Comprendre les maths
pour bien les enseigner
2,5/14 ans
F. Baret C. Géron F. Lucas M. Nolmans C. Van PachterbekeTOME 2
TRAITEMENT DE DONNĂES ARITHMĂTIQUE - ALGĂBRE
Comprendre les
maths pour bien les enseigner
2,5/14 ans
F.Baret
C.Géron
F.Lucas
M.Nolmans
C.Van Pachterbeke
P.Wantiez
Couverture et maquette : Polaire Mise en page : Softwin
Lâorthographe telle que rectifiĂ©e le 6 dĂ©cembre 1990 par le Conseil SupĂ©rieur de la langue française est dâapplication dans la collection.
Les photocopieuses sont dâun usage trĂšs rĂ©pandu et beaucoup y recourent de façon constante et machinale. Mais la production de livres ne se rĂ©alise pas aussi facilement quâune simple photocopie. Elle demande bien plus dâĂ©nergie, de temps et dâargent. La rĂ©munĂ©ration des auteurs, et de toutes les personnes impliquĂ©es dans le processus de crĂ©ation et de distribution des livres, provient exclusivement de la vente de ces ouvrages. En Belgique, la loi sur le droit dâauteur protĂšge lâactivitĂ© de ces diffĂ©rentes personnes. Lorsquâil copie des livres, en entier ou en partie, en dehors des exceptions dĂ©finies par la loi, lâusager prive ces diffĂ©rentes personnes dâune part de la rĂ©munĂ©ration qui leur est due. Câest pourquoi les auteurs et les Ă©diteurs demandent quâaucun texte protĂ©gĂ© ne soit copiĂ© sans une autorisation Ă©crite prĂ©alable, en dehors des exceptions dĂ©finies par la loi.
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© Ăditions VAN IN, Mont-Saint-Guibert â Wommelgem, 2023, De Boeck publiĂ© par VAN IN
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1re édition 2023
ISBN 978-2-8041-9776-6
D/2023/0078/146
Art. 590316/01
Auteurs : Françoise Baret, Christine Géron, Françoise Lucas, Maud Nolmans, Chantal Van Pachterbeke, Patricia WantiezComprendre les mathématiques pour bien les enseigner
Cet ouvrage est un rĂ©fĂ©rentiel de matiĂšre Ă destination des enseignants de maternelle, du primaire et du dĂ©but du secondaire. Une des conditions incontournables pour un enseignement qui conduise lâĂ©lĂšve Ă la comprĂ©hension de ce quâil dĂ©couvre et apprend est que lâenseignant lui-mĂȘme ait la maitrise de la matiĂšre quâil fait travailler. Il sâagit pour lui de comprendre la signification, la complexitĂ© des notions et, notamment, la nĂ©cessaire progressivitĂ© Ă envisager selon les obstacles Ă faire dĂ©passer par les Ă©lĂšves. Il sâagit aussi de cerner les liens entre elles, la terminologie et la symbolisation spĂ©cifiques qui leur sont adjointes. Câest fort de cela que lâenseignant pourra gĂ©rer les propositions des Ă©lĂšves, leurs dĂ©bats, leurs multiples essais et ajustements. Câest fort de cela aussi quâil pourra faire des choix mĂ©thodologiques efficaces.
Cet ouvrage veut expliciter et articuler les contenus mathématiques de façon rigoureuse mais néanmoins accessible. Il se veut une ressource utile et efficace pour :
â lâenseignant qui souhaite se rĂ©approprier une matiĂšre, un concept, ĂȘtre au clair avec les termes et symboles adĂ©quats ;
â des enseignants en concertation (intra et inter cycles) qui souhaitent dĂ©battre, se mettre dâaccord sur un contenu spĂ©cifique.
Il convient néanmoins de prendre quelques précautions.
â Lâensemble des dĂ©finitions prĂ©sentĂ©es dans ce rĂ©fĂ©rentiel est une ressource Ă consulter par lâenseignant, elles ne sont pas lĂ pour devenir des objets Ă faire Ă©tudier par les Ă©lĂšves.
Faire produire par ceux-ci un texte du type « dĂ©finition » peut ĂȘtre intĂ©ressant aprĂšs un long temps dâexploration et dâanalyse mais, parfois, produire ce type de texte, mĂȘme de façon moins formelle, nâest tout simplement pas nĂ©cessaire.
Pour les auteurs de cet ouvrage, « faire des mathĂ©matiques », câest les construire lentement mais sĂ»rement, dans une logique de rĂ©solution de problĂšmes ; câest en permettre une appropriation par chacun, basĂ©e sur la mise en liens et le sens ; ce nâest certainement pas collectionner des concepts plus ou moins bien dĂ©finis, comme une galerie de chasse, une collection dâanimaux empaillĂ©s et donc sans vie une fois que le chasseur en a fini avec eux.
â Certains contenus ne sont pas au programme de lâannĂ©e ou du niveau oĂč lâenseignant travaille. Il est nĂ©anmoins utile dâen savoir plus que le contenu strictement rĂ©servĂ© aux Ă©lĂšves. Lâenseignant trouvera intĂ©ressant dâapprofondir le chapitre quâil consulte.
Les auteurs ont parfois fait des choix de dĂ©finitions, de formulations, de symbolisations ; ils se sont volontairement arrĂȘtĂ©s dans certains dĂ©veloppements. Ils sâen expliquent par divers biais : introduction, note de bas de page, point dâattentionâŠ
Un ouvrage structuré
Ce référentiel de matiÚre est structuré selon plusieurs principes.
La succession des chapitres : pas de hasard
â La rĂ©solution de problĂšmes arrive en premier pour valoriser lâidĂ©e que les mathĂ©matiques ne sont pas vides de sens et que lâappropriation par les Ă©lĂšves de concepts et de procĂ©dures mathĂ©matiques sert Ă rĂ©soudre des situations problĂšmes quâon peut rencontrer de façon concrĂšte dans la vie de tous les jours.
â Le traitement de donnĂ©es numĂ©riques prolonge la partie 1 du tome 1 : le traitement de donnĂ©es au sens large. Ici, les donnĂ©es sont numĂ©riques et le traitement regroupe des Ă©lĂ©ments de base de combinatoire, de probabilitĂ©s et de statistique.
â La partie sur les nombres prĂ©cise les caractĂ©ristiques et les spĂ©cificitĂ©s des diffĂ©rents types de nombres sur lesquels pourront agir des opĂ©rations. Elle prĂ©sente aussi les supports structurants permettant dâen avoir de solides images mentales, notamment pour calculer. Cette partie retrace aussi les principes de la numĂ©ration de position dĂ©cimale dont la maitrise est Ă©galement indispensable pour opĂ©rer et calculer.
â La partie sur les opĂ©rations et calculs dĂ©veloppe longuement toutes les spĂ©cificitĂ©s des opĂ©rations de base de lâarithmĂ©tique (addition, soustraction, multiplication, division) : dĂ©finitions, sens divers et propriĂ©tĂ©s qui sont prioritairement Ă mobiliser face Ă un calcul Ă rĂ©soudre. Cette partie explicite aussi leur extension aux diffĂ©rentes sortes de nombres, les notions de racines et puissances ainsi que les notions liĂ©es aux familles de nombres, Ă la divisibilitĂ©. Le dĂ©veloppement du calcul se dĂ©cline autour du calcul automatisĂ©, du calcul rĂ©flĂ©chi et du calcul Ă©crit en rassemblant les dĂ©marches essentielles.
La partie algĂšbre clarifie ce quâest la pensĂ©e algĂ©brique, prolongeant les dĂ©marches arithmĂ©tiques abordĂ©es en primaire. Elle prĂ©cise la nature des objets fondamentaux de cette discipline, les bases du calcul algĂ©brique et les transformations dâĂ©galitĂ©s en lien avec la rĂ©solution dâĂ©quations.
Dans chaque chapitre, une logique de présentation
Au dĂ©part, une brĂšve introduction gĂ©nĂ©rale aide le lecteur Ă se faire une idĂ©e des contenus qui suivent et Ă sâorienter pour rĂ©pondre aux questions quâil se pose.
â Il sâagit de clarifier le QUOI enseigner. Le rĂ©fĂ©rentiel propose donc des dĂ©finitions en gras avec le ou les termes dĂ©finis en surbrillance grise. Ces termes sont repris en index.
Ces définitions prennent sens dans plusieurs exemples notés en fins caractÚres noirs. Parfois les exemples précÚdent les définitions.
â Certaines notions prĂ©sentent une complexitĂ©, une particularitĂ© ou une difficultĂ© qui mĂ©ritent un dĂ©veloppement, un point dâattention, prĂ©sentĂ© dans un cadre bleu et texte bleu
â Des POURQUOI Ă©maillent rĂ©guliĂšrement lâexplicitation et les illustrations de notions dans des pavĂ©s  orange. Ils posent des questions de SENS .
â Des renvois Ă des COMMENT possibles font rĂ©fĂ©rence Ă diverses sources, dont des ouvrages de la collection « Math & Sens » (disponibles chez le mĂȘme Ă©diteur). Parfois le renvoi dirige le lecteur vers des complĂ©ments dâexplication de la matiĂšre.
Au terme de lâouvrage, encore des portes dâentrĂ©e
La table des POURQUOI permet au lecteur de retrouver toutes les questions de sens traitĂ©es dans lâouvrage et de sâorienter dans ses recherches, aussi Ă partir de ce point de vue.
La BIBLIOGRAPHIE donne aux lecteurs un rĂ©pertoire dâouvrages de rĂ©fĂ©rence qui ont nourri la rĂ©flexion des auteurs et quâils peuvent bien sĂ»r consulter.
LâINDEX reprend tous les concepts abordĂ©s dans ce rĂ©fĂ©rentiel avec des renvois aux pages principales en Ă©lucidant la signification et lâusage. Cet outil sâavĂšre efficace pour retrouver rapidement les endroits du rĂ©fĂ©rentiel utiles pour la recherche engagĂ©e.
Le projet
Naissance du projet
Ce projet a Ă©tĂ© initiĂ© fin 2016 par le groupe des Mathophiles, constituĂ© de professeurs de mathĂ©matiques et de didactique des mathĂ©matiques dans les Hautes Ăcoles des trois rĂ©seaux dâenseignement en CommunautĂ©s française et germanophone de Belgique. Les Mathophiles se rĂ©unissent depuis 2001, cinq fois par an, et le dĂ©bat est souvent intense autour du partage dâoutils et de pratiques professionnelles concernant la formation des enseignants de maternelle, du primaire et du dĂ©but du secondaire.
Le constat dâune difficultĂ© Ă maitriser les contenus dâenseignement en mathĂ©matiques, chez les Ă©tudiants mais aussi chez les enseignants de terrain, a motivĂ© le groupe Ă chercher Ă les outiller de façon rigoureuse mais accessible sur la matiĂšre Ă enseigner, dâautant plus que les rĂ©fĂ©rents adaptĂ©s en ce domaine ne sont pas lĂ©gion. Par ailleurs, le recours Ă Internet permet de trouver rapidement beaucoup dâinformations, mais celles-ci sont souvent divergentes, parfois contradictoires ou approximatives.
Huit membres du groupe, qui en compte une petite trentaine, se sont proposĂ©s pour Ă©crire le QUOI et le POURQUOI dans les domaines du traitement de donnĂ©es, de la gĂ©omĂ©trie et des grandeurs. Six des huit auteures du tome 1 ont poursuivi lâĂ©criture du tome 2 portant sur la rĂ©solution de problĂšmes, le traitement de donnĂ©es numĂ©riques, lâarithmĂ©tique et lâalgĂšbre.
Auteures du projet
Le travail dâĂ©criture de ce deuxiĂšme tome rĂ©fĂ©rentiel nâa pu sâenrichir et sâamĂ©liorer en lisibilitĂ© quâĂ travers les nombreuses et intenses discussions entre les auteures et Ă travers leurs relectures Ă la fois bienveillantes et exigeantes.
Françoise BARET : licenciĂ©e en mathĂ©matiques, professeure de mathĂ©matiques et de didactique des mathĂ©matiques dans la section primaire, depuis 1986, Ă la Haute Ăcole Libre Mosane (HELMo).
Christine GERON : docteure en sciences, professeure de mathĂ©matiques et de didactique des mathĂ©matiques dans les sections primaire et secondaire, depuis 2004, Ă la Haute Ăcole de la ville de LiĂšge (HEL), collaboratrice pendant 3 ans dans les recherches sur la liaison primaire-secondaire en mathĂ©matiques menĂ©es par lâa.s.b.l. HypothĂšse, formatrice dans le cadre de la formation continuĂ©e, membre du comitĂ© de la section belge francophone du Rallye MathĂ©matique Transalpin, coauteure de lâouvrage Apprivoiser lâespace et le monde des formes de la collection « Math & Sens », chercheuse dans le cadre de lâexpĂ©rience pilote relative Ă lâimplĂ©mentation de dispositifs de diffĂ©renciation et dâaccompagnement personnalisĂ© en mathĂ©matiques au 1er degrĂ© de lâenseignement secondaire (dans le cadre de la mise en place du Pacte pour un enseignement dâexcellence), en collaboration avec lâULiĂšge (2019-2021).
Françoise LUCAS : licenciĂ©e en mathĂ©matiques, professeure de mathĂ©matiques et de didactique des mathĂ©matiques dans les Hautes Ăcoles pendant 31 ans, principalement dans les sections primaire et prĂ©scolaire, dĂ©tachĂ©e au service pĂ©dagogique de la fĂ©dĂ©ration de lâenseignement fondamental dans le rĂ©seau libre durant 9 ans, formatrice dans le cadre de la formation continuĂ©e et de la formation complĂ©mentaire des enseignants du fondamental et du dĂ©but du secondaire, coauteure et directrice de la collection « Math & Sens » aux Ă©ditions De Boeck-Van In.
Maud NOLMANS : ingĂ©nieure civil et institutrice primaire, professeure de mathĂ©matiques et de didactique des mathĂ©matiques dans la section primaire, depuis 2013, de la Haute Ăcole Libre Mosane (HELMo).
Chantal VAN PACHTERBEKE : licenciĂ©e en mathĂ©matiques, professeure de mathĂ©matiques et de didactique des mathĂ©matiques dans la section primaire, depuis 1988, de la Haute Ăcole NamurLiĂšge-Luxembourg (Henallux), formatrice dans le cadre de la formation continuĂ©e et de la formation complĂ©mentaire, participation occasionnelle Ă des projets de formation dâinstituteurs primaires au Maroc, coauteure de lâouvrage Ălucider la numĂ©ration pour mieux calculer ! de la collection « Math & Sens ».
Patricia WANTIEZ : docteure en sciences, chercheuse au Centre de Recherches sur lâEnseignement des MathĂ©matiques (CREM) Ă Nivelles pendant 2 ans, professeure de mathĂ©matiques et de didactique des mathĂ©matiques dans la Haute Ăcole Bruxelles-Brabant, catĂ©gorie pĂ©dagogique DefrĂ© (HE2B), depuis 2002, actuellement dans les sections primaire et prĂ©scolaire, coauteure de lâouvrage Apprivoiser lâespace et le monde des formes de la collection « Math & Sens ».
Résolution de problÚmes
Introduction
Une des visĂ©es essentielles de la formation mathĂ©matique Ă lâĂ©cole est dâamener les Ă©lĂšves Ă sâapproprier les outils â concepts et procĂ©dures â pour rĂ©soudre des problĂšmes. « Il sâagit dâĂ©viter que les mathĂ©matiques ne tournent Ă vide, mais de veiller Ă en renforcer le sens en lien notamment avec le quotidien et le vĂ©cu des Ă©lĂšves1 ».
Les diffĂ©rents aspects de la rĂ©solution de problĂšmes explicitĂ©s dans cette partie ne doivent pas ĂȘtre « enseignĂ©s », mais doivent ĂȘtre vĂ©cus Ă travers la diversitĂ© des situations proposĂ©es aux Ă©lĂšves avec une attention focalisĂ©e sur les dĂ©marches mises en Ćuvre.
Dans cette partie, nous clarifions dâemblĂ©e la notion de situation problĂšme afin dâouvrir Ă quantitĂ© de situations possibles ne se limitant pas aux seuls Ă©noncĂ©s numĂ©riques. Nous en donnons les caractĂ©ristiques principales valorisant lâaspect crĂ©atif de cette activitĂ©.
Nous dĂ©veloppons ensuite les trois fonctions possibles des situations problĂšmes : construire du nouveau savoir, apprendre Ă chercher, intĂ©grer et consolider des acquis. Des exemples de situations trĂšs diffĂ©rentes sont analysĂ©s en profondeur. Il est important de rencontrer ces trois fonctions Ă lâĂ©cole. Nous rĂ©pertorions et dĂ©plions les compĂ©tences de rĂ©solveur de problĂšmes. Nous insistons sur ces apprentissages transversaux et nous les justifions par une sĂ©rie dâarguments solides.
Dans la suite, nous dĂ©taillons les paramĂštres permettant de distinguer les diffĂ©rentes sortes de situations problĂšmes Ă soumettre aux Ă©lĂšves : problĂšmes ouverts, fermĂ©s, ou semi-ouverts ; problĂšmes Ă une ou plusieurs solutions. Nous proposons Ă lâenseignant une grille dâanalyse des situations proposĂ©es aux Ă©lĂšves afin dâen assurer largement la diversitĂ©.
Cette partie se termine avec les situations Ă modĂ©lisation spĂ©cifique. Nous renvoyons au tome 1 pour les situations de proportionnalitĂ© qui y sont largement dĂ©veloppĂ©es. Dans ce tome 2, nous explicitons les problĂšmes de partages inĂ©gaux, les problĂšmes dâintervalles et les problĂšmes liant des donnĂ©es commerciales ou autres. Ces situations appellent Ă des schĂ©matisations particuliĂšres aidant Ă progresser vers lâabstraction et Ă passer progressivement dâune rĂ©solution arithmĂ©tique Ă une rĂ©solution algĂ©brique.
1. ProblÚmes ou situations problÚmes ?
Le mot « problĂšme » est un mot familier utilisĂ© dans la vie courante. Il dĂ©signe souvent une difficultĂ© majeure, une situation dĂ©sagrĂ©able, parfois douloureuse, qui met dans lâembarras et nâest pas Ă©vidente Ă faire Ă©voluer. Il est utilisĂ© Ă lâĂ©cole depuis trĂšs longtemps.
ProblĂšmes sur les fractions, problĂšmes de proportionnalitĂ©, problĂšmes arithmĂ©tiquesâŠ
Il dĂ©signe le plus souvent un Ă©noncĂ©, un type de texte trĂšs spĂ©cifique avec des phrases donnant une sĂ©rie dâinformations et une phrase interrogative, invitant le lecteur Ă trouver la solution. beaucoup dâĂ©noncĂ©s sont dâordre numĂ©rique. Il faut trĂšs souvent enchainer des opĂ©rations pour les rĂ©soudre. LâĂ©cole a longtemps restreint ce que peut ĂȘtre un problĂšme.
Donner aux Ă©lĂšves exclusivement des problĂšmes de ce type risque de les enfermer dans une vision des problĂšmes et dans des habitudes de rĂ©solution stĂ©rĂ©otypĂ©es. odette bassis relate lâĂ©noncĂ© suivant, proposĂ© Ă bon nombre dâĂ©lĂšves, ainsi que leurs rĂ©solutions :
« Sur un bateau, il y a 26 moutons et 10 chĂšvres. Quel est lâĂąge du capitaine ? ».
De 70 % Ă 80 % des Ă©lĂšves trouvent une solution en opĂ©rant sur les donnĂ©es numĂ©riques de lâĂ©noncĂ© (notamment 36 ans en additionnant, 16 ans en soustrayantâŠ).
Ces Ă©lĂšves ne remettent pas en cause lâabsence de lien entre la question et le contexte. Ils ne recherchent pas le sens, mais ils tentent de rencontrer lâattente sous-jacente Ă ce type dâĂ©noncé : il faut effectuer un calcul avec les nombres donnĂ©s pour rĂ©pondre Ă la question posĂ©e !
Ceci interpelle les pratiques en matiÚre de résolution de problÚmes et appelle à ouvrir largement la maniÚre de les présenter et de les travailler.
Bassis o., MathĂ©matique : les enfants prennent le pouvoir, Paris, Fernand Nathan Ăducation, 1984. en guise dâavant-propos : le problĂšme sans questions⊠ou comment enlever les questions pour commencer Ă sâen poser, p. 3-13.
Lâexpression « situation problĂšme » est aussi une expression familiĂšre, aujourdâhui adoptĂ©e dans le monde scolaire. elle ouvre Ă diverses formes de prĂ©sentation : vĂ©cue, dessinĂ©e, verbale, matĂ©rielle⊠La situation nâest pas forcĂ©ment numĂ©rique et sa rĂ©solution engage davantage une rĂ©elle diversitĂ© de ressources pour aboutir Ă une ou des solutions.
Ces derniĂšres annĂ©es, plusieurs publications sur la rĂ©solution de problĂšmes rĂ©habilitent le mot « problĂšme » pour lui rendre lâouverture quâon trouve dans lâexpression « situation problĂšme ».
2. Quâest-ce quâune situation problĂšme ?
Une situation problĂšme est une situation qui
est dĂ©stabilisante, est nouvelle ou non, mais dont les modalitĂ©s et les moyens de « sâen sortir » nâapparaissent pas dâemblĂ©e ;
â est complexe, appelle de multiples mises en relation et un but Ă atteindre ;
â demande une recherche, de lâinvention, de la crĂ©ativitĂ©, pas nĂ©cessairement dans les opĂ©rations2 utiles pour rĂ©soudre, mais en tout cas dans leur enchainement. rĂ©soudre des situations problĂšmes est une des visĂ©es de formation en mathĂ©matique3. Une situation problĂšme peut apparaitre dans la vie courante, dans toutes les disciplines.
â RĂ©aliser un plan de tables pour une fĂȘte de famille rĂ©unissant une cinquantaine de personnes.
RĂ©aliser le montage dâun meuble dont on a perdu le plan de montage.
â PrĂ©senter tous les scores des Ă©lĂšves Ă la journĂ©e sportive qui vient de se dĂ©rouler.
â RĂ©diger les consignes de traçage dâune figure donnĂ©e pour le voisin ne la voyant pas.
Calculer lâaire dâune figure complexe.
â Trouver un nombre produit dâune table Ă partir dâun autre nombre produit dâune autre table.
Ă lâĂ©cole, il est important de sortir du formalisme souvent trop prĂ©coce des Ă©noncĂ©s de type verbal Ă©crit et numĂ©rique. en saisissant des situations qui se prĂ©sentent sous dâautres modes (action pratique, question orale, dessin ou schĂ©ma interpelantâŠ), il est possible dâĂ©veiller la curiositĂ©, lâenvie de chercher, de faire rĂ©flĂ©chir et de relever des dĂ©fis.
Par ailleurs, les situations proposées ne doivent pas se cantonner au seul registre arithmétique. Certains exemples ci-dessus posent des questions de traitement de données, de géométrie ou de grandeurs.
aux caractĂ©ristiques Ă©noncĂ©es ci-avant, on peut en ajouter dâautres qui en dĂ©coulent.
â Une situation problĂšme est personnelle : ce qui pose question Ă une personne nâinterpelle pas nĂ©cessairement une autre, ne constitue pas une difficultĂ© ou un obstacle pour cette derniĂšre.
â Une situation problĂšme lâest Ă un moment donné : en effet, si elle a Ă©tĂ© rĂ©solue et quâelle se reprĂ©sente, elle devrait moins poser question.
Une situation problĂšme, pour ĂȘtre rĂ©solue par lâĂ©lĂšve, doit ĂȘtre adaptĂ©e Ă son bagage cognitif : si la situation est trop complexe, le dĂ©passe complĂštement, il ne va pas pouvoir sây investir ; si elle est trop simple, sans obstacle pour lui, il ne la considĂšrera plus vĂ©ritablement comme problĂšme.
