-de-carres-5818 (consulté en mars 2022).

9 Voir tome 1, Traitement de données § 3. Pourquoi travailler ces organisations : ranger, trier, classer, hiérarchiser, croiser ?
10 Situation proposée par annoye M., Des polygones pour construire la géométrie, Louvain-La-Neuve, GEM, 1990, p. 19.
11 Cf. lucas F. et al., Explorer les grandeurs, se donner des repères, Mont-Saint-Guibert, De Boeck Van In, coll. Math & Sens, 2018. LA MATIÈRE § 4.7.6. Les angles des polygones réguliers.
Lorsque les amplitudes des angles des polygones réguliers sont calculées puis connues, il suffit de vérifier que la somme des amplitudes des angles des polygones juxtaposés autour d’un sommet vaut 360 degrés, propriété d’un vrai pavage du plan.
Une situation ne correspond pas par nature à l’une de ces trois fonctions. C’est l’enseignant qui, en tenant compte de son public, des apprentissages vécus et d’un objectif qu’il se donne avec ce public, décide de faire jouer telle ou telle fonction à la situation. Par exemple, la situation du pavage peut être une situation pour :
– construire le mode de calcul des amplitudes des angles des polygones réguliers si ce n’est pas connu ;
– chercher les diverses sortes de pavages possibles avec une sorte puis plusieurs sortes de polygones réguliers ;
consolider et intégrer des connaissances sur les polygones réguliers et faire éliminer ou non, en justifiant, le pavage proposé.
À travers ces trois grandes fonctions et au-delà, la résolution de problèmes peut viser d’autres objectifs plus spécifiques comme apprendre à se poser des questions, changer de point de vue, faire des hypothèses et les tester, chercher plusieurs démarches, oser une démarche originale, modéliser…
4. Compétences de « résolveur » de situations problèmes
La résolution d’une situation problème est un cheminement complexe qui passe par plusieurs phases et mobilise des compétences de haut niveau. Ce cheminement n’est pas linéaire, il procède de va-et-vient entre la situation, la résolution, les pistes de solutions et il nécessite souvent des retours en arrière et de nombreuses vérifications.
on peut retenir quatre compétences incontournables12 de « résolveur de problèmes » et schématiser leurs liens ainsi :
La situation problème
Représenter Résoudre Communiquer
Véri er
Voyons ce que peut recouvrir chacune de ces compétences, sans chercher à être exhaustif.
Se représenter la situation
C’est en percevoir toutes les composantes et leurs liens : les éléments du contexte, les données de divers ordres, les relations entre elles, les opérations en jeu…
C’est cerner la ou les questions qui se posent, celles qui sont à résoudre, le but à atteindre.
– C’est entrevoir les éléments utiles, intéressants, pertinents ou non pour engager un cheminement.
– C’est la mimer, la reformuler, la dessiner, la schématiser…
Résoudre la situation
– C’est parfois rechercher des données manquantes nécessaires pour commencer un traitement des données et avancer vers le but recherché.
– C’est parfois décomposer le problème en plusieurs « sous-problèmes » à résoudre.
– C’est choisir une démarche parmi plusieurs envisagées.
– C’est apprécier régulièrement l’écart entre les avancées réalisées dans le traitement et le but recherché.
– C’est parfois abandonner une démarche qui mène à une impasse au profit d’une autre.
C’est parfois prendre en compte certaines contraintes imposées par la situation.
– C’est mobiliser divers acquis utiles et les articuler.
– C’est parfois réaliser un organigramme de l’enchainement opératoire des données utiles vers la solution ou au contraire de la solution vers les données (voir tome 1, traitement de données § 4.3.4.).
– C’est parfois construire ou mettre en œuvre une modélisation spécifique (voir résolution de problèmes § 6.) ou, au contraire, c’est oser une stratégie personnelle, originale.
– C’est apprécier, interpréter la ou les solutions obtenues en cohérence avec la situation et le but recherché. –…
Communiquer
C’est un acte complexe qui peut prendre diverses formes : orale, écrite, dessinée, schématique… C’est donc parfois respecter une forme imposée, attendue.
– C’est un acte qui engage un émetteur et un récepteur. À l’école, communiquer est à envisager de façon adaptée à l’âge de l’émetteur et à l’interlocuteur auquel on s’adresse.
– C’est expliciter la situation, sa représentation, sa résolution, la ou les solutions.
– Ce n’est pas juste proposer des calculs et une solution numérique. C’est plus largement avoir le souci de rendre compréhensible à l’interlocuteur sa démarche, son cheminement liant l’analyse de la situation à l’obtention d’un ou de plusieurs résultats.
C’est confronter un ou des résultats obtenus au contexte de la situation et aux questions posées.
C’est parfois expliciter les choix réalisés dans la résolution en fonction du caractère ouvert de la situation ou au contraire en fonction des contraintes imposées.
Vérifier
tout au long du processus, que ce soit dans la représentation, la résolution ou la communication, des oublis, des erreurs peuvent surgir. Dès lors, vérifier est une compétence transversale à mobiliser régulièrement.
– C’est revenir sur le travail de représentation de la situation, sur la démarche de résolution, sur la ou les solutions et les articuler pour s’assurer
• de l’exactitude des données utilisées ;
• du non-oubli de l’une d’elles ;
• de la correction des opérations appliquées et des calculs réalisés ;
• de la rigueur des écritures (notamment des écritures mathématiques) utilisées ;
• de la plausibilité, de la cohérence de la ou des solution(s) trouvée(s) par rapport aux questions posées ou par rapport aux contraintes de la situation.
– C’est aussi confronter son cheminement avec d’autres et s’interroger sur les différences pour éventuellement le revoir et l’ajuster.
Fagnant a et al., Résoudre des problèmes : pas de problèmes !, bruxelles, De boeck, coll. math & sens. Cycle 5/8 ans, 2018 ; cycle 8/10 ans, 2013 ; cycle 10/12 ans, 2016. activités pour développer des compétences de résolveur de problèmes.
d’apprentissage ?
> Les compétences de résolveur de problèmes sont transversales elles sont utiles pour toutes les disciplines à l’école et dans la vie : la vie quotidienne et la vie professionnelle. Il est donc intéressant de les travailler de manière explicite et consciente à l’école.
> Les compétences de résolveur de problèmes ne se développent pas suffisamment lorsqu’on les sollicite dans des situations pour construire du nouveau savoir ou dans des situations d’intégration des acquis. en effet, dans ces deux cas, l’essentiel n’est pas là. La prise de conscience par l’élève de ce que sont ces compétences et de la manière d’amplifier leur développement risque de ne pas se réaliser.
> en travaillant chacune de ces compétences pour elle-même, avec des moyens adaptés et explicités, l’élève se responsabilise davantage sur cet objectif et apprécie ses progrès
> Les compétences de résolveur de problèmes sont des compétences de haut niveau dont l’élève ne dispose pas naturellement et d’emblée. Il est donc important de les travailler chacune à chaque cycle de l’école.
> Le travail sur chacune des compétences de résolveur de problèmes participe au développement des autres compétences.
– Prendre le temps de se représenter la situation, de se l’approprier est une attitude spécifique au résolveur expert et permet de résoudre plus efficacement ensuite.
– Éprouver des difficultés dans la résolution conduit à revoir la situation, à améliorer sa représentation.
– Communiquer de façon compréhensible son cheminement oblige souvent à rendre plus explicites des éléments de résolution.
– Vérifier chaque phase du cheminement amène à mieux prendre conscience de ce qu’implique chacune de ces compétences : représenter, résoudre, communiquer.
> Les compétences de résolveur de problèmes relèvent d’une haute expertise proche de celle du mathématicien chercheur. Il est important, par des situations variées de vraie recherche, de faire sentir aux élèves qu’il n’est pas judicieux de se précipiter dans une résolution. au contraire, ces expériences doivent leur faire découvrir qu’ils peuvent prendre leur temps, réfléchir en profondeur, faire preuve de patience et de persévérance. au terme de plusieurs démarches réflexives de ce type, ils pourront répertorier des attitudes et des stratégies prometteuses.
Pourquoi travailler les compétences de résolveur de situations problèmes pour elles-mêmes, les choisir comme objectif
Traitement de données numériques
Introduction
Cette partie prolonge le traitement de données du tome 1 en développant plus spécifiquement le traitement de données numériques. Nous proposons trois domaines mathématiques relatifs à ce type de traitement.
Dans le chapitre « éléments de combinatoire », nous explicitons la recherche de toutes les possibilités d’associations d’éléments en nombre fini. Nous nous limitons aux situations les plus courantes, accessibles dès le primaire : les situations « produits », les permutations, les arrangements et les combinaisons. Nous développons divers outils d’organisation des possibilités afin de pouvoir les dénombrer, voire les calculer aisément : arbres, tableaux, diagrammes. Dans ce chapitre, c’est davantage les démarches et leurs représentations graphiques pour déterminer les solutions qui sont importantes que les formules pour les calculer.
Dans le chapitre « éléments de probabilités », nous clarifions d’abord la spécificité de la pensée probabiliste (pensée non déterministe) en référence aux notions d’expérience aléatoire, de hasard et d’évènement. Une première évocation intuitive de probabilité est alors possible. Nous nous limitons aux notions élémentaires de probabilité dans une double approche :
l’approche expérimentale qui s’appuie sur de très nombreuses répétitions (loi des grands nombres) d’une expérience aléatoire et l’observation de la fréquence d’apparition d’un évènement ;
l’approche théorique qui s’appuie sur la notion d’équiprobabilité des évènements élémentaires d’une situation aléatoire.
Nous illustrons ces notions par des situations accessibles, comme le lancement d’objets, pour montrer qu’une initiation à ces notions est possible avec de jeunes élèves.
Dans le chapitre « éléments de statistiques », nous caractérisons le questionnement statistique de phénomènes, le prélèvement et le traitement de très nombreuses données. Nous développons les outils propres à ce domaine en suivant la démarche statistique.
Il s’agit d’abord de cerner la situation et de collecter des données. Nous développons plus particulièrement ce qu’est un sondage sur un échantillon de la population concernée par le phénomène étudié. Les éléments de ce processus sont clarifiés, comme les questions de sondage pertinentes, le type de données recherchées, les facteurs influençant les résultats d’un sondage et les caractéristiques d’un échantillon représentatif.
Il faut ensuite organiser, présenter et analyser les données. Les notions de série statistique, de tableau des effectifs et de fréquence statistique sont les premiers concepts indispensables à une organisation des données récoltées. L’analyse des données est facilitée par diverses représentations graphiques des séries statistiques : le diagramme à tige et à feuille, le diagramme circulaire, le diagramme en bâtonnets et l’histogramme.
Enfin, il est possible d’interpréter des données par des indicateurs statistiques : un indicateur de dispersion des données, l’étendue ; des indicateurs de position, la moyenne arithmétique, le mode et la médiane. Ce sont moins des formules que le sens à donner à ces notions que nous développons afin d’arriver à des interprétations utiles, des conclusions pratiques, des prises de décisions pertinentes.
1. Éléments de combinatoire
La combinatoire1 est une partie des mathématiques qui s’intéresse à différentes sortes d’associations qu’on peut réaliser à partir d’un ensemble fini d’objets. Il s’agit d’énumérer ces associations de manière exhaustive et/ou de les dénombrer.
– Quels sont tous les habillages différents possibles avec 2 blouses, 3 pantalons ?
– Quels autres drapeaux que le drapeau belge peut-on faire en utilisant les 3 couleurs (noir, jaune, rouge) placées l’une à côté de l’autre ?
– Combien de codes de 2 lettres distinctes peut-on faire avec les 4 lettres de LOIC ?
– Quelles paires d’enfants parmi 4 peut-on faire pour une danse à 2 ?
dans certaines situations, produire l’inventaire de toutes les possibilités nécessite l’utilisation d’outils ou de stratégies efficaces, qui sont décrits plus loin dans ce texte. de plus, lorsque le nombre de possibilités est grand, le dénombrement gagne à être réalisé par calcul. la recherche et l’application de formules adéquates sont un sujet abordé dans l’enseignement secondaire ; les problèmes envisagés en primaire en constituent toutefois les prémices.
les associations possibles sont nombreuses et variées. nous nous limitons ici aux plus courantes et aux plus accessibles.
Une approche trop abstraite et formelle de ces notions est à éviter avec les élèves. matérialiser les différents objets à associer (« vrais » objets ou étiquettes, images les représentant) permet une mobilité de ceux-ci et la réalisation, en tout ou en partie, des associations demandées. cela permet de réfléchir à la logique des associations, d’élaborer des organisations qui en témoignent et de comprendre le dénombrement qui s’en dégage.
les différentes associations d’objets sont présentées et définies ci-après. néanmoins, leurs définitions strictes isolées sont peu parlantes et n’ont pas grand intérêt. elles ne sont pas à retenir et à faire étudier. c ’est bien leur ancrage dans des situations visualisables qui leur donne sens.
1.1. Les situations « produits »
Le produit cartésien de deux ensembles2 A et B est l’ensemble de tous les couples qu’il est possible de réaliser en prenant, comme premier élément du couple, un élément du premier ensemble et, comme deuxième élément du couple, un élément du deuxième ensemble.
Cet ensemble se note A × B et se dit « A croix B ». On le nomme produit cartésien.
Un couple, élément de cet ensemble, se note (a, b), a appartenant à A et b appartenant à B.
Le couple (a, b) est différent3 du couple (b, a) qui, lui, appartient à l’ensemble produit B × A.
Voici des situations appelant à réaliser le produit cartésien de deux ensembles (ou plus).
– Quels sont tous les habillages différents possibles avec 2 blouses, 3 pantalons ? (1)
– Combien de codes différents possibles peut-on envisager pour un cadenas à 4 chiffres ? (2)
1 La combinatoire est aussi appelée l’analyse combinatoire.
2 Il est possible d’envisager le produit cartésien de 3 ensembles A × B × C comprenant des triplets (a, b, c) ; a appartenant à A, b à B et c à C (et le produit cartésien de n ensembles comprenant des n-uplets). On a A × B × C = (A × B) × C = A × (B × C).
3 (a, b) ≠ (b, a) contrairement à la notion de paire d’éléments (voir tome 1, Traitement de données, § 4.1.1.1.) : {a, b} = {b, a}.
en effet, elles mettent en jeu deux ensembles d’objets (ou plus) : – ensemble de blouses, ensemble de pantalons ;
ensemble des dix chiffres de 0 à 9 à considérer 4 fois pour réaliser un code de 4 chiffres. il s’agit alors de prendre un élément par ensemble de toutes les façons possibles. on réalise ainsi un produit cartésien d’ensembles.
■ reprenons la situation des habillages possibles en couplant des blouses et des pantalons (1).

soit un ensemble constitué de 2 blouses : { , } ou {b1, b2}.








soit un autre ensemble constitué de 3 pantalons : { , , } ou {p1, p2, p3}.
cherchons tous les couples (blouse, pantalon) possibles. recourons à trois supports qui permettent l’énumération de ces couples : un graphe sagittal, un tableau, un arbre.















ce type de recherche commence de manière brouillonne, par essais-erreurs, ajustements. le besoin d’organiser la recherche s’impose pour être sûr de trouver toutes les possibilités sans en oublier et sans répéter deux fois la même. les supports comme ceux qui suivent sont utiles.
• Un graphe sagittal :



on obtient 6 possibilités.
Graphiquement, 6 correspond au nombre de flèches entre les deux ensembles.
• Un tableau à double entrée :
on obtient 6 possibilités.
Graphiquement, 6 correspond au nombre de cases dans le tableau à deux entrées : 2 rangées de 3 ou 3 colonnes de 2 donc 23 32×× ou
• Un arbre de dénombrement :




on obtient 6 possibilités.
Graphiquement, 6 correspond au nombre de branches terminales de l’arbre.
Par ces supports (graphe sagittal, tableau, arbre) (voir tome 1, Grandeurs § 6.1.1. et traitement de données § 4.2. et § 4.3.), on voit que le nombre de possibilités correspond au produit du nombre d’éléments du premier ensemble par le nombre d’éléments du second ensemble (voir opérations et calcul § 2.1.5.).