La perception et la rĂ©solution dâune situation problĂšme sont enrichies par les interactions sociales : aprĂšs avoir explorĂ© seul une situation, la confrontation avec les autres peut aider Ă y voir plus clair, Ă rebondir sur des pistes prometteuses.
2 Le mot opération est pris au sens large, il ne se réduit pas aux opérations arithmétiques (voir Opérations et calcul § 1.).
3 La dĂ©finition de situation problĂšme, ici donnĂ©e, sâinspire de plusieurs documents et auteurs. Du premier projet de Socles de CompĂ©tences, 1994, au RĂ©fĂ©rentiel des MathĂ©matiques, 2021, Ă©ditĂ©s par la FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles, la rĂ©solution de problĂšmes est une des visĂ©es des mathĂ©matiques Ă lâĂ©cole. de Vecchi G., carmona-maGnaldi N., 2002, p. 47, FaGnant A. et al., 2013, Cycle 8/10, p. 10, et Le Rallye MathĂ©matique Transalpin (RMT), dossier dâoctobre 2013, p. 9, donnent des critĂšres de dĂ©finition et des pistes dâactivitĂ©s.
3. Trois fonctions possibles des situations problĂšmes
on peut déterminer trois fonctions de la résolution de situations problÚmes4
Les situations sont porteuses dâun obstacle matiĂšre Ă dĂ©passer. Pour rĂ©soudre la situation, les Ă©lĂšves vont devoir construire un nouveau savoir, disqualifier dâautres savoirs non pertinents.
Les situations sont complexes, mais ne mobilisent pas des savoirs mathĂ©matiques de haut niveau. Câest plutĂŽt lâenchainement des opĂ©rations, lâorganisation dâun cheminement qui est Ă trouver.
Le savoir construit ne sert gĂ©nĂ©ralement quâĂ cette situation. La dĂ©marche organisationnelle par contre est souvent transfĂ©rable.
Les situations sont complexes et intÚgrent (mettent en relation) plusieurs savoirs préalablement travaillés par les élÚves. Ici, ils sont à mobiliser de façon originale et articulée pour résoudre la situation, ils deviennent opérationnels, fonctionnels.
Ce type de situation peut ĂȘtre un outil dâĂ©valuation de haut niveau5
La rĂ©solution de situations problĂšmes est alors une MĂTHODOLOGIE DâAPPRENTISSAGE un OBJECTIF DâAPPRENTISSAGE un OUTIL DâINTĂGRATION et un OUTIL DâĂVALUATION
On vise lâapprentissage par la rĂ©solution de problĂšmes.
On vise le développement de compétences spécifiques mathématiques et autres.
On sollicite les compétences de résolveur de problÚmes.
On vise lâapprentissage de la rĂ©solution de problĂšmes
On vise le développement des compétences de résolveur de problÚmes.
On sollicite dâautres compĂ©tences.
analysons trois situations en lien avec ces trois fonctions.
â situation de lâaquarium6 et son analyse
On vérifie la mobilisation intégrée des acquis.
Un aquariophile aimerait amĂ©nager lâaquarium dans lequel ses pensionnaires pourront trouver les conditions idĂ©ales : « plus câest grand, mieux câest ! »⊠sauf pour le portefeuille !
Il prévoit un aquarium de 60 cm de haut avec une toise de renfort en verre.
Le prix des vitres est de 45 ⏠le mÂČ.
LâĂ©paisseur du verre est de 1 cm.
La masse volumique du verre est de 3 kg/dm³. Aidez cet amateur à calculer le cout de sa réalisation ainsi que la masse (poids) de la cuve vide et de la cuve pleine.
Voici une vue du dessus de la cuve.
4 Voir les auteurs suivants : charnay r., 1996 ; descaVes a., 1992 ; rouche n., 2004 ; GilBert th., ninoVe l et le Gem, 2017 ; demonty i., FaGnant a., 2012.
5 Utiliser la rĂ©solution de problĂšmes pour vĂ©rifier des acquis chez les Ă©lĂšves, câest recourir au plus haut niveau des outils dâĂ©valuation.
Il sâagit donc dâen user avec prĂ©caution quand les Ă©lĂšves sont dĂ©jĂ aguerris Ă rĂ©soudre des problĂšmes. Ăvaluer des acquis doit se rĂ©aliser avec une variĂ©tĂ© dâoutils et de niveaux taxonomiques.
6 Situation proposée par Vanmuysen A., Cours de mathématique en formation des instituteurs/trices primaires, HELMo LiÚge, 2000.
LâĂ©noncĂ© de cette situation donne plusieurs informations numĂ©riques trĂšs diffĂ©rentes et un plan qui, ensemble, ne laissent pas entrevoir dâemblĂ©e un cheminement pour trouver le cout et la masse (poids) de la cuve (Ă vide et remplie). Cette situation est de toute Ă©vidence complexe7 elle mobilise et demande de mettre en relation, dâarticuler des connaissances construites au prĂ©alable : le thĂ©orĂšme de Pythagore, des formules de calcul dâaires de polygones, des formules de calcul de volumes de prismes droits, la relation de proportionnalitĂ© entre des aires et des prix, la relation de proportionnalitĂ© entre des volumes et des masses (poids). Il sâagit ici de construire un enchainement pertinent et rigoureux dâopĂ©rations permettant de calculer les Ă©lĂ©ments demandĂ©s.
avec ce type de situation, on est davantage dans la fonction dâINtĂGratIoN, de CoNsoLIDatIoN, voire dâĂVaLUatIoN des acquis. en effet, on peut apprĂ©cier la capacitĂ© des Ă©lĂšves Ă les mobiliser, Ă les articuler, Ă leur donner du sens, Ă comprendre leur utilitĂ©.
â situation des carrĂ©s8 et son analyse
Dans ce carré, on peut trouver 14 carrés.
Combien de carrés peut-on trouver dans un carré de 5 sur 5, de 8 sur 8 et dans un carré de n sur n ?
Cette situation ne fait appel Ă aucun savoir complexe. elle demande par contre dâaller au-delĂ du tĂątonnement, des essais-erreurs au profit dâune observation minutieuse du glissement des plus petits carrĂ©s dans les grands carrĂ©s donnĂ©s selon la direction de leur base et de leur hauteur, de traduire ce phĂ©nomĂšne par des calculs. La demande de gĂ©nĂ©ralisation oblige Ă comparer les cas particuliers Ă©tudiĂ©s, Ă y repĂ©rer des rĂ©gularitĂ©s, des similitudes et Ă les exprimer alors de maniĂšre algĂ©brique. avec ce type de situation, on est davantage dans la fonction aPPreNDre Ă CHerCHer en effet, ce type de situation amĂšne Ă chercher un peu Ă lâaveugle au dĂ©part puis de maniĂšre de plus en plus structurĂ©e9 pour aboutir Ă la construction dâune formule gĂ©nĂ©rale peu transfĂ©rable Ă dâautres situations. tout ce processus et son aboutissement donnent souvent un fort sentiment de satisfaction, la fiertĂ© dây ĂȘtre arrivĂ©, dâavoir relevĂ© le dĂ©fi.
â situation du pavage10 et son analyse
Cet ensemble de polygones réguliers constitue-t-il un vrai* pavage du plan ?
Pourquoi ?
Reconstruis les preuves mathématiques nécessaires.
*Les pavĂ©s doivent ĂȘtre parfaitement jointifs.
Il ne faut ni trou ni chevauchement.
Le recouvrement doit pouvoir se poursuivre Ă lâinfini.
Le dessin du pavage demande de vĂ©rifier mathĂ©matiquement quâil est possible et oblige Ă sâinterroger sur les amplitudes des angles des polygones rĂ©guliers.
Cette situation amĂšne Ă CoNstrUIre UN NoUVeaU saVoIr : la formule permettant de calculer rapidement la valeur de lâamplitude dâun angle de nâimporte quel polygone rĂ©gulier11
7 Elle lâest davantage si on envisage de prendre en compte le mode de raccord entre les faces latĂ©rales de la cuve (biseautage, ou non, du verre) (la situation sâadressera alors Ă des techniciens de la construction).
8 Situation de dĂ©nombrement classique reprise dans des rĂ©pertoires dâĂ©nigmes, de type dĂ©nombrement. Voir sa rĂ©solution gĂ©omĂ©trique sur https://www.enigme-facile.fr/enigme-combien-de-carres-5818 (consultĂ© en mars 2022).
9 Voir tome 1, Traitement de données § 3. Pourquoi travailler ces organisations : ranger, trier, classer, hiérarchiser, croiser ?
10 Situation proposée par annoye M., Des polygones pour construire la géométrie, Louvain-La-Neuve, GEM, 1990, p. 19.
11 Cf. lucas F. et al., Explorer les grandeurs, se donner des repĂšres, Mont-Saint-Guibert, De Boeck Van In, coll. Math & Sens, 2018. LA MATIĂRE § 4.7.6. Les angles des polygones rĂ©guliers.
Lorsque les amplitudes des angles des polygones rĂ©guliers sont calculĂ©es puis connues, il suffit de vĂ©rifier que la somme des amplitudes des angles des polygones juxtaposĂ©s autour dâun sommet vaut 360 degrĂ©s, propriĂ©tĂ© dâun vrai pavage du plan.
Une situation ne correspond pas par nature Ă lâune de ces trois fonctions. Câest lâenseignant qui, en tenant compte de son public, des apprentissages vĂ©cus et dâun objectif quâil se donne avec ce public, dĂ©cide de faire jouer telle ou telle fonction Ă la situation. Par exemple, la situation du pavage peut ĂȘtre une situation pour :
â construire le mode de calcul des amplitudes des angles des polygones rĂ©guliers si ce nâest pas connu ;
â chercher les diverses sortes de pavages possibles avec une sorte puis plusieurs sortes de polygones rĂ©guliers ;
consolider et intégrer des connaissances sur les polygones réguliers et faire éliminer ou non, en justifiant, le pavage proposé.
Ă travers ces trois grandes fonctions et au-delĂ , la rĂ©solution de problĂšmes peut viser dâautres objectifs plus spĂ©cifiques comme apprendre Ă se poser des questions, changer de point de vue, faire des hypothĂšses et les tester, chercher plusieurs dĂ©marches, oser une dĂ©marche originale, modĂ©liserâŠ
4. Compétences de « résolveur » de situations problÚmes
La rĂ©solution dâune situation problĂšme est un cheminement complexe qui passe par plusieurs phases et mobilise des compĂ©tences de haut niveau. Ce cheminement nâest pas linĂ©aire, il procĂšde de va-et-vient entre la situation, la rĂ©solution, les pistes de solutions et il nĂ©cessite souvent des retours en arriĂšre et de nombreuses vĂ©rifications.
on peut retenir quatre compétences incontournables12 de « résolveur de problÚmes » et schématiser leurs liens ainsi :
La situation problĂšme
Représenter Résoudre Communiquer
Véri er
Voyons ce que peut recouvrir chacune de ces compĂ©tences, sans chercher Ă ĂȘtre exhaustif.
Se représenter la situation
Câest en percevoir toutes les composantes et leurs liens : les Ă©lĂ©ments du contexte, les donnĂ©es de divers ordres, les relations entre elles, les opĂ©rations en jeuâŠ
Câest cerner la ou les questions qui se posent, celles qui sont Ă rĂ©soudre, le but Ă atteindre.
â Câest entrevoir les Ă©lĂ©ments utiles, intĂ©ressants, pertinents ou non pour engager un cheminement.
â Câest la mimer, la reformuler, la dessiner, la schĂ©matiserâŠ
Résoudre la situation
â Câest parfois rechercher des donnĂ©es manquantes nĂ©cessaires pour commencer un traitement des donnĂ©es et avancer vers le but recherchĂ©.
â Câest parfois dĂ©composer le problĂšme en plusieurs « sous-problĂšmes » Ă rĂ©soudre.
â Câest choisir une dĂ©marche parmi plusieurs envisagĂ©es.
â Câest apprĂ©cier rĂ©guliĂšrement lâĂ©cart entre les avancĂ©es rĂ©alisĂ©es dans le traitement et le but recherchĂ©.
â Câest parfois abandonner une dĂ©marche qui mĂšne Ă une impasse au profit dâune autre.
Câest parfois prendre en compte certaines contraintes imposĂ©es par la situation.
â Câest mobiliser divers acquis utiles et les articuler.
â Câest parfois rĂ©aliser un organigramme de lâenchainement opĂ©ratoire des donnĂ©es utiles vers la solution ou au contraire de la solution vers les donnĂ©es (voir tome 1, traitement de donnĂ©es § 4.3.4.).
â Câest parfois construire ou mettre en Ćuvre une modĂ©lisation spĂ©cifique (voir rĂ©solution de problĂšmes § 6.) ou, au contraire, câest oser une stratĂ©gie personnelle, originale.
â Câest apprĂ©cier, interprĂ©ter la ou les solutions obtenues en cohĂ©rence avec la situation et le but recherchĂ©. ââŠ
Communiquer
Câest un acte complexe qui peut prendre diverses formes : orale, Ă©crite, dessinĂ©e, schĂ©matique⊠Câest donc parfois respecter une forme imposĂ©e, attendue.
â Câest un acte qui engage un Ă©metteur et un rĂ©cepteur. Ă lâĂ©cole, communiquer est Ă envisager de façon adaptĂ©e Ă lâĂąge de lâĂ©metteur et Ă lâinterlocuteur auquel on sâadresse.
â Câest expliciter la situation, sa reprĂ©sentation, sa rĂ©solution, la ou les solutions.
â Ce nâest pas juste proposer des calculs et une solution numĂ©rique. Câest plus largement avoir le souci de rendre comprĂ©hensible Ă lâinterlocuteur sa dĂ©marche, son cheminement liant lâanalyse de la situation Ă lâobtention dâun ou de plusieurs rĂ©sultats.
Câest confronter un ou des rĂ©sultats obtenus au contexte de la situation et aux questions posĂ©es.
Câest parfois expliciter les choix rĂ©alisĂ©s dans la rĂ©solution en fonction du caractĂšre ouvert de la situation ou au contraire en fonction des contraintes imposĂ©es.
Vérifier
tout au long du processus, que ce soit dans la représentation, la résolution ou la communication, des oublis, des erreurs peuvent surgir. DÚs lors, vérifier est une compétence transversale à mobiliser réguliÚrement.
â Câest revenir sur le travail de reprĂ©sentation de la situation, sur la dĂ©marche de rĂ©solution, sur la ou les solutions et les articuler pour sâassurer
âą de lâexactitude des donnĂ©es utilisĂ©es ;
âą du non-oubli de lâune dâelles ;
⹠de la correction des opérations appliquées et des calculs réalisés ;
⹠de la rigueur des écritures (notamment des écritures mathématiques) utilisées ;
⹠de la plausibilité, de la cohérence de la ou des solution(s) trouvée(s) par rapport aux questions posées ou par rapport aux contraintes de la situation.
â Câest aussi confronter son cheminement avec dâautres et sâinterroger sur les diffĂ©rences pour Ă©ventuellement le revoir et lâajuster.
Fagnant a et al., Résoudre des problÚmes : pas de problÚmes !, bruxelles, De boeck, coll. math & sens. Cycle 5/8 ans, 2018 ; cycle 8/10 ans, 2013 ; cycle 10/12 ans, 2016. activités pour développer des compétences de résolveur de problÚmes.
dâapprentissage ?
> Les compĂ©tences de rĂ©solveur de problĂšmes sont transversales elles sont utiles pour toutes les disciplines Ă lâĂ©cole et dans la vie : la vie quotidienne et la vie professionnelle. Il est donc intĂ©ressant de les travailler de maniĂšre explicite et consciente Ă lâĂ©cole.
> Les compĂ©tences de rĂ©solveur de problĂšmes ne se dĂ©veloppent pas suffisamment lorsquâon les sollicite dans des situations pour construire du nouveau savoir ou dans des situations dâintĂ©gration des acquis. en effet, dans ces deux cas, lâessentiel nâest pas lĂ . La prise de conscience par lâĂ©lĂšve de ce que sont ces compĂ©tences et de la maniĂšre dâamplifier leur dĂ©veloppement risque de ne pas se rĂ©aliser.
> en travaillant chacune de ces compĂ©tences pour elle-mĂȘme, avec des moyens adaptĂ©s et explicitĂ©s, lâĂ©lĂšve se responsabilise davantage sur cet objectif et apprĂ©cie ses progrĂšs
> Les compĂ©tences de rĂ©solveur de problĂšmes sont des compĂ©tences de haut niveau dont lâĂ©lĂšve ne dispose pas naturellement et dâemblĂ©e. Il est donc important de les travailler chacune Ă chaque cycle de lâĂ©cole.
> Le travail sur chacune des compétences de résolveur de problÚmes participe au développement des autres compétences.
â Prendre le temps de se reprĂ©senter la situation, de se lâapproprier est une attitude spĂ©cifique au rĂ©solveur expert et permet de rĂ©soudre plus efficacement ensuite.
â Ăprouver des difficultĂ©s dans la rĂ©solution conduit Ă revoir la situation, Ă amĂ©liorer sa reprĂ©sentation.
â Communiquer de façon comprĂ©hensible son cheminement oblige souvent Ă rendre plus explicites des Ă©lĂ©ments de rĂ©solution.
â VĂ©rifier chaque phase du cheminement amĂšne Ă mieux prendre conscience de ce quâimplique chacune de ces compĂ©tences : reprĂ©senter, rĂ©soudre, communiquer.
> Les compĂ©tences de rĂ©solveur de problĂšmes relĂšvent dâune haute expertise proche de celle du mathĂ©maticien chercheur. Il est important, par des situations variĂ©es de vraie recherche, de faire sentir aux Ă©lĂšves quâil nâest pas judicieux de se prĂ©cipiter dans une rĂ©solution. au contraire, ces expĂ©riences doivent leur faire dĂ©couvrir quâils peuvent prendre leur temps, rĂ©flĂ©chir en profondeur, faire preuve de patience et de persĂ©vĂ©rance. au terme de plusieurs dĂ©marches rĂ©flexives de ce type, ils pourront rĂ©pertorier des attitudes et des stratĂ©gies prometteuses.
Pourquoi travailler les compĂ©tences de rĂ©solveur de situations problĂšmes pour elles-mĂȘmes, les choisir comme objectif
Traitement de données numériques
Introduction
Cette partie prolonge le traitement de données du tome 1 en développant plus spécifiquement le traitement de données numériques. Nous proposons trois domaines mathématiques relatifs à ce type de traitement.
Dans le chapitre « élĂ©ments de combinatoire », nous explicitons la recherche de toutes les possibilitĂ©s dâassociations dâĂ©lĂ©ments en nombre fini. Nous nous limitons aux situations les plus courantes, accessibles dĂšs le primaire : les situations « produits », les permutations, les arrangements et les combinaisons. Nous dĂ©veloppons divers outils dâorganisation des possibilitĂ©s afin de pouvoir les dĂ©nombrer, voire les calculer aisĂ©ment : arbres, tableaux, diagrammes. Dans ce chapitre, câest davantage les dĂ©marches et leurs reprĂ©sentations graphiques pour dĂ©terminer les solutions qui sont importantes que les formules pour les calculer.
Dans le chapitre « élĂ©ments de probabilitĂ©s », nous clarifions dâabord la spĂ©cificitĂ© de la pensĂ©e probabiliste (pensĂ©e non dĂ©terministe) en rĂ©fĂ©rence aux notions dâexpĂ©rience alĂ©atoire, de hasard et dâĂ©vĂšnement. Une premiĂšre Ă©vocation intuitive de probabilitĂ© est alors possible. Nous nous limitons aux notions Ă©lĂ©mentaires de probabilitĂ© dans une double approche :
lâapproche expĂ©rimentale qui sâappuie sur de trĂšs nombreuses rĂ©pĂ©titions (loi des grands nombres) dâune expĂ©rience alĂ©atoire et lâobservation de la frĂ©quence dâapparition dâun Ă©vĂšnement ;
lâapproche thĂ©orique qui sâappuie sur la notion dâĂ©quiprobabilitĂ© des Ă©vĂšnements Ă©lĂ©mentaires dâune situation alĂ©atoire.
Nous illustrons ces notions par des situations accessibles, comme le lancement dâobjets, pour montrer quâune initiation Ă ces notions est possible avec de jeunes Ă©lĂšves.
Dans le chapitre « éléments de statistiques », nous caractérisons le questionnement statistique de phénomÚnes, le prélÚvement et le traitement de trÚs nombreuses données. Nous développons les outils propres à ce domaine en suivant la démarche statistique.
Il sâagit dâabord de cerner la situation et de collecter des donnĂ©es. Nous dĂ©veloppons plus particuliĂšrement ce quâest un sondage sur un Ă©chantillon de la population concernĂ©e par le phĂ©nomĂšne Ă©tudiĂ©. Les Ă©lĂ©ments de ce processus sont clarifiĂ©s, comme les questions de sondage pertinentes, le type de donnĂ©es recherchĂ©es, les facteurs influençant les rĂ©sultats dâun sondage et les caractĂ©ristiques dâun Ă©chantillon reprĂ©sentatif.
Il faut ensuite organiser, prĂ©senter et analyser les donnĂ©es. Les notions de sĂ©rie statistique, de tableau des effectifs et de frĂ©quence statistique sont les premiers concepts indispensables Ă une organisation des donnĂ©es rĂ©coltĂ©es. Lâanalyse des donnĂ©es est facilitĂ©e par diverses reprĂ©sentations graphiques des sĂ©ries statistiques : le diagramme Ă tige et Ă feuille, le diagramme circulaire, le diagramme en bĂątonnets et lâhistogramme.
Enfin, il est possible dâinterprĂ©ter des donnĂ©es par des indicateurs statistiques : un indicateur de dispersion des donnĂ©es, lâĂ©tendue ; des indicateurs de position, la moyenne arithmĂ©tique, le mode et la mĂ©diane. Ce sont moins des formules que le sens Ă donner Ă ces notions que nous dĂ©veloppons afin dâarriver Ă des interprĂ©tations utiles, des conclusions pratiques, des prises de dĂ©cisions pertinentes.
1. ĂlĂ©ments de combinatoire
La combinatoire1 est une partie des mathĂ©matiques qui sâintĂ©resse Ă diffĂ©rentes sortes dâassociations quâon peut rĂ©aliser Ă partir dâun ensemble fini dâobjets. Il sâagit dâĂ©numĂ©rer ces associations de maniĂšre exhaustive et/ou de les dĂ©nombrer.
â Quels sont tous les habillages diffĂ©rents possibles avec 2 blouses, 3 pantalons ?
â Quels autres drapeaux que le drapeau belge peut-on faire en utilisant les 3 couleurs (noir, jaune, rouge) placĂ©es lâune Ă cĂŽtĂ© de lâautre ?
â Combien de codes de 2 lettres distinctes peut-on faire avec les 4 lettres de LOIC ?
â Quelles paires dâenfants parmi 4 peut-on faire pour une danse Ă 2 ?
dans certaines situations, produire lâinventaire de toutes les possibilitĂ©s nĂ©cessite lâutilisation dâoutils ou de stratĂ©gies efficaces, qui sont dĂ©crits plus loin dans ce texte. de plus, lorsque le nombre de possibilitĂ©s est grand, le dĂ©nombrement gagne Ă ĂȘtre rĂ©alisĂ© par calcul. la recherche et lâapplication de formules adĂ©quates sont un sujet abordĂ© dans lâenseignement secondaire ; les problĂšmes envisagĂ©s en primaire en constituent toutefois les prĂ©mices.
les associations possibles sont nombreuses et variées. nous nous limitons ici aux plus courantes et aux plus accessibles.
Une approche trop abstraite et formelle de ces notions est Ă Ă©viter avec les Ă©lĂšves. matĂ©rialiser les diffĂ©rents objets Ă associer (« vrais » objets ou Ă©tiquettes, images les reprĂ©sentant) permet une mobilitĂ© de ceux-ci et la rĂ©alisation, en tout ou en partie, des associations demandĂ©es. cela permet de rĂ©flĂ©chir Ă la logique des associations, dâĂ©laborer des organisations qui en tĂ©moignent et de comprendre le dĂ©nombrement qui sâen dĂ©gage.
les diffĂ©rentes associations dâobjets sont prĂ©sentĂ©es et dĂ©finies ci-aprĂšs. nĂ©anmoins, leurs dĂ©finitions strictes isolĂ©es sont peu parlantes et nâont pas grand intĂ©rĂȘt. elles ne sont pas Ă retenir et Ă faire Ă©tudier. c âest bien leur ancrage dans des situations visualisables qui leur donne sens.
1.1. Les situations « produits »
Le produit cartĂ©sien de deux ensembles2 A et B est lâensemble de tous les couples quâil est possible de rĂ©aliser en prenant, comme premier Ă©lĂ©ment du couple, un Ă©lĂ©ment du premier ensemble et, comme deuxiĂšme Ă©lĂ©ment du couple, un Ă©lĂ©ment du deuxiĂšme ensemble.
Cet ensemble se note A à B et se dit « A croix B ». On le nomme produit cartésien.
Un couple, élément de cet ensemble, se note (a, b), a appartenant à A et b appartenant à B.
Le couple (a, b) est diffĂ©rent3 du couple (b, a) qui, lui, appartient Ă lâensemble produit B Ă A.
Voici des situations appelant à réaliser le produit cartésien de deux ensembles (ou plus).
â Quels sont tous les habillages diffĂ©rents possibles avec 2 blouses, 3 pantalons ? (1)
â Combien de codes diffĂ©rents possibles peut-on envisager pour un cadenas Ă 4 chiffres ? (2)
1 La combinatoire est aussi appelĂ©e lâanalyse combinatoire.
2 Il est possible dâenvisager le produit cartĂ©sien de 3 ensembles A Ă B Ă C comprenant des triplets (a, b, c) ; a appartenant Ă A, b Ă B et c Ă C (et le produit cartĂ©sien de n ensembles comprenant des n-uplets). On a A Ă B Ă C = (A Ă B) Ă C = A Ă (B Ă C).
3 (a, b) â (b, a) contrairement Ă la notion de paire dâĂ©lĂ©ments (voir tome 1, Traitement de donnĂ©es, § 4.1.1.1.) : {a, b} = {b, a}.
en effet, elles mettent en jeu deux ensembles dâobjets (ou plus) : â ensemble de blouses, ensemble de pantalons ;
ensemble des dix chiffres de 0 Ă 9 Ă considĂ©rer 4 fois pour rĂ©aliser un code de 4 chiffres. il sâagit alors de prendre un Ă©lĂ©ment par ensemble de toutes les façons possibles. on rĂ©alise ainsi un produit cartĂ©sien dâensembles.
â reprenons la situation des habillages possibles en couplant des blouses et des pantalons (1).
soit un ensemble constitué de 2 blouses : { , } ou {b1, b2}.
soit un autre ensemble constitué de 3 pantalons : { , , } ou {p1, p2, p3}.
cherchons tous les couples (blouse, pantalon) possibles. recourons Ă trois supports qui permettent lâĂ©numĂ©ration de ces couples : un graphe sagittal, un tableau, un arbre.
ce type de recherche commence de maniĂšre brouillonne, par essais-erreurs, ajustements. le besoin dâorganiser la recherche sâimpose pour ĂȘtre sĂ»r de trouver toutes les possibilitĂ©s sans en oublier et sans rĂ©pĂ©ter deux fois la mĂȘme. les supports comme ceux qui suivent sont utiles.
⹠Un graphe sagittal :
on obtient 6 possibilités.
Graphiquement, 6 correspond au nombre de flĂšches entre les deux ensembles.
⹠Un tableau à double entrée :
on obtient 6 possibilités.
Graphiquement, 6 correspond au nombre de cases dans le tableau Ă deux entrĂ©es : 2 rangĂ©es de 3 ou 3 colonnes de 2 donc 23 32ĂĂ ou
⹠Un arbre de dénombrement :
on obtient 6 possibilités.
Graphiquement, 6 correspond au nombre de branches terminales de lâarbre.
Par ces supports (graphe sagittal, tableau, arbre) (voir tome 1, Grandeurs § 6.1.1. et traitement de donnĂ©es § 4.2. et § 4.3.), on voit que le nombre de possibilitĂ©s correspond au produit du nombre dâĂ©lĂ©ments du premier ensemble par le nombre dâĂ©lĂ©ments du second ensemble (voir opĂ©rations et calcul § 2.1.5.).
Le cardinal dâun ensemble est son nombre dâĂ©lĂ©ments. Le cardinal de lâensemble A se note #A.
Le cardinal du produit cartésien de deux ensembles est le produit des cardinaux de ces deux ensembles. On note #(A à B) = #A à #B.
â reprenons la situation du code de 4Â chiffres (2).
le support qui, ici, permet un dĂ©pliage complet et clair des diffĂ©rentes possibilitĂ©s est lâarbre de dĂ©nombrement. il nâest mĂȘme pas nĂ©cessaire dây notifier toutes ses composantes.
la structure en arbre montre bien lâobtention du nombre final de possibilitĂ©s par la multiplication des nombres (toujours 10) de chiffres possibles en 1re, 2e, 3e et 4e position.
1.2. Les permutations
Une permutation dâune suite ordonnĂ©e de n Ă©lĂ©ments diffĂ©rents est une rĂ©organisation de cette suite de n Ă©lĂ©ments dans un ordre diffĂ©rent, sans quâaucun dâeux ne soit rĂ©pĂ©tĂ©.
On note le nombre de permutations de n éléments distincts Pn.
Une permutation de la suite a, b, c est, par exemple, la suite b, a, c ; une autre est b, c, a.
Quels autres drapeaux que le drapeau belge peut-on rĂ©aliser en utilisant les 3 couleurs (noir, jaune, rouge) placĂ©es lâune Ă cĂŽtĂ© de lâautre ? (1)
De combien de façons possibles 6 enfants peuvent-ils ĂȘtre alignĂ©s pour une photo ? (2)
â reprenons la situation des couleurs du drapeau belge pouvant donner lieu Ă dâautres drapeaux recourant aux 3 couleurs juxtaposĂ©es (1).
Pour ce drapeau, 3Â couleurs sont Ă permuter.
Pour la 1re place, les 3 couleurs sont possibles.
Pour la 2e place, la couleur de la 1re place étant choisie, il reste 2 couleurs possibles.
Pour la 3e place, les couleurs de la 1re place et de la 2e place étant choisies, il reste une couleur possible.
ceci peut se déplier en arbre.
on obtient 6 possibilités.
en passant dâune place Ă la suivante, il y a un Ă©lĂ©ment de moins possible. on a donc un produit de facteurs « dĂ©gressifs » dâune unitĂ© chaque fois : 33 13 23 21 6
â considĂ©rons la photo de 6 enfants alignĂ©s pouvant donner lieu Ă dâautres alignements. Voici les dessins des 6 enfants.
Pour la 1re place, les 6 enfants sont possibles. Pour la 2e place, 5 enfants restent possibles. Pour la 3e place, 4, et ainsi de suite.
cela peut ĂȘtre montrĂ© avec un arbre.
Ă 4 Ă 3 Ă 2 Ă 1
on obtient 720 possibilités.
le nombre total de possibilitĂ©s peut vite devenir grand ! si, dans le cas des couleurs du drapeau belge, il est possible de trouver par tĂątonnement toutes les possibilitĂ©s (6), câest fastidieux, voire impossible, dans le cas des six enfants Ă permuter (720). câest lĂ quâon mesure la puissance des outils organisateurs tels que les arbres. la construction et lâutilisation de ces supports sont bien plus importantes que lâapplication de formules. ces derniĂšres prennent sens Ă travers ces supports.
on retrouve dans ces deux exemples un produit de facteurs « dĂ©gressifs » dâune unitĂ© Ă chaque fois. On appelle factorielle n, notĂ©e n!, le produit de n facteurs dĂ©gressifs dâune unitĂ©, depuis le premier facteur n jusquâau dernier facteur 1. On a n! = n Ă (n â 1) Ă (n â 2) à ⊠à 1.
Dans la situation des drapeaux, on avait factorielle 3, notée 33 21 !
Dans la situation des enfants, on a factorielle 6, notée 66 54 32 1 !
Pour n éléments distincts, on a donc n! permutations possibles.
Le nombre de permutations de n Ă©lĂ©ments distincts, Pn , vaut n! = n Ă (n â 1) Ă (n â 2) à ⊠à 1. cette dĂ©finition est valable Ă partir de n = 2. on pose par convention que 1! = 1 et que 0! = 1. cette convention est nĂ©anmoins comprĂ©hensible en partant dâautres factorielles.
Par exemple : 3! = 4 4 !  et 2! = 3 3 !  ; donc 1! = 2 2 !  = 1 et 0! = 1 1 !  = 1.
1.3. Les arrangements
Un arrangement de k éléments différents4 pris dans un ensemble de n éléments est une suite ordonnée de ces k éléments. On note le nombre de tels arrangements Ak, n.
Combien de codes de 2 lettres distinctes peut-on faire avec les 4 lettres de LOIC ? (1)
Combien de podiums 1 2 3 différents peut-on avoir pour une course de 5 enfants ? (2)
ces situations demandent de rĂ©aliser des tirages successifs dâĂ©lĂ©ments dans un ensemble fini donné :
â premier tirage pour une premiĂšre lettre, pour la place 1 du podium ;
â puis deuxiĂšme tirage pour une deuxiĂšme lettre, pour la place 2 du podium ;
â enfin troisiĂšme tirage pour la place 3 du podium.
lâordre des Ă©lĂ©ments a de lâimportance. en effet,
â le code lo est diffĂ©rent du code ol ;
â le podium « sarah en 1, Hugo en 2, chedid en 3 » diffĂšre du podium « Hugo en 1, chedid en 2, sarah en 3 ».
â Voyons la situation du code de 2Â lettres parmi les 4Â lettres loic (1).
ici, vu le peu dâĂ©lĂ©ments Ă arranger, il est possible de trouver ces codes en visualisant les associations de deux lettres Ă partir des 4 donnĂ©es :
LO LI LC et donc aussi OL IL CL
OI OC et donc aussi IO CO
IC et donc aussi CI
ce qui donne 12 possibilités.
on peut aussi envisager la situation en deux tirages successifs dâune lettre :
â si je tire l comme premiĂšre lettre, il me reste pour le second tirage 3 lettres possibles : o, i, c ;
â si je tire o comme premiĂšre lettre, il me reste pour le second tirage 3 lettres possibles : l, i, c ;
â si je tire iâŠÂ ; si je tire c
Quelle que soit la premiÚre lettre tirée parmi les 4 disponibles, il y a ensuite 3 lettres possibles pour le second tirage.
4 On pourrait envisager le prĂ©lĂšvement des k Ă©lĂ©ments avec remise, on pourrait alors avoir des rĂ©pĂ©titions dâun mĂȘme Ă©lĂ©ment. Nous ne dĂ©veloppons pas ce cas dans cet ouvrage.
on peut alors envisager un arbre de dénombrement lié à ces deux tirages successifs.
on retrouve les 12 possibilités.
on voit clairement ce 12 comme produit du nombre de possibilités pour la 1re lettre par le nombre de possibilités pour la 2e lettre.
les 2Â facteurs du produit correspondent aux 2Â niveaux de lâarbre, câest-Ă -dire aux 2Â places Ă prendre dans chaque code.
lâarbre montre ici, de façon plus Ă©vidente, lâobtention du produit dont le 1er facteur est 4 et le 2e facteur est 3. il montre aussi quâon sâarrĂȘte Ă ce deuxiĂšme éventail de 3 branches pour obtenir les codes de 2 lettres. cet arbre est une partie dâun arbre de permutation, une permutation Ă©tant un arrangement particulier de n Ă©lĂ©ments pris parmi n.
â Voyons la situation du podium 1 2 3 avec 5 enfants : sarah, Hugo, chedid, emma, ali (2).
la place 1 peut ĂȘtre obtenue par 5 enfants diffĂ©rents.
la 1re place Ă©tant prise par un enfant, la place 2 peut encore ĂȘtre obtenue par 4 enfants diffĂ©rents.
la 2e place Ă©tant prise par un enfant, la place 3 peut encore ĂȘtre obtenue par 3 enfants diffĂ©rents.
Sarah, Hugo, Chedid
Sarah, Hugo, Emma
Sarah, Hugo, Ali Ali
le nombre total dâarrangements correspond au produit du nombre de possibilitĂ©s pour la place 1 par le nombre de possibilitĂ©s restantes pour la place 2, par le nombre de possibilitĂ©s restantes pour la place 3. les 3 facteurs du produit correspondent aux 3 niveaux de lâarbre, câest-Ă -dire aux 3 places Ă prendre dans chaque arrangement (3 places sur le podium).
dans ces deux situations, on trouve un produit de facteurs dĂ©gressifs dâune unitĂ© comme dans les permutations, mais la dĂ©gression ne va pas jusquâau facteur 1. on peut gĂ©nĂ©raliser.
dans la situation du code de 2 lettres parmi 4, on a 43 Ă Â possibilitĂ©s. dans la situation du podium de 3 places pour 5 enfants, on a 54 3 ĂĂ Â possibilitĂ©s. ces produits commencent comme les factorielles, mais sâarrĂȘtent. les arbres montrent bien comment, en fonction de la situation donnĂ©e et de ses contraintes, occuper les places successives et sâarrĂȘter. le nombre de facteurs est le nombre de « places » Ă occuper.
2 places
4! = 4 Ă 3 Ă 2 Ă 1
3 places
5! = 5 Ă 4 Ă 3 Ă 2 Ă 1
cela donne 12 possibilités. cela donne 60 possibilités.
on peut retrouver nos résultats à partir des factorielles.
12 = 43 Ă = 43 21 21 ĂĂ Ă Ă = 4 2 ! !
60 = 54 3 ĂĂ = 54 32 1 21 ĂĂ ĂĂ Ă = 5 2 ! !
On peut exprimer de maniĂšre gĂ©nĂ©rale le nombre dâarrangements de k Ă©lĂ©ments distincts pris dans un ensemble de n Ă©lĂ©ments diffĂ©rents, notĂ© Ak, n. Ainsi : Ak, n = n! nk ! .
Plus simplement, ceci correspond Ă k facteurs dĂ©gressifs dâune unitĂ© Ă partir de n, comme le montrent les exemples : Ak, n = n Ă (n â 1) Ă (n â 2) à ⊠(n â k + 1)
k facteurs, k places
lâĂ©criture dâune formule comme celle-ci, sous forme littĂ©rale, est le rĂ©sultat dâune gĂ©nĂ©ralisation thĂ©orique. le dĂ©nombrement des cas possibles dâarrangements de k Ă©lĂ©ments distincts parmi n se calcule en sâinspirant des permutations. Pour arriver Ă cette formule, on sâĂ©loigne de ce qui se fait concrĂštement. il est plus important de comprendre ce qui se passe dans ce genre de situation que de restituer une formule et de lâappliquer. dâautres formules complĂštent celle-ci en analyse combinatoire. les accumuler et vouloir les retenir risque souvent de provoquer un encombrement mental et un dĂ©gout.
on peut remarquer quâune permutation est un arrangement de n Ă©lĂ©ments pris parmi n. en appliquant le mode de calcul des arrangements possibles, on trouve Pn = An, n =
1.4. Les combinaisons
Une combinaison de k éléments pris dans un ensemble de n éléments différents5 est un sousensemble de k éléments de cet ensemble. On note le nombre de telles combinaisons Ck, n.
Quelles paires dâenfants parmi 4 peut-on former pour une danse Ă 2 ? (1)
â Cherchez toutes les collations diffĂ©rentes quâon peut obtenir en sĂ©lectionnant 3 friandises distinctes parmi 5 proposĂ©es. (2)
ces situations demandent de rĂ©aliser et de dĂ©nombrer des sous-ensembles dâun ensemble dâĂ©lĂ©ments donnĂ©s. les Ă©lĂ©ments pris sont diffĂ©rents et lâordre nâa pas dâimportance.
â Prenons la situation des paires dâenfants pour une danse, pris parmi 4 (1). soit un ensemble de 4 enfants, notĂ© {alice, liam, bob, elio}.
on peut déterminer les sous-ensembles de 2 enfants comme ceci :
{Alice, Liam}, {Alice, Bob}, {Alice, Elio}
{Liam, Bob}, {Liam, Elio}
{Bob, Elio}
ceci donne 6 possibilités.
dans le tableau ci-joint, on élimine
les situations du genre « alice danse avec alice » ;
les doublons du genre : « liam danse avec alice » puisquâon a dĂ©jà « alice danse avec liam ».
dans la situation oĂč il fallait faire des codes de 2 lettres en les prenant parmi les 4 lettres de loic (voir § 1.3.), il y avait 12 possibilitĂ©s, car lâordre avait de lâimportance. ici, lâordre est indiffĂ©rent. le duo {alice, liam} est Ă©gal au duo {liam, alice}. il est inutile de considĂ©rer les permutations de ces Ă©lĂ©ments, on garde un duo sur deux par rapport Ă une situation dâarrangements. il y a donc ici deux fois moins de possibilitĂ©s : 6 au lieu de 12.
le tableau Ă deux entrĂ©es, qui sâapplique ici Ă la situation particuliĂšre de composition de paires, montre bien cette rĂ©duction de moitiĂ©.
â Prenons la situation des collations de 3 friandises parmi 5 proposĂ©es (2).
soit les collations différentes suivantes : une pomme, un jus, un biscuit, un caramel, une tartine. le tableau suivant permet de repérer et de noter les trios possibles. ce tableau permet de répertorier de façon structurée les 10 trios de friandises différents possibles.
si on compare Ă la situation des podiums possibles ( 1 2 3 ) pour 5 coureurs, on avait 60 possibilitĂ©s. câest beaucoup plus, puisque, dans ce cas, lâordre importait.
ici, pour un trio tel que {pomme, jus, biscuit}, on nâa pas besoin de considĂ©rer toutes les permutations de ces trois Ă©lĂ©ments.
on a 6 permutations possibles : {pomme, jus, biscuit}, {pomme, biscuit, jus}, {jus, biscuit, pomme}, {jus, pomme, biscuit}, {biscuit, pomme, jus}, {biscuit, jus, pomme}. on en garde une sur six.
le nombre de permutations se trouve en calculant 3! = 3 Ă 2 ĂÂ 1.
donc dans une situation de combinaisons de 3 élĂ©ments parmi 5, on a 6 fois moins de possibilitĂ©s que pour une situation dâarrangements de 3 élĂ©ments parmi 5.
3 Ă 2 Ă
on peut donc relier les combinaisons aux arrangements et généraliser.
nombre dâarrangements de 2 élĂ©ments parmi 4
nombre dâarrangements de 3 élĂ©ments parmi 5
6 = 12 2 = 43 21 Ă Ă 10 = 60 6 = 54 3 32 1 ĂĂ ĂĂ
nombre de permutations de 2 éléments :
2! = 2 Ă 1 = 2
nombre de permutations de 3 éléments :
3! = 3 Ă 2 Ă 1 = 6
On peut exprimer de maniÚre générale le nombre de combinaisons de k éléments pris dans un ensemble de n éléments différents : Ckn kn A k! n! nk !k! , ,
rappelons que le travail de gĂ©nĂ©ralisation de la recherche, ici en tableau, est intĂ©ressant et que la gĂ©nĂ©ralisation en une formule de calcul pour elle-mĂȘme nâa pas grand intĂ©rĂȘt. il est plus important de comprendre ce qui se passe dans une situation que de tenter de restituer une formule et de lâappliquer.
> en primaire, il sâagit dâaborder ce type de situation comme des situations pour apprendre Ă chercher. en effet, rĂ©soudre ces situations ne requiert pas au prĂ©alable de connaissances trĂšs Ă©laborĂ©es. il sâagit ici de dĂ©velopper des compĂ©tences de rĂ©solveur de problĂšmes (voir rĂ©solution de problĂšmes § 4.) comme
â reprĂ©senter la situation de dĂ©part : en lâanalysant, en cherchant Ă comprendreâŠ
â rĂ©soudre, raisonner, argumenter : en agissant sur du matĂ©riel, en dessinant, en recourant Ă diverses schĂ©matisations, en cherchant des liens logiquesâŠ
â communiquer sa dĂ©marche et ses rĂ©sultats : en organisant sa recherche, en identifiant des Ă©tapes, des moyens utilisĂ©sâŠ
vĂ©rifier les diffĂ©rentes Ă©tapes de la rĂ©solution : en se relisant, en confrontant avec les autresâŠ
> en primaire, il nâest pas utile de nommer et dâamener Ă discriminer les situations produits, des permutations, arrangements ou combinaisons. Par contre, il est important dâamener les Ă©lĂšves Ă rĂ©aliser quâon passe, avec ce type de situations, Ă un dĂ©nombrement calculatoire et que cette dimension opĂ©ratoire du dĂ©nombrement rĂ©sulte dâorganisations de la recherche et de rĂ©gularitĂ©s Ă dĂ©gager.
> en secondaire, la distinction entre les divers regroupements dâĂ©lĂ©ments peut ĂȘtre observĂ©e, mais ce nâest nĂ©anmoins pas un but en soi, il est intĂ©ressant de percevoir que le dĂ©nombrement calculatoire peut se gĂ©nĂ©raliser et sâĂ©crire sous forme littĂ©rale. La gĂ©nĂ©ralisation de telles situations aide Ă passer de la pensĂ©e arithmĂ©tique Ă la pensĂ©e algĂ©brique. il est important dĂšs lors de confronter les Ă©lĂšves Ă des situations du mĂȘme type, dâordonner des suites dâopĂ©rations, de chercher les schĂ©mas et les rĂšgles qui peuvent en dĂ©couler.
> en secondaire, ces situations dans lesquelles on recherche les cas possibles préparent le travail sur les probabilités et le traitement statistique (voir traitement de données numériques § 2. et § 3.).
association rallye mathématique transalpin (nombreux problÚmes de combinatoire dÚs la 3e primaire). https:// rmt-belgique.be/problemotheque et http://www.armtint.eu/fr.
lyons m., lyons R., DĂ©fi mathĂ©matique, manuels de lâĂ©lĂšve pour les cycles 1, 2 et 3, montrĂ©al, cheneliĂšre Ăducation, 2000.
Demonty i., Vlassis J., DĂ©velopper lâarticulation arithmĂ©tique-algĂšbre entre le primaire et le secondaire, 10/14 ans, mont-saint-Guibert, de boeck Van in, coll. math & sens, 2018.
Pourquoi est-il intĂ©ressant dâaborder des situations de combinatoire en primaire et en secondaire ?
Nombres
Introduction
Le tome 1 de ce rĂ©fĂ©rentiel de mathĂ©matiques prĂ©sentait la gĂ©omĂ©trie et les grandeurs. Il nous semblait important que les nombres soient prĂ©sentĂ©s Ă la suite de ces deux premiers domaines. En effet, lâenfant commence par apprĂ©hender son environnement. Ensuite, il est amenĂ© Ă concevoir â dâabord qualitativement puis de maniĂšre quantitative â les grandeurs des objets quâil y rencontre. Quantifier une grandeur sâeffectue par dĂ©nombrement ou par mesurage. Ainsi, les grandeurs sont une porte dâentrĂ©e intĂ©ressante pour les apprentissages liĂ©s aux nombres et aux opĂ©rations.