Le cardinal d’un ensemble est son nombre d’éléments. Le cardinal de l’ensemble A se note #A.


Le cardinal du produit cartésien de deux ensembles est le produit des cardinaux de ces deux ensembles. On note #(A × B) = #A × #B.
■ reprenons la situation du code de 4 chiffres (2).
le support qui, ici, permet un dépliage complet et clair des différentes possibilités est l’arbre de dénombrement. il n’est même pas nécessaire d’y notifier toutes ses composantes.
la structure en arbre montre bien l’obtention du nombre final de possibilités par la multiplication des nombres (toujours 10) de chiffres possibles en 1re, 2e, 3e et 4e position.
1.2. Les permutations
Une permutation d’une suite ordonnée de n éléments différents est une réorganisation de cette suite de n éléments dans un ordre différent, sans qu’aucun d’eux ne soit répété.
On note le nombre de permutations de n éléments distincts Pn.
Une permutation de la suite a, b, c est, par exemple, la suite b, a, c ; une autre est b, c, a.
Quels autres drapeaux que le drapeau belge peut-on réaliser en utilisant les 3 couleurs (noir, jaune, rouge) placées l’une à côté de l’autre ? (1)
De combien de façons possibles 6 enfants peuvent-ils être alignés pour une photo ? (2)
■ reprenons la situation des couleurs du drapeau belge pouvant donner lieu à d’autres drapeaux recourant aux 3 couleurs juxtaposées (1).
Pour ce drapeau, 3 couleurs sont à permuter.
Pour la 1re place, les 3 couleurs sont possibles.
Pour la 2e place, la couleur de la 1re place étant choisie, il reste 2 couleurs possibles.
Pour la 3e place, les couleurs de la 1re place et de la 2e place étant choisies, il reste une couleur possible.
ceci peut se déplier en arbre.
on obtient 6 possibilités.
en passant d’une place à la suivante, il y a un élément de moins possible. on a donc un produit de facteurs « dégressifs » d’une unité chaque fois : 33 13 23 21 6
■ considérons la photo de 6 enfants alignés pouvant donner lieu à d’autres alignements. Voici les dessins des 6 enfants.

Pour la 1re place, les 6 enfants sont possibles. Pour la 2e place, 5 enfants restent possibles. Pour la 3e place, 4, et ainsi de suite.
cela peut être montré avec un arbre.
× 4 × 3 × 2 × 1
on obtient 720 possibilités.
le nombre total de possibilités peut vite devenir grand ! si, dans le cas des couleurs du drapeau belge, il est possible de trouver par tâtonnement toutes les possibilités (6), c’est fastidieux, voire impossible, dans le cas des six enfants à permuter (720). c’est là qu’on mesure la puissance des outils organisateurs tels que les arbres. la construction et l’utilisation de ces supports sont bien plus importantes que l’application de formules. ces dernières prennent sens à travers ces supports.
on retrouve dans ces deux exemples un produit de facteurs « dégressifs » d’une unité à chaque fois. On appelle factorielle n, notée n!, le produit de n facteurs dégressifs d’une unité, depuis le premier facteur n jusqu’au dernier facteur 1. On a n! = n × (n – 1) × (n – 2) × … × 1.
Dans la situation des drapeaux, on avait factorielle 3, notée 33 21 !
Dans la situation des enfants, on a factorielle 6, notée 66 54 32 1 !
Pour n éléments distincts, on a donc n! permutations possibles.
Le nombre de permutations de n éléments distincts, Pn , vaut n! = n × (n – 1) × (n – 2) × … × 1. cette définition est valable à partir de n = 2. on pose par convention que 1! = 1 et que 0! = 1. cette convention est néanmoins compréhensible en partant d’autres factorielles.
Par exemple : 3! = 4 4 ! et 2! = 3 3 ! ; donc 1! = 2 2 ! = 1 et 0! = 1 1 ! = 1.
1.3. Les arrangements
Un arrangement de k éléments différents4 pris dans un ensemble de n éléments est une suite ordonnée de ces k éléments. On note le nombre de tels arrangements Ak, n.
Combien de codes de 2 lettres distinctes peut-on faire avec les 4 lettres de LOIC ? (1)
Combien de podiums 1 2 3 différents peut-on avoir pour une course de 5 enfants ? (2)
ces situations demandent de réaliser des tirages successifs d’éléments dans un ensemble fini donné :
– premier tirage pour une première lettre, pour la place 1 du podium ;
– puis deuxième tirage pour une deuxième lettre, pour la place 2 du podium ;
– enfin troisième tirage pour la place 3 du podium.
l’ordre des éléments a de l’importance. en effet,
– le code lo est différent du code ol ;
– le podium « sarah en 1, Hugo en 2, chedid en 3 » diffère du podium « Hugo en 1, chedid en 2, sarah en 3 ».
■ Voyons la situation du code de 2 lettres parmi les 4 lettres loic (1).
ici, vu le peu d’éléments à arranger, il est possible de trouver ces codes en visualisant les associations de deux lettres à partir des 4 données :
LO LI LC et donc aussi OL IL CL
OI OC et donc aussi IO CO
IC et donc aussi CI
ce qui donne 12 possibilités.
on peut aussi envisager la situation en deux tirages successifs d’une lettre :
– si je tire l comme première lettre, il me reste pour le second tirage 3 lettres possibles : o, i, c ;
– si je tire o comme première lettre, il me reste pour le second tirage 3 lettres possibles : l, i, c ;
– si je tire i… ; si je tire c
Quelle que soit la première lettre tirée parmi les 4 disponibles, il y a ensuite 3 lettres possibles pour le second tirage.
4 On pourrait envisager le prélèvement des k éléments avec remise, on pourrait alors avoir des répétitions d’un même élément. Nous ne développons pas ce cas dans cet ouvrage.
on peut alors envisager un arbre de dénombrement lié à ces deux tirages successifs.
on retrouve les 12 possibilités.
on voit clairement ce 12 comme produit du nombre de possibilités pour la 1re lettre par le nombre de possibilités pour la 2e lettre.
les 2 facteurs du produit correspondent aux 2 niveaux de l’arbre, c’est-à-dire aux 2 places à prendre dans chaque code.
l’arbre montre ici, de façon plus évidente, l’obtention du produit dont le 1er facteur est 4 et le 2e facteur est 3. il montre aussi qu’on s’arrête à ce deuxième éventail de 3 branches pour obtenir les codes de 2 lettres. cet arbre est une partie d’un arbre de permutation, une permutation étant un arrangement particulier de n éléments pris parmi n.
■ Voyons la situation du podium 1 2 3 avec 5 enfants : sarah, Hugo, chedid, emma, ali (2).
la place 1 peut être obtenue par 5 enfants différents.
la 1re place étant prise par un enfant, la place 2 peut encore être obtenue par 4 enfants différents.
la 2e place étant prise par un enfant, la place 3 peut encore être obtenue par 3 enfants différents.
Sarah, Hugo, Chedid
Sarah, Hugo, Emma
Sarah, Hugo, Ali Ali
le nombre total d’arrangements correspond au produit du nombre de possibilités pour la place 1 par le nombre de possibilités restantes pour la place 2, par le nombre de possibilités restantes pour la place 3. les 3 facteurs du produit correspondent aux 3 niveaux de l’arbre, c’est-à-dire aux 3 places à prendre dans chaque arrangement (3 places sur le podium).
dans ces deux situations, on trouve un produit de facteurs dégressifs d’une unité comme dans les permutations, mais la dégression ne va pas jusqu’au facteur 1. on peut généraliser.
dans la situation du code de 2 lettres parmi 4, on a 43 × possibilités. dans la situation du podium de 3 places pour 5 enfants, on a 54 3 ×× possibilités. ces produits commencent comme les factorielles, mais s’arrêtent. les arbres montrent bien comment, en fonction de la situation donnée et de ses contraintes, occuper les places successives et s’arrêter. le nombre de facteurs est le nombre de « places » à occuper.
2 places
4! = 4 × 3 × 2 × 1
3 places
5! = 5 × 4 × 3 × 2 × 1
cela donne 12 possibilités. cela donne 60 possibilités.
on peut retrouver nos résultats à partir des factorielles.
12 = 43 × = 43 21 21 ×× × × = 4 2 ! !
60 = 54 3 ×× = 54 32 1 21 ×× ×× × = 5 2 ! !
On peut exprimer de manière générale le nombre d’arrangements de k éléments distincts pris dans un ensemble de n éléments différents, noté Ak, n. Ainsi : Ak, n = n! nk ! .
Plus simplement, ceci correspond à k facteurs dégressifs d’une unité à partir de n, comme le montrent les exemples : Ak, n = n × (n – 1) × (n – 2) × … (n – k + 1)
k facteurs, k places
l’écriture d’une formule comme celle-ci, sous forme littérale, est le résultat d’une généralisation théorique. le dénombrement des cas possibles d’arrangements de k éléments distincts parmi n se calcule en s’inspirant des permutations. Pour arriver à cette formule, on s’éloigne de ce qui se fait concrètement. il est plus important de comprendre ce qui se passe dans ce genre de situation que de restituer une formule et de l’appliquer. d’autres formules complètent celle-ci en analyse combinatoire. les accumuler et vouloir les retenir risque souvent de provoquer un encombrement mental et un dégout.
on peut remarquer qu’une permutation est un arrangement de n éléments pris parmi n. en appliquant le mode de calcul des arrangements possibles, on trouve Pn = An, n =
1.4. Les combinaisons
Une combinaison de k éléments pris dans un ensemble de n éléments différents5 est un sousensemble de k éléments de cet ensemble. On note le nombre de telles combinaisons Ck, n.
Quelles paires d’enfants parmi 4 peut-on former pour une danse à 2 ? (1)
– Cherchez toutes les collations différentes qu’on peut obtenir en sélectionnant 3 friandises distinctes parmi 5 proposées. (2)

ces situations demandent de réaliser et de dénombrer des sous-ensembles d’un ensemble d’éléments donnés. les éléments pris sont différents et l’ordre n’a pas d’importance.
■ Prenons la situation des paires d’enfants pour une danse, pris parmi 4 (1). soit un ensemble de 4 enfants, noté {alice, liam, bob, elio}.
on peut déterminer les sous-ensembles de 2 enfants comme ceci :

{Alice, Liam}, {Alice, Bob}, {Alice, Elio}
{Liam, Bob}, {Liam, Elio}
{Bob, Elio}
ceci donne 6 possibilités.
dans le tableau ci-joint, on élimine
les situations du genre « alice danse avec alice » ;
les doublons du genre : « liam danse avec alice » puisqu’on a déjà « alice danse avec liam ».
dans la situation où il fallait faire des codes de 2 lettres en les prenant parmi les 4 lettres de loic (voir § 1.3.), il y avait 12 possibilités, car l’ordre avait de l’importance. ici, l’ordre est indifférent. le duo {alice, liam} est égal au duo {liam, alice}. il est inutile de considérer les permutations de ces éléments, on garde un duo sur deux par rapport à une situation d’arrangements. il y a donc ici deux fois moins de possibilités : 6 au lieu de 12.
le tableau à deux entrées, qui s’applique ici à la situation particulière de composition de paires, montre bien cette réduction de moitié.
■ Prenons la situation des collations de 3 friandises parmi 5 proposées (2).

soit les collations différentes suivantes : une pomme, un jus, un biscuit, un caramel, une tartine. le tableau suivant permet de repérer et de noter les trios possibles. ce tableau permet de répertorier de façon structurée les 10 trios de friandises différents possibles.

si on compare à la situation des podiums possibles ( 1 2 3 ) pour 5 coureurs, on avait 60 possibilités. c’est beaucoup plus, puisque, dans ce cas, l’ordre importait.
ici, pour un trio tel que {pomme, jus, biscuit}, on n’a pas besoin de considérer toutes les permutations de ces trois éléments.

on a 6 permutations possibles : {pomme, jus, biscuit}, {pomme, biscuit, jus}, {jus, biscuit, pomme}, {jus, pomme, biscuit}, {biscuit, pomme, jus}, {biscuit, jus, pomme}. on en garde une sur six.
le nombre de permutations se trouve en calculant 3! = 3 × 2 × 1.
donc dans une situation de combinaisons de 3 éléments parmi 5, on a 6 fois moins de possibilités que pour une situation d’arrangements de 3 éléments parmi 5.
3 × 2 ×
on peut donc relier les combinaisons aux arrangements et généraliser.
nombre d’arrangements de 2 éléments parmi 4
nombre d’arrangements de 3 éléments parmi 5
6 = 12 2 = 43 21 × × 10 = 60 6 = 54 3 32 1 ×× ××
nombre de permutations de 2 éléments :
2! = 2 × 1 = 2
nombre de permutations de 3 éléments :
3! = 3 × 2 × 1 = 6
On peut exprimer de manière générale le nombre de combinaisons de k éléments pris dans un ensemble de n éléments différents : Ckn kn A k! n! nk !k! , ,
rappelons que le travail de généralisation de la recherche, ici en tableau, est intéressant et que la généralisation en une formule de calcul pour elle-même n’a pas grand intérêt. il est plus important de comprendre ce qui se passe dans une situation que de tenter de restituer une formule et de l’appliquer.
> en primaire, il s’agit d’aborder ce type de situation comme des situations pour apprendre à chercher. en effet, résoudre ces situations ne requiert pas au préalable de connaissances très élaborées. il s’agit ici de développer des compétences de résolveur de problèmes (voir résolution de problèmes § 4.) comme
– représenter la situation de départ : en l’analysant, en cherchant à comprendre…
– résoudre, raisonner, argumenter : en agissant sur du matériel, en dessinant, en recourant à diverses schématisations, en cherchant des liens logiques…
– communiquer sa démarche et ses résultats : en organisant sa recherche, en identifiant des étapes, des moyens utilisés…
vérifier les différentes étapes de la résolution : en se relisant, en confrontant avec les autres…
> en primaire, il n’est pas utile de nommer et d’amener à discriminer les situations produits, des permutations, arrangements ou combinaisons. Par contre, il est important d’amener les élèves à réaliser qu’on passe, avec ce type de situations, à un dénombrement calculatoire et que cette dimension opératoire du dénombrement résulte d’organisations de la recherche et de régularités à dégager.
> en secondaire, la distinction entre les divers regroupements d’éléments peut être observée, mais ce n’est néanmoins pas un but en soi, il est intéressant de percevoir que le dénombrement calculatoire peut se généraliser et s’écrire sous forme littérale. La généralisation de telles situations aide à passer de la pensée arithmétique à la pensée algébrique. il est important dès lors de confronter les élèves à des situations du même type, d’ordonner des suites d’opérations, de chercher les schémas et les règles qui peuvent en découler.
> en secondaire, ces situations dans lesquelles on recherche les cas possibles préparent le travail sur les probabilités et le traitement statistique (voir traitement de données numériques § 2. et § 3.).
association rallye mathématique transalpin (nombreux problèmes de combinatoire dès la 3e primaire). https:// rmt-belgique.be/problemotheque et http://www.armtint.eu/fr.
lyons m., lyons R., Défi mathématique, manuels de l’élève pour les cycles 1, 2 et 3, montréal, chenelière Éducation, 2000.
Demonty i., Vlassis J., Développer l’articulation arithmétique-algèbre entre le primaire et le secondaire, 10/14 ans, mont-saint-Guibert, de boeck Van in, coll. math & sens, 2018.
Pourquoi est-il intéressant d’aborder des situations de combinatoire en primaire et en secondaire ?
Nombres
Introduction
Le tome 1 de ce référentiel de mathématiques présentait la géométrie et les grandeurs. Il nous semblait important que les nombres soient présentés à la suite de ces deux premiers domaines. En effet, l’enfant commence par appréhender son environnement. Ensuite, il est amené à concevoir – d’abord qualitativement puis de manière quantitative – les grandeurs des objets qu’il y rencontre. Quantifier une grandeur s’effectue par dénombrement ou par mesurage. Ainsi, les grandeurs sont une porte d’entrée intéressante pour les apprentissages liés aux nombres et aux opérations.
Cette partie s’articule autour de quatre chapitres. Les nombres sont traités dans les trois premiers et la numération dans le dernier.
Les contenus de cette partie sont proches de ceux enseignés à l’école fondamentale. Surtout, ils permettent de mieux les comprendre, les articuler et ainsi être plus à l’aise pour les enseigner. Ces contenus ne sont donc en aucun cas à enseigner tels quels
Dans le premier chapitre, nous étudions d’abord les nombres les plus utilisés : les nombres naturels
Leur utilisation quotidienne n’en garantit pas la bonne compréhension et n’assure pas que les bases nécessaires au calcul soient maitrisées. Nous en reprenons quelques-unes pour les appréhender dans toute leur richesse : leur double aspect (cardinal et ordinal), leurs fonctions et leurs désignations (dont la différence entre chiffre et nombre) ainsi que les principes liés au dénombrement. Nous insistons ensuite sur la mise en relation des nombres entre eux en présentant les décompositions – additives et multiplicatives – qui mèneront progressivement aux calculs.
Dans le deuxième chapitre, nous étudions les supports qui permettent de structurer les nombres et leurs relations. Plus particulièrement, nous présentons des familles de schèmes, la bande numérique, la droite des nombres ainsi que le tableau de 100.
Dans le troisième chapitre, nous élargissons le champ numérique en abordant les différents types de nombres : entiers relatifs, rationnels et réels. Dans ce chapitre, plus que de chercher à définir rigoureusement les nombres de manière ensembliste, il nous a semblé important d’étudier les types de nombres selon des situations concrètes équivalentes du point de vue du nombre.
Nous clôturons cette partie par un chapitre sur la numération pour découvrir comment le système décimal a fini par s’imposer de manière quasi universelle. Pour le comprendre, il est important de maitriser les notions d’échanges et de groupements (par 10 dans notre système). Ces derniers pourront être matérialisés à l’école fondamentale pour en maitriser le fonctionnement. Nous terminons ainsi ce chapitre par des éléments d’analyse du matériel de numération.
1. Les nombres naturels