Cette partie sâarticule autour de quatre chapitres. Les nombres sont traitĂ©s dans les trois premiers et la numĂ©ration dans le dernier.
Les contenus de cette partie sont proches de ceux enseignĂ©s Ă lâĂ©cole fondamentale. Surtout, ils permettent de mieux les comprendre, les articuler et ainsi ĂȘtre plus Ă lâaise pour les enseigner. Ces contenus ne sont donc en aucun cas Ă enseigner tels quels
Dans le premier chapitre, nous Ă©tudions dâabord les nombres les plus utilisĂ©s : les nombres naturels
Leur utilisation quotidienne nâen garantit pas la bonne comprĂ©hension et nâassure pas que les bases nĂ©cessaires au calcul soient maitrisĂ©es. Nous en reprenons quelques-unes pour les apprĂ©hender dans toute leur richesse : leur double aspect (cardinal et ordinal), leurs fonctions et leurs dĂ©signations (dont la diffĂ©rence entre chiffre et nombre) ainsi que les principes liĂ©s au dĂ©nombrement. Nous insistons ensuite sur la mise en relation des nombres entre eux en prĂ©sentant les dĂ©compositions â additives et multiplicatives â qui mĂšneront progressivement aux calculs.
Dans le deuxiÚme chapitre, nous étudions les supports qui permettent de structurer les nombres et leurs relations. Plus particuliÚrement, nous présentons des familles de schÚmes, la bande numérique, la droite des nombres ainsi que le tableau de 100.
Dans le troisiĂšme chapitre, nous Ă©largissons le champ numĂ©rique en abordant les diffĂ©rents types de nombres : entiers relatifs, rationnels et rĂ©els. Dans ce chapitre, plus que de chercher Ă dĂ©finir rigoureusement les nombres de maniĂšre ensembliste, il nous a semblĂ© important dâĂ©tudier les types de nombres selon des situations concrĂštes Ă©quivalentes du point de vue du nombre.
Nous clĂŽturons cette partie par un chapitre sur la numĂ©ration pour dĂ©couvrir comment le systĂšme dĂ©cimal a fini par sâimposer de maniĂšre quasi universelle. Pour le comprendre, il est important de maitriser les notions dâĂ©changes et de groupements (par 10 dans notre systĂšme). Ces derniers pourront ĂȘtre matĂ©rialisĂ©s Ă lâĂ©cole fondamentale pour en maitriser le fonctionnement. Nous terminons ainsi ce chapitre par des Ă©lĂ©ments dâanalyse du matĂ©riel de numĂ©ration.
1. Les nombres naturels
Le nombre est un objet mathĂ©matique frĂ©quemment rencontrĂ© et pourtant extrĂȘmement abstrait. on le trouve dans une multitude de contextes et sous des formes (types ou Ă©critures) trĂšs variĂ©es. DerriĂšre chaque nombre (naturel, entier relatif, rationnelâŠ), il existe de nombreuses situations concrĂštes diffĂ©rentes mais Ă©quivalentes du point de vue du nombre (voir § 3.).
Un nombre est une notion abstraite qui rend compte du rĂ©sultat dâun dĂ©nombrement (dâune grandeur discontinue), dâun mesurage (dâune grandeur continue) ou dâun repĂ©rage (dâune position) (voir tome 1, Grandeurs § 1.2. et GĂ©omĂ©trie § 1.2.3.).
Dans les deux premiers cas, le nombre tĂ©moigne dâune quantitĂ© en rĂ©pondant Ă la question « combien ? » et, dans le dernier, dâune position en rĂ©pondant Ă la question « oĂč ? » ou « le/la quantiĂšme ? ».
Nous nous centrons dâabord sur les nombres naturels1, qui sont les premiers nombres rencontrĂ©s, ceux Ă partir desquels les notions dâaspects cardinal et ordinal ou de dĂ©nombrement prennent leur sens.
Pour crĂ©er la notion de nombre, il est capital de considĂ©rer comme indissociables ses aspects cardinal et ordinal. En effet, associer exclusivement le nombre Ă une quantitĂ©, câest occulter une partie de sa complexitĂ©. Ainsi, pour exprimer explicitement une quantitĂ© dâobjets sans prendre en compte une quelconque position, au lieu de parler uniquement de « nombre », on prĂ©fĂšrera la formule « nombre de », qui rĂ©pond plus prĂ©cisĂ©ment Ă la question « combien de ? »
Pourquoi privilégier la formule « nombre de » jusque dans les exercices sur feuille ?
> Construire progressivement le passage de situations concrĂštes Ă lâabstraction du nombre est incontournable. mieux vaut installer des bases solides que vouloir enseigner les nombres, les opĂ©rations et le langage mathĂ©matique abstrait trop rapidement.
> Varier les mots utilisĂ©s enrichit le rĂ©pertoire lexical des enfants et leur permet de comprendre quâon peut employer les nombres dans de nombreuses situations, quâelles soient de la vie courante (lorsquâon utilise des « nombres de degrĂ©s Celsius », des « nombres de centilitres » ; quand on utilise des nombres de pommes, de cartesâŠ) ou plus scolaires (quand on travaille sur des nombres de cases, de jetons, de pointsâŠ).
> Associer aussi longtemps que possible les objets (Ă©ventuellement mathĂ©matiques) aux nombres auxquels ils se rapportent permet un meilleur accĂšs aux calculs. LâĂ©vocation des nombres commence par une approche orale, oĂč il est naturel de prĂ©ciser les objets auxquels se rapportent ces nombres. une fois Ă©crits sur feuille, ces mĂȘmes nombres se trouvent privĂ©s de leurs objets, laissant les enfants seuls face Ă une Ă©criture symbolique oĂč la rĂ©fĂ©rence Ă des situations concrĂštes nâest plus du tout perceptible.
Oralement, on dira quâil y a 2 Ă©lĂšves absents sur une classe de 21 Ă©lĂšves. Il y a donc 19 Ă©lĂšves prĂ©sents. Sur feuille, on Ă©crit « 21 â 2 = 19 ».
> Penser « nombre de » augmente lâefficacitĂ© face aux calculs, surtout pour des calculs qui peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme difficiles (la difficultĂ© variant selon le moment de lâapprentissage).
LâopĂ©ration elle-mĂȘme peut parfois ĂȘtre reformulĂ©e pour donner plus de sens.
â Le calcul « 6 x 3 » peut poser problĂšme : pense-t-on « paquets de » ou « multipliĂ© par » ? Est-ce le 6 qui agit sur le 3 ou lâinverse ? Exprimer ce calcul « 6 pochettes de 3 crayons » est plus Ă©clairant : cela fait 18 crayons.
â Le rĂ©sultat du calcul « 7 : 21 » nâest pas forcĂ©ment Ă©vident Ă trouver. Par contre, se demander ce que valent 7 euros par rapport Ă 21 euros permet de rĂ©aliser quâils en valent 1 3
> Exprimer les nombres particuliers, comme les nombres à virgule ou les fractions, sous une forme de « nombre de », les rend plus accessibles. En outre, cela facilite les calculs les concernant
â Si lâĂ©criture 0,002 ne permet pas toujours de percevoir ce nombre peu rencontrĂ© dans la vie courante, parler de 2 milliĂšmes, 2 millimĂštres ou 2 millilitres est plus Ă©vocateur.
â Lorsque le calcul « 0,2 + 0,13 » est exprimĂ© sous la forme « 2 dixiĂšmes + 13 centiĂšmes », le besoin dâexprimer les deux nombres dans la mĂȘme unitĂ© se fait directement sentir et une fois cela fait, additionner 20 centiĂšmes et 13 centiĂšmes ne pose pas davantage de problĂšmes que lâaddition de 20 billes et de 13 billes.
â Exprimer le calcul « 4 5 â1 5 », « 4 cinquiĂšmes â 1 cinquiĂšme », en considĂ©rant que les « cinquiĂšmes » sont les noms des morceaux, permet de prendre conscience que son rĂ©sultat est aussi Ă©vident que celui de « 4 pommes â 1 pomme ».
DeriDDer M.-P., Hoeben S., Voyage en Calculie, Sambreville, Atzéo, 2018, p. 15. Clé n° 1 « toujours avec mon dénominateur ».
Van Den borre A., La Mathématique en français, bruxelles, Labor, 2000.
1.1. Les aspects du nombre
La notion de nombre naturel et ses deux aspects â cardinal et ordinal â se dĂ©gagent de la comparaison de collections dâobjets. Cette comparaison ne porte pas sur la nature des objets ou sur leurs caractĂ©ristiques (couleur, taille, allureâŠ), mais sur la possibilitĂ© de mettre (ou non) ces collections en correspondance terme Ă terme.
La correspondance terme Ă terme est lâassociation des Ă©lĂ©ments de deux collections de maniĂšre Ă faire correspondre Ă un Ă©lĂ©ment de la premiĂšre un et un seul Ă©lĂ©ment de la seconde et rĂ©ciproquement.
Chaque souris est associĂ©e Ă un et un seul fromage. Il nây a pas de souris sans fromage ni de fromage sans souris. On dit quâil y a correspondance terme Ă terme entre la collection des souris et celle des fromages.
Deux collections Ă©quipotentes sont deux collections qui peuvent ĂȘtre mises en correspondance terme Ă terme.
S F S F
La collection S des souris et la collection F des fromages sont équipotentes. Il y a autant de fromages que de souris.
La collection S des souris et la collection F des fromages ne sont pas équipotentes. Il y a plus de souris que de fromages. Il y a moins de fromages que de souris.
Câest Ă partir de cette notion de correspondance terme Ă terme et de collections Ă©quipotentes quâune dĂ©finition du nombre naturel est Ă©tablie.
Un nombre naturel est une propriĂ©tĂ© commune de collections pouvant ĂȘtre mises en correspondance terme Ă terme ou, autrement dit, une propriĂ©tĂ© commune Ă toutes les collections Ă©quipotentes.
Le nombre naturel trois est une propriété commune des collections A, B, C et D.
A B C D
Cette propriĂ©tĂ© numĂ©rique des collections est appelĂ©e cardinal des collections. Câest leur nombre dâĂ©lĂ©ments.
Le cardinal des quatre collections, A, B, C et D vaut 3. Ces collections ont le mĂȘme nombre dâĂ©lĂ©ments : 3.
1.1.1. Aspect cardinal du nombre naturel
Des collections peuvent ĂȘtre comparĂ©es selon leur nombre dâĂ©lĂ©ments. on peut les classer en prenant comme critĂšre « avoir le mĂȘme nombre dâĂ©lĂ©ments ».
Soit, en vrac, des images de collections de fruits.
On classe ces images de collections de fruits en colonnes, selon le mĂȘme nombre de fruits.
DĂ©gager les nombres naturels de cette activitĂ© de classement, câest mettre en Ă©vidence leur aspect cardinal.
Lâaspect cardinal des nombres naturels correspond Ă une quantitĂ© Ă©gale dâĂ©lĂ©ments pour des collections diffĂ©rentes.
Chaque classe de collections Ă©quipotentes donne lâidĂ©e du nombre dans sa cardinalitĂ©. Ce nombre qui permet de dire la quantitĂ© associĂ©e Ă chaque collection est appelĂ© nombre cardinal.
Les collections de 4 Ă©lĂ©ments donnent lâidĂ©e du nombre 4, indĂ©pendamment de leur nature et de leurs caractĂ©ristiques : 4 est le cardinal de ces collections, câest un nombre cardinal.
Arriver Ă cette gĂ©nĂ©ralisation de lâaspect cardinal du nombre naturel est essentiel pour parler plus globalement de maitrise du nombre nĂ©cessaire au calcul. En effet, pour arriver Ă comprendre quâun calcul comme 2 + 3 donne 5, il faut Ă la fois pouvoir se rĂ©fĂ©rer Ă des collections et en mĂȘme temps sâen distancier. DerriĂšre chaque nombre 2, 3 et 5, il y a une multitude dâobjets qui peuvent ĂȘtre mis ensemble, ĂȘtre collectĂ©s. Par exemple, 2 crayons gris et 3 autres crayons dans mon plumier, 2 biscuits et 3 bonbons pour ma collation, 2 « bidules » et 3 autres « bidules »⊠Sans cet accĂšs Ă lâaspect cardinal du nombre, lâabstraction du calcul est impossible.
1.1.2. Aspect ordinal du nombre naturel
Des collections peuvent ĂȘtre comparĂ©es selon leur nombre dâĂ©lĂ©ments. on peut les ranger, les ordonner en prenant comme critĂšre « nombre croissant2 dâĂ©lĂ©ments ».
On range les images de collections de fruits en ligne, selon le nombre croissant de fruits.
Il suffit de remettre dans lâordre croissant les colonnes obtenues lors du classement prĂ©cĂ©dent.
DĂ©gager les nombres naturels de cette activitĂ© de rangement, câest mettre en Ă©vidence lâaspect ordinal des nombres naturels.
Lâaspect ordinal des nombres naturels correspond Ă des quantitĂ©s dâĂ©lĂ©ments plus petites ou plus grandes (et donc inĂ©gales) pour des collections diffĂ©rentes.
De la colonne de gauche Ă la colonne de droite, on voit dans chaque ligne quâil y a de plus en plus de fruits dans les collections. on voit 1Â banane puis 2Â cerises puis 3Â mandarines, puis 4Â bananes et enfin 5Â mandarines. Chaque ligne montre des nombres croissants de fruits.
Ici, tant dans le classement que dans le rangement, les collections sont traitĂ©es exclusivement du point de vue du nombre de leurs Ă©lĂ©ments : Ă©gal ou diffĂ©rent et croissant. Les diverses sortes de fruits dans les images ne sont pas prises en compte. NĂ©anmoins, pour les jeunes Ă©lĂšves, ceci peut ĂȘtre perturbant. Les diverses tailles des fruits peuvent influencer leur perception et leur faire dire que 1 banane, câest plus que 2 cerises, que 4 pommes câest plus que 5 prunes. SpontanĂ©ment, ils vont accorder de lâimportance Ă ces diverses sortes de fruits et ne comparer que ce qui, pour eux, est comparable : les bananes entre elles, les cerises entre elles⊠Se dĂ©tacher de cela est un pas supplĂ©mentaire dans lâabstraction quâils feront plus tard.
Chaque ligne de collections ordonnĂ©es donne ainsi lâidĂ©e dâordre entre les nombres : 2 (fruits), câest plus que 1 (fruit), le nombre 2 est plus grand que le nombre 1 ; 3 (fruits), câest plus que 2 (fruits), le nombre 3 est plus grand que le nombre 2âŠ
2 On pourrait aussi considĂ©rer le nombre dĂ©croissant dâĂ©lĂ©ments.
Arriver Ă cette gĂ©nĂ©ralisation de lâaspect ordinal du nombre naturel est tout aussi essentiel pour parler plus globalement de maitrise du nombre nĂ©cessaire au calcul.
Dans un calcul retrait comme 15 â 8 qui donne 7, pour enlever les 8 unitĂ©s, il faut rĂ©aliser quâil faut aussi en prendre dans la dizaine formant 15, puisque 5 unitĂ©s, câest moins que 8 unitĂ©s, puisque 5 est plus petit que 8.
En se rĂ©fĂ©rant par ailleurs Ă des collections dâobjets, quels que soient les objets, les enfants perçoivent bien quâon ne peut pas retirer 8 objets hors de 5 objets, 8 objets Ă©tant plus que 5 objets.
1.1.3. Articulation entre aspect cardinal et aspect ordinal
Le nombre ne peut se concevoir que comme une idĂ©e abstraite qui lie de maniĂšre indissociable lâaspect cardinal et lâaspect ordinal.
Lâarticulation entre ces deux aspects peut se voir au travers de diverses manipulations de collections.
â Classer et ranger des collections
Ces deux aspects se dĂ©gagent dâune double activitĂ© de classement et de rangement de collections, avec comme critĂšre
â de classement : avoir le mĂȘme nombre dâĂ©lĂ©ments ;
de rangement : avoir un nombre croissant (dĂ©croissant) dâĂ©lĂ©ments.
reprenons les images de collections de fruits et réalisons le classement et le rangement sous forme de tableau à double entrée, en suivant cette fois les différentes sortes de fruits (voir tome 1, traitement de données § 3.2.2. et § 3.1.).
Ce tableau montre les deux aspects des nombres.
â Chaque ligne met en Ă©vidence lâaccroissement des quantitĂ©s des collections diffĂ©rentes, donc la succession ordonnĂ©e des nombres, leur position relative. Câest lâaspect ordinal.
4, câest plus que 3 et moins que 5, le nombre 4 se situe entre 3 et 5 ;
â Chaque colonne met en Ă©vidence la permanence dâune mĂȘme quantitĂ© pour des collections diffĂ©rentes. Câest lâaspect cardinal
1 est le cardinal des collections :
lucaS F. et al., Ălucider la numĂ©ration pour mieux calculer, Louvain-la-Neuve, De boeck, coll. math & Sens, 2015.
LA mAtIĂrEÂ 2.1. Les aspects du nombre naturel.
â Emboiter des collections
Lorsque les collections comparĂ©es sont constituĂ©es des mĂȘmes objets qui sâaccumulent, des mĂȘmes objets en nombre croissant, on peut les emboiter3
On recommande de manger 5 fruits et légumes par jour. Au fil de la journée, je consomme un fruit ou un légume de plus.
Dans une collection de 5 bananes, on voit celles de 4, de 3, de 2, de 1 banane.
Dans une collection de points également.
Lâaspect cardinal correspond aux collections de mĂȘme nombre dâobjets : 3 fruits et lĂ©gumes, 3 bananes, 3 points. Vu lâemboitement, lâinclusion des collections, on voit de maniĂšre plus explicite que tout nombre contient les prĂ©cĂ©dents : dans 5, il y a 4, il y a 3, il y a 2, il y a 1.
Lâaspect ordinal correspond aux collections de nombre croissant dâobjets avec le mĂȘme ordre 1, 2, 3, 4, 5 qui se dĂ©gage de chaque sĂ©rie emboitĂ©e.
Arriver Ă cette gĂ©nĂ©ralisation du lien entre les aspects cardinal et ordinal par lâemboitement de collections est aussi essentiel pour accĂ©der Ă la maitrise du nombre nĂ©cessaire au calcul. En effet, pour comprendre un calcul retrait comme 5 â 3 qui donne 2, il faut voir derriĂšre ces nombres 5, 3 et 2 une multitude de collections possibles, mais surtout il est important de comprendre que la collection de 3 fait partie de la collection de 5 et celle de 2 Ă©galement.
Il y a 5 crayons dans mon plumier, je retire les 3 crayons de couleur, il reste les 2 crayons gris.
Plus gĂ©nĂ©ralement, il faut comprendre que « du 5 contient du 3 et du 2 ». Sans cet accĂšs au lien entre aspect cardinal et aspect ordinal du nombre, lâabstraction de ce calcul est impossible.
â utiliser des collections de doigts levĂ©s
Les doigts de la main sont un outil intĂ©ressant pour lâarticulation entre le cardinal et lâordinal. Dâune part, ils montrent chaque aspect, selon que les doigts sont levĂ©s successivement ou simultanĂ©ment. Pour indiquer la quantitĂ© dâĂ©lĂ©ments dâune collection, son cardinal, on lĂšve simultanĂ©ment le bon nombre de doigts. Pour indiquer la succession des nombres, pour marquer lâordinalitĂ©, on lĂšve les doigts un par un, successivement.
Le premier doigt levĂ© constitue le 1er Ă©lĂ©ment dâune collection de 1 objet.
Le deuxiĂšme doigt levĂ© constitue le 2e Ă©lĂ©ment dâune collection de 2 objets.
Le troisiĂšme doigt levĂ© constitue le 3e Ă©lĂ©ment dâune collection de 3 objets.
Le quatriĂšme doigt levĂ© constitue le 4e Ă©lĂ©ment dâune collection de 4 objets.
Lorsquâon lĂšve les doigts un Ă un, on obtient une collection de doigts, qui se complĂšte. Le cardinal est la vue globale de ce qui a Ă©tĂ© comptĂ© successivement. ordinalitĂ©
Velz E., Initiation aux mathématiques par le bon usage des doigts, Louvain-La-Neuve, Academia, 2020.
1.1.4. Notions liées à ces deux aspects du nombre
â La notion de quantitĂ© est une propriĂ©tĂ© de collection et non une propriĂ©tĂ© dâobjet.
Il est important de comprendre que la quantitĂ© nâest pas une caractĂ©ristique dâun seul objet, comme le serait une de ses grandeurs, mais bien une caractĂ©ristique dâune collection (Ă©ventuellement de 1 objet) indĂ©pendamment de la nature des objets qui sây trouvent.
Les mots-nombres ou les Ă©critures chiffrĂ©es, lorsquâils rĂ©fĂšrent au cardinal de collections et rĂ©pondent Ă la question « combien de », expriment une quantitĂ©.
Pour cette recette, jâai besoin de six pommes et de 125 grammes de sucre.
Le « six » nous dit combien de pommes il faut prendre et le « 125 » nous dit combien de grammes de sucre prĂ©voir. « Six » et « 125 » nous disent des quantitĂ©s dâingrĂ©dients.
â La notion de position peut ĂȘtre reliĂ©e Ă lâaspect ordinal des nombres naturels.
Des collections rangĂ©es selon leur nombre croissant dâĂ©lĂ©ments font apparaitre un ordre entre les nombres, des nombres plus petits, plus grands, des nombres qui viennent avant, aprĂšs⊠un nombre vient juste aprĂšs (avant) un autre quand il vaut un de plus (un de moins) que lâautre.
cinq quatre trois deux
un
deux
trois
quatre
cinq
Quatre vient aprĂšs trois, car quatre, câest un de plus que trois ; quatre vient avant cinq, car câest un de moins que cinq.
Les nombres naturels Ă©voquent donc aussi leur position les uns par rapport aux autres. Par extension, ils peuvent servir Ă dĂ©signer des positions dâĂ©lĂ©ments quâon parcourt successivement. Le nombre, dans ce cas, nâest pas la propriĂ©tĂ© dâune collection, mais celle dâun Ă©lĂ©ment.
cinq six sept huit quatre trois deux un Cinq dĂ©signe ici la position de lâĂ©lĂ©ment de la sĂ©rie, parcourue dans le sens de la lecture Ă partir du premier Ă©lĂ©ment. Cinq signifie ici cinquiĂšme.
Ce nombre qui dit une position est appelé nombre ordinal.
« Cinq » qui dĂ©signe une position dâĂ©lĂ©ment est synonyme de « cinquiĂšme » et est un nombre ordinal. Les mots-nombres ou les Ă©critures chiffrĂ©es, lorsquâils rĂ©fĂšrent Ă de lâordinal et rĂ©pondent Ă la question « oĂč ? », « le quantiĂšme ? », expriment une position (dans une suite ordonnĂ©e).
â Hier, nous avons rĂ©alisĂ© les exercices 1 et 2 de la feuille. Aujourdâhui, nous recommençons Ă lâexercice 3 et nous poursuivons. Le « 3 » indique que lâexercice Ă rĂ©aliser est situĂ© entre le deuxiĂšme et le quatriĂšme. Il nous dit oĂč se situe lâexercice sur la page.
â Au touchĂ©-coulĂ©, je propose la case A7. Le 7 dĂ©signe la septiĂšme colonne.
â Je crois que je vais attendre encore un moment Ă la boucherie. Jâai le ticket 37 et câest le 32 qui est servi pour le moment. Il reste plusieurs clients avant moi.
Nous avons rendez-vous le 13 mars Ă 10 h. Ce rendez-vous peut ĂȘtre positionnĂ© prĂ©cisĂ©ment dans lâagenda.
â Dans la litanie, les mots-nombres peuvent Ă©voquer « du cardinal » ou « de lâordinal ». Imaginons les fromages dâune collection passĂ©s en revue, en associant Ă chacun un mot-nombre de la litanie (voir § 1.3.1.), rĂ©citĂ©e dans lâordre.
Que signifient ces mots-nombres ? tout dépend de la façon dont on les relie physiquement ou mentalement aux éléments de cette collection.
Chaque mot-nombre reliĂ© Ă un Ă©lĂ©ment peut Ă©voquer la position de lâĂ©lĂ©ment dans lâĂ©numĂ©ration des fromages : un, le premier Ă©lĂ©ment passĂ© en revue puis deux, le deuxiĂšme Ă©lĂ©ment passĂ© en revue puis trois, le troisiĂšmeâŠ
Les mots-nombres Ă©voquent « de lâordinal ».
Chaque mot-nombre reliĂ© plutĂŽt Ă une collection dâĂ©lĂ©ments Ă©voque la quantitĂ© dâĂ©lĂ©ments Ă©numĂ©rĂ©s : un, dĂ©jĂ un fromage passĂ© en revue puis deux (un et encore un), dĂ©jĂ deux fromages passĂ©s en revue, trois (deux et un de plus), on arrive Ă trois fromages passĂ©s en revue⊠Les mots-nombres Ă©voquent « du cardinal ».
Souvent, le dernier mot rĂ©citĂ© est utilisĂ© pour dĂ©signer la quantitĂ© de toute la collection. Ainsi, câest important de sâassurer que ce dernier mot est bien compris comme reprĂ©sentant de la quantitĂ© et pas seulement comme le nom, le numĂ©ro, du dernier objet dĂ©signĂ© (voir § 1.4.).
Pour que le dernier mot prononcĂ© corresponde au cardinal de la collection, il faut que les mots soient prononcĂ©s dans lâordre, celui de la litanie (voir § 1.3.1.).
â La distinction entre nombre cardinal et nombre ordinal est synthĂ©tisĂ©e dans ce tableau.
Nombre cardinal Nombre ordinal
Le nombre est vu comme la propriĂ©tĂ© dâune/dâun collection Ă©lĂ©ment
Le nombre est considĂ©rĂ© comme mĂ©moire dâune
La correspondance terme Ă terme (ou le comptage) sâeffectue
Deux collections sont considĂ©rĂ©es comme Ă©quivalentes si leur composition est la mĂȘme
Lors de la récitation de la litanie face à une collection, le dernier mot-nombre prononcé
quantité position
sans ordre défini avec ordre donné
du point de vue quantité du point de vue ordre, position
évoque la quantité, le cardinal de la collection (idée de totalisation)
quatre
un
Ă©voque la position de lâĂ©lĂ©ment pointĂ© quatre
un
Au début de la scolarité, trois fonctions du nombre sont à retenir : comparer, mémoriser et anticiper.
1.2.1. Les nombres pour comparer
Les nombres permettent de comparer des collections dâobjets dans le cas oĂč la diffĂ©rence nâest pas suffisante pour dĂ©terminer sans Ă©quivoque celle qui contient le plus dâĂ©lĂ©ments ou lorsque les collections sont Ă©loignĂ©es ou encore si on veut une comparaison prĂ©cise.
â Pour des collections dâobjets peu nombreux on peut comparer les collections en sâappuyant sur la perception. Câest possible grĂące au subitizing (voir § 2.).
Dâun seul coup dâĆil, Flora rĂ©alise quâil lui reste autant de perles bleues que de perles vertes et quâil lui reste moins de perles jaunes. Elle identifie directement quâil reste trois perles bleues, trois vertes et deux jaunes.
â Pour des collections plus importantes on peut recourir Ă la correspondance terme Ă terme (voir § 1.1.) ou au comptage4 puis Ă la comparaison des rĂ©sultats de ces comptages.
La comparaison entre deux collections peut sâeffectuer selon lâaspect cardinal. Si on rĂ©alise une correspondance terme Ă terme entre deux collections A et b et que le rĂ©sultat montre des Ă©lĂ©ments isolĂ©s dans A, on dira que le cardinal de A est plus grand que celui de b et que celui de b est plus petit que celui de A.
Flora place ses perles vertes et ses perles bleues, alignĂ©es, les unes en dessous des autres. Elle peut ainsi comparer les quantitĂ©s quâil lui reste : en effectuant mentalement une correspondance terme Ă terme, elle sâaperçoit quâil lui reste plus de perles vertes.
Sur le plan cardinal, un nombre x est plus grand quâun nombre y si x correspond au cardinal dâune collection contenant plus dâĂ©lĂ©ments quâune autre de cardinal y. Il est plus petit dans le cas contraire.
Le nombre 6 est plus petit que le nombre 8, car il correspond au cardinal des collections comportant deux éléments de moins que celles dont le cardinal est 8.
Les comparaisons portant sur les nombres peuvent Ă©galement ĂȘtre effectuĂ©es selon lâaspect ordinal : un nombre x est plus grand quâun nombre y sâil se trouve plus loin dans la liste ordonnĂ©e des motsnombres.
un deux trois quatre cinq six sept huit neuf
Le nombre huit est plus grand que le nombre six (8 > 6), car il est situé plus loin dans la litanie des mots-nombres. Il est plus petit que le nombre neuf (8 < 9), car il est situé avant.
â Pour les collections dâun trop grand nombre dâobjets on peut les regrouper et ce sont les nombres de groupements qui sont comparĂ©s. Cet accĂšs au comptage de groupements est la base de tous les systĂšmes de numĂ©ration (voir § 4.). Il demande une certaine abstraction, les groupements devenant la nouvelle unitĂ© de comptage.
Il reste trop de perles Ă Flora pour les compter une Ă une. Cette fois, elle rĂ©alise un maximum de paquets de dix perles. Dix paquets de dix perles forment un « gros paquet ». Elle a deux « gros paquets » de perles vertes et autant de perles bleues, mais quatre paquets de vertes contre deux paquets de bleues. Quel que soit le nombre de perles restantes, elle sait quâil lui reste plus de perles vertes que de perles bleues.
1.2.2. Les nombres pour mémoriser
Le nombre, dans son aspect cardinal, sert de mĂ©moire dâune quantitĂ©. Il permet ainsi dâĂ©voquer cette quantitĂ© et Ă©ventuellement de la communiquer, sans quâelle soit prĂ©sente.
Madame Micheline doit faire des photocopies pour sa classe. Elle sait que sa classe compte 23 Ă©lĂšves, elle devra donc effectuer 23 copies pour quâil y en ait une pour chacun.
Dans son aspect ordinal, le nombre sert de mĂ©moire dâune position, dâun ordre. Il permet ainsi dâĂ©voquer la place dans une liste rangĂ©e.
Aujourdâhui, nous reprenons notre feuille dâexercices. Hier, nous avions terminĂ© le troisiĂšme, aujourdâhui, nous devons commencer le quatriĂšme.
1.2.3. Les nombres pour anticiper
Les nombres, utilisĂ©s dans les calculs, permettent Ă©galement dâanticiper des rĂ©sultats. GrĂące Ă eux, le rĂ©sultat dâune action, dâune opĂ©ration, peut ĂȘtre connu avant mĂȘme de la rĂ©aliser. Il est Ă©galement possible dâanticiper le rĂ©sultat dâune action dans le cas oĂč les quantitĂ©s ne sont pas visibles.
â Malo et Line dĂ©placent des chaises dans un local. Il en faut 80 en tout. Malo en a dĂ©jĂ apportĂ© 24 tandis que Line en a dĂ©jĂ dĂ©placĂ© 30. Il nâest pas nĂ©cessaire de retourner dans le local et de compter les chaises pour savoir quâil y en a dĂ©jĂ 54 et quâil en manque 26.
â Lâinstitutrice montre une boite noire (opaque) aux Ă©lĂšves et annonce : « la boite contient 8 jetons ». Elle en ajoute 5. Les Ă©lĂšves sont invitĂ©s Ă chercher, sans les voir, le nombre de jetons que contient la boite. La manipulation pourra confirmer le rĂ©sultat qui aura Ă©tĂ© anticipĂ© par les Ă©lĂšves et non constatĂ© par un Ă©ventuel dĂ©nombrement.
1.3. Les désignations des nombres
Le nombre est un objet mathĂ©matique abstrait qui nĂ©cessite de passer par une dĂ©signation si on souhaite en garder une trace ou le communiquer. Il faut, pour se le rappeler ou lâutiliser, lui donner un nom et le symboliser.
Ainsi, on utilise
â des dĂ©signations verbales (mots-nombres) pour dire les nombres : quatre pommes ;
des désignations schématiques5 pour les voir : | | | | pommes ou pommes ;
â des dĂ©signations symboliques pour les Ă©crire : 4 pommes.
Chacune de ces dĂ©signations renvoie au nombre, mais aucune nâest le nombre. Verbaliser quatïżœe
Schématiser
1.3.1. Désignations verbales des nombres
on peut dĂ©signer les nombres au moyen de mots : on les verbalise. Les mots-nombres, utilisĂ©s oralement pour dire les nombres, peuvent ĂȘtre Ă©crits en lettres, on parle de lâĂ©criture numĂ©rale des nombres (un, deux, troisâŠ).
La litanie, parfois appelĂ©e chaine numĂ©rique, est la suite orale ordonnĂ©e des mots-nombres dĂ©signant les nombres naturels à partir de un : un, deux, troisâŠ
Chaque mot de la litanie est une dĂ©signation verbale dâun nombre. Elle commence Ă un et non Ă zĂ©ro, car elle est utilisĂ©e pour dĂ©nombrer et on ne dĂ©nombre pas Ă partir de zĂ©ro. Il existe diffĂ©rents stades de comprĂ©hension de la suite des mots-nombres, que nous ne dĂ©veloppons pas ici.
cHeValier a., RĂ©ussir lâentrĂ©e en mathĂ©matiques, mons, Couleur Livres, 2020, p. 58. Paragraphe sur la litanie des mots-nombres.
PiaGet J., SzeMinSKa a., La genĂšse du nombre chez lâenfant, Paris, Delachaux et NiestlĂ©, 1991.
Lâenfant qui dispose de la litanie comme dâune collection de mots distincts, mĂ©morisĂ©s dans lâordre, peut lâutiliser comme une collection intermĂ©diaire. Lors du dĂ©nombrement, le dernier mot prononcĂ© de la litanie correspond au nombre dâobjets recensĂ©s dans la collection.
Tim met la table pour son anniversaire. Il compte le nombre dâinvitĂ©s et dĂ©clare « nous serons sept ». Face Ă la pile dâassiettes, il les compte une Ă une. ArrivĂ© Ă sept, il sait quâil peut prendre cette quantitĂ© dâassiettes pour assurer Ă chaque invitĂ© de recevoir sa part de gĂąteau.
1.3.2. Désignations schématiques des nombres
on peut dĂ©signer les nombres Ă lâaide de dessins, de schĂ©mas : on les schĂ©matise.
Les schémas utilisés pour évoquer les nombres sont souvent construits avec des points ou des barres, on parle de représentations analogiques des nombres.
Les représentations analogiques sont des collections indépendantes du langage, qui permettent de voir le nombre, de le représenter, de le désigner de maniÚre décontextualisée tout en gardant sa dimension quantitative
Voici un groupe dâamies :
Pour garder trace du nombre dâamies dans ce groupe (ici six), il nâest pas nĂ©cessaire de les dessiner chacune, on peut se contenter de dessiner un point ou de tracer un trait par amie.
Ce nombre dâamies est reprĂ©sentĂ© sous forme analogique par ou
Ces collections de points, de traits, sont des reprĂ©sentations analogiques du nombre six. une collection dâobjets semi-abstraits6 (traits, pointsâŠ) qui sert Ă dĂ©signer un nombre, Ă en tĂ©moigner, est Ă©galement appelĂ©e collection-tĂ©moin. Il sâagit dâune collection intermĂ©diaire dont le cardinal correspond au nombre quâon souhaite dĂ©signer.
Les traits gravĂ©s par le prisonnier sur les murs de sa cellule tĂ©moignent du nombre de jours passĂ©s en prison. Lâensemble de ces traits constitue une collection-tĂ©moin.
Les collections-tĂ©moins sont particuliĂšrement utiles pour le jeune enfant qui nâa pas encore accĂšs aux mots-nombres ou aux chiffres. Il peut ainsi exprimer des nombres en utilisant des collections-tĂ©moins, de doigts par exemple. Ces collections-tĂ©moins permettent Ă©galement dâestimer, de comparer, voire de calculer sans devoir recourir Ă des Ă©critures chiffrĂ©es.
â Lorenzo voudrait trois biscuits. Pour montrer quâil en veut trois, il lĂšve trois doigts.
â Tim aide Ă mettre la table pour le gouter. Il dĂ©termine le nombre dâinvitĂ©s en les Ă©nonçant sur ses doigts. Ă chaque prĂ©nom, il lĂšve un doigt. Ă la fin, il a sept doigts levĂ©s. Cette collection de doigts tĂ©moigne du nombre de personnes qui auront besoin dâune assiette.
â Lorsquâon compte les points des diffĂ©rents joueurs, plutĂŽt que dâĂ©crire 1 puis de barrer le chiffre pour Ă©crire 2 et ainsi de suite, on prĂ©fĂšrera tracer un trait par point. En ayant pris soin de rĂ©aliser des groupements de 5 traits, on peut facilement dĂ©terminer le gagnant.
Les schÚmes (voir § 2.1.) peuvent servir de représentations analogiques pour les petits nombres, jusque 10, voire jusque 20.
Les schÚmes des doigts, aussi appelés configurations de doigts, permettent de représenter les nombres.
Ici, sept est montrĂ© par les cinq doigts dâune main (la main entiĂšre) et deux doigts de lâautre main.
Ainsi représenté, sept se distingue aisément de six ou de huit.
Au-delà de 20 et plus particuliÚrement au-delà de 100, le matériel de numération devient un outil intéressant pour représenter les nombres sans les nommer ou les écrire (voir § 4.4.).
1.3.3. Désignations symboliques des nombres
on peut dĂ©signer les nombres Ă lâaide de symboles : on les symbolise.
Les symboles utilisĂ©s pour Ă©crire les nombres sont des chiffres, on parle de lâĂ©criture numĂ©rique des nombres (1, 2, 3âŠ).
Un chiffre est un symbole utilisé pour écrire un nombre.
Contrairement aux reprĂ©sentations analogiques, ces Ă©critures ne permettent pas un accĂšs direct et intuitif au nombre reprĂ©sentĂ©. Il faut avoir appris Ă dĂ©coder ces Ă©critures et sâĂȘtre créé des images mentales solides pour « voir » le nombre derriĂšre ces Ă©critures.
1.3.3.1. Distinction entre chiffre et nombre
Si le nombre est universel, son Ă©criture est culturelle. Ainsi, on retrouve diffĂ©rents chiffres pour dĂ©signer un mĂȘme nombre selon les cultures ou selon les Ă©poques, par exemple des chiffres romains ou des chiffres indo-arabes (voir § 4.2.).
Le nombre Le chiffre
Réalité représentée symboliquement : le signifié
Le concept numérique universel
Le nombre naturel « sept », comme
â les 7 jours de la semaine, les 7 couleurs de lâarc-en-cielâŠ
â les 7 nains, leurs 7 chapeaux, leurs 7 piochesâŠ
Un ou des symboles représentant la réalité : le signifiant
Un symbole, une reprĂ©sentation Ă©crite, culturelle qui dĂ©pend du lieu, de lâĂ©poque
Quelques Ă©critures de ce nombre, Ă lâaide de
â un seul chiffre indo-arabe : 7
â un seul chiffre arabe : â
trois chiffres romains : VII (une fois le V et le chiffre I répété deux fois)
â sept chiffres babyloniens : (le chiffre rĂ©pĂ©tĂ© sept fois)
Dans notre culture, lâĂ©criture chiffrĂ©e est marquĂ©e par un systĂšme de codage trĂšs Ă©laborĂ©, positionnel et en base dix (voir § 4.3.1.). Ce systĂšme est dâune telle efficacitĂ© quâil est aujourdâhui utilisĂ© de façon universelle. Dans ce systĂšme de numĂ©ration dĂ©cimale, les nombres entiers de zĂ©ro Ă neuf sâĂ©crivent Ă lâaide dâun seul chiffre tandis que les nombres Ă partir de dix sâĂ©crivent Ă lâaide de minimum deux symboles, deux chiffres.
une croyance populaire veut quâon parle de chiffres pour dĂ©signer les quantitĂ©s de 0 Ă 9 et de nombres Ă partir de 10. Il nâen est rien.
Dire que « les chiffres, câest de 1 Ă 9 et les nombres, câest Ă partir de 10 », câest ne pas comprendre que sâil existe dans notre systĂšme de numĂ©ration des chiffres de 1 Ă 9, ils dĂ©signent Ă©galement neuf nombres (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9). De plus, câest oublier de tenir compte du chiffre 0.
Cette croyance erronĂ©e entretient la confusion entre le concept mathĂ©matique (le nombre, le signifiĂ©) et sa reprĂ©sentation (lâĂ©criture chiffrĂ©e, le signifiant), qui dĂ©pend de conventions et peut varier selon les cultures. Cette confusion est renforcĂ©e par lâemploi, dans le langage courant, de formules telles que « chiffre dâaffaires », « chiffre rond », « chiffre des dĂ©penses ». Dans ces contextes de la vie courante, le terme chiffre dĂ©signe en rĂ©alitĂ© un nombre (reprĂ©sentĂ© par des chiffres) et cela ne pose aucun problĂšme de comprĂ©hension.
Dans un contexte scolaire, oĂč lâimplicite peut ĂȘtre cause dâincomprĂ©hensions et de malentendus cognitifs pour certains Ă©lĂšves, il est prĂ©fĂ©rable dâemployer les termes mathĂ©matiquement corrects. on Ă©vitera ainsi de dire quâon Ă©tudie le chiffre 6 si lâĂ©tude porte sur le nombre dans ses diffĂ©rents aspects. LâĂ©tude du chiffre 6, câest lâĂ©tude graphique du symbole.
Pour comprendre la diffĂ©rence, on peut comparer les Ă©critures et 9 : le chiffre 1 est plus grand que le chiffre 9, mais 9 est un nombre plus grand que 1. on peut Ă©galement rĂ©aliser un parallĂšle avec la langue française : la majoritĂ© des mots sâĂ©crivent Ă lâaide de plusieurs lettres, comme la majoritĂ© des nombres sâĂ©crivent Ă lâaide de plusieurs chiffres. Pourtant, certains mots sâĂ©crivent parfois Ă lâaide dâune seule lettre (« à  », « y » par exemple), comme certains nombres sâĂ©crivent Ă lâaide dâun seul chiffre (1 ou 9 par exemple).
1.3.3.2. Significations des écritures chiffrées
Les Ă©crits chiffrĂ©s peuvent prendre des significations diffĂ©rentes : il peut sâagir dâun nombre (cardinal ou ordinal) ou encore dâun numĂ©ro.
Le tableau suivant montre les différences entre ces écritures chiffrées.
Lorsque les écritures chiffrées expriment une quantité une position un nom, une désignation
ils répondent à la question « combien ? » (« combien de ? »)
« le quantiĂšme ? » (« oĂč ? »)
« lequel, laquelle ? » (« qui ? »)
ils désignent alors un nombre cardinal nombre ordinal numéro
et dans ce cas
on peut utiliser ces Ă©critures chiffrĂ©es pour calculer, car il est possible dâopĂ©rer Ă partir de leur valeur.
on nâutilise jamais ces Ă©critures chiffrĂ©es pour compter ou calculer. Ces numĂ©ros ne sont jamais Ă©crits en lettres.
Les catĂ©gories dâĂ©critures chiffrĂ©es permettent de sây retrouver dans un univers complexe. Les chiffres peuvent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s de diffĂ©rentes maniĂšres selon le contexte.
Je dévore mon nouveau roman : je suis déjà à la page 246.
Dans ce cas, 246 renvoie Ă lâaspect ordinal : je lis les pages dans lâordre, aprĂšs la 245 vient la 246.
Toutefois, 246 renvoie aussi au nombre de pages dĂ©jĂ lues, ce qui correspond alors Ă lâaspect cardinal.
Le langage courant prĂȘte parfois Ă confusion. Le mot numĂ©ro peut dĂ©signer des numĂ©ros de tĂ©lĂ©phone, de bus, de loterie⊠Dans ce cas, il est question de numĂ©ro au sens « dĂ©signation dâun objet pour le distinguer dâun autre ».
Les numéros du loto sont sortis : il fallait jouer les numéros 11, 4, 6, 28, 5 et 42 pour gagner le gros lot.
Les chiffres peuvent désigner des numéros de maisons, de quai de gare⊠Dans ce cas, ces numéros désignent aussi un nombre ordinal, les éléments étant « numérotés » dans un ordre bien précis, pour indiquer leur position.
Câest au tour du n° 378 de passer au guichet. â MathĂ©o doit se rendre au numĂ©ro 56 de la rue Bonchemin. Sâil est au numĂ©ro 12 de cette mĂȘme rue, il sait dans quel sens se diriger et il peut estimer sâil est bientĂŽt arrivĂ©.
Parfois, il est difficile de trancher avec certitude et de trouver le mot exact pour exprimer un nombre, un chiffre ou un numĂ©ro. Câest le cas des chiffres de lâhorloge. on peut dire que la petite aiguille pointe le chiffre 7 lorsquâil est 7 h. on ne pourra pas en dire autant sâil est 10, 11 ou 12 h puisquâil y a alors deux chiffres pointĂ©s. Dans le langage courant, heureusement, on peut se contenter de dire « la petite aiguille est sur le 10 ».
lucaS F. et al., Ălucider la numĂ©ration pour mieux calculer, Louvain-La-Neuve, De boeck, coll. math & Sens, 2015.
Activités
1.12. Cherchons des chiffres autour de nous. Cycle 2,5-5 ans.
1.14. baignons dans les chiffres, lisons-les en lien avec les nombres. Cycle 2,5-5 ans. sur le site myvanin.be
1.4. Le dénombrement
PrĂ©cĂ©demment, on a utilisĂ© le terme « compter » qui correspond souvent, dans le langage courant, Ă une action rĂ©alisĂ©e lorsquâon souhaite trouver le cardinal dâune collection. En mathĂ©matique, cette notion est plus complexe quâil nây parait.
Compter, câest associer, dans lâordre et Ă partir de un, un mot-nombre Ă chaque objet dâune collection.
Le plus souvent, on compte pour dĂ©terminer une quantitĂ© dâobjets dâune collection. Parfois, le comptage ne permet pas de dĂ©terminer le cardinal dâune collection. Câest le cas lorsque le dernier mot-nombre prononcĂ© nâest pas reconnu comme dĂ©signant la quantitĂ© dâobjets de la collection, mais plutĂŽt comme le nom du dernier objet pointĂ©. on parle de comptage-numĂ©rotage.
Pour passer du comptage-numérotage au dénombrement, il faut totaliser les unités comptées.
Totaliser, câest exprimer combien il y en a en tout.
Cette idée de totalisation, de cardinalisation, permet de distinguer le comptage du dénombrement.
DĂ©nombrer, câest compter-numĂ©roter ET totaliser. Câest dĂ©terminer la quantitĂ© dâobjets prĂ©sents dans une collection, câest rĂ©pondre Ă la question « combien ? ».
on peut parler de comptage-dĂ©nombrement pour dĂ©signer explicitement le comptage qui permet de dĂ©terminer le nombre dâobjets dâune collection, câest-Ă -dire de dĂ©nombrer.