Le nombre est un objet mathématique fréquemment rencontré et pourtant extrêmement abstrait. on le trouve dans une multitude de contextes et sous des formes (types ou écritures) très variées. Derrière chaque nombre (naturel, entier relatif, rationnel…), il existe de nombreuses situations concrètes différentes mais équivalentes du point de vue du nombre (voir § 3.).
Un nombre est une notion abstraite qui rend compte du résultat d’un dénombrement (d’une grandeur discontinue), d’un mesurage (d’une grandeur continue) ou d’un repérage (d’une position) (voir tome 1, Grandeurs § 1.2. et Géométrie § 1.2.3.).
Dans les deux premiers cas, le nombre témoigne d’une quantité en répondant à la question « combien ? » et, dans le dernier, d’une position en répondant à la question « où ? » ou « le/la quantième ? ».




Nous nous centrons d’abord sur les nombres naturels1, qui sont les premiers nombres rencontrés, ceux à partir desquels les notions d’aspects cardinal et ordinal ou de dénombrement prennent leur sens.
Pour créer la notion de nombre, il est capital de considérer comme indissociables ses aspects cardinal et ordinal. En effet, associer exclusivement le nombre à une quantité, c’est occulter une partie de sa complexité. Ainsi, pour exprimer explicitement une quantité d’objets sans prendre en compte une quelconque position, au lieu de parler uniquement de « nombre », on préfèrera la formule « nombre de », qui répond plus précisément à la question « combien de ? »
Pourquoi privilégier la formule « nombre de » jusque dans les exercices sur feuille ?
> Construire progressivement le passage de situations concrètes à l’abstraction du nombre est incontournable. mieux vaut installer des bases solides que vouloir enseigner les nombres, les opérations et le langage mathématique abstrait trop rapidement.
> Varier les mots utilisés enrichit le répertoire lexical des enfants et leur permet de comprendre qu’on peut employer les nombres dans de nombreuses situations, qu’elles soient de la vie courante (lorsqu’on utilise des « nombres de degrés Celsius », des « nombres de centilitres » ; quand on utilise des nombres de pommes, de cartes…) ou plus scolaires (quand on travaille sur des nombres de cases, de jetons, de points…).
> Associer aussi longtemps que possible les objets (éventuellement mathématiques) aux nombres auxquels ils se rapportent permet un meilleur accès aux calculs. L’évocation des nombres commence par une approche orale, où il est naturel de préciser les objets auxquels se rapportent ces nombres. une fois écrits sur feuille, ces mêmes nombres se trouvent privés de leurs objets, laissant les enfants seuls face à une écriture symbolique où la référence à des situations concrètes n’est plus du tout perceptible.
Oralement, on dira qu’il y a 2 élèves absents sur une classe de 21 élèves. Il y a donc 19 élèves présents. Sur feuille, on écrit « 21 – 2 = 19 ».
> Penser « nombre de » augmente l’efficacité face aux calculs, surtout pour des calculs qui peuvent être considérés comme difficiles (la difficulté variant selon le moment de l’apprentissage).
L’opération elle-même peut parfois être reformulée pour donner plus de sens.
– Le calcul « 6 x 3 » peut poser problème : pense-t-on « paquets de » ou « multiplié par » ? Est-ce le 6 qui agit sur le 3 ou l’inverse ? Exprimer ce calcul « 6 pochettes de 3 crayons » est plus éclairant : cela fait 18 crayons.
– Le résultat du calcul « 7 : 21 » n’est pas forcément évident à trouver. Par contre, se demander ce que valent 7 euros par rapport à 21 euros permet de réaliser qu’ils en valent 1 3
> Exprimer les nombres particuliers, comme les nombres à virgule ou les fractions, sous une forme de « nombre de », les rend plus accessibles. En outre, cela facilite les calculs les concernant
– Si l’écriture 0,002 ne permet pas toujours de percevoir ce nombre peu rencontré dans la vie courante, parler de 2 millièmes, 2 millimètres ou 2 millilitres est plus évocateur.
– Lorsque le calcul « 0,2 + 0,13 » est exprimé sous la forme « 2 dixièmes + 13 centièmes », le besoin d’exprimer les deux nombres dans la même unité se fait directement sentir et une fois cela fait, additionner 20 centièmes et 13 centièmes ne pose pas davantage de problèmes que l’addition de 20 billes et de 13 billes.
– Exprimer le calcul « 4 5 –1 5 », « 4 cinquièmes – 1 cinquième », en considérant que les « cinquièmes » sont les noms des morceaux, permet de prendre conscience que son résultat est aussi évident que celui de « 4 pommes – 1 pomme ».
DeriDDer M.-P., Hoeben S., Voyage en Calculie, Sambreville, Atzéo, 2018, p. 15. Clé n° 1 « toujours avec mon dénominateur ».
Van Den borre A., La Mathématique en français, bruxelles, Labor, 2000.
1.1. Les aspects du nombre
La notion de nombre naturel et ses deux aspects – cardinal et ordinal – se dégagent de la comparaison de collections d’objets. Cette comparaison ne porte pas sur la nature des objets ou sur leurs caractéristiques (couleur, taille, allure…), mais sur la possibilité de mettre (ou non) ces collections en correspondance terme à terme.



La correspondance terme à terme est l’association des éléments de deux collections de manière à faire correspondre à un élément de la première un et un seul élément de la seconde et réciproquement.
Chaque souris est associée à un et un seul fromage. Il n’y a pas de souris sans fromage ni de fromage sans souris. On dit qu’il y a correspondance terme à terme entre la collection des souris et celle des fromages.
Deux collections équipotentes sont deux collections qui peuvent être mises en correspondance terme à terme.
S F S F
La collection S des souris et la collection F des fromages sont équipotentes. Il y a autant de fromages que de souris.
La collection S des souris et la collection F des fromages ne sont pas équipotentes. Il y a plus de souris que de fromages. Il y a moins de fromages que de souris.
C’est à partir de cette notion de correspondance terme à terme et de collections équipotentes qu’une définition du nombre naturel est établie.
Un nombre naturel est une propriété commune de collections pouvant être mises en correspondance terme à terme ou, autrement dit, une propriété commune à toutes les collections équipotentes.
Le nombre naturel trois est une propriété commune des collections A, B, C et D.
A B C D
Cette propriété numérique des collections est appelée cardinal des collections. C’est leur nombre d’éléments.
Le cardinal des quatre collections, A, B, C et D vaut 3. Ces collections ont le même nombre d’éléments : 3.
1.1.1. Aspect cardinal du nombre naturel
Des collections peuvent être comparées selon leur nombre d’éléments. on peut les classer en prenant comme critère « avoir le même nombre d’éléments ».
Soit, en vrac, des images de collections de fruits.

On classe ces images de collections de fruits en colonnes, selon le même nombre de fruits.









Dégager les nombres naturels de cette activité de classement, c’est mettre en évidence leur aspect cardinal.
L’aspect cardinal des nombres naturels correspond à une quantité égale d’éléments pour des collections différentes.
Chaque classe de collections équipotentes donne l’idée du nombre dans sa cardinalité. Ce nombre qui permet de dire la quantité associée à chaque collection est appelé nombre cardinal.
Les collections de 4 éléments donnent l’idée du nombre 4, indépendamment de leur nature et de leurs caractéristiques : 4 est le cardinal de ces collections, c’est un nombre cardinal.
Arriver à cette généralisation de l’aspect cardinal du nombre naturel est essentiel pour parler plus globalement de maitrise du nombre nécessaire au calcul. En effet, pour arriver à comprendre qu’un calcul comme 2 + 3 donne 5, il faut à la fois pouvoir se référer à des collections et en même temps s’en distancier. Derrière chaque nombre 2, 3 et 5, il y a une multitude d’objets qui peuvent être mis ensemble, être collectés. Par exemple, 2 crayons gris et 3 autres crayons dans mon plumier, 2 biscuits et 3 bonbons pour ma collation, 2 « bidules » et 3 autres « bidules »… Sans cet accès à l’aspect cardinal du nombre, l’abstraction du calcul est impossible.
1.1.2. Aspect ordinal du nombre naturel
Des collections peuvent être comparées selon leur nombre d’éléments. on peut les ranger, les ordonner en prenant comme critère « nombre croissant2 d’éléments ».
On range les images de collections de fruits en ligne, selon le nombre croissant de fruits.






Il suffit de remettre dans l’ordre croissant les colonnes obtenues lors du classement précédent.
Dégager les nombres naturels de cette activité de rangement, c’est mettre en évidence l’aspect ordinal des nombres naturels.
L’aspect ordinal des nombres naturels correspond à des quantités d’éléments plus petites ou plus grandes (et donc inégales) pour des collections différentes.
De la colonne de gauche à la colonne de droite, on voit dans chaque ligne qu’il y a de plus en plus de fruits dans les collections. on voit 1 banane puis 2 cerises puis 3 mandarines, puis 4 bananes et enfin 5 mandarines. Chaque ligne montre des nombres croissants de fruits.
Ici, tant dans le classement que dans le rangement, les collections sont traitées exclusivement du point de vue du nombre de leurs éléments : égal ou différent et croissant. Les diverses sortes de fruits dans les images ne sont pas prises en compte. Néanmoins, pour les jeunes élèves, ceci peut être perturbant. Les diverses tailles des fruits peuvent influencer leur perception et leur faire dire que 1 banane, c’est plus que 2 cerises, que 4 pommes c’est plus que 5 prunes. Spontanément, ils vont accorder de l’importance à ces diverses sortes de fruits et ne comparer que ce qui, pour eux, est comparable : les bananes entre elles, les cerises entre elles… Se détacher de cela est un pas supplémentaire dans l’abstraction qu’ils feront plus tard.
Chaque ligne de collections ordonnées donne ainsi l’idée d’ordre entre les nombres : 2 (fruits), c’est plus que 1 (fruit), le nombre 2 est plus grand que le nombre 1 ; 3 (fruits), c’est plus que 2 (fruits), le nombre 3 est plus grand que le nombre 2…

2 On pourrait aussi considérer le nombre décroissant d’éléments.

Arriver à cette généralisation de l’aspect ordinal du nombre naturel est tout aussi essentiel pour parler plus globalement de maitrise du nombre nécessaire au calcul.
Dans un calcul retrait comme 15 – 8 qui donne 7, pour enlever les 8 unités, il faut réaliser qu’il faut aussi en prendre dans la dizaine formant 15, puisque 5 unités, c’est moins que 8 unités, puisque 5 est plus petit que 8.

En se référant par ailleurs à des collections d’objets, quels que soient les objets, les enfants perçoivent bien qu’on ne peut pas retirer 8 objets hors de 5 objets, 8 objets étant plus que 5 objets.
1.1.3. Articulation entre aspect cardinal et aspect ordinal
Le nombre ne peut se concevoir que comme une idée abstraite qui lie de manière indissociable l’aspect cardinal et l’aspect ordinal.
L’articulation entre ces deux aspects peut se voir au travers de diverses manipulations de collections.
■ Classer et ranger des collections
Ces deux aspects se dégagent d’une double activité de classement et de rangement de collections, avec comme critère
– de classement : avoir le même nombre d’éléments ;
de rangement : avoir un nombre croissant (décroissant) d’éléments.
reprenons les images de collections de fruits et réalisons le classement et le rangement sous forme de tableau à double entrée, en suivant cette fois les différentes sortes de fruits (voir tome 1, traitement de données § 3.2.2. et § 3.1.).



Ce tableau montre les deux aspects des nombres.
– Chaque ligne met en évidence l’accroissement des quantités des collections différentes, donc la succession ordonnée des nombres, leur position relative. C’est l’aspect ordinal.
4, c’est plus que 3 et moins que 5, le nombre 4 se situe entre 3 et 5 ;
– Chaque colonne met en évidence la permanence d’une même quantité pour des collections différentes. C’est l’aspect cardinal
1 est le cardinal des collections :
lucaS F. et al., Élucider la numération pour mieux calculer, Louvain-la-Neuve, De boeck, coll. math & Sens, 2015.
LA mAtIÈrE 2.1. Les aspects du nombre naturel.
■ Emboiter des collections
Lorsque les collections comparées sont constituées des mêmes objets qui s’accumulent, des mêmes objets en nombre croissant, on peut les emboiter3

On recommande de manger 5 fruits et légumes par jour. Au fil de la journée, je consomme un fruit ou un légume de plus.
Dans une collection de 5 bananes, on voit celles de 4, de 3, de 2, de 1 banane.
Dans une collection de points également.
L’aspect cardinal correspond aux collections de même nombre d’objets : 3 fruits et légumes, 3 bananes, 3 points. Vu l’emboitement, l’inclusion des collections, on voit de manière plus explicite que tout nombre contient les précédents : dans 5, il y a 4, il y a 3, il y a 2, il y a 1.





L’aspect ordinal correspond aux collections de nombre croissant d’objets avec le même ordre 1, 2, 3, 4, 5 qui se dégage de chaque série emboitée.
Arriver à cette généralisation du lien entre les aspects cardinal et ordinal par l’emboitement de collections est aussi essentiel pour accéder à la maitrise du nombre nécessaire au calcul. En effet, pour comprendre un calcul retrait comme 5 – 3 qui donne 2, il faut voir derrière ces nombres 5, 3 et 2 une multitude de collections possibles, mais surtout il est important de comprendre que la collection de 3 fait partie de la collection de 5 et celle de 2 également.
Il y a 5 crayons dans mon plumier, je retire les 3 crayons de couleur, il reste les 2 crayons gris.
Plus généralement, il faut comprendre que « du 5 contient du 3 et du 2 ». Sans cet accès au lien entre aspect cardinal et aspect ordinal du nombre, l’abstraction de ce calcul est impossible.