Le dĂ©nombrement demande la mise en Ćuvre de quelques principes7
Principe 1 : création mentale des unités
Principe 2 : adéquation unique
Principe 3 : cardinalité
Principe 4 : invariance du cardinal et non-pertinence de lâordre
Identifier les « uns »
Compter (-numéroter)
Totaliser (cardinaliser)
Dénombrer
7 Ces principes sont inspirés de ceux de Gelman et Gallistel et des étapes de Brissiaud. Les numéros de ces principes sont bien ici des désignations, pas nécessairement ordonnées.
Le premier principe est un prĂ©alable aux suivants. Le deuxiĂšme correspond au comptage-numĂ©rotage, insuffisant pour accĂ©der au dĂ©nombrement sâil nâest pas associĂ© Ă une totalisation, qui dĂ©coule quant Ă elle des deux derniers principes. Chaque principe est dĂ©veloppĂ© ci-dessous.
1.4.1. Le principe de création mentale des unités
Créer mentalement les unités est une étape indispensable au dénombrement un par un.
Identifier les unitĂ©s demande de reconnaitre chaque objet dâune collection comme Ă©tant une composante Ă©lĂ©mentaire dâune totalitĂ©. Cela demande de concevoir quâil est possible de rassembler et de compter ensemble toutes sortes dâĂ©lĂ©ments, quâils soient de mĂȘme nature ou non8. Les Ă©lĂ©ments de la collection peuvent, en effet, ĂȘtre les mĂȘmes, semblables ou complĂštement diffĂ©rents.
Il faudra faire preuve dâabstraction pour reconnaitre comme « un » chaque Ă©lĂ©ment, quelles que soient sa taille, sa position ou sa nature.
Une collection de jetons : les jetons sont tous les mĂȘmes et sont souvent utilisĂ©s comme collection-tĂ©moin.
â Une collection de pommes : Ă quelques diffĂ©rences prĂšs, chaque pomme ressemble aux autres, il est facile de les considĂ©rer comme faisant partie dâune mĂȘme collection.
â Une collection dâanimaux : chaque individu de la collection est reconnu pour sa qualitĂ© dâanimal, mĂȘme sâil ne ressemble pas aux autres. Une sauterelle vaut « un » au mĂȘme titre que lâĂ©lĂ©phant.
1.4.2. Le principe dâadĂ©quation unique
Pratiquer lâadĂ©quation unique, câest associer Ă chaque objet dâune collection Ă dĂ©nombrer un mot, le plus souvent un mot-nombre. on parle Ă©galement dâĂ©numĂ©ration.
ĂnumĂ©rer, câest prendre en compte, sans rĂ©pĂ©tition ni oubli, chaque objet dâune collection.
Pour rĂ©ussir lâadĂ©quation unique, il sâagit de distinguer les objets dĂ©jĂ comptĂ©s de ceux quâil reste Ă pointer.
Si la verbalisation qui accompagne lâĂ©numĂ©ration est la rĂ©citation des mots-nombres successifs, il faut que ces derniers soient toujours rĂ©citĂ©s dans le mĂȘme ordre stable : celui de la litanie. Il nâest toutefois pas nĂ©cessaire que lâaction associĂ©e Ă la prise en compte des unitĂ©s soit la rĂ©citation de la litanie. un seul mot peut ĂȘtre prononcĂ© (« hop, hop, hopâŠÂ » ou « et de un, encore un, encore unâŠÂ ») ou un geste effectuĂ© (pointer du doigt ou dĂ©placer lĂ©gĂšrement lâobjet pris en compte). DĂ©signer les objets par leur nom, un par un, est dĂ©jĂ une premiĂšre forme dâĂ©numĂ©ration.
Lucas, 2 ans et passionnĂ© de voitures, observe trois bolides flamboyants. Son papa les dĂ©signe : « il y a une voiture rouge, une voiture noire et une voiture jaune ». Pour les dĂ©signer indĂ©pendamment de leur couleur, il pourrait lui dire « une voiture, une autre voiture et encore une autre » ou mĂȘme « une, encore une et encore une ». Lorsque le mot prononcĂ© lors du pointage est un mot-nombre, il y a une correspondance terme Ă terme entre les Ă©lĂ©ments de la chaine numĂ©rique (la litanie) et ceux de la collection. Câest en gĂ©nĂ©ral ce quâon veut dire lorsquâon emploie le verbe « compter ».
Lucas observe les voitures et demande combien il y en a. Son papa lui répond en les pointant chacune : « une, deux, trois ».
8 En général, on constitue une collection parce que les éléments présentent au moins un caractÚre commun.
une fois le principe dâordre stable Ă©tabli, on peut gagner du temps en pratiquant le comptage par deux, par troisâŠ
Au lieu de pointer les objets un Ă un, on peut, par un geste ou un mot, dĂ©signer des duos dâĂ©lĂ©ments. Les mots prononcĂ©s seront ceux de la suite des nombres pairs. Câest le comptage par deux.
LâĂ©numĂ©ration ne garantit pas la totalisation, pourtant indispensable Ă la conception du nombre. on peut Ă©numĂ©rer sans totaliser. Câest le cas lors du comptage-numĂ©rotage, oĂč le dernier mot prononcĂ© est compris comme Ă©tant le nom du dernier objet pointĂ©. La totalisation dĂ©coule des deux principes suivants.
1.4.3. Le principe de cardinalité
Le mot-nombre utilisĂ© pour dĂ©signer le dernier Ă©lĂ©ment de lâĂ©numĂ©ration doit ĂȘtre identifiĂ© comme le nombre dâĂ©lĂ©ments de la collection, Ă savoir son cardinal. Sans cela, le comptage est vide de sens. Câest ce quâon observe lorsquâon demande Ă un jeune enfant « combien y a-t-il deâŠÂ » et quâil rĂ©pond par un nouveau comptage, sans parvenir Ă donner le dernier mot prononcĂ© lorsquâon lui demande « et donc, il y en a combien ? ».
1.4.4. Les principes dâinvariance du cardinal et de non-pertinence de lâordre
Pour reconnaitre le dernier mot-nombre prononcĂ© comme Ă©tant la quantitĂ© dâobjets dĂ©nombrĂ©s, il faut percevoir lâinvariance du nombre cardinal dâune collection et la non-pertinence de lâordre.
â Percevoir lâinvariance du nombre cardinal dâune collection, câest parvenir Ă isoler le nombre dâĂ©lĂ©ments et rĂ©aliser quâil est permanent malgrĂ© les modifications apportĂ©es Ă la forme, Ă la couleur, Ă la grandeur ou encore Ă la disposition des Ă©lĂ©ments qui composent la collection.
ModiïŹcation de forme
ModiïŹcation de couleur ModiïŹcation de grandeur ModiïŹcation de disposition
cinq cinq cinq cinq cinq
â Percevoir la non-pertinence de lâordre, câest observer que lâordre dans lequel les Ă©lĂ©ments sont dĂ©nombrĂ©s et lâorigine du dĂ©nombrement nâaffectent pas le rĂ©sultat (pourvu que le principe dâadĂ©quation unique soit respectĂ©). on parle aussi dâindĂ©pendance du cardinal.
On dénombre en commençant par la droite. cinq cinq
On dénombre en commençant par la gauche.
Pourquoi enseigner le
comptage-dénombrement ?
> Le comptage peut permettre le dĂ©nombrement, mais ce nâest pas une Ă©vidence. Pour que le comptage fournisse une rĂ©ponse Ă la question « combien ? », il faut dĂ©passer le comptagenumĂ©rotage
> Le comptage-numĂ©rotage nâassure pas la totalisation. or, terminer par exprimer combien il y a en tout, en sâassurant que le mot-nombre est bien compris comme reprĂ©sentant de plusieurs Ă©lĂ©ments, est primordial.
Cette totalisation pourra ĂȘtre montrĂ©e de diffĂ©rentes maniĂšres et grĂące Ă diffĂ©rents supports.
Face Ă une collection Ă dĂ©nombrer, au lieu de pointer les objets un Ă un avec un doigt, je lĂšve chaque fois un doigt supplĂ©mentaire pour montrer la collection qui sâagrandit.
« un deux trois quatre, il y a quatre balles »
« un et encore un, ça fait deux et encore un, ça fait trois et encore un, ça fait quatre »
comptage-numérotage comptage-dénombrement
â Face Ă la droite des nombres, au lieu de pointer chaque graduation, on peut insister sur la longueur du segment qui augmente. Cela peut se faire en partant de zĂ©ro jusquâau nombre citĂ© avec un mouvement qui devient de plus en plus ample.
« un deux trois quatre »
« un deux etc. »
mise en Ă©vidence de lâordinalitĂ© mise en Ă©vidence du cardinal qui sâagrandit
baruK S., Comptes pour petits et grands, pour un apprentissage du nombre et de la numération fondé sur le langage et le sens, Paris, magnard, 1997, chapitre 2 (petits).
briSSiauD r., Premier pas vers les maths, Paris, retz, 2007, p. 21 et suite.
§ Dénombrer en construisant une collection-témoin : pourquoi, comment ?
cHarnaY r., Comment enseigner les nombres entiers et la numération décimale ?, Paris, Hatier, 2013, p. 30-33.
cHeValier A., RĂ©ussir lâentrĂ©e en mathĂ©matiques, mons, Couleur Livres, 2020, p. 52.
§ Les nombres pour dire des quantités.
Opérations et calcul
Introduction
AprĂšs lâĂ©tude des nombres viennent les opĂ©rations sur ceux-ci. Dans cette partie, nous clarifions tout dâabord ce quâon entend par « opĂ©ration » en mathĂ©matique. Nous dĂ©finissons ce quâon appelle « les quatre opĂ©rations fondamentales » â addition, soustraction, multiplication, division â Ă partir des notions de somme, diffĂ©rence, produit et quotient de nombres naturels. Les dĂ©finitions sont centrĂ©es sur lâaspect cardinal des nombres. Elles ne doivent Ă©videmment pas ĂȘtre enseignĂ©es telles quelles aux Ă©lĂšves.
Lâaddition et la multiplication sont associĂ©es, chacune, Ă deux dĂ©finitions diffĂ©rentes qui permettent de dĂ©gager des dynamiques opĂ©ratoires distinctes. La soustraction et la division peuvent ĂȘtre vues comme opĂ©rations rĂ©ciproques respectivement de lâaddition et de la multiplication. LĂ aussi, plusieurs dynamiques opĂ©ratoires apparaissent.
Le chapitre sur les sens des opĂ©rations dĂ©veloppe ces dynamiques opĂ©ratoires et les sens au quotidien, dans le champ additif dâune part, dans le champ multiplicatif dâautre part. Ils sont illustrĂ©s par des exemples, des reprĂ©sentations graphiques et enfin des schĂ©matisations plus abstraites. De nouveau, les dĂ©nominations et dĂ©finitions de ces sens ne doivent pas ĂȘtre enseignĂ©es telles quelles, mais doivent ĂȘtre explorĂ©es Ă travers de nombreux exemples.
Câest en sâappuyant sur ces diffĂ©rents sens quâon peut comprendre, par la suite, les propriĂ©tĂ©s des opĂ©rations quâil est possible dâĂ©tendre aux ensembles des nombres dĂ©cimaux Ă virgule, rationnels et rĂ©els.
Les notions de puissances et racines, sâappuyant sur les propriĂ©tĂ©s, peuvent alors ĂȘtre abordĂ©es.
Tous ces contenus trouvent leur utilitĂ© dans le chapitre consacrĂ© au calcul. Nous y prĂ©sentons trois clĂ©s pour calculer (mobiliser des images mentales, les sens et les propriĂ©tĂ©s des opĂ©rations, le sens de lâĂ©galitĂ©) et quatre grandes stratĂ©gies de calcul, dont lâutilisation de la calculatrice. Nous dĂ©veloppons la construction des rĂ©pertoires de calculs automatisĂ©s, les procĂ©dĂ©s essentiels de calcul rĂ©flĂ©chi (dĂ©compositions, compensation) et les algorithmes de calcul Ă©crit
Dans le dernier chapitre, nous nous appuyons sur les images mentales que sont les reprĂ©sentations figurĂ©es pour dĂ©gager diffĂ©rentes familles de nombres. Nous nous arrĂȘtons ensuite sur le concept de divisibilitĂ© en dĂ©finissant et en explicitant les notions de « diviseur » et de « multiple », de nombres premiers, de PGCD, de PPCM ainsi que les caractĂšres de divisibilité⊠tout cela en passant par la construction, les reprĂ©sentations et la mĂ©morisation des tables de multiplication
1. Opérations, un monde vaste et complexe
1.1. Quâentend-on par « opĂ©ration » ?
au sens gĂ©nĂ©ral, une opĂ©ration dĂ©signe le plus souvent une action concrĂšte, mĂ©thodique, sur un objet ou un ensemble dâobjets, qui vise Ă un rĂ©sultat. le mot « objet » est ici pris au sens large. au sens quotidien, les opĂ©rations peuvent ĂȘtre des actions concrĂštes.
Une opĂ©ration chirurgicale, une opĂ©ration de sauvetage, lâopĂ©ration CAP48âŠ
â Transformer la maison en agrandissant certaines piĂšces, en repeignant les murs, en mĂ©langeant des couleurs.
On peut effectuer des opérations dans divers domaines mathématiques.
â Transformer des figures planes par des symĂ©tries, des rotations, des agrandissementsâŠ
Combiner des triangles en les juxtaposant pour obtenir certains quadrilatĂšres. dans le domaine des nombres, les Ă©lĂ©ments sur lesquels on opĂšre appartiennent souvent Ă diffĂ©rentes catĂ©gories. On peut opĂ©rer sur des grandeurs continues ou discontinues (voir tome 1, Grandeurs § 1.1. et § 1.2.), pouvant ĂȘtre prises dans leur aspect cardinal ou ordinal.
â 6 chats + 2 chats = 8 chats : grandeur discontinue (nombre de chats), prise dans son aspect cardinal.
â 6 Ă 1,5 kg = 9 kg : grandeur continue (masse), prise dans son aspect cardinal.
â 2e Ă©tage + 3 Ă©tages = 5e Ă©tage1 : grandeur discontinue (nombre dâĂ©tages), prise dans ses aspects cardinal (3) et ordinal (2e, 5e).
â Je pars Ă 7 heures, je roule pendant 2 heures et jâarrive Ă 7 h + 2 h = 9 h : grandeur continue (durĂ©e), prise dans ses aspects cardinal (2 h) et ordinal (7 h, 9 h).
On peut aussi opĂ©rer sur des nombres sans contexte, souvent pour exercer divers procĂ©dĂ©s de calcul rĂ©flĂ©chi2 et divers algorithmes de calcul Ă©crit (voir OpĂ©rations et calcul § 7.5. et § 7.7.). d Ăšs lâĂ©cole secondaire, on se dirige vers de nouvelles abstractions en opĂ©rant sur des variables (x, yâŠ) (voir partie algĂšbre).
1.2. Opérer a-t-il toujours du sens ?
Quels que soient les « objets » sur lesquels on opÚre, certaines contraintes de sens sont à respecter.
â dans le champ additif
si lâon veut additionner ou soustraire des grandeurs, elles doivent ĂȘtre de mĂȘme nature.
Pour le gouter, jâai 3 pommes et 4 poires, cela me fait 7 fruits3
â Pour rĂ©aliser 30 cl de ce dĂ©licieux cocktail, Tim a versĂ© dans un verre 10 cl de porto et 20 cl de tonic.
â Je pesais 50 kg et jâai perdu 2 kg, je pĂšse maintenant 48 kg.
il faut Ă©galement que lâopĂ©ration posĂ©e ait du sens par rapport au contexte.
La longueur de mon auto est de 5 m et la hauteur de ma maison est de 11 m. Il sâagit bien de grandeurs de mĂȘme nature, mais additionner ou soustraire ces deux longueurs nâaurait aucun sens par rapport Ă la situation dĂ©crite.
1 Nous nous autorisons ici une écriture mélangeant aspects cardinal et ordinal, qui peut sembler abusive ou peu rigoureuse, mais qui correspond bien à la réalité de la situation.
2 On parle aussi de calcul mental.
3 Il est bien entendu quâon ne peut pas « additionner des pommes et des poires », mais il est possible dâadditionner des nombres de fruits. En effet, « ĂȘtre un fruit » est une caractĂ©ristique commune Ă lâensemble des pommes et Ă lâensemble des poires, on peut donc les rĂ©unir en un ensemble de fruits.
â dans le champ multiplicatif il est possible de multiplier ou diviser entre elles des mesures de grandeurs de mĂȘme nature, mais aussi des mesures de grandeurs de natures diffĂ©rentes, continues ou discontinues.
â La longueur de mon jardin est de 28 m et la largeur est de 11 m ; sa superficie est donc de 28 Ă 11 Ă 1 mÂČ = 308 mÂČ.
â Cette bouteille de 75 cl peut contenir la mĂȘme quantitĂ© de liquide que 6 flacons de 125 ml, car 750 ml : 125 ml = 6.
â JâachĂšte 2 kg de pommes Ă 3,2 ⏠le kilo, cela coutera
2 kg Ă 3,2 âŹ/kg = 6,4 âŹ.
â Jâai effectuĂ© 20 km Ă vĂ©lo en 75 min (1 heure quart), ma vitesse moyenne Ă©tait donc de 20 km : 1,25 h = 16 km/h.
â Le camion-benne a dĂ©jĂ amenĂ© 3 cargaisons de 6 mÂł de sable, cela fait en tout 3 Ă 6 mÂł = 18 mÂł.
ici aussi, lâopĂ©ration posĂ©e doit avoir du sens par rapport au contexte.
La longueur de mon auto est de 5 m et la hauteur de ma maison est de 11 m. Multiplier ou diviser ces deux longueurs nâaurait Ă nouveau pas de sens par rapport Ă la situation dĂ©crite.
dans ce qui précÚde, nous avons volontairement écrit les unités dans tous les calculs, ce qui rend compte plus explicitement de certaines situations. écrire les unités est utile notamment dans la résolution de problÚmes en lien avec des grandeurs proportionnelles ou encore en physique.
Dans la division « 20 km : 1,25 h = 16 km/h », lâĂ©criture des unitĂ©s traduit bien la rĂ©alitĂ© dâune distance comparĂ©e Ă une durĂ©e et elle justifie lâunitĂ© de mesure de vitesse.
par contre, dans dâautres situations, les unitĂ©s, bien quâelles reflĂštent la rĂ©alitĂ© de la situation, alourdissent lâĂ©criture. Pour la multiplication « 2 kg Ă 3,2 âŹ/kg = 6,4 ⏠», on Ă©crira plutĂŽt « 2 Ă 3,2 ⏠= 6,4 ⏠».
BerGer c et al., Construire la multiplication et les tables, mont-saint-Guibert, de Boeck van in, coll. math & sens, 2017.
la matiĂre, 2.3.3.
BaLLeux l et al., Mobiliser les opérations avec bon sens !, Bruxelles, de Boeck, coll. math & sens, 2013. 1.1. sur quels objets opÚre-t-on ?
2. Définitions mathématiques des opérations
les quatre opĂ©rations fondamentales sont ici dĂ©finies dans lâensemble â des nombres naturels, puis seront Ă©tendues Ă dâautres ensembles de nombres (voir OpĂ©rations et calcul § 5.).
dans un souci de rigueur thĂ©orique, les concepts de somme, produit, diffĂ©rence et quotient seront prĂ©alablement dĂ©finis Ă partir de la thĂ©orie des ensembles. il en ira de mĂȘme pour les dĂ©finitions des diffĂ©rentes opĂ©rations. les dĂ©finitions seront donc centrĂ©es sur lâaspect cardinal des grandeurs (discontinues) sur lesquelles on opĂšre.
> ces définitions ont une forme abstraite et peu ou pas accessible aux élÚves du primaire.
> Plus que connaitre la dĂ©finition de chacune de ces opĂ©rations, câest mobiliser leurs divers sens possibles qui est essentiel et utile en calcul (voir OpĂ©rations et calcul § 3. et § 7.2.2.).
> Les mathĂ©matiques sont plutĂŽt un ensemble dâexpĂ©riences permettant de donner du sens aux concepts et non un ensemble de dĂ©finitions juxtaposĂ©es ; il convient donc de varier les situations et les approches des opĂ©rations.
> en lien avec les définitions mathématiques, les situations, les approches variées et les illustrations concrÚtes permettent aux enfants de verbaliser ces derniÚres avec des mots de leur quotidien.
2.1. Les opĂ©rations « directes » : addition â multiplication
2.1.1. La somme de deux nombres naturels
la somme de deux nombres naturels peut se dĂ©finir Ă partir de la thĂ©orie des ensembles. Soit deux ensembles disjoints A et B dont les nombres dâĂ©lĂ©ments respectifs sont a et b.
La somme des nombres a et b est le nombre dâĂ©lĂ©ments de la rĂ©union4 de ces deux ensembles : A U B. Elle se note a + b. a
A U B
B = ? 3 + 2 = 5
+ b
Si on rĂ©unit deux collections, lâune de 3 objets et lâautre de 2, on obtient une collection de 5 objets. dans cette dĂ©finition, les rĂŽles de a et de b sont interchangeables, ils reprĂ©sentent chacun le nombre dâĂ©lĂ©ments dâun ensemble. ceci entraine de maniĂšre Ă©vidente que a + b est Ă©gal Ă b + a.
2.1.2. Lâaddition vue comme une opĂ©ration qui combine
Lâaddition de nombres naturels est une relation qui, Ă tout couple de nombres naturels (a, b), associe le nombre naturel a + b qui est leur somme.
cette relation se représente schématiquement par : (a, b) a + b
la somme des éléments de chaque couple de naturels est un nombre naturel.
pourquoi ne pas fournir de définitions théoriques des opérations aux élÚves ?
lâensemble de tous les couples obtenus en associant chaque nombre naturel Ă un autre nombre naturel est appelĂ© produit cartĂ©sien de â avec lui-mĂȘme et est notĂ©5 â x â
pour chaque Ă©lĂ©ment de â x â, on peut trouver une somme dans â rĂ©aliser la table dâaddition permet de voir que lâopĂ©ration est toujours possible : la premiĂšre colonne donne le premier Ă©lĂ©ment des couples de â x â et la premiĂšre ligne donne le deuxiĂšme Ă©lĂ©ment de ces couples. Ă lâintĂ©rieur du tableau apparait, dans chaque case, la somme associĂ©e Ă chaque couple.
11 8
9
9 10 11 9 9 10 11 10 10 11 11 11 âŠ
un mĂȘme nombre naturel peut ĂȘtre la somme liĂ©e Ă plusieurs couples de naturels.
7 est la somme liée à (4, 3) ; (5, 2) et aussi à (0, 7) ; (1,
; (3,
; (6, 1) et (7, 0).
Les nombres a et b intervenant dans lâaddition sont appelĂ©s termes.
Dans lâĂ©galitĂ© 3 + 2 = 5, les nombres 3 et 2 sont les termes de lâaddition.
2.1.3. Lâaddition vue comme une opĂ©ration qui transforme
la notion dâopĂ©ration est souvent associĂ©e Ă celle de fonction. pour les nombres, la fonction numĂ©rique associĂ©e Ă une opĂ©ration transforme chaque nombre en un autre.
f(x) : x y = x + 3
lâaddition dans â est alors une fonction numĂ©rique « qui ajoute ». elle transforme chaque nombre naturel en un autre nombre naturel.
la fonction numĂ©rique de lâexemple peut se reprĂ©senter de maniĂšre gĂ©nĂ©rale :
+ 3 x y
lâexpression « + 3 » porte ici le nom dâopĂ©rateur lâopĂ©rateur se compose du signe dâopĂ©ration et dâun nombre.