■ utiliser des collections de doigts levés
Les doigts de la main sont un outil intéressant pour l’articulation entre le cardinal et l’ordinal. D’une part, ils montrent chaque aspect, selon que les doigts sont levés successivement ou simultanément. Pour indiquer la quantité d’éléments d’une collection, son cardinal, on lève simultanément le bon nombre de doigts. Pour indiquer la succession des nombres, pour marquer l’ordinalité, on lève les doigts un par un, successivement.
Le premier doigt levé constitue le 1er élément d’une collection de 1 objet.
Le deuxième doigt levé constitue le 2e élément d’une collection de 2 objets.
Le troisième doigt levé constitue le 3e élément d’une collection de 3 objets.
Le quatrième doigt levé constitue le 4e élément d’une collection de 4 objets.
Lorsqu’on lève les doigts un à un, on obtient une collection de doigts, qui se complète. Le cardinal est la vue globale de ce qui a été compté successivement. ordinalité
Velz E., Initiation aux mathématiques par le bon usage des doigts, Louvain-La-Neuve, Academia, 2020.
1.1.4. Notions liées à ces deux aspects du nombre
■ La notion de quantité est une propriété de collection et non une propriété d’objet.
Il est important de comprendre que la quantité n’est pas une caractéristique d’un seul objet, comme le serait une de ses grandeurs, mais bien une caractéristique d’une collection (éventuellement de 1 objet) indépendamment de la nature des objets qui s’y trouvent.
Les mots-nombres ou les écritures chiffrées, lorsqu’ils réfèrent au cardinal de collections et répondent à la question « combien de », expriment une quantité.
Pour cette recette, j’ai besoin de six pommes et de 125 grammes de sucre.
Le « six » nous dit combien de pommes il faut prendre et le « 125 » nous dit combien de grammes de sucre prévoir. « Six » et « 125 » nous disent des quantités d’ingrédients.
■ La notion de position peut être reliée à l’aspect ordinal des nombres naturels.

Des collections rangées selon leur nombre croissant d’éléments font apparaitre un ordre entre les nombres, des nombres plus petits, plus grands, des nombres qui viennent avant, après… un nombre vient juste après (avant) un autre quand il vaut un de plus (un de moins) que l’autre.
cinq quatre trois deux
un
deux
trois
quatre



cinq
Quatre vient après trois, car quatre, c’est un de plus que trois ; quatre vient avant cinq, car c’est un de moins que cinq.
Les nombres naturels évoquent donc aussi leur position les uns par rapport aux autres. Par extension, ils peuvent servir à désigner des positions d’éléments qu’on parcourt successivement. Le nombre, dans ce cas, n’est pas la propriété d’une collection, mais celle d’un élément.
cinq six sept huit quatre trois deux un Cinq désigne ici la position de l’élément de la série, parcourue dans le sens de la lecture à partir du premier élément. Cinq signifie ici cinquième.
Ce nombre qui dit une position est appelé nombre ordinal.
« Cinq » qui désigne une position d’élément est synonyme de « cinquième » et est un nombre ordinal. Les mots-nombres ou les écritures chiffrées, lorsqu’ils réfèrent à de l’ordinal et répondent à la question « où ? », « le quantième ? », expriment une position (dans une suite ordonnée).
– Hier, nous avons réalisé les exercices 1 et 2 de la feuille. Aujourd’hui, nous recommençons à l’exercice 3 et nous poursuivons. Le « 3 » indique que l’exercice à réaliser est situé entre le deuxième et le quatrième. Il nous dit où se situe l’exercice sur la page.
– Au touché-coulé, je propose la case A7. Le 7 désigne la septième colonne.
– Je crois que je vais attendre encore un moment à la boucherie. J’ai le ticket 37 et c’est le 32 qui est servi pour le moment. Il reste plusieurs clients avant moi.
Nous avons rendez-vous le 13 mars à 10 h. Ce rendez-vous peut être positionné précisément dans l’agenda.
■ Dans la litanie, les mots-nombres peuvent évoquer « du cardinal » ou « de l’ordinal ». Imaginons les fromages d’une collection passés en revue, en associant à chacun un mot-nombre de la litanie (voir § 1.3.1.), récitée dans l’ordre.
Que signifient ces mots-nombres ? tout dépend de la façon dont on les relie physiquement ou mentalement aux éléments de cette collection.
Chaque mot-nombre relié à un élément peut évoquer la position de l’élément dans l’énumération des fromages : un, le premier élément passé en revue puis deux, le deuxième élément passé en revue puis trois, le troisième…
Les mots-nombres évoquent « de l’ordinal ».
Chaque mot-nombre relié plutôt à une collection d’éléments évoque la quantité d‘éléments énumérés : un, déjà un fromage passé en revue puis deux (un et encore un), déjà deux fromages passés en revue, trois (deux et un de plus), on arrive à trois fromages passés en revue… Les mots-nombres évoquent « du cardinal ».
Souvent, le dernier mot récité est utilisé pour désigner la quantité de toute la collection. Ainsi, c’est important de s’assurer que ce dernier mot est bien compris comme représentant de la quantité et pas seulement comme le nom, le numéro, du dernier objet désigné (voir § 1.4.).
Pour que le dernier mot prononcé corresponde au cardinal de la collection, il faut que les mots soient prononcés dans l’ordre, celui de la litanie (voir § 1.3.1.).
■ La distinction entre nombre cardinal et nombre ordinal est synthétisée dans ce tableau.
Nombre cardinal Nombre ordinal
Le nombre est vu comme la propriété d’une/d’un collection élément
Le nombre est considéré comme mémoire d’une
La correspondance terme à terme (ou le comptage) s’effectue
Deux collections sont considérées comme équivalentes si leur composition est la même
Lors de la récitation de la litanie face à une collection, le dernier mot-nombre prononcé
quantité position
sans ordre défini avec ordre donné
du point de vue quantité du point de vue ordre, position
évoque la quantité, le cardinal de la collection (idée de totalisation)
quatre
un
évoque la position de l’élément pointé quatre
un
Au début de la scolarité, trois fonctions du nombre sont à retenir : comparer, mémoriser et anticiper.
1.2.1. Les nombres pour comparer
Les nombres permettent de comparer des collections d’objets dans le cas où la différence n’est pas suffisante pour déterminer sans équivoque celle qui contient le plus d’éléments ou lorsque les collections sont éloignées ou encore si on veut une comparaison précise.
■ Pour des collections d’objets peu nombreux on peut comparer les collections en s’appuyant sur la perception. C’est possible grâce au subitizing (voir § 2.).
D’un seul coup d’œil, Flora réalise qu’il lui reste autant de perles bleues que de perles vertes et qu’il lui reste moins de perles jaunes. Elle identifie directement qu’il reste trois perles bleues, trois vertes et deux jaunes.
■ Pour des collections plus importantes on peut recourir à la correspondance terme à terme (voir § 1.1.) ou au comptage4 puis à la comparaison des résultats de ces comptages.
La comparaison entre deux collections peut s’effectuer selon l’aspect cardinal. Si on réalise une correspondance terme à terme entre deux collections A et b et que le résultat montre des éléments isolés dans A, on dira que le cardinal de A est plus grand que celui de b et que celui de b est plus petit que celui de A.
Flora place ses perles vertes et ses perles bleues, alignées, les unes en dessous des autres. Elle peut ainsi comparer les quantités qu’il lui reste : en effectuant mentalement une correspondance terme à terme, elle s’aperçoit qu’il lui reste plus de perles vertes.
Sur le plan cardinal, un nombre x est plus grand qu’un nombre y si x correspond au cardinal d’une collection contenant plus d’éléments qu’une autre de cardinal y. Il est plus petit dans le cas contraire.
Le nombre 6 est plus petit que le nombre 8, car il correspond au cardinal des collections comportant deux éléments de moins que celles dont le cardinal est 8.
Les comparaisons portant sur les nombres peuvent également être effectuées selon l’aspect ordinal : un nombre x est plus grand qu’un nombre y s’il se trouve plus loin dans la liste ordonnée des motsnombres.
un deux trois quatre cinq six sept huit neuf
Le nombre huit est plus grand que le nombre six (8 > 6), car il est situé plus loin dans la litanie des mots-nombres. Il est plus petit que le nombre neuf (8 < 9), car il est situé avant.
■ Pour les collections d’un trop grand nombre d’objets on peut les regrouper et ce sont les nombres de groupements qui sont comparés. Cet accès au comptage de groupements est la base de tous les systèmes de numération (voir § 4.). Il demande une certaine abstraction, les groupements devenant la nouvelle unité de comptage.
Il reste trop de perles à Flora pour les compter une à une. Cette fois, elle réalise un maximum de paquets de dix perles. Dix paquets de dix perles forment un « gros paquet ». Elle a deux « gros paquets » de perles vertes et autant de perles bleues, mais quatre paquets de vertes contre deux paquets de bleues. Quel que soit le nombre de perles restantes, elle sait qu’il lui reste plus de perles vertes que de perles bleues.
1.2.2. Les nombres pour mémoriser
Le nombre, dans son aspect cardinal, sert de mémoire d’une quantité. Il permet ainsi d’évoquer cette quantité et éventuellement de la communiquer, sans qu’elle soit présente.
Madame Micheline doit faire des photocopies pour sa classe. Elle sait que sa classe compte 23 élèves, elle devra donc effectuer 23 copies pour qu’il y en ait une pour chacun.
Dans son aspect ordinal, le nombre sert de mémoire d’une position, d’un ordre. Il permet ainsi d’évoquer la place dans une liste rangée.
Aujourd’hui, nous reprenons notre feuille d’exercices. Hier, nous avions terminé le troisième, aujourd’hui, nous devons commencer le quatrième.
1.2.3. Les nombres pour anticiper
Les nombres, utilisés dans les calculs, permettent également d’anticiper des résultats. Grâce à eux, le résultat d’une action, d’une opération, peut être connu avant même de la réaliser. Il est également possible d’anticiper le résultat d’une action dans le cas où les quantités ne sont pas visibles.
– Malo et Line déplacent des chaises dans un local. Il en faut 80 en tout. Malo en a déjà apporté 24 tandis que Line en a déjà déplacé 30. Il n’est pas nécessaire de retourner dans le local et de compter les chaises pour savoir qu’il y en a déjà 54 et qu’il en manque 26.
– L’institutrice montre une boite noire (opaque) aux élèves et annonce : « la boite contient 8 jetons ». Elle en ajoute 5. Les élèves sont invités à chercher, sans les voir, le nombre de jetons que contient la boite. La manipulation pourra confirmer le résultat qui aura été anticipé par les élèves et non constaté par un éventuel dénombrement.
1.3. Les désignations des nombres
Le nombre est un objet mathématique abstrait qui nécessite de passer par une désignation si on souhaite en garder une trace ou le communiquer. Il faut, pour se le rappeler ou l’utiliser, lui donner un nom et le symboliser.
Ainsi, on utilise
– des désignations verbales (mots-nombres) pour dire les nombres : quatre pommes ;
des désignations schématiques5 pour les voir : | | | | pommes ou pommes ;
– des désignations symboliques pour les écrire : 4 pommes.

Chacune de ces désignations renvoie au nombre, mais aucune n’est le nombre. Verbaliser quat�e
Schématiser
1.3.1. Désignations verbales des nombres
on peut désigner les nombres au moyen de mots : on les verbalise. Les mots-nombres, utilisés oralement pour dire les nombres, peuvent être écrits en lettres, on parle de l’écriture numérale des nombres (un, deux, trois…).


La litanie, parfois appelée chaine numérique, est la suite orale ordonnée des mots-nombres désignant les nombres naturels à partir de un : un, deux, trois…
Chaque mot de la litanie est une désignation verbale d’un nombre. Elle commence à un et non à zéro, car elle est utilisée pour dénombrer et on ne dénombre pas à partir de zéro. Il existe différents stades de compréhension de la suite des mots-nombres, que nous ne développons pas ici.
cHeValier a., Réussir l’entrée en mathématiques, mons, Couleur Livres, 2020, p. 58. Paragraphe sur la litanie des mots-nombres.
PiaGet J., SzeMinSKa a., La genèse du nombre chez l’enfant, Paris, Delachaux et Niestlé, 1991.
L’enfant qui dispose de la litanie comme d’une collection de mots distincts, mémorisés dans l’ordre, peut l’utiliser comme une collection intermédiaire. Lors du dénombrement, le dernier mot prononcé de la litanie correspond au nombre d’objets recensés dans la collection.
Tim met la table pour son anniversaire. Il compte le nombre d’invités et déclare « nous serons sept ». Face à la pile d’assiettes, il les compte une à une. Arrivé à sept, il sait qu’il peut prendre cette quantité d’assiettes pour assurer à chaque invité de recevoir sa part de gâteau.
1.3.2. Désignations schématiques des nombres
on peut désigner les nombres à l’aide de dessins, de schémas : on les schématise.
Les schémas utilisés pour évoquer les nombres sont souvent construits avec des points ou des barres, on parle de représentations analogiques des nombres.
Les représentations analogiques sont des collections indépendantes du langage, qui permettent de voir le nombre, de le représenter, de le désigner de manière décontextualisée tout en gardant sa dimension quantitative
Voici un groupe d’amies :
Pour garder trace du nombre d’amies dans ce groupe (ici six), il n’est pas nécessaire de les dessiner chacune, on peut se contenter de dessiner un point ou de tracer un trait par amie.

Ce nombre d’amies est représenté sous forme analogique par ou
Ces collections de points, de traits, sont des représentations analogiques du nombre six. une collection d’objets semi-abstraits6 (traits, points…) qui sert à désigner un nombre, à en témoigner, est également appelée collection-témoin. Il s’agit d’une collection intermédiaire dont le cardinal correspond au nombre qu’on souhaite désigner.

Les traits gravés par le prisonnier sur les murs de sa cellule témoignent du nombre de jours passés en prison. L’ensemble de ces traits constitue une collection-témoin.
Les collections-témoins sont particulièrement utiles pour le jeune enfant qui n’a pas encore accès aux mots-nombres ou aux chiffres. Il peut ainsi exprimer des nombres en utilisant des collections-témoins, de doigts par exemple. Ces collections-témoins permettent également d’estimer, de comparer, voire de calculer sans devoir recourir à des écritures chiffrées.
– Lorenzo voudrait trois biscuits. Pour montrer qu’il en veut trois, il lève trois doigts.
– Tim aide à mettre la table pour le gouter. Il détermine le nombre d’invités en les énonçant sur ses doigts. À chaque prénom, il lève un doigt. À la fin, il a sept doigts levés. Cette collection de doigts témoigne du nombre de personnes qui auront besoin d’une assiette.
– Lorsqu’on compte les points des différents joueurs, plutôt que d’écrire 1 puis de barrer le chiffre pour écrire 2 et ainsi de suite, on préfèrera tracer un trait par point. En ayant pris soin de réaliser des groupements de 5 traits, on peut facilement déterminer le gagnant.
Les schèmes (voir § 2.1.) peuvent servir de représentations analogiques pour les petits nombres, jusque 10, voire jusque 20.
Les schèmes des doigts, aussi appelés configurations de doigts, permettent de représenter les nombres.
Ici, sept est montré par les cinq doigts d’une main (la main entière) et deux doigts de l’autre main.
Ainsi représenté, sept se distingue aisément de six ou de huit.
Au-delà de 20 et plus particulièrement au-delà de 100, le matériel de numération devient un outil intéressant pour représenter les nombres sans les nommer ou les écrire (voir § 4.4.).
1.3.3. Désignations symboliques des nombres
on peut désigner les nombres à l’aide de symboles : on les symbolise.
Les symboles utilisés pour écrire les nombres sont des chiffres, on parle de l’écriture numérique des nombres (1, 2, 3…).
Un chiffre est un symbole utilisé pour écrire un nombre.
Contrairement aux représentations analogiques, ces écritures ne permettent pas un accès direct et intuitif au nombre représenté. Il faut avoir appris à décoder ces écritures et s’être créé des images mentales solides pour « voir » le nombre derrière ces écritures.
1.3.3.1. Distinction entre chiffre et nombre
Si le nombre est universel, son écriture est culturelle. Ainsi, on retrouve différents chiffres pour désigner un même nombre selon les cultures ou selon les époques, par exemple des chiffres romains ou des chiffres indo-arabes (voir § 4.2.).
Le nombre Le chiffre
Réalité représentée symboliquement : le signifié

Le concept numérique universel
Le nombre naturel « sept », comme
– les 7 jours de la semaine, les 7 couleurs de l’arc-en-ciel…
– les 7 nains, leurs 7 chapeaux, leurs 7 pioches…
Un ou des symboles représentant la réalité : le signifiant

Un symbole, une représentation écrite, culturelle qui dépend du lieu, de l’époque
Quelques écritures de ce nombre, à l’aide de
– un seul chiffre indo-arabe : 7
– un seul chiffre arabe : –
trois chiffres romains : VII (une fois le V et le chiffre I répété deux fois)
– sept chiffres babyloniens : (le chiffre répété sept fois)
Dans notre culture, l’écriture chiffrée est marquée par un système de codage très élaboré, positionnel et en base dix (voir § 4.3.1.). Ce système est d’une telle efficacité qu’il est aujourd’hui utilisé de façon universelle. Dans ce système de numération décimale, les nombres entiers de zéro à neuf s’écrivent à l’aide d’un seul chiffre tandis que les nombres à partir de dix s’écrivent à l’aide de minimum deux symboles, deux chiffres.
une croyance populaire veut qu’on parle de chiffres pour désigner les quantités de 0 à 9 et de nombres à partir de 10. Il n’en est rien.
Dire que « les chiffres, c’est de 1 à 9 et les nombres, c’est à partir de 10 », c’est ne pas comprendre que s’il existe dans notre système de numération des chiffres de 1 à 9, ils désignent également neuf nombres (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9). De plus, c’est oublier de tenir compte du chiffre 0.
Cette croyance erronée entretient la confusion entre le concept mathématique (le nombre, le signifié) et sa représentation (l’écriture chiffrée, le signifiant), qui dépend de conventions et peut varier selon les cultures. Cette confusion est renforcée par l’emploi, dans le langage courant, de formules telles que « chiffre d’affaires », « chiffre rond », « chiffre des dépenses ». Dans ces contextes de la vie courante, le terme chiffre désigne en réalité un nombre (représenté par des chiffres) et cela ne pose aucun problème de compréhension.
Dans un contexte scolaire, où l’implicite peut être cause d’incompréhensions et de malentendus cognitifs pour certains élèves, il est préférable d’employer les termes mathématiquement corrects. on évitera ainsi de dire qu’on étudie le chiffre 6 si l’étude porte sur le nombre dans ses différents aspects. L’étude du chiffre 6, c’est l’étude graphique du symbole.
Pour comprendre la différence, on peut comparer les écritures et 9 : le chiffre 1 est plus grand que le chiffre 9, mais 9 est un nombre plus grand que 1. on peut également réaliser un parallèle avec la langue française : la majorité des mots s’écrivent à l’aide de plusieurs lettres, comme la majorité des nombres s’écrivent à l’aide de plusieurs chiffres. Pourtant, certains mots s’écrivent parfois à l’aide d’une seule lettre (« à », « y » par exemple), comme certains nombres s’écrivent à l’aide d’un seul chiffre (1 ou 9 par exemple).
1.3.3.2. Significations des écritures chiffrées
Les écrits chiffrés peuvent prendre des significations différentes : il peut s’agir d’un nombre (cardinal ou ordinal) ou encore d’un numéro.
Le tableau suivant montre les différences entre ces écritures chiffrées.

Lorsque les écritures chiffrées expriment une quantité une position un nom, une désignation
ils répondent à la question « combien ? » (« combien de ? »)
« le quantième ? » (« où ? »)
« lequel, laquelle ? » (« qui ? »)
ils désignent alors un nombre cardinal nombre ordinal numéro
et dans ce cas
on peut utiliser ces écritures chiffrées pour calculer, car il est possible d’opérer à partir de leur valeur.
on n’utilise jamais ces écritures chiffrées pour compter ou calculer. Ces numéros ne sont jamais écrits en lettres.
Les catégories d’écritures chiffrées permettent de s’y retrouver dans un univers complexe. Les chiffres peuvent être interprétés de différentes manières selon le contexte.
Je dévore mon nouveau roman : je suis déjà à la page 246.
Dans ce cas, 246 renvoie à l’aspect ordinal : je lis les pages dans l’ordre, après la 245 vient la 246.

Toutefois, 246 renvoie aussi au nombre de pages déjà lues, ce qui correspond alors à l’aspect cardinal.
Le langage courant prête parfois à confusion. Le mot numéro peut désigner des numéros de téléphone, de bus, de loterie… Dans ce cas, il est question de numéro au sens « désignation d’un objet pour le distinguer d’un autre ».

Les numéros du loto sont sortis : il fallait jouer les numéros 11, 4, 6, 28, 5 et 42 pour gagner le gros lot.


Les chiffres peuvent désigner des numéros de maisons, de quai de gare… Dans ce cas, ces numéros désignent aussi un nombre ordinal, les éléments étant « numérotés » dans un ordre bien précis, pour indiquer leur position.
C’est au tour du n° 378 de passer au guichet. – Mathéo doit se rendre au numéro 56 de la rue Bonchemin. S’il est au numéro 12 de cette même rue, il sait dans quel sens se diriger et il peut estimer s’il est bientôt arrivé.
Parfois, il est difficile de trancher avec certitude et de trouver le mot exact pour exprimer un nombre, un chiffre ou un numéro. C’est le cas des chiffres de l’horloge. on peut dire que la petite aiguille pointe le chiffre 7 lorsqu’il est 7 h. on ne pourra pas en dire autant s’il est 10, 11 ou 12 h puisqu’il y a alors deux chiffres pointés. Dans le langage courant, heureusement, on peut se contenter de dire « la petite aiguille est sur le 10 ».
lucaS F. et al., Élucider la numération pour mieux calculer, Louvain-La-Neuve, De boeck, coll. math & Sens, 2015.
Activités
1.12. Cherchons des chiffres autour de nous. Cycle 2,5-5 ans.
1.14. baignons dans les chiffres, lisons-les en lien avec les nombres. Cycle 2,5-5 ans. sur le site myvanin.be
1.4. Le dénombrement
Précédemment, on a utilisé le terme « compter » qui correspond souvent, dans le langage courant, à une action réalisée lorsqu’on souhaite trouver le cardinal d’une collection. En mathématique, cette notion est plus complexe qu’il n’y parait.
Compter, c’est associer, dans l’ordre et à partir de un, un mot-nombre à chaque objet d’une collection.
Le plus souvent, on compte pour déterminer une quantité d’objets d’une collection. Parfois, le comptage ne permet pas de déterminer le cardinal d’une collection. C’est le cas lorsque le dernier mot-nombre prononcé n’est pas reconnu comme désignant la quantité d’objets de la collection, mais plutôt comme le nom du dernier objet pointé. on parle de comptage-numérotage.
Pour passer du comptage-numérotage au dénombrement, il faut totaliser les unités comptées.
Totaliser, c’est exprimer combien il y en a en tout.
Cette idée de totalisation, de cardinalisation, permet de distinguer le comptage du dénombrement.
Dénombrer, c’est compter-numéroter ET totaliser. C’est déterminer la quantité d’objets présents dans une collection, c’est répondre à la question « combien ? ».
on peut parler de comptage-dénombrement pour désigner explicitement le comptage qui permet de déterminer le nombre d’objets d’une collection, c’est-à-dire de dénombrer.
Le dénombrement demande la mise en œuvre de quelques principes7
Principe 1 : création mentale des unités
Principe 2 : adéquation unique
Principe 3 : cardinalité
Principe 4 : invariance du cardinal et non-pertinence de l’ordre
Identifier les « uns »
Compter (-numéroter)
Totaliser (cardinaliser)
Dénombrer
7 Ces principes sont inspirés de ceux de Gelman et Gallistel et des étapes de Brissiaud. Les numéros de ces principes sont bien ici des désignations, pas nécessairement ordonnées.
Le premier principe est un préalable aux suivants. Le deuxième correspond au comptage-numérotage, insuffisant pour accéder au dénombrement s’il n’est pas associé à une totalisation, qui découle quant à elle des deux derniers principes. Chaque principe est développé ci-dessous.
1.4.1. Le principe de création mentale des unités
Créer mentalement les unités est une étape indispensable au dénombrement un par un.
Identifier les unités demande de reconnaitre chaque objet d’une collection comme étant une composante élémentaire d’une totalité. Cela demande de concevoir qu’il est possible de rassembler et de compter ensemble toutes sortes d’éléments, qu’ils soient de même nature ou non8. Les éléments de la collection peuvent, en effet, être les mêmes, semblables ou complètement différents.
Il faudra faire preuve d’abstraction pour reconnaitre comme « un » chaque élément, quelles que soient sa taille, sa position ou sa nature.
Une collection de jetons : les jetons sont tous les mêmes et sont souvent utilisés comme collection-témoin.
– Une collection de pommes : à quelques différences près, chaque pomme ressemble aux autres, il est facile de les considérer comme faisant partie d’une même collection.
– Une collection d’animaux : chaque individu de la collection est reconnu pour sa qualité d’animal, même s’il ne ressemble pas aux autres. Une sauterelle vaut « un » au même titre que l’éléphant.
1.4.2. Le principe d’adéquation unique
Pratiquer l’adéquation unique, c’est associer à chaque objet d’une collection à dénombrer un mot, le plus souvent un mot-nombre. on parle également d’énumération.
Énumérer, c’est prendre en compte, sans répétition ni oubli, chaque objet d’une collection.
Pour réussir l’adéquation unique, il s’agit de distinguer les objets déjà comptés de ceux qu’il reste à pointer.
Si la verbalisation qui accompagne l’énumération est la récitation des mots-nombres successifs, il faut que ces derniers soient toujours récités dans le même ordre stable : celui de la litanie. Il n’est toutefois pas nécessaire que l’action associée à la prise en compte des unités soit la récitation de la litanie. un seul mot peut être prononcé (« hop, hop, hop… » ou « et de un, encore un, encore un… ») ou un geste effectué (pointer du doigt ou déplacer légèrement l’objet pris en compte). Désigner les objets par leur nom, un par un, est déjà une première forme d’énumération.
Lucas, 2 ans et passionné de voitures, observe trois bolides flamboyants. Son papa les désigne : « il y a une voiture rouge, une voiture noire et une voiture jaune ». Pour les désigner indépendamment de leur couleur, il pourrait lui dire « une voiture, une autre voiture et encore une autre » ou même « une, encore une et encore une ». Lorsque le mot prononcé lors du pointage est un mot-nombre, il y a une correspondance terme à terme entre les éléments de la chaine numérique (la litanie) et ceux de la collection. C’est en général ce qu’on veut dire lorsqu’on emploie le verbe « compter ».
Lucas observe les voitures et demande combien il y en a. Son papa lui répond en les pointant chacune : « une, deux, trois ».
8 En général, on constitue une collection parce que les éléments présentent au moins un caractère commun.
une fois le principe d’ordre stable établi, on peut gagner du temps en pratiquant le comptage par deux, par trois…
Au lieu de pointer les objets un à un, on peut, par un geste ou un mot, désigner des duos d’éléments. Les mots prononcés seront ceux de la suite des nombres pairs. C’est le comptage par deux.
L’énumération ne garantit pas la totalisation, pourtant indispensable à la conception du nombre. on peut énumérer sans totaliser. C’est le cas lors du comptage-numérotage, où le dernier mot prononcé est compris comme étant le nom du dernier objet pointé. La totalisation découle des deux principes suivants.
1.4.3. Le principe de cardinalité
Le mot-nombre utilisé pour désigner le dernier élément de l’énumération doit être identifié comme le nombre d’éléments de la collection, à savoir son cardinal. Sans cela, le comptage est vide de sens. C’est ce qu’on observe lorsqu’on demande à un jeune enfant « combien y a-t-il de… » et qu’il répond par un nouveau comptage, sans parvenir à donner le dernier mot prononcé lorsqu’on lui demande « et donc, il y en a combien ? ».
1.4.4. Les principes d’invariance du cardinal et de non-pertinence de l’ordre
Pour reconnaitre le dernier mot-nombre prononcé comme étant la quantité d’objets dénombrés, il faut percevoir l’invariance du nombre cardinal d’une collection et la non-pertinence de l’ordre.
■ Percevoir l’invariance du nombre cardinal d’une collection, c’est parvenir à isoler le nombre d’éléments et réaliser qu’il est permanent malgré les modifications apportées à la forme, à la couleur, à la grandeur ou encore à la disposition des éléments qui composent la collection.
Modification de forme
Modification de couleur Modification de grandeur Modification de disposition
cinq cinq cinq cinq cinq
■ Percevoir la non-pertinence de l’ordre, c’est observer que l’ordre dans lequel les éléments sont dénombrés et l’origine du dénombrement n’affectent pas le résultat (pourvu que le principe d’adéquation unique soit respecté). on parle aussi d’indépendance du cardinal.
On dénombre en commençant par la droite. cinq cinq
On dénombre en commençant par la gauche.
Pourquoi enseigner le
comptage-dénombrement ?
> Le comptage peut permettre le dénombrement, mais ce n’est pas une évidence. Pour que le comptage fournisse une réponse à la question « combien ? », il faut dépasser le comptagenumérotage
> Le comptage-numérotage n’assure pas la totalisation. or, terminer par exprimer combien il y a en tout, en s’assurant que le mot-nombre est bien compris comme représentant de plusieurs éléments, est primordial.

Cette totalisation pourra être montrée de différentes manières et grâce à différents supports.












Face à une collection à dénombrer, au lieu de pointer les objets un à un avec un doigt, je lève chaque fois un doigt supplémentaire pour montrer la collection qui s’agrandit.
« un deux trois quatre, il y a quatre balles »
« un et encore un, ça fait deux et encore un, ça fait trois et encore un, ça fait quatre »
comptage-numérotage comptage-dénombrement