+ 3 + 3 + 3 2 5 1 4 0 3
5 Le signe « X » utilisĂ© ici, qui se lit « croix », associĂ© au produit cartĂ©sien (voir Traitement de donnĂ©es § 1.1.) de lâensemble â avec lui-mĂȘme, ne doit pas ĂȘtre confondu avec le signe « à » associĂ© au produit de deux nombres.
dans cette reprĂ©sentation, les rĂŽles des deux termes se distinguent. le premier terme est le nombre x de dĂ©part sur lequel on agit, le deuxiĂšme terme correspond au nombre de lâopĂ©rateur, câest celui qui agit sur le premier. le nombre y est le nombre transformĂ©, il correspond Ă la somme des deux termes.
2.1.4. Les interprĂ©tations de lâaddition
les mots du quotidien qui traduisent lâopĂ©ration dâaddition sont, selon les situations, « rĂ©unir », « avec », « ensemble », « et »âŠ
Dans le panier de fruits, il y a 3 pommes et 4 bananes ; en tout, il y a 7 fruits. ou « ajouter », « mettre en plus »âŠ
Jâavais 6 ⏠dans ma tirelire, mon parrain me donne 5 âŹ, jâai maintenant 11 âŹ. il sâagit lĂ de deux sens complĂ©mentaires ou possibles de lâaddition, le premier faisant plutĂŽt rĂ©fĂ©rence Ă lâopĂ©ration qui combine et le second Ă lâopĂ©ration qui transforme (voir OpĂ©rations et calcul § 3.3.).
2.1.5. Le produit de deux nombres naturels
le produit de deux nombres naturels peut se définir à partir de la théorie des ensembles. Soit A et B deux ensembles disjoints contenant respectivement a et b éléments.
Le produit des nombres a et b est le nombre de couples obtenus6 en associant chacun des éléments de A avec chacun des éléments de B. Il se note a à b. B
A Ă b = ?
a
3 Ă 2 = 6
A X B
Si on forme tous les couples possibles en associant chacun des 3 Ă©lĂ©ments dâune collection avec chacun des 2 Ă©lĂ©ments dâune autre collection, on obtient 6 couples.
une autre façon de prĂ©senter le produit cartĂ©sien a x B (ou B x a) est le tableau Ă double entrĂ©e (voir tome 1, traitement de donnĂ©es § 4.2.). les Ă©lĂ©ments de a x B et de B x a sont diffĂ©rents, mais leur nombre est le mĂȘme.
A X B B X A
cet outil, plus visuel, amĂšne une image mentale forte et efficace du produit de deux nombres sous forme de rectangle.
6 Pour rappel, cet ensemble de couples obtenus en associant chacun des Ă©lĂ©ments du premier ensemble avec chacun des Ă©lĂ©ments du second ensemble sâappelle le produit cartĂ©sien des deux ensembles (voir Traitement de donnĂ©es § 1.1.).
dans cette dĂ©finition, les nombres a et b ont le mĂȘme statut et sont interchangeables. ceci entraine de maniĂšre Ă©vidente que a Ă b est Ă©gal Ă b Ă a.
a à b est égal à b à a a b b a
dans cet ouvrage, nous notons « Ă » le signe de multiplication, ainsi quâil est coutume de le faire Ă lâĂ©cole primaire. dans lâenseignement secondaire, ce signe sera remplacĂ© par un point, afin de ne pas confondre avec le « x » utilisĂ© comme lettre en algĂšbre. plus tard, il disparaitra. lâexpression « a Ă b » deviendra « a . b » puis enfin « ab ». du point de vue de la lecture orale, en Belgique francophone, le symbole « Ă » se dit gĂ©nĂ©ralement « fois », dans le sens « paquets de ». en france, ce mĂȘme symbole se lit « multipliĂ© par » (voir OpĂ©rations et calcul § 2.1.7.).
2.1.6. La multiplication vue comme opération qui combine
La multiplication de nombres naturels est une relation qui, à tout couple de nombres naturels (a, b), associe le nombre naturel a à b qui est leur produit.
cette relation se représente schématiquement par : (a, b) a à b le produit des éléments de chaque couple de naturels est un nombre naturel.
(0, 0)âą âą 0 (0, 1)âą (1, 3)âą âą3
(2, 6)âą âą12
(3, 4)âą
(4, 3)âą
pour chaque Ă©lĂ©ment de lâensemble notĂ©7 â x â, on peut trouver un produit dans â rĂ©aliser la table de multiplication permet de voir que lâopĂ©ration est toujours possible : la premiĂšre colonne donne le premier Ă©lĂ©ment des couples de â x â et la premiĂšre ligne donne le deuxiĂšme Ă©lĂ©ment de ces couples. Ă lâintĂ©rieur du tableau apparait, dans chaque case, le produit associĂ© Ă chaque couple.
7 Le signe « X » utilisĂ© ici, qui se lit « croix », associĂ© au produit cartĂ©sien (voir Traitement de donnĂ©es § 1.1.) de lâensemble â avec lui-mĂȘme, ne doit pas ĂȘtre confondu avec le signe « à » associĂ© au produit de deux nombres.
un mĂȘme nombre naturel peut ĂȘtre le produit liĂ© Ă plusieurs couples de naturels :
18 est le produit lié à (2, 9) ; (3, 6) ; (1, 18) ; (6, 3) ; (9, 2) et (18, 1).
Les nombres a et b intervenant dans la multiplication sont appelĂ©s facteurs. Dans lâĂ©galitĂ© 3 Ă 5 = 15, les nombres 3 et 5 sont les facteurs de la multiplication.
2.1.7. Une autre définition du produit de deux nombres naturels
Soit a ensembles disjoints contenant chacun b Ă©lĂ©ments. Le produit des nombres a et b est le nombre dâĂ©lĂ©ments de la rĂ©union8 de ces a ensembles de b Ă©lĂ©ments. Il se note a Ă b ou b Ă a. le choix de lâĂ©criture du produit dĂ©pend de la lecture quâon en fait.
a Ă b = ? ou b Ă a = ?
3 à 2 = 6 ou 2 à 3 = 6 3 paquets de 2 = 6 ou 2 multiplié par 3 = 6
Si on rĂ©unit 3 collections de 2 objets chacune, on obtient une nouvelle collection de 6 objets. dans cette dĂ©finition, les nombres a et b nâont pas le mĂȘme rĂŽle. le nombre a reprĂ©sente le nombre dâensembles, de « paquets », tandis que b reprĂ©sente le nombre dâĂ©lĂ©ments de chaque ensemble, de chaque paquet. le nombre a « qui agit » sâappelle le multiplicateur et le nombre b « qui subit » sâappelle le multiplicande9
8 Voir tome 1, Traitement de données § 4.1.2.3.
9 On dit parfois aussi le « multipliĂ© ». Les Ă©lĂšves ne doivent pas dâemblĂ©e retenir ces mots.
le produit dont le multiplicateur est a = 3 et le multiplicande b = 2 peut se représenter
il sâĂ©crit
3 à 2 en « vision active » (usitée en Belgique par exemple, le multiplicateur est « devant »).
il se dit
3 paquets10 de 2
3 fois (silence) 2
3 tas de 2
2 à 3 en « vision passive » (usitée en France par exemple, le multiplicateur est « derriÚre »).
2 multiplié par 3
2 (silence) fois 3
2 pris 3 fois
en se rĂ©fĂ©rant Ă ce qui prĂ©cĂšde et Ă la dĂ©finition dâune somme (voir OpĂ©rations et calcul § 2.1.1.), cette approche prĂ©sente le produit comme une somme (rĂ©pĂ©tĂ©e) :
3 à 2 (« 3 paquets de 2 ») = 2 + 2 + 2
2 à 3 (« 2 multiplié par 3 ») = 2 + 2 + 2
cette façon dâenvisager le produit de deux nombres naturels en lien avec la rĂ©union dâensembles correspond Ă un autre « sens » de la multiplication (voir OpĂ©rations et calcul § 3.4.). c âest pour cette raison que nous la prĂ©sentons Ă©galement ici. les deux dĂ©finitions du produit (voir OpĂ©rations et calcul § 2.1.5 et § 2.1.7.) ne sont pas contradictoires ; au contraire, on peut passer de lâune Ă lâautre.
représentons par exemple le produit 3 à 2 (« 3 paquets de 2 ») par un nombre de carrés, on a donc, selon la deuxiÚme définition du produit : 2 carrés + 2 carrés + 2 carrés
On peut les rassembler en un rectangle qui compte 3 lignes (« paquets horizontaux ») de 2 carrés ou encore 2 colonnes (« paquets verticaux ») de 3 carrés.
de la mĂȘme maniĂšre, le produit 2 Ă 3 (« 2 paquets de 3 ») peut se reprĂ©senter, selon la deuxiĂšme dĂ©finition : 3 carrĂ©s + 3 carrĂ©s
On peut les rassembler en un rectangle, qui compte 2 lignes (« paquets horizontaux ») de 3 carrés, ou encore 3 colonnes (« paquets verticaux ») de 2 carrés.
On retrouve dans les deux cas les rectangles de la premiĂšre approche. Outre la commutativitĂ© de la multiplication (voir OpĂ©rations et calcul § 4.1.), ceci montre que le nombre de carrĂ©s, ici 6, dĂ©pend uniquement des nombres 2 et 3, ou 3 et 2, qui jouent le mĂȘme rĂŽle dans le calcul.
Deruaz M., cLivaz s , Des mathĂ©matiques pour enseigner Ă lâĂ©cole primaire, lausanne, presses polytechniques et universitaires romandes, 2018.
10 Quand il sâagira de grandeurs continues, par exemple des longueurs, des capacitĂ©s, des volumesâŠ, le mot « paquets » ou « tas » ne sera pas trĂšs heureux. On pourra le remplacer par « morceaux », « entitĂ©s », « parts », « regroupements »âŠ
2.1.8. La multiplication vue comme une opération qui transforme
Ă lâinstar de lâaddition, la multiplication peut ĂȘtre associĂ©e Ă une fonction numĂ©rique.
f(x) : x y = x Ă 3 ou f(x) : x y = 3 Ă x qui devient f(x) : x y = 3 x la multiplication dans â est une fonction numĂ©rique « qui multiplie ». elle transforme chaque nombre naturel en un autre nombre naturel.
la fonction numĂ©rique de lâexemple peut se reprĂ©senter de façon gĂ©nĂ©rale :
Ă 3 x y
lâopĂ©rateur est « x 3 ».
Ă 3 Ă 3 Ă 3
2 6 0 0 4 12
dans cette reprĂ©sentation en diagramme flĂ©chĂ©, si on lit de gauche Ă droite, il faut sâexprimer selon la « vision passive » donc dire (par exemple, pour le dernier graphe flĂ©chĂ©) « 4 multipliĂ© par 3 » ou « 4 (silence) fois 3 » ou encore « 4 pris 3 fois » (voir OpĂ©rations et calcul § 2.1.7.).
> La verbalisation du signe « Ă », uniquement par le mot « fois », peut prĂȘter Ă confusion, car elle peut sâinterprĂ©ter de deux façons. selon la maniĂšre de dire oralement « 2 fois 3 », on peut comprendre :
2 fois (silence) 3, (2 fois 3 boules ou 2 paquets de 3 boules)
2 (silence) fois 3, (2 boules, fois 3 ou 2Â boules prises 3 fois)
La verbalisation qui privilĂ©gie la « vision active » (adoptĂ©e en Belgique francophone) suit la logique du langage courant, mais amĂšne une incohĂ©rence dans lâĂ©criture des opĂ©rateurs (voir OpĂ©rations et calcul § 2.1.7.). ici, le « fois » signifie « paquet(s) de », donc le multiplicateur est le premier facteur de la multiplication. dans « 2 Ă 4 », câest le 2 qui agit sur le 4. dans cette expression, lâopĂ©rateur, le nombre qui agit, est placĂ© « devant », Ă gauche.
Ceci est en dĂ©saccord avec les autres opĂ©rations pour lesquelles lâopĂ©rateur est placĂ© « derriĂšre », Ă droite :
4 + 2
4 : 2 mais 2 Ă 4 4
pourquoi distinguer les deux interprétations de « fois » : « paquet(s) de » et « multiplié par » ?
> Une mauvaise interprĂ©tation risque dâamener les Ă©lĂšves Ă proposer des reprĂ©sentations erronĂ©es. par exemple, pour reprĂ©senter « 2 Ă 3 = 6 » par un diagramme flĂ©chĂ©, les Ă©lĂšves pourraient Ă©crire les nombres dans lâordre oĂč ils les disent et les entendent, comme pour les autres opĂ©rations.
*la vision active de 2 à 3 = 6 (2 paquets de 3) est représentée erronément par
Ă 3 2 6
ceci nâest pas correct, puisque lâopĂ©rateur est bien « 2 Ă » (2 paquets de) ; il convient donc de reprĂ©senter
2 Ă 3 6
*par contre, la vision passive pour 2 à 3 = 6 (2 multiplié par 3 est égal à 6) ne pose pas cette difficulté et reste cohérente avec le graphe fléché.
Ă 3
2 6
ceci est important, car les diagrammes fléchés sont trÚs utiles dans la résolution de problÚmes mettant en jeu des grandeurs proportionnelles, par exemple. il convient donc de les dessiner et de les lire correctement (voir tome 1, Grandeurs § 6.2.).
> Dans lâĂ©noncĂ© dâune multiplication Ă©crite, la vision passive est prĂ©fĂ©rable, le multiplicateur Ă©tant gĂ©nĂ©ralement le second facteur quâon Ă©crit en posant le calcul.
par exemple, 4 7 5 à 3 se lit : « 475 multiplié par 3 » ou « 475 (silence) fois 3 ».
cependant, lorsque le fonctionnement de lâalgorithme est maitrisĂ©, le rĂŽle des deux facteurs est indiffĂ©rent, le calcul Ă©crit nâĂ©tant quâun moyen dâobtenir la valeur du produit. Que lâon cherche le prix total pour 3 objets Ă 475 âŹ, le nombre total de marqueurs dans un lot de 475 pochettes de 3 marqueurs ou lâaire dâun chemin de 3 m de large sur 475 m de long, le calcul Ă©crit sera posĂ© de la mĂȘme maniĂšre : placer en dessous comme multiplicateur le nombre « qui a le moins de chiffres », car câest sous cette forme que son fonctionnement est efficace.
2.1.9. Les interprétations de la multiplication
les mots du quotidien qui traduisent lâopĂ©ration de multiplication sont, selon les situations, « prendre plusieurs fois », « faire des paquets de, des tas de »âŠ
JâachĂšte 3 marqueurs Ă 2 âŹ, cela me coute 6 âŹ.
ou « combiner », « coupler », « croiser »âŠ
Avec 3 jupes et 2 blouses, on peut obtenir 6 tenues diffĂ©rentes pour une poupĂ©e. il sâagit lĂ de deux sens complĂ©mentaires de la multiplication, le premier faisant rĂ©fĂ©rence Ă lâopĂ©ration qui transforme, le deuxiĂšme Ă lâopĂ©ration qui combine (voir OpĂ©rations et calcul § 3.4.).
AlgĂšbre
Introduction
La partie sur lâalgĂšbre vient clore cet ouvrage en mettant lâaccent sur lâindispensable transition entre lâarithmĂ©tique et lâalgĂšbre.
Les contenus de cette partie sont globalement ceux rencontrĂ©s au dĂ©but de lâenseignement secondaire. Nous insistons sur le fait que tous ces concepts ne prennent sens que par leur ancrage dans le terreau de lâarithmĂ©tique et seulement si une attention particuliĂšre est portĂ©e au dĂ©veloppement de la pensĂ©e algĂ©brique. Amener ces concepts au dĂ©part dâactivitĂ©s porteuses de sens ne peut que renforcer la comprĂ©hension en profondeur de ces notions.
Cette partie sâarticule autour de trois chapitres.
Dans le premier, nous dĂ©finissons les objets fondamentaux de lâalgĂšbre. Des points dâattention aident Ă comprendre les subtilitĂ©s du vocabulaire choisi et leurs implications dans lâappropriation par les Ă©lĂšves des concepts en jeu.
Le deuxiĂšme chapitre explore le calcul algĂ©brique et ses propriĂ©tĂ©s en veillant Ă leur donner du sens. Il sâagit dâĂ©viter dâappliquer une succession de rĂšgles Ă retenir par cĆur et dâutiliser quelques propriĂ©tĂ©s Ă bon escient en justifiant ses choix
Enfin, les transformations dâĂ©galitĂ©s en gĂ©nĂ©ral et les Ă©quations en particulier constituent le troisiĂšme et dernier chapitre. Ici encore, lâaccent est davantage mis sur le choix, la comprĂ©hension et la justification des propriĂ©tĂ©s utilisĂ©es pour transformer les Ă©galitĂ©s plutĂŽt que sur lâutilisation de « trucs » ou raccourcis de langage, parfois vides de sens.
1. Objets fondamentaux
LâalgĂšbre est une partie des mathĂ©matiques qui met en relation des quantitĂ©s connues ou inconnues Ă lâaide de lettres et de symboles opĂ©ratoires. elle est nĂ©e dâun besoin de gĂ©nĂ©raliser les connaissances sur les nombres pour envisager la rĂ©solution dâun ensemble de problĂšmes du mĂȘme type et non plus des problĂšmes isolĂ©s.
Le terme « algĂšbre » apparait pour la premiĂšre fois dans le titre du livre dâal Khwarizmi, KitÄb al-mukhtasar fÄ« hisÄb al-jabr wa-l-muqÄbala, paru en arabe au dĂ©but du Ixe siĂšcle et traduit en latin au xIIe siĂšcle. Il met Ă jour de nouvelles façons de rĂ©soudre des problĂšmes en utilisant des Ă©quations.
On trouve aussi des traces de raisonnement algĂ©brique moins formel, notamment dans les travaux dâeuclide (IIIe siĂšcle av. j.-C.) et de diophante (IIe ou IIIe siĂšcle). Câest au xVIe siĂšcle que françois ViĂšte introduit tout le symbolisme du calcul algĂ©brique actuel.
Prendre appui sur lâalgĂšbre pour rĂ©soudre des problĂšmes sâavĂšre souvent trĂšs efficace. LâalgĂšbre constitue aussi le point dâancrage de bon nombre de domaines scientifiques tels que les relations entre grandeurs, les fonctions, la chimie, la physique, la programmation⊠si son utilitĂ© est indĂ©niable, son apprentissage au dĂ©but de lâenseignement secondaire nâest pas toujours aisĂ©. Ce passage Ă lâabstraction nĂ©cessite de donner du sens aux procĂ©dures algĂ©briques sans se limiter Ă leur utilisation technique et mĂ©canique, afin dâinstaller une comprĂ©hension plus fine des concepts en jeu et, notamment, de la lettre, des opĂ©rations et de leurs propriĂ©tĂ©s. au-delĂ de lâaspect technique, câest le dĂ©veloppement de la pensĂ©e algĂ©brique qui est visĂ©.
La pensĂ©e algĂ©brique est une maniĂšre de penser quâon peut mobiliser tant dans des activitĂ©s algĂ©briques quâarithmĂ©tiques. Ses deux composantes principales sont la gĂ©nĂ©ralisation de rĂ©gularitĂ©s et le raisonnement analytique qui sâappuient sur des quantitĂ©s indĂ©terminĂ©es, reprĂ©sentĂ©es par des symboles formels ou non, et sur lesquelles on peut opĂ©rer.
Pour résoudre un problÚme de partages inégaux1, plusieurs raisonnements sont possibles.
« Guillaume a 12 ans de plus que Luka. Ensemble, ils ont 20 ans. Quel ùge ont-ils chacun ? »
Un Ă©lĂšve qui rĂ©soudrait ce problĂšme par essai-erreur, de maniĂšre systĂ©matique et rĂ©flĂ©chie, dĂ©velopperait un raisonnement qui ne sâappuie pas sur des quantitĂ©s indĂ©terminĂ©es, mais bien sur des nombres.
Si Luka a 6 ans, Guillaume doit en avoir 18, mais ensemble, ils ont 24 ans ; câest trop.
Si Luka a 5 ans, Guillaume doit en avoir 17, mais ensemble, ils ont 22 ans ; câest trop.
Si Luka a 4 ans, Guillaume doit en avoir 16 et ensemble, ils ont 20 ans ; câest la solution.
Ici, la pensĂ©e algĂ©brique nâa pas encore Ă©mergĂ©.
En revanche, un Ă©lĂšve qui attribuerait Ă Luka une « part dessinĂ©e » et, Ă Guillaume, cette mĂȘme « part dessinĂ©e » + 12 rĂ©soudrait ce problĂšme grĂące Ă un calcul schĂ©matisĂ© du type
+ + 12 = 20.
Il aurait dĂ©jĂ dĂ©veloppĂ© une pensĂ©e algĂ©brique, puisquâil raisonne sur des quantitĂ©s indĂ©terminĂ©es, symbolisĂ©es ici par des rectangles, et opĂšre sur celles-ci.
1.1. La lettre
La lettre est un symbole utilisé en algÚbre pour représenter des quantités indéterminées sur lesquelles on peut réaliser des opérations.
elle peut ĂȘtre envisagĂ©e comme
â une inconnue, un nombre particulier quâil faut dĂ©terminer (dans les Ă©quations2) ;
Si 2a + 4 = 3a + 6, que vaut a ?
â un nombre gĂ©nĂ©ralisĂ©, reprĂ©sentant nâimporte quel nombre (dans les calculs algĂ©briques ou lâexpression de propriĂ©tĂ©s) ;
LâĂ©galitĂ© 3a + 4b + a â 2b = 4a + 2b est valable pour tous les nombres a, b et c.
LâĂ©galitĂ© (a + b) + c = a + (b + c) est valable pour tous nombres a, b et c.
â une variable, reprĂ©sentant un ensemble de nombres qui entretient une relation de dĂ©pendance avec un autre ensemble de nombres (dans les formules ou les fonctions par exemple).
Lâaire (y) et la longueur du cĂŽtĂ© (x) dâun carrĂ© sont des variables dont les valeurs dĂ©pendent les unes des autres et dont la relation peut ĂȘtre exprimĂ©e par la formule y = xÂČ.
Ă lâĂ©cole primaire, les Ă©lĂšves ont dĂ©jĂ rencontrĂ© des lettres dans lâexpression dâunitĂ©s de mesure ou dans les formules de pĂ©rimĂštre, dâaire ou de volume notamment. Penser que cette entrĂ©e en matiĂšre suffit pour acquĂ©rir une conception algĂ©brique de la lettre est un leurre. en effet, Ă ce stade, les unitĂ©s de mesure ne sont, pour la plupart des Ă©lĂšves, que des abrĂ©viations de mots, de mĂȘme que les lettres utilisĂ©es dans les formules de pĂ©rimĂštre, dâaire ou de volume.
P = (L + l) Ă 2 est verbalisĂ© par le pĂ©rimĂštre (dâun rectangle) est Ă©gal à « longueur plus largeur, multipliĂ© par deux ».
Peu dâĂ©lĂšves perçoivent le concept de variable derriĂšre ces symboles.
Cette conception de la lettre comme associĂ©e Ă un « objet » peut par ailleurs constituer un obstacle Ă lâapprentissage de lâalgĂšbre. si cette conception entrave peu la rĂ©flexion dans le champ additif, elle ne peut soutenir le raisonnement dans le champ multiplicatif. en effet, si on peut encore concevoir que
3a + 2a = 5a
3 ananas + 2 ananas donnent 5 ananas, on ne peut imaginer ce que donne
3a â 2a = 6aÂČ
3 ananas « multipliĂ©s par » 2 ananas et encore moins ce que reprĂ©senteraient des ananas au carrĂ©. dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, cette conception risque aussi dâentrainer des difficultĂ©s lors de la mise en Ă©quation de problĂšmes.
Nathan a trois ans de plus que Marouane. Ensemble, ils ont 47 ans. Quel Ăąge ont-ils chacun ? si la lettre est associĂ©e Ă un « objet », comment accepter que ces Ăąges diffĂ©rents soient reprĂ©sentĂ©s par des expressions utilisant la mĂȘme lettre (par exemple x et x â 3) ?