– Face à la droite des nombres, au lieu de pointer chaque graduation, on peut insister sur la longueur du segment qui augmente. Cela peut se faire en partant de zéro jusqu’au nombre cité avec un mouvement qui devient de plus en plus ample.
« un deux trois quatre »
« un deux etc. »
mise en évidence de l’ordinalité mise en évidence du cardinal qui s’agrandit
baruK S., Comptes pour petits et grands, pour un apprentissage du nombre et de la numération fondé sur le langage et le sens, Paris, magnard, 1997, chapitre 2 (petits).
briSSiauD r., Premier pas vers les maths, Paris, retz, 2007, p. 21 et suite.
§ Dénombrer en construisant une collection-témoin : pourquoi, comment ?
cHarnaY r., Comment enseigner les nombres entiers et la numération décimale ?, Paris, Hatier, 2013, p. 30-33.
cHeValier A., Réussir l’entrée en mathématiques, mons, Couleur Livres, 2020, p. 52.
§ Les nombres pour dire des quantités.
Opérations et calcul
Introduction
Après l’étude des nombres viennent les opérations sur ceux-ci. Dans cette partie, nous clarifions tout d’abord ce qu’on entend par « opération » en mathématique. Nous définissons ce qu’on appelle « les quatre opérations fondamentales » – addition, soustraction, multiplication, division – à partir des notions de somme, différence, produit et quotient de nombres naturels. Les définitions sont centrées sur l’aspect cardinal des nombres. Elles ne doivent évidemment pas être enseignées telles quelles aux élèves.
L’addition et la multiplication sont associées, chacune, à deux définitions différentes qui permettent de dégager des dynamiques opératoires distinctes. La soustraction et la division peuvent être vues comme opérations réciproques respectivement de l’addition et de la multiplication. Là aussi, plusieurs dynamiques opératoires apparaissent.
Le chapitre sur les sens des opérations développe ces dynamiques opératoires et les sens au quotidien, dans le champ additif d’une part, dans le champ multiplicatif d’autre part. Ils sont illustrés par des exemples, des représentations graphiques et enfin des schématisations plus abstraites. De nouveau, les dénominations et définitions de ces sens ne doivent pas être enseignées telles quelles, mais doivent être explorées à travers de nombreux exemples.
C’est en s’appuyant sur ces différents sens qu’on peut comprendre, par la suite, les propriétés des opérations qu’il est possible d’étendre aux ensembles des nombres décimaux à virgule, rationnels et réels.
Les notions de puissances et racines, s’appuyant sur les propriétés, peuvent alors être abordées.
Tous ces contenus trouvent leur utilité dans le chapitre consacré au calcul. Nous y présentons trois clés pour calculer (mobiliser des images mentales, les sens et les propriétés des opérations, le sens de l’égalité) et quatre grandes stratégies de calcul, dont l’utilisation de la calculatrice. Nous développons la construction des répertoires de calculs automatisés, les procédés essentiels de calcul réfléchi (décompositions, compensation) et les algorithmes de calcul écrit
Dans le dernier chapitre, nous nous appuyons sur les images mentales que sont les représentations figurées pour dégager différentes familles de nombres. Nous nous arrêtons ensuite sur le concept de divisibilité en définissant et en explicitant les notions de « diviseur » et de « multiple », de nombres premiers, de PGCD, de PPCM ainsi que les caractères de divisibilité… tout cela en passant par la construction, les représentations et la mémorisation des tables de multiplication
1. Opérations, un monde vaste et complexe
1.1. Qu’entend-on par « opération » ?
au sens général, une opération désigne le plus souvent une action concrète, méthodique, sur un objet ou un ensemble d’objets, qui vise à un résultat. le mot « objet » est ici pris au sens large. au sens quotidien, les opérations peuvent être des actions concrètes.
Une opération chirurgicale, une opération de sauvetage, l’opération CAP48…
– Transformer la maison en agrandissant certaines pièces, en repeignant les murs, en mélangeant des couleurs.
On peut effectuer des opérations dans divers domaines mathématiques.
– Transformer des figures planes par des symétries, des rotations, des agrandissements…
Combiner des triangles en les juxtaposant pour obtenir certains quadrilatères. dans le domaine des nombres, les éléments sur lesquels on opère appartiennent souvent à différentes catégories. On peut opérer sur des grandeurs continues ou discontinues (voir tome 1, Grandeurs § 1.1. et § 1.2.), pouvant être prises dans leur aspect cardinal ou ordinal.
– 6 chats + 2 chats = 8 chats : grandeur discontinue (nombre de chats), prise dans son aspect cardinal.
– 6 × 1,5 kg = 9 kg : grandeur continue (masse), prise dans son aspect cardinal.
– 2e étage + 3 étages = 5e étage1 : grandeur discontinue (nombre d’étages), prise dans ses aspects cardinal (3) et ordinal (2e, 5e).
– Je pars à 7 heures, je roule pendant 2 heures et j’arrive à 7 h + 2 h = 9 h : grandeur continue (durée), prise dans ses aspects cardinal (2 h) et ordinal (7 h, 9 h).
On peut aussi opérer sur des nombres sans contexte, souvent pour exercer divers procédés de calcul réfléchi2 et divers algorithmes de calcul écrit (voir Opérations et calcul § 7.5. et § 7.7.). d ès l’école secondaire, on se dirige vers de nouvelles abstractions en opérant sur des variables (x, y…) (voir partie algèbre).
1.2. Opérer a-t-il toujours du sens ?
Quels que soient les « objets » sur lesquels on opère, certaines contraintes de sens sont à respecter.
■ dans le champ additif
si l’on veut additionner ou soustraire des grandeurs, elles doivent être de même nature.
Pour le gouter, j’ai 3 pommes et 4 poires, cela me fait 7 fruits3
– Pour réaliser 30 cl de ce délicieux cocktail, Tim a versé dans un verre 10 cl de porto et 20 cl de tonic.
– Je pesais 50 kg et j’ai perdu 2 kg, je pèse maintenant 48 kg.
il faut également que l’opération posée ait du sens par rapport au contexte.
La longueur de mon auto est de 5 m et la hauteur de ma maison est de 11 m. Il s’agit bien de grandeurs de même nature, mais additionner ou soustraire ces deux longueurs n’aurait aucun sens par rapport à la situation décrite.
1 Nous nous autorisons ici une écriture mélangeant aspects cardinal et ordinal, qui peut sembler abusive ou peu rigoureuse, mais qui correspond bien à la réalité de la situation.
2 On parle aussi de calcul mental.
3 Il est bien entendu qu’on ne peut pas « additionner des pommes et des poires », mais il est possible d’additionner des nombres de fruits. En effet, « être un fruit » est une caractéristique commune à l’ensemble des pommes et à l’ensemble des poires, on peut donc les réunir en un ensemble de fruits.
■ dans le champ multiplicatif il est possible de multiplier ou diviser entre elles des mesures de grandeurs de même nature, mais aussi des mesures de grandeurs de natures différentes, continues ou discontinues.
– La longueur de mon jardin est de 28 m et la largeur est de 11 m ; sa superficie est donc de 28 × 11 × 1 m² = 308 m².
– Cette bouteille de 75 cl peut contenir la même quantité de liquide que 6 flacons de 125 ml, car 750 ml : 125 ml = 6.
– J’achète 2 kg de pommes à 3,2 € le kilo, cela coutera
2 kg × 3,2 €/kg = 6,4 €.
– J’ai effectué 20 km à vélo en 75 min (1 heure quart), ma vitesse moyenne était donc de 20 km : 1,25 h = 16 km/h.
– Le camion-benne a déjà amené 3 cargaisons de 6 m³ de sable, cela fait en tout 3 × 6 m³ = 18 m³.
ici aussi, l’opération posée doit avoir du sens par rapport au contexte.
La longueur de mon auto est de 5 m et la hauteur de ma maison est de 11 m. Multiplier ou diviser ces deux longueurs n’aurait à nouveau pas de sens par rapport à la situation décrite.
dans ce qui précède, nous avons volontairement écrit les unités dans tous les calculs, ce qui rend compte plus explicitement de certaines situations. écrire les unités est utile notamment dans la résolution de problèmes en lien avec des grandeurs proportionnelles ou encore en physique.
Dans la division « 20 km : 1,25 h = 16 km/h », l’écriture des unités traduit bien la réalité d’une distance comparée à une durée et elle justifie l’unité de mesure de vitesse.
par contre, dans d’autres situations, les unités, bien qu’elles reflètent la réalité de la situation, alourdissent l’écriture. Pour la multiplication « 2 kg × 3,2 €/kg = 6,4 € », on écrira plutôt « 2 × 3,2 € = 6,4 € ».
BerGer c et al., Construire la multiplication et les tables, mont-saint-Guibert, de Boeck van in, coll. math & sens, 2017.
la matiÈre, 2.3.3.
BaLLeux l et al., Mobiliser les opérations avec bon sens !, Bruxelles, de Boeck, coll. math & sens, 2013. 1.1. sur quels objets opère-t-on ?
2. Définitions mathématiques des opérations
les quatre opérations fondamentales sont ici définies dans l’ensemble ℕ des nombres naturels, puis seront étendues à d’autres ensembles de nombres (voir Opérations et calcul § 5.).
dans un souci de rigueur théorique, les concepts de somme, produit, différence et quotient seront préalablement définis à partir de la théorie des ensembles. il en ira de même pour les définitions des différentes opérations. les définitions seront donc centrées sur l’aspect cardinal des grandeurs (discontinues) sur lesquelles on opère.
> ces définitions ont une forme abstraite et peu ou pas accessible aux élèves du primaire.
> Plus que connaitre la définition de chacune de ces opérations, c’est mobiliser leurs divers sens possibles qui est essentiel et utile en calcul (voir Opérations et calcul § 3. et § 7.2.2.).
> Les mathématiques sont plutôt un ensemble d’expériences permettant de donner du sens aux concepts et non un ensemble de définitions juxtaposées ; il convient donc de varier les situations et les approches des opérations.
> en lien avec les définitions mathématiques, les situations, les approches variées et les illustrations concrètes permettent aux enfants de verbaliser ces dernières avec des mots de leur quotidien.
2.1. Les opérations « directes » : addition – multiplication
2.1.1. La somme de deux nombres naturels
la somme de deux nombres naturels peut se définir à partir de la théorie des ensembles. Soit deux ensembles disjoints A et B dont les nombres d’éléments respectifs sont a et b.
La somme des nombres a et b est le nombre d’éléments de la réunion4 de ces deux ensembles : A U B. Elle se note a + b. a
A U B
B = ? 3 + 2 = 5
+ b
Si on réunit deux collections, l’une de 3 objets et l’autre de 2, on obtient une collection de 5 objets. dans cette définition, les rôles de a et de b sont interchangeables, ils représentent chacun le nombre d’éléments d’un ensemble. ceci entraine de manière évidente que a + b est égal à b + a.
2.1.2. L’addition vue comme une opération qui combine
L’addition de nombres naturels est une relation qui, à tout couple de nombres naturels (a, b), associe le nombre naturel a + b qui est leur somme.
cette relation se représente schématiquement par : (a, b) a + b
la somme des éléments de chaque couple de naturels est un nombre naturel.
pourquoi ne pas fournir de définitions théoriques des opérations aux élèves ?
l’ensemble de tous les couples obtenus en associant chaque nombre naturel à un autre nombre naturel est appelé produit cartésien de ℕ avec lui-même et est noté5 ℕ x ℕ
pour chaque élément de ℕ x ℕ, on peut trouver une somme dans ℕ réaliser la table d’addition permet de voir que l’opération est toujours possible : la première colonne donne le premier élément des couples de ℕ x ℕ et la première ligne donne le deuxième élément de ces couples. À l’intérieur du tableau apparait, dans chaque case, la somme associée à chaque couple.
11 8
9
9 10 11 9 9 10 11 10 10 11 11 11 …
un même nombre naturel peut être la somme liée à plusieurs couples de naturels.
7 est la somme liée à (4, 3) ; (5, 2) et aussi à (0, 7) ; (1,
; (3,
; (6, 1) et (7, 0).
Les nombres a et b intervenant dans l’addition sont appelés termes.
Dans l’égalité 3 + 2 = 5, les nombres 3 et 2 sont les termes de l’addition.
2.1.3. L’addition vue comme une opération qui transforme
la notion d’opération est souvent associée à celle de fonction. pour les nombres, la fonction numérique associée à une opération transforme chaque nombre en un autre.
f(x) : x y = x + 3
l’addition dans ℕ est alors une fonction numérique « qui ajoute ». elle transforme chaque nombre naturel en un autre nombre naturel.
la fonction numérique de l’exemple peut se représenter de manière générale :
+ 3 x y
l’expression « + 3 » porte ici le nom d’opérateur l’opérateur se compose du signe d’opération et d’un nombre.
+ 3 + 3 + 3 2 5 1 4 0 3
5 Le signe « X » utilisé ici, qui se lit « croix », associé au produit cartésien (voir Traitement de données § 1.1.) de l’ensemble ℕ avec lui-même, ne doit pas être confondu avec le signe « × » associé au produit de deux nombres.
dans cette représentation, les rôles des deux termes se distinguent. le premier terme est le nombre x de départ sur lequel on agit, le deuxième terme correspond au nombre de l’opérateur, c’est celui qui agit sur le premier. le nombre y est le nombre transformé, il correspond à la somme des deux termes.
2.1.4. Les interprétations de l’addition
les mots du quotidien qui traduisent l’opération d’addition sont, selon les situations, « réunir », « avec », « ensemble », « et »…
Dans le panier de fruits, il y a 3 pommes et 4 bananes ; en tout, il y a 7 fruits. ou « ajouter », « mettre en plus »…
J’avais 6 € dans ma tirelire, mon parrain me donne 5 €, j’ai maintenant 11 €. il s’agit là de deux sens complémentaires ou possibles de l’addition, le premier faisant plutôt référence à l’opération qui combine et le second à l’opération qui transforme (voir Opérations et calcul § 3.3.).
2.1.5. Le produit de deux nombres naturels
le produit de deux nombres naturels peut se définir à partir de la théorie des ensembles. Soit A et B deux ensembles disjoints contenant respectivement a et b éléments.
Le produit des nombres a et b est le nombre de couples obtenus6 en associant chacun des éléments de A avec chacun des éléments de B. Il se note a × b. B
A × b = ?
a
3 × 2 = 6
A X B
Si on forme tous les couples possibles en associant chacun des 3 éléments d’une collection avec chacun des 2 éléments d’une autre collection, on obtient 6 couples.
une autre façon de présenter le produit cartésien a x B (ou B x a) est le tableau à double entrée (voir tome 1, traitement de données § 4.2.). les éléments de a x B et de B x a sont différents, mais leur nombre est le même.
A X B B X A
cet outil, plus visuel, amène une image mentale forte et efficace du produit de deux nombres sous forme de rectangle.
6 Pour rappel, cet ensemble de couples obtenus en associant chacun des éléments du premier ensemble avec chacun des éléments du second ensemble s’appelle le produit cartésien des deux ensembles (voir Traitement de données § 1.1.).
dans cette définition, les nombres a et b ont le même statut et sont interchangeables. ceci entraine de manière évidente que a × b est égal à b × a.
a × b est égal à b × a a b b a
dans cet ouvrage, nous notons « × » le signe de multiplication, ainsi qu’il est coutume de le faire à l’école primaire. dans l’enseignement secondaire, ce signe sera remplacé par un point, afin de ne pas confondre avec le « x » utilisé comme lettre en algèbre. plus tard, il disparaitra. l’expression « a × b » deviendra « a . b » puis enfin « ab ». du point de vue de la lecture orale, en Belgique francophone, le symbole « × » se dit généralement « fois », dans le sens « paquets de ». en france, ce même symbole se lit « multiplié par » (voir Opérations et calcul § 2.1.7.).
2.1.6. La multiplication vue comme opération qui combine
La multiplication de nombres naturels est une relation qui, à tout couple de nombres naturels (a, b), associe le nombre naturel a × b qui est leur produit.
cette relation se représente schématiquement par : (a, b) a × b le produit des éléments de chaque couple de naturels est un nombre naturel.
(0, 0)• • 0 (0, 1)• (1, 3)• •3
(2, 6)• •12
(3, 4)•
(4, 3)•
pour chaque élément de l’ensemble noté7 ℕ x ℕ, on peut trouver un produit dans ℕ réaliser la table de multiplication permet de voir que l’opération est toujours possible : la première colonne donne le premier élément des couples de ℕ x ℕ et la première ligne donne le deuxième élément de ces couples. À l’intérieur du tableau apparait, dans chaque case, le produit associé à chaque couple.
7 Le signe « X » utilisé ici, qui se lit « croix », associé au produit cartésien (voir Traitement de données § 1.1.) de l’ensemble ℕ avec lui-même, ne doit pas être confondu avec le signe « × » associé au produit de deux nombres.
un même nombre naturel peut être le produit lié à plusieurs couples de naturels :
18 est le produit lié à (2, 9) ; (3, 6) ; (1, 18) ; (6, 3) ; (9, 2) et (18, 1).
Les nombres a et b intervenant dans la multiplication sont appelés facteurs. Dans l’égalité 3 × 5 = 15, les nombres 3 et 5 sont les facteurs de la multiplication.
2.1.7. Une autre définition du produit de deux nombres naturels
Soit a ensembles disjoints contenant chacun b éléments. Le produit des nombres a et b est le nombre d’éléments de la réunion8 de ces a ensembles de b éléments. Il se note a × b ou b × a. le choix de l’écriture du produit dépend de la lecture qu’on en fait.
a × b = ? ou b × a = ?
3 × 2 = 6 ou 2 × 3 = 6 3 paquets de 2 = 6 ou 2 multiplié par 3 = 6
Si on réunit 3 collections de 2 objets chacune, on obtient une nouvelle collection de 6 objets. dans cette définition, les nombres a et b n’ont pas le même rôle. le nombre a représente le nombre d’ensembles, de « paquets », tandis que b représente le nombre d’éléments de chaque ensemble, de chaque paquet. le nombre a « qui agit » s’appelle le multiplicateur et le nombre b « qui subit » s’appelle le multiplicande9
8 Voir tome 1, Traitement de données § 4.1.2.3.
9 On dit parfois aussi le « multiplié ». Les élèves ne doivent pas d’emblée retenir ces mots.
le produit dont le multiplicateur est a = 3 et le multiplicande b = 2 peut se représenter
il s’écrit
3 × 2 en « vision active » (usitée en Belgique par exemple, le multiplicateur est « devant »).
il se dit
3 paquets10 de 2
3 fois (silence) 2
3 tas de 2
2 × 3 en « vision passive » (usitée en France par exemple, le multiplicateur est « derrière »).
2 multiplié par 3
2 (silence) fois 3
2 pris 3 fois
en se référant à ce qui précède et à la définition d’une somme (voir Opérations et calcul § 2.1.1.), cette approche présente le produit comme une somme (répétée) :
3 × 2 (« 3 paquets de 2 ») = 2 + 2 + 2
2 × 3 (« 2 multiplié par 3 ») = 2 + 2 + 2
cette façon d’envisager le produit de deux nombres naturels en lien avec la réunion d’ensembles correspond à un autre « sens » de la multiplication (voir Opérations et calcul § 3.4.). c ’est pour cette raison que nous la présentons également ici. les deux définitions du produit (voir Opérations et calcul § 2.1.5 et § 2.1.7.) ne sont pas contradictoires ; au contraire, on peut passer de l’une à l’autre.
représentons par exemple le produit 3 × 2 (« 3 paquets de 2 ») par un nombre de carrés, on a donc, selon la deuxième définition du produit : 2 carrés + 2 carrés + 2 carrés
On peut les rassembler en un rectangle qui compte 3 lignes (« paquets horizontaux ») de 2 carrés ou encore 2 colonnes (« paquets verticaux ») de 3 carrés.
de la même manière, le produit 2 × 3 (« 2 paquets de 3 ») peut se représenter, selon la deuxième définition : 3 carrés + 3 carrés
On peut les rassembler en un rectangle, qui compte 2 lignes (« paquets horizontaux ») de 3 carrés, ou encore 3 colonnes (« paquets verticaux ») de 2 carrés.
On retrouve dans les deux cas les rectangles de la première approche. Outre la commutativité de la multiplication (voir Opérations et calcul § 4.1.), ceci montre que le nombre de carrés, ici 6, dépend uniquement des nombres 2 et 3, ou 3 et 2, qui jouent le même rôle dans le calcul.
Deruaz M., cLivaz s , Des mathématiques pour enseigner à l’école primaire, lausanne, presses polytechniques et universitaires romandes, 2018.
10 Quand il s’agira de grandeurs continues, par exemple des longueurs, des capacités, des volumes…, le mot « paquets » ou « tas » ne sera pas très heureux. On pourra le remplacer par « morceaux », « entités », « parts », « regroupements »…
2.1.8. La multiplication vue comme une opération qui transforme
À l’instar de l’addition, la multiplication peut être associée à une fonction numérique.
f(x) : x y = x × 3 ou f(x) : x y = 3 × x qui devient f(x) : x y = 3 x la multiplication dans ℕ est une fonction numérique « qui multiplie ». elle transforme chaque nombre naturel en un autre nombre naturel.
la fonction numérique de l’exemple peut se représenter de façon générale :
× 3 x y
l’opérateur est « x 3 ».
× 3 × 3 × 3
2 6 0 0 4 12
dans cette représentation en diagramme fléché, si on lit de gauche à droite, il faut s’exprimer selon la « vision passive » donc dire (par exemple, pour le dernier graphe fléché) « 4 multiplié par 3 » ou « 4 (silence) fois 3 » ou encore « 4 pris 3 fois » (voir Opérations et calcul § 2.1.7.).
> La verbalisation du signe « × », uniquement par le mot « fois », peut prêter à confusion, car elle peut s’interpréter de deux façons. selon la manière de dire oralement « 2 fois 3 », on peut comprendre :
2 fois (silence) 3, (2 fois 3 boules ou 2 paquets de 3 boules)
2 (silence) fois 3, (2 boules, fois 3 ou 2 boules prises 3 fois)
La verbalisation qui privilégie la « vision active » (adoptée en Belgique francophone) suit la logique du langage courant, mais amène une incohérence dans l’écriture des opérateurs (voir Opérations et calcul § 2.1.7.). ici, le « fois » signifie « paquet(s) de », donc le multiplicateur est le premier facteur de la multiplication. dans « 2 × 4 », c’est le 2 qui agit sur le 4. dans cette expression, l’opérateur, le nombre qui agit, est placé « devant », à gauche.
Ceci est en désaccord avec les autres opérations pour lesquelles l’opérateur est placé « derrière », à droite :
4 + 2
4 : 2 mais 2 × 4 4
pourquoi distinguer les deux interprétations de « fois » : « paquet(s) de » et « multiplié par » ?
> Une mauvaise interprétation risque d’amener les élèves à proposer des représentations erronées. par exemple, pour représenter « 2 × 3 = 6 » par un diagramme fléché, les élèves pourraient écrire les nombres dans l’ordre où ils les disent et les entendent, comme pour les autres opérations.
*la vision active de 2 × 3 = 6 (2 paquets de 3) est représentée erronément par
× 3 2 6
ceci n’est pas correct, puisque l’opérateur est bien « 2 × » (2 paquets de) ; il convient donc de représenter
2 × 3 6
*par contre, la vision passive pour 2 × 3 = 6 (2 multiplié par 3 est égal à 6) ne pose pas cette difficulté et reste cohérente avec le graphe fléché.
× 3
2 6
ceci est important, car les diagrammes fléchés sont très utiles dans la résolution de problèmes mettant en jeu des grandeurs proportionnelles, par exemple. il convient donc de les dessiner et de les lire correctement (voir tome 1, Grandeurs § 6.2.).
> Dans l’énoncé d’une multiplication écrite, la vision passive est préférable, le multiplicateur étant généralement le second facteur qu’on écrit en posant le calcul.
par exemple, 4 7 5 × 3 se lit : « 475 multiplié par 3 » ou « 475 (silence) fois 3 ».
cependant, lorsque le fonctionnement de l’algorithme est maitrisé, le rôle des deux facteurs est indifférent, le calcul écrit n’étant qu’un moyen d’obtenir la valeur du produit. Que l’on cherche le prix total pour 3 objets à 475 €, le nombre total de marqueurs dans un lot de 475 pochettes de 3 marqueurs ou l’aire d’un chemin de 3 m de large sur 475 m de long, le calcul écrit sera posé de la même manière : placer en dessous comme multiplicateur le nombre « qui a le moins de chiffres », car c’est sous cette forme que son fonctionnement est efficace.
2.1.9. Les interprétations de la multiplication
les mots du quotidien qui traduisent l’opération de multiplication sont, selon les situations, « prendre plusieurs fois », « faire des paquets de, des tas de »…
J’achète 3 marqueurs à 2 €, cela me coute 6 €.
ou « combiner », « coupler », « croiser »…
Avec 3 jupes et 2 blouses, on peut obtenir 6 tenues différentes pour une poupée. il s’agit là de deux sens complémentaires de la multiplication, le premier faisant référence à l’opération qui transforme, le deuxième à l’opération qui combine (voir Opérations et calcul § 3.4.).
Algèbre
Introduction
La partie sur l’algèbre vient clore cet ouvrage en mettant l’accent sur l’indispensable transition entre l’arithmétique et l’algèbre.
Les contenus de cette partie sont globalement ceux rencontrés au début de l’enseignement secondaire. Nous insistons sur le fait que tous ces concepts ne prennent sens que par leur ancrage dans le terreau de l’arithmétique et seulement si une attention particulière est portée au développement de la pensée algébrique. Amener ces concepts au départ d’activités porteuses de sens ne peut que renforcer la compréhension en profondeur de ces notions.
Cette partie s’articule autour de trois chapitres.
Dans le premier, nous définissons les objets fondamentaux de l’algèbre. Des points d’attention aident à comprendre les subtilités du vocabulaire choisi et leurs implications dans l’appropriation par les élèves des concepts en jeu.
Le deuxième chapitre explore le calcul algébrique et ses propriétés en veillant à leur donner du sens. Il s’agit d’éviter d’appliquer une succession de règles à retenir par cœur et d’utiliser quelques propriétés à bon escient en justifiant ses choix
Enfin, les transformations d’égalités en général et les équations en particulier constituent le troisième et dernier chapitre. Ici encore, l’accent est davantage mis sur le choix, la compréhension et la justification des propriétés utilisées pour transformer les égalités plutôt que sur l’utilisation de « trucs » ou raccourcis de langage, parfois vides de sens.
1. Objets fondamentaux
L’algèbre est une partie des mathématiques qui met en relation des quantités connues ou inconnues à l’aide de lettres et de symboles opératoires. elle est née d’un besoin de généraliser les connaissances sur les nombres pour envisager la résolution d’un ensemble de problèmes du même type et non plus des problèmes isolés.
Le terme « algèbre » apparait pour la première fois dans le titre du livre d’al Khwarizmi, Kitāb al-mukhtasar fī hisāb al-jabr wa-l-muqābala, paru en arabe au début du Ixe siècle et traduit en latin au xIIe siècle. Il met à jour de nouvelles façons de résoudre des problèmes en utilisant des équations.
On trouve aussi des traces de raisonnement algébrique moins formel, notamment dans les travaux d’euclide (IIIe siècle av. j.-C.) et de diophante (IIe ou IIIe siècle). C’est au xVIe siècle que françois Viète introduit tout le symbolisme du calcul algébrique actuel.
Prendre appui sur l’algèbre pour résoudre des problèmes s’avère souvent très efficace. L’algèbre constitue aussi le point d’ancrage de bon nombre de domaines scientifiques tels que les relations entre grandeurs, les fonctions, la chimie, la physique, la programmation… si son utilité est indéniable, son apprentissage au début de l’enseignement secondaire n’est pas toujours aisé. Ce passage à l’abstraction nécessite de donner du sens aux procédures algébriques sans se limiter à leur utilisation technique et mécanique, afin d’installer une compréhension plus fine des concepts en jeu et, notamment, de la lettre, des opérations et de leurs propriétés. au-delà de l’aspect technique, c’est le développement de la pensée algébrique qui est visé.
La pensée algébrique est une manière de penser qu’on peut mobiliser tant dans des activités algébriques qu’arithmétiques. Ses deux composantes principales sont la généralisation de régularités et le raisonnement analytique qui s’appuient sur des quantités indéterminées, représentées par des symboles formels ou non, et sur lesquelles on peut opérer.
Pour résoudre un problème de partages inégaux1, plusieurs raisonnements sont possibles.
« Guillaume a 12 ans de plus que Luka. Ensemble, ils ont 20 ans. Quel âge ont-ils chacun ? »
Un élève qui résoudrait ce problème par essai-erreur, de manière systématique et réfléchie, développerait un raisonnement qui ne s’appuie pas sur des quantités indéterminées, mais bien sur des nombres.
Si Luka a 6 ans, Guillaume doit en avoir 18, mais ensemble, ils ont 24 ans ; c’est trop.
Si Luka a 5 ans, Guillaume doit en avoir 17, mais ensemble, ils ont 22 ans ; c’est trop.
Si Luka a 4 ans, Guillaume doit en avoir 16 et ensemble, ils ont 20 ans ; c’est la solution.
Ici, la pensée algébrique n’a pas encore émergé.
En revanche, un élève qui attribuerait à Luka une « part dessinée » et, à Guillaume, cette même « part dessinée » + 12 résoudrait ce problème grâce à un calcul schématisé du type
+ + 12 = 20.
Il aurait déjà développé une pensée algébrique, puisqu’il raisonne sur des quantités indéterminées, symbolisées ici par des rectangles, et opère sur celles-ci.
1.1. La lettre
La lettre est un symbole utilisé en algèbre pour représenter des quantités indéterminées sur lesquelles on peut réaliser des opérations.
elle peut être envisagée comme
– une inconnue, un nombre particulier qu’il faut déterminer (dans les équations2) ;
Si 2a + 4 = 3a + 6, que vaut a ?
– un nombre généralisé, représentant n’importe quel nombre (dans les calculs algébriques ou l’expression de propriétés) ;
L’égalité 3a + 4b + a – 2b = 4a + 2b est valable pour tous les nombres a, b et c.
L’égalité (a + b) + c = a + (b + c) est valable pour tous nombres a, b et c.
– une variable, représentant un ensemble de nombres qui entretient une relation de dépendance avec un autre ensemble de nombres (dans les formules ou les fonctions par exemple).
L’aire (y) et la longueur du côté (x) d’un carré sont des variables dont les valeurs dépendent les unes des autres et dont la relation peut être exprimée par la formule y = x².
À l’école primaire, les élèves ont déjà rencontré des lettres dans l’expression d’unités de mesure ou dans les formules de périmètre, d’aire ou de volume notamment. Penser que cette entrée en matière suffit pour acquérir une conception algébrique de la lettre est un leurre. en effet, à ce stade, les unités de mesure ne sont, pour la plupart des élèves, que des abréviations de mots, de même que les lettres utilisées dans les formules de périmètre, d’aire ou de volume.
P = (L + l) × 2 est verbalisé par le périmètre (d’un rectangle) est égal à « longueur plus largeur, multiplié par deux ».
Peu d’élèves perçoivent le concept de variable derrière ces symboles.
Cette conception de la lettre comme associée à un « objet » peut par ailleurs constituer un obstacle à l’apprentissage de l’algèbre. si cette conception entrave peu la réflexion dans le champ additif, elle ne peut soutenir le raisonnement dans le champ multiplicatif. en effet, si on peut encore concevoir que
3a + 2a = 5a
3 ananas + 2 ananas donnent 5 ananas, on ne peut imaginer ce que donne
3a ∙ 2a = 6a²
3 ananas « multipliés par » 2 ananas et encore moins ce que représenteraient des ananas au carré. dans le même ordre d’idées, cette conception risque aussi d’entrainer des difficultés lors de la mise en équation de problèmes.
Nathan a trois ans de plus que Marouane. Ensemble, ils ont 47 ans. Quel âge ont-ils chacun ? si la lettre est associée à un « objet », comment accepter que ces âges différents soient représentés par des expressions utilisant la même lettre (par exemple x et x – 3) ?
2 Dans le cas particulier des équations indéterminées (qui se ramènent à 0 x = 0), la lettre prend le statut de nombre généralisé.
Il est donc nécessaire de travailler les conceptions algébriques de la lettre avec les élèves au travers d’activités mettant en jeu des quantités indéterminées (partages inégaux ou activités de généralisation par exemple) et à l’aide de matériel du type « tuiles algébriques » pour amener les élèves à se construire des images mentales.
deMonty I., VLassis j., Développer l’articulation arithmétique-algèbre entre le primaire et le secondaire, mont-saint-Guibert, de boeck Van In, coll. math & sens, 2018. https://support.mathies.ca/fr/mainspace/tuilesalgebriques.php
en début de secondaire, le symbole de multiplication « × » est progressivement remplacé par le symbole « ∙ » afin de ne pas créer de confusion avec la lettre x. dans certains cas, le symbole « ∙ » peut même disparaitre. Conventionnellement, il peut être omis dans tous les cas où l’écriture ne prête pas à confusion :
– entre un nombre et une lettre, comme dans 2a ;
– entre deux lettres, comme dans ab ;
– entre une lettre (ou un nombre) et une parenthèse, comme dans a (b + 2) ; – entre deux parenthèses, comme dans (a + b) (a – b).
Il convient toutefois de laisser le temps aux élèves de s’approprier ce changement.
1.2. Les expressions algébriques
Une expression algébrique est une suite de lettres et de chiffres, représentant des nombres, reliés entre eux par des symboles opératoires. Les lettres sont des nombres généralisés3. Les nombres écrits en chiffres sont appelés coefficients lorsqu’ils multiplient des lettres. Ils sont appelés constantes si ce n’est pas le cas.