2 Dans le cas particulier des équations indéterminées (qui se ramÚnent à 0 x = 0), la lettre prend le statut de nombre généralisé.
Il est donc nĂ©cessaire de travailler les conceptions algĂ©briques de la lettre avec les Ă©lĂšves au travers dâactivitĂ©s mettant en jeu des quantitĂ©s indĂ©terminĂ©es (partages inĂ©gaux ou activitĂ©s de gĂ©nĂ©ralisation par exemple) et Ă lâaide de matĂ©riel du type « tuiles algĂ©briques » pour amener les Ă©lĂšves Ă se construire des images mentales.
deMonty I., VLassis j., DĂ©velopper lâarticulation arithmĂ©tique-algĂšbre entre le primaire et le secondaire, mont-saint-Guibert, de boeck Van In, coll. math & sens, 2018. https://support.mathies.ca/fr/mainspace/tuilesalgebriques.php
en dĂ©but de secondaire, le symbole de multiplication « Ă » est progressivement remplacĂ© par le symbole « â » afin de ne pas crĂ©er de confusion avec la lettre x. dans certains cas, le symbole « â » peut mĂȘme disparaitre. Conventionnellement, il peut ĂȘtre omis dans tous les cas oĂč lâĂ©criture ne prĂȘte pas Ă confusion :
â entre un nombre et une lettre, comme dans 2a ;
â entre deux lettres, comme dans ab ;
â entre une lettre (ou un nombre) et une parenthĂšse, comme dans a (b + 2)Â ; â entre deux parenthĂšses, comme dans (a + b) (a â b).
Il convient toutefois de laisser le temps aux Ă©lĂšves de sâapproprier ce changement.
1.2. Les expressions algébriques
Une expression algĂ©brique est une suite de lettres et de chiffres, reprĂ©sentant des nombres, reliĂ©s entre eux par des symboles opĂ©ratoires. Les lettres sont des nombres gĂ©nĂ©ralisĂ©s3. Les nombres Ă©crits en chiffres sont appelĂ©s coefficients lorsquâils multiplient des lettres. Ils sont appelĂ©s constantes si ce nâest pas le cas.
Dans lâexpression « 2a », 2 est un coefficient et a est un nombre gĂ©nĂ©ralisĂ©.
Dans lâexpression « 4x + 6 », 4 est Ă©galement un coefficient tandis que 6, non accompagnĂ© dâune lettre, est une constante ; x est un nombre gĂ©nĂ©ralisĂ©.
Dans lâexpression « 8abc â 5xÂČ Â», les coefficients sont conventionnellement 8 et -5 (voir deuxiĂšme point dâattention ci-dessous) ; a, b, c et x sont des nombres gĂ©nĂ©ralisĂ©s. en gĂ©nĂ©ral, quand le coefficient vaut 1, il nâest pas Ă©crit.
Dans lâexpression « xy + 3 », le coefficient de xy est 1 et 3 est une constante ; x et y sont des nombres gĂ©nĂ©ralisĂ©s.
Les lettres apparaissant dans les expressions algĂ©briques reprĂ©sentent des nombres qui nâentretiennent pas nĂ©cessairement de relation de dĂ©pendance les uns envers les autres. dans 2a + 3b, a et b ne sont pas liĂ©s.
Pourtant, dans certains ouvrages de rĂ©fĂ©rence sur lâalgĂšbre, les lettres des expressions algĂ©briques sont conventionnellement appelĂ©es variables. Cela peut entretenir une certaine confusion chez les Ă©lĂšves.
Les recherches plus rĂ©centes en didactique de lâalgĂšbre parlent plutĂŽt de lettres comme nombres gĂ©nĂ©ralisĂ©s dans les expressions algĂ©briques et encouragent lâexplicitation des diffĂ©rents statuts de la lettre pour les Ă©lĂšves, indĂ©pendamment du nom quâon leur donne.
3 Certains auteurs appellent ces lettres « variables » mĂȘme sâil nây a pas de relation de dĂ©pendance entre elles. Nous privilĂ©gions ici le vocabulaire adoptĂ© par les recherches plus rĂ©centes en didactique de lâalgĂšbre.
LâinterprĂ©tation du signe « moins » dans les expressions algĂ©briques peut parfois prĂȘter Ă confusion.
â dans lâexpression 2x â 5, le signe « moins » pourrait ĂȘtre vu comme le symbole opĂ©ratoire reprĂ©sentant la soustraction, auquel cas les deux termes de la soustraction seraient 2x dâune part et 5 dâautre part.
â dans la mĂȘme expression 2x â 5, le signe « moins » pourrait aussi ĂȘtre vu comme le symbole indiquant que -5 est nĂ©gatif. dans ce cas, lâexpression algĂ©brique 2x â 5 serait vue comme une addition de deux termes 2x + (-5).
de prime abord, on a tendance Ă prĂ©fĂ©rer la premiĂšre interprĂ©tation, puisquâon a lâhabitude dâassocier a â b Ă la diffĂ©rence entre a et b. toutefois, cette interprĂ©tation a ses limites et peut poser problĂšme aux Ă©lĂšves. Par exemple, certains pourraient ne pas comprendre pourquoi 2x â 5 = -5 + 2x, puisque « la soustraction nâest pas commutative ».
ainsi, câest plutĂŽt la deuxiĂšme interprĂ©tation qui guide implicitement le calcul algĂ©brique, mĂȘme si elle est moins intuitive.
si lâexpression 2x â 5 est vue comme 2x + (-5), alors les Ă©galitĂ©s
2x â 5 = 2x + (-5) = -5 + 2x prennent tout leur sens grĂące Ă la commutativitĂ© de lâaddition. de plus, comme indiquĂ© prĂ©cĂ©demment, les coefficients de lâexpression algĂ©brique 3x â 2y + 9 sont 3 et -2.
Il semblerait donc que cette expression soit un raccourci de lâexpression
3x + (-2y) + 9.
Cette écriture peut sembler plus « compliquée », mais elle permet de comprendre pourquoi le coefficient de y est -2 et pourquoi on peut aussi écrire cette expression sous la forme
3x + 9 + (-2y)
ou 3x + 9 â 2y
ou -2y + 3x + 9, grĂące Ă la propriĂ©tĂ© de commutativitĂ© de lâaddition.
Cette façon de jongler avec le signe « moins », dans les nombres et dans les expressions algĂ©briques, nâest pas simple. elle sâappuie notamment sur la propriĂ©tĂ© « soustraire un nombre, câest additionner son opposé » (voir OpĂ©rations et calcul § 4.7. et § 5.1.2.). Il est nĂ©cessaire de laisser aux Ă©lĂšves le temps de percevoir le sens de toutes ces Ă©critures. Par ailleurs, le signe « moins » devant un nombre gĂ©nĂ©ralisĂ© pose un autre type de problĂšme. souvent, les Ă©lĂšves envisagent lâexpression -a comme un nombre nĂ©gatif. Or, ce nâest pas toujours le cas, puisque sa valeur numĂ©rique dĂ©pend de la valeur de a.
si a est positif, -a est négatif.
si a est négatif, -a est positif.
Le signe « moins » prend ici le sens dâopposĂ© et non le sens du signe dâun nombre nĂ©gatif, comme câest le cas dans lâensemble des nombres entiers.
Ce saut conceptuel nécessite de prendre le temps pour donner du sens à ces écritures.
VLassis j., Sens et symboles en mathĂ©matiques : Ătude de lâutilisation du signe « moins » dans les rĂ©ductions polynomiales et la rĂ©solution dâĂ©quations du premier degrĂ© Ă une inconnue, berne, thĂšse, Peter Lang, 2010.
deMonty I. et al., DiffĂ©rencier en mathĂ©matiques au dĂ©but de lâenseignement secondaire, activitĂ©s dâenseignement et fiches conceptuelles, aout 2021.
https://www.hel.be/wp-content/uploads/2022/10/H e L- d oc-enseignant- a nn%C3% a 9e-2Vf-2022.pdf
Quand une expression algébrique intervient dans une relation particuliÚre entre des grandeurs, on parle de formule.
â La formule pour exprimer le pĂ©rimĂštre (P) dâun carrĂ© en fonction de la longueur de son cĂŽtĂ© (c) est P = 4c.
â La formule liant le nombre de faces (F), dâarĂȘtes (A) et de sommets (S) dâun polyĂšdre convexe est S + F = A + 2.
Une valeur numĂ©rique dâune expression algĂ©brique est obtenue en remplaçant les lettres par des nombres dans lâexpression algĂ©brique et en effectuant les opĂ©rations. une expression algĂ©brique peut prendre plusieurs valeurs en fonction des valeurs donnĂ©es aux nombres gĂ©nĂ©ralisĂ©s.
â Si a = -3 et b = 1 2 , la valeur numĂ©rique de 5aÂČb est 22,5.
â Si a = 2,5 et b = 4, la valeur numĂ©rique de 5aÂČb est 125.
Les conditions dâexistence dâune expression algĂ©brique sont les conditions que doivent remplir les nombres gĂ©nĂ©ralisĂ©s de lâexpression algĂ©brique pour que les opĂ©rations puissent ĂȘtre effectuĂ©es.
â La condition dâexistence de lâexpression a b est « b est un rĂ©el non nul (b â â0) ».
â La condition dâexistence de lâexpression y est « y est un rĂ©el positif (y â â+) ».
1.3. Les monĂŽmes et polynĂŽmes
â Les monĂŽmes
Un monÎme est une expression algébrique dans laquelle la seule opération utilisée est la multiplication4 .
85axÂČ
abc
2bd
La partie littĂ©rale dâun monĂŽme est la partie du monĂŽme constituĂ©e par la (ou les) variable(s)5 ; lâautre partie est le coefficient du monĂŽme.
Dans 85axÂČ, 85 est le coefficient du monĂŽme et axÂČ est la partie littĂ©rale du monĂŽme. Deux monĂŽmes semblables sont des monĂŽmes qui possĂšdent la mĂȘme partie littĂ©rale.
2a et 4355a sont des monĂŽmes semblables parce quâils ont la mĂȘme partie littĂ©rale qui est a.
2a et 2aÂČ ne sont pas des monĂŽmes semblables parce que la partie littĂ©rale de 2a est a tandis que celle de 2aÂČ est aÂČ.
Les lettres dans les monĂŽmes sont conventionnellement Ă©crites dans lâordre alphabĂ©tique pour repĂ©rer plus facilement les monĂŽmes semblables.
â Les polynĂŽmes
Un polynĂŽme est une somme de monĂŽmes.
â Le polynĂŽme 3xÂČ + 4y est une somme de deux monĂŽmes. Il est Ă deux variables (x et y).
Le polynĂŽme 2a + 3 est une somme de deux monĂŽmes (dont un est une constante). Il est Ă une variable (a).
Le polynĂŽme 2a + 3b â 4a est une somme de trois monĂŽmes. Il est Ă deux variables (a et b).
â
Le polynĂŽme 8xy + 4 â 5xÂČ â 11xy â 2 + 7y est une somme de 6 monĂŽmes. Il est Ă deux variables (x et y).
4 La constante 5 peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un monĂŽme si elle est vue comme 5 1.
5 On accepte ici lâemploi du mot « variable » au lieu de « nombre gĂ©nĂ©ralisĂ© », car les monĂŽmes et les polynĂŽmes sont principalement utilisĂ©s dans le cadre des Ă©tudes de fonction.
Les polynĂŽmes des deux premiers exemples sont rĂ©duits. Les deux autres ne le sont pas. RĂ©duire un polynĂŽme ou une expression algĂ©brique revient Ă additionner ou Ă soustraire les monĂŽmes semblables (de mĂȘme partie littĂ©rale). Un polynĂŽme rĂ©duit est un polynĂŽme qui ne contient plus de monĂŽmes semblables.
â Le polynĂŽme 2a + 3b â 4a se rĂ©duit en 3b â 2a.
â Le polynĂŽme 8xy + 4 â 5xÂČ â 11xy â 2 + 7y se rĂ©duit en -5xÂČ â 3xy + 7y + 2. un polynĂŽme (Ă une variable) est dit ordonnĂ© lorsque les monĂŽmes qui le composent sont Ă©crits par ordre croissant ou dĂ©croissant de degrĂ©6
â Le polynĂŽme 13aÂČ â 6a est ordonnĂ©.
â Le polynĂŽme 8x â xÂČ + 2 nâest pas ordonnĂ©, mais il est Ă©quivalent aux polynĂŽmes -xÂČ + 8x + 2 et 2 + 8x â xÂČ qui, eux, sont ordonnĂ©s.
Un binĂŽme est un polynĂŽme rĂ©duit constituĂ© de deux monĂŽmes. deux binĂŽmes conjuguĂ©s sont des binĂŽmes dont un terme est commun et dont lâautre terme diffĂšre uniquement par son signe.
a + b et a â b
2xy â x et -2xy â x
x â 1 et x + 1
Un trinÎme est un polynÎme réduit constitué de trois monÎmes.
1.4. LâĂ©galitĂ©
Deux expressions algĂ©briques Ă©quivalentes sont des expressions algĂ©briques qui ont la mĂȘme valeur numĂ©rique, quel que soit le nombre par lequel on remplace chaque lettre (en remplaçant chaque fois la mĂȘme lettre par le mĂȘme nombre).
(n â 1) + n + (n + 1) et 3n sont Ă©quivalentes vu les propriĂ©tĂ©s dâassociativitĂ© et de commutativitĂ© de lâaddition, car, quel que soit le nombre par lequel on remplace n dans les deux expressions, on obtient toujours la mĂȘme valeur numĂ©rique.
On exprime cette Ă©quivalence en Ă©crivant le signe « = » entre les deux expressions. Ce signe dâĂ©galitĂ© reprĂ©sente une Ă©quivalence algĂ©brique et de nombreuses Ă©galitĂ©s numĂ©riques.
(n â 1) + n + (n + 1) = 3n
Si on remplace n par 1, on obtient 0 + 1 + 2 = 3 â 1 ; si on remplace n par 23, on obtient 22 + 23 + 24 = 3 â 23 ; si on remplace n par 117, on obtient 116 + 117 + 118 = 3 â 117 ; âŠ
Les expressions situĂ©es de part et dâautre du symbole « = » sont les membres de lâĂ©galitĂ©. Ă gauche du symbole se trouve le premier membre, Ă droite du symbole se trouve le deuxiĂšme membre.
Pour vĂ©rifier que deux expressions algĂ©briques sont Ă©quivalentes en mettant lâaccent sur la vision algĂ©brique de lâĂ©galitĂ©, il faut sâappuyer sur les propriĂ©tĂ©s des opĂ©rations (comme dans le premier exemple) plutĂŽt que sur les valeurs numĂ©riques de chacun des membres (comme dans le deuxiĂšme exemple).
6 Le degrĂ© dâun monĂŽme est la puissance Ă laquelle la variable est Ă©levĂ©e.
Pourquoi dĂ©velopper la pensĂ©e algĂ©brique dĂšs lâĂ©cole primaire ?
> LâarithmĂ©tique constitue un terreau fertile pour la pensĂ©e algĂ©brique, il serait regrettable de ne pas saisir cette opportunitĂ©. Les occasions sont nombreuses de mettre en place un raisonnement proche dâun raisonnement algĂ©brique, habituant de ce fait les Ă©lĂšves Ă penser autrement et ainsi faciliter la transition vers lâapprentissage de lâalgĂšbre formelle. Il ne sâagit pas dâajouter des contenus ni dâaborder lâalgĂšbre dĂšs le primaire, mais bien dâenrichir les activitĂ©s dĂ©jĂ proposĂ©es aux Ă©lĂšves pour envisager les choses sous un autre angle. Par exemple, les activitĂ©s de partages inĂ©quitables (ou inĂ©gaux) ou celles de gĂ©nĂ©ralisation sont particuliĂšrement pertinentes pour mettre en avant les quantitĂ©s indĂ©terminĂ©es et les relations entre elles.
> multiplier les expĂ©riences amĂšne les Ă©lĂšves Ă crĂ©er des liens, Ă repĂ©rer des diffĂ©rences et Ă gĂ©nĂ©raliser, ce qui constitue un pas vers le dĂ©veloppement de lâabstraction. Prendre le temps dâanalyser diffĂ©rentes situations ou diffĂ©rents problĂšmes pour rĂ©flĂ©chir Ă la maniĂšre de reprĂ©senter des quantitĂ©s indĂ©terminĂ©es et les relations entre elles, de comparer les façons de symboliser ces Ă©lĂ©ments, de donner du sens aux opĂ©rations est possible au primaire. Passer trop rapidement Ă un formalisme mathĂ©matique, parfois obscur, empĂȘche les Ă©lĂšves dâaccĂ©der Ă la richesse de ces concepts. Promouvoir la comprĂ©hension des Ă©tapes du raisonnement plutĂŽt que le mĂ©canisme de calcul, mĂȘme sur des nombres, met les Ă©lĂšves sur la voie de cette abstraction. IntĂ©grer la multiplication par 9, 99, 11 ou 101 dans un contexte plus large de dĂ©composition de nombres et de distributivitĂ© plutĂŽt que faire retenir mĂ©caniquement quatre rĂšgles particuliĂšres telles que « multiplier par 9, câest multiplier par 10 puis enlever une fois le nombre » concourt Ă cette mise en lien.
> Le sens « équivalence » du signe dâĂ©galitĂ© mĂ©rite dâĂȘtre travaillĂ© de maniĂšre consciente et explicite avec les Ă©lĂšves. en effet, quand on rĂ©sout des Ă©quations ou quâon simplifie des expressions algĂ©briques, le signe dâĂ©galitĂ© ne signifie pas « donne comme rĂ©sultat », mais bien « est Ă©quivalent à  ». Ce sens peut Ă©galement ĂȘtre travaillĂ© dans le domaine des nombres, par exemple, quand on met un signe dâĂ©galitĂ© entre deux expressions numĂ©riques qui donnent le mĂȘme rĂ©sultat, notamment lors du travail sur la dĂ©composition ou la compensation (voir OpĂ©rations et calcul § 7.5.).
17 + 26 = 20 + 23
42 + 33 = 40 + 30 + 2 + 3
9 Ă 58 = (10 â 1) Ă 58 = 10 Ă 58 â 1 Ă 58
Ce travail sur lâĂ©galitĂ© permet aussi dâhabituer les Ă©lĂšves Ă repĂ©rer les relations entre les nombres et expressions numĂ©riques, Ă analyser les opĂ©rations, pour ainsi dĂ©passer la dĂ©marche calculatoire et pour entrainer la dĂ©marche algĂ©brique, relationnelle.
Multiplier par 10 puis diviser par 2 revient Ă multiplier par 5.
Multiplier par 2 puis par 3 et ensuite diviser par 6 revient Ă multiplier par 1.
Ajouter 6 puis multiplier par 2 ne donne pas le mĂȘme rĂ©sultat que multiplier par 2 puis ajouter 6.
Le sens « équivalence » de lâĂ©galitĂ© doit Ă©galement ĂȘtre convoquĂ© dans la dĂ©construction de fausses Ă©galitĂ©s telles que 23 + 64 = 23 + 60 = 83 + 4 = 87 dans cette suite dâĂ©galitĂ©s, le symbole tend plutĂŽt Ă signifier « donne comme rĂ©sultat » et suit le fil des calculs, mais cette Ă©criture engendre de fausses Ă©galitĂ©s intermĂ©diaires. Le recours Ă lâimage de balances ou de bandelettes, pour reprĂ©senter lâĂ©quivalence, peut aider.
> Le travail sur des quantitĂ©s indĂ©terminĂ©es, tant dans des activitĂ©s de gĂ©nĂ©ralisation quâen rĂ©solution de problĂšme, est un bon tremplin vers lâalgĂšbre. Il permet de susciter un questionnement sur la maniĂšre de les reprĂ©senter : peut-on utiliser nâimporte quel symbole (comme ⥠, Ëœ , * ou âŠ) ? si deux quantitĂ©s sont indĂ©terminĂ©es, peut-on utiliser le mĂȘme symbole pour les deux ? Y a-t-il un lien entre elles ?
en rĂ©solution de problĂšme, câest plus la quantitĂ© indĂ©terminĂ©e en tant quâinconnue qui est abordĂ©e.
Lucile a 10 cartes de plus que Marion.
Ensemble, elles en ont 80. Combien de cartes ont-elles chacune ? dans ce type de problĂšme, au-delĂ de la rĂ©solution numĂ©rique et technique du problĂšme, câest bien la reprĂ©sentation du problĂšme, des donnĂ©es et des liens entre elles qui est intĂ©ressante. avant de passer au calcul, comprendre quâil y a deux quantitĂ©s indĂ©terminĂ©es, mais quâelles sont liĂ©es par lâexpression « 10 de plus » est tout lâenjeu du problĂšme. RĂ©aliser un schĂ©ma peut ĂȘtre utile Ă ce stade. Par exemple :
Marion Lucile
80 +10
Pour trouver le nombre de cartes de marion, les élÚves réalisent souvent deux calculs.
80 â 10 = 70
70 : 2 = 35
Le raisonnement est bien celui de la rĂ©solution dâune Ă©quation mĂȘme si celle-ci nâapparait pas formellement.
Le passage au langage symbolique (mĂȘme non formel) est aussi un Ă©lĂ©ment sur lequel on peut sâarrĂȘter si on veut que la rĂ©solution de ce problĂšme travaille la pensĂ©e algĂ©brique des Ă©lĂšves.
Nombre de cartes de Marion âĄ
Nombre de cartes de Lucile ⥠+ 10
⥠+ 10 + ⥠= 80
⥠= 35
dans ce type de raisonnement, lâĂ©quation apparait davantage sous forme de « calcul Ă trous ». dans les activitĂ©s de gĂ©nĂ©ralisation, câest davantage la quantitĂ© indĂ©terminĂ©e en tant que nombre gĂ©nĂ©ralisĂ© qui est abordĂ©e.
4 carrés 7 carrés 10 carrés 13 carrés ? carrés ?
On cherche Ă dĂ©terminer le nombre de carrĂ©s dâun dessin en fonction de son « numĂ©ro » (ou inversement), et ce, quel que soit ce numĂ©ro. LâintĂ©rĂȘt de ce type dâactivitĂ© rĂ©side surtout dans la maniĂšre adoptĂ©e par les Ă©lĂšves pour exprimer la rĂ©gularitĂ© quâils repĂšrent et pour expliquer comment on peut trouver le nombre de carrĂ©s nĂ©cessaires pour rĂ©aliser nâimporte quel dessin de la suite. LâidĂ©al serait de faire Ă©voluer un raisonnement arithmĂ©tique (ajouter 3 carrĂ©s dâun dessin Ă lâautre) vers un raisonnement algĂ©brique (multiplier le numĂ©ro du dessin par 3 et ajouter 1), sans pour autant nĂ©cessairement le formaliser en 3 n + 1.
deMonty I., VLassis j., DĂ©velopper lâarticulation arithmĂ©tique-algĂšbre entre le primaire et le secondaire, mont-saint-Guibert, de boeck Van In, coll. math & sens, 2018.
Chapitre 1, calcul sur les nombres, égalité et sens des opérations.
Chapitre 2, les activités de généralisation basées sur des suites numériques.
Chapitre 3, résolution de problÚmes et équations.
RaDForD L, deMers s., miranDa I., Processus dâabstraction en mathĂ©matiques, RepĂšres pratiques et conceptuels, Imprimeur de la Reine pour lâOntario et universitĂ© Laurentienne, 2009. disponible sur https://www.researchgate.net/publication/319089767_Processus_dâabstraction_en_mathematiques. VeLz e., Initiation aux mathĂ©matiques par le bon usage des doigts, Louvain-La-neuve, academia, 2020.
Chapitre 7, le sens du signe « = ». Chapitre 8, les opérations à trous.