Dans l’expression « 2a », 2 est un coefficient et a est un nombre généralisé.
Dans l’expression « 4x + 6 », 4 est également un coefficient tandis que 6, non accompagné d’une lettre, est une constante ; x est un nombre généralisé.
Dans l’expression « 8abc – 5x² », les coefficients sont conventionnellement 8 et -5 (voir deuxième point d’attention ci-dessous) ; a, b, c et x sont des nombres généralisés. en général, quand le coefficient vaut 1, il n’est pas écrit.
Dans l’expression « xy + 3 », le coefficient de xy est 1 et 3 est une constante ; x et y sont des nombres généralisés.
Les lettres apparaissant dans les expressions algébriques représentent des nombres qui n’entretiennent pas nécessairement de relation de dépendance les uns envers les autres. dans 2a + 3b, a et b ne sont pas liés.
Pourtant, dans certains ouvrages de référence sur l’algèbre, les lettres des expressions algébriques sont conventionnellement appelées variables. Cela peut entretenir une certaine confusion chez les élèves.
Les recherches plus récentes en didactique de l’algèbre parlent plutôt de lettres comme nombres généralisés dans les expressions algébriques et encouragent l’explicitation des différents statuts de la lettre pour les élèves, indépendamment du nom qu’on leur donne.
3 Certains auteurs appellent ces lettres « variables » même s’il n’y a pas de relation de dépendance entre elles. Nous privilégions ici le vocabulaire adopté par les recherches plus récentes en didactique de l’algèbre.
L’interprétation du signe « moins » dans les expressions algébriques peut parfois prêter à confusion.
– dans l’expression 2x – 5, le signe « moins » pourrait être vu comme le symbole opératoire représentant la soustraction, auquel cas les deux termes de la soustraction seraient 2x d’une part et 5 d’autre part.
– dans la même expression 2x – 5, le signe « moins » pourrait aussi être vu comme le symbole indiquant que -5 est négatif. dans ce cas, l’expression algébrique 2x – 5 serait vue comme une addition de deux termes 2x + (-5).
de prime abord, on a tendance à préférer la première interprétation, puisqu’on a l’habitude d’associer a – b à la différence entre a et b. toutefois, cette interprétation a ses limites et peut poser problème aux élèves. Par exemple, certains pourraient ne pas comprendre pourquoi 2x – 5 = -5 + 2x, puisque « la soustraction n’est pas commutative ».
ainsi, c’est plutôt la deuxième interprétation qui guide implicitement le calcul algébrique, même si elle est moins intuitive.
si l’expression 2x – 5 est vue comme 2x + (-5), alors les égalités
2x – 5 = 2x + (-5) = -5 + 2x prennent tout leur sens grâce à la commutativité de l’addition. de plus, comme indiqué précédemment, les coefficients de l’expression algébrique 3x – 2y + 9 sont 3 et -2.
Il semblerait donc que cette expression soit un raccourci de l’expression
3x + (-2y) + 9.
Cette écriture peut sembler plus « compliquée », mais elle permet de comprendre pourquoi le coefficient de y est -2 et pourquoi on peut aussi écrire cette expression sous la forme
3x + 9 + (-2y)
ou 3x + 9 – 2y
ou -2y + 3x + 9, grâce à la propriété de commutativité de l’addition.
Cette façon de jongler avec le signe « moins », dans les nombres et dans les expressions algébriques, n’est pas simple. elle s’appuie notamment sur la propriété « soustraire un nombre, c’est additionner son opposé » (voir Opérations et calcul § 4.7. et § 5.1.2.). Il est nécessaire de laisser aux élèves le temps de percevoir le sens de toutes ces écritures. Par ailleurs, le signe « moins » devant un nombre généralisé pose un autre type de problème. souvent, les élèves envisagent l’expression -a comme un nombre négatif. Or, ce n’est pas toujours le cas, puisque sa valeur numérique dépend de la valeur de a.
si a est positif, -a est négatif.
si a est négatif, -a est positif.
Le signe « moins » prend ici le sens d’opposé et non le sens du signe d’un nombre négatif, comme c’est le cas dans l’ensemble des nombres entiers.
Ce saut conceptuel nécessite de prendre le temps pour donner du sens à ces écritures.
VLassis j., Sens et symboles en mathématiques : Étude de l’utilisation du signe « moins » dans les réductions polynomiales et la résolution d’équations du premier degré à une inconnue, berne, thèse, Peter Lang, 2010.
deMonty I. et al., Différencier en mathématiques au début de l’enseignement secondaire, activités d’enseignement et fiches conceptuelles, aout 2021.
https://www.hel.be/wp-content/uploads/2022/10/H e L- d oc-enseignant- a nn%C3% a 9e-2Vf-2022.pdf
Quand une expression algébrique intervient dans une relation particulière entre des grandeurs, on parle de formule.
– La formule pour exprimer le périmètre (P) d’un carré en fonction de la longueur de son côté (c) est P = 4c.
– La formule liant le nombre de faces (F), d’arêtes (A) et de sommets (S) d’un polyèdre convexe est S + F = A + 2.
Une valeur numérique d’une expression algébrique est obtenue en remplaçant les lettres par des nombres dans l’expression algébrique et en effectuant les opérations. une expression algébrique peut prendre plusieurs valeurs en fonction des valeurs données aux nombres généralisés.
– Si a = -3 et b = 1 2 , la valeur numérique de 5a²b est 22,5.
– Si a = 2,5 et b = 4, la valeur numérique de 5a²b est 125.
Les conditions d’existence d’une expression algébrique sont les conditions que doivent remplir les nombres généralisés de l’expression algébrique pour que les opérations puissent être effectuées.
– La condition d’existence de l’expression a b est « b est un réel non nul (b ∈ ℝ0) ».
– La condition d’existence de l’expression y est « y est un réel positif (y ∈ ℝ+) ».
1.3. Les monômes et polynômes
■ Les monômes
Un monôme est une expression algébrique dans laquelle la seule opération utilisée est la multiplication4 .
85ax²
abc
2bd
La partie littérale d’un monôme est la partie du monôme constituée par la (ou les) variable(s)5 ; l’autre partie est le coefficient du monôme.
Dans 85ax², 85 est le coefficient du monôme et ax² est la partie littérale du monôme. Deux monômes semblables sont des monômes qui possèdent la même partie littérale.
2a et 4355a sont des monômes semblables parce qu’ils ont la même partie littérale qui est a.
2a et 2a² ne sont pas des monômes semblables parce que la partie littérale de 2a est a tandis que celle de 2a² est a².
Les lettres dans les monômes sont conventionnellement écrites dans l’ordre alphabétique pour repérer plus facilement les monômes semblables.
■ Les polynômes
Un polynôme est une somme de monômes.
– Le polynôme 3x² + 4y est une somme de deux monômes. Il est à deux variables (x et y).
Le polynôme 2a + 3 est une somme de deux monômes (dont un est une constante). Il est à une variable (a).
Le polynôme 2a + 3b – 4a est une somme de trois monômes. Il est à deux variables (a et b).
–
Le polynôme 8xy + 4 – 5x² – 11xy – 2 + 7y est une somme de 6 monômes. Il est à deux variables (x et y).
4 La constante 5 peut être considérée comme un monôme si elle est vue comme 5 1.
5 On accepte ici l’emploi du mot « variable » au lieu de « nombre généralisé », car les monômes et les polynômes sont principalement utilisés dans le cadre des études de fonction.
Les polynômes des deux premiers exemples sont réduits. Les deux autres ne le sont pas. Réduire un polynôme ou une expression algébrique revient à additionner ou à soustraire les monômes semblables (de même partie littérale). Un polynôme réduit est un polynôme qui ne contient plus de monômes semblables.
– Le polynôme 2a + 3b – 4a se réduit en 3b – 2a.
– Le polynôme 8xy + 4 – 5x² – 11xy – 2 + 7y se réduit en -5x² – 3xy + 7y + 2. un polynôme (à une variable) est dit ordonné lorsque les monômes qui le composent sont écrits par ordre croissant ou décroissant de degré6
– Le polynôme 13a² – 6a est ordonné.
– Le polynôme 8x – x² + 2 n’est pas ordonné, mais il est équivalent aux polynômes -x² + 8x + 2 et 2 + 8x – x² qui, eux, sont ordonnés.
Un binôme est un polynôme réduit constitué de deux monômes. deux binômes conjugués sont des binômes dont un terme est commun et dont l’autre terme diffère uniquement par son signe.
a + b et a – b
2xy – x et -2xy – x
x – 1 et x + 1
Un trinôme est un polynôme réduit constitué de trois monômes.
1.4. L’égalité
Deux expressions algébriques équivalentes sont des expressions algébriques qui ont la même valeur numérique, quel que soit le nombre par lequel on remplace chaque lettre (en remplaçant chaque fois la même lettre par le même nombre).
(n – 1) + n + (n + 1) et 3n sont équivalentes vu les propriétés d’associativité et de commutativité de l’addition, car, quel que soit le nombre par lequel on remplace n dans les deux expressions, on obtient toujours la même valeur numérique.
On exprime cette équivalence en écrivant le signe « = » entre les deux expressions. Ce signe d’égalité représente une équivalence algébrique et de nombreuses égalités numériques.
(n – 1) + n + (n + 1) = 3n
Si on remplace n par 1, on obtient 0 + 1 + 2 = 3 ∙ 1 ; si on remplace n par 23, on obtient 22 + 23 + 24 = 3 ∙ 23 ; si on remplace n par 117, on obtient 116 + 117 + 118 = 3 ∙ 117 ; …
Les expressions situées de part et d’autre du symbole « = » sont les membres de l’égalité. À gauche du symbole se trouve le premier membre, à droite du symbole se trouve le deuxième membre.
Pour vérifier que deux expressions algébriques sont équivalentes en mettant l’accent sur la vision algébrique de l’égalité, il faut s’appuyer sur les propriétés des opérations (comme dans le premier exemple) plutôt que sur les valeurs numériques de chacun des membres (comme dans le deuxième exemple).
6 Le degré d’un monôme est la puissance à laquelle la variable est élevée.
Pourquoi développer la pensée algébrique dès l’école primaire ?
> L’arithmétique constitue un terreau fertile pour la pensée algébrique, il serait regrettable de ne pas saisir cette opportunité. Les occasions sont nombreuses de mettre en place un raisonnement proche d’un raisonnement algébrique, habituant de ce fait les élèves à penser autrement et ainsi faciliter la transition vers l’apprentissage de l’algèbre formelle. Il ne s’agit pas d’ajouter des contenus ni d’aborder l’algèbre dès le primaire, mais bien d’enrichir les activités déjà proposées aux élèves pour envisager les choses sous un autre angle. Par exemple, les activités de partages inéquitables (ou inégaux) ou celles de généralisation sont particulièrement pertinentes pour mettre en avant les quantités indéterminées et les relations entre elles.
> multiplier les expériences amène les élèves à créer des liens, à repérer des différences et à généraliser, ce qui constitue un pas vers le développement de l’abstraction. Prendre le temps d’analyser différentes situations ou différents problèmes pour réfléchir à la manière de représenter des quantités indéterminées et les relations entre elles, de comparer les façons de symboliser ces éléments, de donner du sens aux opérations est possible au primaire. Passer trop rapidement à un formalisme mathématique, parfois obscur, empêche les élèves d’accéder à la richesse de ces concepts. Promouvoir la compréhension des étapes du raisonnement plutôt que le mécanisme de calcul, même sur des nombres, met les élèves sur la voie de cette abstraction. Intégrer la multiplication par 9, 99, 11 ou 101 dans un contexte plus large de décomposition de nombres et de distributivité plutôt que faire retenir mécaniquement quatre règles particulières telles que « multiplier par 9, c’est multiplier par 10 puis enlever une fois le nombre » concourt à cette mise en lien.
> Le sens « équivalence » du signe d’égalité mérite d’être travaillé de manière consciente et explicite avec les élèves. en effet, quand on résout des équations ou qu’on simplifie des expressions algébriques, le signe d’égalité ne signifie pas « donne comme résultat », mais bien « est équivalent à ». Ce sens peut également être travaillé dans le domaine des nombres, par exemple, quand on met un signe d’égalité entre deux expressions numériques qui donnent le même résultat, notamment lors du travail sur la décomposition ou la compensation (voir Opérations et calcul § 7.5.).
17 + 26 = 20 + 23
42 + 33 = 40 + 30 + 2 + 3
9 × 58 = (10 – 1) × 58 = 10 × 58 – 1 × 58
Ce travail sur l’égalité permet aussi d’habituer les élèves à repérer les relations entre les nombres et expressions numériques, à analyser les opérations, pour ainsi dépasser la démarche calculatoire et pour entrainer la démarche algébrique, relationnelle.
Multiplier par 10 puis diviser par 2 revient à multiplier par 5.
Multiplier par 2 puis par 3 et ensuite diviser par 6 revient à multiplier par 1.
Ajouter 6 puis multiplier par 2 ne donne pas le même résultat que multiplier par 2 puis ajouter 6.
Le sens « équivalence » de l’égalité doit également être convoqué dans la déconstruction de fausses égalités telles que 23 + 64 = 23 + 60 = 83 + 4 = 87 dans cette suite d’égalités, le symbole tend plutôt à signifier « donne comme résultat » et suit le fil des calculs, mais cette écriture engendre de fausses égalités intermédiaires. Le recours à l’image de balances ou de bandelettes, pour représenter l’équivalence, peut aider.
> Le travail sur des quantités indéterminées, tant dans des activités de généralisation qu’en résolution de problème, est un bon tremplin vers l’algèbre. Il permet de susciter un questionnement sur la manière de les représenter : peut-on utiliser n’importe quel symbole (comme □ , ˽ , * ou …) ? si deux quantités sont indéterminées, peut-on utiliser le même symbole pour les deux ? Y a-t-il un lien entre elles ?
en résolution de problème, c’est plus la quantité indéterminée en tant qu’inconnue qui est abordée.
Lucile a 10 cartes de plus que Marion.
Ensemble, elles en ont 80. Combien de cartes ont-elles chacune ? dans ce type de problème, au-delà de la résolution numérique et technique du problème, c’est bien la représentation du problème, des données et des liens entre elles qui est intéressante. avant de passer au calcul, comprendre qu’il y a deux quantités indéterminées, mais qu’elles sont liées par l’expression « 10 de plus » est tout l’enjeu du problème. Réaliser un schéma peut être utile à ce stade. Par exemple :
Marion Lucile
80 +10
Pour trouver le nombre de cartes de marion, les élèves réalisent souvent deux calculs.
80 – 10 = 70
70 : 2 = 35
Le raisonnement est bien celui de la résolution d’une équation même si celle-ci n’apparait pas formellement.
Le passage au langage symbolique (même non formel) est aussi un élément sur lequel on peut s’arrêter si on veut que la résolution de ce problème travaille la pensée algébrique des élèves.
Nombre de cartes de Marion □
Nombre de cartes de Lucile □ + 10
□ + 10 + □ = 80
□ = 35
dans ce type de raisonnement, l’équation apparait davantage sous forme de « calcul à trous ». dans les activités de généralisation, c’est davantage la quantité indéterminée en tant que nombre généralisé qui est abordée.
4 carrés 7 carrés 10 carrés 13 carrés ? carrés ?
On cherche à déterminer le nombre de carrés d’un dessin en fonction de son « numéro » (ou inversement), et ce, quel que soit ce numéro. L’intérêt de ce type d’activité réside surtout dans la manière adoptée par les élèves pour exprimer la régularité qu’ils repèrent et pour expliquer comment on peut trouver le nombre de carrés nécessaires pour réaliser n’importe quel dessin de la suite. L’idéal serait de faire évoluer un raisonnement arithmétique (ajouter 3 carrés d’un dessin à l’autre) vers un raisonnement algébrique (multiplier le numéro du dessin par 3 et ajouter 1), sans pour autant nécessairement le formaliser en 3 n + 1.
deMonty I., VLassis j., Développer l’articulation arithmétique-algèbre entre le primaire et le secondaire, mont-saint-Guibert, de boeck Van In, coll. math & sens, 2018.
Chapitre 1, calcul sur les nombres, égalité et sens des opérations.
Chapitre 2, les activités de généralisation basées sur des suites numériques.
Chapitre 3, résolution de problèmes et équations.
RaDForD L, deMers s., miranDa I., Processus d’abstraction en mathématiques, Repères pratiques et conceptuels, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario et université Laurentienne, 2009. disponible sur https://www.researchgate.net/publication/319089767_Processus_d’abstraction_en_mathematiques. VeLz e., Initiation aux mathématiques par le bon usage des doigts, Louvain-La-neuve, academia, 2020.
Chapitre 7, le sens du signe « = ». Chapitre 8, les opérations à trous.